Accueil Séances
plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Bibliographie et
liens Note
d’intention
Chambre
des représentants de Belgique
Séance du jeudi 6 avril 1843
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment pétition
relative à l’industrie linière (Desmet, de Garcia, Delehaye, Rogier, Rodenbach, de Brouckere, Cools, de Roo, Delehaye)
2) Projet de loi relatif à la réorganisation de la poste aux chevaux
et/ou traitements des membres de l’ordre judiciaire notamment des juges de
paix. Fixation de l’ordre du jour (Delehaye, Dolez, de Garcia, Lys,
Dumortier, de Mérode, Verhaegen, Mast de Vries, Lys, Orts, de Garcia,
Savart-Martel, Lys, Delehaye)
3) Projet de loi relatif à la voirie vicinale
4) Motion d’ordre relative aux entraves mises par le
gouvernement hollandais dans la pêche à la moule dans l’Escaut (Mast
de Vries)
5) Projet de loi ouvrant des crédits provisoires au
département de la guerre pour l’exercice 1843. Discussion générale (Desmaisières, de Garcia, Lys, Nothomb, Verhaegen,
Desmaisières, Verhaegen,
Dumortier, (+cumuls des portefeuilles ministériels) (Rogier, Nothomb)
6) Motion d’ordre relative à la perception du péage
sur le canal de Terneuzen (Hye-Hoys, Nothomb,
Delehaye, de Briey)
7) Projet de loi portant un crédit supplémentaire au
budget du département de la marine pour l’exercice 1843, en couverture des
frais d’entretien de
8) Projet de loi ouvrant des crédits provisoires au département
de la guerre pour l’exercice 1843. Discussion générale. Fixation du chiffre
global du budget et organisation des armes et des états-majors (Brabant, Rogier, de Garcia, Brabant, (+loi sur la
milice) Nothomb, (+question politique) Verhaegen et Nothomb, Dumortier, Desmaisières, Brabant, Cogels, (+question
politique) Verhaegen et Rogier,
Dumortier)
9) Projet de loi ouvrant un crédit au budget du
département de la guerre pour l’exercice 1840, en vue d’approprier l’hôtel du
ministre
10) Rapport annuel sur l’enseignement supérieur
11) Fixation de l’ordre du jour et ajournement
indéfini de la chambre. Traitements des membres de l’ordre judiciaire (Verhaegen, Nothomb, de Mérode)
(Moniteur belge n°98, du 8 avril 1843)
(Présidence
de M. Raikem)
M. de Renesse fait l’appel nominal à midi et demi.
M.
Scheyven donne
lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la
chambre :
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Roberty
demande de pouvoir opérer le rachat d’une rente dont il est redevable à l’Etat.
»
-
Renvoi à la commission des pétitions.
________________________
« Le
sieur Hanset, saunier à Chênée,
présente des observations concernant le projet de loi sur le sel. »
-
Renvoi à la section centrale qui a examiné le projet de loi sur le sel.
« Les
membres du conseil communal d’Eeghem soumettent à la
chambre des moyens tendant à arrêter la misère qui s’est répandue dans les
Flandres, par suite de la décadence de l’industrie linière.»
M.
Desmet. -
Comme il est probable que la chambre s’ajournera après cette séance, je demande
que la pétition soit renvoyée directement à M. le ministre de l’intérieur et à
M. le ministre des affaires étrangères.
M. le président. - C’est contraire au règlement.
M. Desmet. - C’est un cas extraordinaire ; dans tous les cas je
demanderai l’insertion de la pétition au Moniteur.
M. de Garcia. - Je ne m’oppose pas à cette insertion, mais il
serait contraire à tous les usages de renvoyer directement à des ministres une
pétition qui est adressée à la chambre. La chambre se manquerait même à
elle-même, si elle renvoyait à un ministre des pétitions qu’elle n’a pas
examinées.
M. Delehaye. - Messieurs, je demande aussi que la pétition soit insérée
au Moniteur. Elle aura un très bon
effet, elle répond d’une manière victorieuse à une allégation qui a été faite
dans le sénat ; elle prouvera que la misère, quelque grande qu’elle soit dans
les Flandres, n’est cependant pas telle qu’on ne puisse y porter remède.
M. Desmet. - Je me borne aussi à
demander l’insertion de la pétition au Moniteur.
M.
Rogier. - Nous
n’avons entendu qu’une analyse très incomplète de la pétition ; elle n’a pas rapport
aux objets qui sont à l’ordre du jour ; d’ordinaire on n’imprime au Moniteur que les pétitions qui se
rapportent à l’objet en discussion.
M.
Rodenbach. - L’insertion au Moniteur
ne préjuge rien. Il s’agit d’intérêts qui sont chers aux deux Flandres. On ne
compromettra personne en publiant la pétition au Moniteur.
M. de Brouckere. - Je demande l’exécution du règlement ; je demande
que la pétition soit renvoyée à la commission avec demande d’un très prompt
rapport ; le rapport pourrait être fait à la prochaine séance.
M.
Rodenbach. - Il est très probable qu’il n’y aura plus de séance à
partir d’aujourd’hui. Il n’y a plus à l’ordre du jour que des crédits provisoires
pour le département de la guerre. Ainsi, se borner à demander un prompt rapport
équivaudrait à un refus. Messieurs, je répète que l’insertion au Moniteur ne préjuge rien.
M.
Cools. - Ce
qui m’apparaît de plus clair dans la discussion à laquelle on se livré, c’est
qu’elle se lie à la question des lins et qu’on veut agir sur l’opinion
publique. Déjà les journaux me l’avaient appris. J’ai vu que dans certains
districts et, entr’autres, dans celui de Thielt, on fait de nouveau circuler
des pétitions sur cet objet. Ces faits se sont produits chaque fois que la
question linière a été amenée dans nos débats, n’importe de quelle manière. Ils
s’expliquent aujourd’hui par une proposition de restriction à la sortie des
lins dont vous avez été saisis subitement, il y a quelques semaines, à
l’occasion de modifications à quelques droits de sortie.
Messieurs,
la question de l’industrie linière est une question très grave ; vous êtes
saisis d’une proposition formelle, une commission a été chargée de l’examiner ;
elle fera sans doute son rapport au commencement de la session prochaine, et
alors la chambre pourra trancher la question d’une manière définitive. Il
faudra un jour en venir là pour calmer des intérêts qu’on tient continuellement
en suspens. Pour ma part, je désire que cela soit le plus tôt possible, j’ai confiance dans la chambre ; elle se décidera librement
dans un sens on dans l’autre et en dehors de toute influence. Mais, il faut
bien le dire, c’est là ce qu’on ne veut pas. On veut forcer la main à la
chambre, parce que dans certaines parties du pays il s’est formé une opinion
qui s’est persuadé que des droits à la sortie des lins sont le seul moyen
efficace de relever l’industrie linière. Que la situation change par
l’application de la vapeur, que l’exportation des lins aille annuellement en
diminuant, que les opinions changent et qu’aujourd’hui chambres de commerce,
commission d’agriculture, députations des états se prononcent à une grand
majorité contre toute restriction à la sortie, cette opinion prévenue,
immuable, reste toujours à son point de départ : des droits ! il nous faut des droits !... C’est cette tendance que je
combattrai toujours de tous mes moyens.
Je
demande que la pétition soit simplement renvoyée à la commission des pétitions.
M. de Roo. - Il paraît que cette pétition est émanée d’une réunion de
personnes compétentes dans cette matière ; nous sommes saisis d’une proposition
sur la sortie des lins, c’est vrai, mais cette pétition peut faire suite à
l’enquête qui a été faite par M. le ministre de l’intérieur, et dont nous avons
reçu communication. Il est donc intéressant pour tous de connaître le contenu
de cette pétition. Je demande donc aussi l’insertion de la pétition au Moniteur.
M.
Delehaye. -
Messieurs, ce serait un moyen bien singulier de vouloir forcer la main à la
législature, que de lui demander d’accueillir la proposition que j’ai faite.
Quel est le but de ma proposition ? C’est précisément de mettre chacun de nous
à même s’apprécier les allégations des pétitionnaires. Je demande donc que la
pétition soit insérée au Moniteur. Il
est arrivé bien des fois que des pétitions, qui présentaient un intérêt bien
moindre, ont eu les honneurs de l’impression.
Pourquoi
dévierions-nous de cette marche pour la pétition dont il s’agit ? Je ne
m’oppose pas à ce que la pétition soit renvoyée à la commission des pétitions,
comme le demande l’honorable M. de Brouckere, mais je propose en même temps
qu’elle soit insérée au Moniteur. Du
reste, je dois déclarer que je suis entièrement désintéressé quant à cette
pétition ; elle regarde
-
La pétition est renvoyée à la commission des pétitions ; la chambre décide
qu’elle sera, en outre, insérée au Moniteur.
__________________________
«
Les héritiers du sieur Coupez réclament l’intervention de la chambre pour
obtenir l’exécution d’un jugement qu’ils ont obtenu contre le gouvernement
belge, le 28 juin 1836. »
-
Renvoi à la commission des pétitions.
___________________________
«
La commission administrative de la caisse de prévoyance de l’arrondissement de
Mons adresse à la chambre 4 exemplaires du compte-rendu de ses opérations
pendant l’année 1842. »
-
Dépôt à la bibliothèque.
M.
Liedts, au nom
d’une commission, dépose le rapport sur le projet de loi relatif à la
réorganisation de la poste aux chevaux.
-
Le rapport sera imprimé et distribué.
M.
le président.
- A quand la chambre entend-elle fixer la discussion du rapport ?
Des membres. - Nous attendrons que le rapport ait été imprimé.
M.
Delehaye. - La
chambre a déjà mis à l’ordre du jour le projet de loi sur les sels, et ensuite
la loi relative à l’augmentation des traitements de l’ordre judiciaire. Je
demande qu’on s’occupe en premier lieu et dans cet ordre de ces deux objets ;
puis viendrait la loi sur laquelle on vient de faire rapport.
M.
Dolez. - Je
demanderai que la loi relative à la réorganisation de la poste aux chevaux soit
mise à l’ordre du jour en premier. Cette loi est urgente ; elle a pour objet de
maintenir un service public. D’autre part, elle n’est pas de nature à donner
lieu à une longue discussion.
M. de Garcia. - Messieurs, je ne puis pas partager l’opinion de
l’honorable M. Dolez sur la loi relative à la réorganisation de la poste aux
chevaux ; selon l’opinion de l’honorable membre, cette question est simple et
ne donnera lieu à aucune difficulté. Je pense le contraire, et d’après ma
manière de voir, cette loi doit donner lieu à une assez longue discussion.
Cette
loi contient deux principes bien distincts ; un principe de réorganisation et
un principe d’impôt pour arriver à ce but ; je donnerai mon assentiment aux
principes de réorganisation ; mais je ne puis le donner au principe qui crée
l’impôt et qui doit aboutir à la réorganisation. Cette dernière question est
fort grave et mérite toute l’attention dé la chambre.
M.
Lys. -
Cette loi a été vivement sollicitée par tous les membres de la chambre. (Dénégations.) Je pense qu’elle pourrait
être imprimée aujourd’hui, pour être mise à l’ordre du jour dès demain. (Non ! non !)
M. de Garcia. - Mais l’ordre du jour est déjà réglé. Peut-on y
déroger ? Nous avons à l’ordre du jour la loi sur le sel et la loi qui a pour
objet d’augmenter les traitements des membres de l’ordre judiciaire. Nous
sommes saisis depuis longtemps de cette dernière loi qui devrait passer avant
toutes les autres. Nous laissons une partie des membres de l’ordre judiciaire
dans une position inférieure à celle d’un ouvrier. Oui, il y a des juges de
paix qui n’ont que deux à trois francs par jour.
Un manouvrier gagne plus que certains juges de paix ; d’un
autre côté le service dans les cours et tribunaux est entravé ; il y a
d’anciens magistrats qui ne peuvent pas quitter leurs fonctions, faute de
ressources. Si nous faisons une loi, nous pourrons assurer à ces fonctionnaires
une retraite honorable. Dans la cour de Liége, et c’est un magistrat qui me l’a
assuré, il est impossible, que la cour travaille dans l’état où elle se trouve.
Je demande donc que l’on maintienne l’ordre du jour, et surtout qu’on s’occupe
de la loi relative à la magistrature.
M. Dumortier. - Il est impossible de mettre à l’ordre du jour de demain
la loi sur les postes, dont le rapport vient d’être déposé tout à l’heure ;
personne ne l’a examiné, personne ne le connaît, car c’est à une commission
spéciale, et non aux sections que le projet avait été renvoyé et nous irions
entamer une discussion dont nous ne comprenons pas toute la portée. Il y a
d’ailleurs d’autres objets importants à l’ordre du jour, je vous ferai
remarquer ce que je vous ai dit il y a quatre jours ; la question des juges de
paix est d’une haute importance. Comme vient de vous le dire mon honorable
collègue M. de Garcia, la plupart des juges de paix n’ont que deux ou trois
francs par jour.
M. de Garcia. - C’est la vérité.
M. Dumortier. - Je vous demande si cette position est tenable. Les juges
de paix ont moins de traitement qu’un huissier ou un messager ; et il importe
de statuer enfin sur cette question. Remarquez que depuis 13 ans, il est
question d’apporter une amélioration à ces traitements qui sont trop peu
considérables, et il semble que l’on veuille toujours ajourner cette question.
D’un
autre côté, il y a des mesures qu’il faudrait prendre afin de favoriser la mise
à la retraite des magistrats qui sont arrivés à un âge avancé. Il se trouve des
magistrats très âgés. Il me semble qu’il est du devoir de la magistrature de
faciliter à ces fonctionnaires les moyens d’avoir une retraite honorable et de
faire en sorte que le service de la justice ne souffre pas ; car l’état actuel
est un état de souffrance pour la justice. Je pense donc que l’on pourrait
statuer sur cette partie du projet de loi qui pourrait être votée en très peu
de temps.
