Accueil Séances
plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Bibliographie et
liens Note
d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du lundi 18
décembre 1843
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre
2)
Projet de loi accordant un crédit provisoire au
budget du département de la guerre pour l’exercice 1844 (Mercier)
3)
Projet de loi portant le budget du département des finances pour l’exercice
1844
4)
Projet de loi fixant le contingent de l’armée pour 1844
5)
Projet de loi portant le budget du département des affaires étrangères pour
l’exercice 1844
a)
Discussion générale (Economies à réaliser sur ce budget (légations de La Haye,
de Francfort, de Rome, de Madrid, de Barcelone, traité de commerce avec
l’Espagne)) (Delehaye, Osy)
b)
Discussion des articles (Ordre de Léopold (Angillis, Goblet d’Alviella), légation de Francfort (Osy,
Goblet d’Alviella), économies à réaliser sur le
personnel diplomatique et consulaire (Delehaye, de La Coste, Delehaye, (+
résultats des négociations commerciales) de Chimay et Goblet d’Alviella), légation de la Haye (Osy,
Goblet d’Alviella), légation de Rome (de Tornaco, Goblet d’Alviella, de Tornaco, de Mérode), traité
de commerce avec l’Espagne (Goblet d’Alviella),
traitements des agents consulaires (Osy), traitements des agents
politiques et consulaires en inactivité (Goblet d’Alviella))
6)
Projet de loi portant le budget du département de la marine pour l’exercice
1844. Société de colonisation de Santo-Thomas (Sigart, Goblet d’Alviella, de Mérode, Delehaye, Nothomb, Sigart), économies à faire sur ce budget et utilité de la
marine belge (Osy, Goblet d’Alviella,
Osy, Goblet d’Alviella), entretien
de la British Queen (Vandensteen,
Osy, de La Coste, Goblet d’Alviella)
7)
Projet de loi sur le sel (Mercier)
(Moniteur
belge n°353, du 19 décembre 1843)
(Président de M. Liedts)
M. de Renesse fait l’appel nominal à 1 heure et demie.
Entre l’appel nominal et le réappel, il est procédé au tirage des sections pour le mois
de décembre.
M. Dedecker donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en
est adoptée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre :
PIECES ADRESSEES A
« Les sieurs Vermin,
Kannegiesser et Heenens,
commissaires de police de Tongres, St.-Trond et Hasselt, demandent que dans le
projet de loi sur les traitements de l’ordre judiciaire, il soit inséré une
disposition tendant à accorder une indemnité aux commissaires de police faisant
fonctions de ministère public. »
- Dépôt sur le bureau pendant la
discussion du projet de loi.
_______________________
« La veuve du sieur Rohers, garde du génie de première classe, réclame
l’intervention de la chambre pour obtenir un secours. »
- Renvoi à la commission des
pétitions.
_______________________
« Les sauniers et marchands de
sel de Furnes présentent des observations concernant le projet de loi sur le
sel, et demandent qu’on leur accorde la libre circulation du sel raffiné. »
« Les sieurs Vermeire et Van Acker,
sauniers à Rupelmonde, présentent des observations
contre les dispositions du projet de loi sur le sel, qui tendent à limiter la
faculté de puiser l’eau de mer et à soumettre cette eau à un droit
d’accise. »
- Dépôt sur le bureau pendant la
discussion du projet de loi sur le sel.
______________________
« Plusieurs propriétaires et
cultivateurs de la province de Hainaut présentent des observations contre le
projet de loi sur les céréales. »
- Renvoi à la section centrale
chargée d’examiner le projet.
______________________
« Le sieur Jean Deppé, sous-lieutenant garde d’artillerie de 3ème classe à
Huy, né à Groningue Pays-Bas, demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à M. le ministre de la
justice.
______________________
« Quelques artistes vétérinaires
prient la chambre de s’occuper de la loi sur la médecine vétérinaire, présentée
par l’Académie royale de médecine. »
- Renvoi à la commission des
pétitions.
______________________
« Le sieur Arpon, trompette au
2ème régiment de chasseurs à cheval, prie la chambre de statuer sur sa demande
en naturalisation. »
- Renvoi à la commission des
naturalisations.
______________________
Par divers messages en date du 15 décembre
courant, le sénat informe la chambre qu’il a adopté 8 projets de loi conférant
la naturalisation ordinaire.
- Pris pour notification.
______________________
Par message en date du 16 décembre,
le sénat informe la chambre qu’il a donné son adhésion au projet de loi
allouant un crédit complémentaire au département de la guerre pour le solde de
ses dépenses de l’exercice 1843.
- Pris pour notification.
______________________
La commission royale d’histoire fait
hommage à la chambre d’un nouveau volume des chroniques belges inédites.
- Dépôt à la bibliothèque.
PROJET DE LOI ACCORDANT UN
CRÉDIT PROVISOIRE AU BUDGET DU DÉPARTEMENT DE LA GUERRE POUR L’EXERCICE 1844
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, l’époque avancée de l’année ne permettant guère d’espérer
que le budget du département de la guerre puisse être discuté avant le premier
janvier, nous venons vous présenter un projet de loi tendant à accorder à ce
département un crédit provisoire de 4 millions de francs, à valoir sur son
budget de l’exercice 1844.
Messieurs, parmi les économies qui
sont proposées par le gouvernement sur le budget de la guerre, il en est
plusieurs qui ne pourront se réaliser que lorsque ce budget sera voté. Nous
nous permettons donc d’engager et la section centrale et la chambre de procéder
le plus tôt possible à l’examen de ce budget.
- Il est donné acte à M. le ministre
des finances de la présentation de ce projet de loi ; il sera imprimé et
distribué. La chambre en renvoie l’examen à la section centrale chargée
d’examiner le budget de la guerre.
PROJET
DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DÉPARTEMENT DES FINANCES POUR L’EXERCICE 1844
M. Zoude présente le rapport de la section centrale sur le budget du département
des finances,
- Ce rapport sera imprimé et
distribué, Il sera discuté après les autres budgets déjà mis à l’ordre du jour.
PROJET
DE LOI FIXANT LE CONTINGENT DE L’ARMÉE POUR L’ANNÉE 1844
M. Pirson. - Messieurs, la section centrale à laquelle vous avez renvoyé le
projet de loi sur le contingent de l’armée, m’a chargé de vous présenter son
rapport.
- Ce rapport sera imprimé et
distribué.
M. le président. - A quel jour la chambre veut-elle fixer la discussion de ce projet ?
M. Rodenbach. -
Après le budget des affaires étrangères ; c’est un objet urgent.
M. de Garcia. - Il est bien entendu que l’on ne s’occupera pas aujourd’hui de ce
projet. Je fais cette observation parce qu’il se pourrait que la discussion du
budget des affaires étrangères ne prît pas toute la séance.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je demande qu’on fixe la
discussion du projet sur le contingent de l’armée, à demain, à l’ouverture de
la séance, pourvu que le rapport soit distribué ce soir.
- Cette proposition est adoptée.
Discussion
générale
M. le président. - L’ordre du jour appelle la discussion des budgets des affaires
étrangères et de la marine.
La discussion générale est ouverte.
M. Delehaye. - Messieurs, dans la discussion générale du budget des voies et
moyens, plusieurs orateurs ont cru devoir proposer au gouvernement différents
projets de loi financiers destinés à balancer le déficit. Je ne vois pas, quant
à moi, que nous soyons dans la nécessité d’avoir recours à de nouveaux projets
de loi, et que les lois qui nous régissent sont suffisantes pour faire face à
nos dépenses, si l’on limite ces dépenses à de justes bornes.
Plusieurs fois déjà mes honorables
amis et moi nous vous avons proposé des économies qui quelquefois ont été
trouvées justes, mais qui néanmoins n’ont jamais été admises. Il ne se passe
pas d’années que, de tous les bancs de cette chambre, on ne proclame la
nécessité d’économies ; mais il ne se passe pas d’années non plus que l’on
n’accorde avec assez de légèreté les allocations qui sont demandées.
J’ai proposé l’année dernière des
réductions assez fortes sur le budget de la guerre. J’en proposerai encore
cette année-ci. Mais je crois que, pour être conséquent, je dois en faire
autant pour ce qui concerne le budget des affaires étrangères.
Je vais encore aujourd’hui justifier
les motifs qui m’engagent à vous proposer des suppressions qui sont de nature à
entraîner de grandes économies.
Messieurs, le gouvernement nous a
fourni lui-même les moyens de prouver que des économies sont possibles. L’on ne
peut plus justifier certains de ses actes sans en conclure que l’on peut
arriver à des réductions considérables sur le budget qui nous occupe.
Depuis la révolution
Et, en effet, toutes les fois qu’il
se présente une question grave, une question de nature à compromettre les
intérêts de notre commerce et de notre industrie, ou la position de neutralité
de
Une autre convention, également
importante, a été conclue avec
Si de la France je passe à Rome j’y
trouve un argument bien plus important contre la manière d’agir que nous avons
adoptée. Nous avons un ministre plénipotentiaire à Rome ; mais il n’y passe
qu’une très petite partie de l’année. Il vient passer tout l’été en Belgique et
n’habite Rome que l’hiver, c’est-à-dire qu’il se borne à aller se reposer dans
cette capitale des jouissances de la saison d’été.
Vous voyez donc qu’il est de la plus
complète inutilité d’avoir un ministre plénipotentiaire qui reçoit toute
l’année un traitement, tandis qu’il est la plupart du temps dans
l’impossibilité de nous rendre des services.
Messieurs, il y a quelque temps on a prétendu
qu’une des plus importantes missions était celle de Francfort. Dans mon
opinion, au contraire, c’est une des moins importantes. Ce n’est pas, en effet,
à Francfort que se traitent les questions commerciales. Il vaudrait beaucoup
mieux s’adresser à une des grandes puissances qui font partie de
Ce qui prouve d’ailleurs combien le
poste de Francfort est peu important, c’est qu’il a été vacant pendant près de
deux ans. Messieurs, si une mission ne nécessite pas la présence d’un agent
permanent, si les affaires qu’on y traite sont de telle nature qu’on peut les
traiter par des commissaires spéciaux, est-il bien nécessaire d’allouer au
budget des sommes assez fortes, alors qu’une partie de ces sommes pourrait être
économisée sans résultats fâcheux pour le pays ?
Messieurs, après avoir parcouru une
partie de nos grandes missions, j’en viens à celle d’Espagne.
Nous avons un chargé d’affaires à
Madrid, et je suis heureux de pouvoir ici lui témoigner toute ma reconnaissance
; je sais qu’il a défendu les intérêts de la province que je représente, avec
beaucoup d’énergie et d’à-propos. Mais comment se fait-il qu’à côté de ce charge d’affaires qui avait rendu certains services au
pays, on ait envoyé un agent consulaire qui ne pouvait servir qu’à contrecarrer
ses opérations, sans utilité réelle pour
Nous avons, messieurs, un autre
consul à Barcelone, c’est un négociant qui y est établi. Eh bien, savez-vous
comment il s’est conduit vis-à-vis des Belges, lors des deux bombardements qui
y ont eu lieu. Je connais une maison de commerce belge fixée dans cette ville ;
croiriez-vous qu’elle n’a pas eu avis par le consul belge du bombardement qui
devait avoir lieu ? C’est par le consul français que nos nationaux ont été
informés des événements qui se préparaient.
