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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du jeudi 9 février
1843
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre, notamment pétition relative aux droits d’entrée
sur les bois étrangers (Cogels)
2)
Motion d’ordre relative aux ventes à l’encan (Delehaye)
3)
Projet de loi prorogeant la loi sur la nomination des membres du jury d’examen
universitaire (Dubus (aîné), Delfosse)
4)
Projet de loi relatif à la répression de la fraude. Discussion des articles Documents
et formalités nécessaires à la circulation des marchandises dans le rayon des
douanes (Smits, de Garcia, Cools, Mercier, Donny,
Demonceau, de Garcia, Demonceau, Donny, Smits,
de Garcia, Desmet, Smits, Mercier, Demonceau,
Mercier, Demonceau, Smits, Mercier, Smits,
Cools, Manilius, Cools, Savart-Martel, Smits, Donny, Smits,
Savart-Martel, Demonceau, Donny, Demonceau, Mercier, Delfosse, Donny, Savart-Martel, Mercier, Donny, Smits,
Donny, Demonceau, Rodenbach, Smits, Rodenbach, Savart-Martel, Mercier, Savart-Martel, Mercier, Huveners, Delfosse, Savart-Martel, Orts, Smits, Mercier,
de Garcia, Savart-Martel, Mercier, Smits, Pirson,
Desmet, Mercier, Zoude, de Garcia, Smits,
de Garcia), obligation de fournir un document
certifiant le paiement des droits pour le coton et la laine sur toute l’étendue
du territoire et/ou droits de recherche à l’intérieur (visites domiciliaires) (Delehaye, Lys, de
Mérode, Mercier, de Mérode,
Delehaye, Smits, Delfosse, Delehaye, Dubus (aîné), Cogels, de La Coste, Demonceau)
(Moniteur belge n°41 du 10
février 1843)
(Présidence de M. Raikem)
M.
Kervyn fait l’appel nominal à midi et demie.
M. Scheyven donne lecture
du procès-verbal de la séance précédente la rédaction en est approuvée.
M.
Kervyn fait connaître l’analyse des pièces de la
correspondance :
« Les négociants et
commissionnaires d’Anvers réclament contre la majoration de droits sur les bois
étrangers, proposée par la section centrale, pour le projet de loi sur les
droits d’entrée. »
M. Cogels. - Messieurs,
on vient de vous donner l’analyse d’une pétition des négociants d’Anvers
relative aux droits d’entrée sur les bois étrangers. J’en proposerai le renvoi
à la commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport. Cette
commission se trouve déjà saisie d’une pétition semblable du commerce d’Ostende
; le rapport pourra se faire simultanément sur les deux pétitions.
- La proposition de M. Cogels est adoptée.
_______________________
« Il est hommage à la chambre, par M. A. Bruno (aîné), de Namur,
d’un exemplaire des deux premiers volumes du code administratif de Belgique,
qu’il vient de publier. »
- Dépôt la bibliothèque,
M. Delehaye. - Messieurs,
dans la séance du 11 janvier dernier, plusieurs négociants et industriels de
Gand ont adressé une pétition à la chambre tendant à faire connaître la manière
dont on éludait la loi sur les ventes à l’encan. Même réclamation des
négociants de Bruxelles a été adressée au conseil communal, et je crois que
celui-ci s’est adressé au gouvernement pour que les abus signalés soient
promptement réprimés. Déjà, le 11 février, j’avais demandé que la pétition des
commerçants de Gand fût renvoyée à la commission des pétitions avec demande
d’un prompt rapport. Jusqu’ici ce rapport n’a pas été fait à la chambre. Je
pense cependant que l’inconvénient signalé est assez grave pour que nous
cherchions à le faire disparaître dans cette session. Je voudrais donc que la
commission des pétitions nous fît sans retard son rapport, qui aura
probablement pour effet le renvoi au gouvernement, afin qu’il nous présente un
projet de loi qui pourra être voté dans le courant de la session actuelle.
M. Dubus (aîné). - Messieurs,
dans votre séance d’hier, M. le ministre de l’intérieur vous a présenté un
projet de loi tendant à pourvoir à la nomination des membres des jurys d’examen
pour les grades académiques pour l’année 1843 ; ce projet a été renvoyé à la
section centrale qui a été chargée de l’examen du projet de révision de la loi
sur l’enseignement supérieur. Elle m’a chargé de vous présenter son rapport.
Cette commission a l’honneur de vous proposer à l’unanimité l’adoption
du projet de loi présenté par M. le ministre. Les jurys d’’examen s’assemblent
à Pâques prochaines. Il n’est pas probable, il n’est même guère possible que,
pour cette époque, le projet de révision de la loi organique de l’enseignement
supérieur ait été à la fois discuté dans cette chambre et au sénat, et converti
en loi. Dès lors, il y a lien de pourvoir par une disposition provisoire à la
nomination des membres du jury d’examen. La disposition présentée à cet effet,
par le gouvernement, est d’ailleurs conforme à celle qui a été votée l’année
dernière. Elle serait ainsi conçue :
« Article unique. Le mode nomination des membres du jury d’examen
établi provisoirement par l’article 41 de la loi du 27 septembre 1835 (Bulletin
officiel, n°652), est maintenu pour l’année 1843. »
« La loi du 27 mai 1837 (Bulletin officiel, n° 133) continuera de
sortir ses effets jusqu’à la fin de la dernière session de la présente année. »
M. le président. - Quel jour
la chambre veut-elle discuter ce projet de loi ?
Plusieurs
membres. - Tout de suite !
M. Delfosse. - Je demande
que ce projet de loi ne soit discuté que demain. il n’y a pas une urgence telle
qu’il faille le discuter séance tenante, alors qu’il n’est pas à l’ordre du
jour.
M. Dubus (aîné). - Je ferai
remarquer que, lorsque ce projet reviendra au sénat, il faudra qu’il nomme une
commission pour l’examen du projet, ainsi qu’il a été fait dans cette chambre.
Il serait donc assez convenable de procéder immédiatement à la discussion du
projet, qui ne paraît pas devoir rencontrer d’opposition dans cette assemblé.
Au moins, les années précédentes, cette mesure a été adoptée sans discussion.
M. Delfosse. - Il n’y
aurait réellement urgence qu’autant que le sénat devrait se séparer demain. Si
je m’oppose à la discussion immédiate, c’est qu’un honorable membre s’est
plaint, l’année dernière, de ce que l’on avait discuté le même projet séance
tenante, sans qu’il fût à l’ordre du jour ; cet honorable membre se proposait
de présenter quelques observations sur le projet, et il n’a pu le faire à cause
de la précipitation que l’on a mise à le voter. La même chose va arriver
aujourd’hui, car je remarque que cet honorable membre est absent.
- La chambre décide qu’elle passera immédiatement à la discussion du
projet.
Personne ne demandant plus la parole, il est procédé au vote par appel
nominal sur l’article unique qui forme le projet et dont M. le rapporteur vient
de donner lecture.
Il est adopté à l’unanimité des 56 membres qui prennent part au vote.
(Un membre, M. Delfosse, s’est abstenu.)
On voté l’adoption :
MM. Cogels, Cools, David, de Baillet, de Behr, de Florisone, de Foere,
de Garda de
M. Delfosse. - Je me suis
abstenu, parce qu’on n’a pas remis la discussion à demain, comme je l’avais
demandé.
PROJET DE LOI RELATIF A
M. le président. — Dans la
séance d’hier, la clôture de la discussion générale a été demandée, elle été
mise aux voix, mais la chambre n’était plus en nombre. Je la mets de nouveau
aux voix.
- La chambre adopte la clôture de la discussion générale et passe à la
délibération sur les articles du projet.
Importations et exportations
Article
1
« Art. 1er. Par modification à l’art. 143 de la loi générale du 6
août 1822 (Journ. Offic., n° 38), le transport des
marchandises importées exemptes de droits à rentrée, mais assujetties à des
droits de sortie, ainsi que le transport des marchandises destinées à l’exportation
exemptes de droits à la sortie, mais imposées à l’entrée, devront être
justifiés par des passavants de douane. »
M. le ministre des finances
(M. Smits) - Messieurs, il y a une seule différence entre la rédaction du gouvernement
et celle de la section centrale. Dans la rédaction du gouvernement on s’était
servi des termes suivants : ainsi que le transport des marchandises exportées.
La section centrale s’est servie d’une autre expression ; elle dit : des marchandises destinées à l’exportation.
En effet, il ne s’agit pas des marchandises déjà exportées, parce qu’alors le
fait est consommé. Il ne s’agit pas non plus des marchandises destinées à
l’exportation ; car une marchandise peut être destinée à l’exportation et
rester encore en magasin. Je crois que le terme le plus convenable à employer,
c’est celui de : marchandises en cours
d’exportation.
M. Mercier, rapporteur, déclare se
rallier à cette rédaction.
- L’amendement de M. le ministre des finances est adopté.
L’art., ainsi modifié, est mis aux voix et adopté.
Transport intérieur
Article
2
« Art. 2. Les art. 157, 158, 159, 160 et 161 de la loi générale prémentionnée sont abrogés. »
- Adopté.
« Art. 3. Aucune marchandise expédiée d’un endroit à un autre du
royaume, ne pourra circuler ni être chargée ou déchargée, sans être accompagnée
d’un acquit-à-caution ou d’un passavant, sauf les exceptions expressément
établies par la loi. »
M. de Garcia. - Messieurs,
dans l’article proposé par le gouvernement il y avait une sorte de redondance
que la section centrale fait disparaître ; mais il me semble qu’elle en a
laissé subsister une autre.
Voici comment était conçu l’article du gouvernement :
« Aucune marchandise imposée ou non à l’entrée ou à la sortie, et
expédiée d’un endroit à un autre du royaume, ne pourra circuler ni être chargée
ou déchargée, sans être accompagnée d’un acquit-à-caution ou d’un passavant,
sauf les exceptions expressément établies par la loi. »
La section centrale a supprimé les mots :
« imposée ou non à l’entrée ou à la sortie, » et elle a bien fait,
puisque les mots « aucune marchandise » comprend tout ; mais pourquoi
laisser subsister « expédiée d’un endroit à l’autre du royaume, »
lorsque cette idée est parfaitement rendue par les mots qui suivent : « ne
pourra circuler ? » Quand on parle de circulation il est évident qu’il
s’agit d’objets expédiés d’un endroit à l’autre. Je proposerai donc de
supprimer les mots : « expédiée d’un endroit à l’autre du royaume, »
M. Cools. - Messieurs,
je n’ai pas la loi générale sous les yeux, mais M. le rapporteur pourra dire si
l’observation que je vais faire est fondée. L’art. 3, dont nous nous occupons,
est destiné à remplacer l’art. 157 de la loi générale ; eh bien, dans cet
article la circulation dans le rayon était considérée comme la règle, et la
circulation dans le reste du pays comme l’exception ; il est bien évident que
l’art. 3 ne doit s’appliquer qu’à la circulation dans le rayon des douanes ;
cependant d’après la rédaction de cet article, il semblerait être applicable au
pays tout entier. Je crois qu’il faudrait dire : « ne pourra circuler dans
le rayon réservé ni y être déchargée. » Cette rédaction ne changerait pas
la disposition, mais la rendrait plus claire.
M. Mercier, rapporteur. - Je crois,
messieurs, qu’il faut laisser la rédaction telle qu’elle se trouve dans le
projet de la section centrale. Cette rédaction admet, comme loi générale, la
règle que toute marchandise devra être accompagnée d’un document de la douane ;
si nous avions affaire à une loi nouvelle, nous n’aurions probablement pas posé
cette règle générale ; mais comme nous ne faisons qu’introduire des
modifications dans la loi existante, il faut qu’il y ait harmonie entre elle et
celle que nous faisons, la loi actuelle établit d’abord, en règle générale :
que toute marchandise doit être accompagnée de documents, mais à la suite de
cette règle viennent les exceptions qui s’appliquent à tout le territoire du
royaume, à l’exception du rayon des douanes, ces exceptions nous les
maintenons. Je pense dès lors qu’il ne peut être donné aucune suite à
l’observation de l’honorable M. Cools.
Quant à la remarque de l’honorable M. de Garcia,
je vous avoue, messieurs, que je ne saurais pas trop y faire d’objections.
L’art.
M. Donny. - Je ne puis,
messieurs, partager la manière de voir de l’honorable M. de Garcia, qui pense
qu’il y a redondance dans l’art. 3. par la raison que les expressions
« expédiées d’un endroit à l’autre du royaume, » sont ajoutées aux
mots : « circuler.» Suivant moi, messieurs, « d’un endroit à
l’autre » veut dire « d’une ville à l’autre, »
et le mot « circuler » s’applique également à la circulation dans
l’intérieur des villes. Si l’on supprime les expressions « expédiées d’un
endroit à l’autre », on pourra entendre la loi dans ce sens, qu’il faudra
être muni d’un passavant ou d’un acquis-à-caution,
rien que pour transporter des marchandises d’un magasin à un autre, rien que
pour traverser une rue. Or, je crois que ce serait donner à la loi un effet
beaucoup trop rigoureux. Je demande donc que l’on s’en tienne à la rédaction
qui a été proposée.
M. Demonceau. - Je voulais
précisément faire les observations qui viennent d’être présentées par
l’honorable M. Donny quoique la rédaction ne soit pas des plus convenables, je
crois cependant qu’en présence le la loi générale, il faut laisser la disposition
telle qu’elle est.
M. de
Garcia. - Messieurs, toute la question est dans la manière d’entendre les mots
« expédiées d’un endroit à l’autre du royaume. » L honorable M. Donny dit
que cela signifie transporter d’une ville à une autre ville, d’une commune à
une autre commune ; je ne sais pas ce qui justifie cette interprétation ; il
est certain que si l’administration veut vexer, elle pourra appliquer les mots
dont il s’agit à toute espèce de transport, à celui par exemple, qui se ferait
d’un faubourg à un autre faubourg, d’un faubourg à l’intérieur de la ville,
d’une extrémité de la ville à l’autre extrémité. Si l’administration le veut,
la rédaction de l’art. 3 suffira pour interdire toute espèce de circulation.
