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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 7 février
1843
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre, notamment pétition relative aux droits d’entrée
sur les bois (Donny, de Theux)
2) Projet
de loi octroyant des crédits provisoires au budget du département de la guerre
pour l’exercice 1843 (Rogier)
3) Projet de loi
octroyant des crédits supplémentaires au budget du département de la guerre
4) Projet de loi prorogeant
le régime des transits et des entrepôts
5) Projet de loi
relatif à la circonscription cantonale
6) Interpellation
relative au polder de Lillo (Osy, de
Liem, Cools)
7) Projet de loi
portant des crédits supplémentaires au budget du département de la justice pour
les exercices 1841 et 1842
8) Projet de loi
portant un crédit supplémentaire au budget du département de l’intérieur pour
l’exercice 1842. Jurys d’examen universitaires et concours universitaires (Osy, de Man d’Attenrode, Nothomb, Verhaegen), lutte
contre les épizooties (Desmet, Demonceau),
jurys d’examen universitaire (Dumortier, Nothomb), lutte contre les épizooties (de
Man d’Attenrode, Nothomb, Demonceau,
Desmet, de Garcia)
9) Motion d’ordre
relative aux dispositions de la loi électorale (Lebeau, Nothomb, Devaux, Nothomb,
de Theux, Pirson, Delfosse, Nothomb, Rodenbach)
10) Projet de loi
autorisant le département de la guerre a faire liquider, sur le budget de 1840,
une somme de 50,000 fr. pour l’hôtel du ministère (Osy, de Liem, Rogier, Lys,
Osy, de Garcia, Delfosse, de Liem, Delfosse, de Man d’Attenrode)
11) Projet de loi
relatif à la répression de la fraude. Discussion générale. (A :
élargissement du rayon des douanes ; B : droits de recherche à
l’intérieur (visites domiciliaires) et estampille) (A (Mercier,
de Nef), B (Delehaye), A (de Renesse), B (Lys), convention
commerciale (linière) avec la France, politique commerciale du gouvernement (Desmet), B (Demonceau, Smits, Manilius), A, B (Smits), B, industrie du coton (Dumortier))
(Moniteur belge n°39 du
8 février 1843)
(Présidence de M. Raikem)
M. de Renesse procède à
l’appel nominal à midi et 1/4.
M. Dedecker donne lecture
du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est approuvée.
M. de Renesse communique les
pièces de la correspondance :
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Malfait présente des observations
contre le projet de loi sur le sel. »
- Renvoi à la section centrale chargée de l’examen du projet de loi sur
le sel.
_________________________
« L’administration communale de Villers-Ste.-Gertrude demande que
cette commune soit détachée de la province du Luxembourg et réunie à celle de
Liége. »
- Renvoi à la commission chargée de l’examen du projet de loi concernant
les circonscriptions cantonales.
« Les négociants en bois d’Ostende présentent des observations
contre les propositions de la section centrale relativement aux droits d’entrée
sur les bois. »
M. Donny. - Je demande
que cette pétition soit renvoyée à la commission des pétitions, avec demande
d’un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
« Plusieurs propriétaires de bois dans
M. de Theux. - Messieurs, cette pétition est relative à un
objet sur lequel la section centrale, chargée de l’examen du projet de loi sur
les droits d’entrée, a fait un rapport. Je demanderai qu’elle soit déposée sur
le bureau pendant la discussion du projet de loi sur les droits d’entrée.
- Cette proposition est adoptée.
________________________
« Le sieur Paul Aribert, secrétaire communal
de Philippeville, prie la chambre de revenir sur la décision qu’elle a prise
relativement à sa demande en naturalisation. »
- Renvoi à la commission des naturalisations.