Quant à la loi sur le sel, vous le savez, il serait très
difficile de l’aborder dès aujourd’hui ; car elle repose sur un principe que
déjà la chambre a rejeté, et je ne pense pas que la chambre veuille subitement,
et du jour au lendemain, accepter ce qu’elle a rejeté ; si elle l’accepte, ce
ne sera sans doute qu’après de longues discussions ; il faut donc laisser
l’ordre du jour tel qu’il a été fixé, et accorder la partie de la loi sur
l’ordre judiciaire, qui contient la retraite des magistrats et les traitements
des juges de paix.
M. de Mérode. - Messieurs, on exagère à la situation peu
avantageuse des juges de paix... (Interruption.)
M. de Garcia. - On n’exagère pas.
M. de Mérode. - Ne m’interrompez pas ; sans avoir étudié le code
civil et les lois, je sais que l’institution des juges de paix n’est pas
établie dans le même sens que les autres tribunaux : les juges de paix ne sont
pas obligés de n’être que juges de paix, ils peuvent exercer encore d’autres
fonctions. (Non, non.) Il en est qui
sont propriétaires, j’en connais. (Hilarité.)
Je répète que les juges de paix ne sont pas obligés de ne pas faire autre
chose. il y en a qui sont médecins. Je le sais
parfaitement, puisqu’il y en a un dans la commune que j’habite. Ils ne sont
donc pas obligés de se borner aux fonctions de juges de paix.
Je
ne m’oppose pas, du reste, à ce qu’on augmente leurs traitements ; mais il est
impossible, selon moi, de scinder la discussion de la loi qui concerne l’ordre
judiciaire ; il faut qu’elle soit discutée dans son entier, et non par
lambeaux ; je doute bien, du reste, que nous puissions en ce moment aborder
cette question, car nous n’avons pas recueilli les moyens nécessaires. On a
refusé les centimes additionnels que demandait le gouvernement ; on a même ri
de voir les ministres voter seuls ces centimes additionnels, et maintenant vous
voyez qu’ils sont suffisamment justifiés par toutes les demandes de dépenses
qu’on vous fait.
Quant à la loi relative aux maîtres de postes, elle est de
très peu d’importance, et peut être votée en une séance. La position des
maîtres de postes est très critique ; ils sont en ce moment obligés de payer
des droits sur leurs chevaux, comme s’ils en retiraient des bénéfices, et
cependant depuis l’établissement des chemins de fer, ils sont presque tous sans
ouvrage.
M. Verhaegen. - Je suis heureux d’être d’accord cette fois au moins avec
l’honorable comte de Mérode, en ce qu’il ne veut pas consentir à diviser la loi
sur l’ordre judiciaire. C’est une loi, messieurs, qu’il finit examiner dans son
ensemble, et par laquelle il faut faire justice à tout le monde, Ce n’est pas
seulement des traitements des juges de paix, que nous devons nous occuper, mais
de ceux de tous les magistrats en général.
Je
demande que la chambre ne revienne pas sur la décision qu’elle a prise naguère,
il y a quatre à cinq mois que le projet a été mis à l’ordre du jour, et je ne
sais comment on est toujours parvenu à en reculer la discussion. Je fais un
appel au souvenir de mes collègues, et je demande l’exécution de la décision
qui a été prise.
M. Mast de Vries. - Je me joins à mes honorables collègues pour
demander la discussion de la loi sur l’ordre judiciaire. La position des juges
de paix n’est pas tenable ; chez moi, le juge de paix n’a que 900 fr. de traitement
; il a à soutenir une nombreuse famille, et il lui est impossible de rien faire
du tout.
M. Lys. - Quand j’ai demandé que l’on discutât la loi sur les
postes, c’est parce que j ‘ai pensé qu’elle ne pouvait pas nous tenir longtemps,
car nous avons vu de quoi il s’agissait par l’exposé des motifs. Je suis loin
de m’opposer à ce que l’on discute le projet relatif à l’ordre judiciaire ; au
contraire, je n’ai pas cessé de demander cette discussion et je la demande
encore aujourd’hui. C’est un projet très urgent, car l’exiguïté du traitement
des juges de paix les met dans une position excessivement fâcheuse, et il faut
aussi assurer le service dans les cours d’appel. Ces motifs sont suffisants
pour que la loi soit discutée de suite ; du reste, nous ne devons pas prendre
des vacances dès demain, et en restant jusqu’à mercredi, nous pourrons discuter
et la loi sur les maîtres de postes et la loi judiciaire.
M.
Orts. -
L’honorable M. Verhaegen a exprimé ma pensée, c’est qu’il serait inconcevable
d’aller scinder ce projet de loi, qui, lorsqu’il a été discuté dans les
sections, n’a pas même fait naître la pensée de faire un projet séparé, ou de
discuter par priorité ce qui concerne les juges de paix. Je dis qu’on ne peut
scinder cette loi, et je demande, non pas qu’on la mette, mais qu’on la
maintienne à l’ordre du jour, tout entière. D’ailleurs, messieurs, si les juges
de paix ne sont pas rétribués comme ils devraient l’être, les autres branches
du pouvoir judiciaire ne le sont pas non plus ; et vous l’avez bien senti,
puisque la section centrale vous proposait des augmentations sur tous les
traitements, à l’exception dé ceux des membres de la cour de cassation.
Il
est encore inexact de dire que les juges de paix n’ont pas autre chose que leur
traitement. Partout les juges de paix sont rétribués parmi les vacations qu’ils
font. Je ne vous dis pas que les juges de paix de cantons de la dernière classe
reçoivent autant d’honoraires que les juges de paix de Bruxelles, de Gand ou
d’Anvers ; mais partout ils ont des rétributions résultant de leurs vacations.
Je conviens que dans les petits cantons les traitements sont trop exigus, et je
suis d’avis qu’ils obtiennent une augmentation de traitement ; j’insiste donc
pour qu’on ne scinde pas une loi qui est telle qu’il faut la soumettre tout
entière à la chambre.
Je ne sais, messieurs, par quelle fatalité, quand nous sommes
au moment de nous séparer, cette idée a surgi de scinder la loi et de voter des
augmentations de traitèrent pour les juges de paix tous seuls. Il est
extraordinaire que cette idée ait surgi : d’autres que moi en connaissent
peut-être les motifs.
M. de Garcia. - Je ne sais pas qui a proposé de scinder la loi ;
je n’ai rien entendu de semblable.
M.
Verhaegen. - C’est M. Dumortier.
M. de Garcia - J’ai signalé la situation fâcheuse des juges de
paix et des anciens magistrats, pour démontrer l’urgence de s’occuper de cette
loi ; je n’ai jamais parlé de la scinder. Je le répète, quant au traitement des
juges de paix, y compris les honoraires pour vacations, il ne s’élève pas à
plus de 2 ou 3 fr. par jour. Ce n’est même pas le salaire d’un ouvrier.
M.
Savart-Martel. - Je demande que le projet concernant les traitements judiciaires reste
fixé à l’ordre du jour, pour être discuté de suite. Indépendamment des raisons
qui viennent d’être proposées, on doit remarquer que les conseils provinciaux
s’assemblent en juillet chaque année.
Par suite de la loi, si nous
l’adoptons, il y aura lieu à plusieurs mutations, notamment dans les cours
d’appel. Or, si l’on n’adopte la loi que dans la prochaine session, les cours
et tribunaux, se trouveront pendant longtemps dépourvu du personnel nécessaire.
Je prouverai, quand il sera question, que dans presque toutes les communes
rurales, les émoluments des juges de paix les indemnisent à peine de leurs
dépenses.
M.
Lys. -
J’ai demandé qu’on fixât à demain la loi sur les postes et ensuite le projet de
loi sur l’ordre judiciaire.
M.
Delehaye. -
J’ai demandé qu’on commençât par la loi sur le sel, ensuite la loi concernant
l’ordre judiciaire, comme l’a décidé la chambre, et, en troisième lieu, le
projet de loi sur les postes. J’ai demandé qu’on s’occupât de ces objets après
les vacances de Pâques.
M.
Lys. -
Nous ne sommes pas à Pâques.
M.
Delehaye.
-Vous avez entendu M. Rodenbach dire qu’on ne serait plus en nombre demain.
-
La proposition de mettre la loi sur les postes à l’ordre du jour après celle
concernant l’ordre judiciaire est adoptée.
M. Verhaegen. - Qu’est-ce qui se trouve à l’ordre du jour ?
Un membre. - Le sel et l’ordre
judiciaire.
PROJET DE LOI RELATIF A
M. de Garcia. - La chambre se rappellera que, dans la session
dernière, elle a voté une loi sur la voirie. Cette loi a subi des amendements
au sénat. La chambre a renvoyé l’examen de la loi amendée à la section centrale
constituée en commission spéciale. J’ai l’honneur de présenter à la chambre le
rapport de cette commission. (L’impression
! l’impression !)
M.
le président.
- Ce rapport sera imprimé et distribué. Quand veut-on en fixer la discussion ?
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Nous demandons que la discussion en soit fixée
ultérieurement.
-
La discussion de ce rapport sera ultérieurement fixée.
M. Mast de Vries. - Des bateliers et habitants de Lillo se sont
adressés à la chambre pour se plaindre des entraves qu’ils éprouvent de la part
des autorités hollandaises dans la pêche des moules. Cette question est du
ressort de la commission mixte qui règle le service de l’Escaut. Je demande que
cette pétition soit renvoyée à M. le ministre de l’intérieur avec invitation de
l’adresser à la commission mixte de l’Escaut.
-
Ce renvoi est ordonné.
M. le ministre des travaux publics, chargé par interim du département de la guerre (M. Desmaisières) - Messieurs, la discussion
du budget de la guerre ayant été suspendue, avant-hier, le Roi m’a chargé ad
intérim du portefeuille de ce département, et de vous présenter un projet le
loi tendant à faire ouvrir un nouveau crédit provisoire de 19 millions de
francs, afin d’assurer les divers services de l’armée jusqu’en novembre
prochain.
Les
crédits provisoires précédemment alloués par les lois du 30 décembre 1842 et du
14 février 1843, étaient destinés pour les dépenses du 1er trimestre. Je prie
donc la chambre de vouloir bien mettre le nouveau projet le plus promptement
possible en délibération.
« Le
ministre de la guerre est autorisé à employer sur le crédit disponible au
budget global de l’exercice 1840 une somme de cinquante mille francs, pour être
affectée au paiement :
« 1°
Des créances arriérées sur les années 1838 et 1839, pour travaux
d’appropriation et fournitures du mobilier effectués à l’hôtel du ministère de
la guerre
« 2’
De l’achat des objets mobiliers qui manquent et sont encore nécessaires audit
hôtel. »
M. le président. - Il est donné acte à M. le ministre des travaux publies,
chargé ad interim du portefeuille de la guerre, de la
présentation du projet de loi dont il vient de donner lecture.
Ce
projet et les motifs qui l’accompagnent seront imprimés et distribués.
Désire-t-on le renvoi en sections ou à une commission ?
Plusieurs membres. - A la section centrale du
département de la guerre.
M. de Garcia. - Je demande que l’examen et le rapport soient faits
séance tenante.
M.
Lys. - On
demande 26 millions de crédit provisoire jusqu’au mois de novembre. La chose
est assez grave pour être examinée dans le sein d’une commission.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Nous demandons le renvoi
à la section centrale du budget de la guerre. Elle fera son rapport aujourd’hui
si elle le juge convenable. Quand elle aura fait son rapport nous verrons
quelle autre motion il y aura lieu de faire.
Les
membres de la section centrale peuvent se retirer, cela est arrivé dans bien
des cas, M. le président pourra présider la section centrale, un vice-président
occupera le fauteuil et nous continuerons à nous occuper des objets à l’ordre
du jour.
M. Verhaegen. - Avant de savoir si la section centrale fera son
rapport séance tenante, il ne serait pas mauvais que le ministre des travaux
publics, chargé ad interim du portefeuille de la
guerre, voulût dire dans quel sens ce crédit est présenté.
Les
cadres resteront-ils tels qu’ils sont ? J’ai lieu de croire que M. Desmaisières
qui a défendu avec tant de chaleur l’honorable général de Liem, adoptera le
système de l’ex-ministre de la guerre, qu’il maintiendra les cadres existants.
Je désirerai savoir quelles sont les intentions du gouvernement.
M. le ministre des travaux publics, chargé par interim du département de la guerre (M. Desmaisières) - Evidemment ce que demande
l’honorable préopinant était d’anticiper sur la discussion du projet de loi que
je viens de présenter ; c’est de faire précéder le rapport da la section
centrale par la discussion elle-même. Je ne crois pas devoir donner, quant à
présent, d’autre réponse. La chambre n’a pas même statué sur le renvoi et
l’honorable membre voudrait commencer la discussion. Je ne puis penser,
messieurs qu’il soit dans vos intentions de procéder ainsi, et, par conséquent,
je bornerai là mes observations.
M. Verhaegen. - M. Desmaisières ne me comprend pas. Comme il vient de
présenter un projet de loi, je ne serai pas fâché que l’honorable membre, qui
tient le personnel de la guerre, voulût bien nous dire s’il entre dans les
intentions du gouvernement en demandant un crédit provisoire de 19 millions, de
maintenir à l’armée les droits dont elle jouit. Le projet aurait dû contenir
quelque chose à cet égard. Comme il n’y a rien, je me suis permis de faire une
interpellation. Si M. le ministre ne veut pas me donner de réponse libre à lui,
je ne puis pas le forcer.
M. Dumortier. - La question se résout seule. La loi proposant un crédit
provisoire, le statu quo est maintenu. Il faut une loi spéciale pour renvoyer
chez eux un certain nombre d’officiers avec 2/3 de solde.