M. Demonceau. - Je
reconnais, messieurs, que la rédaction est vicieuse ; mais prenez tous les
articles de la loi générale, vous n’en trouverez pas un seul qui ne laisse
beaucoup à désirer sous ce rapport. Il ne faut pas perdre de vue que cette loi
générale est le vade mecum
de ceux qui sont chargés d’exécuter la loi ; dès que vous y changerez un mot,
ils croiront que vous avez voulu changer toute la loi.
M. Donny. - L’honorable
M. de Garcia n’entend pas comme moi les expressions : « expédiées d’un
endroit à l’autre du royaume. » Je me permettrai de lui faire observer que
l’article est extrait textuellement d’une loi qui est exécutée depuis nombre
d’années et dont les expressions ont acquis, par cette exécution, un sens
déterminé. Eh bien, jusqu’ici les mots : «d’un endroit. du royaume à un
autre » ont toujours été entendus comme je les ai expliqués.
M. le ministre des finances
(M. Smits) - En effet, messieurs, l’art. 3 qui nous occupe, est extrait de la loi
générale, et il importe à la bonne exécution de la loi que nous faisons, quelle
soit autant que possible conforme aux précédents. Si l’on changeait la
rédaction actuelle, les employés pourraient se méprendre sur le sens de la loi,
et cette méprise donnerait souvent lieu à de graves inconvénients, d’abord à
des procès-verbaux, ensuite à des procès. Par les
expressions « d’un endroit du royaume à un autre, » on a toujours
entendu « un déplacement de certaine importance ; » mais jamais de la rue
d’une ville fermée à une autre rue de la même ville. Si donc on supprimait ces
expressions, il pourrait en résulter que l’on comprendrait que l’article doit
s’appliquer au transport dans l’intérieur des villes. Or, il se trouve
plusieurs villes dans le rayon des douanes, entre autres Menin, Furnes, et il
ne peut entrer dans la pensée de personne de gêner leur mouvement intérieur. Il
faut donc maintenir la rédaction actuelle, afin que la loi continue à être
interprétée comme elle l’a été jusqu’à présent.
M. de
Garcia. - Je ne tiens pas d’une manière absolue à la suppression que j’ai
proposée ; mais puisqu’on m’a objecté la loi générale, je demanderai que l’on
adopte littéralement les expressions de cette loi et que l’on dise :
« d’un endroit à destination d’un autre endroit du royaume. » Selon
moi, il y a une différence réelle entre cette rédaction et celle qui est
proposée par la section centrale. Je ne pense pas, je le répète, que par : « d’un
endroit à un autre, » on puisse entendre « d’une commune à une autre
commune. »
M. Desmet. - Je ne
demande pas, messieurs, que l’on change la rédaction, mais il me semble qu’il
est difficile de l’entendre comme l’explique M. Donny ; nous avons des villes
qui ont 7 lieues de tour, 2 lieues de diamètre ; comment voulez-vous que les
mots : « d’un endroit à un autre, » ne s’appliquent pas aux transports qui
se feraient, par exemple, de l’une extrémité à l’autre de ces villes, ou d’une extrémité
d’une semblable ville à l’intérieur.
M. de Garcia déclare
retirer son amendement.
- L’article est mis aux voix et adopté, tel qu’il a été proposé par la
section centrale.
Article
4
« Art. 4. L’acquit-à-caution est requis :
« 1° pour le transport des marchandises prohibées à la sortie ou
soumises à des droits d’exportation dépassant de 4 p. c. de valeur ;
« 2° pour le transport de toutes autres marchandises, dont le droit
de sortie s’élève à 20 francs ou plus pour un même chargement.
« Sont considérées comme formant un même chargement, les petites
parties de marchandises transportées par plusieurs personnes circulant ensemble
« Le passavant est requis dans tous les cas où le transport des
marchandises n’est pas soumis à la levée d’un acquit-à-caution. »
- Adopté.
« Art 5. Les acquits-à-caution et passavants seront délivrés sur une
déclaration détaillée, faite dans la forme présente au chapitre XIII de la loi
générale prémentionnée, et avec indication de la
route à tenir, ainsi que des bureaux ou postes où ces documents devront être
visés à leur passage. »
M. le ministre des finances
(M. Smits) - La section centrale demande la suppression du deuxième paragraphe du
projet du gouvernement ; je ne puis partager son opinion.
Je crois le paragraphe utile, parce qu’il donne
aux négociants la faculté de faire leurs déclarations au bureau le plus voisin
du chargement de la marchandise. Un autre avantage qui en résulte, c’est que
les déclarations pour le transport s’éparpilleront dans un grand nombre de
bureaux et rendront conséquemment les vérifications plus faciles et plus
expéditives.
M. Mercier, rapporteur. - La section
centrale a proposé d’abord la suppression de la seconde partir du deuxième
paragraphe de l’art. 5, parce qu’elle fait double emploi avec l’art. 3 que la
chambre vient de voter. Quant à la première partie du paragraphe, la section
centrale a cru qu’elle devait faire l’objet d’une disposition réglementaire à
prendre par le gouvernement, disposition qui embrasserait certaines mesures
propres à faciliter la levée des documents. En appliquant rigoureusement l’art.
5, tel qu’il est rédigé, il faudrait que les journaux qui doivent accompagner un transport partant de Hal, par exemple,
pour la frontière fussent levés à Bruxelles, parce que le bureau de douane de
Bruxelles serait le plus voisin du lieu de chargement, tandis qu’en n’insérant
pas une semblable stipulation dans la loi, l’intéressé pourrait lever son
document à Mons.
Voilà les deux motifs qui ont dicté la résolution de la section
centrale.
M. Demonceau. - Ne
pourrait-on pas remplacer le mot devra
par le mot pourra ? Alors l’intéressé
aura la faculté d’aller au bureau qu’il trouvera le plus avantageux. Je crois
qu’il est important d’insérer une semblable disposition dans la loi ; alors
elle constitue un droit ; quand elle est simplement écrite dans un règlement,
les employés, pour faire parade de leur zèle, font souvent des difficultés.
Quant à la seconde partie du 2ème paragraphe,
elle fait, il est vrai, double emploi avec l’art. 3 ; mais je dirai encore ici
ce que j’ai dit tout à l’heure, c’est qu’il est convenable d’apporter le moins
de changements de rédaction possibles à la loi générale, quelque vicieuse
qu’elle soit.
M. Mercier,
rapporteur. - Messieurs, il s’est également agi au sein de la section centrale de
substituer le mot devra au mot pourra ; mais on a fait remarquer que ce
mot pourra ôterait à l’article toute
sa portée ; car s’il est facultatif à l’intéressé de faire sa déclaration au
bureau le plus voisin ou de ne pas la faire, l’article devient inutile ; il est
évident que dans tous les cas on ne pourra lui refuser de recevoir sa
déclaration. Je crois donc qu’il vaudrait mieux abandonner au gouvernement le
soin d’indiquer, pour certains cas spéciaux, les endroits où les déclarations
devraient se faire.
M. Demonceau. - D’après les
explications de M. le rapporteur, le mot devra
me paraît devoir être maintenu. Je renonce dès lors à la proposition que
j’avais faite.
M. le ministre des finances
(M. Smits) - Messieurs, il est impossible d’assurer une force obligatoire aux
dispositions réglementaires que l’administration pourrait prendre. L’insertion
dans la loi de la disposition qui est en discussion tend à prévenir
l’encombrement dans certains bureaux. Ainsi, si l’on adopte le mot pourra, toutes les marchandises
destinées au rayon de douane seront déclarées à Mons, par exemple, et les
vérifications deviendront difficiles. Si, au contraire, on adopte la
disposition du projet, les déclarations se diviseront entre tous les bureaux du
royaume, ce qui rendra la surveillance d’autant plus grande. Il convient donc
de maintenir le mot devra ; le mot
pourra rendrait la disposition illusoire. il faut que la disposition soit
obligatoire ou qu’elle disparaisse.
Je demande en conséquence qu’on maintienne le
mot devra, tant pour l’utilité
commerciale que pour la surveillance du service.
M. Mercier, rapporteur. - Je conteste
formellement la nécessité ou même l’utilité commerciale invoquée par M. le
ministre. Il n’est certes pas avantageux au commerce de devoir rétrograder de
trois ou quatre lieues, pour faire les déclarations, au lieu de pouvoir les
faire à un bureau qui se trouve sur le chemin que doit suivre la marchandise.
Et quant à la défense de franchir le rayon des douanes sans que la marchandise
soit accompagnée d’un douanier, elle dérive explicitement de l’art. 5.
Cependant, si réellement l’encombrement dans certains bureaux était a
craindre, ce serait là un motif assez plausible, Quoi qu’il en soit, il est
évident que le gouvernement peut astreindre tel ou tel bureau à recevoir les
déclarations, et qu’il peut y attacher un personnel suffisant pour que le
service des expéditions ne reste pas en souffrance.
La chambre connaît maintenant la difficulté. Elle consiste en ceci :
L’intéressé devra-t-il rétrograder de 3 ou 4 lieues pour lever le document, ou
pourra-t-il le prendre au bureau le plus voisin qui se trouvera sur la route ?
En tout cas, il y a lieu de supprimer la
deuxième partie du second paragraphe.
M. le ministre des
finances (M. Smits) - Je reconnais que dans certains cas il y aura
entrave pour le commerce, c’est-à-dire que le commerce devra quelquefois
rétrograder de quelques lieues pour faire les déclarations ; quand j’ai parlé
de l’utilité commerciale, j’en ai parlé à un point de vue général : le commerce
n’aime pas les retards qui seront le résultat de l’encombrement dans les
bureaux-frontières.
D’accord avec l’honorable préopinant, je renonce à la deuxième partie du
paragraphe 2.
M. Cools. - On ne peut
contester qu’il y a quelque chose de fondé dans les observations de l’honorable
rapporteur ; c’est que, tout en visant à un but d’utilité générale, on ne porte
entrave aux opérations commerciales. D’un autre côté, le gouvernement craint
que si cette disposition ne se trouve pas expressément dans la loi, elle ne
puisse pas avoir assez de force.
Il me semble qu’il y a moyen de concilier les deux opinions, ce serait
d’ajouter après les mots : des
marchandises, ceux-ci : ou à tel
autre qui sera désigné par le gouvernement.
De cette manière, vous maintenez la règle
générale dans la loi ; seulement le gouvernement pourra, quand il le trouvera
nécessaire, désigner un bureau autre que le bureau voisin.
M. Manilius. - Je pense
qu’il vaut mieux maintenir l’article tel qu’il a été proposé. C’est la
reproduction d’une disposition de la loi générale qui, jusqu’à présent, n’a
donné lieu à aucune réclamation, Je ne partage pas l’opinion de l’honorable M.
Mercier sur la gêne qui pourrait en résulter pour le commerce ; car
l’expéditeur ne suivant pas sa marchandise, trouve plus de facilité à prendre
les documents dont il a besoin au bureau le plus voisin. Ainsi l’expéditeur de
Hal, qu’on a cité, a plus d’avantage à prendre ces documents à Bruxelles qu’à
Mons, car il a confié sa marchandise au voiturier et ne l’accompagne pas.
Je pense donc qu’il ne faut pas modifier une
proposition qui, jusqu’à présent, n’a pas soulevé la moindre réclamation.
M. Cools. - Mais on
laisse subsister la règle établie par la loi générale ; seulement pour le cas
où elle présenterait des inconvénients dans tel ou tel endroit, on donne au
gouvernement la faculté de prendre une mesure exceptionnelle.
- L’amendement proposé par M. Cools est adopté.
Le paragraphe ainsi modifié est adopté.
L’ensemble de l’art. 5 est également adopté.
Article
6
« Art. 6. L’acquit-à-caution ne sera délivré que moyennant la
consignation du montant du droit de sortie à acquitter en cas de non
reproduction de ce document ; s’il s’agit de marchandises prohibées, la
consignation sera égale au montant du double de leur valeur.
« La consignation peut être remplacée par un cautionnement de même
valeur, à fournir à la satisfaction du receveur.
« Le montant des droits consignés ou du double de la valeur des
marchandises sera acquis au trésor, si, dans le terme fixé à cet effet,
l’acquit-à-caution n’est pas rentré ou rapporté au bureau où il a été délivré,
revêtu d’un certificat apposé par un des employés du lieu de la destination, et
constatant que les marchandises y sont arrivées, et ont été déchargées dans le
délai déterminé par ce document, sur lequel le certificat doit être porté, avec
indication du jour et de l’année.
« A défaut d’employés sur le lieu de la destination, le certificat
dont il s’agit pourra être délivré sur l’acquit-à-caution par une personne
commise ou nommée à cet effet par l’autorité communale ou locale, et ce
moyennant une rétribution de dix centimes pour chaque acquit, à payer par le
porteur ; la qualité de celui qui délivrera ce certificat devra y être énoncée.
« Le passavant s’obtient sans consignation
ni cautionnement ; il n’est pas soumis à la formalité de la décharge au lieu de
la destination, ni à la reproduction au bureau de la délivrance. »
M. Savart-Martel. - En lisant cette
disposition, qui charge l’autorité communale ou locale de déléguer une personne
pour exécuter les dispositions de la loi, je me suis demandé ce qu’on entendait
par l’administration locale autre que l’administration communale. Je conçois
facilement que l’on attribue à l’autorité communale le droit de déléguer une
personne pour remplir les devoirs prescrits par cet article ; mais par autorité
locale, je ne sais plus ce qu’on entend, car il y a d’autres autorités locales
que l’administration communale dans les localités ; l’administration
provinciale est une autorité locale ; le tribunal est une autorité locale ; il
en est de même du juge de paix. Cela demande explication. Je demande ensuite
pourquoi l’autorité qui peut déléguer quelqu’un pour remplir certaines
fonctions ne pourrait pas les remplir elle-même. On donnerait plus de garantie
aux citoyens en attribuant à l’autorité communale le droit qu’on l’autorise à
déléguer. J’ai une troisième observation à faire sur l’ensemble de l’article.