Mais il est un autre fait beaucoup
plus grave encore, que l’on reproche à cet agent. Ce consul, messieurs, est
chargé de défendre les intérêts des Belges, il est nommé pour surveiller les
exigences de notre commerce et de notre industrie. Or, savez-vous ce qui est
arrivé ? et je dois appeler l’attention de M. le ministre des affaires
étrangères sur ce point, c’est que cet agent, chargé spécialement de défendre
les intérêts commerciaux de
Cette maison de Gand s’était adressée
à notre agent consulaire à Barcelone, et celui-ci a fait manquer l’opération.
Il l’a fait manquer de telle manière qu’il est désormais impossible qu’on la
recommence.
Ne croyez pas, messiers, que je
vienne ici lancer une accusation à la légère. Je ne me suis chargé de vous
dénoncer la conduite de ce consul, qu’après avoir vu le jugement de agents
consulaires qui le condamnait pour avoir agi d’une manière non seulement peu
favorable à nos intérêts, mais tout à fait déloyale. Les autorités espagnoles
elles-mêmes ont condamné la conduite de notre consul. Cependant je ferai
remarquer que l’Espagne est connue pour sa grande probité. En fait de commerce,
il n’est pas de pays avec lequel on puisse traiter avec plus de confiance.
J’ai dit, il n’y a qu’un instant, que
je me proposais d’interpeller M. le ministre des affaires étrangères sur nos
relations avec l’Espagne, et notamment sur la convention que nous avons
conclue, il y a quelque temps, avec ce pays. Je sais que l’Espagne se trouve
dans une position de nature à pouvoir peu s’occuper de traités ; mais ce n’est
pas un motif pour que nous n’employions pas tous les moyens nécessaires pour
amener la ratification de cette convention. J’ai la persuasion intime que
lorsqu’il sortira son effet, ce traité sera pour nous d’un grand avantage.
J’engagerai donc le gouvernement à
prendre toutes les mesures qui sont en son pouvoir, pour amener le gouvernement
espagnol à donner son assentiment au traité.
Avant de terminer, je dois,
messieurs, appeler votre attention sur un autre point.
Dans le cours de l’été dernier, le
gouvernement français a fait une convention avec le cabinet de Turin. Cette
convention porte un coup funeste à notre librairie dont les produits ne peuvent
plus entrer dans le royaume de Sardaigne.
Je demanderai à M. le ministre
des affaires étrangères si la diplomatie belge qui n’a pas conquis de grands
titres à notre bienveillance, quoiqu’elle soit assez bien payée, n’a pas
cherché à paralyser le coup porté à notre commerce de librairie par la
convention conclue entre la France et le cabinet de Turin.
En résumé, je déclare voter contre le
budget des affaires étrangères aussi longtemps que le gouvernement n’aura pas
modifié nos différentes légations.
M.
Osy. - Messieurs, lors de la discussion
du budget des affaires étrangères pour l’année 1843, j’avais proposé un
amendement qui tendait à réduire les dépenses de ce budget, jusqu’à concurrence
d’une somme de 90,000 francs. Cet amendement n’ayant pas été adopté, je ne
compte pas le reproduire cette année. Mais j’appuie de toutes mes forces ce qui
vient d’être dit par l’honorable M. Delehaye. Il est hors de doute que nous
pourrions faire de notables économies sur plusieurs de nos légations.
Je demanderai à M. le ministre des
affaires étrangères si le poste de
- Personne ne demandant plus la
parole, la discussion générale est close.
On passe à la discussion des
articles.
Discussion
des articles
CHAPITRE PREMIER. -
Administration centrale
Articles 1 à 5
« Art. 1. Traitement du ministre
: fr. 21,000.
« Frais de représentation (pour
mémoire) »
« Art. 2. Traitements des
fonctionnaires, employés et gens de service : fr. 62,000 »
« Art. 3. Frais des commissions
d’examen : fr. 2,000 »
« Art. 4. Pensions à accorder à
des fonctionnaires, employés et gens de service : 2,000 »
« Art. 5. Matériel : fr.
32,000 »
- Ces divers articles sont
successivement adoptés sans discussion.
« Art. 6. Achat de décorations
de l’ordre Léopold : fr. 10,000 »
M. Angillis. - Dans la section à laquelle j’appartiens, j’avais proposé de biffer
cet article du budget. L’honorable M. Delfosse, modifiant ma proposition, a
demandé que le chiffre fût réduit à la moitié. La section centrale ayant rejeté
cette réduction, je me trouve forcé de refuser mon assentiment au budget des
affaires étrangères. Je tenais à donner cette petite explication, pour qu’on ne
se méprît pas sur les motifs de mon vote qui, comme je viens de le dire, sera
négatif.
M. le ministre des affaires
étrangères (M. Goblet d’Alviella) - Je
ne puis, messieurs, que répéter à la chambre ce que j’ai déjà déclaré à la
section centrale ; la somme demandée pour achat de décorations sera épuisée en
1843, comme elle l’a été en 1842.
La plus forte partie de cette somme a
été employée à l’acquisition de décorations données, à l’étranger, à des personnages plus ou moins éminents,
comme un témoignage de la bienveillance du Roi. Vous ne devez pas douter,
messieurs, que la haute intelligence qui a ces marques de faveur à sa
disposition, n’en fasse usage dans la mesure la plus convenable.
Nous devons nous féliciter du prix
qu’y attachent les hauts fonctionnaires et les hommes politiques des nations
étrangères, et nous ne devons pas négliger de rappeler
Un Etat jeune et ayant besoin
d’étendre et d’affermir ses relations, est intéressé à rattacher à lui, par un
lien de reconnaissance, les hommes qui peuvent le servir directement ou
indirectement.
J’aime à croire que ce peu de mots
contribuera à vous déterminer à voter le crédit dont il s’agit, tel qu’il vous
a été demandé.
J’ose assurer, quoi qu’on en puisse
dire, que c’est une somme très productive.
- Personne ne demandant plus la
parole, l’art. 6 est mis aux voix et adopté.
CHAPITRE II. - Traitements des
agents diplomatiques
Article premier
« Art. 1er. Autriche : fr.
40,000 »
- Adopté.
« Art. 2. Confédération
germanique : fr. 40,000 »
M. Osy. - Messieurs, il paraît que nous avons maintenant un grand nombre de
secrétaires d’ambassade qui ne sont pas placés et à qui nous payons des
traitements d’attente. Il faudrait, autant que possible, les employer. Si l’on
nomme constamment des personnes qui n’ont pas été dans la partie, vous sentez
qu’on décourage ces jeunes gens qui sont en fonctions depuis plusieurs années. ll y a à Francfort un secrétaire
d’ambassade qui a rempli les fonctions de chargé d’affaires, et qui pendant
deux ans a rendu de grands services. Maintenant il est revenu, et il n’est pas
replacé. Il y en a beaucoup qui sont en inactivité. Je répète de nouveau qu’il
faudrait tâcher, autant que possible, de les employer de nouveau, et de ne pas
les laisser ainsi à la demi-solde.
M. Rodenbach. -
Mais s’il n’y a pas de places disponibles !
M. le ministre des affaires
étrangères (M. Goblet d’Alviella) -
Je crois, messieurs, que les doutes qui se sont élevés sur l’utilité de la légation
de Francfort proviennent de ce que l’on ne se rend pas bien compte de la
constitution politique et de l’organisation commerciale d’une grande partie de
l’Allemagne.
Il est cependant quelques
considérations qu’il suffit d’énoncer pour démontrer la convenance d’une
légation dans la résidence de la diète germanique.
On sait qu’il y a quelques années, il
existait plusieurs associations de douanes en Allemagne ; en 1828, on en
comptait trois : la ligne prussienne, la ligne saxonne, la ligne bavaroise. Grâce
aux efforts du cabinet de Berlin, ces deux dernières se sont successivement
fondues dans celle dont le cabinet était l’âme. Maintenant l’association qu’il
dirige comprend presque toute l’Allemagne. Il n’est resté en dehors que
l’Autriche, d’une part, et de l’autre, le Hanovre, l’Oldenbourg, les deux
Mecklembourg, le Holstein, les villes libres de Brême, Hambourg et Lubeck.
Cette réunion de tant d’Etats, qui
n’a été obtenue qu’à l’aide de longs efforts, n’a pu s’effectuer sans laisser
après elle quelques traces de différence d’intérêts qui avaient d’abord mis
obstacle à sa réalisation. D’un autre côte, le Zollverein ne prend ses
résolutions qu’à l’unanimité, et, par conséquent, il suffit du refus d’adhésion
d’un des coassociés, pour tout arrêter.
De ce double fait ressort la haute
utilité, pour une puissance étrangère qu’intéresse directement la politique
commerciale allemande, d’avoir un facile accès près de tous les Etats
confédérés, de posséder sur tous des moyens permanents d’influence. Chacun
d’eux pouvant, dans une circonstance donnée, porter aide ou préjudice à nos
intérêts par l’exercice de ce qu’on peut appeler son droit de veto, il importe
de ne pas en négliger un seul.
Je me garderai bien de tirer de là
l’induction qu’il est essentiel de multiplier encore le nombre de nos agents
diplomatiques.
Non, sans doute : il ne faut rien
exagérer. Mais je dis qu’il faut maintenir soigneusement ce que nous avons
établi, c’est-à-dire, conserver un petit nombre de légations accréditées près
de plusieurs gouvernements à la fois.
Parmi les Etats composant le
Zollverein, ii n’existe pas, sur tous les points indistinctement, une
communauté parfaite de tendances et de vues il y a des divergences d’intérêt
entre les Etats du Nord et ceux du Midi.
Eh bien, cette espèce de ligne de
démarcation sert de base à l’organisation de notre diplomatie en Allemagne.
Nous avons, au nord, notre légation
de Berlin, qui comprend
Nous avons au midi, la légation de
Francfort, qui comprend l’électorat de Hesse-Cassel, les grands-duchés de Bade
et de Hesse-Darmstadt et le duché de Nassau.
En outre, indépendamment de la
mission en Autriche, qui se trouve dans une situation toute spéciale, vu le
caractère mixte de cet empire et sa haute influence en Europe, nous avons celle
de Hambourg, qui s’étend précisément sur les Etats allemands restés en dehors
de la ligue prussienne. Je veux dire : le Hanovre, le Mecklembourg,
l’Oldenbourg et les villes anséatiques.
On peut voir par ces explications que
la distribution de notre corps diplomatique en Allemagne est conforme à la
nature des choses et telle que l’exigent nos intérêts matériels.
Mais l’utilité de la mission de
Francfort, ne résulte pas seulement de cette circonstance, qu’elle exerce son
action sur les Etats du midi de l’Allemagne qui appartiennent au Zollverein,
mais aussi du rôle politique important qui est assigné à la diète germanique.
Celle-ci, dans des limites déterminées, exerce un droit de contrôle sur chacun
des Etats de la confédération, juge leurs différends, intervient en cas de
troubles intérieurs, peut déclarer la guerre, faire la paix, contracter des
alliances et négocier des traités de toute espèce.
Les attributions de la diète, comme
je le dis, sont très complexes et n’ont pas seulement de l’importance pour les
affaires intérieures de l’Allemagne. La position de cette assemblée doit donc
être prise en sérieuse considération, au point de vue des rapports
internationaux.
