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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 14
février 1843
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre, notamment pétition de la commune de Maeseyck,
relative à la loi sur le renforcement de la douane (Huveners)
2)
Motion d’ordre relative à la nomination des bourgmestres et échevins (Delfosse, Nothomb, Lebeau, Nothomb, Fleussu,
Nothomb)
3)
Projet de loi relatif à la répression de la fraude. Discussion des articles. Sanctions
pénales, complicité et solidarité de la peine, code pénal (Demonceau,
Smits, Vanden Eynde, Smits, Orts, Dubus
(aîné), Smits, Verhaegen, Demonceau), vente du matériel saisi (Smits),
peines applicables au personnel des douanes prévaricateur (Dubus
(aîné), Cools, Demonceau),
(Smits, Mercier), considérations
générales sur la loi (moyens de contrôle, visite domiciliaire, politique
tarifaire du gouvernement, etc.) (Savart-Martel)
4) Rapport sur une
pétition relative aux droits de sortie (David)
5) Motion d’ordre
relative au projet de loi sur les sucres (de Brouckere,
Smits)
6) Projet de loi relatif
aux droits de sortie (Nothomb)
7) Fixation de l’ordre
du jour. Droits d’entrée (Lebeau), traitement de la
magistrature (Orts, Savart-Martel),
impôt sur le sucre (Rogier, Smits,
de Garcia, Rogier, Delfosse, Eloy de Burdinne),
répression de la fraude (Dubus (aîné), Smits,
Demonceau), péage de l’Escaut (Osy,
Smits, de La Coste, Nothomb, de La Coste), impôt sur
le sucre (de Mérode, Cools, Smits), péage de l’Escaut (Osy)
6) Projet de loi relatif
aux droits de sortie. Discussion générale. Droits de sortie sur les tuiles (Rogier), sur le lin (Desmet, Hye-Hoys)
(Moniteur
belge n°46, du 15 février 1843)
(Présidence de M.
Raikem)
M. Kervyn procède à l’appel
nominal à midi et quart.
M.
Scheyven lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est
adoptée.
M. Kervyn fait connaître les
pièces qui ont été adressées à la chambre :
PIECES ADRESSEES A
« Le
sieur Frédéric Philips, fabricant de tabacs, à Liège, né Zalt-Bommel (Pays-Bas) demande la naturalisation
ordinaire. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
_______________________
« Le conseil communal de Ninove présente
des observations concernant le projet de loi sur la circonscription
cantonale. »
- Renvoi à la commission chargée d’examiner le
projet de loi sur la circonscription cantonale.
_______________________
« Plusieurs propriétaires de Mons demandent une
majoration de droits à l’entrée des bois sciés venant de l’étranger. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du
projet de loi sur les droits d’entrée.
« Les membres de l’administration communale
de Maeseyk présentent des observations coutre l’art 8
du projet de loi sur la répression de la fraude, article adopté par la
chambre. »
M.
Huveners. - Messieurs, par la pétition dont on vient de faire l’analyse, le
conseil communal de Maeseyck expose que depuis l’exécution du traité de
Londres, cette ville se trouve dans la plus fâcheuse position ; qu’aux termes
de l’art. 179 de la loi générale, tout commerce en gros y est interdit, et
qu’il ne lui reste que le petit débit journalier.
L’administration de la ville de Maeseyck s’est
adressée en vain au gouvernement, afin que l’exception de l’art. 178 de la loi
générale fût rendue applicable à cette localité, située d’un côté à plus d’une
lieue de la frontière, tandis que de l’autre côté elle en est séparée par la
Meuse, qui certes présente une barrière plus insurmontable à la fraude que la
distance voulue par la loi.
Elle demande donc que les bénéfices que l’art. 8
du projet accorde aux villes fermées et aux places fortes situées à plus de
J’ai l’honneur de demander que cette pétition
reste déposée sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur la
répression de la fraude, et d’appeler toute l’attention du gouvernement sur la
position exceptionnelle de la ville de Maeseyck et sur la pétition que, dans sa
sollicitude le conseil communal de cette ville vient de nous adresser ; car si
le gouvernement doit rechercher les moyens de réprimer la fraude, il a un autre
devoir aussi impérieux à remplir, c’est de rendre le commerce possible, c’est
de donner toutes les garanties désirables à l’honnête commerçant, c’est
d’adoucir autant que possible le sort des habitants du rayon réservé qui ne
sont que trop à plaindre, c’est de prévenir toute gêne, tout embarras qui ne
soit pas strictement nécessaire et réclamé dans l’intérêt général, c’est
surtout de punir sévèrement toute espèce de vexations de la part de ses
subordonnés.
Je demande le dépôt de la pétition sur le bureau
pendant la discussion du projet de loi qui nous occupe.
- Cette proposition est adoptée.
_______________________
« Il est fait hommage à la chambre, par M. Oseray, homme de lettres, d’un opuscule, relatif à l’ancien
duché de Bouillon. »
- Dépôt à la bibliothèque.
M.
Delfosse. - Je demanderai à M. le ministre de l’intérieur pourquoi il ne fait
pas publier les nominations des bourgmestres et échevins. Il est possible, il
est probable même que nous aurons des interpellations à lui adresser au sujet
de ces nominations et il doit sentir que nous ne pourrons les faire que
lorsqu’elles nous seront connues officiellement.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il est
toujours entré dans mes intentions de faire insérer les nominations dont il
s’agit dans le Moniteur. Ces
nominations peuvent être considérées sous deux rapports : sous le rapport
politique et sous le rapport local. Quant à ce dernier rapport, tout ce que
l’intérêt local exige est fait, c’est-à-dire que, dans chaque commune, les
nominations sont connues. Si au contraire, ou veut considérer ces nominations
sous le rapport politique, il faut que toutes soient publiées ; il fallait donc
que toutes fussent faites avant une insertion quelconque au Moniteur ; sans cela il serait
impossible de les considérer dans leur ensemble. Il entre dans mes intentions
de faire insérer prochainement au Moniteur
toutes les nominations, province par province.
M.
Lebeau. - Messieurs, sous quelque rapport que l’on envisage ces nominations, il
importe que le public et les chambres en soient instruits. Un prédécesseur de
M. le ministre, l’honorable M. de Theux, lors de la mise à exécution par la loi
du 30 mars 1836, s’est empressé de publier, non pas in globo,
mais à mesure qu’elles étaient faites, par province, les nominations de
bourgmestres et d’échevins. J’ai même eu l’occasion de constater qu’il ne s’est
pas écoulé trois jours et souvent pas plus de 24 heures entre la date où les
arrêtés avaient été revêtus de la sanction royale et la publication par le Moniteur.
A cette occasion il me sera peut-être permis,
messieurs, d’émettre un doute (ce n’est qu’un simple doute). Je ne sais pas si
la publication au Moniteur suffit.
D’après les termes de la constitution, je ne suis pas bien certains si la
publication dans le Bulletin Officiel
n’est pas rigoureusement nécessaire en ce qui concerne certaines parties des
fonctions exercées par les administrations locales, notamment celles qui ont
rapport à l’état civil. J’ai dernièrement relu le texte de la constitution et
la discussion qui se rapportent à cette question, et je suis tenté d’en
conclure que la nomination d’un fonctionnaire exerçant une juridiction, donnant
le caractère authentique à leurs actes, ne peut avoir d’effet sans qu’elle ait
été publiée dans le Bulletin Officiel.
Je ne fais ici, je le répète, qu’émettre un doute, et les précédents sont même
contraires à l’opinion vers laquelle j’incline. En effet, jusqu’ici l’on n’a
pas publié ces sortes de nominations dans le Bulletin Officiel ; on s’est borné à les insérer au Moniteur qui n’a aucun caractère
officiel, légalement parlant.
Quant à
l’insertion au Moniteur, je demande
que l’on se conforme aux précédents posés par l’honorable M. de Theux. Il a
souvent fait publier les nominations des bourgmestres de toute une province, 24
heures après qu’elles étaient signées.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Voici, messieurs, ce
qu’a fait l’honorable M.de Theux : il a, en effet, fait insérer les
nominations au Moniteur, dans un très
bref délai ; mais il a reconnu les inconvénients de cette manière de procéder
car il y a eu des refus et il est inutile de mettre le public dans ces sortes
de confidences. Par suite de ces inconvénients toute publication de nomination
de bourgmestre ou d’échevins a été abandonnée ; vous savez tous que le Moniteur ne publie plus aucune
nomination de cette espèce, depuis les nominations générales de 1836.
C’est dans cet état de choses que j’ai trouvé le
ministère de l’intérieur. Depuis 20 mois il a été fait un grand nombre de
nominations et d’après les errements consacrés, ces nominations n’ont pas été
insérées au Moniteur. Il s’agit donc
de changer les errements de l’administration, de faire de nouveau les
publications. C’est ce que je me propose de faire ; je me propose d’insérer au Moniteur toutes les nominations,
aussitôt qu’elles seront toutes faites et qu’on pourra, par conséquent, les juger dans leur ensemble.
J’examinerai aussi s’il ne faudrait pas, à
l’avenir, publier les mutations qui surviennent dans les collèges des
bourgmestres et échevins.
Quant au Bulletin officiel, si
ma mémoire est fidèle, on n’y a jusqu’ici inséré aucune nomination ; je me
propose aussi d’insérer au Bulletin
officiel les nouvelles nominations, c’est une période nouvelle qui s’ouvre,
et je désire que le commencement de cette période soit bien constaté. Nous
verrons s’il faudra ensuite insérer soit au Moniteur
soit au Bulletin officiel, les
mutations partielles.
M.
Fleussu. - Je suppose que, lorsque M. le ministre de l’intérieur publiera les
nominations des bourgmestres, il fera connaître en même temps quels sont les
bourgmestres pris en dehors du conseil.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Chacun recherchera
quelles sont les nominations faites en dehors du conseil, mais le gouvernement
ne peut pas, dans la partie officielle du Moniteur,
dire qu’un tel est bourgmestre nouveau ou un tel bourgmestre ancien, qu’un tel
est pris dans le sein du conseil, un tel en dehors du conseil. Toutefois,
j’examinerai s’il y a lieu de donner une espèce de statistique générale sans
noms propres dans la partie officielle du Moniteur
; je me demande, du reste, si l’on veut transporter l’administration dans la
chambre.
Discussion des articles
Article
27
M. le
président. - La discussion continue sur l’art. 27, ainsi conçu :
« Art. 27. Dans tous les cas de fraude, la
complicité sera punie comme la fraude même.
« Les condamnations à l’amende et aux frais
seront toujours prononcées solidairement contre les délinquants, les complices
et les personnes civilement responsables. »
M. Demonceau a proposé de remplacer cet article
par la disposition suivante :
« Par extension de l’art. 207 de la loi
générale, ceux qui seraient convaincus d’avoir participé comme assureurs, comme
ayant fait assurer, ou comme intéressés d’une manière quelconque à un fait de
fraude, seront passibles des peines établies contre les auteurs. »
M. le ministre
des finances a déclaré reproduire la proposition primitive du gouvernement,
ainsi conçu :
« Les condamnations à l’amende et aux frais
seront toujours prononcées solidairement contre tous les délinquants. »
M. Vanden Eynde. - Messieurs, dans la
séance d’hier, l’honorable M. Verhaegen a contesté que les amendes en matière
de douane étaient une réparation civile. Si j’avais recours
au mode suivi ordinairement pour l’interprétation des lois, mode qui consiste à
interpréter les lois par les lois antérieures, j’établirais que les lois
françaises en matière de douanes regardent l’amende comme une réparation civile
et que la jurisprudence des cours a toujours été uniforme sur ce point ; la
cour de cassation de Paris et les cours d’appel de France ont toujours décidé
que l’amende en matière de douane est une réparation civile.
L’amende en matière de douane se distingue des
amendes comminées par le code pénal, par différents caractères. Ainsi, d’après
les lois françaises, l’administration pouvait transiger en ce qui concerne les
amendes, chose qui est défendue pour les amendes comminées par le code pénal ;
ainsi, pour appliquer les amendes en matière de douane, on n’a pas besoin
d’examiner la moralité des faits ; dès que l’administration a prouvé qu’un
individu a importé des objets soumis aux droits sans avoir fait sa déclaration,
que cet individu ait agi de bonne ou de mauvaise foi, l’amende est applicable ;
les tribunaux n’ont pas le droit d’examiner la question intentionnelle.