C’est qu’on ne prévoit pas le cas de force majeure. Il peut arriver qu’on ne
puisse pas rapporter le billet de consignation. De manière, que par un
événement indépendant de la volonté humaine, on se trouverait ainsi en
contravention avec la loi.
Voilà les trois observations sur lesquelles je
prie M. le ministre de donner des explications.
M. le ministre des finances
(M. Smits) - Je répondrai à l’honorable préopinant que ce qui fait l’objet de ses
remarques a été introduit dans l’article par la section
centrale qui, du reste, n’a fait que reproduire une disposition de la loi
générale à laquelle il importe de se conformer le plus que possible pour ne pas
embarrasser les employés dans l’application de la loi. La disposition dont il
s’agit est la copie textuelle de l’art. 158 de la loi générale de 1822. En
attendant la révision de cette loi, il importe, je le répète, d’en maintenir
les dispositions telles qu’elles ont été comprises et exécutées jusqu’à
présent.
M. Donny. - Messieurs,
j’ai demandé la parole pour faire une observation autre que celle que vient de
présenter l’honorable préopinant. L’art. 6, conforme en cela à la loi générale,
veut que l’acquit-à-caution soit reproduit au bureau où il a été délivré, dans
un délai déterminé, et il punit l’expéditeur qui serait en défaut de faire
cette représentation dans le délai fixe. Cependant, par suite de la manière
dont s’exécute la loi, cette représentation peut se trouver retardée sans qu’il
y ait faute de la part de l’expéditeur.
Quand des marchandises arrivent à destination couvertes par un
acquit-à-caution et que l’acquit est déchargé, on ne remet pas ce document au
voiturier ou à l’expéditeur ; le receveur du lieu de destination retient la
pièce devers lui et la renvoie directement au receveur du lieu d’expédition. Si
donc la remise de cette pièce éprouve quelque retard, l’expéditeur n’y peut
rien, et cependant aux termes de la loi il est puni.
Il y a un moyen bien simple de remédier au mal que je signale, un moyen
tellement simple, que je ne proposerai pas d’amendement, parce qu’une simple
instruction de M. le ministre suffira. Cette instruction n’aurait qu’à
enjoindre au receveur qui retient l’acquit-à-caution, pour le renvoyer à son
collègue, de donner au voiturier un reçu de la pièce qui lui a été remise. De
cette manière le voiturier aurait toujours un document pour prouver qu’il a
obéi aux prescriptions de la loi et qu’il l’a fait en temps utile.
J’espère que M. le ministre trouvera cette
marche raisonnable. Quand la loi prononce une peine, cette peine ne doit pas
frapper celui qui ne peut pas empêcher le fait qu’elle punit.
M. le ministre des
finances (M. Smits) - Quand le retard ne provient pas de celui qui
transporte ou de celui qui fait transporter, quand le retard est le fait de
l’administration, le voiturier ou l’expéditeur ne peut pas être responsable, de
même qu’il ne peut pas l’être quand un événement de force majeure le met dans
l’impossibilité de reproduire le document de douane. C’est là un principe de
droit et d’équité qui ne saurait, je le pense, être contesté.
Lorsque l’administration elle-même est coupable de négligence, elle en
supporte les conséquences.
M. Savart-Martel. - Si les cas de force
majeure sont exceptés de la rigueur de la loi, j’accepte la réponse de M. le
ministre. Cependant, je ne suis pas encore bien convaincu. Si la loi générale,
contre laquelle je me suis élevé dans la séance d’hier, contient non seulement
des pléonasmes, mais des contrariétés, des obscurités, je ne vois pas pourquoi
nous ne pourrions pas y porter remède. Pourquoi l’administration communale, qui
peut déléguer quelqu’un pour exécuter les dispositions de l’article, ne
peut-elle pas le faire elle-même ? Il me semble qu’on peut toujours faire
soi-même ce qu’on peut faire faire par un autre. Il peut se faire qu’on ne
rencontre pas toujours la personne déléguée, et comme il est de notre devoir de
donner à ceux qui ne veulent pas frauder toute la latitude possible pour se
conformer à la loi, nous devrions autoriser l’autorité communale elle-même à
exécuter la disposition de la loi ; les contribuables auraient un avantage
qu’ils n’ont pas jusqu’ici, celui de pouvoir s’adresser à plusieurs personnes
et, par conséquent, la certitude de pouvoir en rencontrer une.
Je demande, en terminant, ce que l’on entend par administration communale locale. Sans doute, on n’entend par là
autre chose que l’administration communale.
M. le ministre des finances
(M. Smits) - C’est cela. C’est la traduction du texte hollandais.
M. Savart-Martel. - Cela prouve que
j’avais raison, quand je demandais la révision de la loi générale. Je me
réserve de demander la révision de cette loi.
M. le ministre des finances
(M. Smits) - Vous avez parfaitement raison.
M. Demonceau. - Je crois
pouvoir satisfaire à l’observation de l’honorable préopinant. Je lui dirai
comment les choses se passent, à ma connaissance. Dans la plupart des villes on
délègue un employé pour décharger les acquits-à-caution. S’il fallait pour cela
aller chercher l’échevin, on ne le trouverait pas toujours ; il y aurait des
retards. On nomme donc un employé dé confiance qui signe les certificats pour
ne pas entraver le commerce.
M. Donny. - La réponse
de M. le ministre des finances est de nature à me satisfaire, du moins si j’en
ai bien saisi le sens. Il m’a semblé résulter de cette réponse qu’à l’avenir le
receveur du lieu de destination, à qui l’on remettra un acquit-à-caution, en
donnerait un reçu. En effet, M, le ministre est d’accord que, lorsque le retard
provient du fait de l’administration, l’expéditeur ne peut être puni. Mais en
posant le principe, M. le ministre veut, sans doute, qu’on puisse en faire
l’application. Or, d’après la loi, le simple défaut de production du document
rend l’expéditeur passible des pénalités comminées par l’art. 6. Il ne peut y
échapper qu’en fournissant la preuve qu’il n’y a pas de sa faute. Cette preuve,
comment la fournirait-il, s’il n’a pas de reçu ? Ce reçu est donc une
conséquence naturelle du principe admis par M. le ministre. Depuis longtemps on
a senti la nécessité d’un changement à cet égard. J’ai en main un avis de la
chambre de commerce d’Ostende qui le demande formellement. Je me souviens qu’il
y a une quinzaine d’années il y a eu un procès sur ce point. Le receveur d’un
bureau frontière (je crois me souvenir que c’était le receveur
d’Henri-Chapelle) avait négligé de renvoyer la pièce au bureau d’Ostende ; le
receveur d’Ostende exigea la production du document ; le négociant n’ayant pu le
produire, il y eut un procès à ce sujet, Je ne sais plus comment il se termina.
Je ne vois pas, au reste, pourquoi le receveur
ne donnerait pas la preuve que le document est rentré. Si l’administration ne
veut pas donner cette preuve, il faut qu’elle rende au voiturier
l’acquit-à-caution dûment déchargé. Mais il est certain qu’on ne peut punir le
négociant, quand on le met dans l’impossibilité de prouver que le défaut de
production du document ne provient pas de son fait.
M. Demonceau. - Dans le cas
que vient de citer l’honorable M. Donny, si les faits se sont passés de la
manière qu’il a indiquée, c’est qu’il y a eu complaisance de la part de
l’administration, car l’expéditeur aurait dû représenter au bureau de
destination l’acquit-à-caution dûment déchargé. Dans ce cas, le receveur
d’Henri-Chapelle aurait rendu service au négociant, en renvoyant le document à
Ostende. Si l’acquit-à-caution avait été déchargé, il ne peut y avoir eu de
pénalité ; car, pour s’en assurer, il a suffi d’une recherche au bureau
d’Henri-Chapelle.
M. Mercier. - Je ne puis
qu’appuyer l’observation de l’honorable M. Demonceau. Je ne pense pas que l’on
puisse citer un seul cas semblable à celui cité par l’honorable M. Donny, où une
pénalité ait été prononcée.
Je répondrai à l’honorable M. Savart, que la mauvaise rédaction qu’il a
signalée, tient à ce que le texte français est une traduction littérale du
texte hollandais. Cette rédaction vicieuse n’a pas échappé à la section centrale
mais elle l’a maintenue, parce qu’elle a voulu se borner à copier la
disposition de la loi générale. Au reste cette rédaction ne peut donner lieu à
aucune fausse interprétation.
- L’art. 6 est mis aux voix et adopté.
Article
7
« Art. 7. Les acquits-à-caution et passavants cesseront de couvrir le
transport pour lequel ils ont été délivrés, lorsqu’on aura négligé de les faire
viser aux postes et bureaux désignés à cet effet sur ces documents ; le visa ne
sera apposé par les agents à ce qualifiés, que lorsque la marchandise leur aura
été représentée. »
- Adopté.
Article
8
La chambre passe à l’art. 8 ainsi conçu :
« Art. 8. Sauf l’exception prévue par l’article suivant, aucun
acquit-à-caution ni passavant ne pourra être délivré dans le rayon des douanes
d’un myriamètre, pour le transport de marchandises, à moins qu’il ne soit
justifié de leur origine ou fabrication indigène, à la satisfaction de
l’administration, ou bien, si elles sont étrangères, de leur introduction ou de
leur existence légale dans le royaume, au moyen d’acquits de payement délivrés
au nom du déclarant, et ayant moins d’un an de date,
« Aucune justification n’est requise quand
les marchandises sont expédiées des villes fermées et des places fortes situées
à plus de
« Le receveur annotera sur les acquits de payement les quantités pour
lesquelles les acquits-à-caution ou passavants sont délivrés, et ces premiers
documents ne pourront plus servir de justification que pour lei quantités
restantes. »
M. Delfosse. - Je propose
la suppression des mots d’un myriamètre.
Ces mots supposent la création d’un second rayon de douanes, et tout porte à
croire qu’elle n’aura pas lieu, puisque la section centrale et le gouvernement
sont d’accord pour la repousser.
M. Donny. - Autant que
personne dans cette enceinte, je désire que la fraude soit réprimée. Mais ce
désir ne va pas jusqu’à vouloir appuyer des dispositions qui me sembleraient
déraisonnables.
Or, je suis fâché de devoir le dire au gouvernement, à la section
centrale et à toutes les commissions qui ont travaillé à cette loi, il se
trouve dans l’art. 8 des dispositions qui me semblent complètement
déraisonnables, quand on les applique au deuxième port de mer que vous avez en
Belgique. Je vais le prouver. Un négociant d’Ostende, qui fait entrer dans ses
magasins des produits étrangers, soit pour son compte, soit pour compte d’un
correspondant, ne peut, aux termes de l’art. 8, expédier ces marchandises dans
l’intérieur du pays, sans justifier de leur existence légale dans le royaume.
Pour cela, il faut qu’il produise un acquit de paiement, ayant moins d’un an de
date et délivre à lui personnellement. Il en résulte que si, par suite d’une
baisse de prix, d’un procès, d’un ordre d’un correspondant étranger ou de toute
autre cause, le négociant conserve les produits étrangers pendant plus d’une
année dans ses magasins, il ne peut plus les expédier dans l’intérieur. C’est
là une condition très dure, déraisonnable, incompatible avec le commerce
maritime.
Ce n’est pas tout. Pendant cette année de grâce qu’on lui accorde, à qui
le négociant vendra-t-il ses marchandises sur place ? Au consommateur
seulement. Il ne trouvera pas à les vendre à un négociant, parce que celui-ci,
faute d’acquit de paiement délivré lui personnellement. ne pourra les expédier
dans l’intérieur. Je vous le demande, quel est le négociant d’Ostende qui
voudra, dans de telle condition, spéculer sur des marchandises étrangères ?
Quel est le négociant étranger qui voudra consigner des marchandises étrangères
à Ostende, lorsqu’il aura la certitude qu’elles ne pourront être vendues sur
place, et quelles ne pourront être expédiées à l’intérieur si elles sont
restées en magasin pendant plus d’une année ?
Pour remédier à ce mal, je proposerai un
amendement très simple, consistant à ajouter au 2ème paragraphe de l’art. 8,
les mots suivants : « ou bien d’un port situé au bord de la mer .»
M. Savart-Martel. - Messieurs,
l’observation que j’aurai à faire rentre également dans ce que vient de dire
l’honorable M. Donny. Mais auparavant je ferai remarquer qu’il est dit dans le
premier paragraphe de l’art. 8 qu’il faut qu’il soit justifié de l’origine de
la marchandise à la satisfaction de l’administration. Je crois que cette
expressions à la satisfaction de l’administration est beaucoup trop large, non
pas que je veuille ôter à l’administration tout ce que la loi commande de lui
attribuer en faveur du commerce ; mais il pourrait résulter que
l’administration ne soit pas satisfaite, et que cependant, quand on viendrait
en justice réclamer la peine, on fît la preuve la plus complète que
l’administration est dans l’erreur. Ce sont de ces cas qui peuvent se présenter
souvent. Un agent du fisc peut ne pas être satisfait, et lorsque la preuve
serait faite par un des moyens légaux que permet la loi devant les tribunaux,
ceux-ci pourraient se croire liés. Je crois donc que ces mots à la satisfaction de l’administration
sont trop larges ; au moins il faudrait qu’il fût entendu que les tribunaux ne
sont pas liés.