Si la moindre crainte de perturbation
en Europe peut donner, à l’instant, à la diète une grande influence, il est
également vrai, que sous l’empire des circonstances ordinaires, elle constitue
un des rouages essentiels de la politique allemande. N’en pas tenir compte
serait d’une haute imprudence. Toutefois, n’oublions pas que la mission de
Francfort ne peut être efficace qu’autant que son existence se lie à celle
d’autres missions.
Comme, dans le sein de la diète,
chaque membre peut prendre l’initiative d’une proposition et qu’en outre il ne
peut agir que suivant les instructions de sa cour, il y a action continuelle et
réciproque de la diète sur les divers gouvernements qu’elle représente, et de
ceux-ci sur la diète.
De là, la nécessité, pour un
Etat comme le nôtre, d’avoir des agents accrédités à Francfort et près des
autres membres de la confédération.
C’est ce motif qui a porté
Cet état de choses doit être
maintenu, si nous ne voulons compromettre l’ensemble de nos relations avec
l’Allemagne et nous priver, en partie du moins, des avantages qu’il nous est
permis d’en attendre.
M. Delehaye. - Messieurs, je suis loin de contester, que dans des cas donnés, la
diplomatie ne puisse rendre quelques services ; mais je conteste l’utilité
d’une diplomatie permanente et chèrement payée. M. le ministre des affaires
étrangères vient d’énumérer plusieurs cours du Nord où nous avons des agents
diplomatiques, et il prétend que l’absence d’un agent diplomatique dans l’une
de ces cours pourrait y compromettre nos intérêts.
Je me bornerai à combattre cette
assertion par une seule observation, qui doit détruire tout l’échafaudage élevé
par M. le ministre des affaires étrangères.
Le gouvernement doit songer
sérieusement à réduire les dépenses de notre diplomatie. Mon intention étant de
me prononcer pour des réductions considérables dans le budget de la guerre, à
plus forte raison dois-je repousser toute dépense d’une complète inutilité. Je
déclare donc que je voterai contre le budget des affaires étrangères, aussi
longtemps que le gouvernement persistera à maintenir une diplomatie aussi
coûteuse. Nous devons en venir à d’autres principes. Nous devons imiter
M. de La Coste,
rapporteur. - Messieurs, puisque l’on vient de
rentrer dans la discussion générale, j’éprouve le besoin de dire quelques mots
à l’assemblée. Toutefois le rapport de la section centrale a été tellement
développé que j’aurai peu de chose à y ajouter.
Je dirai, messieurs, dans quelle
position la section centrale a paru devoir se placer...
L’année dernière, j’eus également l’honneur
de vous présenter le rapport de cette section sur le budget des affaires
étrangères, mais il ne s’était élevé aucune objection
dans les sections contre les propositions du gouvernement. C’était donc, pour
ainsi dire, une affaire de forme. Ce n’est que dans la discussion qu’il s’est
élevé de semblables objections, que les rapports des sections n’avaient pas
fait prévoir. Chargé alors comme aujourd’hui de défendre le travail de la
section centrale, je me suis borné à rappeler ce qui avait été dit dans les
discussions précédentes et notamment par un ancien ministre des affaites
étrangères, l’honorable M. Lebeau, pour prouver qu’il n’y avait aucun luxe,
qu’il n’y avait rien d’exagéré dans la manière dont la diplomatie belge est
traitée : ces motifs ont paru suffisants, un amendement propose par l’honorable
M. Osy a été écarté.
Cette année-ci, les choses ne se
présentaient pas de la même manière ; il avait été fait des objections dans les
sections ; on avait soulevé des questions fondamentales, présenté des
amendements d’une manière radicale. La section centrale a voulu prouver son
respect pour toutes les opinions, même pour celles qu’elle ne partage pas, en
les examinant avec le plus grand soin. C’est ce qui a fait donner à ces
objections et aux réponses qui y ont été faites, une part très grande dans
notre rapport. Je ne crois pas devoir y ajouter de nouveaux développements. Il
en résulte que les charges de la diplomatie ne sont pas plus élevées pour notre
pays que pour la plupart des pays auxquels nous pouvons nous comparer, quelles
sont même moindres pour nous que pour quelques Etats ; en un mot, que sous ce
rapport, nos dépenses ne peuvent pas être considérées comme exorbitantes.
En effet, chaque Belge ne paie guère,
dans cette charge, que 20 ou 25 centimes ; certainement les habitants des pays
qui nous entourent paient tout au moins autant. Du reste, messieurs nous avons
cru devoir écarter les questions de personnes que l’on ne peut point éviter
lorsqu’on examine en détail les chiffres proposés pour chaque résidence. Nous
avons cru que quand il serait possible de faire quelques modifications, il ne
faudrait pas changer rapidement ce qui existe, il ne faudrait pas porter
rapidement atteinte aux positions établies, et qu’il serait fâcheux de voir
remises en question chaque année.
Nous plaçant à ce point de vue, nous
ne sommes point entrés comme on paraît l’avoir supposé, dans un débat
relativement au maintien de tel ou tel poste diplomatique, il peut y avoir eu à
cet égard, dans la section centrale, des conversations, mais il n’y a pas de
discussion, et la résolution a été de maintenir ce qui existe. Cependant il ne
résulte pas de l’opinion de la section centrale que toute économie soit
impossible.
L’honorable M. Delehaye a parlé de la
conduite répréhensible de notre agent consulaire à Barcelone. Je n’examinerai
point les faits en eux-mêmes ; MM. les ministres pourront s’expliquer à cet
égard mais si ces faits sont exacts et ont le caractère qui leur a été
attribué, je crois qu’il est facile de remonter à la source du mal.
Dans beaucoup de localités où il
serait important d’avoir des agents consulaires dépendant du gouvernement et
tout à fait dévoués aux intérêts belges, on est obligé, par des motifs
d’économie, d’employer des négociants du pays, qui ont quelquefois des intérêts
opposés aux nôtres. L’Angleterre a un tout autre système ; l’Angleterre a
partout des agents consulaires qui sont de véritables fonctionnaires publics,
qui dépendent uniquement du gouvernement anglais. Pour étendre autant ce
système que le fait l’Angleterre, il nous faudrait des ressources très
considérables, mais je crois que ce doit être un objet de la sollicitude du
gouvernement, d’avoir plus d’agents consulaires rétribués et dépendant de lui.
Quant aux négociants choisis sur les
lieux, quelques-uns d’entre eux peuvent sans doute s’acquitter avec beaucoup de
soin de leurs devoirs, mais en général ils ne sont pas aussi zélés pour les
intérêts belges que des agents rétribués. Si le gouvernement partageait cette
opinion, il se trouverait dans l’alternative, ou bien de proposer des
augmentations au budget des affaires étrangères, ou bien de trouver des
ressources au moyen de quelques économies à faire sur ce budget. Proposer
d’élever le chiffre du budget des affaires étrangères, ce serait là une
démarche qui n’aurait pas de grandes chances de succès, à moins que notre
situation financière ne fût fort améliorée. Je pense donc qu’il devrait avoir
recours aux économies, soit par la suppression ou la réunion d’emplois, soit de
toute autre manière.
Nous avons pense, cependant, qu’il
nous serait difficile d’apprécier quels sont précisément les postes
diplomatiques sur lesquels ces économies pourraient porter ; nous avons cru
qu’il fallait laisser cet objet aux soins du gouvernement.
Il est quelques postes diplomatiques
dont l’utilité est tellement saillante, qu’elle ne peut être contestée, à moins
que l’on ne conteste tout à fait l’utilité de la diplomatie ; or, c’est là une
doctrine qui serait, je pense, difficilement admise par la chambre. L’honorable
M. Delehaye a cité des occasions où des traités ont été négociés par des
commissions ; c’est que dans ces occasions, il s’agissait d’intérêts fort
compliqués sur lesquels il était difficile qu’un seul homme possédât toutes les
connaissances nécessaires ; mais peut-être pourrait-on citer aussi des
occasions où la multiplicité des négociateurs produit des effets peu conformes
à ce que l’on en attendait. Je crois qu’en règle générale un seul homme, mais
qui sait s’entourer des lumières de tous ceux qui peuvent lui en fournir, est
plus à même de conduire les négociations à bonne fin, que plusieurs personnes
agissant souvent avec peu d’accord et dans des vues divergentes.
Mais je le répète, nous
admettons la possibilité de quelques modifications que nous abandonnons à la
sagesse du gouvernement. Je pense qu’il pourrait, par exemple, se demander à
quoi sert un chargé d’affaires en Grèce. C’est là une question qui n’a point
été débattue dans la section centrale, et sur laquelle je n’ai point une
opinion arrêtée, mais en parcourant les résultats de la statistique commerciale
et en examinant les relations politiques que nous avons avec
M. Delehaye. - L’honorable rapporteur de la section centrale, répondant à ce que
j’ai dit relativement à notre agent consulaire à Barcelone, a dit que les
inconvénients signalés sous ce rapport doivent être attribués à l’usage où nous
sommes de confier ces fonctions à des maisons établies dans le pays. Eh bien,
je me joins à l’honorable rapporteur pour combattre cette manière de faire ; je
pense aussi qu’il serait très convenable, dans certaines localités, de confier
les fonctions de consuls à des personnes dévouées ; et je crois que l’on
pourrait parfaitement atteindre ce but sans augmenter le budget, des consuls
rétribués sont d’une utilité incontestable, mais on peut très bien rétribuer
des consuls sans surcharger le budget, il suffit de réduire les gros
appointements de certains agents diplomatiques, qui ne rendent aucun service au
pays. Remplacez, dans la plupart des résidences, vos ambassadeurs et vos
ministres plénipotentiaires, par de simples chargés d’affaires, alors vous
réaliserez des économies qui vous permettront de rétribuer vos agents
consulaires.
On a dit que dans certains cas il
pourrait être nuisible de faire traiter les affaires par des commissions. Je
n’ai pas prétendu qu’il faille envoyer partout des commissions ; je pense que
dans bien des cas une seule personne peut suffire, mais alors il y a encore
avantage à envoyer un fonctionnaire possédant une connaissance spéciale pour
traiter l’affaire dont il s’agit.
Quoi qu’il en soit, je ne pense pas
que l’on puisse soutenir qu’il y a utilité à envoyer dans les pays étrangers
des agents diplomatiques qui sont en Belgique sept ou huit mois par an. C’est
cependant ce qui existe aujourd’hui. Il y a plus, le gouvernement a accrédité
dans certains Etats allemands des agents diplomatiques qui, quoique nommés
depuis très longtemps, n’ont pas encore mis le pied dans les capitales où ils
doivent résider ; par exemple, je ne sache point que notre agent se soit déjà
rendu à Hambourg.
Je pense donc, messieurs, que
l’on pourrait très bien supprimer la plupart de nos ministres
plénipotentiaires, pour employer les fonds que l’on économiserait par là, à
rétribuer les agents consulaires qui peuvent rendre de très grands services au
pays en donnant de l’extension à nos relations commerciales. Quant aux intérêts
politiques que nous avons à défendre, ils sont très insignifiants ; nous avons
été déclarés neutres, et ce n’est pas en notre faveur, mais contre nous que
notre neutralité a été stipulée ; elle a été stipulée dans l’intérêt des
puissances de l’Europe ; dés lors ces puissances sauront bien la maintenir sans
notre intervention, et si un jour, il leur convenait de détruire notre
neutralité, tout ce que nous ferions pour les en empêcher serait parfaitement
inutile.