Mais, il y a plus, messieurs, il y a dans notre
loi générale du 26 août 1822, des articles formels qui établissent d’une
manière incontestable que l’amende en matière de douane est une réparation
civile. D’abord le paragraphe 2 de l’art 23 de cette loi porte : « Dans le
cas où les négociants et autres personnes, plus amplement dénommées ci-dessus,
seraient repris pour fraudes ou autres contraventions à la présente loi ou aux
lois spéciales, et qu’ils voulussent avancer, pour leur justification, que
ladite fraude ou contravention aurait eu lieu par leurs employés, domestiques
ou ouvriers, sans qu’ils en eussent connaissance ; ces premiers n’encourront
pas moins, et sans égard à leur ignorance du fait, l’amende prononcée contre
lesdites contraventions. »
Vous voyez, messieurs, que là le maître est
rendu responsable des faits de son ouvrier, de son domestique. Cela prouve déjà
que l’amende est une réparation civile. Mais il y a plus encore ; l’art. de la même loi générale permet à l’administration de
transiger sur les amendes. Cependant, l’art. 73 de la constitution confère au
roi le droit de grâce, le droit de réduire la peine ou d’accorder remise de la
peine entière ; l’amende comminée par la loi du 26 août 1822 ne peut donc pas
être considérée comme une véritable peine ; car, s’il en était ainsi, l’art.
229 de la loi de 1822 constituerait une infraction à la constitution.
Il résulte ainsi de la combinaison de cet article
avec l’art. 73 de la constitution que l’amende, en matière de douane, est une
simple réparation civile.
Pour un autre caractère encore, l’amende
comminée par la loi en matière de douane, doit être envisagée comme une
réparation civile.
Vous savez, messieurs, que les peines font
l’objet d’une action publique ; elles ne peuvent être appliquées par les
tribunaux que sur la réquisition du ministère public.
Or, d’après l’art. 247 § 4 de la loi générale,
l’amende en matière de douane est prononcée par les tribunaux sur les simples
conclusions de l’administration ; dans cet article même, la loi générale a si
bien distingué entre la peine proprement dite et l’amende qui n’est qu’une
réparation civile, que chaque fois qu’il s’agit d’appliquer aux fraudeurs la peine
de l’emprisonnement, la loi a exigé que l’application de cette peine soit faite
à la réquisition directe du ministère public, tandis que l’amende est prononcée
à la simple réquisition de l’administration, le ministère public entendu.
Cette distinction prouve encore une fois que
l’amende comminée par la loi générale est une véritable réparation civile.
Messieurs, il est encore un autre article de la
loi générale qui vient appuyer l’opinion que je défends. C’est l’art. 311, § 2.
Cet article statue que l’amende est formée par le montant des droits et des
accises dus pour l’objet fraudé ; de manière que l’article déclare positivement
que l’amende n’est autre chose qu’une réparation vis-à-vis de l’administration
pour des faits commis par des fraudeurs.
L’art. 314, § 2, porte :
« De même, partout où le montant des droits et
accises se trouve fixé comme amende, cette fixation se rapporte uniquement aux
droits et accises, et ne comprend point les centimes additionnels ni le droit
du syndicat. »
Ainsi, l’amende est formée par le montant des
droits et des accises dus pour l’objet fraudé.
Messieurs, il résulte de ces diverses citations
et des arguments que je viens d’avancer, que la section centrale, en proposant
l’article
Une autre question a été soulevée à l’égard du
même article, par l’honorable M. Orts.
L’honorable M. Orts a prétendu que les faits de
complicité commis en matière de douane, étaient régis par l’article 60 du code
pénal.
Je crois qu’en avançant cette doctrine,
l’honorable membre n’a pas réfléchi que l’art. 484 du code pénal établit d’une
manière positive que ce code n’est pas applicable aux matières spéciales qui
sont réglées par des lois spéciales.
Messieurs, en supposant même que cela pût être
contesté, il y a encore un autre argument qui établit d’une manière évidente, à
mon avis, que la disposition de l’art. 60 du code pénal ne peut en aucun cas
être appliquée à la complicité en matière de douanes.
L’art. 207 de la loi générale a prévu les cas de
complicité. Or, il est de principe en jurisprudence que les lois spéciales
dérogent à la loi générale.
Je dis que l’art.
« Art. 207. Si, par l’instruction d’une
affaire de la nature de celles auxquelles les dispositions des deux premiers
paragraphes de l’art. 205 et celles de l’art. 206, sont applicables, il conste
que les délinquants se sont laissés séduire ou employer sous promesse d’une
récompense extraordinaire, ou de toute autre manière, par des personnes tierces
appréhensibles dans le royaume, ces dernières, si elles soit reconnues
coupables, de ce chef, en justice, seront également soumises aux peines
prononcées par lesdits articles, et, en pareil cas, il sera laissé à
l’arbitrage du juge, de mitiger la peine portée contre les premiers, suivant
que ceux-ci auront plus ou moins contribué à la découverte ou conviction
obtenue à l’égard des autres ; sauf toutefois que cette peine ne pourra être réduite
à un emprisonnement moindre d’un mois. »
Il est bien clair que le législateur s’occupe du
fait de complicité en matière de douane ; or, ce procès étant réglé par une loi
spéciale, il est évident qu’on ne peut pas avoir recours à la loi générale,
pour l’interpréter.
Ensuite, il y a une
considération très puissante pour écarter la disposition de l’art. 60 du code
pénal. Si vous deviez appliquer l’art. 60, vous devriez examiner la question de
moralité, car le fait de complicité constituerait alors un des délits prévus
par le code pénal ; or, en matière de douanes, l’administration n’est pas
obligée de rechercher la moralité du fait, il suffit qu’elle en prouve la
matérialité.
Je pense donc que l’honorable M. Orts a eu tort
de soutenir un principe qui ne se justifie ni par le code pénal, ni par la loi
générale. J’ai dit.
M. le
ministre des finances (M. Smits) - J’avouerai, messieurs, que c’est avec quelque
hésitation, avec quelque méfiance que je me hasarde de répondre à l’opinion d’un
jurisconsulte, sur une question de droit aussi controversée que celle dont il
s’agit ; mais, quelle que soit la valeur de celle qui vient d’être émise par
l’honorable M. Vanden Eynde, elle me paraît, dans tous les cas, être trop
exclusive dans cette circonstance.
L’honorable membre ne veut attribuer aux
amendes, en matière de douane, qu’un caractère purement de réparation civile ;
il leur ôte entièrement le caractère de peine, chose que nous ne pouvons pas
admettre, comme étant à la fois contraire, dans notre opinion, et à la loi
générale, et à la jurisprudence des tribunaux.
L’honorable préopinant a cité à l’appui de son
opinion l’art. 231 de la loi générale ; mais, messieurs, lorsque l’art. 231
condamne certains particuliers, certains industriels comme civilement
responsables, de quels industriels a-t-on entendu parler ? On a entendu parler
des brasseurs, des distillateurs, des raffineurs ; en général, de tous les
industriels qui, d’après nos lois, sont assujetties aux droits d’accises, et
qui, trafiquant chez eux ou par eux-mêmes, doivent être considérés, par la
nature même de leur industrie, comme délinquants.
Ainsi, un brasseur, un distillateur serait
nécessairement civilement responsable, si son domestique refusait aux employés
de l’administration des douanes de faire les exercices prescrits par les lois.
Voilà des cas où des particuliers sont responsables ? Ils sont encore
responsables dans le rayon des douanes, alors qu’ils se refusent à se soumettre
aux visites des employés ; mais dans tous les cas de fraude ordinaire, en
matière de douane, c’est-à-dire en cas d’importation, d’exportation ou de
transit, les personnes civilement responsables aux termes du droit civil, la
responsabilité civile n’existe pas, ou du moins n’a jamais été invoquée par l’administration.
Que les amendes en matière de douane sont des
peines, cela me paraît résulter d’une manière évidente de l’art. 207 de la loi
générale, portant à son paragraphe 3 que pour les contraventions, fraudes ou
délits en matière de droits d’entrée, de sortie et d’accises la loi prononce
des peines.
Si, comme le croit l’honorable M. Vanden Eynde,
les amendes fixées en matière de douane, n’étaient point des peines et qu’elles
constituassent une réparation purement civile, alors, messieurs, les amendes devraient
être versées dans les caisses du trésor public ; or, il n’entre pas un centime
des amendes dans les caisses du trésor ; une partie du produit des amendes est
distribuée entre les employés, une autre partie est versée dans la caisse de
retraite. Aussi, il n’y a pas action en réparation civile, puisque le trésor
n’en profile pas.
Je crois, messieurs, qu’on a été trop exclusif
dans cette question, et c’est précisément parce que la section centrale a été
trop loin que nous avons cru devoir proposer à la chambre de supprimer les
trois derniers mots de l’article, en sorte que le dernier se réduirait à ces
mots :
« Les condamnations à l’amende et aux frais
seront toujours prononcées solidairement contre les délinquants et les
complices. »
Si l’on ajoutait les
mots : « et les personnes civilement responsables », ce serait
positivement dire qu’il y a ici réparation civile ; et nous craindrions de
compromettre toute l’économie de la loi générale, et, cette économie, il faut
la laisser subsister tant que nous ne serons pas parvenus à la révision de la
loi générale dans son ensemble. On s’occupe de cette révision ; elle ne pourra
être complétée que quand nous saurons par expérience quelles modifications il y
aura lieu d’y introduire par suite de nouvelles communications à ouvrir vers la
France et vers
Je maintiens donc la proposition de retrancher
du dernier paragraphe de l’article les mots : « Et les personnes
civilement responsables. »
M. Orts. - Je prie la
chambre de vouloir bien fixer un instant son attention sur un point important.
C’est que si l’amendement de M. Demonceau était accueilli tel qu’il est formulé
sans y ajouter quelque chose, vous tomberiez dans ce danger, que tous les cas
de complicité autres que ceux prévus par l’art. 207 de la loi générale et par
l’amendement de l’honorable député de Verviers resteraient impunis en matière
de fraude. Je ne sais si c’est là l’intention de la chambre. J’espère vous
démontrer en peu de mots que tel serait le résultat de l’adoption de la
disposition proposée. Il me suffira pour cela de la mettre en présence de
l’art. 27 du projet et de l’art. 207 de la loi générale. Que porte l’amendement
de M. Demonceau ? Remplacer le § 1er de l’art. 27 par la disposition suivante :
Que dit le § 1er de l’art. 27 qui doit disparaître ?
« Dans tous les cas de fraude, la
complicité sera punie comme la fraude même. »
Ainsi, vous faites disparaître ce principe,
qu’en cas de fraude, la complicité sera punie comme la fraude même. Et vous le remplacez
par la disposition suivante :
« Par extension de l’art. 207 de la loi
générale, ceux qui seraient convaincus d’avoir participé comme assureurs, comme
ayant fait assurer, ou comme intéressés d’une manière quelconque à un fait de
fraude, seront passibles des peines établies contre les auteurs.»
Je ne m’oppose pas cependant à l’amendement de
M. Demonceau, par la raison que ce qui abonde ne vicie pas.
Mais, remarquez-le bien : l’art. 207 de la loi
générale ne s’occupe que d’un cas spécial de complicité, savoir de celle qui
résulte de ce que par promesse extraordinaire ou de toute autre manière, on
aurait cherché à séduire des individus pour les déterminer à frauder. C’est le
seul caractère de l’art. 207.
L’honorable auteur de l’amendement l’a senti ; il
est allé plus loin ; il a dit : Il faut également frapper les individus qui
participent au délit comme assureurs, ou comme ayant fait assurer ou comme
intéressés d’une manière quelconque à un fait de fraude. Mais comme au
ministère public incombe le devoir de prouver, quand il prétend qu’un complice
est intéressé, quel genre d’intérêt il a, il pourrait se faire que le ministère
public se trouvât souvent en défaut d’atteindre sa preuve à charge de
l’individu poursuivi comme complice.
Je pense que nous devons comprendre dans la
complicité tous ceux qui participent à la fraude, sans qu’il soit nécessaire
que le ministre public prouve le genre ou le degré d’intérêt, qu’y ont les
individus qui y prennent part.
Je proposerai donc d’ajouter la disposition
présentée par M. Demonceau les mots suivants : « et sans préjudice aux
dispositions des articles 59, 60 et 62 du code pénal. »
L’art. 59 punit la complicité comme le délit ;
l’art. 60 détermine tous les modes de complicité par coopération et l’art. 62
contient une disposition très importante, puisqu’elle frappe ceux qui sciemment
ont recelé tout ou partie des objets obtenus à l’aide du délit de fraude.
Voilà ce que je demande. Je pense que si nous
agissions autrement, il pourrait arriver que, devant les tribunaux, on vînt à
dire au ministère public : celui que vous traduisez comme complice, est-il dans
le cas déterminé par l’article 207 de la loi générale ; dans celui formulé par
l’amendement de l’honorable M. Demonceau, et si le prévenu de complicité ne se
trouvait ni dans l’un ni dans l’autre de ces cas, on l’acquitterait
parfaitement bien, puisque vous auriez fait disparaître le premier paragraphe
de l’article 27.