Quant à l’autre observation que j’ai à faire, elle rentre, comme je l’ai
dit, dans celle de l’honorable M. Donny. Je crois qu’il y aurait inconvénient
grave à exiger qu’au bout d’une année les pièces qui doivent accompagner la
marchandise fussent censées nulles. Je supposerai, par exemple, quelqu’un qui
change de localité, quelqu’un qui doit transporter son
mobilier et plus ou moins de marchandise. Je demanderai si au bout d’un an il
faudra qu’il soit porteur d’un acquit-à-caution, et encore d’un acquit qui ne
soit pas suranné ; car au bout d’un an il serait suranné. Ainsi, si quelqu’un
voulait transporter son mobilier à cinq quarts de lieues, on lui dirait : Vous
êtes en contravention. Il prouverait qu’il possède son mobilier depuis vingt
ans, qu’on ne le déclarerait pas moins en contravention. Je crois que cela
demande explication.
M. Mercier, rapporteur. - Messieurs,
Je répondrai d’abord à l’honorable M. Delfosse. L’observation qu’il a faite est
parfaitement juste, pour autant que la chambre écarte l’art. 14 du projet du
gouvernement. Du moment qu’il n’y a qu’un rayon de douanes, il y a lieu de
faire disparaitre les mots : d’un
myriamètre.
Quant aux observations de l’honorable M. Donny, je ferai remarquer
d’abord qu’elles pourraient s’appliquer tout aussi bien à d’autres villes
qu’aux ports de mer. Mais il y a une disposition à l’art. 11 du projet qui
donne quelque latitude au gouvernement. La disposition dont je parle est le
2ème paragraphe, littera G, de l’article 11 :
« Suivant les localités ou les circonstances, l’administration pourra,
dans l’intérêt de l’industrie, du commerce, des fabriques ou de l’agriculture,
étendre l’exemption des documents à d’autres marchandises ou denrées, comme
aussi permettre que, dans certains cas, les passavants remplacent les
acquits-à-caution. »
Il y a là une faculté accordée à l’administration pour les cas
exceptionnels, tels que ceux indiqués par l’honorable M. Donny.
Les art,. 160 et 178 de la loi générale combinés
exceptent implicitement les ports de mer de l’obligation de satisfaire aux
formalités que l’honorable membre désire leur éviter
M. Donny. -
L’explication de l’honorable rapporteur de la section centrale me satisfait
complètement. Mais il me permettra de lui faire observer que ce n’est là qu’une
simple opinion, exprimée soit en son nom, soit au nom de la section centrale.
Si M. le ministre des finances me déclarait que c’est aussi de cette manière
qu’il entend la loi, je retirerais mon amendement. Je le prie de s’expliquer
sur ce point. Car, messieurs, cette disposition est pour moi un point capital,
tellement capital, que, quel que soit le désir que j’ai de m’opposer à la
fraude, mon vote dépendra de la réponse du ministre. Si cette réponse n’est pas
telle que je la désire, je ne sacrifierai pas le commerce de la ville maritime
qui m’a envoyé dans cette enceinte, et je me verrais forcé de rejeter la loi,
si les conséquences de l’art. 8 étaient telles que je viens de les signaler.
Je prie donc M. le ministre des finances de nous
donner, à ce sujet, une explication catégorique. S’il entend l’article comme
l’honorable rapporteur de la section centrale, je retirerai mon amendement.
M. le ministre des finances
(M. Smits) - Messieurs, d’après les dispositions de la législation actuelle il y a
des villes fortifiées situées assez près des frontières qui sont exceptées de
certaines formalités de la loi. On a cru qu’il suffisait qu’une marchandise fût
dans une ville fortifiée, pour qu’elle fût censée avoir acquitté les droits dus
à l’Etat. Mais l’expérience est venue démontrer que quelques-unes de ces villes
frontières étaient de véritables repaires de fraude, et il a paru juste dès
lors d’étendre la distance. Mais il n’est venu à l’idée de personne de
comprendre dans les localités auxquelles l’art. 8 est applicable, les ports de
mer où se fait un grand commerce comme Ostende. Ces ports
jouiront toujours du régime auquel ils sont assujettis aujourd’hui, et ne
tomberont jamais dans l’application des dispositions de l’art. 8. Ces
dispositions n’ont été prises que pour les villes qui, je le répète. se
trouvent dans le rayon, et où l’on importe aujourd’hui une quantité
considérable de marchandises en fraude.
M. Donny. - Je déclare
retirer mon amendement.
M. Demonceau. - Messieurs,
je comprends que les explications que vient de donner M. le ministre des
finances, donnent quelque satisfaction à l’honorable M. Donny, en ce qui
concerne le port d’Ostende, mais je trouve que les raisons sont tellement
fortes pour qu’on introduise une modification dans l’article en discussion, que
je crois du mon devoir de faire une observation.
Je comprends qu’on exige la justification du paiement du droit pour le
transport d’une marchandise venant de l’étranger ; mais pourquoi faut-il qu’il
y ail déchéance après un an ? Ne pourrait-on supprimer cette dernière partie de
l’article, et faire ainsi droit à l’observation de l’honorable M. Donny ? Voici
comment l’article est conçu :
« Sauf l’exception prévue par l’article suivant, aucun
acquit-à-caution ni passavant ne pourra être délivré dans le rayon des douanes
d’un myriamètre, pour le transport de marchandises, à moins qu’il ne soit
justifié de leur origine ou fabrication indigène, à la satisfaction de
l’administration, ou bien, si elles sont étrangères, de leur introduction ou de
leur existence légale dans le royaume, au moyen d’acquits de paiement délivrés
au nom du déclarant, et ayant moins d’un an de date. »
Ces pour ces mots : ayant moins
d’un an de date, que l’honorable M. Donny s’est récrié contre l’article. A
la vérité, comme on vient de le dire, la loi générale n’atteint pas les ports
de mer ; mais elle atteint les frontières de terre. Or, je crois que dans
l’intérêt des frontières de terre, il ne faut pas prononcer la déchéance au
bout d’un an. Certaines localités sur nos frontières de terre sont aussi
importantes sous certains rapports, que les ports de mer. Si les raisons qu’a
données l’honorable M. Donny, quant au port d’Ostende, sont suffisantes, elles
le sont également pour d’autres localités, et pour qu’on fasse disparaître de
l’art. les mots ayant un an au moins de
date.
Ainsi, dans tous les cas, il suffirait de
prouver à l’administration qu’on a payé les droits pour qu’on pût transporter
la marchandise. Cependant il peut se faire qu’on ait des raisons pour justifier
la déchéance après un an ; je demanderai sur ce point quelques explications h
M. le ministre des finances et à M. le rapporteur.
M. Rodenbach. - L’honorable membre
dit qu’on a peut-être des raisons pour justifier la déchéance après une année.
Effectivement il en existe. Il suffit de savoir comment la fraude se pratique
pour comprendre ces raisons. On fait venir dans une place forte voisine de la
frontière des marchandises accompagnées d’un document attestant qu’elles ont
payé les droits. Mais ordinairement on vend une partie de ces marchandises dans
la place forte, et alors, pour pouvoir se servir du document
dont je viens de parler, pour transporter des marchandises à l’intérieur, on
fait revenir en fraude une partie égale à celle qui a été vendue dans la ville.
C’est le motif qui oblige à ne laisser le document valable que pour un an ;
s’il en était autrement, vous comprenez que la fraude se ferait sur une
beaucoup plus large échelle
M. le ministre des finances
(M. Smits) - Comme vient de le faire remarquer l’honorable M. Rodenbach, le
commerce qui se fait dans les villes frontières du rayon, est presque toujours
limité aux besoins de la population ; ce commerce n’est donc pas très étendu,
il ne s’approvisionne guère qu’en raison de son débit annuel, et on pouvait par conséquent fixer un terme assez court pour la valeur
des documents à produire en douane. Si la loi ne fixait pas de terme, il en
résulterait qu’on pourrait justifier de l’acquittement des droits au moyen de
documents ayant cinq ou six années de date, et alors on n’atteindrait pas la
fraude, En effet, le négociant qui voudrait transporter des marchandises
importées en fraude, trouverait toujours suffisamment de quittances de trois et
quatre années de date pour couvrir ces marchandises et justifier du payement
des droits.
M. Rodenbach. - Je partage tout à
fait l’opinion de M. le ministre des finances. Messieurs, il est à ma
connaissance que dans certaine ville on avait fait venir des esprits
d’eau-de-vie, on avait des documents prouvant qu’on avait
payé des droits ; on pouvait les expédier par acquits-à-caution. Mais on
vendait dans la ville ces esprits. Eh bien ! on en faisait venir d’autres en
fraude et on était encore muni des documents nécessaires pour pouvoir les
expédier à l’intérieur. Vous comprenez que si ces documents avaient été
valables pendant plus d’une année, la fraude aurait été plus considérable. La
disposition de l’art. 8 est donc indispensable, si on veut empêcher que la
fraude ne se fasse sur une large échelle.
M. Savart-Martel. - J’insisterai, comme
l’a fait l’honorable M. Demonceau pour la suppression des mots n’ayant pas plus d’un an de date. Je
pense que cette disposition présente les inconvénients, les plus graves et que
ce qu’on a dit à l’égard du port d’Ostende s’applique également aux villes qui
sont situées sur les frontières. Je pense, messieurs, qu’il résulterait les
plus graves inconvénients de la disposition, et, par exemple, celui que j’ai
signalé, qu’une personne qui voudrait transporter son mobilier serait obligée
de produire un acquit-à-caution ayant moins d’une année de date, ce qui lui
serait presque toujours impossible.
M. Mercier, rapporteur. - Il ne faut
pas perdre de vue ; messieurs, que la disposition ne fait que consacrer une
règle générale à laquelle le gouvernement pourra faire des exceptions dans
certains cas spéciaux. Ainsi, lorsqu’il s’agira d’un mobilier et qu’il n’y aura
pas de motifs de soupçonner une intention de fraude, l’autorisation de le
transporter, même sans documents, sera bien certainement donnée.
- La suppression des mots : d’un
myriamètre, est mise aux voix et adopté.
M. Demonceau ayant demandé
la suppression des mots : ayant moins
d’un an de date, la partie de l’article qui précède ces mots est mise aux
voix et adoptée.
- Les mots ayant moins d’un an de
date sont ensuite mis aux voix ; ils sont aussi adoptés.
Le reste de l’article est également adopté, ainsi que l’article dans son
ensemble.
Article
9
« Art. 9. Des permis de circulation pourront aussi être délivrés
sur la reproduction d’acquits-à-caution ou de passavants, pourvu que ceux-ci
aient été visés au lieu de leur destination, et que les marchandises désignées
dans l’un ou l’autre de ces documents aient été plombées, estampillées ou
cachetées aux frais du déclarant, soit à leur entrée dans 1e rayon des douanes,
soit au moment où un premier acquit-à-caution ou passavant aura été délivré
pour leur transport dans ledit rayon.
Les marchandises d’origine étrangère, destinées à être transportées
ultérieurement,. et auxquelles ces mesures de précaution ne sauraient être
appliquées, devront être renfermées dans des colis dûment plombés ;
l’acquit-à-caution ou le passavant qui les accompagnera, en contiendra une
désignation assez exacte et détaillée pour en faire reconnaître l’identité.
« Ces permis ne pourront être délivrés pour la circulation de
marchandises ou colis dont les plombs, estampilles ou cachets auront
disparu. »
- Adopté.
Article
10
« Art. 10. Sauf la faculté de la visite, qui est réservée aux employés,
la circulation sans documents est permise dans le rayon établi par la loi du 7
juin 1832, pour les objets ci-après désignés :
« A. Les petites quantités de comestibles ou denrées destinées aux
besoins journaliers des habitants ;
« B. Les petites quantités de marchandises destinées aux besoins
journaliers des habitants, lorsque les droits d’entrée ou de sortie ne
s’élèvent pas à plus de deux francs par chaque espèce de marchandise ;
« C. Les productions du sol et les fruits verts, pourvu que le
transport soit effectué par les cultivateurs pendant le temps de la récolte,
ainsi que les mêmes produits transportés par les cultivateurs aux moulins ou
aux marchés les plus voisins ou qui en reviennent ;
« Ces transports devront toujours avoir lieu par les chemins les
plus directs ou que l’on suit le plus généralement ;
« D. La laine des moutons appartenant aux habitants des rayons ;. les
ruches d’abeilles, les œufs, le laitage et le beurre ;
« E. Les cuirs verts et les peaux fraiches, ainsi que les engrais ;
« F. Les chevaux et bestiaux qui sont conduits aux pâturages ou aux
marchés, ou qui en reviennent ; toutefois la loi du 31 décembre 1835 demeure
seule applicable à la circulation des bestiaux dans les provinces du Limbourg,
d’Anvers, de
« G. Toutes les marchandises circulant dans les places fortes et
les villes fermées ;
« H. Les matériaux destinés à la construction et aux travaux des
digues, des poldres et des côtes, ainsi qu’aux fortifications du royaume,
pourvu qu’ils soient accompagnés d’une attestation émanée ou de l’autorité publique,
ou de l’administration à laquelle ou par laquelle la livraison ou l’envoi se
fait ;
« Suivant les localités ou les circonstances, l’administration pourra,
dans l’intérêt de l’industrie, du commerce, des fabriques ou de l’agriculture,
étendre l’exemption des documents à d’autres marchandises ou denrées, comme
aussi permettre que, dans certains cas, les passavants remplacent les acquis-à-caution.
« La
suite comme au projet du gouvernement, sauf le dernier paragraphe modifié comme
suit :
« Celui qui aura abusé ou tenté d’abuser de tout ou partie de ces
exemptions, en cherchant à les faire servir à des importations ou exportations
frauduleuses, sera puni comme fraudeur. »
M. Savart-Martel. - Messieurs, j’ai
parlé tout à l’heure des déménagements ; la loi du 26 août 1822 accordait dans
ce cas au gouvernement la faculté de dispenser des formalités dont il s’agit
dans l’art. qui nous occupe, on a reproduit une partie
des exemptions que renferme la loi de 1822, mais on a négligé celle dont je
viens de parler. Je demanderais donc que cette disposition soit reproduite, à
moins qu’on ne me donne les motifs pour lesquels on l’a supprimée. Ces motifs,
je vous l’avoue, il m’est impossible de les soupçonner.