C’est
toujours dans ce sens que je l’ai entendu. Je dis donc qu’il va de soi qu’en
votant des crédits provisoires nous maintenons le statu quo. J’ajouterai que la
proposition du gouvernement est précisément celle que je faisais il y a trois
jours, avec cette différence que je proposais de donner non 26 millions mais 28
millions de crédits provisoires et de maintenir le statu quo. Nous pourrions
reprendre la discussion au point où elle en était restée. En tout état de
choses, il va sans dire que tout doit rester au point où il se trouve jusqu’à
ce qu’une loi intervienne.
M. le président. - S’il n’y a pas d’opposition, le renvoi à la section
centrale est ordonné.
M.
Rogier. - Je
conçois que ce projet doit être renvoyé à la section centrale, et je ne viens
pas combattre cette proposition. Je veux seulement ajouter quelques
observations à celles qui vous ont été présentées par l’honorable M. Verhaegen.
Depuis 48 heures il s’est passé un événement grave. Un ministre qui avait la
confiance, je crois, de l’armée et d’une grande partie de cette chambre, s’est
retiré. Le restant du ministère, qui avait défendu avec lui les chiffres
combattus par la section centrale, vient demander je ne sais pourquoi, un
crédit provisoire de 19 millions. Aucun motif n’est donné à l’appui de cette
demande. Le ministère dit qu’il s’expliquera. Il serait plus naturel, dans la
circonstance actuelle qu’il se fût expliqué en présentant son projet.
A
qui allons-nous ouvrir un crédit global de 19 millions ? Est-ce au ministre de
la guerre par interim ? Quelque confiance que nous
puissions avoir dans les capacités du ministre des travaux publics, j’avoue que
j’hésiterai à confier la dépense de 19 millions à l’honorable M. Desmaisières.
Depuis cinq mois, M. le ministre de l’intérieur cumule
deux portefeuilles, L’intention du gouvernement est-elle que le cumul du
portefeuille de la guerre et des travaux publics dure aussi longtemps. Nous
aurions besoin d’explications catégoriques sur ce point.
Et
pour ma part, je regrette beaucoup que le projet de loi ne soit pas accompagné
d’explications. On nous en promet pour plus tard. Si cependant ces explications
avaient été données avant le renvoi à la section centrale, la chambre aurait pu
y réfléchir ; mais il faudra nécessairement que ces explications arrivent ; je
me réserve au besoin de les provoquer.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il n’entre nullement dans mes intentions de
conserver indéfiniment l’interim du ministère de la
justice. Si j’ai accepté cet interim c’est parce que
j’ai cru que le bien public l’exigeait au milieu de la session ; je n’ai pas
voulu, par un refus de ma part, amener des embarras. Il n’est nullement dans
mes intentions de perpétuer ce cumul ; l’honorable membre peut en être
convaincu.
Ces
explications doivent aussi faire supposer qu’à plus forte raison, il n’est pas
dans les intentions de mon honorable collègue, M. le ministre des travaux
publics, de donner l’exemple d’un cumul encore plus difficile que celui dont je
ne veux pas pour moi-même, le cumul du portefeuille des travaux publics avec
celui de la guerre.
Il
s’agit, messieurs, de voir les nécessités du moment, et évidemment le vote du
crédit provisoire s’explique par lui-même ; le caractère s’explique par
l’expression même.
Rien
n’est préjugé quant aux situations définitives. On vous demande des crédits
provisoires pour le statu quo ; ce sera au ministre définitif à proposer à la
chambre le système qui devra être consacré. C’est ce ministre qui vous
proposera le complément de crédits provisoires, et c’est dans ce complément que
se trouvera le système.
Je
le répète donc, rien n’est préjugé ; ce n’est pas un chiffre global que l’on
vous demande, puisque c’est l’expression dont s’est servi, et si ma mémoire est
bonne, l’honorable M. Dumortier proposait un chiffre global.
M. Dumortier. - C’est une erreur.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Le chiffre global serait un système.
M. le président. - S’il n’y a pas d’opposition, le renvoi du projet à
la section centrale qui a examiné le budget de la guerre est adopté.
-
MM. les membres de la section centrale se retirent dans leur bureau.
M. Dubus (aîné) remplace M. Raikem au fauteuil.
M.
Hye-Hoys. -
Messieurs, par suite du traité définitive de liquidation générale avec
Le
gouvernement des Pays-Bas a nommé à Anvers, pour la perception du péage de
l’Escaut, un receveur qui reçoit directement du gouvernement belge ledit péage.
A
Gand, on n’a pas ce même avantage, la perception de ce péage doit se faire à
Terneuzen et y provoque de grands frais, des retards et des difficultés.
Des
frais, parce que cette perception oblige les capitaines à employer un agent
dont le salaire augmente souvent de la moitié de ce péage, le commissionnaire
ne pouvant en obtenir le remboursement qu’après des longues réclamations, qui
les traînent un ou deux mois ; et cela parce que les navires arrivant à
Terneuzen chargés n’y peuvent être jaugés, qu’ainsi on doit commencer par
déposer provisoirement une somme approximative, dont le montant ne peut être
régularisé qu’après la jauge du navire à Gand que le receveur hollandais ne
peut jamais vérifier, n’étant que sur les lieux, ainsi, double inconvénient et
pour la perception hollandaise, et pour le capitaine.
Des
retards, parce que le navire arrivant, par exemple, le samedi soir après la
fermeture du bureau du receveur, ne peut plus être expédié que le lundi
suivant, M. le receveur du péage ne voulant sous aucun rapport, ouvrir son
bureau le dimanche.
Ce
retard a déjà compromis et retardé les navires d’une semaine lorsque des
travaux de réparation se pratiquaient dans le canal et que, pour ce motif, la
navigation était interrompue les jours ouvrables.
A
la sortie, ces retards d’un jour peuvent faire manquer un vent favorable et
retenir le navire dans le port de Terneuzen pendant plusieurs semaines, ce qui
est arrivé plus d’une fois.
Si
ce péage pouvait se faire à Gand, comme il se fait à Anvers on n’aurait, de ce
chef, ni difficultés, ni retard à craindre ; cette liquidation se traitant
entre le receveur des douanes et accises belges et le receveur du péage
hollandais.
Des
difficultés, messieurs, parce que souvent les capitaines étant munis des
lettres de jauge délivrées en Hollande, où la jauge doit s’opérer sur les mêmes
principes qu’en Belgique, le receveur y trouve des difficultés, parfois dans la
manière de jauger, et retardent les expéditions jusqu’à ce qu’il ait fait
vérifier ces différends, tandis que si la perception se faisait à Gand, tous se
ferait et se vérifierait sur les lieux, et on éviterait ces frais, ces
difficultés et ces retards.
Le
gouvernement hollandais y trouverait plus de garantie, plus de facilité ; outre
qu’il peut arriver que les navires, entrant par Terneuzen, sortent par Ostende,
et qu’ainsi le receveur du péage établi à Terneuzen doit s’en rapporter aux
agents des capitaines n’ayant aucune pièce officielle à l’appuie de sa
comptabilité, ou plutôt n’ayant aucun moyen de vérification.
Une
réclamation qui doit entrer ainsi dans les convenances des gouvernements
respectifs, doit faire espérer une décision favorable ; la question des
émoluments du receveur est la seule objection possible que le gouvernement des
Pays-Bas pourrait y faire, mais cette recette pourrait avoir lieu à Gand, avec
les mêmes frais, sinon avec économie pour le trésor hollandais sous la
surveillance du consul des Pays-Bas à Gand, cette perception pourrait y être
organisée à l’avantage du commerce et du gouvernement hollandais lui-même.
Le commerce, qui a langui si
longtemps, sous le rapport de la navigation directe à la mer, attend une
décision sur ce point, comme complément des mesures protectrices et d’équité
que le gouvernement a obtenues de ses transactions avec
Je
prierai donc M. le ministre de l’intérieur, ou des affaires étrangères de
vouloir bien me dire s’il tâchera de faire disparaître cette dernière entrave
sur le canal de Terneuzen, pour le commerce de Gand.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je n’ai pas compris l’interpellation ; j’ai
seulement entendu qu’elle s’adressait à moi. Je crois cependant qu’elle a
rapport à un objet qui n’est pas dans mes attributions. Je connais du reste la
réclamation, et je crois savoir qu’elle a été communiquée au cabinet de
M.
Delehaye. -
Messieurs, il est certain que l’état de choses signalé par l’honorable M.
Hye-Hoys donne lieu à de grands inconvénients. Je pense aussi cependant que
cette affaire n’est pas dans les attributions de M. le ministre de l’intérieur,
mais bien dans celles de M. le ministre des affaires étrangères.
Quoi
qu’il en soit, ne jouons pas sur les mots ; il est certain qu’il est du devoir
du gouvernement de faire ce qu’il peut pour améliorer la position de la navigation,
et ce que vient de signaler l’honorable M. Hye-Hoys est un véritable obstacle à
la navigation.
M. de Brouckere. - Que demandez-vous ?
M. Delehaye. - Nous demandons que celui qui est chargé de recevoir les
droits sur le canal de Terneuzen habite Gand, de même que c’est à Anvers
qu’habite le receveur des droits de péage sur l’Escaut. C’est à Terneuzen que
demeure le receveur ; nous demandons que M. le ministre des affaires étrangères
veuille intervenir auprès du gouvernement hollandais pour qu’il consente à ce
que ce fonctionnaire vienne se fixer à Gand. C’est cette réclamation qui fait
l’objet de la motion de M. Hye-Hoys, et je pense que M le ministre des affaires
étrangères ne manquera pas de saisir cette occasion pour rendre au commerce un
véritable service. La navigation ne rencontre plus aujourd’hui sur le canal de
Terneuzen d’autre obstacle que celui-là.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) - Je crois qu’en vertu du traité le receveur des péages doit habiter le
Sas-de-Gand.
M.
Delehaye. - Je
ferai remarquer que le Sas-de-Gand est aussi sur le territoire hollandais. Du
reste, le receveur reste à Terneuzen.
Dans
tous les cas, il serait utile qu’il habitât Gand, et je me joins à l’honorable
M. Hye-Hoys pour demander que le gouvernement fasse les démarches nécessaires
auprès du gouvernement hollandais.
M. le président. - Le projet de loi est ainsi conçu :
« Article
unique. Un crédit de trente mille francs est ouvert au département des affaires
étrangères (marine), pour frais d’entretien du navire à vapeur, British-Queen,
pendant l’année 1843. »
La
discussion est ouverte.
M. Osy, rapporteur. - Messieurs, hier, en s’occupant
du premier projet, on a également entamé la discussion sur le second.
Je
dirai maintenant, messieurs, que toutes les sections, sans exception, ont
demandé positivement la vente de
M. Eloy de Burdinne. - On demande 30 mille francs pour la conservation de
Veut-on
la conserver inactive comme objet de curiosité ? A-t-on l’intention de la faire
voyager de nouveau ?
Est-on
d’avis de la vendre ?
Telles
sont les questions que je me suis faites et que j’ai l’honneur de soumettre à
la législature.
Je
demanderai la permission de soumettre mon opinion sur le projet qui nous est
présenté.
Messieurs,
l’essai que nous avons fait avec
On
a sûrement fait quelques autres essais dont on ne nous parle pas, et qui
probablement n’ont pas mieux réussi.
Dans
mon opinion, c’est une chimère de vouloir lutter avec l’Angleterre et la France
sur les marchés étrangers.
Dans
l’intérêt de nos diverses industries, une seule chose est à faire, c’est de
leur assurer le marché intérieur.
Toutes,
sans exception, ont droit à cette protection, et nous devons la leur accorder.
Pour
y parvenir, employons les moyens pratiqués en France et en Angleterre, portons
nos droits de douane sur les produits étrangers au même taux que ces nations
les ont établis.
C’est
le seul moyen d’assurer à nos diverses industries la consommation intérieure ;
employons les sommes que nous dépensons pour chercher des débouchés que nous ne
trouvons pas, à renforcer nos douanes ; alors nous empêcherons la fraude, au
moins nous la réduirons, et elle disparaîtra en grande partie.
Sans
vouloir récriminer sur 1’acquisition de
L’essai
qu’on en a fait doit nous guérir de l’idée que
1°
à provoquer la vente de
2° à n’allouer que 15 mille francs pour son entretien dans le
bassin d’Anvers, que pour 6 mois ; six mois me paraissent suffire pour vendre
ce steamer.
Dans
tous les cas, je déclare que si on voulait renouveler l’essai de nouveaux
voyages à New-York avec ce navire, je me verrais forcé à voter contre la
demande de subside pour faire cette dépense.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) - Messieurs, l’honorable rapporteur a témoigné, au nom de la section
centrale, le désir que le gouvernement vendît
Cette
observation peut également s’appliquer à la proposition nouvelle de l’honorable
M. Eloy de Burdinne. Il voudrait réduire à 15,000 fr. le crédit demandé, et
rendre la vente du navire obligatoire dans les six mois. Il est évident que le
gouvernement étant obligé de vendre dans un espace de temps aussi court,
devrait accepter toutes les propositions qui pourraient lui être faites,
quelques désavantageuses qu’elles fussent.
Quant
aux questions que nous a adressées l’honorable M. Eloy de Burdinne, sur le
point de connaître l’usage que nous voulions faire de
Quant à ce qu’a dit l’honorable membre sur la nécessité
d’assurer à notre industrie le marché intérieur, je ne le suivrai pas sur ce
terrain. Il est évident que la meilleure manière de procéder pour conserver ou
pour acquérir le marché intérieur, c’est de commencer par réprimer la fraude en
faisant des lois qui soient suffisantes pour que la contrebande ne vienne pas
prendre la place des droits qui sont dus au trésor. C’est à quoi vous venez de
pourvoir par la loi que vous avez récemment votée, et vous avez ainsi jeté la
première base de cette conservation du marché intérieur, que l’industrie
réclame.