Dans cette chambre, je pense qu’il n’est
personne qui veuille laisser impuni le receleur en matière de fraude. On dit
vulgairement : pas de receleurs, pas de voleurs, on peut dire avec autant de
raison que s’il n’y avait pas de receleurs, il n’y aurait pas de fraudeurs. Il
faut donc atteindre celui qui se rend complice de la fraude, soit en y
poussant, soit en prêtant son domicile pour servir de réceptacle aux objets
fraudés.
Maintenant je ne dirai plus qu’un mot sur
l’applicabilité du code pénal. Je maintiens que toutes les fois qu’une loi
pénale spéciale ne contient pas de disposition dérogatoire à la loi pénale
générale, c’est le code pénal qu’il faut appliquer. En effet, une loi pénale
spéciale ne dirait rien de la tentative, de la complicité, de la force majeure
à laquelle cède un individu qui dans cette position commet un délit, ne dirait
rien enfin de la récidive, de la question de discernement, soutiendra-t-on que
dans ces diverses hypothèses vous seriez réduits à dire : comme cette loi
pénale est une loi spéciale, qu’elle ne se réfère à aucun des principes
généraux du droit criminel, ces principes ne sont pas applicables ? Cela n’est
pas possible. Le code pénal est applicable aux lois pénales spéciales toutes
les fois que ces lois n’y dérogent pas. On vous en a donné hier une preuve, en
vous citant l’art. 5, qui porte que les dispositions du présent code ne sont
pas applicables aux contraventions, délits ou crimes militaires. On vous a dit
: a contrario sensu, les contraventions, crimes ou délits en matière de lois
pénales spéciales, autres que les délits militaires tombent sous les
dispositions du code pénal de 1810.
On a cité tout à l’heure l’art. 463 du code
pénal, qui est relatif aux circonstances atténuantes, Mais c’est le plus fort
argument qu’on puisse apporter à l’appui de mon amendement. L’art. 463 statue que toutes les fois que la peine de l’emprisonnement
est portée par le présent code, etc.
N’est-il pas clair que c’est précisément parce
que le législateur savait que le code pénal, dans ses dispositions générales,
était applicable aux lois pénales spéciales qu’il a voulu que le pouvoir discrétionnaire
donné aux juges de réduire les peines fût restreint aux cas prévus par le code,
pour que les juges ne puissent pas appliquer à des délits en matière de douane,
d’accise ou d’octroi les dispositions de l’art. 463. Si cette disposition que
je viens de citer n’existait pas, on appliquerait, à toutes les lois pénales
spéciales les dispositions de l’art. 463.
Toutes les fois donc que la loi pénale spéciale
ne déroge pas au code pénal, les principes généraux sur la complicité établis
dans le code pénal sont applicables, cela me paraît de la dernière évidence.
C’est d’ailleurs l’opinion des meilleurs
criminalistes. La plupart des auteurs qui ont écrit sur le code pénal ont
soutenu qu’il était applicable toutes les fois que les lois spéciales n’y ont
pas dérogé.
Je ne ferai plus qu’une observation sur ce qu’on
a dit que l’amende en cette matière spéciale aurait le caractère de réparation
civile. M. le ministre des finances me paraît avoir rétabli la question dans
son véritable sens. Je vais poser un exemple qui fera voir que l’amende ne peut
être envisagée autrement que comme une peine. Le Roi a-t-il le droit de
remettre une amende encourue pour un délit en matière de fraude ? Je crois
qu’en vertu de l’art. 73 de la constitution, le roi pourrait remettre cette
amende si c’est une peine, mais si c’était une réparation civile, je vais vous
prouver qu’il ne le pourrait pas.
Aux termes de l’art. 73 de la constitution, il
est évident que le Roi ne peut faire remise que de ce qui est véritablement une
peine. L’art. 73 est ainsi conçu :
« Art. 73. Il a le droit (le Roi) de remettre ou
de réduire les peines prononcées par les juges, sauf ce qui est statué
relativement aux ministres. »
Maintenant si vous considérez l’amende comme une
réparation civile, le Roi n’aurait pas le droit d’en faire la remise, parce que
d’après l’art. 112 de la constitution, vous devriez la regarder comme un impôt,
et aux termes de cet article, il ne peut être établi de privilège, d’exemption
ou de modération en matière d’impôt que par la loi : Si l’amende est un impôt,
le Roi ne peut pas en accorder l’exemption ou la modération. Pourquoi le Roi
peut-il accorder une grâce en matière d’amende ? Parce que c’est une peine et
non une réparation civile, et que dès lors cela rentre dans l’art. 73 de la
constitution.
Un article du code pénal statue qu’en matière de
simple contravention de police, l’amende sera toujours prononcée au profit de
la commune. L’art. 466 porte : Les amendes pour contraventions pourront être
prononcées, depuis un franc jusqu’à quinze francs inclusivement, selon les
distinctions et classes ci-après spécifiées, au profit de la commune où la
contravention aura été commise.
Ainsi toutes les contraventions quelconques des
trois catégories dont parle le code pénal, sont punies d’une amende au profit
de la commune. A-t-on envisagé cela comme une réparation civile ? Pas du tout ;
il a été soutenu que le Roi avait le droit de faire grâce en matière de
contravention. Il y a plus, vous avez la loi générale sur l’octroi. Celle-là
porte que l’amende en matière d’octroi se partage entre les pauvres, l’employé
et la commune. Eh bien, la question s’est élevée de savoir si cette amende
était une peine ou une réparation.
M. le ministre de l’intérieur a fait un travail
sur cette matière et prouvé clairement que le Roi pouvait faire grâce pour les
amendes en matière d’octroi municipal comme pour les autres. La section du
contentieux du conseil communal de Bruxelles a été saisie de cette question qui
est très grave, et elle a été d’avis que le Roi avait le droit de grâce. Nous
espérons que le Roi ne fera pas un fréquent usage de cette prérogative, parce
qu’il en résulterait un grand encouragement pour les fraudeurs et un préjudice
notable pour les communes.
Voilà ce que j’avais à dire pour prouver qu’on
devait considérer l’amende comme une peine et non comme une réparation civile.
Je n’ai rien à ajouter pour appuyer le retranchement des mots « des personnes
civilement responsables, » aux termes de l’art. 1384.
M. le président. - L’amendement
présenté par M. Orts tend à ajouter à l’amendement de M. Demonceau, après les
mots « par extension de l’art. 207 de la loi générale » les mots
suivants « et, sans préjudice des dispositions des articles 59, 60 et 62 du
code pénal. »
M.
Dubus (aîné). - Deux amendements sont présentés à l’article en
discussion ; l’un par la section centrale, l’autre par mon honorable ami M.
Demonceau.
La section centrale propose une disposition qui
met l’amende en matière de douane à la charge des personnes civilement
responsables. On a attaqué cette proposition de la section centrale comme
contraire aux principes, parce que l’amende est une peine, et que ce ne sont
que les frais et les dommages intérêts, et non les peines qui peuvent être mis
à la charge des personnes civilement responsables.
Je conviens que l’amende est une peine, que dans
toute loi où l’on commine une amende, l’emploi de cette expression implique que
l’on commine une peine. Je conviens encore qu’en principe on n’a pas d’action
contre les personnes civilement responsables pour recouvrer une amende. De là
il résulte seulement qu’a défaut de disposition spéciale dans une loi pénale,
les personnes civilement responsables ne pourront être poursuivies pour
l’amende. Mais le législateur peut-il, dans certaines matières spéciales, par
des motifs particuliers, accorder une action pour l’amende à la charge des
personnes civilement responsables ? La législation qui nous a été commune avec
la France nous en fournit des exemples ; et tout à l’heure on nous a cité un
article de notre loi générale du 22 août 1822, l’art. 231, comme ayant
consacré, mais dans un cercle plus restreint que ne l’a fait la section
centrale, cette dérogation aux principes : Point de doute donc qu’on ne puisse
déroger au principe sus-énoncé, dans certains cas spéciaux, par des motifs
particuliers. La question est de savoir s’il y a des motifs suffisants pour y
déroger. Puisque c’est une peine, il résulte de là que nonobstant une
dérogation semblable, cette peine pourra être remise par le Roi, en vertu de
son droit constitutionnel, et que les autres dispositions relatives aux peines
y demeurent applicables.
En France, où la loi commine des amendes, non
seulement comme en Belgique, mais plus qu’en Belgique, en matière de douane,
des dispositions formelles de la loi ont mis le recouvrement des amendes à la
charge des personnes civilement responsables. Pourquoi ? Dans le but d’obtenir
une meilleure répression de la fraude. On a considéré l’amende comme contribuant
à indemniser l’Etat du tort que lui font les fraudeurs. C’est en l’envisageant
sous ce point de vue, et d’ailleurs afin d’atteindre le but que je viens
d’indiquer, que l’on a rendu dans tous les cas, en matière de douane, l’amende
recouvrable à la charge des personnes civilement responsables ; nous devons, me
semble-t-il, admettre la même disposition ; car assurément nous voulons, autant
qu’on le veut en France, la répression de la fraude.
Cependant je ferai remarquer une différence
entre la loi française et la nôtre, en ce qui concerne l’amende comminée par la
loi de douane. En France, dans les cas de fraude, il y a toujours amende. Il
paraît qu’en Belgique, quand il y a fraude, il n’y a pas d’amende. Il y a bien
dans notre loi de 1822 certaines dispositions qui supposent que, quand il y a
fraude, il y a amende. Mais quand on recourt à l’article qui concerne la
fraude, on trouve qu’elle est punie de la confiscation ; mais on cherche
vainement l’amende comminée. Il n’y a d’amendes prononcées que pour certaines
contraventions ; c’est là une différence assez notable entre la loi française
et la nôtre, surtout si l’on considère que c’est surtout la fraude que l’on
doit avoir à cœur d’atteindre.
M.
Mercier, rapporteur. - Le projet de loi actuel commine des amendes
pour les cas de fraude.
M.
Dubus (aîné). - Eh bien puisque maintenant nous comminons aussi
l’amende pour les cas de fraude, dés lors nous avons le même intérêt qu’on peut
avoir en France à autoriser le recouvrement de ces amendes contre les personnes
civilement responsables. L’avantage qui en résultera c’est qu’au lieu d’un
débiteur presque toujours insolvable, ou aura dans bien des circonstances un
débiteur solvable.
Mais je pense que si l’on admet la proposition
de la section centrale, il n’en demeurera pas moins constant que l’amende est
une peine, et qu’il pourra, le cas échéant, être fait remise de cette peine par
le Roi, conformément à son droit constitutionnel ; il n’en demeurera pas moins
constant que le décès du coupable éteint l’action relative à l’amende, puisque
le décès du coupable (cela est de jurisprudence) éteint l’action même à charge
d’un tiers, même à charge de personnes civilement responsables.
Je viens maintenant à l’amendement proposé par
l’honorable M. Demonceau. Cet amendement a pour but d’étendre la disposition de
l’art. 207 de la loi générale, qui n’a pas paru assez explicite, et de
déterminer d’une manière formelle que « ceux qui seraient convaincus
d’avoir participé comme assureurs, comme ayant fait assurer ou comme intéressés
d’une manière quelconque à un fait de fraude, seront passibles des peines
établies contre les auteurs.» Une disposition semblable se trouve dans la loi
française. En France, cependant, on a le même code pénal qu’en Belgique et les
mêmes dispositions générales relatives à la complicité. On y a cru prudent,
toutefois, de stipuler dans les lois de douanes certaines dispositions
particulières contre « tous ceux qui seraient convaincus d’avoir participé
à la fraude comme assureurs, comme ayant fait assurer, ou comme intéressés
d’une manière quelconque à un fait de fraude. »
Il me semble que nous devons être aussi prudents
qu’on l’a été en France, et que nous ne devons pas nous fier aux pénalités des
dispositions maintenant en vigueur, et qui vous ont été présentées comme
inapplicables, ou insuffisantes. Ce qui donne du poids à cette assertion, c’est
qu’on ne pourrait citer l’exemple d’un assureur condamné en Belgique comme
complice de fraude. Pour moi, je n’en connais aucun exemple. Il semble dès lors
que l’administration n’a pas cru pouvoir trouver dans la loi en vigueur le
moyen d’établir ce cas de complicité.