J’ai une autre observation à faire. Je désirerais avoir une explication
sur ce qu’on entend par engrais ; le
mot engrais à aujourd’hui une signification extrêmement large ; par exemple,
dans notre pays la chaux est un engrais et un engrais fort précieux ; je
demanderai si la chaux est comprise dans les objets que la loi désigne sous le
nom d’engrais
Je dois faire une troisième observation, c’est
sur la disposition finale de l’article. Cette disposition dit : « Celui qui
aura abusé ou tenté d’abuser de tout ou partie de ces exceptions, en cherchant
à les faire servir à des importations ou exportations frauduleuses, sera puni
comme frauduleux. » Je conçois, messieurs, que celui qui fraude ou celui
qui tente de frauder et qui n’est arrêté que par des circonstances indépendantes
de sa volonté, soit puni comme fraudeur ; mais dire que celui qui aura cherché à tenter de frauder, c’est là
une expression qui est probablement encore prise dans la loi hollandaise, mais
qui en bon français ne signifie absolument rien. Il me semble, messieurs, qu’un
semblable style est indigne de la majesté de la loi.
M. Mercier, rapporteur. - Messieurs,
la section centrale prenant en considération les motifs exposés par le
gouvernement, n’a pas reproduit l’exception qui concerne les déménagements.
Voici ce que porte à cet égard le mémoire explicatif du projet de loi :
« On n’a pas reproduit dans le projet l’exception relative aux
déménagements, parce qu’il est trop facile d’abuser de cette tolérance, et que
ces déménagements ne sont souvent que des moyens employés pour cacher la
fraude. »
Ensuite l’exposé des motifs ajoute cette observation :
« L’antépénultième paragraphe de cet article permet toutefois à
l’administration d’autoriser les transports de l’espèce sans documents ni justification. »
Puisque l’administration avait acquis l’expérience que la fraude se
commettait au moyen de prétendus déménagements, il était sage de se borner à
laisser au gouvernement la latitude que le projet consacre et qui lui permettra
d’accorder des dispenses lorsque les circonstances l’exigeront. Certes,
l’administration n’a aucun intérêt à empêcher les transports de meubles en cas
de véritable déménagement.
Quant aux mots tenté d’abuser, la section centrale les a laissés subsister parce
qu’il peut se présenter des cas où il n’y a que tentative de fraude, sans que
pour cela ceux qui ont commis cette tentative et qui ont été empêchés malgré
eux de consommer la fraude, en soient moins coupables et doivent moins être
punis.
M. Huveners. - J’ai
demandé la parole pour présenter une observation sur le littera F du projet de
la section centrale, qui est la reproduction du littera E du projet du
gouvernement.
Messieurs, l’année dernière, postérieurement à la présentation du projet
de loi qui nous occupe, nous avons voté une loi sur le bétail, qui rend celle
du 31 décembre 1835 applicable à une partie de la province de Liége.
Par suite de cette loi, il faut ajouter au paragraphe, littera E ; les
mots suivants :
« Et à la partie de la frontière de la
province de Liége vers le duché de Limbourg qui s’étend de
M. Delfosse. - La
rédaction serait plus courte et tout aussi claire si l’on se bornait à dire : «
Toutefois il n’est pas dérogé à la loi du 31 décembre 1835 ni à celle
du… »
M. Savart-Martel. - Messieurs, la
réponse que l’honorable rapporteur vient de faire, ne me paraît pas suffisante
pour écarter l’observation que j’ai faite.
On nous a dit qu’on avait supprimé la lettre E de l’art. 161, parce que
c’était là un moyen de fraude. Je doute que les déménagements qui s’opèrent des
villes à la campagne puissent être susceptibles de fraude ; je ne crois pas que
l’on puisse citer beaucoup d’exemples d’abus qui se seraient pratiqués en
pareil cas.
On nous dit : Laissez à l’administration le droit de vous exempter en
pareil cas. » Je dois convenir que jusqu’à présent on a exempté dans une
pareille hypothèse. Mais si nous voulons en définitive que la faculté soit
laissée au gouvernement d’accorder des exemptions semblables, pourquoi ne pas
le déclarer dans la loi ? N’est-il pas vrai qu’un employé consciencieux, qui
suivrait la loi à la lettre, dirait : « Je ne puis pas vous accorder ce
que vous demandez, par la raison que cette faculté était dans l’ancienne loi et
qu’elle a été supprimée dans la loi nouvelle. »
Ainsi, je pense qu’il y a lieu de rétablir dans
l’art. 10 la disposition E de l’art. 161.
M. Orts. - Le mot tenté, qui se trouve dans le dernier
paragraphe de l’art. 10, et qui, je crois, se trouve reproduit dans plusieurs
autres dispositions de la loi, a nécessité de ma part une interpellation, parce
que c’est souvent dans les discussions qui ont lieu lorsqu’une loi est
présentée que les juges puisent des éclaircissements.
La tentative dont il est question dans cette loi est-elle la tentative
telle que la définit le code pénal, avec ses conditions essentielles ? Pour que
la tentative soit ainsi sur la même ligne que le crime et le délit, le code
pénal dit que les tentatives de crimes sont comme les crimes mêmes, que les
tentatives des délits sont comme les délits, lorsque la loi spécifie que la
tentative d’un délit est punie.
Or, d’après l’art. 2 du code pénal, il faut trois conditions ; il faut
d’abord que la tentative soit manifestée par des actes extérieurs ; ensuite
qu’elle ait un commencement d’exécution ; en troisième lieu, qu’elle ait manqué
par des circonstances indépendantes de la volonté de l’auteur.
Maintenant, toutes les fois que la loi en
discussion assimile la tentative au délit lui-même, faut-il y voir la tentative
telle que la qualifie le code pénal ? c’est-à-dire qu’il faut que les trois conditions
soient réunies ? Cela est fort important, parce que, lorsque des procès
naîtront sur l’application de la loi actuelle, on plaidera, d’un côté, qu’il
s’agit de la tentative spécifiée à l’art. 2 du code pénal ; d’autres diront
qu’il ne faut pas nécessairement que les trois conditions dont parle le code
pénal se rencontrent dans ce cas.
M. le ministre des finances
(M. Smits) - Je crois pouvoir apaiser les scrupules de l’honorable préopinant, en
répétant ce que j’ai déjà eu l’honneur de dire à la chambre pour d’autres cas,
que le paragraphe final de l’art. 10 n’est que la reproduction littérale de
l’art. 161 de la loi générale. Or, nous n’avons voulu apporter aucune
modification à la rédaction de cette loi. Je reconnais qu’elle présente des
vices nombreux, qu’elle est obscure, prolixe. Aussi ai-je prescrit depuis
longtemps la révision de cette loi ; mais cette révision ne pourra être
complète que lorsqu’on aura l’expérience des résultats que doivent amener les
nouvelles communications du chemin de fer. Ces communications nécessiteront
peut-être un changement complet dans notre régime de douanes. Il faut donc que
cette expérience soit acquise, avant de produire la nouvelle loi générale dont
je viens de parler.
Quant à l’observation faite par l’honorable M. Savart, en ce qui
concerne les déménagements, le transport des meubles, je pense qu’il ne faut
pas reproduire dans la loi actuelle le littera B de l’article 161 de l’ancienne
loi générale, parce que si vous faites de l’exception un droit, les abus qui
ont été signalés antérieurement ne manqueront pas de se reproduire. Au reste,
l’administration de la douane dans ce pays-ci ne peut être que paternelle, et
certainement elle ne refuserait pas une exemption à des particuliers qui ne seraient
pas soupçonnés de fraude.
Pour ce qui concerne l’observation de
l’honorable M. Savart, relative aux engrais, il est prudent, je pense, de
maintenir le terme générique, d’autant plus que l’industrie agricole fait aussi
des progrès constants, et qu’elle invente souvent des engrais nouveaux
D’ailleurs, la chaux, prise isolément, n’est pas un engrais proprement
dit ; c’est plutôt un élément d’engrais.
M. Mercier, rapporteur. - L’honorable
M. Savart a fait observer que les dispositions de loi doivent être précises,
formelles. Eh bien, dans le cas actuels, deux intérêts sont en présence :
l’intérêt de l’industrie, qui doit s’opposer à la fraude, et l’intérêt de celui
qui fait le déménagement sous le manteau duquel des abus se commettent. Il y a
donc deux dispositions précises entre lesquelles il y un choix à faire : ou il
faut interdire par la loi les transports des meubles dont
l’origine légal n’est pas justifier, ou il faut les autoriser formellement en
tout cas. Or l’expérience a prouvé qu’on a abusé de la faculté prescrite dans
la loi actuelle. Quelle est, dans cet état de choses, la mesure la plus sage à
prendre ? C’est de laisser une certaine latitude au gouvernement : c’est ce que
fait le projet de loi. Je crois donc qu’en y réfléchissant, l’honorable M.
Savart n’insistera pas pour que la disposition E de l’art. 161 de la loi
générale soit reproduite dans la loi que nous discutons.
M. de Garcia. - L’honorable
M. Savart a parfaitement qualifié la rédaction de la loi générale ; M. le
ministre des finances l’a qualifiée à peu près de même cette rédaction est
réellement pitoyable. Cependant, quant à l’observation qui a été faite,
relativement à la tentative, il y a quelque chose de très juste ; mais comme
les tribunaux ont appliqué jusqu’ici l’expression qu’on a reproduite dans le
projet de loi, et que des inconvénients graves ne se sont pas présentés à cet
égard, je crois qu’il n’y a pas lieu de changer cette rédaction.
Quant au mot engrais
qui, d’après l’honorable M. Savart,, ne rendrait qu’incomplétement
ce qu’on entend par ce mot, nous ayons des lois définissant ce que l’on doit
entendre par le mot engrais. Ainsi, par exemple, la loi des barrières détermine
les objets qui comme engrais sont exempts de la taxe des barrières. Il suffit
donc de se référer aux lois existantes pour connaître la portée du mot engrais.
M. Savart-Martel. - Je persiste à
vouloir présenter un amendement. Je vais le rédiger.
- L’amendement proposé par M. Huveners au § F est adopté, sauf
rédaction.
M. le président. - M. Savart
propose d’ajouter au deuxième alinéa du § H la disposition suivante :
« Le gouvernement pourra également exempter des documents, en cas de
déménagement ou de changement de domicile, les meubles et les objets ou effets
de ménage et d’habillement. »
M. Mercier,
rapporteur. - Je ne m’oppose pas à l’adoption de cet amendement, qui est conforme
aux intentions de la section centrale.
- L’amendement de M. Savart est mis aux voix et adopté.
M. le ministre des finances
(M. Smits) - J’ai une observation à présenter sur une différence qui existe entre
le § D de la section centrale et la rédaction du projet du gouvernement. Ce
projet exempte de la levée du document la laine des moutons, mais en toison
seulement et non lavée, appartenant aux habitants des rayons.
La section centrale supprime les mots mais en toison seulement et non lavée.
Si on exempte la laine en termes génériques, on
exempte nécessairement la laine qui est marchandise, objet de négoce. Il
importe, sans doute, d’accorder quelques facilités à l’agriculture pour ses
produits, et ces produits sont les laines en toison et non lavées. Mais du
moment que les laines sont lavées, ce sont des articles de commerce qui ne
doivent pas jouir de l’exemption. Je propose en conséquence, pour éviter tout
abus, de rétablir la rédaction du gouvernement mais en toison seulement et non lavée.
M. Pirson. - Il y a dans l’arrondissement de Dinant des
cantons où on lave la laine des moutons avant les tondre. Dans toute la partie
ardennaise de mon arrondissement on lave la laine sur l’animal. Elle se vend à
des prix différents. Il y a tel fileur qui achète la laine non lavée pour
l’objet auquel il la destine. Il utilise la graisse. Il y a d’autres ouvrages
pour lesquels on préfère la laine lavée sur l’animal.
En rétablissant la
rédaction du gouvernement, on porterait préjudice à toute la partie ardennaise
de l’arrondissement de Dinant où l’on lave la laine sur le dos des moutons.
M. Desmet. -
L’observation de l’honorable M. Pirson est très juste. J’appuierai le § de la
section centrale.
M. Mercier. - Les raisons
exposées par l’honorable M. Pirson sont celles qui ont guidé la section
centrale quand elle a supprimé les mots : mais
en toison seulement, et non lavée. Cependant, comme il peut en résulter des
abus, et s’ensuivre une fraude, j’abandonne la proposition de la section
centrale, surtout en considération de la disposition fort
large qui forme le pénultième § de l’article. Puisque dans des cas spéciaux, le
gouvernement peut autoriser le transport des laines lavées, quand il n’aura
aucun motif de soupçonner la fraude, je ne vois pas de motif bien puissant pour
ne pas rétablir dans l’article les mots que la section centrale en avait
retranchés.
M. Zoude. -
L’observation de M. Pirson s’applique à toute la province du Luxembourg, où la
laine est toujours lavée sur la bête avant de la tondre.
M. de Garcia. - Si M. le
ministre insiste pour l’adoption des mots non
lavée, je demanderai la division, afin de voter contre ces mots. Les
personnes qui savent comment on traite les laines sur l’animal ne peuvent voter
pour l’adoption de ces mots. Une disposition de ce genre porterait grand
préjudice au Luxembourg.
M. David. - Je crois
que le littera devrait être rédigé comme suit :
« Les laines de moutons, mais en toison seulement et non lavées ou
lavées à dos. »
M. le ministre des
finances (M. Smits) - L’observation de l’honorable M. Pirson mérite
sans doute d’être prise en sérieuse considération. Mais je ferai remarquer que,
d’après l’avant-dernière disposition de l’article, le gouvernement pourra y
faire droit ; cette disposition autorise le gouvernement à exempter des
documents, suivant les localités ou les circonstances.