M. de Chimay. - Messieurs, reçu d’hier parmi vous et peu familiarisé encore avec les
affaires parlementaires, j’éprouve, avant d’aborder la question qui nous
occupe, le besoin de réclamer votre bienveillante indulgence ; veuillez me
l’accorder.
Chaque année le budget des affaires
étrangères soulève dans la chambre des observations qui me paraissent porter
sur deux points principaux : le rang de nos agents diplomatiques et l’élévation
de traitement qui en est la conséquence ; je les examinerai successivement.
Je ne prétends pas, messieurs, que la
diplomatie ait échappé plus que les autres parties des services publics à
l’action utile, sans doute, mais aussi fort chère de la centralisation bureaucratique
: véritable machine, qui sans cesse multiplie ses rouages et semble les
dispenser de presque toute intelligence individuelle. Mais, si la distance est
immense entre l’omnipotence que la volonté royale ou républicaine conférait
jadis, soit aux négociateurs de Riswick, soit à
l’immortel plénipotentiaire de Campo-Formio et
l’humble signature que souvent la bureaucratie laisse seule à ses agents
extérieurs, il ne s’en suit pas que les diplomates n’aient encore, sous
plusieurs points de vue, une belle et noble tâche à remplir, de grands services
à rendre. Pourquoi leur enlèvera-t-on, dès lors, le prestige d’une haute
position publique qui parfois peut venir si grandement en aide aux intérêts
qu’ils représentent ?
Les procès sont malheureusement trop
fréquents de nos jours, pour que chacun de nous n’ait pu apprécier l’immense
influence, que, dans les causes d’équité surtout, la bonne réputation, les
antécédents, la consistance de l’avocat exercent sur ses succès. Si ma remarque
est juste en présence de l’impartialité et de la sévère exactitude des lois,
que d’importance cette triple condition n’a-t-elle pas en politique, où tant de
choses sont abandonnées aux bons ou mauvais instincts, au caprice des
hommes ?
Les idées de rapprochement entre les
peuples, les sympathies qui s’établissent, par suite de la confiance inhérente
à l’homme, qu’on estime assez, pour être sûr qu’il ne servirait pas une cause
déloyale. Tout cela, messieurs, ne se forme pas dans les bureaux. C’est
peut-être le seul, mais c’est aussi le plus net apanage de la diplomatie
moderne. Vous ne voudrez pas, messieurs, enlever à la nôtre l’un des plus
puissants moyens d’action, en lui interdisant, en quelque sorte, l’entrée des
cours de l’Europe. Tel serait cependant, dans la plupart des circonstances, et
comme vous l’a dit votre honorable et habile rapporteur, la conséquence
inévitable du remplacement de vos ministres par de simples chargés d’affaires.
D’ailleurs, messieurs, et quelles que
soient les tendances incontestables de notre époque vers le nivellement de
toutes choses, nous ne pouvons pas nier qu’elles laissent subsister (et chez
les étrangers plus encore que chez nous) des exigences sociales, des
susceptibilités, des préjugés même, si vous voulez, avec lesquels il faudra
vivre et transiger longtemps encore, si tant est qu’on y renonce jamais en
entier.
Reste la question financière, et
j’avoue que là aussi les faibles retranchements possibles me paraîtraient aussi
impolitiques que peu productifs.
Je ne puis admettre, messieurs, qu’en
établissant l’égale admissibilité de tous aux emplois, vous n’ayez entendu
décréter qu’une fiction légale ; or, cette fiction existerait si la modicité ou
plutôt l’insuffisance complète des traitements éloignait forcément de ces
emplois toutes les capacités pauvres. Plus vous les abaisseriez aux affaires
étrangères surtout, plus vous agiriez en raison inverse des droits consacrés
par notre constitution. Vous devez d’ailleurs le reconnaître, messieurs ; si
les relations sociales sont nécessaires à tous et partout, à plus forte raison
sont-elles indispensables en diplomatie. Il faut, dès lors, en admettre les
charges. Qu’elles soient en harmonie avec notre condition politique et la
simplicité de nos mœurs nationales, je le comprends et je l’approuve, mais
avant tout qu’elles soient ou plutôt qu’elles restent convenables.
Je sens, messieurs, combien j’abuse
de vos précieux moments en prolongeant, outre mesure peut-être, cette
incomplète défense du corps auquel j’ai l’honneur d’appartenir, mais avant
d’abandonner cette matière, j’ai un autre devoir plus grave encore à remplir au
nom de mes commettants et permettez-moi de m’en acquitter. (erratum Moniteur belge n°354, du 20 décembre
1843 :) Cette fois, changeant de rôle, c’est au ministre des affaires
étrangères que je m’adresserai, sans m’écarter, toutefois, des sages principes
de prudence invoqués naguère dans cette enceinte par l’honorable ministre de
l’intérieur, je ne suis pas alarmiste ; je blâme avec énergie ces cris de
détresse imprévoyants, qui effraient nos populations et donnent peut-être des
armes à nos adversaires. Plus que personne, j’ai confiance dans la richesse et
la force de mon pays, et cette confiance m’autorise à parler, sans crainte,
mais avec vérité, de la gêne qu’il éprouve. Elle est grande, messieurs, et
demande de prompts secours.
Avant de venir prendre place,
dans cette chambre, j’ai parcouru nos fourneaux éteints, nos bois invendus, nos
magasins encombrés. De toutes parts, messieurs, des milliers de voix
s’élevaient pour réclamer la prompte issue de ces négociations interminables,
qui, chaque jour, trompent nos légitimes espérances. C’est qu’en effet,
messieurs, l’incertitude en industrie est aussi fatale à celui qui marche vers
sa ruine, qu’à celui dont elle suspend la prospérité, et je supplie M. le
ministre des affaires étrangères, au nom de mes concitoyens, de redoubler
d’efforts pour la faire cesser.
Loin de nous la pensée de méconnaître
ce que nous devons de reconnaissance et de bon vouloir, autour de nous, mais
nous avons la conscience de ne ma tiquer ni à l’une ni à l’autre, en
sollicitant avec énergie la prompte et juste solution que nous croyons due à
nos intérêts et plus encore peut-être, à la dignité nationale !
M. le ministre des affaires
étrangères (M. Goblet d’Alviella) - Ce n’est pas, messieurs, la première fois que l’on s’étonne dans cette
enceinte de l’absence de résultats marquants dans les négociations
commerciales. Je conçois facilement que toutes les difficultés de ces
négociations ne soient pas généralement appréciées et je saisis avec
empressement l’occasion qui m’est offerte de faire comprendre toute leur
étendue.
Vous savez, messieurs, que c’est le
département de l’intérieur qui est charge de l’étude des intérêts du commerce
et de l’industrie ; c’est lui qui recueille, élabore et discute tout ce qui est
relatif aux bases de la prospérité publique.
Mais au département à la tête duquel
j’ai l’honneur d’être placé, appartient la conservation de nos bonnes relations
avec l’étranger ou la réalisation d’arrangements nouveaux que peuvent réclamer
les convenances nationales.
Quoique l’on en puisse dire, l’un et
l’autre de ces départements se préoccupent vivement des intérêts du commerce et
de l’industrie, s’appliquent, avec un zèle assidu, à leur prêter toute l’assistance
qu’ils peuvent recevoir d’eux. Leurs efforts ne datent pas, au reste,
d’aujourd’hui. Le rappeler c’est reporter la pensée sur les difficultés qui
entourent tonte négociation commerciale, difficultés dont tout le monde ne se
fait peut-être point une idée fort exacte. En pareille matière, bien plus qu’en
matière politique proprement dite, les questions sont complexes et de nature
diverse. On s’y trouve non seulement en présence de l’Etat avec lequel on
traite, mais, pour ainsi dire, en présence de tous ceux avec lesquels on
entretient des rapports directs ou même indirects.
Ce n’est pas seulement à l’extérieur
que les questions commerciales offrent cette complication ; si vous reportez
vos regards à l’intérieur, qu’y rencontrez-vous ? Vous y rencontrez, messieurs,
des intérêts opposés, vous y êtres frappés
des craintes vives que fait naître la perspective de certaines
concurrences industrielles, enfin vous y heurtez sans cesse contre toutes les
résistances engendrées par les intérêts particuliers. Il faut donc
nécessairement, en négociant en faveur de certaines branches de l’industrie,
s’attendre aux récriminations d’autres branches non favorisées ou qui se
croient lésées.
Ce n’est pas tout encore ; le succès
de la négociation a lui-même un danger qu’il importe de prévenir : c’est que
les susceptibilités des tiers ne soient éveillées et que ceux-ci, dans leur
jalousie ou leur mécontentement, ne viennent à supprimer ou à restreindre des
voies d’écoulement jusque-là ouvertes à nos produits, en sorte que, ayant perdu
d’une part ce que vous aviez gagné de l’autre, il y ait pour votre commerce
déplacement, mais non progrès.
Si l’existence de ces entraves
inévitables ne peut être contestée, ne croyez pas, messieurs, que le
gouvernement recule devant elles, s’abstienne de toute négociation nouvelle,
pense que les bases des rapports internationaux une fois établies, il faille se
garder d’y toucher ! Loin de là. Il sais au contraire
que c’est un de ses devoirs essentiels de chercher sans relâche à les améliorer
; que négliger de le faire serait inexcusable.
Ces obligations imposées à toute
administration, personne n’en a pris plus de souci que le cabinet actuel.
Par malheur, messieurs, les
gouvernements ne disposent pas, à cet égard, de moyens aussi efficaces qu’on le
suppose d’ordinaire, ils ne peuvent, par leur seule impulsion, établir des
relations fructueuses et multiplier les débouchés. Il faut que le cours naturel
des choses leur vienne en aide. Sur ce terrain, ils ont bien plutôt à
régulariser qu’à créer. Procurer au commerce des facilités, lui assurer des
garanties, rendre toujours praticables et sûres les voies qui s’offrent à lui,
tel est, en général, le cercle de l’action gouvernementale.
N’exigeons pas trop de l’influence du
gouvernement, ne lui demandons que ce qui est juste et possible dans les
limites naturelles de son action. C’est parce qu’on se méprend sur la véritable
mesure de ses forces que l’on se montre parfois si étonné du petit nombre ou de
la faible importance des résultats obtenus.
Pour apprécier sainement les choses,
il faut se soustraire à cette préoccupation trop commune. Ce qu’il faut aussi
ne pas perdre de vue, messieurs, c’est que toute démarche diplomatique en
matière de tarifs, ne vient pas nécessairement aboutir à des contraventions
écrites et positives. Il est d’autres caractères auxquels on peut reconnaître
le zèle de l’administration ; il est d’autres soins qui, sans se manifester par
des actes aussi patents, n’en sont pas moins indispensables aux intérêts
nationaux.
Empêcher que l’étranger n’élève ses
tarifs sur nos produits, éviter de provoquer des représailles en augmentant
nous-mêmes nos droits d’entrée, prévenir, ainsi que je l’ai déjà dit, le
mécontentement des uns, quand nos intérêts nous portent à accorder quelques avantages
aux autres, tels sont les objets très essentiels qui, tout en réclamant du
gouvernement les démarches les plus actives, les soins les plus assidus, ne
conduisent néanmoins, pas souvent à des traités ni même à des conventions.