On a paru craindre que par cette disposition on
ne restreigne les lois en vigueur au lieu de les étendre, que l’on ne dérogeât
aux articles 59, 60 et 62 du code pénal. Telle n’est certes pas la portée de la
disposition proposée, telle qu’elle est rédigée, puisqu’elle ne fait qu’étendre
la disposition actuellement en vigueur de la loi générale. Ainsi elle n’a pas
plus que l’art. 207 de la loi générale, la portée qu’on lui suppose. Sous ce
rapport, je ne suis pas touché des observations qui ont été faites. Elles
viennent d’ailleurs à tomber, si l’on adopte l’amendement de l’honorable député
de Bruxelles, où il rappelle expressément les articles du code pénal qu’il
craint de voir abroger, en ce qui concerne la douane.
On a supposé que ces articles ne sont pas
applicables en matière de douane. J’avoue que je ne suis pas convaincu qu’il en
soit ainsi. J’incline, au contraire, à penser que ces articles étant des
dispositions générales, sont applicables dans tous les cas où il n’y pas de
dérogation expresse.
On a dit que ces articles supposent la question
intentionnelle, qui ne peut être soulevée en matière de douane. Je ferai
remarquer que la question intentionnelle, au cas actuel, ne peut être écartée,
puisqu’il s’agit de la participation d’un tiers à un délit commis par un
prévenu principal. Or la participation au fait d’un tiers, implique toujours la
volonté, l’intention. La question d’intention est toujours tranchée, dès qu’on
suppose la complicité. Je ne comprends pas de complicité sans intention.
La disposition même de l’art. 207 suppose
nécessairement la volonté, et par suite l’intention. Car il parle de
délinquants qui se sont laissés séduire ou employer
sous promesse ou récompense. Comment ceux qui les ont ainsi séduits, ou qui
leur ont fait des promesses pour les déterminer à commettre le délit de fraude,
n’avaient-ils pas eu l’intention de participer au délit ?
De même la disposition
que propose l’honorable M. Demonceau implique aussi l’intention. « Ceux
qui seraient convaincus d’avoir participé comme assureurs, comme ayant fait
assurer, ou comme intéressés d’une manière quelconque à un fait de
fraude. » Participés comme
intéressés. Il faut donc qu’ils soient intéressés ; de manière que cela
emporte participation à un fait de fraude.
Or, cette participation n’existe pas, s’il n’y a pas eu intention.
En tous cas, messieurs, il me paraît utile de
rappeler comme applicables les articles 59, 60 et 62 du code pénal, et c’est
par ce motif que j’appuie le sous-amendement en même temps que l’amendement.
M. le
ministre des finances (M. Smits) - Messieurs, je n’ai pas du tout contesté à la
législature le droit de changer la législation et de donner à l’amende le
caractère de réparation civile. Certes, la législature peut changer la
législation sous ce rapport ; mais ce que j’ai contesté, c’est l’opinion trop
absolue de la section centrale, ainsi que celle qui a été émise tout à l’heure
par l’honorable M. Vanden Eynde, qui donnent à l’amende ce caractère de
réparation civile exclusivement.
D’après la législation actuelle, d’après la
jurisprudence des tribunaux et notamment d’après un arrêt de la cour de
cassation de Bruxelles, du 3 janvier 1827, l’amende a été et continue encore à
être considérée comme peine et pas autrement. Si maintenant on veut en changer
le caractère, eh bien ! on pourra le faire lors de la
révision de la loi générale.
Mais lui donner ce caractère actuellement, ce
serait, je le répète déranger complètement l’économie de cette loi, et cela
pourrait, messieurs, donner lieu à beaucoup d’inconvénients. Je persiste donc à
demander le retranchement des trois derniers mots du second paragraphe de
l’art. 27 proposé par la section centrale.
Quant à
l’amendement de l’honorable M. Demonceau, je crois qu’il améliore
singulièrement l’art. 207 de la loi générale qui est peu clair et qui, je
crois, n’a pas encore reçu d’application quant aux assureurs de fraude. Or, il
importe d’atteindre ces derniers et l’on y parviendra peut-être en adoptant
l’amendement de l’honorable M. Demonceau, tel qu’il est formulé.
M.
Verhaegen. - Messieurs, une extinction de
voix ne me permettra que de vous dire quelques mots et je crains fort de ne pas
me faire entendre ; je conviens, avec l’honorable M. Dubus, que l’on peut
déroger à des principes généraux par une loi spéciale. Toute la question se
réduit donc à savoir si dans l’espèce il convient de déroger aux principes du
droit commun ; et la négative me paraît évidente : Dans le système de notre
législation, telle qu’elle existe et telle que nous voulons la compléter,
l’amende reste une peine.
Pour que l’opinion de l’honorable M. Dubus pût
être accueillie, il faudrait que, d’après les changements que nous allons
introduire dans la législation existante, l’amende ne soit plus considérée
comme une peine. Or, elle continue à être considérée comme une peine et je le prouve
: S’il y a des circonstances aggravantes, si, par exemple, la fraude se fait en
bandes ou au moyen de cachettes, c’est l’emprisonnement qui remplace l’amende.
L’amende reste donc une peine dans le sens de la loi qui nous régit. En cas
d’insolvabilité, le délinquant est condamné à l’emprisonnement, considéré comme
équivalent de l’amende, et encore une fois dans le système de la législation
actuelle, l’amende est considérée comme une peine.
Maintenant, messieurs, et je voudrais bien qu’on
pût me répondre à cet argument ; car si les honorables membres dont je combats
l’opinion, voulaient y persister, ils devraient apporter un changement à
l’amendement de la section centrale, si un délinquant meurt avant la
condamnation, et s’il laisse des héritiers insolvables, ceux-ci seront-ils
condamnés à l’emprisonnement ? On me fait un signe négatif ; cependant les
héritiers seraient civilement responsables de l’amende, et à défaut de payer
l’amende, on devrait les mettre en prison ; telle au moins, serait la conséquence
du système de la section centrale. Il suffit d’exposer ce système pour le saper
par sa base.
Messieurs, dans le système de la législation que
nous discutons et que vous voulez améliorer, vous avez considéré l’amende comme
une peine. Donc, pour rester d’accord avec vous-même, vous ne pouvez pas
vouloir que l’on applique l’amende à des personnes civilement responsables.
Si vous adoptez l’opinion de la section
centrale, un domestique pourra ruiner son maître, un mineur pourra ruiner son
père, sans qu’il y ait la moindre faute à reprocher au maître ni au père.
Pareille opinion est-elle admissible ? Mais, me dira-t-on, un maître pourra
profiter de la fraude que fera pour lui son domestique, le père pourra profiter
de la fraude que fera son fils. Mais, messieurs, s’il en était ainsi, ce ne
serait plus comme civilement responsable qu’il faudrait poursuivre le maître ou
le père, mais il faudrait le poursuivre comme complice, comme auteur de la
fraude.
Ainsi, vous
n’avez pas besoin, dans ce cas, de la responsabilité civile, vous n’en avez
besoin que dans le cas où le maître n’a aucune connaissance de la fraude de son
domestique, où le père n’a aucune connaissance de la fraude de son fils et
voyez alors les conséquences ; je suppose qu’un individu demeurant près de la
frontière envoie son domestique faire une commission, celui-ci revient et
fraude pour son compte, sans que le maître n’en sache rien aux termes de la
disposition proposée par la section centrale le maître sera responsable. Est-ce
là ce que vous voulez ? Ayez le courage de le dire, si c’est là votre système,
je me permets de le qualifier d’exorbitant. Il est d’ailleurs contraire, je le
répète, aux principes du droit commun auxquels, il est vrai, vous pouvez
déroger, mais auxquels il ne convient pas de déroger pour toutes les raisons
que j’ai développées.
M.
Demonceau. - Messieurs, je n’ai rien à ajouter à ce que vient de dire l’honorable
M. Dubus pour justifier la proposition que j’ai faite. Je n’ai entendu en
aucune manière, en faisant cette proposition, restreindre l’application des
articles du code pénal en ce qui concerne la complicité ; j’ai voulu lever un
doute que j’avais trouvé dans la disposition de l’art. 207 de la loi générale,
rien de plus. Et si mes honorables collègues pensent qu’il convient d’adjoindre
à mon amendement la proposition faite par l’honorable député de Bruxelles, pour
mon compte je m’y rallierai volontiers, parce que je veux rendre la loi la plus
claire possible.
Quant à ce qui concerne la proposition faite par
la section centrale, je vous ai dit hier que rien ne s’opposait à ce que dans
une loi spéciale vous établissiez le principe qu’elle consacre. Mais la
question est de savoir s’il convient d’établir ce principe. Je crois que
maintenant la loi générale dans ses dispositions telles qu’elles sont conçues
aujourd’hui et telles qu’elles sont appliquées par les tribunaux, il convient
de ne rien changer ; je pense que cela sera prudent pour éviter à
l’administration des procès qui pourraient l’entraîner plus loin qu’on ne
pense. Il serait donc préférable de supprimer les mots « et les personnes
civilement responsables ». Ainsi, messieurs, toutes les opinions qui se
sont fait jour dans cette enceinte pourront se faire jour devant les tribunaux,
et ceux-ci verront s’il faut faire application de la loi générale dans le sens
que lui attribuent les uns ou dans le sens que lui attribuent les autres.
- La discussion est close.
M. le
président. - L’honorable M. Demonceau s’étant rallié au sous-amendement de M.
Orts, je mets sa proposition sous-amendée aux voix ;
- L’amendement de M. Demonceau sous-amendé par
M. Orts est adopté et remplacera le 1er § de l’art. 27 du projet de la section
centrale.
- La suppression au second paragraphe des mots
« et les personnes civilement responsables », est mise aux voix, elle
est adoptée.
Le second paragraphe ainsi modifié ainsi que
l’ensemble de l’article sont adoptés.
Article
28
« Art. 28. Les deux premiers paragraphes de
l’art. 247 de la loi générale sont abrogés.
« Le mot autres, au commencement du 3ème paragraphe du même article est
supprimé.
« Si, dans les cas prévus par le deux
paragraphes qui précèdent, la marchandise saisie est susceptible de
dépérissement, l’administration pourra faire procéder à la vente
sur-le-champ. »
- Cet article est adopté.
« Art. 29. Les articles 252 et 253 de la
loi générale sont abrogés.
« Toute saisie de marchandises opérées à charge
d’inconnus et dont la valeur n’atteindra pas cent francs, sera valable sans
jugement, si, dans un délai de deux mois, à partir de la clôture du
procès-verbal, il n’a pas été fait d’opposition de la part du propriétaire de
ces marchandises.
« Il en sera de même des saisies faites à
charge de personnes connues, pourvu que la valeur de la marchandise ne dépasse
pas cinquante francs, et que l’administration ne réclame pas l’application de
la peine d’emprisonnement ou le payement d’une amende. »
M. le
ministre des finances (M. Smits) - Messieurs, la section centrale a admis la
rédaction du gouvernement, mais elle y ajoute un paragraphe nouveau pour
permettre que la marchandise saisie dans les cas des deux paragraphes
précédents et qui serait susceptible de dépérissement, puisse être vendu
immédiatement. Il me semble, messieurs, que les deux premiers paragraphes de
l’article ne donnent pas assez de latitude à l’administration, notamment quand
il s’agit d’une saisie de poisson, par exemple. Il peut arriver qu’on saisisse
une quantité de poisson dont la valeur excède 50 ou 100 francs, et dans ce cas,
l’administration n’aurait plus aucun moyen de s’assurer des droits acquis au
trésor. Il me paraît, d’après cela, qu’il faudrait rendre le troisième
paragraphe moins limitatif, L’art. 243 de la loi générale suffit pour les
objets de mode, mais il ne s’étend pas aux objets dont je viens de parler, aux
objets qui sont susceptibles de s’avarier promptement. Je proposerai, en
conséquence, à la chambre de remplacer le troisième paragraphe de la section
centrale par une rédaction plus générale, et de dire :
« Par modification à l’article 243 de la loi
générale, le directeur ordonnera la vente immédiate de toutes les marchandises
saisies susceptibles de dépérir par un dépôt de quelques jours. »
- La proposition de M. le ministre des finances
est mise aux voix et adoptée.
L’article ainsi amendé est également mis aux
voix et adopté.
Articles
30 à 32
« Art. 30. Tout employé démissionnaire ou
destitué pour quelque cause que ce soit, sera tenu de rester à son poste
jusqu’à ce que sa démission ou sa révocation lui aura été notifiée par
l’administration, et devra, avant de le quitter, remettre à son chef immédiat,
sa commission, ses armes, boutons, schako et autres signes distinctifs de
l’uniforme.
« Toutefois le prix de ses armes, boutons,
schako et autres signes distinctifs, si le tout est devenu sa propriété, lui
sera payé d’après estimation à faire par l’administration.