M. Osy, rapporteur. - Messieurs, si j’ai bien
compris M. le ministre des affaires étrangères, il paraît être d’accord avec la
section centrale et toutes les sections sur la nécessité de s’occuper de la
vente de
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) - Mais non, je n’ai pas pris d’engagement.
M. Osy. - Je conçois que M. le
ministre ne puisse prendre l’engagement de vendre, parce que pour vendre il
faut des acheteurs ; mais il peut s’occuper de la vente, et c’est ainsi que je
l’ai entendu. Je ferai de nouveau observer que c’est le vœu de toutes les
sections, et que même deux d’entre elles ont exprimé le désir qu’il ne fût voté
qu’une somme moindre que celle que proposait le projet et pour le temps
seulement pendant lequel le gouvernement resterait propriétaire du navire.
Je
crois que la chambre doit exiger de M. le ministre des affaires étrangères
l’engagement de s’occuper de la vente ; c’est dans ce sens que la section
centrale alloue le crédit.
M.
Rogier. - Je
ne pense pas qu’il soit possible d’interpréter la réponse de M. le ministre des
affaires étrangères comme vient de le faire l’honorable rapporteur de la
section centrale ; car M. le ministre des affaires étrangères se trouverait en
contradiction avec son collègue, M. le ministre de l’intérieur. Celui-ci nous a
déclaré hier que le vote de 30,000 fr. ne décidait rien, que les résultats de
l’opération avaient été à plusieurs égards avantageux, que dans son opinion la
question de vente n’était pas préjugée. Il est impossible que M. le ministre
des affaires étrangères vienne déclarer le contraire aujourd’hui.
Cependant
j’aurai besoin d’une explication.
Des journaux de ce matin annoncent que M. le ministre des
affaires étrangères a déjà donné des instructions à ses agents consulaires,
pour arriver à la vente de
Je demanderai à M. le ministre des affaires étrangères ce que
nous devons penser de la nouvelle donnée par plusieurs journaux et d’après une
feuille qui a la réputation d’être souvent au courant des intentions du
ministère.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) - Je n’ai pas à m’expliquer sur le fait rapporté par des journaux, qui
n’ont aucun caractère officiel. Je me bornerai à dire que le gouvernement
regarde comme un devoir de se tenir en mesure de tirer le meilleur parti
possible de
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, je crois qu’une question préalable doit
être décidée par la chambre, c’est celle de savoir si l’on continuera à faire
voyager
Selon moi, je crois que ce navire est trop grand pour une
petite puissance. Car enfin, messieurs, appartient-il bien à
Je
pense, messieurs, qu’il faut prendre une résolution sur cette grande question ;
il faut décider immédiatement si nous continuerons l’école que nous avons faite
ou si nous vendrons le steamer dont il s’agit. Plus nous tarderons à nous en
débarrasser, moins nous en tirerons parti ; car si mes renseignements sont
exacts, un navire se détériore beaucoup plus en restant inactif qu’en
voyageant.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je ne sais pas, messieurs, pourquoi on va au delà
de la proposition qui nous est soumise. Le gouvernement vous demande 30,000
fr., pourquoi ? Ce n’est pas pour exploiter
Je
prie donc la chambre de se renfermer dans la proposition qui lui est soumise ;
cette année on n’exploitera pas
M.
Meeus. -
Messieurs, j’ai demandé la parole pour faire quelques réflexions au sujet de
Je
pense, messieurs, que le moment n’est pas venu de résoudre cette question.
On
parle de sacrifices ; mais, messieurs, tous les jours le pays fait des
sacrifices dans un intérêt commercial et industriel. Lorsque dernièrement nous
avons discuté la loi sur les sucres, il a été prouvé à l’évidence que l’on
prélève sur le consommateur belge non pas 2 ou 300,000 fr. mais plusieurs
millions. Encore, d’après la loi nouvelle, on prélèvera un million et demi et
cela dans quel but ? mais précisément pour favoriser
le commerce.
Eh
bien, messieurs, si, mieux informé, et l’industrie se développant davantage, on
demandait au gouvernement quelques sacrifices pour permettre à
Eh
bien, messieurs, ce que l’on n’a pas fait, on pourra le faire encore. Pour ma
part, bien que je suis le premier à convenir qu’il aurait mieux valu avoir un
steamer de plus petite dimension, cependant puisque nous avons ce navire
gigantesque, il vaut mieux s’en servir avec prudence que de le vendre et de
devoir en acheter peut-être un autre, d’ici à quelque temps. Voulez-vous
trancher aujourd’hui cette question :
M. Osy, rapporteur. - Je dois, messieurs, dire
ce qui s’est passé dans les sections. Toutes les sections, sans exception, ont
insisté pour que le gouvernement se défasse de
M. de Mérode. - Messieurs, l’honorable M. Meeus vient d’engager le
gouvernement à conserver
On
parle de transporter les produits belges par
Je crois, messieurs, que
Je
ne demande pas que le gouvernement déclare officiellement que
M.
Cogels. -
Messieurs, si une offre était faite pour
Mais
dans l’état actuel des choses, prendre une résolution par laquelle on
déciderait la vente du navire, serait peut-être empêcher la mise à exécution de
cette résolution.
En
effet, l’on conçoit facilement que la vente d’un navire tel que
On
nous a parlé des sacrifices que le pays s’est imposés pour l’exploitation de
D’abord
la perte du Président, dont la
conséquence fut un discrédit jeté sur tous les navires à vapeur, et sur ceux de
grande dimension principalement. Vous avez eu ensuite la crise américaine, et
enfin la grande diminution qui a eu lieu dans les relations de l’Europe avec
les Etats-Unis. En effet, le chiffre des importations faites aux Etats-Unis,
pendant le dernier trimestre de 1842, est inférieur de 100 millions au chiffre
des importations du trimestre correspondant de l’année 1841. Ce sont là toutes
circonstances qu’il était impossible de prévoir. J’oubliais de mentionner le
tarif prohibitif adopté aux Etats-Unis.
Je ne me suis jamais attendu à ce que l’exploitation de
Quant
à l’exploitation ultérieure du bâtiment, vous serez là pour en juger ; le
gouvernement ne pourra pas exploiter, sans nouveaux crédit ; s’il vient vous
demander ces crédits, vous verrez alors si vous devez les accorder, oui ou non,
si vous devez condamner le navire à rester dans le bassin d’Anvers, si vous
devez en autoriser la vente, ou si vous lui permettrez de prendre de nouveau la
mer.
M. Dumortier. - Messieurs, lorsqu’il y a trois ans on a discuté la loi
relative à la navigation transatlantique, je me suis fortement opposé à une
navigation transatlantique à la vapeur, et j’ai fait remarquer alors que cette
navigation n’était pas ce qu’il fallait au pays, mais bien qu’il lui fallait
une navigation à voiles. L’événement a réalisé ce que j’ai eu l’honneur de vous
dire à cette époque. Savez-vous ce que
L’honorable
M. Rogier a fait hier une remarque très significative c’est que beaucoup de
marchandises avaient été chargées à bord de vaisseaux à voiles, tandis que
Si
nous avions adopté ce système, nous aurions économisé, chaque année, 400,000
fr. ; que dis-je ! c’est-à-dire 7 à 800,000 fr.,
c’est-à-dire l’annuité que nous avons à payer pour
L’année
dernière,
Le
système dans lequel on est entré n’est donc pas heureux pour le pays ; ce n’est
pas parce que
Si
l’on tenait absolument à avoir une navigation à vapeur, un antre moyen se
présentait pour réaliser ce désir. Une compagnie anversoise s’offrait pour construire,
en Belgique, des navires à vapeur d’un tonnage beaucoup moindre, des navires
d’une capacité de 1,000 à 1,200 tonneaux. Alors du moins, la dépense primitive
aurait été de moitié moindre, et les frais d’exploitation auraient été
diminuées dans la même proportion ; peut-être même aurait-on réalisé des
bénéfices. Mais comment voulez-vous qu’avec un vaisseau que l’Angleterre, cette
puissance immense, qui a tant de relations commerciales maritimes, a répudié,
parce qu’elle ne pouvait suffire à ses dépenses ; comment voulez-vous, dis-je,
qu’avec un pareil navire, nous, petite Belgique, nous marchions. Nous avons
réalisé, dans cette affaire, la fable de la grenouille qui s’enfle et qui veut
devenir aussi grosse que le bœuf. (On rit.)
3e
crois que nous devons cesser de jouer de pareilles fables. Nous pouvons très
bien nous défaire de
Maintenant,
je ne suis pas de ceux qui pensent qu’il faut démolir
Mais
encore une fois, je ne pense pas que, pour notre compte nous devions continuer
une expérience aussi désastreuse pour le trésor public.
Voyez
comment les choses se passent.
Par
suite de l’impossibilité de créer de nouveaux impôts, par suite du rejet des
centimes additionnels, prononcé à l’unanimité, moins les voix de MM. les
ministres, la chambre s’est trouvée dans le cas de ne pas pouvoir accepter les
propositions de M. le ministre de la guerre, relativement à l’armée. Il y
avait, il est vrai, une autre cause encore qui a dicté la résolution de la
chambre ; je veux parler de la question de prérogative, mais enfin on n’a pu
voter le chiffre demandé pour l’armée ; parce qu’on a entrainé dans une foule
de dépenses ruineuses auxquelles nous sommes obligés de faire face. Le million
de
Je désire donc que l’on vende
Si
la chambre veut l’accorder,
M.
Rogier. - Je
vois qu’on n’insiste pas pour obtenir du gouvernement l’engagement formel de
vendre
Pour
moi, je crois que nous devons faire la navigation comme tous les peuples
maritimes. Nous n’avons pas songé à établir nos chemins de fer et leurs
machines dans la proportion du huitième des chemins de fer et des machines de
France ou du vingtième des chemins de fer et des machines des Etats-Unis.
Du
reste, je ne m’étonne pas des discours des honorables messieurs Osy, Dumortier
et Eloy de Burdinne. Ils déploient une persistance que j’estime dans les hommes
publics. Ils sont conséquents avec eux-mêmes. Ils ont combattu le principe de
navigation transatlantique à vapeur ; ils continuent leur rôle. Ils ont raison.
Mais cela ne prouve pas que l’entreprise en elle-même soit une mauvaise chose.
J’ai démontré hier que si elle n’avait pas réussi c’était par des motifs
indépendants de l’entreprise même ; j’ai démontré qu’on n’y avait pas mis toute
l’économie désirable, qu’on aurait pu faire beaucoup moins de dépenses et
beaucoup plus de recettes, et mes observations sont restées sans réponse.
L’honorable
M. Cogels a dit que les circonstances avaient été très mauvaises pour
La
France, dit-on, n’a pas de navigation à vapeur transatlantique. Mais elle est à
la veille d’en ouvrir une sur une assez grande échelle, elle fait pour cela de
grands sacrifices. Naguère, la nouvelle des désastres de
Je
dis donc que nous ne devons pas préjuger la question. D’ici à un an elle peut
se présenter sous un aspect tout autre, votre situation financière peut
s’améliorer, et commence à reprendre son activité.
De
ce que le pays est petit, il ne s’ensuit pas qu’il doive voir les choses en petit,
et borner son ambition et ses efforts à ne faire que de petites choses. Tel est
mon sentiment. Ce n’est pas à dire que jamais je veuille donner la main à des
dépenses exagérées, je suis très opposé à ce que le pays fasse des entreprises
au-dessus de ses forces. Je suis le premier à blâmer ces entreprises exagérées,
qui nous ont fait tant de mal. Mais ce n’est pas le gouvernement qui en a donné
l’exemple. Je blâme ceux qui ont poussé l’industrie au-delà de ses limites
naturelles.
Pour moi, je ne désespère pas de la navigation
transatlantique à vapeur, par
M. Dumortier. - Je ne veux pas qu’on revienne sur ce qui été décide. Je
suis le premier à accepter les faits consommés. Jamais on ne m’a vu revenir sur
un vote de l’assemblée. Mais, comme l’a dit l’honorable préopinant, je suis
reste conséquent avec moi-même. Je pense qu’on aurait mieux fait de suivre
l’avis que j’avais émis de donner à la navigation à voile la préférence sur la
navigation à vapeur. Si la chambre veut revenir sur ce qu’elle a fait, c’est à
elle à le décider, pour moi, je n’en prends pas l’initiative, mais je pense que
le système de navires de deux mille tonneaux ne peut pas aller avec un pays
comme le nôtre. Si on continue la navigation à vapeur, comme l’ordonne la loi,
que ce soit avec de plus petits navires qui soient en proportion avec nos
besoins, mais non avec des navires comme le Président et
L’honorable M. Rogier a cherché à rendre mon observation
ridicule ; en disant que d’après mon système, il faudrait établir les voitures
publiques en Belgique au huitième de celles de France et au vingtième de celles
des Etats-Unis. Je ne prétends pas qu’on doive réduire dans ces proportions nos
navires et nos voitures car on ne pourrait pas s’y tenir. Mais je prétends que
nous devons proportionner nos dépenses à nos ressources. Eh bien, des
entreprises aussi gigantesques que celle commencée avec
(Moniteur belge n°99 du 9 avril 1843) M. Eloy de
Burdinne. -
Messieurs, je m’abstiendrai de répondre à l’honorable M. Rogier, en ce qui
concerne
M.
Dumortier vient de rendre mieux que je n’aurais pu le faire, les motifs qui me
font croire qu’il est de l’intérêt du pays de se débarrasser de ce steamer,
mais je dois des remerciements à l’honorable M. Meeus, d’avoir bien voulu me
donner une leçon de prononciation de la langue anglaise, j’avoue que j’ai peu
de connaissance et de cette langue et de sa prononciation. Je n’adresserai pas
les mêmes remerciements à l’honorable M. Rogier, pour les ridicules qu’il s’est
efforcé de jeter sur les paroles que je viens de proférer, prétendant que je
voudrais réduire les voitures publiques en proportion de l’étendue de notre
royaume, quand je faisais remarquer que
J’avais
prévu, lors de l’acquisition de
M.