Le maintien du statu quo dans ce
qu’il peut avoir de favorable exige, en certaines circonstances, plus d’efforts
et de démarches qu’il n’en faut en d’autres temps pour obtenir les résultats
les plus brillants.
Ne doutez pas, messieurs, que
l’administration ne veille à tout ce qui peut entretenir de bonnes relations
avec les puissances étrangères, ne cherche sans cesse à faire disparaître les
entraves à des échanges nombreux ; et ce n’est pas déjà chose facile, en
présence des prétentions qu’elle doit soutenir et de celles qu’elle doit
combattre.
En cela notre zèle ne faillira pas et
il n’a pas failli depuis la formation du ministère. Les négociations ont été
poursuivies. Si elles n’ont pas donné les résultats qu’en attendaient les
personnes qui ne sont pas à même d’entrevoir toutes les difficultés inhérentes
à de tettes matières, il n’en faut accuser que ces mêmes difficultés et non pas
l’indifférence du gouvernement.
C’est ce qu’il me serait facile de
constater, si je pouvais, comme on a paru le désirer, placer immédiatement sous
les yeux de la chambre l’exposé des négociations dont je parle. Mais
aujourd’hui cette communication serait prématurée. Une occasion de la faire ne
tardera pas d’ailleurs à s’offrir. Bientôt nous discuterons les résultats de
l’enquête commerciale. Si alors l’on juge qu’elle puisse être utile, qu’elle
soit de nature à faciliter l’examen des questions soulevées et le choix des
mesures à prendre, le gouvernement n’hésitera pas à déférer à ce vœu. Il
n’éprouve par lui-même aucun embarras à vous mettre au courant de ce qui a été
tenté dans l’intérêt de l’industrie, des espérances que nous pouvons encore
avoir et même des déceptions que nous avons éprouvées.
Aujourd’hui, je dois me borner à
déclarer, en ce qui touche les négociations, qu’il subsiste encore bien des divergences
entre nous et ceux avec lesquels nous avons intérêt à traiter. Bien des
convictions sont à former de part et d’autre ; le temps est nécessaire pour
faire disparaître les unes et affermir les autres, au point de produire un
accord bienfaisant. Rien, messieurs, ne sera négligé pour atteindre ce but.
- La discussion est close.
L’article est adopté.
Articles 3 et 4
« Art. 3. France : fr.
60,000 »
« Art. 4. Grande-Bretagne : fr.
80.000 »
- Adopté.
« Art. 5. Pays-Bas : fr.
50,000 »
M.
Osy. - J’ai demandé à M. le ministre des
affaires étrangères si notre représentant à
M. le ministre des affaires
étrangères (M. Goblet d’Alviella) -
L’honorable général qui se trouve maintenant à
- L’art. 5 est adopté.
« Art. 6. Italie : fr.
40,000 »
M. de Tornaco. -
L’honorable M. Delehaye, parmi les nombreux abus qu’il a signalés dans notre
diplomatie, a fait remarquer que nous avons à Rome un agent qui n’est presque
jamais à son poste.
Je viens appuyer les observations de
cet honorable membre, je le fais d’autant plus volontiers que plusieurs fois
j’ai eu l’occasion de rencontrer, dans la province de Liège, le chef de notre
légation à Rome, alors que je le croyais occupé des
affaires du pays.
Je ne tirerai pas des abus que nous
remarquons dans notre diplomatie, les conclusions qu’en tirent quelques
honorables collègues, mais j’insisterai pour que les abus cessent, parce qu’ils
sont de nature à nuire à une institution qui peut être très utile au pays.
Je dirai, pour me servir des
expressions de M. le ministre des affaires étrangères : Un Etat jeune est
intéressé à être représenté partout où il juge utile d’avoir des agents
diplomatiques, par des hommes capables, actifs, intelligents, qui puissent
seconder les efforts de cet Etat.
J’ajouterai qu’il est du devoir du
ministre des affaires étrangères d’un Etat jeune de ne pas tolérer dans notre
diplomatie des abus qui sont à peine remarqués dans un Etat arrivé à la
décrépitude.
M. le ministre des affaires
étrangères (M. Goblet d’Alviella) -
Messieurs, la légation de Rome, telle qu’elle existe, a été établie par une loi
particulière. Ce n’est point comme les autres missions, par le vote du budget
qu’elle a été créée. Elle a fait l’objet d’une proposition spéciale. La cour de
Rome, prenant une initiative pleine de courtoisie, avait spontanément envoyé à
Bruxelles un internonce, c’est-à-dire, un agent diplomatique d’un rang
équivalent à celui d’envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire. Les
raisons de convenances venaient dès lors se joindre aux raisons politiques et
commerciales, pour justifier un acte de réciprocité ; et c’est à la majorité de
55 voix contre 5 que la chambre des représentants a admis les propositions du
gouvernement. En présence de ces faits, un de mes honorables prédécesseurs a pu
dire justement :
« Certes, si jamais mission a
pu paraître placée dans un état de stabilité, a pu paraître soustraite aux
oscillations parlementaires, c’est assurément la position de notre ministre à
Rome. » (M. Lebeau, séance du 9 décembre 1840)
Je ne pense pas, messieurs,
que la chambre veuille revenir sur une de ses décisions antérieures prises à la
presqu’unanimité.
Quant la question de personne,
messieurs, je crois que le noble usage que le titulaire fait de sa grande
fortune pendant son séjour à Rome, compense et au-delà les légers préjudices
qui peuvent résulter de son absence durant quelques mois de la saison la moins
active.
M. de Tornaco. -
Messieurs, en prenant la parole, je n’ai pas eu l’intention d’attaquer
l’établissement d’un ministre plénipotentiaire à Rome ; j’ai dit seulement que
des abus avaient lieu dans l’occupation de ce poste diplomatique. M. le
ministre des affaires étrangères ne m’a fait aucune réponse à cet égard, il ne
m’a pas dit qu’il s’efforcerait de mettre un terme à ces abus. Je désire voir
disparaître des abus dont on puisse conclure que la diplomatie est inutile.
M. de Mérode. - L’absence du plénipotentiaire que nous avons à Rome est une
nécessité, pour lui, dans certains moments de l’année. Reste à savoir si, comme
l’a dit M. le ministre des affaires étrangères, la manière dont il remplit ses
fonctions pendant une partie de l’année, n’est pas plus utile que la manière
dont les remplirait un autre qui resterait constamment à son poste et ne ferait
pas les sacrifices que fait le titulaire actuel. Il a, du reste, un secrétaire
de légation très capable et en état de remplacer son chef dans certains
moments. Il ne s’en suit pas qu’il pourrait le remplacer toujours. L’absence,
pendant une certaine époque de l’année, du chef de légation ne nuit pas
essentiellement à la mission. Je crois sincèrement qu’il serait malentendu de
changer le personnel de la légation, pour obtenir une résidence constante qui
n’est pas nécessaire. Voilà les observations que j’ai cru devoir présenter à
l’appui de ce qu’a dit M. le ministre des affaires étrangères.
- L’art. 6 est adopté.
Articles 7 à 10
« Art. 7. Prusse : fr. 50,000 »
« Art. 8. Turquie : fr. 40,000
« Art. 9. Brésil : fr. 21,000 »
« Art. 10. Danemarck
: fr. 15,000 »
Ces articles sont adoptés sans
discussion.
« Art. 11. Espagne : fr.
15,000 »
M. le ministre des affaires
étrangères (M. Goblet d’Alviella) - Messieurs, on a demandé où en était la convention de commerce et de
navigation avec l’Espagne. Je répondrai que toutes les conditions pour rendre
cet acte exécutoire en Belgique ont été remplies.
Cette convention, signée le 25
octobre
L’échange des ratifications devait
avoir lieu dans un délai de quatre mois. Cet échange n’a pu être effectué à
cause des événements politiques dont l’Espagne a été le théâtre.
Avant de procéder à l’échange des
ratifications, il faut que la convention soit sanctionnée par la législature
espagnole, et les événements qui se sont succédé ont mis obstacle à
l’accomplissement de cette formalité.
Quel que fût le désir du gouvernement
d’obtenir la mise en vigueur immédiate de la convention du 25 octobre, il a dû
avoir égard aux circonstances dans lesquelles l’Espagne s’est trouvée. Il a
consenti à prolonger le délai arrêté pour l’échange des ratifications, à la
condition que les cortès s’occuperaient de l’examen de la convention dès que
l’expédition des affaires les plus urgentes le leur permettrait.
Je reconnais qu’il y a une espèce
d’anomalie à avoir en même temps un consul-général et un chargé d’affaires à
Madrid, je puis dire dès à présent que le consul général, actuellement en
congé, ne retournera probablement pas à son poste. Quant au consul de
Barcelone, j’ai effectivement reçu des rapports qui lui sont peu favorables,
mais il ne s’y agit que d’affaires purement commerciales, et non de sa conduite
comme consul. J’attends un rapport spécial du chargé d’affaires auquel j’en ai
référé, avant de prendre une résolution à son égard.
- L’art. 11 est adopté.
Articles 12 à 17
« Art. 12. Etats-Unis : fr.
25,500 »
« Art. 13. Grèce : fr.
15,000 »
« Art. 14. Hanovre, villes libres
et anséatiques de Hambourg, Brème et Lubecq : fr.
15,000 »
« Art. 15. Portugal : fr.
15,000 »
« Art. 16. Sardaigne : fr.
15,000 »
« Art. 17. Suède : fr.
15,000 »
- Ces articles sont adoptés sans
discussion.
Article unique
« Article unique. Traitements
des agents consulaires, et indemnités à quelques agents non rétribués : fr.
110,000 »
M.
Osy. - Messieurs, nous avons deux
consuls rétribués à raison de neuf mille francs, à Tunis et à Tanger, pays avec
lesquels nous n’avons aucune relation, tandis que nous n’en avons pas à Alger
où nous commençons à faire quelques affaires ; je crois qu’il serait plus
convenable d’y envoyer un de ces consuls qui nous y rendrait plus de services
qu’à Tanger ou Tunis. Dans quelques endroits nous avons des consuls non payés
qui nous rendent des services et des consuls payés qui ne nous en rendent
aucun. C’est ainsi qu’à Alexandrie, nous avons un vice-consul non payé qui nous
rend de grands services et un consul payé qui ne nous en rend pas et qui
pourrait très bien être envoyé dans une autre résidence, J’appelle l’attention
de M. le ministre des affaires étrangères sur ces observations.
- L’article unique du chapitre III
est adopté.
Article unique
« Article unique. Traitements
des agents politiques et consulaires en inactivité, de retour de leurs
missions, sans qu’ils y soient remplacés : fr. 10,000. »
- La section centrale propose la
suppression de ce chapitre.
M. le ministre des affaires
étrangères (M. Goblet d’Alviella) -
Je me rallie à cette proposition, pourvu qu’on fasse au libellé du chap. VII le
changement que propose la section centrale, pour que je puisse prendre sur ce
chapitre les fonds dont je pourrai avoir besoin.
- La suppression du chapitre IV est
adoptée.