« L’employé destitué ou démissionnaire, qui
contreviendrait aux dispositions du 1er § du présent article, sera puni d’un
mois d’emprisonnement. »
« Art. 31. Les frais de déchargement, de
rechargement, de déballage et de plombs, faits par suite de vérification à
l’entrée ou à la sortie du royaume et des entrepôts, ainsi que les frais des
vérifications qui précèdent la réexportation, sont à la charge des
déclarants. »
« Art. 32. Les ouvriers, porte-faix et
hommes de peine employés en douane par le commerce, devront être agréés par les
directeurs qui auront toujours le droit de les révoquer. »
- Ces trois articles sont adoptés sans
discussion.
Article additionnel proposé par M. Dubus (aîné)
M. le
président. - La chambre passe à l’article additionnel proposé par M. Dubus
(aîné), et qui est ainsi conçu :
« Art.... Tout employé de l’administration des
douanes qui, directement ou indirectement, aura participé à un fait ou
tentative de fraude, soit en aidant ou assistant les auteurs ou complices dans
les faits qui l’auront préparé ou facilité, ou dans ceux qui l’auront consommé,
soit en se concertant avec les auteurs ou complices, soit en agréant des offres
ou promesses ou en recevant des dons ou présents, soit en laissant se consommer
la fraude, lorsqu’il pouvait l’empêcher, soit de toute autre manière, sera puni
d’un emprisonnement de 2 à 5 ans et, en outre, déclaré incapable à jamais
d’exercer aucune fonction publique. »
M.
Dubus (aîné). - Pour justifier la proposition que j’ai eu
l’honneur de vous soumettre, messieurs, je dois d’abord appeler votre attention
sur l’état de la législation actuelle, en ce qui concerne les employés des
douanes.
Quant à la loi générale sur les droits d’entrée
et de sortie, je n’y ai trouvé d’autres dispositions que celle de l’art. 318,
qui est ainsi conçu :
« Les employés devront se contenter des
revenus qui leur sont ou seront accordés par nous ; et ne pourront rien
recevoir au-delà de ce qui leur est légalement alloué, nonobstant les offres
qui leur seraient librement ou volontairement faites à cet égard, ni sous
quelque prétexte que ce soit ; le tout sous les peines prononcées par les lois
et indépendamment de la destitution, suspension et telles autres dispositions
administratives que les circonstances pourront rendre nécessaires. »
Cette disposition, messieurs, ne prévoit point
directement les cas prévus par ma proposition, et elle renvoie du reste aux
lois : « Le tout, y est-il dit, sous les peines prononcées par les lois. »
Il faut donc recourir aux lois antérieures ; à
défaut de loi spéciale, il faut recourir au code pénal. Or, voici les
dispositions du code pénal qui sont relatives à la matière :
D’une part l’art. 60 de ce code prescrit de
punir comme complice « ceux qui auront, avec connaissance, aidé ou assisté
l’auteur ou les auteurs de l’action dans les faits qui l’auront préparés ou
facilités, ou dans ceux qui l’auront consommés. »
Cet article punit encore comme complice « ceux
qui ont provoqué à l’action qualifiée crime ou délit, ou donné des instructions
pour la commettre. »
Voilà pour la participation active ; la peine
n’est autre que la peine portée contre l’auteur même du délit, c’est-à-dire
dans le cas de la loi actuelle, contre le fraudeur. Ainsi, l’employé
prévaricateur qui aurait participé lui même à la fraude qu’il avait mission de
réprimer, ne serait pas punie plus sévèrement qu’un fraudeur ordinaire.
D’une autre part, l’art 177 du code pénal porte
:
« Tout fonctionnaire de l’ordre
administratif et judiciaire, tout agent ou préposé d’une administration
publique, qui aura agréé des offres ou promesses, ou reçu des dons ou présents
pour faire un acte de sa fonction ou de son emploi, même juste, mais non sujet
à salaire, sera puni du carcan, et condamné à une amende double de la valeur
des promesses agréées ou des choses reçues, sans que ladite amende puisse être
inférieure à deux cents francs. La présente disposition est applicable à tout
fonctionnaire, agent ou préposé de la qualité ci-dessus exprimée qui, par
offres ou promesses agréées, dons ou présents reçus, se sera abstenu de faire
un acte qui entrait dans l’ordre de ses devoirs. »
Ainsi, si la prévarication de l’employé
consistait simplement à s’être abstenu moyennant le
prix qu’il aurait reçu, cet employé serait beaucoup plus puni que s’il avait
coopéré lui-même activement à la fraude ; il serait puni de la peine du carcan,
tandis que dans l’autre cas, il ne serait puni que comme les fraudeurs
ordinaires.
C’est donc lorsque le délit serait plus grand
que la peine serait moindre, et lorsque l’employé se serait simplement abstenu
et serait puni de la peine du carcan, que l’on désire voir rayer du code pénal,
et que vous avez, messieurs, effacée déjà vous-mêmes d’un article de la loi
générale relative aux droits d’entrée, de sortie et des accises, article dans
lequel vous avez, en ce qui concerne les fraudeurs en récidive, remplacé la
peine du carcan par celle de l’emprisonnement, qui est beaucoup plus efficace.
En effet, messieurs, la peine du carcan qui répugne à nos mœurs, amènerait
presque certainement un acquittement devant le jury, tandis que la peine
d’emprisonnement sera appliquée toutes les fois que le prévenu sera convaincu.
S’il fallait donc s’en tenir aux dispositions du
code pénal que je viens d’indiquer, il y aurait déjà un double motif pour les
remplacer par une disposition nouvelle ; d’abord parce qu’il n’y a point
d’harmonie entre les peines pour les différents cas auxquels ces dispositions
s’appliquent ; en second lieu, parce que pour un de ces cas il y a une peine
qui n’amènera point une impression véritable, puisque cette peine répugnant à
nos mœurs, amènerait presque nécessairement un acquittement.
Mais il y a des dispositions spéciales
antérieures ; et en effet, une loi du 13 floréal an XI, dans son art.
« Tous préposés des douanes et toutes
personnes chargées de leur prêter main forte, qui seraient convaincus d’avoir
favorisé les importations ou exportations d’objets de contrebande, même sans
attroupements et port d’armes, seront punis de la peine des fers, qui ne pourra
être prononcée pour moins de cinq ans ni pour plus de quinze. Ils seront punis
de la peine portée au § 1er de l’article 4 ci-dessus, si la contrebande qu’ils
auront favorisée a été faite avec attroupements et port d’armes. »
La peine portée au § 4, est la peine de mort, de
sorte que la loi du 13 floréal an XI qui a le même objet que la disposition que
je propose, prévoit le cas où les préposés des douanes seraient convaincus
d’avoir favorisé les importations ou les exportations, et les punit soit de la
peine des fers depuis 5 jusqu’à 15 ans, soit de la peine de mort. La peine des
fers n’est plus dans notre code pénal et y est remplacé par les travaux forcés.
Cc sont donc encore ici des peines tout à fait exorbitantes et auxquelles il y
a nécessité, si l’on veut une répression véritable de cette sorte de délits,
d’en substituer d’autres.
Du reste, la loi du 13 floréal an XI, est-elle
encore en vigueur ? c’est ce dont ou pourrait douter.
Je remarquerai toutefois qu’elle a survécu au code pénal de 1810. Voici en
effet ce que porte l’article 484 de ce code :
« Dans toutes les matières qui n’ont pas
été réglées par le présent code et qui sont régies par des lois et règlements
particuliers, les cours et les tribunaux continueront de les observer. »
Et les orateurs du gouvernement qui ont soutenu
la discussion de cet article devant le corps législatif, ont formellement
compris les lois de douane parmi les lois et règlements particuliers qui
demeureraient en vigueur.
D’après cela, il me paraît qu’on doit tenir que
la loi du 13 floréal an XI, qui a été en vigueur en Belgique, puisque
Et il résulte de la loi française du 21 avril
1818 sur les douanes, que cette loi de l’an XI était aussi considérée comme
demeurée en vigueur en France ; car l’article 39 de cette loi française porte :
« Les peines prononcées par l’art. 6 de la
loi du 13 floréal an XI, contre les préposés des douanes qui favorisent la
contrebande, sont communes à ceux qui, avant d’avoir été rayés des contrôles,
seraient surpris portant eux-mêmes de la contrebande. »
Cet article, comme on voit, suppose
manifestement que l’art. 6 de la loi du 13 floréal an XI est demeuré en pleine
vigueur en France, et en détermine même l’application dans le cas particulier
qu’il avait pour objet.
Messieurs, s’il fallait également chercher, dans
les lois antérieures sur la douane, des dispositions applicables aux cas pour
lesquels j’ai recouru tout à l’heure à l’art. 177 du code pénal, c’est-à-dire,
le cas où les employés auraient reçu quelques dons ou présents pour s’abstenir,
je trouve une disposition semblable dans une loi sur la douane, publiée aussi
en Belgique, la loi du 4 germinal an II, dont l’art. 4 est ainsi conçu :
« Si les préposés des douanes reçoivent
directement ou indirectement quelques récompenses, gratifications ou présents,
ils seront condamnés aux peines portées par le code pénal contre les
fonctionnaires qui se laissent corrompre. »
La peint comminée par le code pénal d’alors, est
la dégradation civique ; c’était donc encore une peine criminelle.
Quant à moi, j’ai pensé qu’il fallait se borner
à comminer une peine correctionnelle ; j’ai pensé aussi qu’une disposition du
code pénal nous indique en quelque sorte la peine applicable.
J’ai proposé d’appliquer ici la peine portée par
l’art. 171 du code pénal. Les articles 169, 170 et 171 du code pénal sont
relatifs aux percepteurs, aux commis aux perceptions et à tous les comptables
publics, qui auraient détourné ou soustrait des deniers publics, etc., qui sont
entre leurs mains en vertu de leurs fonctions.
L’employé qui a mission de réprimer la fraude et
qui, au contraire, la favorise, me paraît pouvoir être tout à fait assimilé au
percepteur qui a mission de recevoir et de conserver les deniers publics et qui
les détourne.
La peine comminée contre le percepteur, est
graduée dans les articles 169, 170 et 171, selon l’importance de la somme
soustraite.
L’art. 171 porte :
« Si les valeurs déterminées ou soustraites
sont au-dessous de trois mille francs, la peine sera un emprisonnement de deux
ans au moins et de cinq ans au plus, et le condamné sera de plus déclaré à
jamais incapable d’exercer aucune fonction publique. »
Il m’a paru qu’une semblable peine était tout à
fait suffisante, et je crois aussi qu’elle amènera une répression efficace, si
tant est qu’il doive se rencontrer des employés prévaricateurs,
Quant à la première partie de l’article, elle a
pour objet de déterminer dans quels cas la peine sera applicable. Je n’ai pas
adopté le libellé de l’art. 6 de la loi du 15 floréal an XI, qui m’a paru
extrêmement vague. La peine était portée contre tout préposé convaincu d’avoir
favorisé les exportations ou les importations. J’ai cru qu’il était utile
d’entrer dans quelques développements pour préciser de quelle manière l’employé
avait favorisé les importations où les exportations.
J’ai donc proposé d’appliquer la peine à
l’employé qui aura participé à un fait ou tentative de fraude : c’est là
l’expression qui domine soit l’article, soit l’énumération : « soit en
aidant ou assistant les auteurs ou complices, etc., soit en se concertant avec
les auteurs ou complices, soit en agréant des offres ou promesses ou en recevant
des dons ou présents, soit en laissant se consommer la fraude, lorsqu’il
pouvait l’empêcher, soit de toute autre manière. »
La peine n’est applicable que lorsque par l’un
ou l’autre de ces moyens, l’employé a participé à un fait ou tentative de
fraude ; ce qui, comme je le disais tout à l’heure, implique nécessairement la
question intentionnelle.
Ainsi toutes les énonciations de l’article sont
dominées par celle- ci : que l’employé aura participé à un fait ou tentative de
fraude. Je crois que l’article ainsi expliqué ne peut donner lieu à aucun abus
dans son application. Je pense que dans tous les cas où par l’un ou l’autre des
moyens indiqués, l’employé aura participé à un fait ou à une tentative de
fraude, il méritera bien la peine que l’article commine ; quant à une peine
plus forte, je craindrais qu’elle ne fût pas appliquée. S’il fallait déclarer
un pareil fait un fait criminel, et prononcer des peines exorbitantes comme
sont celles qui sont portées par les lois que j’ai citées, les peines ne
seraient pas appliquées.
M. Cools. - Je demande
s’il ne faudrait pas étendre cette disposition aux brigades mixtes qui servent
également à la répression de la fraude, concurremment avec les employés de la
douane.
Des membres. - Les brigades n’existent plus.
M. Cools. - Alors mon
observation tombe.
M.
Demonceau. - Il peut se faire que dans des circonstances données, il y ait des
brigades mixtes ; mais alors comme tous les individus faisant partie de ces
brigades sont commissionnés, ils tombent sous l’application de la disposition
proposée par l’honorable M. Dubus.