________________________
« Le sieur Kokelenberg, tailleur de pierres à
St.-Nicolas, se plaint de ce que son deuxième fils est appelé sous les
drapeaux, parce que son troisième fils se trouve exempté du service par la voie
du sort. »
« Le sieur Hebbelynck, ancien greffier de
la justice de paix du canton de Nazareth, réclame l’intervention de la chambre
pour obtenir une place de greffier de justice de paix, ou bien sa pension. »
« La danse Lefebvre, veuve Bailly, demande que le gouvernement belge
réclame du gouvernement néerlandais la liquidation de la dotation sur le Monte Napoleone de Milan, qui a été accordé à feu son
mari. »
« Le conseil communal de Sichen-Sussen et Bollere demande que le
hameau de Sussen soit séparé de cette commune, et
érigé en commune distincte. »
Le sieur Moureau, cabaretier à Verviers, réclame
l’intervention de la chambre pour être indemnisé des pertes que lui a fait
subir l’administration du chemin de fer, par suite de l’abaissement de la route
de
« Le sieur Dickschen soumet à la chambre des
observations sur les renseignements donnés par M. le ministre de la guerre au
sujet de sa réclamation. »
Ces dernières pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.
_______________________
Par 30 messages, en date des 1, 2, 3 et 4 février, le sénat informe la
chambre qu’il a donné son adhésion
1° A 25 projets de loi conférant la naturalisation ordinaire ;
2° Au projet de loi allouant un crédit au département des finances, pour
payer les bordereaux de collocation délivrés à charge du gouvernement belge, en
sa qualité d’adjudicataire des établissements de Couvin ;
3° Au projet approuvant le traité du 5 novembre 1842 et la convention
conclue la veille avec
4° Au projet de loi approuvant la convention de commerce et de navigation
intérieure conclue avec les Pays-Bas, le 5 novembre 1842 ;
5° Au projet de loi approuvant la convention relative au canal de Meuse
et Moselle, conclue avec les Pays-Bas, le 12 mai 1842 ;
6° Au projet de loi autorisant la cession du palais de justice de Mons
et de terrains qui en dépendent. »
_____________________
Par message en date du 6 février, le sénat informe la chambre qu’il a
rejeté le projet de loi autorisant la séparation des hameaux de Ville-en-Waret et de Houssoy de la commune
de Vezin et leur érection en commune distincte.
- Pris pour notification.
_____________________
M. le ministre des finances
(M. Smits) transmet à la chambre les explications demandées sur la pétition des
anciens militaires ayant servi aux Indes, qui ont été pensionnés sous l’ancien
gouvernement.
- Pris pour notification.
PROJET DE LOI OCTROYANT DES CREDITS PROVISOIRES
AU BUDGET DU DEPARTEMENT DE LA GUERRE POUR L’EXERCICE 1843
M. le ministre de la guerre
(M. de Liem) dépose un projet de loi ayant pour objet d’allouer
un nouveau crédit provisoire de 3,000,000 fr. à son
département, pour le service de l’exercice 1843.
- Ce projet est renvoyé à la section centrale chargée de l’examen du
budget de la guerre.
M. Rogier. - Je demande
quand la section centrale du budget de la guerre espère pouvoir déposer son
rapport sur ce budget.
M. le président. - L’examen du
projet de loi relatif au traité conclu avec les Pays-Bas a naturellement
apporté un retard aux délibérations de la section centrale sur le budget du
département de la guerre. Elle s’est réunie de nouveau aussitôt que la
discussion concernant le traité a été terminée. Nous espérons que le rapport
pourra être déposé dans quelques jours.
M. Lys. - M. le
rapporteur m’a dit qu’il déposerait son rapport mardi ou mercredi de la semaine
prochaine.
PROJET
DE LOI OCTROYANT DES CREDITS SUPPLEMENTAIRES AU BUDGET DU DEPARTEMENT DE LA
GUERRE
M. le ministre de la guerre
(M. de Liem) dépose un second projet de loi ayant pour objet
d’allouer à son département un crédit supplémentaire de 244,893 fr.
- Ce projet est renvoyé à la commission permanente des finances.
PROJET
DE LOI PROROGEANT LE REGIME DES TRANSITS ET DES ENTREPOTS
M. le ministre des finances
(M. Smits) dépose un projet de loi ayant pour objet de proroger jusqu’au 31
décembre 1844 la loi qui a autorisé le gouvernement à changer le régime de
transit et des entrepôts.