CHAPITRE V (devenu CHAPITRE
IV)
Article unique
« Article unique. Frais de
voyage des agents du service extérieur et d’administration centrale, frais de
courriers, estafettes et courses diverses : fr. 70,000 »
- Ce chapitre est adopté sans
discussion.
CHAPITRE VI (devenu CHAPITRE
V)
Article unique
« Frais à rembourser aux agents
du service extérieur : fr. 75,000 »
- Ce chapitre est adopté sans
discussion.
CHAPITRE VII (devenu CHAPITRE
VI)
Article unique
« Article unique. Missions
extraordinaires et dépenses imprévues : fr. 50,000 »
La section centrale propose de
rédiger le libellé de cet article de la manière suivante :
« Missions extraordinaires,
traitements d’agents politiques et consulaires en inactivité et dépenses
imprévues : fr. 50,000 »
- Cet article ainsi libellé est
adopté.
Vote
des articles
La chambre passe au texte du budget.
« Art. 1er. Le budget du
département des affaires étrangères, pour l’exercice 1844, est fixé à la somme de
985,500 fr., suivant l’état ci-annexé. »
- Adopté.
« Art. 2. La présente loi sera
obligatoire le 1er janvier 1844. »
Vote
sur l’ensemble du projet
Il est procédé au vote par appel
nominal sur l’ensemble du budget. En voici le résultat :
Nombre des votants, 64.
56 membres votent pour l’adoption.
8 (MM. Angillis, Castiau, de Foere,
Delehaye, de Roo, de Tornaco, Lesoinne et Osy) votent contre.
La chambre adopte.
Ont voté pour l’adoption : MM.
Coghen, Coppieters, de Baillet, Dechamps, de Chimay, de Corswarem, Dedecker, de
Florisone, de Garcia de
Discussion
générale
M. le président. - La discussion est ouverte sur l’ensemble du budget. La parole est à
M. Sigart.
M. Sigart. -
L’an dernier, j’ai eu l’honneur de vous présenter des observations très
développées sur la colonie de Santo-Thomas de Guatemala. Aujourd’hui je me
bornerai à vous soumettre en résumé mon opinion sur les chances de prospérité
de cette colonie, et à adresser quelques questions à M. le ministre de la
marine.
Mon avis est (je ne fais pas
difficulté de l’énoncer) que le sol et le climat peuvent assez bien se prêter à
la plupart des cultures tropicales. Mais là n’est pas la question. Il ne s’agit
pas de savoir si l’on peut obtenir de l’indigo, du coton, des bois de teinture
et d’ébénisterie, mais de savoir si ces produits pourront soutenir sur les
marchés d’Europe la concurrence avec les produits similaires des colonies à
esclaves. C’est ce que je considère comme impossible. Le travail, en effet,
n’est offert que par les races rouge et noire libre ; la race rouge ou indigène
est molle, indolente, indocile, la race noire, improprement nommée caraïbe est
robuste, mais elle exige des salaires exorbitants, et la demande de travail va
encore augmenter ses prétentions.
Mais je suppose que je me trompe dans
mes prévisions et que la colonie prospère ; alors je vois bien une société qui
s’enrichit ; je vois bien l’Etat guatemalais dont la
population augmente. Mais qu’importent ces résultats à la Belgique, qui
n’intervient ici que pour faire des sacrifices d’hommes et d’argent ?
Certaines personnes pensent que cette
colonie pourrait être un moyen d’exporter nos produits. C’est, selon moi, une
très grande erreur car, pour qu’une colonie consomme des produits manufacturés,
il faut qu’elle soit riche. Sa richesse, en supposant qu’elle existe jamais, ne
se développerait qu’au bout d’un grand nombre d’années ; or, dans un très petit
nombre d’années, la colonie, qui n’aura jamais un seul instant été belge, mais
qui aura tenu par quelques liens avec
Je ne sais si c’est au bout de dix
ans qu’arrive le terme fixé par le contrat. Je vous en donne vingt si vous
voulez, mais ce n’est pas en vingt ans qu’une colonie placée dans les
meilleures conditions est en position de servir de débouché. Je vous laisse à
penser si cela pourra arriver pour celle-ci.
Quelques autres personnes croient que
la colonie va nous servir d’exutoire, qu’on pourra y envoyer le rebut de notre
population ! mais, messieurs, on ne fonde pas une
colonie avec le rebut d’une population. Pour que la colonie ait quelque petite
chance de prospérité, il faut y envoyer des hommes d’élite, il faut sacrifier
des hommes de la valeur de l’importance de feu M. Simons. On l’a très bien
compris car la plupart des personnes envoyées dans la colonie sont des hommes
distingués : MM. Tardieu, Fleussu, etc.
Je vois bien que l’ancien cabinet a
voulu protéger cette colonisation, qu’il a voulu la protéger par sa marine et
par quelques moyens indirects. Mais quels étaient ses motifs ? Je ne le sais
pas.
Ce n’était pas pour être
agréable à une société composée de MM. tels ou tels, ce n’était pas pour
faciliter un placement d’actions ; ce n’était pas non plus pour en faire un
purgatoire, à l’usage des fonctionnaires en disgrâce, comme M. Simons. Mais, en
vérité, je cherche le motif, et je ne le trouve pas.
A présent, je demanderai à
l’honorable ministre de la marine s’il veut continuer l’œuvre de son
prédécesseur, et, en cas d’affirmative, quels sont ses motifs, quels sont ses
moyens. Selon sa réponse, je verrai comment j’aurai à voter sur le budget de la
marine. Je verrai aussi s’il ne sera pas convenable que je m’explique sur
quelques autres essais de colonisation.
M. le ministre des affaires
étrangères (M. Goblet d’Alviella) -
Depuis mon entrée au ministère, j’ai toujours considéré l’affaire de
Santo-Thomas comme une affaire tout à fait privée. Il ne m’a été demandé, et je
n’ai accordé aucun secours, aucune assistance. Jusqu’à ce jour, je ne prévois
pas que cet état de choses vienne à changer.
M. de Mérode. - Je ne prévoyais pas que l’on parlât aujourd’hui de l’affaire de
Santo-Thomas, sans cela, j’aurais préparé une réponse un peu soignée (on rit) à ce que vient de dire M.
Sigart. Cet honorable membre est très ennemi de la colonie. J’ai eu à cet égard
avec lui des conversations particulières, dans lesquelles il s’est montré tout
à fait incrédule sur les avantages du sol où nous sommes établis à
Santo-Thomas. D’autres personnes, plus à même que l’honorable M. Sigart de
connaître ce pays, nous ont, au contraire, donné les meilleurs renseignements ;
nous avons eu ceux transmis par le R. P. Walle, qui
n’est pas un spéculateur, et qui est allé là dans un intérêt purement moral, Il
a écrit que, si l’affaire manquait, ce serait uniquement par notre faute.
Ce qui est le plus difficile, c’est
le choix d’un bon personnel. Plus ou soulèvera de méfiances contre une pareille
entreprise, plus on rendra difficile le choix d’un bon personnel : car vous
trouverez toujours des aventuriers prêts à se rendre dans des lieux inconnus.
Mais il est plus difficile de trouver des personnes qui méritent toute
confiance ; nous avons eu une certaine peine à en obtenir. Cependant nous
sommes parvenus à envoyer à Santo-Thomas des hommes capables de diriger
convenablement l’entreprise.
Parmi ceux qui s’y trouvent
maintenant, il y a des pères de famille, qui font venir leurs femmes et leurs
enfants. Cela prouve qu’ils s’y trouvent bien. D’autres reviennent, sont
découragés. C’est ce qui arrivé toujours dans de telles entreprises.
Quant à moi, je considère la mise en
valeur des parties inhabitées du globe, comme l’une des choses les plus
philanthropiques qu’on puisse essayer. Il est possible qu’on ne réussisse pas
mais l’essai seul est une bonne chose. De quoi s’agit-il ? Est-ce une opération
gigantesque ? Non. On a envoyé une soixantaine d’hommes. Ils sont allés là
volontairement. Si l’essai est infructueux, nous n’aurons pas perdu d’énormes
capitaux. J’ai mis dans cette affaire une certaine somme ; je me consolerai de
sa perte. J’ai toujours engagé les personnes qui ont voulu y prendre part à ne
pas y risquer leur fortune
J’ai pensé et j’ai dit que
l’on devait mettre dans une opération semblable un superflu dont on pouvait
disposer sans se gêner beaucoup. Si quelques personnes n’ont pas suivi ce
principe, n’ont pas écouté ce conseil que j’ai toujours donné, je le regrette.
Mais cela n’empêche pas que je continue à désirer que l’on fasse des tentatives
semblables soit à Guatemala, soit dans la province de Ste-Catherine, soit dans
toute autre contrée. Car nous avons besoin d’occuper des populations qui se
trouvent serrées sur notre territoire et qui pourraient trouver sur un sol
encore inoccupé des moyens d’existence plus agréables que ceux auxquels elles
sont forcées de se restreindre sur le sol étroit de
M. Delehaye. - Messieurs, il vient d’échapper de la bouche de l’honorable comte de
Mérode un singulier aveu. C’est donc pour améliorer le sort de quelques
ouvriers beiges que l’on veut nous engager à maintenir cette colonie de
Guatemala ? Messieurs, les principes défendus par l’honorable M. de Mérode ont
été repoussés par tous les publicistes. Chaque individu peut être envisagé
comme un capital pour le pays ; chaque individu est d’une utilité réelle ; mais
il faut que l’Etat le dirige de manière à retirer l’avantage que cet individu
porte avec soi. Engager une partie de votre population à s’expatrier à aller
habiter des terres qui n’appartiennent pas au pays, c’est diminuer cette somme
de capitaux dont vous auriez pu tirer quelque utilité.
Messieurs, quelle est la position des
hommes que nous envoyons au Guatemala ? Le Belge est essentiellement enclin à
aimer son pays ; il n’est pas porté de sa nature à s’expatrier ; il aime son
pays parce qu’il y trouve tout ce qu’il désire, parce qu’avant tout il a été
élevé dans des sentiments de moralité qui le portent au sol qui l’a vu naître,
le désir d’acquérir, de s’enrichir, ne le tourmente pas. Les obliger à aller
habiter des contrées qui appartiennent à une autre puissance ou à un peuple qui
cherche à se constituer en nation, c’est véritablement travailler pour les
autres.
Je suppose que les Belges qui se
rendent au Guatemala réussissent, qu’ils parviennent à défricher un grand
nombre d’hectares, mais pour qui sera l’avantage ? Il sera tout entier pour le
gouvernement guatémalien. Ces Belges qui habiteront la colonie absorberont-ils
plus de produits belges que ne nous en prend aujourd’hui le Guatemala ? Aucunement.
Pourquoi ne prend-on pas aujourd’hui nos produits ? C’est parce qu’on trouve
plus d’avantage à prendre ceux d’autres nations.
Mais il est une autre considération.
Le gouvernement, dans le discours du Trône, a déclaré qu’il s’occupait du
défrichement des bruyères de
Dans une précédente séance, on vous a
beaucoup parlé de faire expatrier les Flamands. Et pourquoi ? Parce qu’ils
parlent une langue qui n’est généralement pas entendue. Mais croit-on donc que
les Flamands soient si portés à s’expatrier ? Je sais qu’ils sont dans ce
moment dans une position très malheureuse, mais ce n’est pas un motif pour les
envoyer au Guatemala.