L’amendement de M. Dubus aîné est mis aux voix
et adopté.
Article
33
La chambre passe à l’art. 33 du projet de la
section centrale. Cet article est ainsi conçu :
« Art. 33. L’art. 224 du code pénal est
applicable à l’outrage fait par paroles, gestes ou menaces, aux agents de
l’administration des douanes et accises dans l’exercice de leurs
fonctions. »
M. le
président. - Reste le dernier article (art. 41), du projet du gouvernement,
article dont la section centrale propose la suppression. Quelqu’un demande-t-il
la parole sur cette proposition ?
M. le ministre des finances (M. Smits) - Messieurs,
la section centrale propose la suppression de l’art. 41 qui est
ainsi conçu :
« Toutes les dispositions légales en
vigueur, non spécialement abrogées par les présentes demeurent maintenues. »
Nous croyons utile de maintenir cet article en
présence de tant de dispositions diverses que contient la loi générale. Si nous
ne le maintenions pas, nous courrions risque de ne pas avoir des moyens
coercitifs suffisants pour réprimer la fraude. Il y a une foule de cas pour
lesquels il est important d’exprimer cette réserve dans la loi.
M.
Mercier, rapporteur. - La section centrale avait considéré cet article
comme inutile, mais non comme pouvant nuire. Puisque M. le ministre pense qu’il
peut en résulter quelques inconvénients, je crois devoir renoncer à la
proposition de le supprimer qu’avait faite la section centrale.
M. Savart-Martel. - Messieurs,
lors de la discussion de la loi sur les vins, et lors de la convention avec
l’Espagne, j’ai dit et répété, qu’entourée de voisins puissants, rivaux et
jaloux de nos industries,
Mais, je le dis à regret, plus nous avancions
dans la discussion, plus je vis d’imperfection dans le projet qui nous est soumis.
Imposer de nouvelles gênes au commerce, tel est
le seul résultat de la loi ; je me trompe, il en est encore deux, c’est
d’augmenter singulièrement le pouvoir discrétionnaire de l’administration
douanière, et d’ajouter à la loi monstre de 1822 de nouvelles complications.
Le principe que dans tout le pays le transport
des marchandises doit être justifié par des passavants, dès qu’elles sont
soumises à des droits d’entrée ou de sortie, s’applique en fait à toute ou
presque toutes les marchandises.
Il est rigoureux, la nécessité me le faisait
admettre ; mais après avoir écrit que les exceptions seraient exactement
établies par la loi, art. 3, et après avoir effectivement indiqué ces
exceptions, article 10, la pénultième finale de ce même article laisse à l’administration
de la douane une latitude qui facilite la règle qu’une loi expresse serait
nécessaire pour créer des exemptions.
On est d’accord que le cas de force majeure ne
peut être imputé aux cautions ou consignataires, art, 6, et on refuse de
l’écrire dans la loi.
On accorde à l’administration communale le droit
de déléguer un préposé, là où il n’y a point de bureau, pour décharger les
acquits ; on ne prévoit pas le cas d’absence de ce préposé, et on refuse à
l’administration qui peut déléguer le droit de faire elle-même la décharge.
L’article 8, qui permet à l’administration de
refuser la circulation aux marchandises étrangères dont les acquits auraient
plus d’un an de date, a une immense portée, car cet article frappe de prohibitions
et met irrévocablement hors du commerce les marchandises entrées depuis plus
d’un an, quoiqu’il fût justifié de l’acquit des droits.
J’y vois des difficultés d’exécution
inextricables et une rétroactivité odieuse, en ce qui concerne les marchandises
étrangères qui déjà existent en Belgique.
S’il est vrai que, sur ma demande, l’art. 10 ait
été augmenté d’un paragraphe qui laisse au gouvernement un pouvoir (dont il
peut user ou non) pour le cas de changement de domicile ou de déménagement, il
reste vrai que les effets des voyageurs, leurs habillements, voire même les
effets les plus indispensables, n’ont aucune exemption dans la loi.
Il reste vrai que l’exemption accordée aux menus
comestibles et denrées, n’a lieu qu’au profit des habitants.
En vain dit-on que, suivant les localités et les
circonstances, l’administration pourra, dans l’intérêt de l’industrie, du
commerce, des fabriques ou de l’agriculture, étendre l’exemption à d’autres
denrées ou marchandises. C’est là une violation manifeste de l’art. 3, qui accroît le principe qu’il n’y aura point d’exception que
celle exactement établie par la loi.
Ce que le pouvoir exécutif même ne pourrait
ordonner, on le laisse à l’administration.
Des établissements industriels existaient avant
1822 sur le territoire qu’on a réservé depuis lors ; et à la volonté du
gouvernement ils seraient fermés, ruinés et annihilé pour la plus légère
contravention, sans que vous permettiez même aux tribunaux d’apprécier les
circonstances.
La raison qu’on a donnée à cet égard est
remarquable, elle est déplorable et souverainement injuste.
C’est, dit-on, que le gouvernement est plus à
même que les tribunaux d’apprécier l’utilité de cette suppression ; voilà donc
ce qu’on considérera : non la gravité de la fraude ou de la contravention, mais
l’intérêt de la douane.
Quant à l’intérêt du père de famille qui sera
vexé et ruiné pour une peccadille, on ne s’en inquiétera point, on ne le mettra
point dans la balance. Cependant la suppression d’un établissement antérieur à
la loi de 1822, d’un établissement érigé sous la foi d’une entière liberté, est
une peine ; les tribunaux seuls peuvent donc l’appliquer.
Il paraît qu’en matière de douane, les plus
grands principes ne méritent aucun respect.
Mais ce qu’il y a de plus déplorable, c’est la
faculté (art. 15), laissée aux employés de l’administration, de pénétrer de
jour, comme de nuit, sans aucune autorisation ou assistance, même hors du
territoire réservé dans tel domicile que ce soit, sous prétexte d’y avoir vu
introduire des marchandises poursuivies. Ce droit odieux qui ouvre aux derniers
agents du fisc à toute heure, à tout moment la demeure du père de famille, et
qui permettra à pareil employé de visiter tous les coins et recoins d’une
habitation, sans la moindre garantie, n’a jamais existé, même sous les droits
réunis. Par cet article on s’est trop occupé des fraudeurs, et pas assez de
ceux qui ne fraudent point. Je ne retracerai point ici les graves inconvénients
de ce droit de visite à domicile, ni les rixes, les excès, les malheurs que je
prévois, j’en appelle à vos réflexions, et à la possibilité de son exécution,
chez chacun de vous à la campagne surtout. J’avais invoqué le grand principe
constitutionnel, portant que le domicile est inviolable, qu’il ne peut être
fait aucune visite que dans le cas prévu par la loi et dans les formes quelle
prescrit, pour démontrer non pas que jamais on ne puisse faire de visite
domiciliaire ; mais au moins il fallait respecter le principe et suivre les
formes qu’avait même consacrées la loi de 1822, mais on s’est mis à côté de la
question pour me répondre.
Si le mépris des principes les plus élevés, si
l’odieux des mesures laissées à la fiscalité amenaient
un grand bien dans l’intérêt commercial, on pourrait peut-être s’en consoler,
mais il n’en est rien.
La majorité des chambres de commerce avait
rejeté l’ensemble du projet ; celles même qui l’adoptaient ne l’avaient fait
qu’avec des modifications qui ont été rejetées.
Cette loi ne contentera peut-être.
Ni le commerce d’Anvers qui ne connaissant que
ses intérêts ne sont point suffisamment protégés contre le trafic interlope, ne
trouvera aucune amélioration sensible dans la loi nouvelle, mais de nouveaux
embarras en pure perte ;
Ni le commerce de Gand qui voulait l’estampille
et la visite intérieure ;
Ni Liége, ni Saint-Nicolas qui, au lieu de
nouvelles gênes, voulaient une augmentation du personnel douanier ;
Ni Bruges qui voulait, à juste titre et presque
uniquement, que le zèle des employés saisissants reçût sa récompense immédiate
;
Ni Verviers, dont les produits si dignes d’une
haute protection n’obtiennent rien par la loi nouvelle, ou fort peu de chose ;
Ni Bruxelles, ni Louvain qui ont en horreur les
gènes, embarras et formalités de la douane, auxquelles ces villes ne sont guère
habituées ;
Ni Mons, ni Charleroy, qui ont
prévu que la loi nouvelle, malgré ses mesures vexatoires et presque
impraticables, n’atteindrait point le but désiré ;
Ni Ostende, dont la chambre de commerce a
déclaré le projet gênant et nuisible pour un port de mer ;
Il ne contentera ni le commerce d’Ypres, ni
celui de Courtray, qui ont fortement désapprouvé les innovations en proclamant
l’insuffisance de la loi, et qui, au lieu d’un essai, ont demandé de refondre
la loi pitoyable de 1822 ;
Ni enfin le commerce de Tournay, qui s’est
plaint de l’omnipotence de la douane, susceptible de mille abus, au moyen de
termes élastiques ; qui trouve d’une sévérité inadmissible la suppression des
fabriques ou débits pour un seul fait de contravention, comme aussi la peine
d’emprisonnement pour de simples dépôts.
Je crains, je le répète, que ce nouvel œuvre ne
contentera aucune localité et en mécontentera beaucoup, surtout lors de
l’exécution.
On nous dit, il est vrai, que c’est à titre
d’essai ; mais une loi générale à titre d’essai, c’est une anomalie, c’est un
non sens ; c’est avouer une faiblesse qui ne doit pas exister. Le commerce ne
réclame point d’essai, il ne vit pas de provisoire, il lui faut une bonne loi,
une loi qui ait de l’avenir ; sinon mieux vaut il attendre. Il n’est permis de
faire d’essai que là où il n’y a rien à perdre ; experimentum in animâ vili.
Une loi générale doit être immuable. Si l’on en
prévoit l’inutilité ou l’insuffisance, mieux vaut-il s’en abstenir. Le commerce
n’a rien à gagner à cette législation qu’on fait défait et refait
périodiquement, de manière que les citoyens ont à peine le temps de connaître
leurs droits et obligations.
J’avais eu l’espoir de voir accueillir le vœu
émis par la chambre de Courtray pour une loi d’ensemble qui comprit tout le
système ; l’essai qu’on nous propose ne peut qu’éloigner le terme de cette loi
nécessaire au pays.
Aujourd’hui, le citoyen, l’administration et les
tribunaux auront à consulter non plus seulement la déplorable loi de 1822, mais
la loi nouvelle et les lois intermédiaires qu’il faudra faire coordonner, enfin
tant d’écritures qu’il y en aurait à suffisance pour chauffer un four.
Ce qu’il faudrait, c’est une loi courte et
claire, composée de trois chapitres, exigeant à peine 30 à 40 articles, au lieu
de 4 à 500 qui nous régissent en ce moment, et qui vont s’augmenter encore de
la loi qu’on nous donne à titre d’essai.
Le premier aurait établi le principe que toute
provenance de l’étranger serait prohibée, sauf les rares exceptions à faire
spécifiquement dans la loi, des tarifs qui grèveraient, suivant les temps et
les circonstances, les marchandises étrangères reconnues nécessaires ou utiles.
Le 2ème chapitre aurait traité des droits et
obligations des citoyens et de la douane.
Le 3ème aurait traité des pénalités.
Dans mon opinion, la prohibition eût été la
règle ; la loi générale eût été immuable ; les tarifs seuls, contenant les
exceptions, auraient pu varier.
Et, pour donner main-forte à cette législation,
j’aurais doublé le personnel inférieur de l’administration, de manière à faire
autour de notre pays une espèce de cordon sanitaire.
Que nous donne-t-on aujourd’hui ? Une loi qui,
au lieu de protéger le commerce, va doubler, tripler les entraves ; une loi qui
expose les habitants à des contraventions dont ils ne se doutent point. Cette
loi sera mise à peine à exécution que les réclamations surgiront de toutes
parts.
Contre la vexation possible, on oppose, il est
vrai, la bienveillance, la sollicitude du fisc, que dis-je ? sa
tendresse pour le contribuable. L’honorable M. Cogels a suffisamment répondu à
cette tendresse du fisc pour les contribuables ; il a consulté les entrailles
du fisc, il les mis à découvert ; il n’y a rien trouvé
de paternel.
D’ailleurs l’homme du fisc, faisant son devoir
consciencieusement, doit être esclave de la loi. Laisser entre ses mains des
mesures arbitraires, c’est le gêner lui-même.
Le ministère n’est, pas plus que nous, désireux
de vexations ; mais, par la force naturelle des choses, il doit abandonner l’exécution
à des employés très subalternes. On ne peut point espérer qu’ils aient tous son
aptitude ni ses sentiments.