Rogier. - Il
faut aussi des motifs. (Aux voix ! aux
voix !)
(Moniteur belge n°98 du 8 avril 1843) M. le président. - L’art. unique est ainsi conçu :
« Un
crédit de 30,000 fr. est ouvert au département des affaires étrangères
(marine), pour frais d’entretien du navire à vapeur British-Queen, pendant
l’année 1843. »
-
Il est procédé à l’appel nominal sur ce projet.
Il
est adopté à l’unanimité des 69 membres qui ont pris part au vote. En
conséquence il sera transmis au sénat.
Un
membre s’est abstenu, il est invité à énoncer les motifs de son abstention.
M.
Lys. - Je
me suis abstenu parce que je n’avais pas assisté à la discussion, étant occupé
à la section centrale.
Les
membres qui ont pris part au vote sont : MM. Cogels, Coghen, Cools, Coppieters,
de Baillet, de Behr, Dedecker, de Florisone, de Garcia de
M.
Brabant. -
Messieurs, la section centrale, tout en maintenant les vœux et les opinions
qu’elle a manifestés a cru devoir adopter la demande de crédit provisoire
formée par le département de la guerre.
Un
double motif lui a fait adopter la proposition du gouvernement ; le premier
trimestre est déjà expiré, et, en outre, il est douteux que la chambre puisse
s’occuper, même en novembre prochain de l’examen de la dépense qui alors aura
été opérée.
Il
est énonce dans l’exposé des motifs que le crédit a pour objet d’assurer les
divers services de l’armée jusqu’en novembre prochain.
La
section centrale désire que ce crédit puisse suffire, même au-delà de cette
époque, et que l’on entre dans un système d’économie, autant qu’il est
possible, sans nuire aux besoins du service.
En
conséquence, elle vous propose l’adoption du projet
M. le président. - À quel jour la chambre veut-elle fixer la
discussion ?
Plusieurs membres. - Immédiatement.
M. le président. - La discussion est ouverte. Le compose d’un seul
article, ainsi conçu
«
Art. unique. Indépendamment des crédits alloués par
les lois du 30 décembre 1842 et du 14 février 1843, il est ouvert au ministère
de la guerre un crédit provisoire de dix-neuf millions de francs à valoir sur
les dépenses du présent exercice.
« La
présente loi, sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. »
M.
Rogier. -
Messieurs, si je comprends bien le rapport les conclusions de la section
centrale, cette section renoncera aux prétentions qu’elle avait mises en avant
dans la discussion précédente, et qui ont entraîné la chute d’un ministre dont
la perte sera vivement sentie par l’armée. Aujourd’hui, messieurs, nous serions
heureux de voir que la défense que nous avions entreprise de ce ministre,
aurait eu au moins cet effet de garantir l’armée contre un bouleversement
immédiat et de maintenir le statu quo. Je dis que les prétentions sur
lesquelles on insistait avec tant de force alors que l’honorable général de
Liem acceptait cette place, on semble y renoncer.,. (Interruption.)
M. de Garcia. - On ne renonce à rien du tout.
M.
Rogier. - On y
renonce, (non, non) ; on y renonce,
au moins pour cette année, et dès lors que restera-t-il de ces malheureux
débats ? La chute d’un ministre, la retraite d’un ministre, honnête homme et
ferme, voilà le résultat des déplorables débats auxquels nous venons
d’assister.
La
section centrale dans son rapport, préjugeait, décidait de graves questions ;
elle voulait la suppression du camp ; le veut-elle encore ? Le ministre
intérimaire le veut-il, le ministre à venir y consentira-t-il ?
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Non.
M.
Rogier. - Je
suis bien aise que M. le ministre de l’intérieur réponde pour son collègue à
venir ; je félicite ce collègue de se voir déjà lié de cette façon.
La section centrale
résolvait la question des forteresses ; elle retranchait les sommes nécessaires
à leur entretien. A-t-elle renoncé, oui ou non, à cette prétention ? Et ici
j’interpelle directement son honorable rapporteur.
M.
Brabant, rapporteur. - Je déclare que, pour ma part, je ne renonce à rien.
M. de Garcia. - Ni nous non plus.
M.
Rogier. - Le
ministère a-t-il renoncé au système qu’il a défendu avec l’honorable général de
Liem ? et ici j’interpelle directement M. le ministre
de l’intérieur.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Nous examinerons la question.
M.
Rogier. - Vous
examinerez ; mais vous deviez l’avoir examinée, lorsqu’il y a deux jours, vous
la défendiez avec le générai de Liem.
Prenez
garde, messieurs, à ce que vous faites. Après avoir renversé légèrement un
ministre, n’allez pas jeter la perturbation dans tous les rangs de l’armée.
M. de Garcia. - Ce n’est le but de personne.
M.
Rogier. -
Voter un crédit provisoire sous l’influence des idées de la section centrale,
ce serait laisser l’armée sous la menace d’une désorganisation.
M. de Garcia. - Il n’y a pas de menace de désorganisation
M.
Rogier. -
Permettez-moi donc de parler. Je dis que l’armée est sous la menace d’une
désorganisation jusqu’au mois de novembre prochain, si l’on cède à l’opinion de
l’honorable M. Brabant qui déclare que la section centrale ne renonce à rien.
M.
Brabant, rapporteur. - J’ai dit que je ne renonçais pas à mes prétentions. Si vous aviez
écouté la lecture du rapport, vous auriez vu qu’en accordant le crédit
provisoire, la section centrale fait toutes ses réserves.
M.
Rogier. - Je
demande alors si le ministère se considère comme lié par les prétentions de la
section centrale.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Non.
Un membre. - Ce n’est pas la question.
M.
Rogier. - Je
ne sais pas pourquoi on m’interrompt toujours, je suis parfaitement dans la
question.
Il
s’agit d’accorder un crédit de 19 millions ; pourquoi ? Si on les demandait
pour donner satisfaction à la section centrale, je les combattrais et resterait
fidèle à mon système primitif ; si au contraire M. le ministre ne fait que
continuer le système qu’il a défendu avec le général de Liem, alors je les
voterai de grand cœur ; mais j’ai besoin d’explications catégoriques ; M. le
ministre des affaires étrangères me dit que c’est une trêve. Mais en proposant
le crédit provisoire de 19 millions, vous ne pouvez que persister dans les
principes que vous avez soutenus ; vous ne pouvez pas venir dire aujourd’hui
qu’un de nos collègues n’avait avec vous qu’une solidarité fictive ; vous ne
pouvez pas nous dire cela.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je demande la parole.
M.
Rogier. - Le
ministère ne peut que continuer le système qu’il défendait encore, il y a 48
heures, et le nouveau collègue qu’il s’adjoindra ne pourra que suivre la même
ligne ; sans cela, nous aurions peine à nous expliquer la conduite du cabinet ;
et nous ne pouvons, quant à nous, voter le chiffre qu’avec la réserve qu’il
sera appliqué suivant le système qui a été défendu par le ministère et par
nous.
Il
y a une question très importante, qu’il n’a pas été donné au général de Liem de
résoudre entièrement, mais dont il était occupé à préparer la solution. Je veux
parler du remplacement militaire. Je désire savoir si le ministère actuel, tel
qu’il est constitué en ce moment, tel qu’il sera dans huit jours, dans quinze
jours, dans un mois, par l’adjonction d’un ministre de la guerre, je désire
savoir, dis-je, si le système mis en avant par l’honorable général de Liem sera
maintenu. J’y attache une grande importance pour l’armée ; je crois qu’il y a
beaucoup de choses à dire en faveur du système de remplacement par l’Etat.
C’est un point qu’il ne nous a pas été donné de débattre, puisqu’on n’a pas
discuté les articles du budget de la guerre ; mais j’espère que, quel que soit
le continuateur du ministre de la guerre, ce système ne sera pas abandonné.
J’ignore, messieurs, si le gouvernement entend clore la session
d’ici à peu de jours, mais, pour ma part, je crois qu’il est très regrettable
pour toutes les opinions, d’avoir à voter un budget aussi considérable de 19
millions, sans savoir quel sera le ministre qui les dépensera. Si l’on eût été
à même de remplacer l’honorable général de Liem d’ici à peu de temps, il eût
été plus parlementaire que le nouveau ministre vînt se présenter à la chambre,
pour obtenir d’elle le crédit que nous allons accorder, nous ne savons à qui.
Cette
marche est très regrettable, messieurs ; mais nous gardons au moins cette
assurance que le crédit ne sera dépensé que dans les limites que nous avons
défendues avec l’honorable général démissionnaire.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, je dois supposer que l’honorable
préopinant ne s’est pas bien rendu compte du caractère de toute demande de
crédit provisoire. Tout crédit provisoire, dans une situation comme celle où
nous nous trouvons, laisse nécessairement intactes toutes les questions. Il ne
peut en être autrement.
Nous
demandons 19 millions en sus des 7 millions qui ont déjà été alloués par deux
lois. Il y aura donc au total des crédits provisoires pour 26 millions, il y a
une différence d’un million avec le chiffre que j’appellerai minimum proposé
par la section centrale qui a demandé qu’il ne fût alloué que 27 millions, il y
a une différence de 3 millions et demi avec ce que j’appellerai le chiffre
maximum, le chiffre proposé par le gouvernement. C’est au ministre définitif à
rechercher quelle est la somme complémentaire qu’il devra demander au mois de
novembre prochain. Il demandera un chiffre plus ou moins fort, suivant qu’il se
rapprochera ou s’éloignera du chiffre maximum que j’ai indiqué tout à l’heure.
Je
dis que les ministres qu’on veut bien appeler les ministres restants,
remplissent ici un devoir envers leur collègue encore inconnu, et c’était à eux
à remplir ce devoir pour ne pas le mettre dans la plus fausse position. Et, en
effet, quelle eût été la position du ministre définitif qui aurait été nommé du
jour au lendemain ? Quel est le chiffre qu’il eût demandé ? Il vous aurait
demandé des crédits provisoires, mais on aurait cherché dans cette demande un
préjugé en faveur de l’une ou de l’autre opinion. Il faut, au contraire, qu’il
ait la plus grande liberté d’action, et nous la lui procurons en nous chargeant
de demander les crédits provisoires nécessaires.
Nous
demandons ces crédits jusqu’au mois de novembre prochain, parce que nous avons
d’abord à faire respecter la prérogative royale et parce que, en second lieu,
nous voulons que le ministre définitif ait le temps nécessaire devant lui.
Quelle
est la somme complémentaire qu’il demandera au mois de novembre ? Nous
l’ignorons. C’est lui qui, sous sa responsabilité, recherchera le chiffre qu’il
doit vous demander. Se rapprochera-t-il du chiffre maximum ou du chiffre
minimum ? Nous ne le savons pas.
Ce
qui résulte, messieurs, pour moi des débats qui ont eu lieu récemment, et qui
se sont clos d’une manière si regrettable, c’est qu’il faut une loi pour
organiser certaines parties de l’armée. C’est là tout ce qui résulte pour moi
des débats. Et la chose n’est pas nouvelle, puisque dès le premier jour le
ministère avait déclaré qu’il rechercherait s’il faut encore une loi organique
pour certaines parties, et que cette loi serait présentée. Il a déclare qu’il
n’y avait rien de préjugé sur ce point ; et, je dois le dire, il y a eu
unanimité à peu près à cet égard. Ceux qui ont même soutenu avec le gouvernement
qu’il fallait le chiffre de 29 millions et demi, ont déclaré néanmoins qu’il
fallait une loi organique nouvelle de l’armée. M. le ministre de la guerre l’a
déclaré lui-même. (Non ! non !) M. le
ministre de la guerre, d’après les paroles que j’ai citées, il y a trois jours,
l’avait déclaré.
Ainsi
le ministre nouveau aura non seulement à présenter le chiffre complémentaire
nécessaire au mois de novembre prochain, mais il aura aussi à étudier dans les
limites convenables cette loi d’organisation devenue nécessaire. Une autre
question avait été soulevée, celle des forteresses.
La
section centrale a proposé le retranchement d’une somme de 105,000 fr. Elle
supposait que cette somme tout entière était nécessaire pour des constructions
nouvelles, dans les cinq forteresses destinées à être démolies. Il y avait de
sa part une erreur de fait. Sur cette somme de 105,000 fr., il n’y a que 45,000
fr. pour constructions nouvelles ; les 90,000 fr. restants sont nécessaires
pour l’entretien des pavés, des poternes et autres ouvrages dans ces cinq
forteresses. (Interruption.) Du moins
ce sont les explications qui m’ont été données. De sorte, que dans ce chiffre
de 150,000 fr. il n’y avait que la somme de 15,000 fr. qui préjugeait le
maintien de ces cinq forteresses.
Le gouvernement
examinera cette question. Le traité, selon lui, existe, et il verra quelles
sont les mesures à prendre à cet égard ; mais il reconnaît l’existence du
traité ; il n’hésite point à le déclarer. Si la discussion spéciale avait
continué, nous aurions défendu l’existence du camp ; nous n’hésitons pas à dire
que le camp sera maintenu.
En
un mot, ce sont des crédits provisoires qui vous sont demandés ; le statu quo
sera, autant que possible, maintenu dans toutes ses parties. On doit, sous ce
rapport, s’en rapporter au gouvernement et toutes les questions d’organisation
définitive sont renvoyées à la session prochaine.
Quant aux remplacements militaires, je ne suis pas à même de
me prononcer, bien que j’aie la milice dans mes attributions. Je n’ai pas été
consulté jusqu’à présent sur le système nouveau, à savoir s’il y a lieu de
faire les remplacements par le gouvernement. Je n’ai pas d’opinion ni pour ni
contre ce système. Tout ce que je puis promettre à l’honorable préopinant,
c’est que ce système sera examiné par moi et le sera très impartialement, sans
aucun parti pris de ma part. Je souhaite que le gouvernement puisse se charger
d’une tâche de ce genre sans compromettre sa responsabilité ; ce sera un
service de plus qu’il rendra au pays.