- Ce projet est renvoyé à la section centrale qui a connu du premier
projet et qui examinera le projet de prorogation en qualité de commission
spéciale.
PROJET
DE LOI RELATIF A LA CIRCONSCRIPTION CANTONALE
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, la commission extraordinaire de 18
membres que vous avez chargée d’examiner les divers projets de loi sur la
circonscription cantonale, s’est adressée au gouvernement pour le prier de
faire un travail d’ensemble, en tenant compte de toutes les réclamations. J’ai
préparé ce travail et je le dépose sur le bureau. J’aurais pu l’adresser
directement à la commission, mais j’ai pensé qu’il était utile qu’il fût remis
à la chambre elle-même, pour que chaque membre en pût prendre connaissance.
- L’impression de ce rapport est ordonnée.
M. Osy. - Il y a plus
d’un mois que la chambre a renvoyé à M. le ministre des travaux publics neuf
différentes pétitions qui lui étaient arrivées de Lillo, tant de la commune que
de la direction du polder. M. le ministre nous a annoncé qu’on allait nommer
une commission mixte, composée d’ingénieurs civils et militaires, qui se
rendraient sur les lieux. M. Teichmann a été nommé
par M. le ministre des travaux publics ; il paraît que jusqu’à présent M. le
ministre de la guerre n’a pas nommé son commissaire, je demanderai à M. le
ministre de la guerre s’il compte faire bientôt cette nomination.
M. le ministre de la
guerre (M. de Liem) - Le département de la guerre a chargé M. le
général Goblet de s’entendre avec M. Teichmann,
désigne par M. le ministre des travaux publics. Cette désignation, a eu lieu il
y a quelques jours. Aucun rapport n’a encore été fait.
M. Cools. - Je profite
de l’interpellation de l’honorable M. Osy pour en faire une à mon tour à M. le
ministre de la guerre, à l’occasion de la commission mixte qu’on a nommée pour
le polder de Lillo.
Il existe depuis dix ans une route en projet de Calloo
à Doel ; j’ai demandé, il y a quelque temps, qu’on nommât
également une commission mixte, pour lever les difficultés qui s’opposent à la
construction de cette route. Je prie M. le ministre de la guerre de vouloir
bien me dire s’il s’est déjà mis à cet égard en rapport avec son collègue du
département des travaux publics.
M. le ministre de la guerre
(M. de Liem) - Le département des travaux publics a demandé, en
effet, au département de la guerre son avis sur le tracé d’une route qui doit
aller de Calloo à Doel. Le
département de la guerre a donné un avis favorable sur l’exécution de cette
route, mais en modifiant toutefois le tracé. C’était là le seul rôle que le
département de la guerre avait à jouer dans cette circonstance.
M. Cools. - Messieurs,
c’est précisément le changement apporté au tracé de la route par le département
de guerre, qui a augmenté les difficultés, au lieu de les aplanir. Au reste,
comme l’instruction de cette affaire n’est pas assez avancée, je me borne pour
le moment à recommander à la sollicitude de M. le ministre de la guerre la
nomination d’une commission mixte ; car je crois que c’est le moyen le plus
simple d’en finir avec cette affaire.
M. le ministre de la guerre
(M. de Liem) - Je ne vois aucun inconvénient à ce que cette
commission soit nommée.
PROJET
DE LOI PORTANT DES CREDITS SUPPLEMENTAIRES AU BUDGET DU DEPARTEMENT DE LA
JUSTICE POUR LES EXERCICES 1841 ET 1842
M. le président. – Ce projet
est ainsi conçu :
« Art. 1er. Un crédit supplémentaire de 80,000 francs est ouvert au
chapitre IV, article unique (Frais de justice), du budget du ministère de la
justice, pour l’exercice 1841. »
« Art. 2. Un crédit supplémentaire de 11,000 francs est ouvert au chapitre
VI, art. 2 (Moniteur), du même
budget, pour l’exercice 1842. »
- Personne ne demandant puis la parole dans la discussion générale, on
passe aux articles qui sont adoptés successivement sans discussion.