Voyez la loi sur le colportage. Au lieu de s’en
servir en faveur du commerce, on tracasse, on vexe d’honnêtes fabricants qui
adressent leurs produits dans de petites villes pour être délivrés aux
marchands mêmes. De bas employés n’admettent point la différence entre des
ventes faites à des marchands et celles qui seraient faites à des particuliers.
Que serait-ce d’ailleurs d’un pays où la tranquillité du foyer domestique, la
fortune, l’honneur et la liberté d’un citoyen dépendraient du zèle plus ou
moins entendu d’un employé très subalterne, souvent dans le besoin, et
intéressé à la vexation ?
S’il faut faire un sacrifice, que ce soit au
moins en faveur d’une forte loi vraiment utile au commerce. Celle qu’on nous
propose ne peut qu’être nuisible ; c’est un palliatif, mais non pas un remède ;
c’est un palliatif d’autant plus dangereux, qu’il reculera une loi forte et
puissante que nous désirons tous. Il en sera de ce besoin du commerce comme des
lois de finances, comme des mesures propres à prévenir les abus du cumul, comme
de la révision de la législation des faillites et sursis, comme du code pénal
militaire et des autres codes. Le congrès national a déclaré l’urgence ; il
nous a ordonné d’y pourvoir de suite, il y a eu douze ans le 7 de ce mois.
Dans l’intérêt même du commercé je voterai donc
contre une mauvaise loi pour en obtenir une bonne.
M. le
président. - Je mets aux voix l’article 4 du gouvernement qui devient l’art. 34 :
« Art. 34. Toutes les dispositions légales en
vigueur non spécialement abrogées par les présentes, demeurent
maintenues. »
- Adopté.
M. le
président. - Comme il y a eu des amendements, le second vote du projet de loi sur
la fraude est remis à jeudi.
M.
Zoude, rapporteur. - Vous avez renvoyé à la commission une pétition
des marchands d’os de Tournay, avec invitation de présenter un rapport avant la
discussion sur les droits de sortie, c’est ce rapport que j’ai l’honneur de
présenter.
(Nous
donnerons ce rapport.)
M. David m’a chargé de vous faire connaître son
opinion relativement à cet objet. Comme son discours est un peu long, je
demanderai la permission de le faire imprimer au Moniteur. (Adhésion.)
L’honorable membre se proposait, quand on en
serait à cet article de la loi, de
proposer un amendement portant le droit à 100 francs. Comme la section centrale
n’a fait aucun accueil au droit de 60 francs qu’on avait proposé, pour ne pas
perdre le temps de la chambre en discussions inutiles, je me dispenserai de
présenter l’amendement de M. David.
M.
Zoude, rapporteur. - Vous avez, messieurs, renvoyé à votre
commission une pétition relative aux charbons de bois sur laquelle je vais
avoir l’honneur de vous présenter le rapport.
(Nous
donnerons ce rapport.)
- Conformément aux conclusions de la commission,
la chambre ordonne le renvoi de la première pétition à MM. les ministres de
l’intérieur et des finances et le dépôt de la seconde sur le bureau pendant la
discussion de la loi sur les droits de sortie, et ensuite le dépôt au bureau
des renseignements.
M.
de Brouckere. - Je demanderai
la permission de faire une motion d’ordre. Il serait à désirer qu’on fixât dès
aujourd’hui le jour de la discussion de la loi sur les sucres. M. le ministre a
demandé qu’on lui accordât pour se préparer, deux jours après la discussion de
la loi sur la fraudé. Maintenant je demanderai, dans l’intérêt d’un très grand
nombre de personnes qui se rendent à Bruxelles, incertaines du moment où
commencera la discussion de la loi sur les sucres à laquelle il leur importe
d’assister, qu’on détermine un jour fixe pour cette discussion.
M. le
ministre des finances (M. Smits) - La chambre a bien voulu consentir à ce qu’il
me fût donné deux jours francs après le vote de la loi sur la fraude, pour
examiner le rapport de la section centrale sur les dernières propositions
relatives à la question des sucres. Ce rapport a été distribué dimanche ou
lundi dernier, et depuis lors, la chambre s’est occupée de la répression de la
fraude, de manière qu’il m’a été impossible de me livrer à l’examen de ce long
travail. Si la chambre maintient la décision qu’elle a prise, si elle consent
toujours à m’accorder les deux jours francs que j’ai demandés, nous arrivons à
lundi, car nous sommes mardi aujourd’hui, et après-demain doit avoir lieu le
deuxième vote de la loi que nous venons de discuter, Pour prévenir tonte
nouvelle remise, je demanderai donc que la discussion de la loi sur les sucres
soit fixée à lundi.
M. le
président. - Si personne n’y fait opposition la proposition de fixer la
discussion de la loi sur les sucres à lundi est adoptée.
M. Cools. - On paraît
embarrassé pour mettre quelque chose à l’ordre du jour d’ici à lundi ; je ferai
observer que nous avons un rapport de M. Mast de Vries sur des créances
arriérées. Je demande que ce rapport soit mis à l’ordre du jour après les
projets de loi sur les droits d’entrée et de sortie.
M.
Mast de Vries. - Ce rapport est plein de chiffres ; il ne pourra
pas être imprimé.
M. le
président. - Nous passons à l’ordre du jour.
Discussion
générale
M. le
président. - Je demande à M. le ministre s’il se rallie aux propositions de la
section centrale
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Ce sont deux
dispositions additionnelles que j’ai proposées moi-même, concernant les cuirs
et les munitions de guerre.
J’engagerai les honorables membres à avoir sous
les yeux les pièces qui leur ont été distribuées relativement au projet dont il
s’agit, ils y trouveront le tableau comparatif du tarif nouveau et du tarif
ancien des droits de sortie ; ils y verront, par exemple, que les
Plusieurs membres. - Nous n’avons pas nos pièces.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je regrette
que messieurs les membres n’aient pas ce tableau sous les yeux. Toute la
question est là.
M. Rodenbach. - Je demande
la remise à demain. Nous n’avons pas sous les yeux les documents dont parle le
ministre ; il faut pouvoir lire les pièces avant de les discuter.
M.
Lebeau. - Je demanderai s’il n’est pas possible de mettre un projet à l’ordre
du jour, après le projet de loi que nous venons de discuter, pour employer le
temps qui va s’écouler, jusqu’à la discussion de la loi sur les sucres. Si nous
ne le faisons pas, il va arriver ce qui a déjà eu lieu l’autre semaine, la
moitié de la semaine sera perdue, et cela
en présence d’un nombre considérable de projets urgents que nous avons à
discuter et dans une session qui devra être abrégée, par cette circonstance que
des élections doivent avoir lieu. Si on continue, cette session sera d’une
stérilité affligeante. Je demande s’il n’y aurait pas moyen d’utiliser le reste
de la semaine, afin de ne pas rester encore trois jours sans rien faire.
Il y a une loi sur les droits d’entrée, le
rapport est fait. On dit que si on commence cette discussion. Il est possible
qu’on ne puisse pas la terminer avant lundi. J’aime mieux, pour ma part, qu’on
commence cette discussion, sauf à la scinder si elle n’est pas terminée avant
lundi, plutôt que de perdre le reste de la semaine. Il y va de la dignité de la
chambre ; je crois ne pas exagérer en m’exprimant ainsi.
Je demande donc qu’on mette à l’ordre du jour la
loi sur le droit d’entrée ou tout autre.
M. Orts - J’en connais
une dont le rapport est fait, c’est la loi sur l’augmentation des traitements
de l’ordre judiciaire.
M. de Garcia. - Les deux projets de
loi indiqués suffisent pour nous occuper d’ici à lundi.
M. Savart-Martel. - Je demande
qu’on s’occupe des traitements de l’ordre judiciaire, si on ni peut pas
discuter la loi sur les droits d’entrée ;
M.
Rogier. - Je m’oppose à la mise à l’ordre du jour du projet de loi relatif à
l’augmentation des traitements des membres de l’ordre judiciaire avant le
projet de loi sur les sucres. Avant de créer de nouvelles dépenses, il faut
songer à créer des recettes ; la loi dés sucres peut avoir cette destination.
Je regrette que M. le ministre des finances ait
cru devoir demander un nouvel ajournement. Voilà le vingtième ajournement que
l’on demande pour cette loi dont toutes les opinions reconnaissent l’urgence.
M. le ministre a demandé deux jours francs pour examiner le rapport très court
de la section centrale. En accordant ces deux jours nous pouvons commencer la
discussion vendredi prochain. Si l’on aborde la discussion de la loi relative
aux droits de sortie, il faudra que le ministre se prépare à la discussion,
qu’il étudie ; ainsi il ne pourra pas étudier la loi sur les sucres.
Je propose de revenir
sur la décision qui vient d’être prise, et de fixer la discussion de la loi sur
les sucres à vendredi, pour que le ministre des finances ait le temps de se
préparer. D’ailleurs, c’est une question que M. le ministre des finances a
parfaitement étudiée. Ce n’est pas le deuxième rapport de la section centrale
qui doit entraver la discussion. M. le ministre des finances entendra sans
doute plusieurs orateurs avant de parler lui-même, avant de formuler un système
définitif ; car nous ne connaissons pas encore le système du gouvernement. Il
faut qu’enfin l’on aborde cette discussion. Beaucoup d’intérêt sont en
souffrance. Voilà assez longtemps que nous retardons cette discussion, réclamée
par toutes les opinions, par tous les intérêts.
Je demande donc que la chambre revienne sur sa
décision, et fixe à vendredi la discussion de la loi sur les sucres.
M. le
ministre des finances (M. Smits) - Je dois réclamer contre l’assertion de l’honorable
préopinant. Je n’ai pas demandé divers délais pour m’occuper de la question des
sucres. J’ai demandé le temps de répondre au rapport de la section centrale.
J’y ai répondu par un travail que la chambre a pu apprécier et qui ne sera pas
inutile dans la discussion.
Lorsqu’il y a 15 jours, la loi sur les sucres a
été mis à l’ordre du jour pour la séance d’hier, on pensait que la loi sur la
fraude ne tiendrait qu’une séance ou deux ; or, voilà la huitième séance qu’on
y consacre. Obligé de m’occuper le matin et le soir des affaires du ministère
et de donner 5 ou 6 heures par jour à la chambre, qu’il a été impossible
d’étudier le dernier rapport de la section centrale. Certes, je ne demande pas
trop en sollicitant deux jours francs pour examiner ce travail. C’est
aujourd’hui mardi. Après-demain jeudi, deuxième voté de la loi sur la
répression de la fraude, qui prendra une ou deux séances. Je n’aurai donc pas
même deux jours pour étudier le rapport de la section centrale.
Du reste, je
consens volontiers à ce que la discussion de la loi sur les sucres soit mise à
l’ordre du jour de vendredi prochain si l’on veut remettre le deuxième vote de
la loi sur la fraude après la discussion de la loi sur les sucres.
M. de Garcia. - La loi sur les
sucres est une des lois les plus importantes. Je crois que le ministre doit
avoir un certain délai pour en apprécier toute l’importance. Cela est d’autant
plus important que, par les écrits qu’on a publiés, on a plutôt cherché à embrouiller
qu’à éclaircir la question ; car je crois que cette matière pourrait être
présentée sous un point de vue beaucoup plus simple qu’elle ne l’a été.
Je suis étonné
d’entendre proposer de revenir sur une décision qui a été prise. On paraît être
d’accord pour s’occuper cette semaine des deux projets de loi sur les droits de
sortie et d’entrée, projets qui doivent être votés le plus tôt possible. Nous
arriverons ainsi à la fin de la semaine ; il n’y aura pas eu de temps perdu. M.
le ministre des finances aura eu un délai convenable pour étudier une question
aussi grave que celle des sucres, et lundi nous pourrons abréger la discussion
de cette loi.
M. Rogier. - Je ferai observer
que M. le ministre consent à ce que la discussion soit fixe à vendredi. Je n’ai
fait ma proposition que parce que j’ai vu qu’on était embarrassé pour remplir
les séances jusqu’à lundi. Nous reconnaissions l’importance d’utiliser nos séances
jusqu’à lundi, si nous ne nous occupions pas de la loi sur les sucres. M. le
ministre adhère à ma proposition ; il consent à l’ajournement du deuxième vote
de la loi sur la répression de la fraude. Il me semble que dès lors tout le
monde doit être d’accord.
M.
