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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du vendredi 15
décembre 1843
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre, notamment pétitions relatives à une pension d’un
ancien officier des Indes orientales (de Roo), à une
route du Limbourg (de Renesse, Simons)
2)
Rapport sur une pétition relative au produit du fermage des barrières
(concurrence du chemin de fer) (Simons)
2)
Projet de loi portant le budget de la dette
publique et des dotations pour l’exercice 1844. Discussion
des articles. (A : gestion de la dette publique ; B : société
générale ; C : banque de Belgique ; D : émission de
papier-monnaie par l’Etat ; E : British Queen
et navigation transatlantique ; F : indemnités pour pertes causées
par les événements de la guerre et de la révolution) (A (Mercier,
Cogels, Mercier), F (Delfosse, de La Coste, Cogels, Malou, Mercier,
Delfosse, Cogels), A (Cogels, Mercier, Delfosse), (E, A, B) (Delfosse, Mercier), A (Angillis), (E, A) (Cogels), (A, B) (de Garcia, Mercier), A (de Mérode), (A, B,
D) (Rogier), A (Mercier), (B, A,
C) (Delfosse), E (Nothomb, Delfosse), A (Mercier, Verhaegen, Mercier), (B, D) (de Garcia), (A, B, D) (Meeus), D (Cogels), (D, A, B) (Verhaegen) D
(Rogier), A (Duvivier), (D, B,
A) (Meeus, Mercier), A (Devaux*))
(Moniteur
belge n°350, du 16 décembre 1843)
(Présidence de M.
Liedts)
M.
Huveners procède à l’appel nominal à midi et
1/2.
M.
Scheyven donne lecture du procès-verbal de la
dernière séance ; la rédaction en est adoptée.
M.
Huveners communique les pièces de la correspondance
:
PIECES ADRESSEES A
Le sieur Henri-Joseph Meurice, sergent au 9eme régiment
de ligne, né à Lille (France), prie la chambre de statuer sur sa demande en
naturalisation. »
- Renvoi à la commission des
naturalisations.
_____________________
« Quelques habitants de la commune de
Morhel demandent une majoration de droits sur les
boissons distillées et le maintien de la loi du 18 mars 1838.»
- Renvoi à la commission des
pétitions.
« Le sieur Lonneux,
colonel pensionné, ancien officier de l’armée des Pays-Bas aux Indes
orientales, réclame l’intervention de la chambre pour obtenir le supplément de
la pension des Indes. »
- Même renvoi, avec demande d’un
prompt rapport, sur la proposition de M.
de Roo.
_____________________
« Le sieur Pera
soumet à la chambre la question de savoir s’il est permis de reconnaître et
légitimer les enfants naturels décédés sans postérité. »
- Même renvoi.
_____________________
« Le sieur Habart,
fabricant de tabac à Charleroy, déclare adhérer à la réclamation des fabricants
de tabac d’Anvers contre la disposition du projet de loi sur le sel, tendant à
soumettre à un droit d’accise le sel nécessaire à la fabrication des tabacs. »
- Dépôt sur le bureau pendant la
discussion du projet.
_____________________
« Le sieur Deman,
major en retraite, demande une modification à la disposition de la loi du 17
février 1835, qui impose aux légionnaires l’obligation de produire un
certificat d’indigence pour être admis à jouir de la dotation accordée aux
légionnaires de l’empire. »
Renvoi à la commission des pétitions.
Les conseils communaux de Hoesselt, Rommershoven, Bilsen et autres réclament l’intervention de la chambre
pour obtenir la construction de la route de Hasselt à Maestricht par Bilsen. »
M.
de Renesse. - Je demande que cette pétition
soit renvoyée à la commission des pétitions, avec demande d un prompt rapport,
avant la discussion du budget des travaux publics.
_____________________
M
Thyrion informe
la chambre qu’une indisposition l’empêche d’assister à la séance.
- Pris pour information.
____________________
M. Simons. - Messieurs, je pense qu’il convient de renvoyer directement cette
pétition à la section centrale qui est chargé de l’examen du budget du
département des travaux publics. Des pétitions d’une pareille nature ont déjà
été présentées, et je crois que la chambre a renvoyé directement ces sortes de
pétitions à la section centrale chargée de l’examen du budget auquel elles se
rapportaient. Un renvoi semblable a eu lieu hier. Je crois qu’on pourrait
également renvoyer directement la pétition dont il s’agit à la section centrale
du budget des travaux publics, sans passer par le circuit de la commission des
pétitions. J’en fais la proposition formelle.
- Cette proposition est adoptée. En
conséquence, la pétition est renvoyée à la section centrale du budget du
département des travaux publics.
M. Simons, au nom de la commission des pétitions. - Messieurs, dans la séance du
18 novembre, vous avec renvoyé à la commission des pétitions, avec demande d’un
prompt rapport, une pétition du sieur Leroy, fermier de la barrière n°5, sur la
route de Bruxelles à Binche. Par cette pétition datée de Braine-le-Comte le 12
avril dernier, le pétitionnaire demande une indemnité pour les pertes qu’il
prétend avoir essuyées dans la perception des droits de barrière, par suite de
l’abaissement des péages sur le canal de Charleroy, et de l’ouverture de la
section du chemin de fer de Braine-le-Comte sur Manage.
Votre commission m’a chargé de vous
présenter ce rapport.
Le pétitionnaire expose qu’en 1840,
il s’est rendu adjudicataire de la perception des droits à la barrière dite de
Saint-Michel prérappelée, pour le terme de trois années , qui a commencé en 1841 et finira au 31 décembre
prochain.
Que, lors de la mise en ferme de
cette barrière, ni le pétitionnaire, ni les autres fermiers sur cette route,
n’ont pu prévoir qu’avant l’expiration de leur contrat, des mesures pussent
être prises qui porteraient atteinte à la perception des droits de barrière
dont ils avaient obtenu la concession.
Que cependant, depuis, deux faits se
sont accomplis qui, pour me servir des termes de la pétition, auraient été le
coup de mort de ladite barrière.
Le premier de ces faits, c’est
l’abaissement des péages sur le canal de Charleroy, qui aurait eu pour
conséquence que les produits pondéreux de ces contrées, qui avant cette
diminution étaient transportés par la voie pavée, le sont actuellement par
cette voie navigable ; le second fait, c’est l’ouverture de la section du
chemin de fer de Braine-le-Comte à Manage, sur laquelle l’administration a
organisé le transport des marchandises au moyen de chevaux.
Par suite de cette dernière mesure,
dit le pétitionnaire, l’on a vu refluer sur Manage les produits des carrières
de Feluy et d’Arquennes,
ainsi que des charbonnages du centre, des verreries, des hauts-fourneaux et de
tout le commerce en général de ces riches contrées ; en un mot, dit-il, le
roulage s’arrête à Manage que l’on considère actuellement comme le point
central, et l’on ne voit plus circuler sur la route pavée que quelques rares
transports.
Le pétitionnaire ajoute qu’il est
loin de critiquer ces mesures prises dans l’intérêt général, il les approuve
même ; mais aussi il se croit fondé à obtenir une
indemnité qui compense la perte qu’il supporte et qui ne lui est occasionnée
que par le fait du gouvernement ; à ce sujet le pétitionnaire cite un arrêté
royal du 18 novembre 1831, qui prouve que le gouvernement, dans des cas
exceptionnels, s’empresse de venir au secours des fermiers de barrières.
Tels sont, messieurs, en résumé, les
faits et les considérations sur lesquels le pétitionnaire s’appuie pour
justifier sa demande d’indemnité.
Votre commission n’a pu vérifier le
point de fait. Aucune pièce n’est jointe à la pétition pour prouver les faits
avancés, ni pour constater la réalité et la quotité des pertes qui en auraient
été la suite. Ces faits restent donc dans les termes d’une simple allégation de
la part de celui qui prétend être lésé dans ses droits, et exigent
conséquemment un plus ample informé.
Sous le rapport de la question de
droit, votre commission se trouve aussi dans l’impossibilité de se former une
opinion en pleine connaissance de cause, attendu que le cahier des charges de
la mise en ferme de cette barrière, pièce indispensable pour apprécier le
mérite de la demande en indemnité, sous le rapport du droit , manque également
au dossier.
Dans cet état de choses, votre
commission vous propose, par mon organe, le renvoi de cette pétition à M. le
ministre des travaux publics, ainsi qu’à M. le ministre des finances, pour y
être statué ainsi qu’il appartiendra.
Ce qui surtout a déterminé votre
commission à cette conclusion, sans toutefois vouloir, en aucune manière, préjuger
par là le fondement de la réclamation, c’est que le pétitionnaire met en fait,
que plusieurs réclamations auraient été adressées à M. le ministre des travaux
publics, qui toutes seraient restées sans réponse.
PROJET
DE LOI PORTANT LE BUDGET DE LA DETTE PUBLIQUE ET DES DOTATIONS POUR L’EXERCICE
1844
Discussion
générale
M.
le président. - La discussion générale est
ouverte.
M. le ministre des finances se
rallie-t-il aux propositions de la section centrale ?
M. le ministre des finances
(M. Mercier) - Je me rallie aux
amendements proposés par la section centrale, en ce qui concerne les articles
1, 4, 8 et 15. Quant à l’art. 16, j’attendrai, avant de me prononcer, les
explications qui ne se trouvent pas dans le rapport.
M.
Cogels. - En effet, le rapport présente une
lacune à l’article 16 : c’est un oubli de ma part ; j’aurai soin de donner les
explications nécessaires, lorsque nous en serons venus à cet article.
- Personne ne demandant plus la
parole, la discussion générale est close. La chambre passe à la discussion des
articles.
Discussion
des articles
Chapitre premier. Service de
la dette
Articles 1 et 2
« Art. 1er. Arrérages de deux
inscriptions au grand-livre des rentes créées sans désignation de capital,
l’une de 300,000 fr., portée au nom de la ville de Bruxelles, en vertu de la
loi du 4 décembre 1842, l’autre de 846,560, créée au profit du gouvernement du
royaume des Pays-Bas, en exécution du § 1er de l’art. 63 du traité du 5
novembre 1842 : fr. 1,146,560. »
La section centrale propose de
diviser cet article en deux articles distincts. Ils seraient ainsi conçus :
« Art. 1er. Arrérages d’une
inscription au grand-livre des rentes créées sans désignation de capital,
portée au nom de la ville de Bruxelles, en vertu de la loi du 4 décembre 1842 :
fr. 300,000. »
« Art. 2. Arrérages d’une
inscription au grand-livre des rentes créées sans désignation de capital,
portée au profit du gouvernement des Pays-Bas, en exécution du § 1er de l’art.
63 du traité du 5 novembre 1842 : fr. 846,560. »
- Ces deux articles sont mis aux voix
et adoptés sans discussion
Article 2 (qui devient l’article 3)
« Art. 3. Intérêts des capitaux
inscrits au grand-livre de la dette publique à 2 1/2 p.c., en exécution des §§
2 à 7 inclus de l’article 63 du même traité : fr. 9,735,440
78 »
- Adopté.
Article 3 (qui devient l’article 4)
« Art. 4. Intérêts de l’emprunt
de 100,800,000 francs, à 5 p. c., autorisé par la loi
du 16 décembre 1831 : fr. 5,040,000
« Dotation de l’amortissement de
cet emprunt : fr. 1,008,000
« Ensemble : fr. 6,048,000 »
- Adopté.
Article 4 (qui devient l’article 5)
« Art. 5. Frais relatifs au
payement des intérêts et à l’amortissement dudit emprunt et arriérés pour les
exercices 1842 et 1843 : fr. 140,000
« Charges extraordinaires : fr.
12,600 »
La section centrale propose de faire
disparaître de la colonne des charges extraordinaires la somme de 12,600 fr.,
qui ferait l’objet d’une loi spéciale.
M. le ministre des finances
(M. Mercier) s’est rallié à cette
proposition.
- L’art. 4 (devenu l’art. 5) est mis
aux voix et adopté, avec le chiffre de 140,000 fr.
Article 5 (devenu l’article 6)
« Art. 6. Intérêts de l’emprunt
de 30,000,000 de francs, à 4 p. c., autorisé par la
loi du 18 juin 1836 : fr. 1,200,000
« Dotation de l’amortissement de
cet emprunt : fr. 300,000
« Ensemble : fr. 1,500,000 »
- Adopté.
Article 6 (devenu l’article 7)
« Art. 7. Frais relatif au
payement des intérêts et à l’amortissement du même emprunt : fr. 4,500 »
- Adopté.
Article 7 (devenu l’article 8)
« Art. 8. Intérêts de l’emprunt
de 50,850,800 fr., à 3 p. c., autorisé par la loi du
mai 1838 : fr. 1,525,524
« Dotation de l’amortissement de
cet emprunt : fr. 508,508
« Ensemble : fr. 2,034,032 »
- Adopté.
Article 8 (devenu l’article 9)
« Art. 9. Frais relatifs au
payement des intérêts et à l’amortissement dudit emprunt : fr. 34,000 »
- Adopté.
Article 9 (devenu l’article 10)
« Art 10. Intérêts de l’emprunt
de 86,940,000 fr., à 5 p. c., autorisé par la loi du
26 juin 1840, fr. 4,347,000
« Dotation de l’amortissement de
cet emprunt : fr. 869,400
« Ensemble : fr. 5,216,400 »
M. le ministre des finances
(M. Mercier) - Messieurs, la loi du 26
juin 1840, qui a autorisé l’emprunt dont il s’agit dans cet article, porte,
comme toutes les lois relatives à nos emprunts, une disposition concernant
l’amortissement. Cette disposition est ainsi conçue :
« Il sera consacré à l’amortissement
de cet emprunt une dotation d’an moins 1 p. c. par an du capital nominal,
indépendamment des intérêts des obligations amorties. »
Mais, comme cet emprunt a été fait en
obligations à 5 p. c. d’intérêt, le gouvernement a pensé qu’il était utile de
réserver à l’Etat la faculté de ne pas racheter les obligations au-dessus du
pair. Par conséquent, les contrats de l’emprunt portent une clause qui nous
autorise à suspendre l’action de l’amortissement, lorsque les obligations
seront au-dessus du pair.
Pour user de cette faculté, le
gouvernement aurait dû, à la rigueur, demander une loi à la législature,
puisqu’en en usant, il dérogeait à la disposition dont je viens de donner lecture.