M. de Garcia. - Cela est
vrai, mais c’est mettre une partie du pays sous un régime exceptionnel.
L’amendement de l’honorable M. David, au contraire, consacre un principe
général et rend la fraude impossible. Je crois qu’il serait préférable de
l’adopter.
M. le ministre des finances
(M. Smits) - Soit. Ce sera un amendement ; on pourra donc revenir sur ce § au
deuxième vote.
- Le paragraphe est adopté avec l’amendement de M. David.
L’article est adopté dans son ensemble avec les amendements.
Articles
11 et 12
Les articles 11 et 12 sont successivement adoptés ; ils sont ainsi
conçus :
« Art. 11. Les dispositions non abrogées de
la loi générale concernant la délivrance, l’usage ou l’exemption des
acquits-à-caution sont rendues applicables aux passavants. »
« Art. 12. Les dispositions de l’art. 16 de
la loi générale sont rendues applicables au territoire compris dans le rayon
des douanes établi du côté des frontières de mer.
« Les exceptions consacrées par l’art. 108
de la même loi, ne dispensent pas de la justification des marchandises
d’accises dans les cas prévus par l’art. 167.
« Dans tous les cas de transport de marchandises
d’accises non spécialement prévus par les lois sur la matière, et par les art.
165 à 169 inclus de la loi générale, on se conformera aux dispositions de la
présente loi relatives aux passavants requis pour le transport des marchandises
de douanes. »
Amendements proposés par M.
Delehaye et par MM. Lys, Demonceau et David
La chambre passe à la discussion de l’amendement
de M. Delehaye, ainsi conçu :
« Art. 14. § A. Les objets tissés de coton
ou de lin, les tissus de soie ou de laine, ou ceux mélangés des mêmes ou
d’autres matières ;
« § B. Le coton filé composé de trois fils
et au-delà, qui, de l’étranger ou du territoire réservé, sont expédiés pour
l’intérieur, devront, pour qu’il soit justifié que les droits en ont été
acquittés, être accompagnés jusqu’au lieu de destination, et, quelle que soit
leur quantité, de documents délivrés aux bureaux-frontières, et seront soumis à
une vérification, tant aux lieux de départ, qu’à ceux d’arrivée. »
M.
Delehaye. - Je n’ajouterai pas de nouveaux développements à ceux que j’ai eu
l’honneur de donner à mon amendement, dans une précédente séance. Je me
bornerai à répondre aux objections auxquelles il a donné lieu. M. le ministre
des finances avait prétendu que l’exécution en serait impossible, attendu qu’on
ne pourrait constater quelles étaient les marchandises en magasin avant la
promulgation de la loi. Dans cette séance vous avez adopté une disposition qui
prouve que c’est très facile. D’après l’art. 8 que vous avez adopté,
« aucun acquit-à-caution ni passavant ne pourra être délivré dans le rayon
des douanes, pour le transport de marchandises, à moins qu’il ne soit justifié
de leur origine ou fabrication indigène, à la satisfaction de l’administration,
ou bien, si elles sont étrangères, de leur introduction ou de leur existence
légale dans le royaume. »
Si mon amendement est adopté, voici la marche
qu’il faudra suivre. Il ne faudra pas que les marchandises étrangères qui
auront payé le droit, le paient de nouveau ; mais il faudra que l’on prouve
l’existence légale de ces marchandises dans le royaume, au moment où la loi a
été votée.
Répondant à d’honorables membres qui objectaient
les difficultés d’exécution de l’art.
Quelques-uns de mes honorables collègues ont
présenté un article 13 nouveau qui ne diffère du mien qu’en ce qu’ils ne
veulent qu’on exige des documents que pour le transport des marchandises,
tandis que je veux qu’on en exige aussi pour le dépôt des marchandises.
L’amendement de MM. Lys, Demonceau et David ne
s’applique qu’à la circulation ; il empêche qu’on ne circule avec des
marchandises qui n’ont pas payé les droits. Mais ainsi vous n’atteignez pas le
but que nous nous proposons. Je suppose que l’administration soit informée de
l’arrivée dans le pays de marchandises étrangères qui n’ont pas payé les droits
et qu’elle soit à leur recherche ; dans le système de l’amendement, elle n’a
plus d’action, du moment que les marchandises sont placées dans un dépôt.
D’après mon amendement, au contraire, l’administration peut saisir les
marchandises fraudées, même dans un dépôt. Vous voyez que ma proposition
atteint mieux la fraude.
Mais les moyens que je propose sont moins
sévères pour ce qui concerne le transport. Par exemple, les honorables auteurs
de cette proposition n’admettent que la faculté de transporter des
marchandises. D’après mon amendement, on pourra circuler sur les routes avec
des quantités beaucoup plus considérables. Sous ce rapport j’accorde une
facilité plus grande au commerce.
Ma proposition tend à rendre la fraude plus
difficile, en donnant au gouvernement plus de facilité pour saisir les objets
fraudés. Mais vous n’avez pas à craindre que l’on en abuse. Ma proposition
n’est qu’un épouvantail. Il faut que les fraudeurs sachent qu’ils ne peuvent
frauder, impunément, et qu’il ne suffit pas, pour échapper à toute pénalité,
qu’ils aient introduit dans une maison les marchandises fraudées.
Ma proposition est un acte de confiance envers
le gouvernement. Je sais qu’il n’en abusera pas, parce que, s’il y avait abus,
la chambre y aurait bientôt mis un terme.
Je n’ajouterai rien, ma proposition ayant été
suffisamment développée dans une précédente séance.
M. le président. - L’amendement
présenté par MM. Lys, Demonceau et David est ainsi conçu :
Remplacer l’art. 14 par le suivant :
« Les fils et tissus de coton, de laine, de
lin, de soie et mélangés d’origine étrangère, voyageant dans l’intérieur du
royaume, en quantité de plus de dix mètres, pour les marchandises d’aunage, et
de plus de
« Le gouvernement prendra, à cet égard, toutes
les mesures d’exécution qu’il croira nécessaires. »
M. Lys. - Messieurs,
d’un côté nous entendons dire : L’amendement est une exécution impossible ; de
l’autre, ce sera une mesure illusoire, Il semble dès lors qu’on ne veuille pas
nous comprendre. Nous n’avons pas eu l’intention de vous présenter une mesure
qui, dans toutes les circonstances, préviendrait ou réprimerait la fraude, nous
avons simplement voulu apporter des entraves à l’exercice de la fraude, c’est
là tout notre but.
Nous ne comprenons pas M. le ministre des
finances, lorsqu’il répond à mon honorable collègue Demonceau : Vous nous
donnez un mandat illimité, mais il y a impossibilité matérielle d’en faire
usage. Comme M. le ministre l’a dit, notre amendement tend à faire couvrir
toutes les marchandises de quelqu’importance,
circulant dans l’intérieur du royaume, par un document constatant qu’elles ont
été soumises aux droits d’entrée.
Comment fera-t-on, dit M. le ministre, pour les
marchandises fabriqués dans le pays ? Voilà en quoi consiste l’impossibilité
matérielle annoncée par M. le ministre. La solution de cette difficulté me
paraît simple.
Remarquez, messieurs, que notre proposition
n’atteint que les fils et les tissus étrangers ; elle ne peut dès lors frapper
les tissus indigènes.
Ainsi, il y aura contravention par le seul fait
de faire voyager des marchandises étrangères, sans documents constatant le
paiement des droits.
Ainsi, par notre proposition, nous établissons
le principe, que toute marchandise d’origine étrangère s’engageant dans
l’intérieur, doit être couverte de documents.
Quant aux marchandises indigènes, elles seront
couvertes par une formalité à remplir, que fixera le gouvernement, et pour
cela, selon moi, il suffirait du certificat du marchand ou du fabricant,
légalisé par l’autorité municipale.
Mais, dit M. le ministre, on établira des
fabriques pour la fraude ; on trouvera des certificats constatant que des
marchandises sont originaires de telle ou telle fabrique, quand cependant elles
seront le produit de l’industrie étrangère.
Cela pourra arriver, j’en conviens. Mais,
remarquez-le bien, nous n’avons pas présenté notre amendement comme la panacée
universelle contre le mal de la fraude, nous ne cessons de le répéter, ce sont
des entraves que nous avons voulu apporter à l’exercice de la fraude, et M. le
ministre nous prouve, par ses observations, que notre amendement remplit son
but.
Dans ce cas encore, les entraves que nous
apportons sont considérables ; et je prends pour exemple un fabricant de
Verviers, qui exercerait l’infâme trafic indiqué par M. le ministre.
Il faut, pour que son certificat produise
quelque effet, que la marchandise étrangère soit déjà arrivée chez lui, il faut
qu’il l’expédie de sa fabrique, et alors, remarquez-le bien, messieurs, elle
n’aura pas seulement parcouru la ligne des douanes, mais elle aura encore fait
pareil trajet que celui de la ligne pour arriver à Verviers, voilà, sans doute,
des entraves, car c’est là pour l’administration la faveur de la double ligne
tout entière.
Et remarquez-le bien, l’administration sera
encore en droit d’administrer la preuve par tous les moyens ordinaires en
matière de preuve, que cette marchandise est étrangère et, par conséquent,
saisissable, c’est ce que j’avais expliqué dans le passage que citait hier
l’honorable rapporteur, c’est là le septième de l’art. 28 du projet du
gouvernement et 24 de la section centrale.
Mais ne sont-ce pas encore des entraves pour les
fraudeurs, que de corrompre un fabricant indigène ? Ce fabricant vendra-t-il
pour rien sa probité ? délivrera-t-il ce faux certificat gratuitement ? Vous le
voyez, messieurs, ce seront là encore de nouvelles entraves pour les fraudeurs,
et c’est là tout ce que nous cherchons par notre amendement.
Je vous demande, messieurs, si nous faisons
moins, comme le dit l’honorable rapporteur, qu’il n’est proposé par l’art. 24
de la section centrale.
N’est-il pas démontré, au contraire, que notre
proposition atteint les fils et tissus d’origine étrangère, lorsqu’ils ne sont
pas couverts par des documents ? Dans notre système, la preuve de fraude
résulte du défaut de documents, et lorsque des documents existent, il nous
reste encore la preuve résultant de cet article 24.
Au contraire, dans le système de la section
centrale, l’administration est dans tous les cas tenue à la preuve, et l’on
sait de combien de difficultés pareille preuve est entourée.
M. le ministre nous oppose encore la discussion
qui a eu lieu, il y a quelques années ; mais je dois lui répondre que
l’expérience est un grand maître, et il le prouve lui-même en présentant ce
projet de loi. La proposition que nous faisons n’a pu souffrir de cette
ancienne discussion, car rien de pareil n’était présenté. J’ajouterai qu’alors
les draps français étaient prohibés ; ce n’est que plus tard que l’on a eu la
faiblesse de lever la prohibition que la France maintient encore à notre égard.
Le ministre dit encore que la fraude est
considérablement diminuée ; mais quel serait pour nous le résultat avantageux ?
Qu’est-ce que cela prouverait ? C’est que le tarif actuel ne protégerait pas
assez le marché intérieur. Si on ne fraude pas, les fils et tissus de laine
arrivent sur votre marché, à défaut de tarif protecteur.
Si nous possédions le marché intérieur, les
fabriques de Verviers, de Tournay et autres lieux ne seraient jamais
embarrassées de trop plein ; je vous l’ai démontré, il y a peu de temps,
messieurs, et personne n’a pu me contredire, la fabrique de Verviers pourrait
doubler sa production.
Comment, dans un pareil état de choses, s’il
existe, tel que le ministre nous l’annonce, tarde-t-il donc toujours de porter
remède ? Ne se souvient-il pas des paroles prononcées, dans le temps, par un
membre du cabinet actuel, alors zélé défenseur de l’industrie ?
« Si vous admettiez librement les produits
étrangers, lorsque le plupart des marchés vous seront fermés, vous ne
marcheriez pas, mais vous courriez à une ruine certaine ; car bientôt toutes
vos mesures, tous vos trésors, fussent-ils immenses passeraient chez
l’étranger, pour y payer la main-d’œuvre
de ses fabricats, que vous consommeriez alors exclusivement, vu que les
industriels et les ouvriers du pays auraient été mis dans l’impossibilité de
soutenir contre une concurrence si favorisée, et partant si écrasante des
fabricants et ouvriers étrangers ; non, messieurs, ce n’est plus concurrence
alors, c’est oppression de la part des étrangers, car il n’y a concurrence que
lorsqu’il y a réciprocité, lorsque les combattants sont placés dans les mêmes
conditions, et lorsqu’on ne lutte, que par les armes de son génie et de son
activité industrielles. »
Je dois espérer, messieurs, que notre
proposition sera adoptée ; elle n’emporte avec elle aucune vexation, elle ne
peut astreindre qu’à des formalités fort ordinaires, si elle ne réprime pas
entièrement la fraude, elle l’entravera nécessairement, c’est déjà beaucoup, et
cela sans qu’il ne coûte au gouvernement ; vous aurez, j’en suis convaincu,
fait chose utile pour l’industrie belge. C’est à titre d’essai que le
gouvernement propose la loi ; c’est aussi à titre d’essai que nous vous
présentons notre proposition, comme vous l’a dit hier notre honorable collègue
M. Demonceau.
M. le président. - S’il n’y a pas
d’opposition, je mettrai en discussion l’amendement de M. Delehaye. (Adhésion.)
M.
de Mérode. - L’honorable M. Delehaye a détruit les arguments opposés à ses
propositions, par ce qui vient d’être vote pour l’art. 8 et par tout ce que M.
le ministre des finances a dit lui-même en faveur de la disposition de cet article, qui exige la justification d’origine.