Je crois même qu’il serait plus
avantageux pour votre entreprise de ne pas y envoyer des Flamands. Pour qu’une
colonie prospère, vous devez y attirer des hommes assez insinuants pour pouvoir
s’emparer du gouvernement. Eh bien ! Les Flamands ne sont pas animés de cet
esprit ; ils sont animés de sentiments de moralité et de désintéressement
contraires aux qualités qui poussent à la domination.
Mais je vois d’autres
provinces dont les habitants ont cet esprit d’insinuation si utile, si
nécessaire pour parvenir à s’emparer d’une partie du gouvernement. Envoyez dans
votre colonie des habitants de ces provinces. Croyez-moi, n’y envoyez point des
Flamands, parce qu’ils seront exploités au Guatemala comme dans d’autres pays.
Je suis persuadé que l’honorable M.
de Mérode, qui est guidé par des sentiments de philanthropie, veut le bien de
la colonie ; or, s’il veut parvenir à son but, je l’engage à chercher ses
colons ailleurs que dans les Flandres. Les colonies ne sont utiles qu’à ceux
qui les tiennent sous leur domination ; Guatemala n’est pas dans ce cas.
Tâchons de nous emparer du gouvernement et alors nous pourrons y envoyer des
Flamands.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, il ne faut pas maintenir la colonie de
Guatemala, il ne faut pas y envoyer des Belges et surtout des Flamands. Tel
est le résumé du discours de l’honorable préopinant ; on croirait que c’est le
gouvernement qui, par son action directe, a créé une colonie, et que pour la
peupler il a recours à l’émigration forcée. Messieurs, il n’en est rien, c’est
complètement méconnaître des faits qui sont de notoriété publique.
Une compagnie s’est formée dans un
but qui, comme l’a dit M. de Mérode,
n’est peut-être pas réalisable, mais qui, dans tous les cas, est très louable,
dans le but de coloniser un district dans l’Amérique centrale. Cette compagnie
s’est formée comme se sont formées tant d’autres compagnies ; elle s’est, en
vertu du droit commun, constituée comme société anonyme.
Le gouvernement a pris à son égard
les précautions les plus extraordinaires, mais que cette fois des principes
d’humanité commandaient. On a exigé, avant que l’essai d’émigration fût fait,
c’est-à-dire avant l’envoi des colons, la publication de tous les rapports. Ces
rapports ont été publiés ; chacun a pu les lire et se demander : est-il
convenable que je m’associe à ce projet d’émigration ? Ceux qui ont répondu à
l’appel de la société anonyme ont su ce qu’ils faisaient ; ils ont disposé
d’eux-mêmes, comme ils en avaient le droit, au moins en Belgique.
Il ne s’agit donc pas ici d’une
émigration forcée, ce qui reviendrait à l’exportation ; car l’émigration forcée
s’appelle exportation ; il s’agit de
régulariser l’émigration volontaire. Quiconque veut émigrer est libre de le
faire ; il n’y a pas de loi en Belgique contre l’émigration.
Je me demande, messieurs, jusqu’à
quel point nous sommes compétents, dans cette chambre, pour examiner cette
question ? Il s’agit d’un établissement privé. Convient-il que nous venions
louer ce projet, dire que la réussite est certaine ? Je ne sais pas si beaucoup
d’entre nous prendraient cette responsabilité. Mais, d’un autre côté, certaines
convenances n’exigent pas qu’on ne décrie point cet établissement. C’est un
essai que l’on fait, essai qui, selon moi, a un but très honorable.
Le gouvernement, messieurs, n’a pas
fait de grands sacrifices pour cet établissement, il l’a protégé ; mais, entre
autres, pour accomplir une des conditions qu’il avait imposées à la compagnie,
il a dit : Vous ne ferez partir de colons que lorsqu’une exploration aura été
faite ; mais de cette exploration, je supporterai indirectement une partie des
frais ; il a prêté un navire et un équipage.
Le gouvernement, selon moi, faisait
très bien en prenant ces précautions ; l’exploration a eu lieu et les rapports,
je le répète, ont été publiés.
Je réserve pour finir, messieurs, une
considération générale qui peut trouver place ici ; je dirai que je crois qu’il
ne faut pas condamner aussi légèrement le système de colonisation. Je crois
qu’il faut ouvrir au pays, qu’il faut ouvrir à l’activité belge des voies
nouvelles, et le système de colonisation mérite à cet égard d’attirer notre
attention et d’obtenir toute la bienveillance de la législature.
Ne vous adressez pas aux
Flamands, dit l’honorable préopinant. Mais est-ce que vous refuseriez par
hasard aux Flamands le génie de la colonisation ? L’honorable membre a-t-il
oublié un fait extrêmement honorable pour les Flamands ? Ce sont les Flamands
qui ont découvert les îles Açores et qui les ont en partie colonisées ; ces
îles ont même longtemps porté le nom d’îles flamandes. Je dois donc protester,
au nom des Flandres, contre cette assertion qui ne tend à rien moins qu’à
dénier aux Flamands le génie de la colonisation.
M. Sigart. -
Je demande la parole.
M. le président. - Il me paraît que, tant qu’on a pu croire qu’il y avait connexité
entre le budget de la marine et la colonisation de Santo-Thomas, il y a eu lieu
d’accorder la parole sur ce point, mais qu’a présent que le gouvernement
déclare que cette connexité n’existe pas, la discussion a cet égard ne peut
plus continuer.
M. Sigart. -
C’est pour un fait personnel que je demande la parole.
En effet, M. le président, tant que le
gouvernement protégeait la colonie, j’avais le droit d’en parler ; il y a plus,
c’était mon devoir de m’en occuper. J’aime bien que M. le ministre de
l’intérieur m’empêcherait de traiter une question à l’instant où il la traite
lui-même, une question dans laquelle sont engagés de graves intérêts nationaux
; mais à présent qu’on nous déclare cesser cette protection, je n’ai plus rien
à dire.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Le gouvernement n’a pas déclaré cela.
M. Sigart. -
Votre collègue l’a fait. A présent, un mot à l’honorable comte de Mérode. Si
j’ai parlé contre cette colonisation, c’était pressé que j’étais par ma
conviction, et nullement pour le plaisir de contrarier la compagnie que je ne
connais pas. J’espère que l’honorable M. de Mérode voudra bien croire que je ne
me pose pas ici comme l’ennemi de la compagnie, non plus que comme le sien,
M.
Osy. - Messieurs, j’ai été assez heureux
l’an dernier pour faire admettre une économie sur le budget de la marine ; mais
je regrette de voir dans le rapport que cette économie est illusoire. Car le
département de la marine, sans le consentement de la législature, a fait
construire un nouveau navire qui, d’après le rapport de la section centrale,
devra coûter au delà de 80,000 fr. Il me paraît, messieurs, que le gouvernement
ne peut faire de pareilles dépenses sans consulter les chambres.
Je disais, l’année dernière,
qu’outre l’économie que la chambre avait adoptée, on pourrait encore en faire
d’autres, si l’on vendait les canonnières qui se trouvent à Anvers et qui sont
hors de service. Je vois avec plaisir que la section centrale est d’accord avec
moi et qu’elle insiste pour la vente de ces canonnières. J’espère que le
gouvernement prendra un engagement formel à cet égard ; et qu’en ce qui
concerne l’aviso qui coûtera 80,000 fr., il nous présentera un projet de loi
spécial, et ne fera pas voter cette dépense dans le budget.
M. le ministre des affaires
étrangères et de la marine (M. Goblet d’Alviella) - S’il existe encore en ce moment de l’opposition au budget de la
marine, elle est le résultat de la fausse idée que l’on a de ce département.
On y voit une marine toute militaire
dont beaucoup de personnes n’ont pas encore admis la nécessité. Je conçois
leurs doutes, j’apprécie leur répugnance pour cette nouvelle source de
dépenses. Peu de mots suffiront pour les rassurer.
Dans son ensemble, l’administration
de la marine peut être, à meilleur droit, considérée comme une aide ou une
garantie assurée aux intérêts commerciaux du pays.
Cette administration, depuis cinq
ans, a vu son action prendre une direction nouvelle, soit par la création de
quelques nouveaux services, soit par l’adjonction de plusieurs branches qui
appartenaient jusqu’alors à d’autres départements. C’est ainsi qu’après le
traité du 19 avril, la loi du 1er juin 1839 plaça le pilotage dans ses
attributions, ainsi que la surveillance de la navigation de l’Escaut et de ses
embouchures.
Vers la même époque, tout ce qui
concerne les phares et fanaux passa des ponts et chaussées à la marine, à qui
fut aussi confié le passage d’eau d’Anvers à la tête de Flandre.
En 1840, le département de
l’intérieur réunit à la marine le sauvetage sur la côte de la mer du Nord et la
police maritime. Cette police, en 1842, prit des développements considérables
par suite de la loi du 27 septembre de cette année. Il en fut de même du
pilotage, en raison de l’organisation d’un service à Flessingue, à Terneuzen et
aux embouchures de l’Escaut.
Enfin, les services réguliers de
navigation à voiles vers Syngapore et Batavia, créés
à la fin de 1842, emploient, chaque année, trois ou quatre navires, dont les
équipages sont fournis par la marine royale.
La navigation régulière à vapeur
entre Anvers et Tamise, le service des bouées et du balisage de l’Escaut, la
surveillance de la pêche dans la mer du Nord et dans l’Escaut, tels sont encore
les objets d’administration qui appartiennent maintenant à la marine.
D’autres considérations qu’il ne faut
pas perdre de vue, ce sont celles qui s’attachent aux revenus que produisent
les diverses administrations qui font partie du département de la marine. Le
budget de ce département, tel qu’il est proposé, s’élève bien, en total, à 1,066,275 fr., mais il ne faut pas voir uniquement dans ce
chiffre une dépense improductive.
Plusieurs des objets que j’ai
énumérés procurent à l’Etat un revenu direct. Ainsi le pilotage et le service
des phares et fanaux, non seulement couvrent la dépense de 342,000 fr, qu’ils
occasionnent, mais rapportent un bénéfice net assez élevé, outre l’intérêt du
capital engagé dans la construction des bateaux. Les recettes supposées du
pilotage n’ont été fixées, pour 1844, bien que tout fasse présumer une
augmentation qu’à fr. 350,000
Le service des bateaux à vapeur de
l’Escaut fait une recette s’élevant à fr. 56,000
La police maritime produit de même
une somme égale aux dépenses, soit fr. 30,000
Ensemble : fr. 436,000
Voilà donc près d’un demi-million de
francs que la marine verse dans le trésor public !
D’un autre côté, elle s’impose des
frais assez considérables qui, en réalité, ne doivent être envisagés que comme
une prime établie en faveur du commerce, et ne devraient pas, dès lors, lui
être imputés. Par exemple, les bricks le Charles, le Macassar et l’Emmanuel ont
été mis à la disposition du commerce. Eh bien ! il en
résulte, pour l’année 1843, une charge que l’on peut évaluer à environ 150,000
fr. sans parler de 2 navires qui partiront encore en 1844. Et c’est ici le lieu
de remarquer que, loin qu’il y ait, comme on a semblé le croire, exagération
dans le personnel de notre marine, on pourrait peut-être à meilleur titre
affirmer qu’il y a insuffisance. En effet, je n’ai pu me prêter à certains arrangements
jugés nécessaires pour établir sur des bases plus avantageuses le service de
navigation vers Syngapore, et pour en créer un autre
vers Valparaiso et Calloo, et cela pourquoi ? Parce
que nous manquions d’officiers et de soldats pour former les équipages
demandés, dans l’intérêt de nos relations commerciales.