Je
crois, messieurs, ne pas devoir suivre l’honorable membre dans les conjectures
qu’il forme sur l’époque de la clôture de la session. C’est là une question qui
rentre dans la prérogative royale, et il ne nous appartient pas de faire la
moindre déclaration sur ce point.
M. Verhaegen. - J’aurai, messieurs, peu de choses à ajouter à ce qu’a dit
l’honorable M. Rogier. Je partage à tous égards l’opinion qu’il a émise.
La
position du ministère est embarrassante, j’en conviens.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Pas le moins du monde.
M. Verhaegen. - Certes la position du ministère est embarrassante, mais
cet embarras est le résultat de sa conduite. M. Nothomb doit se rappeler que
lorsqu’il a pris la défense de l’honorable général de Liem, il a dit que son
collègue n’avait pas voulu s’adresser au rapporteur de la section centrale,
mais à cette section tout entière ; qu’il en était de même du ministère,
puisqu’il ne pouvait pas être question d’un membre du cabinet pris isolément,
mais du cabinet tout entier.
Messieurs,
j’avais cru, et même j’avais pris acte de certaines paroles dans une séance
précédente, que la position du général de Liem, était essentiellement liée à
celle de tous ses collègues ; me serais-je donc trompé, aurais-je mal entendu ?
ou bien le courage et la fermeté du général de Liem
feraient-ils défaut chez les autres membres du cabinet ?
Pour
dissiper tout doute, il suffirait de recourir au Moniteur, on y trouverait les paroles très explicites de M. le
ministre de l’intérieur, et on y verrait qu’il considérait bien la position de
l’honorable M. de Liem comme intimement liée à la sienne.
Nous
ne pouvons pas forcer, dans le siècle où nous vivons, des ministres à se
retirer alors qu’ils se cramponnent à leurs portefeuilles, mais aussi nous ne
pouvons pas éviter qu’ils ne se compromettent aux yeux du pays. Je n’en dirai
pas davantage sur ce point.
Le
ministère, disloqué, vient soutenir aujourd’hui, s’il faut l’en croire, ce que
soutenait, hier, l’honorable général de Liem. On a même dit que le général de
Liem voulait, lui aussi, une loi d’organisation.
M.
Lys. -
C’est une erreur.
M. Verhaegen. - Vous dites que cela n’est pas, vous, messieurs de la
section centrale, mais vous êtes en opposition avec M. le ministre de
l’intérieur. Suivant lui, le général de Liem, de même que ses collègues qui
restent encore sur le banc ministériel, voulait une loi d’organisation. Quelle
différence y avait-il donc entre l’opinion du général de Liem et la vôtre ?
Pourquoi donc le général de Liem n’est-il plus ici ?
Un membre. - Parce qu’il est parti. (On rit.)
M. Verhaegen. - Messieurs, il n’y a rien de risible dans mes paroles. Si
le général de Liem n’y est plus, pourquoi donc ses collègues y sont-ils encore
?
Le
général de Liem, d’après moi, n’est plus ici, parce qu’on a voulu le sacrifier.
J’avais, à cet égard, fait connaître, d’avance, ma manière de voir, mes
prévisions sont écrites dans le Moniteur,
et ce que j’ai dit alors se réalise aujourd’hui.
Maintenant
on vient proposer un crédit provisoire, et de combien ? Ceci est curieux, de 19
millions. On a déjà eu jusqu’à présent 7 millions ; 19 millions ajoutés à 7
millions font 26 millions. Et on doit aller avec ces 26 millions jusqu’au 1er
novembre. Ainsi 26 millions pour 10 mois.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Et demi.
M. Verhaegen. - Je sens que cela est embarrassant. On va encore trouver
un biais ; mais les chiffres ne trompent pas, et le rapport est là.
Faisons-donc une petite règle de trois : Si dix mois donnent 26 millions, combien
donneront 12 mois ? Ils donneront 31,200,000 fr.
Ainsi
voilà la section centrale qui vient proposer à la chambre, un crédit calculé
pour l’année entière sur 31,200,000 fr. ; après avoir
renvoyé le général de Liem, qui ne demandait que vingt-neuf millions et demi.
Une voix. - Vous êtes dans l’erreur.
M. Verhaegen. - Non, je ne suis pas dans l’erreur, car, d’après le
nouveau rapport de la section centrale qu’on vient de nous lire, il n’y a que
quelques minutes, et sur lequel nous sommes obligés d’improviser nos
observations, les crédits provisoires sont demandés jusqu’au 1er novembre. (Interruption.) On dit maintenant que
c’est jusqu’au 15 novembre ; eh bien, soit, raisonnons dans cette hypothèse :
toujours est-il, que dans le même rapport l’honorable M. Brabant nous a dit
qu’il n’oserait pas donner l’assurance que même pendant le mois de novembre on
pourrait s’occuper du budget définitif, et cependant quel est le système
présenté par M. le ministre de l’intérieur ? « Nous ne décidons aucune
question, dit-il ; toutes les questions restent intactes, c’est tout simplement
un crédit provisoire que nous demandons ; nous n’avons pas voulu mettre dans
l’embarras le successeur futur du général de Liem ; nous avons cherché à lui préparer
les voies, et quand il prendra possession de son portefeuille, il verra ce
qu’il aura à demander à la chambre pour le restant de l’année. » M. le ministre de l’intérieur y a-t-il bien
réfléchi ? Quoi, jusqu’au 15 novembre le ministre futur, avec les crédits
provisoires, maintiendra le statu quo pour l’armée, et arrivé à la fin de
novembre, peut-être même au commencement de décembre, d’après les prévisions de
l’honorable M. Brabant, la législature décidera alors s’il faut donner la
préférence au système du gouvernement ou à celui de la section centrale,
c’est-à-dire, s’il faut allouer pour toute l’année vingt-neuf millions et demi,
ou bien seulement vingt-sept millions. Il faudrait donc, si le système de la
section centrale, venait en définitive à être admis, que sur le dernier mois de
l’exercice, le futur ministre de la guerre pût faire une économie de deux
millions et demi ; en d’autres termes que, pour un mois il renvoyât l’armée
toute entière, officiers et soldats.
Convenons-en franchement, en accordant le crédit provisoire
qu’on nous demande aujourd’hui, nous condamnerons le premier système de la
section centrale. Le gouvernement obtiendra gain de cause et nous aussi membres
de la minorité qui l’avons soutenu. Sous ce point de vue je voterai le crédit ;
avec ce crédit le statu quo sera maintenu jusqu’à la fin de l’année. Rien ne
sera changé ; les cadres resteront tels qu’ils sont, le camp sera conservé ; en
un mot l’on conservera intact le système de l’honorable général de Liem, que
l’on a sacrifié.
Maintenant,
messieurs, je vous le demande qu’avons-nous donc fait pendant un si grand
nombre de séances ? Nous avons perdu notre temps, nous avons jeté l’inquiétude
dans l’armée, qui aura encore une année à attendre pour connaître son sort et
nous avons forcé à la retraite un homme honorable qui a eu le courage de
soutenir jusqu’au bout une opinion consciencieuse.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il me paraît, messieurs, que l’honorable préopinant
veut faire une question de cabinet posthume. (On rit.) La tentative est un peu tardive, d’autant plus qu’au début
de la discussion, il a eu soin, lui-même, de déclarer que ce n’était pas une
question de ministère, qu’il a mis en quelque sorte cette réserve à l’appui
qu’il venait généreusement nous prêter. Puisque l’honorable préopinant a de la
mémoire et qu’il prend acte des déclarations, j’ai aussi pris acte de la
sienne, et j’ai très bien compris la réserve qu’il faisait.
M. Verhaegen. - Je le veux bien.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Nous n’avons pas ici à examiner la conduite du
général de Liem ; le général de Liem emporte nos regrets ; il était juge de sa
conduite comme les ministres restants sont juges de la leur. Nous demandons des
crédits provisoires sans rien préjuger sur les questions d’organisation ; nous
avons d’abord une situation ; c’est un fait ; nous avons de plus deux
organisations, l’une qui a été proposée, ou indiquée, si l’on veut, par la
section centrale, celle-là on ne l’impose pas au gouvernement ; l’autre a été
projetée par le général de Liem, celle-là n’est pas non plus imposée au
successeur de ce général. Le successeur du général de Liem prend les choses
dans le statu quo, c’est à lui de rechercher quelle est l’organisation
définitive qu’il proposera ; il n’est lié ni par l’organisation de la section
centrale, ni par l’organisation projetée par l’ancien ministre de la guerre. Il
faut que la position du ministre de la guerre futur soit bien connue, et je
tiens à la faire connaître ici ; je veux qu’elle soit aussi bonne que possible.
Nous lui livrons donc la situation ; le statu quo, sans rien préjuger sur
l’organisation définitive ; nous ne lui imposons ni l’organisation de la section
centrale, ni celle qui était projetée par l’ancien ministre de la guerre.
Maintenant
y aura-t-il possibilité, en conservant le statu quo, de faire d’ici au mois de
novembre quelques réductions, sans amener de perturbation ? Je le désire, et je
pense que l’honorable M. Verhaegen le désire avec moi, car ici encore j’ai pris
acte de certaines expressions qui se trouvent dans son premier discours ; il
n’a pas dit d’une manière absolue : « Je veux 29 millions et 1/2 quand
même !» Il s’est réservé d’examiner certains détails, et il a admis la
possibilité de quelques réductions, du moment que ces réductions ne devaient
pas jeter la perturbation dans l’armée. L’honorable M. Verhaegen n’exige donc
pas d’une manière absolue que le futur ministre de la guerre vienne demander au
mois de novembre prochain 3 millions et 1/2. Au contraire, si ce ministre
demande une somme moindre, l’honorable M. Verhaegen sera très satisfait.
Nous
admettons donc, même avec le statu quo, la possibilité de certaines réductions
; mais je me hâte de le déclarer, nous n’en admettons que la possibilité, nous
n’en admettons pas la nécessité ; si le ministre futur trouvait qu’il est de
toute impossibilité de faire la moindre réduction sur la somme de 29 millions
et demi, il viendrait demander ce qu’il faut pour atteindre, c’est-à-dire 3
millions et demi. Voilà ce que nous devons à la bonne foi de déclarer, mais
nous espérons, avec l’honorable M. Verhaegen, que certaines réductions seront
possibles, et nous en réitérons le vœu au ministre définitif. Je pense,
messieurs, que moyennant ces explications nous serons tous d’accord.
Je me félicite, pour ma part, de cette discussion. Il faut,
messieurs, que le ministre définitif sache bien ce que l’on se borne à espérer
de lui. On exige de lui une loi organique de l’armée dans certaines parties, et
j’ai soin d’ajouter : dans certaines parties, parce que nous n’admettons pas
une loi qui organise l’armée dans les moindres détails ; nous admettons une loi
organique qui se rapproche plus ou moins de la loi française. Voilà, messieurs,
ce que nous exigeons du futur ministre de la guerre ; nous espérons de lui, et
nous espérons seulement que tout en maintenant le statu quo, il parvienne à
opérer quelques réductions, même cette année.
M. Dumortier. - Je regrette vivement, messieurs, que l’on cherche de
nouveau à venir jeter de l’irritation sur des débats qui ont déjà été bien
pénibles. Je ne pense pas, quoi qu’en ait dit un préopinant, que personne ici
ait voulu sacrifier l’honorable général de Liem. Je ne suis point ici le
mandataire de chacun de mes collègues, mais je crois pouvoir protester contre
cette assertion de l’honorable député de Bruxelles, que l’on aurait voulu
sacrifier l’ancien ministre de la guerre. Je regrette plus que personne la
retraite de l’honorable général de Liem que j’affectionne particulièrement ;
mais à quoi, messieurs, faut-il attribuer cette retraite ? Il faut l’attribuer
principalement à deux causes : l’honorable général de Liem n’a point voulu
donner une assurance positive, claire, précise, sur la possibilité d’une loi
organique de l’armée ; en second lieu, il n’a point voulu se rallier à la
proposition que j’avais eu l’honneur de faire et qui était absolument la même
chose que ce que le gouvernement vient proposer aujourd’hui. (Interruption au banc des ministres.) Je
surs charmé d’avoir l’occasion de revenir sur ma proposition parce qu’elle n’a
pas été rendue par la presse d’une manière exacte, et que l’on veut ici induire
le pays en erreur sur la portée de cette proposition. Voici, messieurs, comment
elle était conçue ; elle a été imprimée parmi les pièces de la chambre et elle
se trouve insérée au Moniteur :
« Je
propose que l’on vote à titre de crédit provisoire (c’est bien clair, je pense)
une somme de 28 millions, en attendant qu’à la reprise de ses travaux, la
chambre vote la loi organique de l’armée. »
Vous
le voyez, tonte la différence qu’il y avait entre cette proposition et celle du
gouvernement, c’est que j’accordais 28 millions, tandis que le gouvernement
n’en demande que 26, et en second lieu que je demandais le vote de la loi
organique de l’armée ; or sur ce second point nous sommes tous d’accord, ainsi
que M. le ministre de l'intérieur vient de le déclarer.
Voilà,
messieurs, la cause de la retraite de l’honorable général de Liem ; c’est qu’il
n’a point voulu accepter le crédit provisoire que je proposais de lui accorder.
Quant j’ai déposé cette proposition sur le bureau, je l’ai supplié d’y adhérer
; il ne l’a point voulu faire ; est-ce notre faute ? Pouvions-nous le forcer,
malgré lui, à rester ? Nous voulions lui faire la position la plus belle que
jamais parlement ait faite à un ministre ; il demandait un budget total de 29 millions
et demi ; nous voulions lui donner un crédit provisoire de 28 millions, qui
laissait tout en suspens, qui laissait toutes les questions entières ; il
n’en a point voulu ; il a dit : Je veux tout ou rien, et je ne donne point de
garanties sur la question de l’organisation de l’armée.