C’est une nécessité que j’ai signalée moi-même, dès la première discussion qui
a eu lieu dans cette chambre sur l’emprunt de 1840 ; c’était, si je ne me
trompe, lorsqu’il s’est agi du budget des voies et moyens de 1841. Toutefois,
une semblable loi n’a pas été proposée jusqu’à ce jour ; mais, au su de la
chambre, il a été fait usage de la faculté réservée par les contrats.
Maintenant je persiste dans l’opinion que j’ai émise, à savoir, qu’une loi est
indispensable pour régulariser cet amortissement.
Cette loi est d’autant plus
nécessaire, qu’il y a divergence d’opinions sur la portée de certaines
stipulations des contrats.
Quelques membres pensent qu’en vertu
des termes mêmes des contrats, il faudrait aussitôt que les obligations
descendront au-dessous du pair, consacrer à l’amortissement tous les fonds qui
n’auraient pas été employés pendant le temps où le cours des obligations serait
resté au-dessus du pair. Cette opinion se fonde sur une interprétation du texte
même des contrats ; je ne puis être d’accord avec eux sur ce point, car
l’intention du gouvernement dans les stipulations dont il s’agit, a été de ne
pas être astreint à employer immédiatement à
l’amortissement tous les fonds réservés, aussitôt que le cours des obligations
serait descendu au-dessous du pair, s’il ne le jugeait pas nécessaire ou utile.
Messieurs, si je ne partage pas
l’opinion de ces honorables membres sur l’interpellation des contrats, je suis
d’accord avec eux sur la nécessité d’employer une partie des fonds nécessaires
à l’amortissement de ces emprunts, alors que contre toute attente les
obligations viendraient à descendre au-dessous du pair. Mais la loi qui sera
nécessaire pour autoriser le gouvernement à continuer à ne pas amortir tant que
le cours des obligations excédera le pair, réglera, en même temps, dans quelle
proportion on devra consacrer à l’amortissement une partie des fonds réservés.
Supposons qu’il se trouve trois ou quatre millions dans les caisses de
l’amortissement provenant des fonds non employés, il est évident que personne
ne voudra que ces quatre millions soient employés dans le premier mois de la
baisse au-dessous du pair. Comment ferait-on à défaut d’une disposition de loi
? Il est bon d’insérer dans la loi autorisant la suspension de l’amortissement,
une disposition indiquant de quelle manière, dans quelle proportion seront
employés les fonds réservés.
Cette disposition serait également
rendue applicable à l’emprunt décrété par la loi du 29 septembre 1842. Dans le
contrat d’emprunt passé en vertu de cette loi, mon honorable prédécesseur s’est
également réservé la faculté de suspendre l’amortissement quand le cours des
obligations dépasserait le pair ; il a même ajouté une autre disposition plus
large encore ; il a réservé au gouvernement le droit de donner une autre
destination aux fonds non employés à l’amortissement. Il va sans dire que mon
prédécesseur n’a pas entendu donner à ces fonds cette autre destination sans y
être autorisé par une loi, qu’il vous eût proposée, le cas échéant.
Me résumant : il fallait une
loi pour suspendre l’amortissement, même quand le cours des obligations est
au-dessus du pair. Cette loi n’a pas été présentée, mais la chambre n’ignorait
pas que l’action de l’amortissement restait suspendue ; cette loi devra être
présentée et contenir une disposition réglant l’emploi des fonds réservés sur
les deux emprunts, par suite de la suspension de l’amortissement jusqu’au
moment où le cours des obligations viendrait à descendre au-dessous du pair.
Telles sont les dispositions que
devra renfermer la loi donc il s’agit. Toute discussion serait maintenant
inopportune sur cet objet. Le dissentiment qui existe sur quelques points avec
d’honorables membres est sans aucun intérêt, car nous sommes d’accord sur la
nécessite d’employer à l’amortissement les fonds réservés ; le désaccord ne
peut exister que sur la proportion dans laquelle cet emploi devra être fait.
M.
Cogels. - Ce que M. le ministre des
finances vient de dire confirme l’opinion que j’avais émise dans une séance
précédente. Effectivement, d’après la loi, l’amortissement est obligatoire, non
pas vis-à-vis des préteurs, non pas vis-à-vis des porteurs d’obligations, mais
vis-à-vis du pays, parce qu’en consacrant annuellement une dotation d’un pour
cent à l’amortissement, la législature a voulu que la dette fût éteinte dans un
certain nombre d’années. Maintenant, le gouvernement, par les contrats, s’est
réservé le droit de ne pas amortir quand les obligations seraient au-dessus du
pair. Il faut une loi pour régulariser cette dérogation.
D’un autre côté, M. le ministre des finances a oublié de mentionner qu’il s’est
interdit la faculté du remboursement au pair pendant six ans. Ceci a eu lieu
pour chacun des deux emprunts. Ainsi à l’expiration de six années, le
gouvernement rentre dans son droit, soit vis-à-vis des porteurs d’obligation,
soit vis-à-vis des maisons avec lesquelles on a contracté, de faire le
remboursement au pair par tirage au sort. La loi pourra régler, en même temps
que les rachats à faire éventuellement en cas de baisse au-dessous du pair, la
proportion dans laquelle se feront les remboursements au pair par tirage au
sort, quand le gouvernement aura recouvré la faculté de commencer ces tirages.
Je pense qu’il sera inutile de
discuter maintenant cet objet, car pour le faire avec fruit, nous devrions
avoir sous les yeux les différents contrats. Il y en a trois, et relativement à
l’amortissement, les conditions ne sont pas tout à fait les mêmes. Je crois que
nous devons attendre, comme l’a dit M. le ministre des finances, que la loi
soit présentée pour discuter cet objet à fond.
M. le ministre des finances
(M. Mercier) - Je n’ai qu’une seule
réserve à faire aux paroles que nous venons d’entendre. L’honorable rapporteur
pense qu’après l’expiration des six années le gouvernement pourra rembourser
les obligations au pair par tirage au sort. Je ne veux pas que mon silence soit
considéré comme une adhésion à cette opinion. Je fais, à cet égard, toute
réserve.
- L’art. 9 (devenu art. 10) est mis
aux voix et adopté.
Article 10 (qui devient article 11)
« Art. 11. Frais relatifs au
payement des intérêts et à l’amortissement de cet emprunt, et arriérés pour les
exercices 1842 et 1843, charges ordinaires : fr. 130,000
« Charges extraordinaires : fr.
9,300 »
- La section centrale propose la
suppression des 9,300 fr portés à l’extraordinaire.
Le gouvernement se rallie à cet amendement.
L’article, réduit aux 130,000 fr.
pour dépense ordinaire, est adopté.
Article 11 (devenu article 12)
« Art. 12. Intérêts de l’emprunt
de 28,621,718 francs 40 c., autorisé par la loi du 29
septembre 1842 : fr. 1,431,085 92
« Dotation de l’amortissement de
cet emprunt : fr. 286,217 18
« Ensemble : fr. 1,717,303 10 »
- Adopté.
Article 12 (devenu article 13)
« Art. 13. Frais relatifs au
payement des intérêts et à l’amortissement de cet emprunt, et arriérés pour
l’exercice 1843 : fr. 45,000 »
- Adopté.
Article 13 (devenu l’article 14)
« Art. 14. Intérêts de l’emprunt
de 1,481,481 fr. 48 c., à 5 p. c., autorisé par arrêté
royal du 21 mai 1829, pour l’érection de l’entrepôt d’Anvers : fr. 74,074 07
« Dotation de l’amortissement de
cet emprunt : fr. 14,814 81
« Ensemble : fr. 88,888
88. »
- Adopté.
Article 14 (devenu article 15)
« Art. 15. Frais relatifs au
même emprunt : fr. 200. »
- Adopté.
Article 15 (devenu article 16)
« Art. 16. Indemnités pour
pertes causées par les événements de guerre de la révolution. En numéraire :
« En numéraire (dép. ext.) : fr. 250,00
« Intérêts à 3 p. c., sur 7,000,000 de fr., montant approximatif des
obligations à créer : fr. 210,000
« Dotation de l’amortissement
des obligations à créer : fr. 70,000. »
- La section centrale propose de
laisser subsister le paragraphe relatif à l’amortissement, mais de ne porter le
chiffre de 70,000 fr. que pour mémoire.
M.
Delfosse. - Vous savez, messieurs, que la loi
sur les indemnités a rencontré une forte opposition. Il est inutile de rappeler
à la chambre quels sont les motifs qui engageaient plusieurs de ses membres à
s’opposer à l’adoption de cette loi. Ce qui a engagé beaucoup de membres à
l’adopter, c’est qu’un amendement a été proposé pour réduire le chiffre des
indemnités. Le chiffre a été réduit à sept millions de francs en obligations 3
p. c. plus un million en argent pour les indemnités au-dessous de 300 francs.
Beaucoup de membres se sont dit que
l’Etat ne se chargeait en définitive que de payer 60 p. c. du capital déjà
réduit à 7 millions ; tel était, en effet, le résultat de la fixation de
l’intérêt à 3 p. c. C’est cette réduction d’abord du capital à 7 millions et
ensuite du taux de l’intérêt qui a engagé beaucoup de membres à voter la loi.
Le gouvernement n’a pas pris l’engagement, la loi ne lui a pas fait une
obligation d’amortir ce fonds 3 p. c. créé pour les indemnités.
Aujourd’hui le gouvernement veut
entrer dans la voie de l’amortissement pour ce fonds, connue pour celui de
l’emprunt 3 p. c. La section centrale propose bien de faire disparaître du
budget de cette année l’allocation de 70,000 francs que demande le gouvernement
pour l’amortissement des sept millions votés pour les indemnités ; mais, tout
en proposant la suppression du chiffre, la section centrale laisse subsister le
libellé. En laissant subsister le libellé, la chambre reconnaîtrait, en quelque
sorte, le principe de l’amortissement. Le résultat de ce vote serait en quelque
sorte un engagement que la chambre prendrait d’élever le taux des indemnités
qui ont été votées. Vous n’avez voulu voter que 60 p. c. du capital. Si l’on
déclarait maintenant qu’un amortissement sera créé, les personnes qui sont
appelées à recueillir les avantages de la loi des indemnités, au lieu de
recevoir 60 p. c., recevraient beaucoup plus. La
création d’un fonds d’amortissement aurait pour effet d’assimiler le fonds des
indemnités à notre emprunt 3 p. c. qui est actuellement côté à 76 p. c. Le
cours n’est tel qu’à cause de l’amortissement. Le fonds des 7 millions
s’élèverait bientôt à 76 p. c, et pourrait s’élever encore davantage par la
suite. L’Etat, pour racheter le capital, devrait payer 76 p. c.
Cependant, la chambre n’a voulu
accorder que 60 p. c. aux personnes appelées à recueillir les avantages de la
loi. Une considération qu’il ne faut pas perdre de vue, c’est que la réduction
de l’intérêt a engagé un grand nombre de membres à voter pour la loi. Sans
cela, la loi n’eût pas passé. Aujourd’hui que la loi a passé, on veut revenir
sur le vote de la chambre, on veut élever par un moyen indirect le taux des
indemnités. Je dois m’opposer à cette proposition, les personnes qui profitent
de la loi des indemnités ont déjà un assez grand avantage, puisque d’autres
personnes qui ont fait aussi de grandes pertes par suite des événements de la
révolution ne recevront rien ; vous le savez, messieurs, on a établi des
catégories ; il y a des catégories qui ont obtenu des indemnités ; il y en a
d’autres qui n’ont rien obtenu. Il est possible aussi, que l’avantage qui
résulterait de l’amortissement, serait, en grande
partie, pour les spéculateurs. Il y a peut-être déjà beaucoup de spéculateurs
qui ont acheté de ces fonds. Naturellement, ils ont acheté au cours de 60 p. c.
peut-être même à un cours moins élevé, à cause des éventualités. Il y a des
personnes dont les droits n’étaient pas bien établis ; on a pu spéculer sur
l’incertitude, et obtenir la cession de leurs droits à un prix fort peu élevé.
Mais j’admets que les spéculateurs
aient payé 60 p. c. C’est le maximum ; car le 5 p. c.
sans amortissement ne peut guère, dans les circonstances actuelles, s’élever
au-delà de 60 p. c. La proposition de la section centrale tournerait donc, en
définitive, au profit des spéculateurs, ce serait un aliment de plus à
l’agiotage.
A part toutes ces
considérations, il en est une autre qui doit frapper la chambre ; convient-il,
lorsque nous n’y sommes pas obligés, d’amortir un fonds dont nous ne payons
l’intérêt qu’à 3 p. c. ? Est-ce que nos finances sont
dans un état tellement prospère que nous devions rembourser un fonds pour
lequel nous ne payons que 3 p. c., alors qu’il nous
faudra payer 5 p.c. d’intérêt plus des droits de commission, quand nous aurons
besoin de contracter un emprunt.
Je ne pense pas, messieurs, que vous
suivrez la section centrale dans cette voie. Du 3 au 2 1/2 p. c., il n’y a qu’un pas. Si vous amortissez le 5 p. c., il n’y a pas de raison pour qu’on ne vous propose d’amortir
aussi la partie de la dette hollandaise mise à notre charge et qui est à 2 1/2
p. c. et ce système nous conduirait fort loin.
Je crois en avoir dit assez pour
démontrer que la proposition de la section centrale ne peut être accueillie,
qu’il ne faut pas se borner à biffer le chiffre, mais qu’il faut aussi
supprimer le libellé, qui consacrerait le principe de l’amortissement.
M.
de La Coste. - Ainsi que vient de le rappeler
l’honorable M. Delfosse, la loi de mai 1842, relative aux indemnités pour
pertes de la guerre, a été le résultat d’un long débat. Les prétentions sur
lesquelles la chambre avait à prononcer s’élevaient à une somme énorme ; elles
allaient au-delà de 30 millions : si l’on avait accueilli la base proposée par
un honorable membre, les catégories admises se seraient élevées à 28 millions.
D’après la base qui a prévalu, elles
ont été calculées approximativement à vingt millions. Pour liquider ces vingt
millions, on a accordé seulement 8 millions à titre d’indemnité, outre un peu
plus d’un million déjà payé par avance et sous forme d’acompte. Cette somme
doit être payée partie en fonds 3 p. c., et partie en
argent, intégralement ou sur le pied des fonds 3 p. c.
Dans cette discussion, de graves
questions avaient été débattues. A l’appui des prétentions des réclamants, les
uns ont invoqué un droit positif, les autres des considérations d’équité, les
autres, enfin, des considérations politiques. Ces dernières considérations
auront été le motif de la délibération à huis clos, et non en séance publique.