En résumé, la marine produit en écus
436,000 fr. Elle donne au commerce une prime de 158,000 fr. ; son budget de 1,066,275 francs, ne s’élève donc, en réalité, qu’à la somme
de 472,275 fr,, et encore cette dernière somme, loin d’être absorbée par des
dépenses militaires, est-elle en partie consacrée à des services civils qui
profitent d’une manière plus ou moins directe à diverses branches du commerce
national. C’est ce que j’ai eu l’honneur de faire ressortir tout à l’heure.
J’aime à croire, messieurs,
que ces considérations suffisent pour justifier les propositions du
gouvernement, soumises en ce moment à vos délibérations.
M.
Osy. - Je suis loin de critiquer les
secours qu’on donne en hommes aux navires qui vont à Valparaiso, à Syngapore et même en Chine ; j’approuve au contraire le
gouvernement d’utiliser ainsi notre marine. Mais j’ai demandé à M. le ministre
s’il prenait l’engagement de se défaire de quelques bâtiments qui nous forcent
à des dépenses et qui ne sont d’aucune utilité. Ce sont des canonnières qui se
trouvent à Anvers.
Ensuite j’ai demandé à M. le ministre
des affaires étrangères pourquoi le gouvernement a fait construire un bâtiment
qui coûtera 80.000 fr., sans avoir obtenu l’assentiment des chambres. Voilà les
renseignements que j’ai demandés à M. le ministre ; ces renseignements, il ne
les a pas donnés, il s’est borné à défendre les actes que la chambre a
approuvés l’année dernière et que, pour ma part, j’approuve également.
M. le ministre des affaires
étrangères et de la marine (M. Goblet d’Alviella) - Messieurs, le gouvernement n’a pas décidé irrévocablement qu’il ne
vendrait pas les canonnières. Ce n’est pas le moment de résoudre cette question
; je l’examinerai d’autant plus attentivement que la section centrale s’est
réunie à l’opinion de l’honorable préopinant.
Quant au brick en construction, j’ai
eu l’honneur de donner à cet égard tous les renseignements possibles à la
section centrale. Cette entreprise a eu lieu avant mon entrée au ministère ;
elle a peut-être présenté quelques irrégularités, mais l’amendement que propose
la section centrale, de diviser l’article 2 du chapitre 1 en 3 sections, rendra
impossible, à l’avenir, tout abus de ce genre.
- Personne ne demandant plus la
parole sur l’ensemble du budget, la chambre passe à la discussion des articles.
Discussion
des articles
CHAPITRE Ier. - Administration
centrale
Articles 1 et 2
« Art. 1er. Personnel : fr. 6,050 »
« Art. 2. Matériel : fr.
3,500 »
- Ces articles sont adoptés sans
discussion.
CHAPITRE II. Bâtiments de
guerre
Articles 1 à 4
La section centrale propose de
diviser ce chapitre comme suit :
« Art. 1er. Personnel : fr.
297,471 », .
« Art. 2. Vivres
: fr. 148,000 »
« Art. 3. Feu, lumière,
entretien : fr. 68,321 »
« Art. 4. Equipement partiel du
brick : fr. 33,000 »
M. le ministre des affaires
étrangères et de la marine (M. Goblet d’Alviella) déclare se rallier à cette division.
- Les quatre articles du chap. II
sont successivement mis aux voix et adoptés.
CHAPITRE III
Article unique
« Art. unique.
Magasin de la marine : fr. 11,200 »
- Cet article est adopté sans
discussion.
CHAPITRE IV
Article unique
« Art. unique.
Pilotage : fr. 342,000 »
- Cet article est adopté sans
discussion.
CHAPITRE V
Article unique
« Article unique. Service des
bateaux à vapeur de l’Escaut : fr. 48,758 »
- Cet article est adopté sans
discussion.
Article unique
« Article unique. British Queen : fr. 15,000 »
La section centrale propose le
chiffre de 10,000 fr.
M. le ministre des affaires
étrangères et de la marine (M. Goblet d’Alviella) se rallie à la proposition de la section centrale.
M. Vandensteen. - Messieurs, en proposant de réduire à 10,000 fr. le chiffre de 15,000
fr. demandé par le gouvernement, la section centrale n’a pas eu principalement
en vue de faire une économie, elle a voulu que le gouvernement se décidât une
bonne fois sur le parti qu’il tirerait de
M.
Osy. - Messieurs, dans la discussion du
budget de la dette publique, l’honorable M. Delfosse avait demandé que l’on
continuât à faire un article séparé de la somme de 150,000 fr, qui forme le
montant des intérêts de
M. le ministre a dit à la section
centrale que trois moyens ont fixé son attention pour mettre un terme au séjour
improductif de
1er moyen. - Vendre
2ème moyen. - Vendre séparément les
machines, sauf à se défaire ensuite des meubles, des objets d’inventaire et des
matériaux de la coque.
3ème moyen. - Construire un nouveau
navire d’un moindre tonnage en utilisant les machines et la majeure partie des
matériaux.
Messieurs, nous avons fait avec ce
navire un essai très malheureux ; il a fait trois voyages qui nous ont coûté
300,000 francs. C’est ce qui m’a porté, l’année dernière, à insister pour que le
navire fût vendu. Alors M. le ministre des affaires étrangères émit l’opinion
que ce qui se disait à l’appui d’une semblable proposition pourrait peut-être
nuire à la vente.
Je pense qu’aujourd’hui nous avons le
droit de demander au gouvernement quels efforts il a faits pour parvenir à
cette vente, et que nous pouvons sans aucun inconvénient lui dire qu’il n’y
réussira pas. En effet, messieurs, dans tous les pays, il y a des lois qui
protègent le pavillon national, et un navire ne peut être considéré comme
national que lorsque les deux tiers des sommes qu’il a coûtées ont été
dépensées dans le pays. Or vous ne trouverez personne pour nous acheter un
navire qui ne pourrait pas jouir des avantages accordés à un pavillon
quelconque.
Si donc le gouvernement ne peut pas
vendre le navire tel qu’il est, il faut bien qu’il se décide à le vendre en
détail, car il faut absolument que nous en soyons débarrassés. L’année
dernière, on a porté au budget 30,000 fr. pour l’entretenir dans le bassin
d’Anvers ; mais ne, croyez pas, messieurs, que la dépense se soit bornée à
cette somme de 30,000 fr. Vous avez, en outre, à bord de
Je citerai à cette occasion
une affaire qui s’est faite il y a quelques jours à Anvers. Il y a à Anvers une
société qui envoyait des bâtiments dans divers ports de l’Angleterre ; cette
société avait fait une mauvaise affaire ; elle avait un navire qui lui coûtait
au-delà de 400,000 fr. ; elle payait tous les ans pour frais d’entretien,
droits de port, droit de bassin, etc., une somme de 15,000 fr., plus l’intérêt
du prix du navire. Eh bien, cette société vient de vendre son navire à une
compagnie de Cadix. Elle a fait un sacrifice de 250,000 fr. et elle s’en trouve
très heureuse, parce que cela lui évite une dépense de 15 à 20,000 fr. par an.
Que le gouvernement fasse la même chose, qu’il vende
M. de La Coste,
rapporteur. - Je crois, messieurs, que le
gouvernement se ralliant à la proposition de la section centrale, il ne pourra
y avoir le moindre équivoque, si cette proposition est acceptée. Je ne pense
pas qu’il puisse entrer dans l’intention de M. le ministre des affaires
étrangères de dire, par exemple : « j’ai demandé 15,000 francs ; vous ne
m’en avez accordé que 10,000, je tâcherai de me tirer d’affaire avec cette
somme et d’atteindre ainsi le bout de l’année. » Telle ne peut pas être la
pensée du gouvernement ; la question est posée bien clairement : d’abord, vous
remarquerez, messieurs, que le gouvernement circonscrit son choix entre trois
moyens qu’il a indiqués lui-même et qu’il n’est plus question d’un quatrième
moyen, ou plutôt d’un premier moyen, qui consisterait à employer le navire tel
qu’il est ; ceci est donc tout à fait mis hors de discussion. Quant à vendre le
navire, dans son état actuel, le gouvernement a eu assez de temps pour chercher
les moyens d’arriver à ce résultat, et il semble qu’il ne doive plus songer à
l’obtenir. Dans la pensée du gouvernement,
Nous pensons donc en résumé,
messieurs, que l’adoption de la proposition de la section centrale implique
l’obligation pour le gouvernement soit de vendre le navire dans un délai
suffisant pour pouvoir le faire avantageusement, mais avant la fin de
l’exercice, soit de présenter à la chambre un projet bien raisonné et appuyé de
tous les documents nécessaires.
M. le ministre des affaires
étrangères et de la marine (M. Goblet d’Alviella) - Je dois déclarer que les explications de M. le rapporteur de la
section centrale sont conformes à la pensée qu’a eue le gouvernement lorsqu’il
s’est rallié à la proposition de cette section.
- Le chiffre de 10,000 fr. est mis
aux voix et adopté.
CHAPITRE VII
Article unique
« Art. unique.
Police maritime : fr. 30,000 »
- Cet article est adopté sans
discussion.
CHAPITRE VIII
Article unique
« Art. unique.
Secours maritimes (sauvetage) : fr. 16,500 »
- Cet article est adopté sans
discussion.
CHAPITRE IX
Article unique
« Article unique. Secours aux
marins blessés, frais d’hôpital et secours aux veuves d’officiers de marine,
qui, n’ayant pas de droits à la pension, se trouvent dans une position
malheureuse : fr. 4,000 »
- Cet article est adopté sans
discussion.
CHAPITRE X
Article unique
« Article unique. Construction
de deux bateaux pilotes pour la station d’Ostende : fr. 42,000 »
- Cet article est adopté sans
discussion.
Vote
des articles de la loi
La chambre passe aux articles du
projet de loi.
« Art. 1er. Le budget de la
marine, pour l’exercice de 1844, est fixé à la somme de 1,060,800
fr., conformément au tableau annexé à la présente loi. »
« Art. 2. La présente loi sera
obligatoire à dater du 1er janvier prochain. »
Ces deux articles sont adoptés sans
discussion.
Vote
sur l’ensemble du projet
Il est procédé au vote par appel
nominal sur l’ensemble du projet, qui est adopté par 52 membres contre 4.
Ont voté pour : MM. Coghen,
Coppieters, de Baillet, Dechamps, de Chimay, de Corswarem, de Florisone, de
Ont voté contre : de Foere, Donny,
Eloy de Burdinne, Osy.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, je serai probablement appelé après-demain au sénat pour la
discussion du budget des voies et moyens. Je prierai donc la chambre de fixer
la discussion du projet de loi sur le sel à demain et avant celle du budget de
la justice. Je pense que la discussion du projet de loi sur le sel sera très
courte.
- Cette proposition est adoptée.
La séance est levée à 4 heures.