Dans
un pareil état de chose, ce vote était donc impérieusement commandé ; le pays
ne doit pas être trompé sur la position de l’assemblée ; il n’y a eu, dans sa
décision, rien d’hostile à l’armée. La chambre a voulu une loi d’organisation,
et cette loi est aussi importante, plus importante même dans l’intérêt de
l’armée que dans l’intérêt du pays. Dans tous les pays du monde, l’armée
regarde la loi d’organisation comme un palladium : c’est une véritable garantie
pour elle ; et lorsque nous réclamions une semblable loi pouvions-nous nous
attendre à voir une demande si favorable à l’armée transformée en un acte
d’hostilité contre l’armée ?
M.
le ministre de la guerre ne s’est donc retiré pour autre chose ? sinon pour n’avoir pas voulu ce qu’on propose aujourd’hui,
pour avoir refusé un crédit provisoire, supérieur de 2 millions à celui qu’on
pétitionne en ce moment, crédit provisoire au moyen duquel il aurait eu toute
une année pour préparer le projet de loi d’organisation.
D’ailleurs,
il n’y a eu aucun esprit de parti dans cette question. Parmi les membres de la
section centrale, je vois plusieurs amis politiques de M. Verhaegen, qui, eux
aussi, ont soutenu le système de la majorité, majorité telle qu’il ne s’est
trouvé que de 16 membres favorables aux propositions du gouvernement, et de ces
16 membres, il faut encore retrancher les voix de trois ministres qui ont
prononcé dans leur propre cause. Il y a donc la quelque chose qui a rallié
toutes les opinions, pour repousser le système de M. le ministre de la guerre ;
et ce quelque chose, quel est-il ? C’est une question de prérogative. La
chambre a voulu que la constitution ne fût pas un vain mot, elle a voulu qu’on
lui présentât une loi organique de l’armée. Je n’examinerai pas ici les limites
dans lesquelles cette loi organique doit être renfermée, mais, quoi qu’on dise,
M. le ministre de la guerre a prétendu qu’une loi organique n’était pas
nécessaire ; il se mettait par là en opposition formelle avec une disposition
bien précise de la constitution, et la chambre ne pouvait pas consentir à
sanctionner une inconstitutionnalité.
Ou
est venu demandé à cette chambre si elle renonçait à ses prétentions. Je n’ai
pas à répondre, au nom de la chambre, à cette interpellation ; je laisserai aux
membres de la section centrale le soin de se défendre eux-mêmes ; et déjà j’ai
vu l’honorable M. Fleussu manifester clairement qu’il était tout à fait d’une
opinion opposée à ce qu’on voulait lui faire dire. Mais à propos de
renonciation à des prétentions, il y a une question à laquelle je désirerais
que les honorables membres qui ont interpellé la majorité, répondissent à leur
tour : sont-ils dans l’intention de renoncer désormais à voter contre les
centimes additionnels ? Ils ont voté avec nous contre les centimes additionnels
; du jour où ils ont refusé les centimes additionnels, ils ont voté contre les
crédits demandés pour l’armée ; dès ce moment ils ont mis la chambre dans
l’impérieuse nécessité d’équilibrer nos recettes avec nos dépenses. S’ils
voulaient maintenir dans le budget de l’armée les chiffres qui y étaient
proposés, ils devaient voter les 10 centimes additionnels que le gouvernement
avait demandés. Mais ils ne veulent pas augmenter les impôts ; et, chose
étrange, ils demandent le maintien des grandes dépenses ; ils expriment le
regret qu’on n’exploite plus
Mais,
messieurs, ne vous y trompez pas, c’est une question électorale, on veut faire
du tapage dans l’intérêt des élections : voilà toute l’affaire. On s’est opposé
aux centimes additionnels, parce que ce n’était pas favorable aux électeurs ;
aujourd’hui, l’on ne veut pas de la décision de la majorité, parce que, dit-on,
ce n’est pas favorable à l’armée. L’année dernière, on avait besoin du fantôme
de la dîme ; maintenant on a besoin du fantôme de la désorganisation de
l’armée. (C’est cela !)
Messieurs
; nous voulons une loi organique de l’armée, nous voulons la création d’un
système ; lorsque cette loi se présentera dans cette enceinte, n’en doutez pas,
l’armée trouvera ici de sincères défenseurs. A-t-elle manqué de défenseurs à
l’époque où l’on a présenté un projet de loi qui mettait les officiers dans la
position la plus précaire, je veux parler du projet de loi sur la perte du
grade, loi que je qualifie et que j’ai toujours qualifiée d’inique. Et
plusieurs de ceux qui se montrent aujourd’hui si chauds défenseurs de l’armée,
ont donné leur assentiment à cette loi. L’armée ne manquera pas de défenseurs,
comme elle n’en a pas manqué, alors qu’il s’agissait de faire un appel à son
courage pour la défense du territoire, et ceux qui aujourd’hui se posent les
champions exclusifs de l’armée ont douté de son courage, lorsqu’ils ont
consenti au morcellement du territoire. Pour nous qui n’avons pas hésité à nous
confier à l’armée, lors du traité funeste, nous ne l’abandonnerons pas
lorsqu’elle réclamera notre loyal concours.
Messieurs, une nécessité impérieuse, devant laquelle
la chambre ne peut pas reculer, lui commande d’établir l’équilibre entre les
recettes et les dépenses de l’Etat ; si cette nécessité nous forçait de réduire
quelque peu le cadre de nos officiers, nous prendrons à tâche de ne froisser
aucune existence ; nous rendrions la disponibilité facultative, en assurant à
ceux des officiers qui désireraient leur retraite, les deux tiers de leurs
appointements. Je pense que, grâce à ce système, dont certes nombre d’officiers
profiteront, et qui n’a peut-être pas son analogue dans aucun autre pays, nous
pouvons satisfaire à la fois aux besoins du trésor et à ceux de l’armée qui ne
cessera d’avoir toute notre sollicitude. (Très
bien ! très bien !)
M. le ministre des travaux publics, chargé par interim du département de la guerre (M. Desmaisières) - Messieurs, c’est par
dévouement aux lois et au pays que j’ai cru devoir accepter la charge du
portefeuille du département de la guerre, mais ce n’est que provisoirement que
j’ai accepté cette charge. Ministre provisoire, je ne pouvais venir vous
proposer aussi que des mesures provisoires, et qui laissassent intactes les
opinions émises de part et d’autre, ainsi que les propositions qui ont été
soumises à la chambre dans la discussion du budget de la guerre.
L’honorable
M. Dumortier vous a dit que, lors de cette discussion, il avait fait une
proposition de tout point semblable à celle que le gouvernement fait maintenant
; mais il a été obligé de faire remarquer lui-même ensuite qu’il y avait une
différence très notable entre sa proposition et celle que nous discutons en ce
moment.
Le
gouvernement n’attachait à sa proposition aucune condition, tandis que
l’honorable M. Dumortier y attachait une condition très importante :
l’engagement de la part du gouvernement de présenter une loi générale
d’organisation de l’armée.
L’honorable
général de Liem, dont personne plus que moi ne regrette l’absence, le général
de Liem lui-même, quoi qu’on en dise, était, en ce qui concerne l’organisation
de l’armée, d’accord avec la chambre sur le principe ; il vous l’a dit
plusieurs fois.
Messieurs,
on parle toujours de loi générale ; mais la constitution ne dit pas qu’il doive
y avoir une loi générale sur l’organisation de l’armée.
La
constitution porte « Art. 139. Le congrès national déclare qu’il est nécessaire
de pourvoir par des lois séparées, et dans le plus bref délai, aux objets
suivants :
«
(…) 10° L’organisation de l’armée, le droit d’avancement et de retraite, et le
code pénal militaire. »
Or,
déjà il a été voté plusieurs lois qui ont évidemment trait à l’organisation de
l’armée.
Maintenant
j’ai dit, avec mes collègues de l’intérieur et de la guerre, lors de la
discussion du budget, que nous reconnaissions que les dispositions relatives à
l’organisation de l’armée n’étaient pas complètes, qu’il y avait encore quelque
chose à faire, législativement, au sujet de l’organisation de l’armée, mais que
la difficulté consistait à s’entendre sur l’étendue des dispositions à insérer
dans la loi ou les lois qui restaient à présenter ; que là était la question, et que, de plus, il a fallu que la législature elle-même,
toutes les chambres et tous les cabinets qui se sont succédé depuis 1831 aient
éprouvé de grandes difficultés pour préparer ou discuter cette loi ou ces lois
encore à faire, puisque, pendant dix années d’état de guerre, alors qu’il était
bien plus nécessaire qu’aujourd’hui de satisfaire aux obligations de l’art. 139
de la constitution, cette loi, ou ces lois, n’ont été ni discutées, ni même
présentées. J’ai beaucoup appuyé sur ce point, pour faire voir de quelles
difficultés était entourée cette question de loi d’organisation de l’armée ;
mais nous avons toujours été tous d’accord en principe sur la nécessité de
remplir cette lacune de la législation. L’honorable général de Liem, je le
répète, l’a déclaré à plusieurs reprises dans la discussion.
Il
n’y a donc, par le vote des crédits provisoires, rien de préjugé. Les opinions
restent entières et les questions intactes.
M.
Brabant, rapporteur. - Je ne prends la parole que pour justifier la section centrale des
reproches qui lui ont été adressés, particulièrement par l’honorable M. Rogier.
On l’a accusée de revenir sur ses premières résolutions. Le rapport dit le
contraire. Elle persiste en ce sens qu’elle a eu gain de cause pour toutes ses
propositions au chapitre 1er. Le général de Liem ne s’est retiré qu’en présence
d’une décision de la chambre qui, si elle ne donnait pas gain de cause à la
section centrale, le condamnait lui.
On
nous dit : vous venez proposer d’accorder autant que demandait l’honorable
général de Liem. Si le crédit provisoire demandé par le gouvernement et accordé
par la section centrale emportait 29 millions et demi, ou l’accuserait
justement de revenir sur ses précédents. Il n’en est rien. Nous laissons ce
qui, à peu près dans les mêmes circonstances, a été fait en 1840. La position
était alors à peu près la même que pour le budget que nous discutons. Le budget
du général Willmar était de 32,790,000 tr. La section
centrale proposait au-delà de 4 millions de réduction, le renvoi de 725
officiers et la suppression du camp. Je me borne à citer ces deux propositions,
parce que ce sont des propositions analogues à celles relevées par l’honorable
membre. La discussion de ces propositions n’a pas été entamée. Le ministère
s’est retiré vis-à-vis d’une proposition faite d’autre part. Ainsi il n’y a pas
eu de discussion, mais la section centrale avait proposé de fortes réductions,
quand l’honorable M. Rogier est entré aux affaires en 1840, avec l’honorable
général Buzen ; le général Buzen et ses collègues sont venus demander des
crédits provisoires parce qu’ils étaient dans l’impossibilité de discuter un
budget à la préparation duquel ils n’avaient pris aucune part. La chambre les a
alloués par trois lois successives.
Le
même rapporteur, qui avait proposé de réduire le budget de M. Willmar à un peu
moins de 29 millions, est venu proposer successivement 31 millions, car les
crédits accordés en 1840 se sont élevés à 31 millions ; et nous n’avons pas
provoqué d’explications sur la question de savoir si on renverrait du service
725 officiers et si on supprimerait le camp. Nous avons tenu compte de la
position. Ce que nous avons fait pour un ministère dont nous ne partagions pas
l’opinion politique, nous pouvions le faire aujourd’hui ; et il n’y a pas là de
palinodie de la part de section centrale non plus que de ma part.
Je
proteste contre toute intention qu’on voudrait m’attribuer d’avoir voulu
sacrifier l’honorable général de Liem. Moi aussi je l’estime, mais je crois
qu’il était dans l’erreur.
Ce n’étaient pas seulement les cadres qui étaient atteints
par les propositions de la section centrale en 1840, mais l’effectif même de
l’armée qui était considérablement atteint. Cependant en 1841, quand
l’honorable M. Rogier faisait partie du ministère, il a consenti à ce que son
collègue de la guerre présentât un budget où l’effectif de l’infanterie se
trouvait réduit de 4 mille hommes sur la proposition de M. le général Willmar.
L’effectif, qui avait été pris pour base des calculs était 24,293 hommes
d’infanterie, plus 13 mille hommes à réunir pendant 10 jours. Le budget
présenté en 1831 était calculé sur 19,316 hommes d’infanterie et neuf mille
hommes à réunir pendant dix jours. Vous voyez qu’on avait adopté les
propositions de la section centrale, et que sur certains points on était allé
au delà.
Ce
que nous avons fait, je le répète, pour un ministère dont nous ne partagions pas
les opinions politiques, nous pouvons le faire aujourd’hui.
M.
Cogels. - Je
n’ai pas pris la parole dans la discussion du budget de la guerre parce que je
n’aime pas de prendre part à des débats où, loin de pouvoir jeter quelque
lumière, je sens plutôt le besoin de m’éclairer. Mais au début de cette
discussion un honorable député d’Anvers a fait à la section centrale un
reproche qui retombe en même temps sur la majorité qui lui a prêté son appui.
C’est sur ce reproche que je crois devoir m’expliquer. Non, messieurs, je n’ai
pas voulu jeter la perturbation dans l’armée ; je n’ai pas voulu la
désorganiser ; je n’ai pas voulu renverser violemment un ministre. Je crois
qu’aucun des membres qui ont voté comme moi n’a voulu désorganiser l’armée, ni
renverser violemment un ministre. Il suffit de parcourir la liste des membres
de la majorité pour s’en convaincre.