Il est procédé à l’appel nominal sur l’ensemble du projet.
Ce projet est adopté à l’unanimité des 48 membres qui ont répondu à
l’appel.
Il sera transmis au sénat.
Les membres qui ont répondu à l’appel sont : MM. Cogels, Cools, de Behr,
Dedecker, de Florisone, de Foere, de Garcia de
PROJET DE LOI PORTANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE
AU BUDGET DU DEPARTEMENT DE L’INTERIEUR POUR L’EXERCICE 1842
Discussion
générale
M. Osy. - Les membres
de la section centrale ont tous été frappés de la somme énorme à laquelle
s’élèvent les dépenses du jury d’examen. On demande un crédit supplémentaire de
49 mille francs, de sorte que le jury d’examen, pour l’exercice 1842, aura
coûté la somme de 128 mille francs.
D’après les renseignements que M. le ministre de l’intérieur a fournis à
la section centrale, il paraît qu’on paie 5 francs par heure aux professeurs
membres du jury, habitant Bruxelles, plus 20 fr. par jour de frais de séjour,
aux professeurs résidant hors de Bruxelles.
Il est à considérer que plusieurs de ces membres
du jury sont payés par le budget de l’Etat. Comme nous ne pouvons pas nous
occuper de la loi sur l’enseignement supérieur, ne serait-il pas possible à M.
le ministre de l’intérieur de présenter un projet de loi pour diminuer la
rétribution des membres du jury d’examen au taux de celle qui est payée aux
membres des autres commissions ?
M. de Man d’Attenrode. - Messieurs,
je saisis l’occasion d’une demande de crédits supplémentaires en faveur des
concours universitaires, pour adresser une demande à M. le ministre de
l'intérieur.
D’après un article de l’arrêté du 15 novembre 1841, qui établit les
concours universitaires, tout mémoire couronné est imprimé aux frais de l’Etat,
et il en est donné gratuitement 100 exemplaires à l’auteur ; ce sont à peu près
les termes d’un des articles de cet arrêté.
Le premier concours a eu lieu l’été dernier ; des mémoires ont été
couronnés, et nous sommes encore à en attendre la publication.
Il me semble que la disposition que je viens de rappeler est très sage,
car elle tend à livrer à la censure de la presse et de la publicité, à la
censure de l’opinion publique les doctrines du haut enseignement qui, dans un
pays constitué comme le nôtre, peuvent être sociales ou antisociales, et ne
sont soumises à aucun contrôle.
Je demanderai donc à M. le ministre quand,
conformément à l’arrêté du 15 novembre, il compte livrer à la publicité les
mémoires couronnés en 1842 ; car après tout, messieurs, nous avons quelque
droit de connaître les mémoires que nous contribuons à faire couronner ?
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Répondant à l’observation de l’honorable
préopinant, je dirai qu’il entre toujours dans mes intentions de donner suite à
l’arrêté organique des concours qu’il a cité, et de faire imprimer les mémoires
couronnés. Je crois que personne n’a intérêt à ce que cette publication n’ait
pas lieu.
Quant aux observations faites par l’honorable M. Osy, je ferai remarquer
qu’il ne s’agit ici que de l’exécution de la loi du 25 septembre 1835, qui a
fixé la rétribution des membres du jury d’examen. C’est cette loi qu’il s’agit
d’exécuter. L’honorable membre demande s’il n’y a pas lieu de changer la
rétribution fixée par cette loi. C’est une chose que nous pourrons examiner
ultérieurement, mais, quant à présent, nous n’avons à
nous occuper que de l’exécution de la loi. C’est un droit acquis aux membres du
jury. Dans le nouveau projet de loi qui vous est soumis, on propose de réduire
la rétribution. Quand nous discuterons ce projet, nous examinerons s’il y a
lieu de réduire ou de maintenir la rétribution fixée par la loi actuellement
existante.