Le principe d’un droit positif n’a pas été admis. Les autres considérations ont
prévalu dans la mesure que je viens d’indiquer.
S’il y avait des réclamants qui
eussent conservé l’idée d’un droit positif, il leur était loisible de faire
valoir ce droit devant les tribunaux ; pour tous ceux qui n’ont point choisi
celte voie, la loi est devenue le titre des parties : c’est le titre des
créanciers et la mesure des obligations de l’Etat.
Je dirai très peu de mots de
l’amortissement. J’objecterai cependant à l’honorable M. Delfosse que le
principe de l’amortissement est dans la loi, quoiqu’il demeure facultatif.
La loi dit : « L’amortissement
sera facultatif. » Par là, l’amortissement est établi en principe, sous toutes
les réserves ; par là, un espoir a été donné aux réclamants. Par là, l’Etat
s’est engagé à examiner jusqu’à quel point son intérêt comporterait la
réalisation de cet espoir.
Je trouve donc que la proposition de
l’honorable M. Delfosse, de rayer l’amortissement pour mémoire va au-delà de la
loi. Il y a un amortissement facultatif en principe ; et l’Etat aura à examiner
s’il ne serait pas dangereux pour son crédit d’avoir sur la place deux 3 p. c., parce que quand on émettra du 3 p. c. sur un autre pied,
on se rabattra sur le 3 p. c. à meilleur marché provenant de l’indemnité ; ce
qui déprimera le cours de celui dont l’Etat aura intérêt à soutenir la valeur.
L’Etat a encore un autre intérêt dans
cet amortissement, comme dans tous les autres, celui d’une libération
définitive. C’est à l’Etat à combiner son propre intérêt avec celui des
créanciers (je les appelle créanciers, laissant de côté l’origine du droit, et
seulement en vertu du titre qu’ils trouvent dans la loi). Le débat sur la
question des indemnités ayant été terminé, la loi étant rendue, je crois que
les créanciers, dans la limite de la loi, doivent être l’objet de la
sollicitude du gouvernement, que le gouvernement doit faire pour eux tout ce
qui est conciliable avec les termes de la loi. C’est cette considération qui
m’a engagé à demander la parole pour vous présenter une observation. Le
mécanisme de la loi place les créanciers dans une position excessivement
défavorable. Pour que les titres de rentes 3 p. c. leur soient délivrés, il faut que la totalité des créances ait été
débattue, liquidée. On ne peut remettre les titres de 3 p. c. à un seul
créancier avant que la totalité des créances soit connue, puisqu’il faut opérer
un marc le franc. La quotité de ce marc le franc dépend de la totalité des
créances qui seront reconnues. Voilà une chose extrêmement aggravante pour les
créanciers et qui n’est d’aucune utilité, d’aucun avantage pour l’Etat.
Cependant, messieurs, il arrivera une
certaine période où l’on pourra dire non pas encore quel sera le montant
définitif des créances qui seront admises, mais où l’ou pourra dire avec
certitude qu’elles n’excéderont pas une certaine somme.
Je demande si, quand on sera
arrivé à ce point de connaître le maximum possible des créances, on ne pourrait
pas prendre une disposition par laquelle il serait accordé aux créanciers un
à-compte. Je pense que pour cela il faudra le concours du pouvoir
législatif, et je n’en parle, en
conséquence, que pour fixer là-dessus l’attention du gouvernement.
Je donne cette idée non pas comme une
proposition formelle, mais comme une idée sur laquelle je prie MM. les
ministres des finances et de l’intérieur de fixer leur attention. Peut-être y
aurait-il quelqu’autre moyen d’atteindre le but.
Mais, je le répète, tout ce qu’on peut faire sans aggraver l’état du trésor, et
pour venir cependant au secours des créanciers, il me semble que la chambre et
le gouvernement doivent l’accepter avec empressement.
M.
Cogels, rapporteur. - Messieurs, ce n’est pas la
première fois que la question de l’amortissement relatif aux rentes délivrées
pour les indemnités, est agitée dans cette enceinte. Déjà, l’année dernière,
dans les sections, s’était produite la proposition de
l’honorable M. Delfosse ; mais elle avait été écartée comme contraire au
principe de la loi qui rend l’amortissement facultatif.
Voici quelle fut la résolution prise
alors par la section centrale :
« Quant aux 64,166 fr. 67 c.
appliqués à l’amortissement, la section centrale, sans vouloir préjuger la
question soulevée dans le sein de la première section, et tout en reconnaissant
les avantages que présente l’amortissement dans l’intérêt du crédit public, a
pensé que l’amortissement étant facultatif, et ne pouvant en aucun cas exercer
son action en 1843, il pourrait être ajourné à un exercice suivant. »
Vous voyez, messieurs, qu’il n’a été
question alors que d’un ajournement de l’amortissement, parce qu’il était
impossible de le rendre actif dans le courant de 1843, et ce sont encore les
mêmes motifs qui ont guidé la section centrale pour l’exercice 1844.
Ainsi que vient de vous le faire
remarquer l’honorable préopinant, le sort que l’on a fait aux créanciers est
déjà très fâcheux. Plusieurs catégories de créances ont été rejetées ; pour
d’autres, on a accordé une faible aumône, et pour celles qui ont été admises,
on leur a donné, après onze années d’attente, des titres que l’honorable M.
Delfosse évalue à 60 p. c. comme limite extrême, et il y paraît vouloir
défendre aux rentes de l’indemnité de dépasser ce taux.
L’intention de la législature,
messieurs, n’a nullement été de ne donner aux créanciers que 60 p. c. Ce qui le
prouve, c’est que, pour toutes les créances au-dessous de 500 fr., elle a
décidé le paiement intégral en numéraire. Quant aux créances d’une somme plus
élevée, on a dit que, comme le sacrifice en numéraire serait très considérable
pour l’Etat, on leur donnerait des titres 3 p. c. ; de
sorte qu’ainsi l’Etat, au lieu de supporter tout à coup le sacrifice du
capital, n’aurait à supporter que celui des intérêts annuels.
Mais, messieurs, alors même qu’on
décréterait aujourd’hui qu’il n’y aura pas d’amortissement, ce 3 p. c.
s’élèverait au-dessus de 60 p. c. Ce qui vous le prouve, c’est qu’un 5 p.c. qui
a contre lui les chances de l’amortissement au pair, se trouve à 106, de sorte
que si vous êtes remboursé, vous perdez 6 p. c. sur votre capital. Ce qui le
prouve encore, c’est que la rente anglaise 3 p. c.,
pour laquelle il n’y a plus d’amortissement pour le moment, est à 96 p. c.
Tout cela dépend du développement du
crédit, et il est telle circonstance où il pourra être précisément de l’intérêt
du gouvernement de racheter le 3 p. c. créé pour les
indemnités.
Ainsi, comme vous l’a dit l’honorable
M. de
Voyons, messieurs, quels seraient
pour l’Etat le résultat de l’admission du principe défendu par l’honorable M.
Delfosse. Ce serait de rendre le sort des victimes des événements de la guerre
d’autant plus déplorable, sans que cependant l’Etat en retirât un très grand
profit ; car si l’on voulait, comme le demande M. Delfosse, empêcher les titres
3 p. c. délivrés aux victimes de la guerre de s’élever au delà de 60, celles-ci
auraient sur leur capital une perte certaine de 40 p. c.,
et cela après onze ans d’attente. Et que profiterait l’Etat ? Il économiserait
un sacrifice annuel de 70,000 fr. Et encore ce ne serait pas un profit net, car
en même temps il se priverait par là de la faculté de se libérer.
Il ne faut pas, en effet, calculer la
totalité de l’amortissement comme sacrifice ; s’il y avait véritablement un
sacrifice, ce ne pourrait être que la somme formant l’excédant d’un emploi
semblable en 5 p. c. Ainsi, je suppose que vous remboursiez une rente 5 p. c.
au pair et un 3 p. c. à 75, il n’y aura pas un
sacrifice de 70,000 gr. pour le trésor, mais un sacrifice de 17,500 ; encore en
ce cas vous ne devez calculer que sur la rente.
Voila donc que, pour un simple
bénéfice de 17,500 fr. au plus, vous voudriez peser autant que possible sur le
sort des victimes de la guerre. Je ne pense pas que telle puisse être
l’intention de l’honorable M. Delfosse.
Il nous a parlé de spéculateurs, et
effectivement il est possible que quelques-uns des titres soient passés dans
les mains des spéculateurs. Cependant, je dois vous dire que je n’ai pas
entendu parler de semblables transactions ; et s’il s’en était fait, je devrais
en avoir connaissance ; car se serait principalement à la bourse d’Anvers
qu’elles se seraient effectuées, puisque c’est dans cette ville qu’existent les
créances les plus considérables. Jusqu’à présent, je n’ai entendu parler que de
quelques réclamations, sur lesquelles on n’a pas trafiqué, mais qui ont été
abandonnées à des créanciers, parce que des victimes des événements de la
guerre ont été obligés, par cela même, de suspendre leurs paiements.
Je pense donc, messieurs,
qu’en adoptant la proposition de la section centrale, en laissant subsister le
libellé de l’article, et en portant le chiffre jour mémoire, nous ne portons
aucune atteinte au principe de la loi. La faculté réservée au gouvernement
reste pleine et entière. Si l’état de nos finances, si l’état des ressources
naturelles du pays, c’est-à-dire si le budget des voies et moyens le permet, et
si l’intérêt du crédit l’exige, le gouvernement pourra porter une somme pour
l’amortissement. S’il trouve convenable au contraire, soit dans l’intérêt du tresor, soit dans l’intérêt du crédit de supprimer ou de
suspendre l’amortissement, il le pourra faire. Conserver le libellé ne préjuge
aucunement la question. Le supprimer, ce serait préjuger la question, ce serait
en quelque sorte violer la loi que vous avez votée et qui a déclaré
positivement que l’amortissement était facultatif.
M.
Malou. - Messieurs, je ne puis partager l’opinion
qui vient d’être émise par l’honorable rapporteur. L’année dernière, un crédit
avait été porté pour l’amortissement des rentes destinées à payer les
indemnités ; cette année ce crédit a été également porte au budget.
L’année dernière, on a supprimé
l’article, afin de ne pas préjuger le principe ; mais il serait préjuge si la
proposition de la section centrale était adoptée. Nous déclarons, en effet, que
plus tard il y aura un amortissement. Il est évident que l’article étant
adopté, même pour mémoire, le principe de l’amortissement le sera également.
M.
Cogels. - Il est dans la loi.
M.
Malou. - Il est dans la loi ! Mais je
rappellerai à l’honorable membre que, lorsqu’on a déclare dans la loi du 1er
mai 1842, que l’amortissement serait facultatif, on l’a fait afin d’ajourner la
question, afin de n’avoir pas à décider alors s’il y aurait, ou s’il n’y aurait
pas d’amortissement. Je rappellerai encore, comme l’a fait l’honorable M.
Delfosse, que pour plusieurs membres qui ont voté la loi, cette clause a été
une des conditions de leur vote. Je ne suis pas dans ce cas ; car j’ai voté
contre la loi.
Pourquoi, messieurs, s’écarter
de la marche de l’année dernière ? Puisqu’il est évident que l’amortissement ne
pourra se faire cette année, réservons cette discussion jusqu’au jour où nous
aurons à résoudre la question par une application réelle, c’est-à-dire en
portant un crédit au budget.
Je ne crois pas utile de discuter
s’il doit y avoir un amortissement mais il me semble qu’il ne faut rien
préjuger, plus qu’on ne peut l’effectuer en 1844.
En supprimant l’article tout entier,
nous resterons fidèles à nos précédents, et nous laisserons la question intacte
pour l’avenir.
M. le ministre des finances
(M. Mercier) - Messieurs, je crois que la
section centrale n’a eu d’autre but que de ne pas préjuger la question, que de
la laisser tout à fait intacte.
La loi porte que l’amortissement est
facultatif. Cette faculté, il faut encore la laisser exister. Voilà qu’elle a
été la pensée, qu’elle a été l’intention de la section centrale, et c’est dans
ce sens aussi que je me suis rallié à son amendement.
Il y a une différence entre l’opinion
de l’honorable M. Malou et celle de l’honorable M. Delfosse ; ce dernier m’a
paru se prononcer positivement contre l’amortissement, et si la chambre avait
rejeté le libellé proposé par la section centrale sous l’impression des paroles
qu’il a prononcées, la question eût été préjugée, il ne s’agissait plus
d’amortissement. S’il est bien entendu que la question reste intacte, je crois
que l’honorable rapporteur pourrait au nom même de la section centrale,
abandonner la proposition de porter une disposition pour mémoire relativement à
l’amortissement. S’il le faisait, je me rallierais à sa proposition, parce que,
pour moi, ce serait exactement l’équivalent de ce que désire l’honorable M.
Malou, et de ce que la section centrale a proposé.
Messieurs, un honorable membre
a émis tout à l’heure une opinion sur la marche à suivre quant à la liquidation
elle-même. Il a avec raison représenté qu’il pouvait être fort pénible pour les
intéressés d’attendre que toute la liquidation fût terminée avant de toucher
une somme quelconque sur leurs créances.
Je ne sais pas jusqu’à quel point le
moyen qu’il a indiqué pourra recevoir son application. Cependant, je puis
déclarer qu’elle sera examinée avec attention par le gouvernement. Il est
possible qu’une fois toutes les prétentions étant
constatées, mais non encore reconnues par la commission, on puisse décider que
des à-comptes seront donnés aux intéressés avec la certitude de ne pas dépasser
l’indemnité qui leur sera allouée après examen de leurs titres.
M.
Delfosse. - M. le ministre des finances se
trompe lorsqu’il pense que j’ai voulu préjuger la question. J’ai demandé, au
contraire, que la question ne fût pas préjugée. C’est parce que je ne voulais
pas qu’elle fût préjugé que j’ai demandé la suppression du libellé. Si j’avais
voulu la faire préjuger, si j’avais voulu faire décider par la chambre qu’il
n’y aurait pas d’amortissement, j’aurais demandé l’abrogation de la loi ; je
n’ai pas demandé qu’on changeât quelque chose à la loi ; le principe de
l’amortissement n’est pas dans la loi, quoi qu’ait pu dire l’honorable M.