Je voudrais que l’on répondît sérieusement à M. Delehaye, et que l’on ne se
rejetât pas sur la prétendue répugnance que l’on attribue au pays contre les
mesures les plus propres à protéger son industrie intérieure.
Je n’admets point que
M.
Mercier, rapporteur. - Messieurs, les observations de l’honorable
comte de Mérode ne tendraient à rien moins qu’à appliquer toutes les
dispositions relatives au rayon de douane au reste du pays.
Certes il est bien facile de constater l’origine
des marchandises par de nombreuses formalités, par l’estampille, par le convoi,
par le recensement, par la visite dans les habitations, toutes choses qui se
font dans le rayon de la douane mais il faut savoir si l’on est disposé à l’y
introduire dans tout le territoire de
Messieurs, les propositions des honorables
membres paraissent fort simples à la lecture. Rien de plus simple que de dire
que les marchandises étrangères seront dorénavant accompagnées d’un document.
Mais ce qui ne l’est pas autant, c’est de reconnaître si ces marchandises sont
d’origine belge ou d’origine étrangère. On l’a déjà dit : l’industrie est
arrivée dans notre pays à un si grand point de perfection, qu’il est impossible
de faire une distinction entre les produits étrangers les mieux travaillés et
les produits belges. Je prétends que, sans avoir recours à toutes les vexations
que l’on doit malheureusement subir dans le rayon de la douane, il est
impossible que la mesure proposée ait aucune espèce d’efficacité.
S’il faut que l’administration prouve la fraude,
elle est exactement dans la même position avec le projet de la section
centrale. Lorsqu’elle pourra établir que des marchandises étrangères n’ont pas
acquitté les droits, la fraude sera constatée ; elle sera passible de la
pénalité établie par notre projet.
Mais, dit-on, c’est une arme que l’on met entre
les mains du gouvernement et dont il ne fera pas usage. Eh bien ! je dis qu’un
gouvernement qui a une arme entre les mains et qui n’en fait pas usage, manque
à ses devoirs. Il faut que le gouvernement exécute la loi, et pour l’exécuter
telle que la voudraient les honorables auteurs des amendements, il devrait
avoir recours à des mesures qui exciteraient la réprobation de tout le pays. Le
gouvernement serait coupable de faire usage de pareilles dispositions avant
d’avoir fait l’essai du projet qui vous est soumis et qui, j’en suis certain,
aura d’heureux résultats. Mais si, contre notre attente, ces dispositions
n’étaient pas suffisantes, il serait encore temps d’aviser à d’autres mesures.
Quant à présent, puisque tous les moyens de fraude signalés sont combattus par
les dispositions du projet, il me semble que nous pouvons avoir confiance dans
ces dispositions et qu’on ne doit pas avoir recours à des mesures que ceux même
qui les proposent ne voudraient pas voir appliquer avec rigueur.
Messieurs, je
n’entrerai pas dans de plus longs développements ; car réellement aucun des
arguments qui ont été produits pour réfuter les propositions des honorables
membres, n’a été contredit. Nous avons établi qu’il serait impossible de
constater l’origine des marchandises étrangères. Eh bien ! cette objection
subsiste à moins, je le répète, qu’on n’ait recours à toutes les formalités que
j’ai énumérées..
M.
de Mérode. - Messieurs, ni l’honorable M. Delehaye, ni moi, nous ne demandons pas
que l’on soumette tous les habitants de
Messieurs, tous les autres pays sont soumis à
ces mesures ; les Anglais en supportent de bien plus sévères encore que celles
qui vous sont proposées ; en France, en Prusse, dans le Luxembourg, elles sont
établies, et on veut constamment nous persuader qu’elles sont impossibles en
Belgique. Quant à moi, j’ai meilleure opinion du pays ; je
crois qu’il a plus de raison qu’on ne lui en attribue, et s’il est vraiment
dans son intérêt de réprimer la contrebande, il doit se soumettre aux mesures
qui atteindront ce but. C’est pourquoi j’appuie l’amendement de l’honorable M.
Delehaye.
M.
Delehaye. - Messieurs, l’honorable M. Mercier vient de vous dire de nouveau que
ma proposition était impraticable. Mais remarquez que l’art. 8 que vous avez
voté était applicable au projet présenté par le gouvernement, et que ce projet
proposait d’établir un double rayon. Or, un double rayon en Belgique aurait
compris au moins la moitié du pays entier. Ainsi une mesure qui, dans votre
opinion, était applicable à la moitié du royaume, ne le serait plus au royaume
entier.
Messieurs, nous vous avons dit que nous
laissions l’exécution de la mesure au gouvernement, à qui nous supposons des
intentions paternelles. Mais est-ce à dire qu’elle ne sera pas exécutée ?
Nullement ; nous voulons que le gouvernement soit sévère quand l’exécution de
la loi l’exige.
Comme vient de vous le dire l’honorable M. de
Mérode, la mesure que je vous propose existe en Angleterre, en Prusse, en
France, dans le Luxembourg. Mais il y a plus ; c’est qu’en Angleterre, où l’on
est aussi sévère sur les prérogatives personnelles qu’en Belgique, les
dispositions de la loi sont bien plus rigoureuses. Il suffit dans ce pays qu’un
douanier rencontre sur la grande voie une personne portant un ballot, pour qu’il
ait le droit de le faire déballer, Voilà des mesures bien plus sévères que
celles qui vous sont proposées. Eh bien ! ce qu’on
supporte en Angleterre dans l’intérêt du commerce, pourquoi ne le
supporterait-on pas en Belgique ?
L’honorable M. de Mérode vous a fait une autre
observation, qui est tout à fait fondée et qui détruit les arguments qu’on fait
valoir contre ma proposition. Consultez un habitant du rayon de la douane ; il
vous dira indubitablement qu’il préférerait ne pas être soumis aux entraves qu’il
doit supporter, mais qu’il les tolère puisqu’il en résulte un bien pour le
pays. Eh bien,
Messieurs, nous
avons détruit toutes les observations qui ont été présentées ; nous avons
réfuté l’opinion, que la mesure que nous vous proposons est impossible, puisque
partout on l’exécute ; vous ne pouvez donc vous arrêter à des arguments de
cette nature.
M. le
ministre des finances (M. Smits) - Messieurs, on a voulu tirer grand parti de
l’adoption de l’art. 8 qui assujettit le transport à certaines formalités. Mais
on n’a pas réfléchi que l’art. 8 est uniquement applicable au rayon de douane.
Or on abandonne le double rayon de douane ; les honorables membres eux-mêmes
n’en veulent plus. Et pourquoi n’en veulent-ils plus ? C’est qu’on veut faire
de
Supposons que la loi soit mise aujourd’hui à
exécution ; demain un transport s’opérera. Ce transport devra, être couvert
d’un document, qui devra être délivré par le receveur de la douane. Mais
comment ce receveur de la douane constatera-t-il que la marchandise à
transporter a été soumise aux droits antérieurement, ou bien qu’elle est
d’origine belge ? Ne voit-on pas qu’il y a impossibilité matérielle pour le
receveur de douane de délivrer un document, puisqu’il lui faudrait évidemment
pour cela la preuve évidente que la marchandise a acquitté les droits ou
qu’elle est d’origine belge.
Messieurs, il n’y a que deux moyens de constater
soit le payement des droits, soit la nationalité de la marchandise. Ces moyens
consistent dans la production des acquits de payement antérieurs ou dans
l’exhibition des factures délivrées par les fabricants du pays. Mais cela même
ne suffit pas ; il faut encore que le receveur de douanes ait connaissance de
l’existence de toutes les marchandises que les négociants possèdent ; car sans
cela, sa religion serait fréquemment surprise. Conséquemment, le recensement
devient une nécessité préalable, et ce recensement, on sera obligé de
l’appliquer non seulement aux négociants, mais aux particuliers. Sans cette
précaution un négociant qui craindrait d’être pris en flagrant délit de
contravention, pourrait cacher ses marchandises chez son voisin, afin de se
soustraire aux pénalités établies par la loi. Le recensement sur la généralité
des magasins et habitations devient donc une question préalable, une base
indispensable pour l’introduction du nouveau système qu’on préconise. Or, c’est
là un régime auquel
M.
Delfosse. - Je ne veux pas d’un second rayon de douanes, à plus forte raison je
repousse l’amendement de l’honorable M. Delehaye, qui placerait le pays entier
dans le rayon des douanes, qui assujettirait tous les citoyens à des visites
domiciliaires. L’inviolabilité du domicile est une de nos garanties les plus
précieuses ; le domicile est un asile sacré où l’on ne doit pénétrer que quand
l’intérêt général l’exige, et il faut que ce soit un intérêt grave. Je ne vois
pas quel est l’intérêt grave que M. Delehaye invoque ; l’intérêt qu’il invoque
est nul ou tout au moins il est trop faible. La loi telle qu’elle est proposée
par la section centrale contient des mesures efficaces pour la répression de la
fraude ; tout porte à croire que la fraude qui se fera encore après la mise en
vigueur de cette loi, sera fort restreinte, et j’aime mieux la souffrir que de
soumettre tous les citoyens à des visites domiciliaires, que de les exposer à
toutes sortes de vexations.
M. Delehaye nous parle des intentions
paternelles du gouvernement ; mon estimable ami n’a pas ordinairement autant de
confiance dans le gouvernement, et certes ce ne sont pas les faits récents qui
doivent lui en inspirer. Le gouvernement ne vient-il pas de faire un indigne
abus du droit de nommer les bourgmestres ? N’a-t-il pas excité des plaintes
générales en écartant des fonctions de bourgmestre les hommes les plus
recommandables ? Mais supposons que le gouvernement n’abuse pas des pouvoirs
que mon estimable ami veut lui conférer, n’y a-t-il rien à craindre du zèle
outré des employés subalternes, trop souvent disposés faire sentir leur
importance, et faut-il mettre nos concitoyens à leur merci ?
M. le comte de Mérode nous dit que la mesure
proposée par M. Delehaye s’exécute depuis longtemps en Angleterre et ailleurs.
Messieurs, n’allons pas chercher tous nos exemples en Angleterre. Il y a en
Angleterre des privilèges aristocratiques, tels que le droit d’aînesse et une
foule d’autres abus que peu de Belges voudraient supporter.
Je ne veux pas terminer sans dire un mot de
l’amendement de MM. Lys, David et Demonceau. Cet amendement a moins de portée,
il est moins dangereux que celui de M. Delehaye ; cependant je le repousserai
également parce qu’il mettrait trop d’entraves aux relations commerciales,
parce qu’il pourrait aussi être une source de petites vexations, sans amener de
bien grands résultats.
Faisons,
messieurs, l’expérience de la loi, telle qu’elle est proposée par la section
centrale et acceptée par le gouvernement ; plus tard, si l’insuffisance nous en
est démontrée, et j’espère qu’elle ne le sera pas, il sera toujours temps de
faire une loi nouvelle. N’allons pas dès aujourd’hui jeter la perturbation dans
les rapports commerciaux et l’inquiétude dans les familles par des mesures dont
rien ne démontre la nécessité ?
M.
Delehaye. - Messieurs, quand j’ai dit que j’avais confiance dans le ministère
que je lui accorderais volontiers la faculté que ma proposition tend à lui
donner, je n’ai nullement entendu parler de la loi communale. Lorsque nous
faisons une loi, nous voulons sans doute que sa durée ne soit pas limitée à
celle du ministère actuel. Y eût-il au ministère des hommes en qui j’aurais
encore moins de confiance que dans ceux qui sont aujourd’hui au pouvoir, je
n’en proposerais pas moins mon amendement. Qu’ai-je dit en présentant cet
amendement ? J’ai dit que ma proposition tendait en effet à donner au
gouvernement un pouvoir très étendu, mais qu’on ne devait pas craindre de lui
accorder ce pouvoir ; que puisque dans les Etats absolus de semblables
dispositions ne donnent pas lieu à des abus, il en résultera encore bien moins
des abus en Belgique, où le moindre acte du gouvernement est soumis au contrôle le plus actif. Ce ne sera pas en Belgique que l’on
fera des visites domiciliaires sans motifs fondés ; nous voyons, au contraire,
que lorsqu’il s’agit de crimes ou délits, on ne fait de semblables visites
qu’avec la plus grande répugnance ; or, on sera encore bien plus circonspect,
lorsqu’il ne s’agira que de fraude. La loi n’en produira pas moins le meilleur
effet ; son existence seule, j’en ai la conviction, sera un épouvantail ; il
suffit que le gouvernement ait les pouvoirs qu’il s’agit de lui donner, pour
que la fraude recule.
M.
Dubus (aîné). - Je viens aussi m’opposer, messieurs, à
l’adoption des amendements qui nous occupent. L’art. 14 du projet du
gouvernement proposait l’établissement d’un deuxième rayon de douanes ; le
premier paragraphe de cet article était ainsi conçu :
« Art. 14. Indépendamment du rayon établi
par la loi du 7 juin 1832, ii est créé un second rayon d’un demi-myriamètre de
profondeur, à partir des limites intérieures du premier »
La section centrale a supprimé cet article, M.
le ministre des finances s’est rallié à cette suppression, et tout le monde
l’approuve ; cependant on vient proposer sérieusement des amendements beaucoup
plus graves que la disposition à la suppression de laquelle on applaudit ; on
propose de placer
Ensuite, messieurs, comme vous l’a fait observer
M. le ministre des finances, la base même manque ici ; un point de départ est
nécessaire ; ce point de départ, c’est un recensement général de toutes les
marchandises qui se trouvent dans le pays ; sans cela les employés chargés
d’exécuter la loi manqueront des éléments nécessaires pour décider la question
de propriété, la question de nationalité. Lorsqu’il s’agira de décider si une
marchandise est réellement une marchandise indigène ou une marchandise qui a
acquitté les droits, s’il n’y a pas de recensement préalable, il est évident
que la base manquera, que cette décision sera impossible. La mise à exécution
de la loi devrait donc, de toute nécessité, être précédée d’un recensement général,
et je n’ai pas remarqué que l’on ait répondu quelque chose de sérient à cette
objection, qui est très considérable.