M. Verhaegen. - J’ai
demandé la parole pour engager M. le ministre à publier le plus tôt possible
les mémoires couronnés au concours.
M. Desmet. - M. le
ministre a demandé un crédit supplémentaire pour indemniser les propriétaires
de bestiaux atteints d’épizootie dont l’abattage a été ordonné. Quoique
partisan des économies, j’accorderai toutes les sommes nécessaires pour arrêter
les progrès de cette maladie qui sévit d’une manière effrayante dans notre
pays.
Je vois dans les développements de l’exposé des motifs qu’on croit
pouvoir porter remède à ce fléau par le croisement des races au moyen des
vaches étrangères. Je crains fort que ce moyen ne réussisse pas.
Messieurs, anciennement on était plus difficile et plus soigneux dans
l’exécution des mesures destinées à arrêter ce fléau. Je voudrais qu’on
consultât les anciens règlements sur cette matière, on verrait les mesures
sages qu’on prenait. On sentait alors l’importance de l’élévation et du
commerce du bétail. Aujourd’hui, malheureusement il entre plus de bétail dans
le pays qu’il n’en sort, par suite des ravages que cette maladie exerce depuis
douze ans.
Le code pénal de 1810 prévoit le cas de l’existence de bêtes atteintes
de l’épizootie, et punit sévèrement ceux qui ne les déclarent pas. Les articles
459, 460 et 461 prononcent des peines très sévères, et cependant, je crois
pouvoir dire sans blesser l’administration, cette maladie sévit presque partout,
elle fait le tour du pays, et on ne voit pas que personne ait été puni pour
n’avoir pas fait la déclaration prescrite.
Cette année, les beurres de Dixmude et du Furen-Ambach n’ont pu se vendre à cause de leur mauvaise qualité,
par suite de la maladie dont les bestiaux étaient atteints.
Je reviens sur les mesures prescrites par les
anciens règlements. Ces mesures se trouvent reproduites dans une instruction du
27 messidor an V. J’engage M. le ministre à rappeler ce document aux
fonctionnaires sous ses ordres, ils y verront les bonnes mesures qu’on prenait
anciennement contre l’épizootie et qui nous permettaient d’exporter une
quantité considérable de bétail, tandis qu’aujourd’hui nous en recevons plus
que nous n’en exportons.
M. le président. - La parole
est à M. Dumortier.
M. Dumortier. - Mon
intention n’est pas de parler sur les bêtes à cornes, mais sur les élèves des
universités ; j’attendrais qu’on ait terminé la discussion soulevée par mon honorable
collègue.
M. Demonceau. - Pour
rassurer mon honorable collègue M. Desmet, je lui dirai que les règlements sont
appliqués avec la plus grande rigueur dans mon district et que plusieurs
condamnations ont été prononcées.
L’honorable membre est donc dans l’erreur quand
il pense que généralement les lois et règlements contre l’épizootie ne
s’exécutent pas, car on les exécute même avec rigueur dans le district que
j’habite.
M. Dumortier. - Messieurs,
vous savez que la loi exige que, chaque année avant le 1er janvier, les jurys
d’examen soient constitués. Cette année, nous n’avons pas nommé de jury
d’examen, nous sommes par conséquent en faute vis à-vis de la loi. Il faut
qu’une nouvelle loi intervienne ; je demanderais à M. le ministre si un projet
de loi sera prochainement présenté. Le jury doit siéger aux vacances de Pâques
; s’il n’est pas possible de discuter la loi sur l’enseignement supérieur avant
ces vacances, je demanderai à M. le ministre s’il ne pourrait pas présenter un
projet de loi sur le jury.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - La loi de prorogation sera peut-être
présentée aujourd’hui.
M. Dubus (aîné). - Il ne peut
être question de violation de la loi, car l’article de loi qui prescrit la
nomination du jury d’examen n’est plus en vigueur.