Cogels ; ce qui est dans la loi, c’est le principe d’une liberté entière ; le
gouvernement est entièrement libre d’amortir ou de ne pas amortir. Mon opinion
est qu’il serait imprudent d’amortir dans les circonstances actuelles. Vous
sentez bien, messieurs, qu’il serait contraire à l’intérêt du trésor d’amortir
un fonds 3 p. c. alors que nous ne pouvons emprunter qu’à 5 p. c. ; mais pourquoi la faculté d’amortir se trouve-t-elle
dans la loi ? Parce qu’il peut arriver des circonstances meilleures, parce
qu’il peut arriver que le taux de l’intérêt tombe au-dessous de 3 p. c. ; dans ce cas, il y aurait intérêt à amortir et alors
nous pourrions porter au budget la somme nécessaire pour opérer cet
amortissement.
L’honorable M. Cogels et l’honorable
M. de
Ce que l’on a dit des inconvénients
d’avoir un fonds 3 p. c. sans amortissement, alors qu’il y en a un autre avec
amortissement, ce que l’on a dit à cet égard me touche peu. Je ne vois pas le
moindre inconvénient à l’existence simultanée de ces deux espèces de fonds.
L’existence d’un fonds sans
amortissement n’influera en aucune manière sur le crédit public, sur le cours
de l’autre fonds 3 p.c. ; les personnes qui achètent des fonds publics savent
très bien faire la distinction, savent très bien quelles conditions plus ou
moins favorables chaque espèce de fond prescrite ; ceux qui spéculent à la
bourse savent très bien que l’emprunt de 3 p. c. jouit de l’amortissement ;
c’est cette circonstance qui élève le cours de ce fonds et je ne sais pas
pourquoi un fonds tout spécial, créé dans un but tout spécial, se trouverait
dans les mêmes conditions ; lorsque nous avons contracté l’emprunt de 3 p. c.,
nous avons subi les conditions qui nous ont été imposées, mais lorsque nous
avons créé le 3 p. c. dont il s’agit en ce moment, nous avons fait les
conditions nous-mêmes.
Je le répète, c’est parce que
l’intérêt n’était que de 3 p. c. que la loi a été votée. Pour obtenir le
suffrage d’un grand nombre de membres, on est venu dire qu’on ne donnerait en
définitive que 60 p. c.
Je regrette que le Moniteur n’ait pu reproduire la
discussion, qui a eu lieu à huis clos ; il ne reste ainsi aucun des motifs qui
ont engagé beaucoup de membres de la chambre à se rallier à la loi. Mais, j’en
appelle à vos souvenirs, messieurs, et je vous demande si ce ne sont pas les
considérations que j’ai indiquées, qui ont engagé un
grand nombre d’entre vous, à voter la loi.
M.
Cogels, rapporteur. - Dès qu’il ne s’agit
aucunement de préjuger la question, je crois pouvoir, au nom de la section
centrale, me rallier à la proposition faite de supprimer le libellé. La chambre
ferait alors ce qu’elle a fait pour l’exercice précédent, et la position resterait
la même, car la loi est toujours là et l’amortissement reste facultatif.
Je dirai seulement quelques mots
quant à l’observation qui a été faite par l’honorable M. Delfosse relativement
à la position des deux fonds à la bourse. S’il fallait en croire l’honorable
membre, la bourse serait toujours logique, mais rien n’est au contraire moins
logique que la bourse, et le taux d’un fonds réagit toujours sur celui d’un
autre. C’est ce que nous voyons particulièrement en Belgique, car c’est la
constitution actuelle du 5 pour cent pour lequel il y a un remboursement au
pair par la voie du sort, c’est cette constitution du
5 p. c. qui a empêché jusqu’ici le développement de notre crédit. Certainement
si nous n’avions pas à côté du 3 et du 4 p.c., un 5 p.
c. menacé constamment du remboursement par le tirage au sort, le 3 et le 4 p.
c. auraient atteint en Belgique le taux que les mêmes fonds ont atteint dans
d’autres pays. Nous voyons en Prusse le 3 1/2 p.c. au-dessus du pair ; nous
voyons en Angleterre, en France, en Autriche, en Danemarck
même, le 3 p. c. beaucoup plus élevé qu’il ne l’est en
Belgique, et certainement les ressources, le crédit de quelques-uns de ces pays
ne sont pas au niveau des ressources et du crédit de
Je bornerai là mes observations,
parce que ce n’est pas le moment d’y donner des développements.
- Les deux premiers paragraphes de
l’article sont successivement mis aux voix et adoptés.
Le troisième paragraphe est supprimé.
Article 16
(devenu l’article 17)
« Art. 17. Frais relatifs à
l’émission, au payement des intérêts et à l’amortissement des mêmes obligations
: fr. 5,000
« Charges extraordinaires : fr.
10,000 »
- La section centrale propose de
réduire ce crédit à 5,000 francs, à porter à la colonne des dépenses
extraordinaires.
M.
Cogels, rapporteur. - Messieurs, les motifs de
cette réduction ne se trouvent pas expliqués dans le rapport de la section
centrale, mais ils ont été donnés l’année dernière. C’est parce que les
liquidations ne pouvant pas encore se terminer dans le courant de 1844, il n’y
aura lieu, probablement, à aucune émission d’obligations ; c’est pour ce motif
que nous avons cru qu’une somme de 5,000 fr. suffirait pour tous autres frais.
M. le ministre des finances
(M. Mercier) déclare se rallier à
l’amendement de la section centrale.
M.
Delfosse. Il me semble que les mots relatifs à l’amortissement, ne devraient
point se trouver dans cet article, puisqu’on ne veut rien préjuger à cet égard.
M. le ministre des finances
(M. Mercier) - On pourrait supprimer les
mots et à l’amortissement.
- Cette proposition est adoptée.
L’article est mis aux voix et adopté avec
le changement proposé par M. le ministre des finances et avec l’amendement de
la section centrale.
M.
Delfosse. - Messieurs, ce chiffre doit être
décomposé. La somme de 500,000 fr, se compose d’abord de 350,000 fr. qui
étaient portés au budget de l’année dernière, ensuite de 150,000 fr, qui
formaient l’objet d’une allocation spéciale pour l’intérêt et l’amortissement
du capital dépense pour la British-Queen. Avant de
voter le chiffre de 500,000 fr. tel qu’on nous le propose, nous devons donc
examiner une question préalable, celle de savoir si l’on fera disparaître du
budget l’allocation relative à
Vous vous souvenez tous, messieurs,
que M. le ministre de l’intérieur, de complicité avec l’un des prédécesseurs de
M. le ministre des finances, a commis une irrégularité monstrueuse dans
l’affaire de
Je crois, messieurs, que l’on ferait
bien de ne pas adopter cette proposition ; je crois qu’il est bon que chaque
année on se rappelle qu’un ministre a commis une irrégularité monstrueuse, et
qu’il a eu besoin d’un bill d’indemnité de la chambre, La trace qui restera
dans le budget, de ce fait déplorable, sera un exemple pour les successeurs de
M. le ministre de l’intérieur. Ce sera un avertissement dont l’espère qu’ils
sauront profiter.
C’est, messieurs, ce motif qui a
engagé la section dont j’avais l’honneur de faire partie, à laisser subsister
l’allocation au budget. C’était en quelque sorte une mesure expiatoire.
J’aborde maintenant la question
relative à la dette flottante.
La section centrale nous a fait
connaître par un tableau annexé au budget, quel est le montant de l’émission
des bons du trésor. Mais pour nous mettre à même de bien apprécier ce tableau,
on aurait dû nous faire connaître en même temps quelle est la situation de la
caisse. C’est surtout, lorsqu’on sait quels sont les fonds qui sont encore à la
disposition du gouvernement, qu’on peut savoir si M. le ministre des finances a
suffisamment restreint l’émission des bons du tresor.
Vous savez, messieurs, qu’il y a une très grande différence entre la situation
du trésor et la situation de la caisse. La situation du trésor peut être fort
mauvaise, et elle l’est ; mais la situation de la caisse peut être fort bonne.
Cela se comprend facilement. Les rentrées des impôts s’effectuent en général
avec moins de lenteur que les dépenses, le produit des impôts est en partie
destiné à des dépenses qui ne s’effectuent que longtemps après l’ouverture de
l’exercice auquel elles se rattachent. Dans cette catégorie, on peut placer les
dépenses des travaux publics. Il y a beaucoup de travaux qui ne s’achèvent et
ne se paient que longtemps après la mise en adjudication.
Il résulte de là, messieurs, que,
bien que la situation du trésor public ne soit pas favorable, la situation de
la caisse peut se présenter sous un aspect satisfaisant. Il y a probablement en
caisse des sommes considérables dont l’emploi ne se fera que dans un, deux ou
trois ans.
M. le ministre des finances sait à
peu près d’avance à quelle époque l’emploi de ces sommes pourra s’effectuer.
Vous sentez, messieurs, que, quand il y a en caisse des sommes considérables
dont l’emploi est éloigné, on ne doit pas émettre de bons du trésor, ou tout au
moins, si l’on pense qu’il ne faut pas interrompre tout à fait l’émission des
bons du trésor, afin que l’habitude d’en prendre ne se perde pas, on doit
restreindre considérablement cette émission, et fixer l’intérêt à un taux
extrêmement bas.
J’aurais voulu savoir de M. le
ministre des finances, et c’est là un document qui devrait toujours être fourni
à la chambre lorsqu’on discute le budget de la dette publique ; j’aurais voulu
savoir, dis-je, de M. le ministre des finances combien de millions se trouvent
en caisse dans ce moment.
Une émission considérable de bons du
trésor, alors qu’il y a en caisse des fonds suffisants dont l’emploi n’est pas
prochain, est une opération désastreuse, une opération injustifiable.
Cet avantage qu’a
Le caissier de l’Etat a, messieurs,
une position bien plus belle que tout autre caissier ; le caissier d’un
particulier ne peut guère se dessaisir des fonds, on peut lui redemander le
tout inopinément, il n’en est pas de même du caissier de l’Etat.
L’Etat ne peut pas demander,
comme un particulier, à rentrer dans ses fonds. Les ministres ne peuvent faire
de dépenses qu’en vertu d’allocation du budget ; ils ne peuvent les faire qu’au
moyen du visa de la cour des comptes. Les budgets sont connus de
Il résulte de toutes ces
circonstances un très grand avantage pour
M. le ministre des finances
(M. Mercier) - Je répondrai d’abord à la
première observation de l’honorable membre.
La somme qui a été consacrée à
l’achat de
L’honorable M. Delfosse a désiré
connaître la situation de la caisse de l’Etat. L’encaisse est actuellement
d’environ 13 millions, y compris le montant des bons du trésor qui ont été
délivrés.
L’honorable membre reconnaîtra,
d’ailleurs, que le gouvernement a fait tout ce qu’il était en son pouvoir de
faire, pour restreindre l’émission des bons du trésor ; le taux de l’intérêt de
la dette flottante n’est que de 3 p.c. à un an de date, et il est réduit à 2 p.
c., lorsque l’émission ne se fait que pour six mois. Je ne pense pas qu’on
puisse fixer l’intérêt à un taux moins élevé.
Revenant à l’encaisse actuel, je dois ajouter que, selon toute probabilité, il va
diminuer encore successivement pendant plusieurs mois ; il sera probablement
restreint à 8 ou 9 millions vers les mois de février et de mars ; or, une somme
de 8 à 13 millions est nécessaire pour faire le service du caissier de l’Etat.
Remarquez bien que cette somme doit être partagée entre 30 agences sur
lesquelles on mandate chaque jour. Il faut donc qu’il y ait constamment des
fonds en caisse dans ces agences ; et lorsque 13 millions constituent
l’encaisse, il ne faut pas croire que 13 millions se trouvent dans la caisse de
L’honorable membre a fait
remarquer que je ne comprends pas dans l’encaisse les fonds destinés à
l’amortissement et aux cautionnements. Mas ces fonds sont placés en obligations
qui sont en dépôt au ministère des finances ; la somme de 13 millions comprend
tous les fonds, de quelque nature que ce puisse être, que
J’ajouterai que déjà, avant même de
présenter la loi relative aux 4 millions 450,000 francs à payer encore pour
M.
Angillis. - Messieurs, une dette flottante
n’est qu’un expédient, souvent dangereux, et je pense qu’il est de l’intérêt du
pays de nous en débarrasser le plus tôt possible.
J’ai besoin d’entrer dans quelques
explications pour faire comprendre comment j’envisage une dette flottante.
Une dette flottante a un double but.
Le premier but, c’est de procurer au
trésor les sommes que l’Etat dépense sans voies et moyens.
Le deuxième, c’est d’obtenir le
niveau entre les recettes et les dépenses, quand celles-ci anticipent sur la
rentrée des recettes. Comme la dette flottante a un double but, elle se divise
nécessairement en deux parties distinctes : l’une qui résulte de l’insuffisance
des recettes des anciens budgets, qui n’est couverte par aucune valeur réelle
et qui, par conséquent, constitue un véritable déficit de caisse ; c’est dans
ce cas que nous nous trouvons en ce moment ; l’autre est assurée sur des
ressources réelles et pour lesquelles on a créé des valeurs qui puissent
permettre d’anticiper sur les recettes jusqu’à ce que ces recettes soient
réalisées, soit par des ressources ordinaires, soit par des ressources
extraordinaires.
Quand nous avons constitué notre
dette flottante, il a été admis en principe que c’était pour couvrir
l’insuffisance de nos budgets, pour combler le vide des caisses du trésor ou
pour pourvoir à des besoins d’argent, mais toujours dans l’intention que notre
dette flottante eût été amortie dans un délai aussi court que possible. C’est
dans l’intention de les amortir dans un temps aussi court que possible, que les
bons du trésor ont été constitués. Maintenant, notre dette flottante est
devenue un véritable emprunt, un emprunt temporaire, si vous voulez, mais qui
malheureusement se renouvelle chaque année.
Il ne faut pas perdre de vue que les
bons du trésor n’ajoutent pas aux facultés, mais seulement aux facilités du
payement ; ils n’ajoutent pas aux facultés, car vous n’avez pas un sou de plus
en caisse dont vous puissiez disposer ; s’ils vous procurent de l’argent, par
contre vous avez une dette, c’est en un mot un argent intermédiaire, mais non
un moyen pour opérer un payement définitif. Un bon du trésor n’est pas autre
chose qu’une abstraction de la monnaie métallique ; c’est un signe non pas de
la richesse, mais du crédit.