Delfosse. - Je crois, comme l’honorable préopinant, que la proposition de M. le
ministre des finances est de nature à rallier toutes les opinions ; M. le
ministre des finances demande deux jours francs pour étudier le rapport de la
section centrale sur la loi des sucres, il est juste de les lui accorder, et il
les aura si la loi des sucres est mise à l’ordre du jour de vendredi et si le
second vote de la loi sur la répression de la fraude n’a lieu qu’après le vote
de la loi des sucres. Il n’y a nul inconvénient à différer de quelques jours le
second vote de la loi sur la répression de la fraude, puisqu’il se passera
plusieurs semaines avant que le sénat soit réuni. L’honorable M. de Garcia
propose de ne commencer la discussion de la loi des sucres que lundi prochain
et de discuter, en attendant, la loi sur les droits d’entrée Je. ferai
remarquer que cette dernière loi est de nature a soulever des questions très
graves, M. le ministre des finances devra les étudier et alors il n’aurait pas,
d’ici à lundi, les deux jours qu’il demande pour étudier le rapport de la
section centrale sur la loi des sucres ; il est temps, messieurs, d’en finir
avec la loi des sucres, il n’y a déjà eu que trop d’ajournement.
Je demande donc, comme
M le ministre des finances et comme l’honorable M. Rogier, que la loi sur les
sucres soit mise à l’ordre du jour de vendredi prochain.
M. Eloy de Burdinne. - Si l’on met à
l’ordre du jour la discussion du projet de loi relatif aux droits d’entrée, M.
le ministre des finances devra prendre part à la discussion ; il ne pourra donc
se préparer à la discussion de la loi sur les sucres, et cette discussion devra
être postposée. Je demande donc que l’on ne mette à l’ordre du jour que des
projets de loi dont le ministre des finances n’ait pas à s’occuper.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il ne s’agit
que des droits de sorties sur lesquels tout le monde est d’accord. Je regrette
que l’on n’ait pas les pièces ; on aurait voté la loi aujourd’hui.
M. Savart-Martel renonce à la
parole.
M. Dubus (aîné). - La proposition qui
est faite tend à renvoyer à une époque indéfinie le deuxième vote de la loi de
répression de la fraude. Ce long intervalle entre le premier et le deuxième
vote peut présenter des inconvénients. Nous avons eu une discussion extrêmement
longue. Maintenant cette matière est présente à nos esprits. Dans quelques
semaines, cette impression sera effacée ; la discussion va recommencer. Je
préférerais que le deuxième vote eût lieu de suite.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Soit !
M. le
ministre des finances (M. Smits) - Il serait préférable, sans doute, de
s’occuper immédiatement du deuxième vote de la loi de répression de la fraude,
parce que les dispositions de cette loi sont présentes à l’esprit de tout le
monde. Dans ce cas, je demanderai que la discussion de la loi sur les sucres
soit fixée à samedi.
M. le
président. - Il est impossible que le projet de répression de la fraude, avec les
amendements, soit imprimé pour demain.
Plusieurs
membres. - Eh bien, que ce soit mis à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.
M.
Osy. - Nous pourrions mettre à l’ordre du jour de la séance d’après-demain
le projet de loi relatif aux péages sur l’Escaut.
M. le
ministre des finances (M. Smits) - J’avais proposé de mettre la loi des sucres à
l’ordre du jour de vendredi mais dans ce cas le deuxième vote de la loi sur la
fraude aurait été renvoyé après la loi sur les sucres.
Maintenant on demande que l’on s’occupe
immédiatement de la loi sur la répression de la fraude. Je conviens que c’est
utile, parce que la discussion est présente à l’esprit de tout le monde. Mais
dans cette hypothèse, je prie la chambre de décider que la discussion de la loi
sur les sucres soit mise à l’ordre du jour pour samedi.
Si la chambre
vent mettre aussi à son ordre du jour le projet de loi relatif aux péages de
l’Escaut, il n’y aurait aucun inconvénient à maintenir pour lundi la discussion
de la loi sur les sucres, car la semaine serait dans ce cas utilisée dans son
entier.
M.
Demonceau. - Nous discutons beaucoup pour gagner un jour ; car la différence
entre samedi et lundi n’est que d’un jour.
On parle de s’occuper immédiatement du second
vote du projet de loi relatif à la répression de la fraude. Mais il est
possible qu’en rapprochant les dispositions de ce projet de loi de celles de la
loi générale, le gouvernement reconnaisse la nécessité de répéter certaines
dispositions de la loi générale. Je crois qu’il est nécessaire que M. le
ministre des finances fasse faire cette comparaison avant le vote définitif. Je
ferai remarquer que cette loi n’est pas moins importante que celle des sucres.
Je pense donc qu’il conviendrait de renvoyer le second vote à vendredi.
Vous pensez que le projet de loi sur les droits
de sortie contentera tout le monde ; mais il est possible qu’il y ait des
objections. Il est avantageux sans doute à certaines industries, soit ; mais il
est préjudiciable au trésor. Je vois toujours que l’on se presse de voter les
lois qui réduisent les revenus du trésor. Malheureusement on n’a pas le même
empressement pour les lois qui peuvent augmenter les ressources du trésor.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - C’est pour
cela qu’il faut voter la loi sur les sucres.
M. de La Coste. - Le projet de loi
relatif aux péages de l’Escaut peut, comme dans les sections, donner lieu à de
longues discussions.
Cette loi n’a donc pas d’urgence, parce qu’il a
été décidé que la chambre devrait s’occuper de la révision. Elle reste en
vigueur quand même la chambre ne s’en occuperait pas. Le délai fixé n’est pas
un délai fatal pour le remboursement du péage, c’est simplement un délai dans
lequel la discussion peut avoir lieu. Ainsi, je le répète, il n’y a point
urgence.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, je ne
puis admettre la dernière opinion exprimée par l’honorable préopinant. Il est
dit dans la loi qu’avant le 1er juin de cette année la législature sera saisie
d’un projet de loi tendant à examiner s’il faut ou non maintenir le bénéfice
des remboursements en faveur des pays avec lesquels il ne sera pas intervenu
d’arrangements de commerce ou de douane. Le gouvernement a rempli cette obligation.
Si la session actuelle était close sans que la chambre eût statué sur le projet
de prorogation, la loi du 5 juin 1839 n’en subsisterait pas moins.
M.
de La Coste. - C’est ce que j’ai dit.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Vous me pardonnerez
; si je vous ai bien compris, vous avez dit qu’il fallait que la chambre
statuât d’ici au mois de juin. (Interruption.)
En un mot, messieurs, c’est une loi comme celle
dont le gouvernement en France, dont le gouvernement en Belgique doit saisir la
chambre, lorsque dans l’intervalle de deux sessions, on fait un changement au
tarif des douanes. Il faut que dans la session suivante on saisisse la chambre
d’un projet destiné à remplacer l’ordonnance ; mais si la chambre ne statue par
sur le projet, l’ordonnance n’en subsiste pas moins.
Si cette
opinion est admise, il n’y a pas urgence pour que la chambre s’occupe, même
dans cette session, du projet relatif au péage de l’Escaut. Mais je tenais à
faire cette observation pour qu’il n’y eût ni surprise ni malentendu.
M. de La Coste. - Je demande la
parole pour un fait personnel.
M. le ministre a paru combattre mon opinion,
mais il a émis précisément les arguments que j’avais fait valoir et sur
lesquels je m’étais fondé pour établir qu’il n’y avait pas urgence.
M.
de Mérode. - Messieurs, si on ne doit pas s’occuper du projet relatif au
remboursement du péage sur l’Escaut, il me semble qu’on peut fixer la
discussion du projet de loi sur les sucres à vendredi, comme l’avait proposé
d’abord M. le ministre des finances.
On dit qu’un retard d’un jour n’est rien. Mais
un jour est beaucoup ; car une session se compose de jours, et nous en perdons une
quantité. Nos séances sont très courtes ; le samedi on part de bonne heure ; le
lundi on vient très tard, de sorte que nous n’avons de véritables séances que
quatre jours par semaine, et encore ne peuvent-elles souvent commencer à
l’heure indiquée.
Quant à moi, je tiens à
ne pas perdre un jour ; je pense qu’il faut arriver le plus tôt possible à la
discussion de la loi des sucres ; qu’on la commence vendredi, si c’est possible
; sinon, samedi. Nous ne pouvons encore avoir des jours sans séances ; car plus
on s’absente, plus on veut s’absenter.
M. Cools - Messieurs, quant à moi, de toutes les
propositions qui sont faites, je donne la préférence à celle qui doit amener le
plus promptement possible la discussion de la loi sur les sucres. Messieurs,
nous avons besoin de ressources, tout le monde en convient, et nous ne faisons
rien pour nous en procurer. Nous sommes saisis d’une dizaine de projets
d’impôts nouveaux ; le rapport sur un seul de ces projets est fait, et je ne
sais par quelle fatalité, la discussion en est toujours retardée.
Messieurs, je crois que
si nous ne pouvons commencer cette discussion vendredi, il vaut l’aborder
samedi. M. le ministre veut examiner le rapport de la section centrale ; eh
bien, il en aura le temps, surtout si nous retardons le second vote du projet
relatif à la répression de la fraude. Si on ne commence pas cette semaine la
discussion de la loi sur les sucres, on s’en ira à la fin de la semaine et
peut-être ne serait-on pas en nombre lundi. J’insiste pour qu’on fixe cette discussion
à samedi prochain,
M. le ministre des finances (M. Smits) - Messieurs,
comme la loi sur la répression de la fraude ne peut-être imprimée pour demain,
on pourrait s’occuper du second vote de cette loi après-demain et commencer
samedi la discussion du projet de loi sur les sucres. (Oui ! oui !) J’en fais la proposition formelle.
M.
Osy. - D’après les explications qui ont été données par M. le ministre de
l’intérieur, je retire ma proposition de mettre à l’ordre du jour le projet de
loi relatif au remboursement du péage sur l’Escaut.
- La chambre fixe à samedi la discussion du
projet de loi sur les sucres, et à jeudi le second vote du projet de loi
relatif à la répression de la fraude.
M. le
président. - Je proposerai de fixer la séance de demain à une heure, pour que les
commissions puissent travailler plus longtemps.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Ne pourrait-on
ouvrir aujourd’hui la discussion générale du projet de loi relatif aux droits
de sortie ?
Plusieurs membres. - Oui ! oui !
Discussion
générale
M. le
président. - La discussion générale est ouverte.
M. Rogier. - Messieurs,
dernièrement une pétition nous est arrivée de la part des briquetiers de Boom,
de Niel et autres communes de la province d’Anvers. Cette pétition avait pour
but de demander une augmentation de droits à l’entrée des tuiles étrangères et
une diminution de droits à la sortie des tuiles indigènes. M. le rapporteur de
la section centrale m’a dit qu’il n’avait pas eu cette pétition.
M.
Zoude, rapporteur. - Je viens encore d’en parler à M. le greffier.
Une seule pétition nous est arrivée de Boom, elle tend à obtenir une
augmentation de droits à rentrée des tuiles hollandaises ; mais je ne me
rappelle pas d’y avoir rien vu qui fût relatif aux droits de sortie. Du reste,
demain, je ferai mon rapport sur cette pétition.
M.
Rogier. - Si M. le rapporteur vent bien nous faire demain son rapport sur
cette pétition, je n’ai plus rien à dire. Je prierai cependant le gouvernement
d’examiner si on ne peut pas admettre une réduction de droits à la sortie des
tuiles.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - D’ici à
demain j’examinerai quels sont les droits actuels à la sortie des tuiles, et
s’il y a lieu de faire une proposition, je la présenterai immédiatement.
M.
Desmet. - Messieurs, il est parlé dans le rapport de la section centrale d’une
contre-enquête, qui aurait eu lieu relativement à la sortie des lins. Vous
savez qu’il y a deux ans une enquête avait été faite sur cet objet par le
département de l’intérieur ; elle concluait à l’établissement d’un certain
droit à la sortie des fins. Mais aujourd’hui je vois dans le rapport de la
section centrale qu’il y a eu une seconde enquête, et que celle-ci conclut
qu’il n’y a pas nécessité d’établir de droits la sortie des lins. Je demanderai
à M. le ministre de l’intérieur s’il peut nous donner quelques renseignements
sur cette seconde enquête, et nous dire comment elle a eu lieu.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je donnerai
demain ces renseignements à la chambre. Tout cela peut trouver et trouvera
mieux sa place dans la discussion des articles.
M.
Hye-Hoys. - Je saisis cette occasion pour demander à M. le ministre de
l’intérieur, s’il n’y a pas nécessité d’examiner s’il ne faudrait pas établir
des droits à l’entrée du lin.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je ferai remarquer
qu’il ne s’agit pas des droits d’entrée en ce moment ; mais seulement des droits
de sortie.
M.
Hye-Hoys. - Je le sais bien ; mais je demande s’il ne conviendrait pas
d’examiner cette question
- La discussion générale est close.
La séance est levée à trois heures trois quarts.