D’ailleurs, messieurs, il me semble aussi que
cette loi manque, sous plus d’un rapport, de sanction, indépendamment de
difficultés très grandes qui s’opposeraient à son exécution. D’après l’un comme
d’après l’autre amendement, il faudra toujours que la marchandise soit
accompagnée d’un document constatant soit la nationalité de la marchandise,
soit le paiement des droits. Mais ce document devra donc être divisé et
subdivisé à l’infini. En effet, lorsqu’une quantité, quelque grande qu’elle
soit, de marchandises, est introduite en Belgique par un négociant, ce
négociant ne reçoit qu’un seul document ; mais lorsqu’il vendra ensuite ces marchandises
à 20, 30, 100 autres négociants, il ne pourra pas couper ce document en
morceaux, il faudra qu’il délivre, lui, du nouveaux documents. Mais si les
documents peuvent se délivrer de cette manière, les documents de la deuxième ou
de la troisième main serviront pour couvrir dix fois, vingt fois, trente fois
la même quantité de marchandises. Je ne sais pas comment on peut trouver là une
garantie contre la fraude ; comment, pour obtenir un pareil résultat, on veut
poser en principe que le domicile de tout citoyen pourra être violé à chaque
instant du jour !
Je reviens, messieurs, à l’observation par
laquelle j’ai débuté. On a reculé devant l’extension du rayon ; on n’a pas
voulu placer une aussi grande partie de
Tout cela, messieurs, démontre à l’évidence
combien le système que l’on voudrait établir serait désastreux pour le
commerce. Je repousse donc de toutes mes forces l’amendement de l’honorable M.
Delehaye. Je repousse également l’amendement qui a été proposé par MM. Lys,
Demonceau et David ; je trouve des inconvénients de même nature dans l’un et
l’autre de ces amendements. Quant au dernier, il y a encore cette considération
à y opposer, qu’il ne fait que poser un principe dont il abandonne
l’application au gouvernement. Le gouvernement aurait carte blanche pour
organiser, comme il l’entendrait, le système dont cet amendement ne fait que
poser le principe.
Eh bien je
soutiens.que si la chambre était d’intention d’entrer dans un semblable
système, son devoir serait d’en organiser elle-même l’exécution. C’est là une
matière beaucoup trop grave pour qu’on puisse l’abandonner purement et
simplement au pouvoir exécutif.
M.
Cogels. - Je vous avoue, messieurs, que c’est la première fois que j’entends
parler des sentiments paternels du fisc ; j’ai entendu dire souvent que le fisc
est sans entrailles ; j’ai vu souvent que le peuple le regardait comme un
ennemi, sur lequel tout le monde pouvait se ruer ; mais, je le répète, c’est la
première fois que j’entends parler de ses sentiments paternels. Les agents du
fisc qui ont une part dans les saisies, seront toujours portés à en faire aussi
souvent qu’ils croiront y avoir le moindre droit, parce que l’intérêt est un
des plus grands mobiles qui fassent agir les hommes, et ici leur intérêt sema
toujours fortement engagé.
On nous a parlé de l’Angleterre et de la France
; je ne sais si on nous a présenté les choses sous leur véritable jour. Je me
rappelle que, lorsque j’ai été en Angleterre, l’administration des douanes
était extrêmement sévère, qu’elle avait le droit de saisir certaines
marchandises ; mais si ma mémoire m’est fidèle, le droit de saisie se bornait
aux marchandises prohibées, et il existait alors en Angleterre un grand nombre
d’articles qui étaient frappés de prohibition ; le droit de saisie ne
s’étendait nullement aux marchandises dont l’importation était permise
moyennant certains droits. Depuis lors les tarifs anglais ont été
singulièrement modifiés ; la plupart des prohibitions ont été levées et
remplacées par des droits modiques, et par suite de ces modifications le droit
de saisie doit avoir été considérablement restreint.
D’ailleurs, pour circuler en Angleterre, la
marchandise ne devait pas être accompagnée de documents, par exemple pour
voyager de Londres à Yorck, de Yorck
à Liverpool, en un mot d’une ville à l’autre ; seulement l’administration avait
le droit de saisie lorsqu’elle pouvait prouver qu’il y avait fraude. D’après ce
que l’honorable membre propose, ce ne serait pas l’administration qui devrait
prouver qu’il y a fraude, ce serait le contribuable qui devrait prouver qu’il
n’y a pas fraude.
Je ne crois pas, messieurs, que la chose existe
en France, car j’ai vu faire dans ce pays plusieurs expéditions de
marchandises, et je n’ai jamais vu que la marchandise fût accompagnée d’un
document de la douane. Des certificats de la douane n’étaient requis que
lorsque la marchandise devait passer par les rayons ; de semblables certificats
n’étaient jamais exigés pour l’intérieur du pays. En France, les marchandises
circulent librement à l’intérieur ; seulement pour quelques marchandises
étrangères on exige, non pas une estampille, mais l’apposition d’une marque ou
d’un plomb, qui doit y rester attaché jusqu’à ce que la marchandise soit livrée
a la consommation.
Je crois que
cela s’étend à quelques grands magasins seulement. Quant à la circulation, il
ne faut jamais de documents ; le particulier qui achète, circule librement avec
des quantités assez considérables sans s’exposer à être saisi. Or la même chose
n’existe pas ici. Il y a donc une grande différence entre le régime qu’on
voudrait établir, et celui qui existe dans les pays qu’on a cités pour exemple.
M.
de La Coste. - Messieurs, vous vous
rappelez que, peu avant cette discussion, M. le ministre de l’intérieur nous a
exprimé une opinion qui certainement ne lie pas la chambre, mais sur laquelle
je crois devoir appeler votre attention ; il nous a dit qu’il s’attendait à ce
que la discussion du projet de loi ne serait pas très longue ; qu’il pensait que
les personnes même qui étaient persuadées qu’il fallait quelque chose de plus,
adopteraient avec empressement ce qui était proposé. Je ne me rappelle pas que
cette opinion ait alors rencontré des contradicteurs.
Messieurs, au milieu de toutes les graves discussions
qui nous ont occupés, nous n’avons pu étudier la loi actuellement en discussion
que d’une manière fort rapide ; nous l’avons étudiée telle qu’elle nous était
proposée ; d’après ce que je viens de rappeler, nous n’avons guère pu prévoir
les nouvelles propositions qui nous sont faites. C’est une loi toute nouvelle.
Sans doute, indépendamment des auteurs de ces
propositions, il y a quelques membres de l’assemblée qui connaissent
parfaitement la tendance de ces propositions, qui en ont étudié la portée.
Mais, quant à moi, et plusieurs de nos collègues sont peut-être dans le même
cas, je n’ai pu me livrer à cette étude ; nous serions donc pris au dépourvu,
si l’on improvisait une loi dans ce sens.
Au surplus, on nous place entre deux essais. Le
gouvernement nous dit : Essayez ce qui vous est proposé, et si plus tard, il
est reconnu nécessaire de renforcer ces mesures, on sera libre de le faire.
L’honorable M. de Mérode dit, au contraire : Essayez les mesures les plus
acerbes, qu’il regarde comme les plus efficaces, et si l’on s’en trouve mal, on
reviendra sur ses pas.
Eh bien, de ces deux essais, celui qui est
proposé par le gouvernement et par la section centrale est, selon moi, le plus
raisonnable.
Maintenant nous ne considérons qu’un côté de la
question ; nous sommes justement préoccupés des souffrances de l’industrie, des
réclamations des industriels ; mais si nous adoptions tout ce qui est proposé,
il s’élèverait des réclamations d’un autre genre, des réclamations peut-être
plus vives et plus générales ; nous aurions des réclamations de toute la
population livrée aux exigences du fisc.
Il est certain que dans un pays de médiocre
étendue, la surveillance des frontières est une chose difficile ; que ce qu’il
y a peut-être de plus sage, est un régime de protection modérée ; dans un
pareil pays les mesures même les plus vexatoires n’atteindront pas leur but ;
mais à cela il y a une compensation, c’est que ces pays peuvent être gouvernés dans le sens des mœurs des habitants,
d’une manière paternelle, d’une manière qui n’a rien de violent ; et nous
perdrions ces avantages, sans avoir ceux des grands Etats, si nous accueillions
trop facilement des mesures de rigueur. Tels sont les motifs qui m’empêcheront,
quant à présent, de donner mon assentiment aux amendements que nous discutons,
sauf à en faire l’objet d’un examen ultérieur et approfondi.
(Moniteur
belge n°42 du 11 février 1843) M. Demonceau. - Messieurs,
si d’honorables membres, en combattant l’amendement de l’honorable M. Delehaye,
n’avaient pas attaqué en même temps la proposition que MM. Lys, David et moi
avons faite à la chambre, je n’aurais pas demandé la parole, j’aurais attendu
que cette proposition fût en discussion ; mais comme on n’a pas attendu
jusque-là pour se livrer, à l’égard de notre proposition, à des récriminations
fort vives, je tiens à la justifier de nouveau.
D’abord, lorsque l’on entend d’honorables
collègues déclarer qu’il serait préférable de se contenter des améliorations
proposées par la section centrale, nous devons craindre qu’il n’y ait
parti-pris de ne pas accepter les améliorations que nous proposons.
M. Dumortier. - Je demande
la parole ; personne ici n’a un parti pris de ne pas accepter une amélioration.
M.
Demonceau. - Je maintiens ma phrase, parce qu’on s’est livré à des exagérations
telles qu’il m’est permis de croire qu’il y a au moins peu de bon vouloir de la
part de nos contradicteurs.
On dit que nous n’avons pas voulu d’un double rayon.
Mais, messieurs, c’est la section centrale et, après elle, le gouvernement qui
renoncent au double rayon proposé par lui ; et, chose étrange, c’est
l’honorable M. Mercier qui, en sa qualité de directeur de l’administration des
douanes, a présidé la commission, qui conseilla l’adoption de cette mesure ;
nous devions supposer dès lors que la proposition venant d’hommes si compétents
dans la matière, le gouvernement pensait qu’il lui était possible d’appliquer
la loi au double rayon.
On nous a opposé qu’on ne pourrait prouver ni la
nationalité de la marchandises ni le paiement du droit. Eh bien, je demanderai
à M. le ministre des finances, à l’honorable M. Mercier, comment on reconnaît
la marchandise dans le rayon réservé.
Messieurs, relisons l’article 8 que la chambre
vient de voter. Cet article est ainsi conçu :
« Sauf l’exception prévue par l’article suivant,
aucun acquit-à-caution ni passavant ne pourra être délivré, dans le rayon des
douanes, pour le transport des marchandises, à moins qu’il ne soit justifié de leur origine ou fabrication indigène, à la
satisfaction de l’administration. »
Ainsi, dès que, dans le rayon réservé, vous
justifiez que le tissu a été fabriqué dans le pays, vous devez être exempté du
paiement du droit ; je demande comment l’administration exécute cet article ;
si elle me dit que l’article est inexécutable, je passerai condamnation sur
notre proposition. Mais, messieurs, quand je vois le gouvernement établir
lui-même une exception, pourquoi ne pas admettre la nôtre ? Si vous pouvez
reconnaître le tissu indigène dans le rayon de douane, vous devez pouvoir le
reconnaître dans toute l’étendue de
Maintenant je continue la lecture de l’article 8
:
« Ou bien, si elles sont étrangères, de leur
introduction ou de leur existence légale dans le royaume, au moyen d’acquits de
payements délivrés au nom du déclarant et ayant moins d’un an de date. »
Ne venez donc pas nous dire que notre
proposition est d’une exécution matériellement impossible ; quand je vous ai
rappelé dans une séance précédente que vous trouveriez dans la loi générale les
moyens d’exécution, j’avais présente à la mémoire la disposition de cette loi,
dont l’art. 8 du projet n’est que la reproduction ; je n’en avais pas sous les
yeux le texte ; ce texte, vous venez de l’adopter !
On nous dit : Mais vous allez livrer toute
Nullement ; nous prescrivons l’obligation de
justifier ou de l’indigénat ou du paiement des droits pour certaines parties de
marchandises que nous définissons. Pourquoi tant se récrier contre cette légère
entrave apportée à la libre circulation de ces marchandises ? Mais quand vous
voyagez, n’êtes-vous pas arrêtés par un rayon de douanes à chaque ville ?
N’êtes-vous pas visités dans votre propre voiture ? Quand vous abordez toutes
les villes de
On me dit que cela n’a aucun rapport à notre
proposition ; cela prouve au moins qu’en Belgique on sait supporter les
visites. Si tous nous sommes obligés de souffrir des visites dans l’intérêt de
taxes municipales, pourquoi ne supporterait-on pas, dans un intérêt national,
les visites spéciales que nous demandons pour certains tissus ?
Pour les sels, n’exige-t-on pas des documents
pour circuler ?
Ce que nous demandons pour les tissus, existe
aujourd’hui pour les sels ; si le gouvernement demande la suppression du permis
de transport sur les sels, c’est à la condition que deux ou trois villes seront
dépouillées des arrivages de sel ; ces villes sont Louvain, Bruges et Gand ;
c’est à la condition enfin qu’Anvers et Ostende auront le monopole de
l’importation du sel.
Messieurs, on a parlé de recensement ; ceux qui
en ont parlé ont dit : Il est possible que plus tard nous adoptions l’une ou
l’autre de ces propositions. Eh bien, reculer devant un recensement, s’il est
nécessaire, c’est dire qu’on ne changera jamais la loi.
Mais je dis que nous opposer le recensement,
c’est nous dire qu’on ne réalisera jamais la promesse qu’on nous fait, de faire
dans l’avenir tout ce qui sera possible pour garantir le marché intérieur à
l’industrie nationale.
- La séance est levée à 4 heures et demie.