Messieurs, toute notre dette
flottante n’est qu’une ressource purement artificielle, et c’est avec cette
dette flottante, avec cette ressource purement artificielle qu’on a la
singulière prétention d’équilibrer notre budget. Notre dette flottante n’est
qu’une monnaie de convention, et chacun sait qu’une telle monnaie n’est bonne,
en effet, que quand on a en définitive de quoi la changer en valeur réelle,
c’est-à-dire, en argent.
Notre dette flottante est trop considérable
pour le pays et hors de proportion avec nos voies et moyens réels. Elle n’est
pas renfermée dans de sages limites, et c’est parce qu’elle n’est pas renfermée
dans de sages limites qu’elle est dangereuse pour le pays. Vienne une crise
financière, le trésor sera pris au dépourvu, il éprouvera le plus grand
embarras, et la position fâcheuse du trésor exercera une influence pernicieuse
sur notre crédit public.
On me dira qu’en France, en
Angleterre, la dette flottante est bien plus considérable. En Angleterre, elle
est basée, comme la nôtre, sur le prestige du crédit. Là, le prestige est
immense comme les ressources sont immenses. En France, je suppose que la dette
flottante est maintenant de 300 millions, je dis je suppose, parce qu’on ne
connaît pas en France le chiffre exact de la dette flottante ; deux ministres
qui se sont succédé à vingt jours d’intervalle ont voulu, chacun, établir le
montant réel de la dette flottante, et il y a eu désaccord entre eux de 80
millions. J’en conclus qu’en France, on ne connaît pas d’une manière absolue
l’étendue de la dette flottante. Je suppose qu’elle soit de 300 millions ; en
France il y a, à coté du trésor, une institution financière colossale, la
banque de France, qui a toujours dans ses caisses une réserve de 250 à 260
millions ; le trésor trouverait là des secours.
Si notre trésor se trouvait
dans une malheureuse position, il n’y aurait personne pour nous aider, à moins
que le trésor ne fît des sacrifices immenses. Je dis donc que l’intérêt du pays
exige qu’on se débarrasse de la dette flottante, si on ne le fait pas, on
s’expose à des désastres bien autrement graves que ceux de la fameuse British-Queen. Il faut en finir avec cette dette flottante. Il n’en
est qu’une seule qui convienne, c’est une dette flottante basée sur les
recettes qui doivent rentrer dans le trésor à une époque déterminée ; alors, si
on est gêné avant la rentrée des impôts, on émet des bons du trésor, on sait
avec quoi les payer ; tandis qu’ici c’est une dette exigible, à délais
rapprochés, et qui peut mettre le trésor dans les plus grands embarras.
M.
Cogels. - L’honorable M. Delfosse m’a fait
en quelque sorte le reproche de n’avoir pas reproduit une observation de la
quatrième section. La réponse à cette observation est insérée dans le rapport.
La quatrième section avait simplement, d’après son procès-verbal, chargé la
section centrale d’examiner ce qu’il y avait de plus convenable à faire quant
au crédit relatif à
Quant à ce qui regarde la suppression
du crédit, elle est assez naturelle. Vous vous rappellerez que, lors de la
fameuse discussion au sujet de
En cela, la législature n’avait en
qu’une seule chose en vue, c’était de restreindre à 250,000 fr. le chiffre de
400,000 fr. accordé par la loi dans la prévision d’une exécution plus complète,
et d’en appliquer une partie pour éteindre le capital d’achat. Mais vous vous
rappellerez que, depuis la suspension du service, la loi a été abrogée. Dès
lors, comme l’a fort bien dit M. le ministre, il était bien plus simple de
porter ce capital dans l’arriéré et de ne plus rien porter de ce chef à la
dette publique, parce que cette affaire n’avait plus rien de commun avec notre
dette et que c’était inutilement en grossir le chiffre.
Quant aux bons du trésor, je
partage en partie l’opinion de M. Angillis, et déjà dans le rapport du budget
de 1841, j’avais fait remarquer combien il était dangereux pour
M.
de Garcia. - Messieurs, si je prends la
parole, c’est parce que j’ai entendu proclamer quelques principes qui me
paraissent erronés et qui pourraient avoir une portée désastreuse pour les
intérêts du trésor. Suivant l’honorable M. Delfosse, les fonds qui
appartiennent à l’Etat et reposent à
L’honorable M. Delfosse a dit : Y
a-t-il une loi qui empêche
Je ne puis trop m’élever contre la
doctrine qu’on a émise, car elle pourrait avoir de l’écho au dehors et laisser
croire à
Je le répète donc, messieurs,
dans mon opinion,
M. le ministre des finances
(M. Mercier) - Je regrette de ne pas avoir
répondu à cette partie des observations de l’honorable M. Delfosse. Nous
n’avons aucun motif de supposer que
M.
de Mérode. - Rien n’est plus exact, ce me
semble, que les explications données sur la dette flottante par l’honorable M.
Angillis, et plus vrai que les principes qu’il a exposés pour en faire bon
usage. Mais déjà, deux ou trois fois, on a transforme la dette flottante en
dette consolidée, Ce qui était fait par prudence et pour empêcher les fâcheux
résultats d’une crise devient une habitude. Dès que la dette flottante est
consolidée, on commence à en faire une autre, pour faire face à des besoins ou
à des superfluités de toute espèce. Ainsi nous restons toujours dans la même
situation. Aussi je ne sais plus que penser sur l’utilité d’une dette
flottante. Autant vaudrait marcher au jour le jour ; on se tiendrait alors sur
ses gardes, et l’on ne serait pas aussi disposé à dévorer l’avenir. Par ce
motif je ne désire pas très vivement la conservation de la dette flottante.
J’aimerais à voir prévaloir dès cette année d’autres principes, une autre
marche que celle que l’administration a suivie jusqu’à présent.
M.
Rogier. - J’ai eu déjà l’honneur
d’entretenir la chambre des bons du trésor et des dépenses inutiles, selon moi,
que ce mode d’emprunt entraîne pour la caisse de l’Etat.
Et d’abord, je dirai, avec
l’honorable M. Delfosse, que, dans l’état actuel les choses, on ne pourrait pas
imposer à
Je pense que le gouvernement
pourrait, dans une limite fixée la loi (car je ne veux pas lui donner une
faculté illimitée) pourrait émettre, sous le nom, quel qu’il fût, qu’on
voudrait lui donner des billets ne portant pas intérêt. Ce papier serait aussi recherché
que l’argent, et l’on n’aurait pas à craindre que l’on demandât le
remboursement de dix millions à la fois. Ces billets, étant reçus en paiement
des contributions, trouveraient dans les caisses de l’Etat un débouché tout
naturel.
D’ailleurs, qui aurait l’impudence ou
l’audace d’accaparer 8 à 10 millions de bons du trésor, et d’en venir demander
au gouvernement le remboursement instantané ? Ce ne pourrait être qu’une banque
; or, une banque est la première intéressée à ne pas mettre le trésor dans une
situation mauvaise.
Du reste, les banques émettent du
papier-monnaie. Si on leur demander un remboursement instantané, auquel elles
ne pourraient faire face, l’Etat viendrait à leur secours. Nous en avons eu un
exemple, que l’honorable préopinant connaît aussi bien que personne.
M.
Meeus. - Pas du tout.
M.
Rogier. - C’est l’exemple de la banque de
Belgique. Nous sommes venus au secours de cet établissement qui ne pouvait
payer ses billets de banque.
Il est temps que le gouvernement
fasse pour lui-même usage de son propre crédit, qu’il ait confiance en ses
propres ressources et ses propres forces.
Quand nous recevons chaque année
d’une manière certaine (car il n’y a de certain, on l’a dit, que la mort et
l’impôt) cent neuf millions d’impôts, nous ne pourrions pas émettre pour 10
millions de billets ! Mais il n’y a pas une banque qui ne fasse des opérations
cent fois plus hasardeuses ! Nous émettrions avec la plus grande facilité
10 millions de billets sans intérêt. Ce n’est pas une théorie creuse. C’est un
système pratiqué par les gouvernements les plus sages, les plus prudents.
Ainsi, en Prusse, le papier-monnaie est plus recherché que le numéraire.
Cependant le gouvernement offre-t-il plus de garanties que le gouvernement
belge ? Le gouvernement belge est un gouvernement de publicité, de contrôle
perpétuel, où la loi garantit le crédit et limite les dépenses. Ailleurs (loin
le moi l’idée de faire la critique de gouvernements estimables), mais enfin,
ailleurs, la volonté du gouvernement est tout ; il peut augmenter, diminuer le
papier-monnaie ; il n’y a pas de contrôle parlementaire, peu de publicité, pas
de responsabilité. Ici, chaque année, la loi réglerait la quantité de billets à
émettre ; on rendrait compte, chaque année, de l’état de l’émission, et au
besoin, vous pourriez faire rechercher le papier-monnaie plus que le numéraire.
Vous pourriez décider qu’une partie des impôts, accises et douanes devra être
payée en papier-monnaie. Vous pourriez même décider que le payement en
papier-monnaie donnera lieu a une remise de 1/2 ou de 1/4 p. c. Avec 1/4 p.c.
d’intérêt, vous feriez rechercher vos billets plus qu’on ne recherche le
numéraire.
Ou a parlé de demandes considérables
en remboursement. Mais croyez-vous qu’avec un peu de prévoyance, et trouvant
dans nos ressources annuelles 100 millions de francs, nous ne serions pas en
mesure de faire un remboursement immédiat (j’en considère la demande comme
impossible) de 10 millions de billets ; ainsi l’objection que faisait
l’honorable M. Meeus, que ces billets seraient payables à toute heure n’est pas
sérieuse.
M.
Meeus. - Je demande la parole.
M.
Rogier. - Je demande qu’on fasse une objection
sérieuse. Je ne fais pas de proposition, mais je vois avec peine que chaque
année nous avons la bonhomie de porter à notre budget des intérêts pour les
bons du trésor. Cette année-ci il y a encore 500,000 fr., ce qui suppose une
émission de 10 à 15 millions. Pourquoi, messieurs, ne pas les émettre sans
intérêt et supprimer cette somme de 500,000 francs ?
Pour ma part, je crois que cette idée
mérite d’être examinée. Je le prescrite avec d’autant plus de confiance, qu’on
vient de nous dire que le montant des sommes en argent déposées dans les
caisses de l’Etat est ordinairement de 10 à 12 millions. Il y a là, messieurs,
de quoi satisfaire à toutes les demandes inopinées de remboursement, qui
pourraient avoir lieu. Et je suppose que toujours le montant de l’encaisse sera d’au moins 10 à 12 millions, il est de la prudence
d’avoir en tout temps une pareille somme disponible pour satisfaire aux besoins
qui peuvent se présenter.
Je ne veux pas, messieurs, que l’on
exagère l’idée que je vous présente. Je ne demande pas une émission illimitée
de billets de banque de l’Etat je demande une émission limitée par la loi, une
émission modérée.
Le papier-monnaie, messieurs, a eu
longtemps une assez mauvaise réputation ; pourquoi ? Parce que le souvenir des
assignats de la révolution a longtemps poursuivi les imaginations. La
révolution française a eu beaucoup d’excès. Les excès politiques ont nui à ses
idées politiques. Les excès financiers ont nui au crédit de l’Etat en général.
Mais depuis lors on en est revenu. On a vu successivement les établissements
particuliers avoir recours sans inconvénient au papier-monnaie, et vous avez vu
ce papier-monnaie accepté avec grande confiance dans tout le public. Vous avez
vu des gouvernements émettre sans inconvénients de ce papier-monnaie ; j’ai
cité l’exemple de
Messieurs, je n’ai abordé cette
question qu’incidemment ; je n’ai pas la prétention de vous apporter ici un
plan complet, mais j’ai cru devoir vous présenter ces quelques idées qui, je
l’espère, pourront fructifier un jour.
Je dois ajouter un mot. En principe,
je me prononce aussi contre les bons du trésor, surtout lorsqu’ils sont émis de
la manière que nous les émettons. Je crois que c’est la plus mauvaise manière
d’emprunter qu’on puisse imaginer. Les bons du trésor, dans le principe,
avaient pour but de faire face à des rentrées certaines. Chaque année diverses
contributions ne rentrent pas à la fin de décembre, mais elles doivent rentrer
dans les deux ou trois mois qui suivent. Dès lors, on autorisait le
gouvernement, en attendant ces rentrées, à émettre des billets. Voilà,
messieurs, l’origine première des bons du trésor.
Mais cette destination des bons du
trésor a été complètement dépassée. Aujourd’hui ils sont convertis en un
véritable emprunt ; emprunt remboursable à certaines époques, mais emprunt qui
offre ce grave inconvénient de devenir remboursable à des époques où il
pourrait ne pas être facilement remboursé.
Quelle est la manière d’opérer
le remboursement des bons du trésor ? Ce n’est que par l’émission de nouveaux
bons que nous payons les bons éteints. Or, s’il se présentait la circonstance
que l’époque du remboursement coïncidant avec une crise quelconque, on ne pût
plus émettre des bons du trésor pour rembourser ceux qui sont échus, nous
serions dans l’embarras.
Cet embarras, on l’a éprouvé ; les
souvenirs en sont encore très récents. Il faut, dans la vie des nations comme
dans la vie des individus, compter sur les accidents. Il ne faut pas s’endormir
dans une fausse sécurité ; il faut qu’un gouvernement soit prudent ; qu’il ne
donne pas seulement de bonnes lois au pays, mais de bons exemples. Eh bien,
sous ce rapport, je pense que le mode d’émission
actuel présente des inconvénients.
M. le ministre des finances
(M. Mercier) - Messieurs, je crois n’avoir
pas besoin de dire que je partage entièrement les dernières idées énoncées par
l’honorable préopinant et qu’avait également émises l’honorable M. Angillis.
Une dette flottante peut, dans certaines circonstances devenir un grave
embarras pour l’Etat, et surtout dans les circonstances où il aurait le plus
besoin de ses ressources. Nous devons donc réunir nos efforts pour faire
disparaître toute dette flottante qui aurait le résultat d’un découvert du
trésor.
C’est pour ce motif qu’en différentes
circonstances j’ai proposé à la chambre de restreindre cette dette dans les
plus petites proportions possibles. En 1840, j’ai proposé de la réduire à huit
millions ; ce n’était même pas assez ; mais en présence de nos charges, nous
n’avons pas cru pouvoir faire davantage.