On
a loué beaucoup la fermeté du ministre de la guerre, qui est regretté par la
plupart des membres de cette chambre, je n’en doute aucunement, car il n’a
jamais rencontré d’hostilité dans cette enceinte ; jamais il n’a eu à se
plaindre de ce qu’on ait voulu l’entraver dans l’exercice de ses fonctions. On
a loué beaucoup sa fermeté, et pour moi j’admirerai toujours un homme qui obéit
à ses convictions. Mais l’honorable général a peut-être mis un peu trop
d’empressement à prendre sa résolution, car qu’avait fait la majorité ? Elle
avait rejeté le chiffre du gouvernement, chiffre sur lequel au moins il y avait
une transaction à faire. Pourquoi a-t-on rejeté ce chiffre ? ce n’est pas
seulement à cause du chiffre lui-même, mais parce que, quoi qu’en ait dit M. le
ministre de l’intérieur, M. le ministre de la guerre s’était refusé à promettre
d’une manière plus ou moins positive cette loi d’organisation que l’unanimité
de la chambre réclamait ; parce qu’il a persisté à présenter, comme plus ou
moins normal, un budget que nous aurions admis peut-être comme transitoire,
mais que nous ne pouvions admettre comme normal, parce que nous sentions qu’il
fallait y introduire des réductions que beaucoup d’entre nous n’étaient pas à
même d’indiquer, et que, pour admettre les propositions du gouvernement, il
aurait fallu qu’on nous démontrât mieux qu’on ne l’a fait la nécessité de
maintenir l’armée sur le pied où elle se trouve actuellement.
Qu’ont
fait ceux qui ont donné leur appui au gouvernement ? Ils ont beaucoup parlé de
notre position politique, de notre neutralité, et ils ont dit que si on voulait
que cette neutralité fût forte, il fallait qu’elle s’appuyât sur une armée
respectable.
Je ne reviendrai pas sur cette question. Mais si l’on veut
une neutralité forte, si on n’a pas de foi dans les traités qui nous ont
garanti cette neutralité, il est d’autres mesures que le maintien de notre
armée sur le pied actuel, qu’il est urgent de prendre pour notre sécurité. J’ai
beaucoup de confiance dans la valeur et le dévouement de notre armée. Mais ce
n’est pas seulement dans l’absence d’une armée nombreuse qu’est ce danger ; il
y autre chose qui nous menacerait en cas de guerre, et à quoi on ne semble pas
songer ; c’est notre dette flottante, notre dette exigible qu’il faudrait faire
disparaître, car si vous étiez compromis dans une guerre avec 22 millions de
dette exigible, que feriez-vous pour votre armée ? Si donc vous n’ayez pas de
confiance dans les traités, il ne faut pas seulement une réserve en hommes, il
faut une réserve en écus. (La clôture !
la clôture !)
M. Verhaegen. - Je demande la parole contre la clôture. J’ai été attaqué
par M. le ministre de l’intérieur et par M. Dumortier. Je conçois qu’il est
fort commode après cela de demander la clôture pour me fermer la bouche. Mais
j’ai des choses fort importantes à leur dire. Je ferai observer qu’il s’agit
d’un crédit de 19 millions, que le rapport vient d’être présenté et qu’il est
peu convenable, en pareille circonstance, d’étouffer la discussion. Du reste,
si la majorité le veut ainsi, elle est libre.
-
La clôture est mise aux voix et prononcée.
M. Verhaegen. - Je demande la parole pour un fait personnel.
Messieurs,
je ne puis pas répondre à M. le ministre de l’intérieur, puisqu’en clôturant la
discussion on m’a réduit au silence, ce qui d’ailleurs est fort commode pour
mes adversaires ; mais j’ai le droit de répondre à M. Dumortier pour un fait
personnel ; il m’a reproché, à moi et à mes amis de faire des réclames
électorales ; il a prétendu que nous n’avions défendu l’armée que dans la vue
de nous rendre les électeurs favorables. Mais y a-t-il bien songé ? toujours le même défaut. M. Dumortier reproche a d’autres,
ce qui peut être reproché à lui-même, mais à juste titre : S’il y a eu dans
cette enceinte des réclames électorales, qui donc les a faites : il n’y a qu’un
instant, un membre voulait diviser la loi sur les traitements de la
magistrature pour ne s’occuper que des juges de paix, tout le monde a apprécié
la portée et le but de cette observation. C’est évidemment une réclame
électorale, et de qui émanait-elle ? de M. Dumortier.
Nous
dirons à M. Dumortier que si, nous, nous avions voulu intéresser les électeurs,
nous aurions voté un budget de 25 millions au lieu d’en soutenir un de 29
millions et demi. Voilà de quelle manière nous aurions pu faire, de notre côté,
une réclame électorale.
M.
Dumortier nous a encore fait le reproche de voter constamment les dépenses, et
de refuser les subsides. « Quoi ! nous dit-il, vous avez voté contre les
centimes additionnels, et vous voulez que l’on paye 29 millions et demi pour
l’armée ! » Mais a-t-il oublié que les ministres sont restés tout seuls
pour les centimes additionnels, qu’ils ont cherché en vain leur majorité mixte
; et c’est aux membres de l’opposition que M. Dumortier vient faire ce
reproche. Le ministère n’a pas nos sympathies, nous l’avons dit, et répété :
nous avons voulu concourir avec l’honorable M. Brabant à demander son renvoi,
et, pour le tirer d’embarras, nous aurions dû voter les centimes additionnels !
Nous avons refusé les centimes additionnels, mais était-ce à
dire que nous ne voulions pas accorder d’autres subsides ? Est-ce que le
ministère est donc dans un état d’incapacité telle qu’il puisse préparer que
des centimes additionnels ? Le devoir du ministère est de trouver des bases
convenables d’impôts ; s’il nous avait demandé d’imposer des objets réellement
imposables nous lui aurions donné notre concours, car notre opposition n’a
jamais été systématique.
M.
Rogier. -
Messieurs, j’ai été compris dans le reproche de vouloir faire de cette
discussion une affaire électorale. Quand on vote des centimes additionnels, je
rappellerai que faisant violence à l’opinion de tous mes amis, je me suis
abstenu, et je me suis rapproché du ministère plus que sa propre majorité. Il
est vraiment pas trop plaisant de vouloir exiger de l’opposition, dans le vote
de budget, plus de complaisance que de la majorité elle-même. Maintenant on va
plus loin, on reproche à une partie de l’opinion d’avoir défendu le ministère
dans le budget de la guerre, alors que
cette majorité modérée, gouvernementale, conservatrice sur laquelle il
s’appuie, l’a de nouveau abandonné.
Mais, dit-on, c’est pour plaire aux électeurs que nous avons
agi ainsi. D’abord, par une coïncidence remarquable, il arrive que la plupart
des membres qui ont défendu le budget de la guerre ne sont
pas rééligibles cette année ; l’honorable M. Devaux ne l’est pas, l’honorable
M. Lebeau non plus, l’honorable M. Verhaegen et nous ne sommes rééligibles.
Ensuite s’opposer à une réduction de dépenses, ce serait, il faut l’avouer, un
moyen singulier de faire la cour aux électeurs contribuables ; l’armée n’est
pas électeur. Pour faire de la popularité auprès des électeurs contribuables,
nous aurions dû voter précisément comme ceux qui nous adressent le reproche que
nous sommes parfaitement en droit de leur renvoyer.
M. Dumortier. - Il y a une différence entre les honorables préopinants et
moi ; c’est que je suis conséquent dans mon système et ils ne sont pas
conséquents dans le leur. Je ne veux pas d’augmentations d’impôts, vous n’en
avez pas voulu non plus ; l’un de vous a voté contre, l’autre s’est abstenu et
n’a pas voté ; mais vous voulez cependant des majorations de dépenses, et vous
ne voulez pas les couvrir par des impôts ; vous demandez des subsides pour
l’armée, pour l’ordre judiciaire, pour
On
a parlé de réclames électorales ; on a dit que depuis quelques temps je ne
faisais que des réclames électorales. Messieurs, je n’ai jamais eu besoin de
réclames électorales ; chacun, d’ailleurs, a sa réclame ; pour M. Verhaegen,
c’est la dîme et la mainmorte, la mienne, c’est mon patriotisme ; la mienne,
c’est d’avoir combattu de tous mes moyens l’abandon de mes frères du Limbourg
et Luxembourg ; c’est d’avoir, dans la question de la dette, fait gagné 300
millions au pays.
-
Il est procédé à l’appel nominal sur l’ensemble du projet.
75
membres répondent à l’appel.
74
votent pour.
1
s’abstient.
La
chambre adopte.
Ont
voté pour : MM. Brabant, Cogels, Cools, Coppieters, de Baillet, de Behr,
Dechamps, Dedecker, de Florisone, de Garcia, de
M. le président. - La parole est a M. Savart
pour faire connaître les motifs de son abstention.
M.
Savart-Martel. - Je me suis abstenu parce que je sens qu’il est nécessaire de
satisfaire au besoins journaliers du service, mais je n’ai pu allouer les
dix-neuf millions demandés, pour deux raisons : 1° parce que cette somme réunie
semblerait devoir suffire chaque année ; 2° parce que nous n’obtenons point par
ce palliatif, l’organisation que j’ai constamment soutenue nécessaire dans
l’intérêt du pays et dans 1’intérêt même de 1’armée à laquelle je ne veux pas
qu’il soit fait le moindre tort, mais dont je voudrais fixer la position pour
l’état de paix ; 3° parce que la clôture a été prononcée précipitamment sur une
proposition faite séance tenante.
Dans
ma conviction la plus profonde, la position que nous faisons en ce jour à
l’armée, et la position où nous mettons le pays, sont plus déplorables encore
qu’avant la session.
Jamais
il n’est entré dans ma pensée de faire une question de personnes ; or la loi
qui nous est proposée ne répond point aux économies que désirent les
contribuables, et n’a d’autre but que d’éloigner l’organisation définitive ; je
voulais un budget normal et non un simple provisoire.
M. le président. - Le projet de loi est adopté ; en conséquence il
sera transmis au sénat.
PROJET DE LOI OUVRANT UN CREDIT AU
BUDGET DU DEPARTEMENT DE
M. le président. - Le projet se compose d’un seul article ainsi conçu
:
«
Le ministre de la guerre est autorisé employer sur le crédit disponible au
budget global de l’exercice 1840, une somme de cinquante mille francs, pour
être affectée aux paiements :
« 1°
Des créances arriérées sur les années 1838 et 1839, pour travaux
d’appropriation et fournitures de mobilier effectué à l’hôtel du ministère de
la guerre ;
« 2°
De l’achat des objets mobiliers qui manquent et sont encore accessoires audit
hôtel. »
M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Messieurs, je crois que
cette somme doit être imputée sur le crédit provisoire qui vient d’être accordé
puisque la section centrale avait demandé qu’il fût imputé sur le crédit global
qu’elle avait proposé
M. le président. - L’article devrait être alors rédigé de la manière
suivante :
« Le
ministre de la guerre est autorise à prendre sur les crédits disponibles de
l’exercice courant une somme de 50,000 fr. applicables, etc. »
M.
Lys, rapporteur. - Je me rallie à cette rédaction.
-
Personne ne demandant la parole, on procède à l’appel nominal sur l’ensemble du
projet ; il est adopte à l’unanimité des 72 membres présents. Il sera transmis
au sénat.
Ont
pris part au vote : MM. Brabant, Cogels, Cools, Coppieters, de Baillet, de
Behr, Dechamps, Dedecker, de Florisone, de Garcia, de
RAPPORT ANNUEL SUR L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - J’ai l’honneur de déposer le rapport annuel sur
l’enseignement supérieur.
-
Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. le président. - Nous n’avons plus rien à l’ordre du jour
aujourd’hui. Nous avons pour demain le projet de loi sur le sel, et ensuite
celui sur les traitements des membres de l’ordre judiciaire.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je proposerai à la chambre de s’ajourner
indéfiniment.
M. Verhaegen. - Je pensais que M. le ministre de la justice voulait faire
discuter le projet de loi relatif à l’augmentation des traitements des membres
de l’ordre judiciaire. Maintenant il demande que l’on s’ajourne indéfiniment ;
cela veut dire que ce n’était que des mots.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je ne sais pas qui est le plus sérieux de
l’honorable préopinant ou de moi. Je n’ai pas pris la parole dans cette longue
discussion que je ne veux pas caractériser, sur la fixation de l’ordre du jour
; je me suis tu. Si l’on m’avait interpellé relativement à la discussion du
projet sur les traitements des membres de l’ordre judiciaire, j’aurais demandé,
dans l’intérêt de la magistrature, qu’il ne fût pas mis à l’ordre du jour. Et
je crois être ici ami de la magistrature, en demandant que cette discussion
soit retardée. Ce n’est pas le lendemain du rejet des allocations relatives à
l’armée, rejet principalement dû à notre situation financière, que je voudrais
compromettre les intérêts de la magistrature, en demandant, d’une manière
irréfléchie, la fixation de l’ordre du jour.
Messieurs, je me serais félicité de pouvoir marquer mon interim par le vote de la loi sur les traitements des
membres de l’ordre judiciaire, et j’éprouve un profond regret de ne pouvoir me
procurer cette satisfaction. (Marques
d’assentiment.)
M. de Mérode. - Il me semble que si vous voulez augmenter les
traitements des membres de l’ordre judicaire, vous devez voter d’abord les recettes
nécessaires pour faire face à la dépense qui en résultera. Si l’on ne procède
pas toujours de cette manière, il arrivera ce qui est toujours arrivé ; c’est
que ceux qui aiment la popularité et les votes favorables à certaines classes
d’individus, refuseront ensuite de voter les recettes, parce qu’il est toujours
désagréable de voter des contributions.
Je
dis donc que, pour arriver à obtenir la dépense, il faut d’abord voter les
recettes Sans cela le gouvernement sera toujours dupe du procédé qui a été
suivi jusqu’à présent.
La
chambre décide qu’elle s’ajourne indéfiniment.
-
La séance est levée 4 1/2 heures.