Aujourd’hui, je viens également
exprimer l’opinion que toutes nos ressources actuelles doivent être employées à
diminuer la dette flottante ; que si quelques-unes de ces ressources ne sont
pas immédiatement disponibles ou ne peuvent être réalisées avec avantage, il
faudra, à la première opération financière que fera le gouvernement, aviser à d’autres
moyens pour obtenir les mêmes résultats.
Si les ressources que nous possédons
étaient immédiatement disponibles, notre dette flottante serait réduite à 9
millions, et comme il va être procédé pendant l’année 1844 à l’aliénation de
domaines pour la valeur d’un million, notre dette flottante ne serait plus que
de huit millions, chiffre proposé il y a trois ans. C’est trop encore. Si une
opération financière se fait, je le répète, je crois qu’il faut la réduire à un
chiffre moindre encore.
Je ne proposerai pas peut-être
de l’éteindre complètement par des capitaux. Si dans les circonstances
actuelles où aucun événement politique ne semble devoir troubler la paix de
l’Europe, on croit pouvoir conserver une dette flottante de 5 à 6 millions, ce
ne peut être qu’à la condition d’augmenter nos revenus, de telle sorte, que
nous ayons chaque année quelque excédant des recettes sur les dépenses. Ce
résultat, j’espère qu’il pourra être obtenu dès l’année 1844 ; j’espère que si
les propositions qui vous seront présentées sont admises, l’exercice 1844 ne
s’écoulera pas sans un excédant de recettes d’un ou deux millions.
L’honorable préopinant nous a
entretenus d’un autre objet ; la question qu’il a traitée est digne de fixer
notre attention. Je ne repousse aucunement plusieurs idées qu’a émises
l’honorable membre relativement à l’émission d’un papier sans intérêts ; cette
question doit être mûrie quant au fond, et examinée aussi sous le point de vue
de l’opportunité.
M.
Delfosse. - Messieurs, je crois que je n’ai
pas été compris par l’honorable M. de Garcia ; l’opinion de cet honorable
membre ne diffère pas autant de la mienne qu’il le suppose.
L’honorable M. de Garcia voudrait que
l’on prît des mesures pour empêcher
Je n’ai pas soutenu qu’il n’y a rien à faire. J’ai dit seulement que, dans l’état actuel
de la législation, rien n’empêche
Quant à moi, je suis porté à croire
qu’elle use de cette faculté, je l’ai dit et j’ai ajouté que si elle en use, ce
n’est pas une raison pour qu’on lui fasse des reproches bien sévères.
Quelle est la position de
Je reconnais qu’on peut, à la
rigueur, trouver à redire à cet emploi provisoire des fonds de l’Etat. Mais il
faut bien reconnaître aussi qu’il y a fort peu d’établissements financiers qui
résisteraient à la tentation de (erratum
Moniteur belge n°351, du 17 décembre 1844) profiter des lacunes de la
législation pour faire une opération aussi avantageuse.
Je ne pourrais être aussi indulgent
envers M. le ministre des finances s’il augmentait l’encaisse par une émission
trop forte de bons du trésor. M. le ministre des finances vient de déclarer,
sur mon interpellation, que cet encaisse s’élève, pour
le moment, à 13 millions. Je ne veux pas révoquer ce chiffre en doute, mais je
suis sûr que M. le ministre des finances conviendra, de son côté, qu’il y a
quelques mois l’encaisse était beaucoup plus considérable.
Pour en revenir à l’observation que
j’ai faite relativement à
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Je demande la parole.
M.
Delfosse. - M. le ministre des finances a
demandé une allocation de 350,000 francs pour couvrir l’intérêt présumé des
bons du trésor à émettre, mais lorsqu’il a fait cette proposition il ne savait
pas encore que la banque de Belgique rembourserait sous peu à l’Etat la somme
de 4 millions environ dont elle est débitrice. Je demanderai à M. le ministre
des finances si la détermination de la banque de Belgique n’est pas de nature à
amener la réduction de la dette flottante et à faire diminuer, par conséquent,
le chiffre du crédit demandé pour payer les intérêts de cette dette.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
C’est, messieurs, pour ne pas soulever une discussion étrangère au budget dont
nous nous occupons, que je n’ai pas déjà demandé la parole, afin d’exprimer mon
étonnement de la persistance que met l’honorable préopinant à reporter sur moi
seul tout ce qui concerne l’affaire dont il a entretenu la chambre. Je me bornerai
a faire comme lui un appel aux souvenirs de chacun
d’entre vous. Vous saurez tous, messieurs, en consultant ces souvenirs,
apprécier jusqu’à quel point la responsabilité qui peut s’attacher à cet acte
doit m’atteindre seul. Je n’en dirai pas davantage.
M.
Delfosse. - M. le ministre de l’intérieur
perd de vue que mes observations n’ont pas porté sur l’achat de
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
J’en appelle encore aux souvenirs de la chambre pour décider jusqu’a quel point
les assertions de l’honorable membre sont exactes ou non.
M. le ministre des finances
(M. Mercier) - L’honorable M. Delfosse
demande s’il n’y a pas lieu de réduire le chiffre demandé pour la dette
flottante. Je ne le crois pas, d’abord parce qu’il ne s’agit que d’une
présomption de dépense et qu’évidemment le gouvernement usera avec toute
l’économie possible d’une pareille allocation, ensuite parce que, d’après la
résolution prise par la chambre, le remboursement à faire par l’établissement
financier dont il s’agit, n’entraîne pas la suppression de l’intérêt porté au
budget pour une partie des valeurs dont a parlé l’honorable membre.
M.
Verhaegen. - J’ai souvent entendu parler, dans
cette enceinte, de dette flottante, de dette consolidée, et, dans tout ce qui a
été dit à cet égard, j’ai trouvé beaucoup de confusion. Il faut cependant une
bonne fois s’entendre et sur les mots et sur les choses.
Moi, j’appelle dette consolidée celle qui est définitivement constituée et qui
résulte de la loi. Ainsi, notre dette consolidée se compose de tous les
emprunts que nous avons successivement contractés et dont l’intérêt et
l’amortissement sont définitivement fixés.
La dette flottante est celle qui, en opposition avec la dette
consolidée, ne sert qu’à faciliter les opérations du trésor, en attendant la
rentrée de ressources futures et certaines. Ainsi, par exemple, un propriétaire
doit toucher ses revenus au mois de janvier, il aura alors une somme
considérable à toucher ; mais avant ce temps il doit satisfaire à plusieurs
obligations ; que lui reste-t-il à faire ? c’est
d’escompter ses revenus de janvier, soit par des bons sur ses fermiers, soit
sur lui-même, et ce serait exclusivement en semblables circonstances que le
gouvernement pourrait se permettre de créer des bons du trésor.
Mais il paraît que le gouvernement ne
l’entend pas ainsi, ou tout au moins qu’il n’agit pas ainsi, car, si je ne me
trompe, le budget des voies et moyens comprend un chiffre en bons du trésor qui
est destiné à couvrir une partie du déficit qui existe, tandis que ce même
budget devrait contenir, en revenus réels, tout ce qui est nécessaire pour
établir l’équilibre parfait entre les recettes et les dépenses.
Si cet équilibre doit être établi au
moyen de bons du trésor, cela veut donc dire que l’on considère les bons du
trésor comme une recette qui, avec d’autres recettes, servira à faire face aux
dépenses arriérées, et même aux dépenses nouvelles ; en d’autres termes, les
bons du trésor ne constituent plus alors une dette flottante, mais bien un
véritable emprunt.
Il est donc vrai de dire que le
budget des voies et moyens présente un déficit, comparativement au budget des
dépenses, jusqu’à concurrence du chiffre des bons du trésor, et le gouvernement
doit créer d’autres ressources pour couvrir ce déficit, car les dépenses
doivent être couvertes au moyen de revenus réels ; les bons du trésor peuvent
bien être employés pour faciliter le service du trésor en attendant la rentrée
de ces revenus réels, mais ils ne peuvent, dans aucun cas, les remplacer, sans
cela ils constituent un véritable emprunt.
Remarquez bien, messieurs, que cet
emprunt présente tous les désavantages de la dette consolidée sans en avoir les
avantages. Il en présente les désavantages parce qu’il augmente le chiffre
total de nos emprunts ; il n’en a pas les avantages, car, tandis que les
charges de la dette consolidée sont couvertes par les ressources ordinaires de
l’Etat, celles résultant de la dette flottante sont entièrement à découvert, et
de nouvelles émissions de bons du trésor peuvent seules faire face au vide de
la caisse, ce qui est toujours très dangereux.
J’ai donc raison de dire que la dette
flottante présente autant et plus de désavantages que la dette consolidée et
qu’elle n’en présente pas les avantages, car avec la dette consolidée vous êtes
au moins tranquilles, tandis que vous ne l’êtes nullement avec la dette
flottante.
Nous avons à cet égard,
messieurs, un exemple très saillant. Le dernier ministère whig en Angleterre
est tombé devant la majorité du parlement, précisément parce qu’il avait
employé la dette flottante à couvrir le déficit, et, pour couvrir ce déficit,
le ministère tory qui a succédé au cabinet whig a dû établir l’income-tax.
Nous nous trouvons donc, messieurs,
en présence d’un véritable abus, et je ne puis, dès lors, que corroborer les
observations, faites par mes honorables amis. J’ai indiqué à la chambre ce que
je crois devoir être fait, je me suis permis de présenter quelques idées à cet
égard ; si je me trompais, je voudrais bien que l’un ou l’autre membre ou M. le
ministre des finances eût la complaisance de me dire en quoi mon erreur
consiste. Je le répète : je n’ai voulu que m’éclairer ; depuis très longtemps
j’ai entendu parler de dette flottante, de dette consolidée, et les discussions
qui ont eu lieu à cet égard, et qui sont restées très obscures, n’ont amené
aucun résultat.
M. le ministre des finances
(M. Mercier) - J’ai eu d’abord quelque
peine a comprendre quelle était la difficulté que
voulait résoudre l’honorable membre. Je crois ne pouvoir mieux satisfaire à son
désir qu’en exposant en très peu de mots ce que c’est que notre dette
flottante.
Nous avons fait connaître, et il en a
été maintes fois question dans nos discussions sur les budgets, que le
découvert du trésor était de 37 millions, et que ce découvert, si nous pouvions
disposer des valeurs que nous possédons, serait réduit à 9 millions. Mais comme
il est une partie de ces valeurs dont nous ne pouvons faire immédiatement
emploi, le découvert est maintenant 21,500,000 fr.
Si les recettes ne précédaient pas
les dépenses, nous devrions donc émettre pour 21 millions de bons du trésor.
Mais comme il en est autrement, nous avons cru qu’une émission moyenne de 10 à
15 millions suffirait en 1844, alors même qu’aucune opération ne serait faite
pendant cet exercice pour réduire le chiffre de la dette flottante. Je crois
que cela est entendu ainsi par tout le monde.
Si j’ai interrompu l’honorable
membre, c’est que je croyais comprendre qu’il supposait que nous émettions des
bons du trésor pour faire face à des dépenses de l’exercice courant. L’émission
des bons du trésor ne concerne que les dépenses arriérées. Le découvert qui est
résulté des dépenses arriérées est développé dans le rapport que j’ai présenté
à la chambre.
Quant à l’inconvénient d’avoir une
dette flottante de cette nature, qui donc peut le contester ? Je viens encore
de m’en expliquer pour la vingtième fois peut-être, et d’honorables membres,
l’honorable M. Angillis, l’honorable M. Rogier vous ont présenté des
observations très justes sur ce point.
M.
de Garcia. - Messieurs, je n’avais pris part à
cette discussion que parce que je pensais que des principes erronés avaient été
émis. Je pensais que M. Delfosse avait énoncé l’opinion que
En principe, il n’a pas voulu dire
que
L’honorable M. Delfosse suppose que
Messieurs, l’honorable M. Rogier vous
a dit qu’il partageait l’opinion de l’honorable M. Delfosse. L’opinion de
l’honorable M. Delfosse, comme je l’avais comprise d’abord, était selon moi
dangereuse, parce qu’au dehors elle pouvait avoir de l’influence, et faire
croire au pays comme à
L’honorable M. Rogier, en disant
qu’il partageait l’opinion de l’honorable M. Delfosse, aura, je suppose,
entendu que, en fait,
M.
Rogier. - J’ai dit que
M.
de Garcia. - Si vous voulez dire qu’elle en
avait la possibilité, oui ; mais si vous voulez dire qu’elle en avait la
faculté parce que son contrat ne le lui défend pas, non, selon moi, le contrat
avec
Messieurs, puisque j’ai la parole, je
dirai aussi un mot de la dette flottante.
Selon moi, en principe, la dette
flottante ne doit exister que pour couvrir les dépenses courantes de
l’exercice. S’il n’en est pas ainsi, il faut que l’on sorte de cet état de
choses, mais la dette flottante n’eût-elle que ce but, ce mode financier ;
est-il heureux, est-il le plus avantageux à l’Etat ?
L’honorable M. Rogier a présenté une
idée qui m’a sourit, idée qui est pratiquée dans des pays voisins, c’est
d’avoir un papier-monnaie crée par le gouvernement, et qui devrait remplir le
but qu’on se propose par l’émission des bons du trésor. Je crois la pensée de
l’honorable M. Rogier fort heureuse, surtout en admettant la supposition qui a
été faite, dans laquelle
Dès lors la pensée de M.
Rogier, de supprimer complètement les bons du trésor, pour les remplacer par du
papier-monnaie, serait fort avantageuse. Cette mesure, pratiquée dans des pays
voisins peut-elle présenter des inconvénients ? qu’on
les signale. Mais jusqu’à ce moment personne n’a présenté aucune objection sur
les désavantages de l’impossibilité de la mesure. Il est vrai que M. le
ministre a répondu à M. Rogier, qu’il avait l’intention de ne conserver qu’une
dette flottante de 8 ou 9 millions. Mais, messieurs, cette réponse ne résoud pas la question, elle ne fait que conserver le germe
d’un mode financier condamné depuis longtemps par un grand nombre de membres de
cette assemblée. Pourquoi conserver le germe d’un abus ? S’il est généralement
reconnu que le système de notre dette flottante est mauvais, pourquoi ne pas se
décider d’une manière bien nette à l’abandonner et à le remplacer par la
création d’un papier-monnaie d’après les idées émises par l’honorable M.
Rogier ? Je pense que cette mesure serait de nature à procurer des
bénéfices au trésor, et dans tous les cas, je la crois digne de toute
l’attention du gouvernement.
M.
Meeus. - Je vois que la chambre est
fatiguée de cette discussion et je me propose dès lors d’être extrêmement
court.
Pour bien savoir, messieurs, ce
qu’est notre dette flottante, il faudrait remonter à l’origine, à la création
de cette dette en Belgique. C’est, je pense, en 1832 ou en 1833 que notre dette
flottante a été créée. A cette époque les dépenses de l’Etat étaient
instantanées ; les recettes, au contraire, se faisaient lentement. Je fus du
nombre des promoteurs de l’émission de bons du trésor et voici, si ma mémoire
est fidèle, l’observation que je fis valoir à cette époque : ne devez-vous pas,
disais-je alors, payer exactement la solde des troupes (et remarquez bien,
messieurs, qu’à cette époque les deux tiers du budget des dépenses étaient
destinés à l’armée) ? Cependant, nos revenus rentrent difficilement,
mensuellement ; que ferez-vous ? Faites ce que l’on a fait dans d’autres pays,
en France, par exemple : là on a créé des bons du trésor pour escompter ses
revenus.
Ainsi en France, les
receveurs-généraux, à des époques où les bons du trésor n’étaient pas aussi coursables qu’ils le sont devenus depuis, étaient obligés,
je pense, de prendre une certaine quantité de bons du trésor et d’en verser le
montant dans les caisses de l’Etat. Au moyen de ces émissions, l’Etat
escomptait ses revenus. Sous ce rapport vous voyez donc bien, messieurs, qu’une
dette flottante peut être très utile dans certaines circonstances et inutile
dans d’autres. Aujourd’hui que nous avons une armée extrêmement réduite, qu’il
n’y a point de dangers politiques, nous n’avons que
les dépenses courantes, que nous payons, si je puis m’exprimer ainsi, au fur et
à mesure de la rentrée des revenus de l’Etat. Dès lors je pense qu’aujourd’hui
le gouvernement, tout en ayant la faculté, en cas d’événement, de pouvoir
disposer de ce moyen, serait, en ce moment, parfaitement à même de s’en passer,
car il me semble qu’aujourd’hui les dépenses peuvent très bien être couvertes
par les rentrées successives.
Mais, messieurs, à l’époque dont j’ai
parlé tout à l’heure, il y avait aussi un déficit, et de plus on prévoyait des
dépenses qui nécessitaient de fortes sommes. On décréta un emprunt, mais cet
emprunt ne pouvait pas se faire immédiatement ; le crédit de
Ainsi, messieurs, il y a deux
manières d’émettre des bons du trésor : l’un consiste à escompter ses revenus,
l’autre à prélever d’avance les résultats d’une opération financière. Voilà ce
qui eut lieu alors.
Maintenant, messieurs, qu’est-il
arrivé depuis ? De petit déficit en petit déficit, on en est arrivé à avoir une
dette que l’on a continué à appeler flottante et qui
n’est, en réalité, comme l’ont dit d’honorables membres, qu’une dette comme
toute autre, au moins pour la partie qui n’est pas couverte par des rentrées
certaines. M. le ministre des finances vient de nous dire : Mais il y a des
rentrées certaines qui s’opéreront dans un avenir peu éloigné, de manière que
la dette flottante ne couvrira plus qu’un déficit de 9 millions ; eh bien,
messieurs, ce sont 9 millions de trop.
Voilà, messieurs, comment, pour ma
part, j’envisage la dette flottante lorsqu’elle sert à couvrir un déficit. Ce
n’est plus une dette flottante, c est une dette comme une autre, mais qui
renferme de graves inconvénients dans un moment de crise, dans un moment
d’embarras et dont vous pouvez, en définitive, être victimes, parce que notre
crédit dépend de quelques porteurs qui, effrayés, exigent le remboursement.
Je m’arrête là, messieurs, après
toutes les explications qui ont été données ; je pense qu’en voilà assez sur ce
chapitre.
A propos des bons du trésor, on a dit
que
Il ne faut pas se faire illusion sur
ce qu’est aujourd’hui en Belgique le caissier de l’Etat. Sous l’ancien
gouvernement, non seulement on ne trouvait pas mauvais que le caissier de
l’Etat usât des fonds de 1’Etat, mais on l’y encourageait constamment,
c’est-à-dire que le minime taux de la commission était compensé par la faculté
de pouvoir trafiquer des fonds que l’Etat avait dans les mains de
Sous le gouvernement belge, il a été
entendu formellement qu’on ne laisserait dans les caisses de l’Etat que les
fonds dont on aurait besoin pour l’Etat. Cela a été le motif de l’augmentation
du tantième de commission, car il a été porté d’un huit à un quart ; et c’est
sous l’administration de l’honorable M. d’Huart que l’on a obtenu, par suite de
l’augmentation des recettes raison des emprunts, une diminution d’un seizième.
Il a donc été entendu que
Je disais tout à l’heure ; je ne veux
pas que la chambre puisse se tromper sur la position du caissier de l’Etat, je
disais : on ne doit pas se figurer qu’il ne soit qu’un dépositaire matériel. En
effet, comment voulez-vous fournir au mouvement de 28 caisses dans le pays,
remettre constamment à Paris des sommes énormes pour l’intérêt et
l’amortissement de vos emprunts, et avoir un dépôt matériel ? Il faut, au
contraire, de la prévoyance et savoir faire les fonds partout où l’on peut
présumer que le gouvernement devra disposer de ses fonds, Ainsi, dans six
semaines, deux mois, il faut avoir des fonds à Paris pour le paiement des
intérêts des emprunts.
J’ai voulu donner ces explications à
la chambre et à M. de Garcia, pour qu’on ne se méprenne pas sur le mot
dépositaire. Aujourd’hui, d’après la convention tacite et les expressions
prises à la rigueur du contrat, il est entendu que
J’arrive à une autre question qu’a
traitée l’honorable M. Rogier. Déjà l’année dernière il vous avait dit : l’Etat
peut faire ce que fait la banque, émettre des billets au porteur. Les billets
de banque sont des billets au porteur. L’honorable M. Rogier ne se rend pas
compte de ce que c’est que l’émission de billets au porteur. Elle a pour but
principal de permettre de profiter des sommes qu’ils représentent pour les
placer en escomptes échelonnés de manière à pouvoir faire face à toutes les
demandes de remboursement.
En Belgique cette émission est
tellement restreinte que le bénéfice qu’on peut faire est peu de chose. En
effet, l’émission des deux banques ne s’élève pas à seize millions de francs.
Quand
Maintenant l’Etat doit-il faire une
émission de billets au porteur ? Mais si les sommes qui en proviennent doivent
rester dans ses caisses pour faire face au remboursement, l’Etat n’en aura
aucun profit. Si, au contraire, il en use, comme des sommes provenant des bons
du trésor, l’inconvénient que présentent les bons du trésor existera à bien
plus forte raison pour les billets au porteur, à l’intérêt près.
M.
Rogier. - C’est quelque chose !
M.
Meeus. - Certainement, mais à une
condition, c’est qu’on veuille les prendre.
M.
Rogier. - On prend bien les vôtres !
M.
Meeus. - L’honorable M. Rogier me dit : on
prend bien les vôtres, comme si j’étais
De deux choses l’une : Ou l’Etat
userait de l’argent que représenteraient les billets au porteur, et cela
présenterait alors les inconvénients que vous avez signalés et sur lesquels je
partage votre opinion, ou il n’en userait pas, et alors les fonds restant dans
les caisses, je ne sais pas quel serait l’avantage. Si les émissions des
banques n’existaient pas, comme elles sont utiles pour les transactions
commerciales, qu’elles sont dans l’intérêt général pour éviter les revirements
de fonds qui ralentissent les opérations, je concevrais une émission de billets
de banque par l’Etat. Mais cette émission existe. Aussi pour ma part, j’ai
peine à concevoir quel bénéfice il y aurait pour l’Etat à innover.
On cite
Je m’arrête, sauf à reprendre la
parole, si l’en fait quelque objection saillante. Je croirais abuser de la
parole en insistant ; je ne croyais pas que cette question vînt en discussion ;
et par conséquent, je ne m’étais pas préparé à la traiter.
M.
Cogels, rapporteur. - Je ne prolongerai pas un
débat, qui me paraît à peu près épuisé. Je me bornerai à ajouter une
observation à celles présentées par l’honorable préopinant : c’est qu’en effet
l’émission d’un papier-monnaie par l’Etat, telle que l’entend l’honorable M.
Rogier, et restreinte dans les limites qu’il a voulu y poser, présenterait pour
l’Etat un faible avantage dans des circonstances normales, et pourrait, dans
des circonstances extraordinaires, créer des embarras que l’honorable
préopinant a oublié de signaler car, à mon avis, ce système présenterait pour
l’Etat des dangers que n’offre pas la constitution de la dette flottante. Notre
dette flottante est échelonnée à diverses échéances. Il y a souvent des
échéances assez reculées ; car les bons du trésor sont émis à 3, 6, 9 mois et
un an. Mais pour un papier-monnaie, la totalité est exigible à présentation ;
et par conséquent, dans un de ces moments de crise qu’il nous est impossible de
prévoir, mais dont nous devons tâcher de nous garantir, qu’aurions-nous à
redouter ? Qu’on viendrait présenter au remboursement tous les billets ;
et cela au moment même où les besoins du trésor seraient les plus grands.
C’est une question extrêmement
grave que celle de l’exigibilité des billets de banque. Elle serait plus grave
encore, si le gouvernement se posait lui-même comme banque, et si, dépassant la
France, l’Angleterre, l’Autriche et
M.
Verhaegen. - Je n’ai que quelques mots à dire.
La discussion qui vient d’avoir lieu ne doit pas rester stérile ; il faut
qu’elle amène quelque résultat. Tout le monde considère la question qui vient
d’être soulevée comme très grave dans l’intérêt de l’Etat, et cependant comme
d’habitude, après avoir longtemps discuté, on ne formule aucune conclusion.
C’est à ceux de nos honorables collègues qui ont pris l’initiative à tirer de
leurs prémisses les conclusions qu’elles comportent.
Pour moi, je remercie l’honorable M.
Meeus des explications qu’il vient de nous donner, lui, surtout, compétent en
cette matière. Je m’empresse de prendre acte de ses paroles.
L’honorable M. Meeus, en remontant à
la source de la dette flottante en Belgique, à laquelle il a pris une si grande
part, nous a dit que cette dette datait de 1832 ou 1833, époque où nous avions
à faire face à des dépenses instantanées, où nous avions à soutenir une armée
dont les dépenses figuraient au budget pour les 2/3 des dépenses totales, enfin
où notre crédit n’était pas ce qu’il est aujourd’hui.
L’honorable membre a ajouté qu’à
cette époque les bons du trésor pouvaient avoir leur utilité, mais
qu’aujourd’hui cette utilité n’existait plus, et que le gouvernement pourrait
fort bien s’en passer.
D’après cette opinion, dont encore
une fois nous prenons acte, il faut distraire du budget de la dette publique la
somme qui y figure pour intérêts des bons du trésor ; car du moment qu’on
reconnaît que la même utilité n’existe plus qu’en 1832 et en 1833, époque à
laquelle l’on fait remonter la création de la dette flottante, il faut admettre
aussi qu’il y a une autre marche à suivre.
Une seconde observation que j’ai à
soumettre à la chambre est celle-ci :
Pour moi, je n’ai pas de reproches à
faire à
S’il est vrai qu’une émission
quelconque de bons du trésor pût encore être nécessaire aujourd’hui, ce que je
suis loin d’admettre, pourquoi donc ces bons du trésor doivent-ils porter
intérêt ? N’y aurait-il pas moyen de créer, dans des limites à fixer par la
loi, des bons au porteur sans intérêt, à l’instar des billets de banque ?
Pourquoi le gouvernement ne ferait-il pas le même bénéfice que
L’honorable M. Meeus trouve à cela de
grands inconvénients. Dans son opinion, je le comprends. Mais je n’en vois
point dans la mienne. Le crédit qu’a un individu est le résultat de la
confiance qu’il inspire, de la solvabilité qu’il présente. Je tiens
Si le crédit est la
conséquence de la solvabilité reconnue par le public, les bons que l’Etat
émettrait aux mêmes conditions que la société générale, jouiraient de la même
faveur que ceux émis par cette société, ou par toute autre banque.
On trouve un grand danger dans
l’émission de billets exigibles à vue, mais n’a-t-on pas la ressource de
l’encaisse ? Et d’ailleurs ce danger n’existe-t-il pas aussi pour les banques
elles-mêmes ? Les conditions sont-elles différentes ? Si les banques profitent
de leur crédit, pourquoi l’Etat ne profiterait-il pas du sien ?
M.
Rogier. - Je comprends que l’honorable M.
Meeus ne veuille pas que l’Etat émette des billets au porteur. L’honorable M.
Meeus n’aimerait peut-être pas que l’Etat fît cette concurrence à un établissement
qu’il dirige avec beaucoup d’habilité. Je prends acte seulement d’un aveu de
cet honorable membre. Il vient de nous dire que les bons du trésor, portant
intérêt présentaient un inconvénient de plus que les bons du trésor ne portant
pas intérêt. Ainsi le mal consiste en ce que les billets payent un intérêt ;
c’est cet inconvénient que je veux éviter. Ramenant la discussion à cette
simple question, je dirai au gouvernement : si vous êtes provisoirement dans
l’obligation d’émettre des bons du trésor avec intérêt, restez dans cette
obligation ; mais supprimez les intérêts. Je demande (je prie l’honorable M.
Meeus de me répondre) quel inconvénient il y a à supprimer l’intérêt des bons
du trésor.
M.
Meeus. - Je demande la parole.
M.
Devaux. - je la demande aussi.
M.
Rogier. - Il s’agit d’un
économie de 500,000 francs ; si le gouvernement se résolvait à user de son
crédit, crédit au moins égal à celui de toutes les banques réunies, il y aurait
500,000 fr. à retrancher du budget de la dette publique.
On ne me fera pas croire qu’on soit,
sous le rapport du crédit, supérieur au gouvernement. Au contraire, dans une
crise donnée ,ce serait encore l’Etat qui viendra au
secours des banques.
Nous en avons eu, je le répète, un
exemple. Ne fermons pas volontairement les yeux à la lumière. Une banque qui
avait été autorisée à émettre des billets, n’a pas été en mesure de les
rembourser. Eh bien, l’Etat lui-même, avec son immense crédit auquel on a
toujours recours dans les circonstances critiques, a payé les billets de cet
établissement et lorsqu’il payait les billets d’une banque particulière, il
n’aurait pas été plus capable de payer ses propres billets !
Il ne faut pas, messieurs, s’effrayer
des grandes phrases. Ce qu’une banque peut faire, à plus forte raison le
gouvernement peut le faire. Le gouvernement, c’est la nation ; la nation à la
tête d’un budget de 109 millions de francs. Mais un banquier qui se trouverait a la tête d’un pareil crédit émettrait pour 200 millions de
billets sans redouter une catastrophe.
Ainsi, je crois que si le
gouvernement est dans la nécessité d’émettre des bons du trésor, il doit les
émettre sans intérêt, et ne pas craindre ces demandes de remboursement dont on
le menace.
On dit, messieurs, et c’est
l’objection, qu’on peut échelonner les bons du trésor avec intérêt, de manière
que le remboursement ne soit que de deux ou trois millions à la fois. Mais vous
n’émettriez pas vos billets de banque en une fois, en masse ; vous pourriez
aussi les émettre suivant les besoins. Il arriverait des moments où rentrés
dans les caisses de l’Etat, vous ne les émettrez plus. Ils aideraient à faire
votre service concurremment avec vos 109 millions ; seulement vous ne paieriez
pas d’intérêt.
D’ailleurs, ce papier-monnaie
deviendrait pour le public une monnaie courante bien plus commode que vos bons
du trésor, qui ne peuvent entrer dans la circulation par cela même qu’ils
portent intérêt. Il serait plus recherché que les billets de banque de
Je le répète, il est temps que l’Etat
prenne sa vraie position dans les questions de crédit public. L’Etat mérite
avant tout confiance. Nier à un gouvernement un crédit qu’on réclame pour une
banque qui doit lui être en tout subordonnée, qui aurait besoin de lui dans des
circonstances critiques, mais c’est nier votre toute-puissance, c’est nier la
toute-puissance nationale, et pour ma part, je ne m’associerai jamais à un
pareil système de pusillanimité.
On nous dit :
J’ai dès longtemps réclamé dans cette
enceinte, qu’au lieu de ce déficit regrettable que présente la balance de nos
ressources et de nos dépenses, on se mît en mesure d’avoir une réserve pour les
moments critiques. Cette réserve, malheureusement, nous ne pouvons encore y
atteindre. Je le regrette beaucoup. Je voudrais encore en cela suivre l’exemple
de
Osera-t-on dire que le pays n’aurait
pas confiance en lui-même ? que
On vient de me dire, et c’est
une révélation, que les deux banques de Bruxelles émettent aujourd’hui pour 16
millions de billets. Mais, messieurs, malgré tout le crédit que j’accorde à
l’Etat, je ne demande pas qu’il aille jusque là ; je demande qu’il se borne à
en émettre, suivant ses besoins, pour 10 à 15 millions, et je crois qu’il n’est
pas un seul Belge, ni petit, ni grand, qui ne reçoive avec beaucoup
d’empressement des billets de banque signés par le gouvernement sous le
contrôle des chambres.
Quant aux moments de crise : mais,
messieurs, les crises sont crises pour tout le monde, et bien plus crises pour
les établissements particuliers que pour l’Etat qui, en définitive, ne meurt
pas.
Messieurs, je n’ai pas fait de
proposition formelle ; j’ai indiqué un moyen de faire une économie de 500,000
fr. Je ne demande pas qu’il reçoive immédiatement son exécution ; il me suffit
que M. le ministre des finances ait bien voulu le prendre en considération.
M. Duvivier. - Messieurs, cette discussion a déjà été bien longue, je ferai en
sorte de ne pas la prolonger beaucoup plus longtemps. Je voulais seulement
soumettre à la chambre les observations qui vous ont été présentées par
l’honorable M. Meeus, mieux que je ne l’aurais pu
moi-même. Il vous a rendu compte, avec la plus grande exactitude, des motifs
qui ont fait créer les bons du trésor ; si je me le rappelle bien, l’honorable
membre faisait partie de la commission qui a arrêté cette création.
Mais ce que je dois dire, c’est que
ces bons du trésor, dans le but qu’on voulait atteindre par leur création,
étaient compris dans les voies et moyens ; ils reposaient sur les prévisions
des voies et moyens, en telle sorte que les retards que l’on apporte
naturellement à la rentrée des impôts, devaient être suppléés par la création
de bons du trésor et que ceux-ci devaient disparaître par la réalisation des
ressources votées par le budget des voies et moyens.
Si, dans la suite, cet ordre de
choses n’a pu être maintenu, c’est que probablement les circonstances ne l’ont
pas permis. Mais tel était le but de leur création lorsqu’on a émis pour la
première fois des bons du trésor.
Tout le monde sait que la rentrée des
contributions, et notamment des contributions directes, se fait avec une
extrême lenteur, puisque les rôles ne sont guère exécutoires que vers le second
trimestre de l’année. Cet état de choses occasionnait un grand vide dans les
caisses du trésor, et ce vide ne pouvait exister, parce que le département de
la guerre avait journellement des besoins, et d’immenses besoins, auxquels il
fallait faire face. Ce sont les motifs pour lesquels on a eu recours à la
création de bons du trésor. Mais, je le répète, la rentrée de ces bons du
trésor était prévue, en même temps que celle des voies et moyens à l’expiration
de l’exercice.
Voilà les observations que je
voulais soumettre ; vous reconnaîtrez donc avec moi que l’émission des bons du
trésor ne se faisait jamais en dehors des prévisions du budget.
Je devais ces observations à la
chambre, attendu que je faisais partie, en qualité de ministre des finances, du
cabinet qui a proposé et fait adopter la création de bons du trésor.
M.
Meeus. - Messieurs, je dois d’abord un mot
de réponse à l’honorable M. Rogier qui vous a dit : « je conçois que
l’honorable M. Meeus ne veuille pas que l’Etat émette de billets au porteur ; cela
pourrait nuire à la société générale. » Messieurs, je crois que l’honorable M.
Rogier, en venant dans cette enceinte et en prenant place sur ces bancs, a
dépouillé tout autre intérêt que ceux de l’Etat. Quand moi aussi j’ai eu
l’honneur de venir siéger dans cette enceinte, soyez convaincu que les
sentiments que je prête à l’honorable M. Rogier, j’ai compris qu’ils devaient
être les miens, et je n’y ai jamais manqué. Dût la société générale en souffrir
s’il le fallait, pour l’intérêt de l’Etat, bien que je sois à la tête de cet
établissement, vous me verriez sacrifier l’intérêt privé à l’intérêt général.
Messieurs, au commencement de cette
discussion, on vous avait dit aussi que l’émission de bous du trésor était
extrêmement utile à la société générale. Il semblait, au dire de certains
orateurs, que véritablement la création de bons du trésor eût été décidée dans
son intérêt. Vous me rendrez cependant cette justice, messieurs, que
constamment, je sois venu dans cette chambre critiquer l’émission des bons du
trésor telle qu’elle a lieu aujourd’hui.
Vous le voyez donc bien ; ce n’est
pas, en définitive, l’intérêt de l’établissement auquel j’ai l’honneur
d’appartenir, qui guide mes votes dans cette chambre. Oui, j’en conviens, les
bons du trésor sont très utiles aux établissements de crédit ; je conviens que
pour
Eh bien, je n’ai pas consulte quel
était l’intérêt de l’établissement auquel j’ai fait allusion ; j’ai dit ce que
je croyais devoir dire dans l’intérêt de l’Etat ; c’est que cette émission de
bons du trésor pouvait être fâcheuse, pouvait être fatale aux intérêts du pays.
L’honorable M. Rogier, revenant sur
son opinion d’émettre les billets au porteur, les compare constamment aux bons
du trésor. Mais les bons du trésor ont cette différence essentielle, qu’ils
sont à des termes très éloignés. On en émet à 3 mois à 2 pour cent ; on en émet
à 6 mois à 3 pour cent ; on en émet à un an à 3 1/2 pour cent. C’est un
placement.
Mais si vous alliez émettre des
billets au porteur, ces billets rentrant dans vos caisses, qu’arriverait-il ?
Que vous feriez diminuer nécessairement l’encaisse de cette quotité. Or, de
deux choses l’une, comme je l’ai déjà dit, ou vous aurez disposé des fonds
provenus de cette émission, ou vous n’en aurez pas disposé. Si vous en avez
disposé, vous serez bien plus sous le coup de ce que nous craignons par rapport
aux bons du trésor. Si au contraire vous n’en avez pas disposé, c’est une
opération blanche, comme on dit ; c’est une opération qui ne vous rapporte
rien.
Mais je prie l’honorable ministre des
finances de me dire si l’expérience ne vient pas détruire tous les jours ce que
l’honorable M. Rogier voudrait voir exister ; quand les bons du trésor arrivent
à leur terme, personne ne force les porteurs à venir en demander le
remboursement ; ce sont alors cependant de véritables billets au porteur.
Eh bien, je prierai l’honorable
ministre des finances de nous dire s’il reste beaucoup de bons du trésor non
payés aux échéances, si, au contraire, on ne vient pas les recevoir
immédiatement, au lieu de s’en servir comme de billets au porteur ? Je ne doute
pas de la réponse de M. le ministre. Non seulement on ne conserve pas les bons
du trésor après leur échéance, mais la plupart du temps ils passent dans la
caisse des banques qui les escomptent selon les besoins du commerce ou des
capitalistes au fur et à mesure qu’ils le demandent.
L’honorable M. Rogier dit :
« Mais ce que les banques peuvent faire, l’Etat peut le faire ; le premier
crédit c’est le crédit de l’Etat. » Entendons-nous à cet égard : Oui le
premier crédit, c’est le crédit de l’Etat, mais avant le crédit de l’Etat, il y
a le crédit de tous les membres de la société, qui forment l’Etat : Eh bien, où
il n’y aurait pas de crédit pour le commerce et l’industrie, l’Etat n’en aurait
point. L’Etat n’est autre chose que la réunion de tous les citoyens, et le
crédit des particuliers se reflète sur celui de l’Etat, comme le crédit de
l’Etat se reflète à son tour sur celui des particuliers.
On a dit encore que dans un cas de
crise, les établissements financiers sont obligés de venir demander des leçons
au gouvernement. Dans un cas de crise un établissement bien fondé supporte la
crise et bien loin de venir demander des secours, il vient au contraire en aide
au commerce et à l’industrie.
Sous le ministère dont l’honorable M.
Rogier faisait partie on a eu l’expérience de ce que sont les bons du trésor.
Lors de la crise d’Orient il y avait pour 20 ou 25 millions de bons du trésor
entre les mains des particuliers et dès que l’horizon commença à s’obscurcir,
les porteurs accoururent aux banques pour les escompter, à tel point que, si ma
mémoire est fidèle, il y avait entre les mains de la société générale, par
l’escompte, les 2/3 ou tout au moins la 1/2 de tous les bons du trésor en
circulation. Que serait-il arrivé, si ces bons du trésor avaient été payables à
vue ? C’est que le gouvernement aurait dû les rembourser immédiatement. Or, à
cette époque, le gouvernement n’avait pu se procurer, si ce n est par
M. le ministre des finances
(M. Mercier) - Je demande la parole.
M.
Meeus. - Il ne faut pas que le pays se
fasse illusion ; si nous voulons que le crédit de l’Etat soit fort, si nous
voulons qu’il ait une force permanente, il ne faut pas tomber dans des utopies,
il faut asseoir le crédit de l’Etat sur une base solide, et pour cela il ne
faut pas se bercer de chimères, il faut avoir du positif. Ce que, moi, j’adjure
le gouvernement d’avoir, ce ne sont pas des bons du trésor, ce ne sont pas des
billets au porteur, ce sont 25 ou 30 millions dont il puisse disposer dans un
moment de crise, dont il puisse disposer le jour où l’indépendance du pays
serait menacée, afin qu’il n’ait pas à compter avec les porteurs de bons du
trésor dans un moment où il faudra compter avec l’armée, où il faudra rassembler
des provisions de guerre. Alors le gouvernement sera fort s’il sait prévoir ce
moment avant qu’il n’arrive.
M. le ministre des finances
(M. Mercier) - Je pense, messieurs, qu’il
n’y a aucun doute dans cette assemblée sur les dangers que renferme pour l’Etat
l’existence d’une dette flottante considérable. C’est là un point sur lequel
aucun dissentiment n’est possible.
En 1840, comme l’a rappelé
l’honorable préopinant, le gouvernement se trouvait, par suite du découvert du
trésor, dans de grands embarras, lorsque les événements du mois de juillet sont
venus compromettre la paix de l’Europe. Alors, messieurs, il y avait, outre une
insuffisance de 25 millions, deux émissions de bons du trésor qui avaient été
successivement décrétées et qui s’élevaient ensemble à 17 millions de francs, à
prélever sur un futur emprunt. Le découvert était donc de 42 millions ; il y
avait là un véritable danger.
Il est vrai, que si à cette époque le
gouvernement n’avait pu compter sur les capitaux de
Je n’entends pas me prononcer sur la
question des billets au porteur à émettre par l’Etat ; cette question, je le
répète, mérite d’être sérieusement examinée par le gouvernement ; j’ajouterai
cependant que si un semblable papier devait couvrir une grande insuffisance, je
le condamnerais sans hésiter ; sans aucun doute le crédit de l’Etat permet
l’émission d’un semblable papier, mais si cette émission dépassait certaines
limites assez restreintes, elle serait chose très
dangereuse, plus dangereuse même que celle des bons du trésor dont l’échéance
est connue d’avance ; du reste il n’est pas impossible que les conditions d’un
pareil papier soient telles qu’elles préviennent les embarras auxquels
donnerait lieu la demande immédiate de remboursement de sommes considérables,
au surplus, messieurs, je pense que cette question est trop grave pour être
traitée incidemment. J’ai seulement voulu rependre aux interpellations qui
m’étaient faites à cet égard.
M.
Devaux. - Messieurs, cette discussion se
rapporte à la partie la plus importante du budget. La question de la dette
flottante comprend, en quelque sorte, toute la situation financière.
Le jour ou la dette flottante serait
écartée du budget ce jour là le déficit apparaîtrait dans toute sa laideur.
J’aurais à présenter, à cet égard, quelques observations qui pourront prendre
un peu de temps et l’heure est déjà avancée.
De toutes parts. - A demain.
M.
le président. - Demain séance publique à une
heure. La chambre se réunira à 11 heures pour se rendre au Te Deum à midi.
- La séance est levée à 4 heures et
demie.