Discussion
des articles
Articles 1 et 2
« Art. 1er. L’art. 2 du chapitre XVI du budget du département de l’intérieur,
pour l’exercice 1842 (frais du jury d’examen pour les grades académiques), est
majoré d’une somme de quarante-neuf mille sept cent soixante-dix-neuf francs
quarante-cinq centimes (fr. 49,770 45). »
Adopté.
« Art. 2. Il est ouvert au département de l’intérieur un crédit
supplémentaire de quatorze mille deux cent trente-neuf francs huit centimes
(fr. 44,239 08), pour frais de confection de médailles de la vaccine pour les
années 1837 et 1838.
« Cette allocation formera le chapitre X1X,
article unique, du budget du même département, pour l’exercice 1842. »
Adopté.
« Art. 3. L’article unique du chapitre IX du budget du même département
pour l’exercice de 1841 (fonds d’agriculture) est majoré d’une somme de cent
dix-sept mille francs (fr. 117,000). »
M. de Man d’Attenrode. - Messieurs,
les prévisions du budget de 1841, pour indemniser les cultivateurs dont le
bétail serait abattu pour prévenir les maladies contagieuses, c’est-à-dire pour
cause d’utilité publique, ont été de 80,000 fr. ; 15,000 fr. prélevés sur
d’autres dépenses de l’agriculture ont encore été employés pour cet objet.
Maintenant l’on nous demande 117,000 fr, de crédits supplémentaires, de sorte
que le crédit nécessaire dépasse de 132,000 fr. les prévisions du budget ;
ainsi les indemnités pour abattage s’élèveront à 212,000 fr. pour l’exercice
1841.
Cette somme, quoique très élevée, ne provoquerait pas d’observations de
ma part, si j’étais persuadé que l’on atteint le but, très louable, que l’on se
propose ; mais j’ai tout lieu de craindre que l’on n’atteigne pas ce but,
malgré la progression de la dépense, malgré la déclaration que vient de faire
l’honorable M. Demonceau.
Voilà pourquoi j’ai demandé la parole. J’espère que la chambre voudra
bien me prêter un instant d’attention. Une dépense de 212,000 fr., qui est loin
de nous avoir procuré les résultats que nous sommes en droit d’en attendre, et
qui tend à s’élever de plus en plus, mérite quelques observations.
Le gouvernement hollandais, frappé sans doute de l’opportunité de
chercher à mettre un terme ou de diminuer au moins l’intensité des maladies
contagieuses, qui portaient le ravage dans le bétail, qui forme une des
branches les plus productives de la richesse publique, et d’indemniser les
cultivateurs, qui étaient les victimes de ce fléau ; le gouvernement
hollandais, dis-je, institua le fonds d’agriculture. La première disposition
légale relative à cette utile institution date du 6 janvier 1816.
Les habitants du royaume qui possédaient du bétail, des chevaux, étaient
obligés de contribuer à un fonds dit d’agriculture.
En cas d’épizootie, le gouvernement ordonnait l’abattage du bétail
atteint de maladie contagieuse, et les intéressés recevaient un dédommagement
sur ce fonds. Le dédommagement était du tiers de la valeur du bétail, et
l’abattage ne pouvait le procurer, que lorsqu’il avait été prescrit par
l’autorité supérieure. Il était une véritable société d’assurance mutuelle
contre la perte du bétail résultant de maladies contagieuses.
Le fonds de cette association resta au pouvoir de
Les développements du budget de 1833 portent, que les 65,000 fr.
demandés pour cette année ont pour objet de faire face aux dépenses du fonds
d’agriculture resté en Hollande, qu’ils sont demandes à titre d’avances en
attendant la liquidation avec
Au budget de 1835 l’allocation fût majorée et portée à 80,000 fr. Voici
quel est le motif de cette majoration, telle que je l’ai trouvée an budget de
cet exercice :
« Il a été reconnu que les indemnités accordées… sont tout à fait
insuffisantes… Les cultivateurs préfèrent vendre leurs bestiaux que de les
faire abattre, de sorte que le but de la loi est manqué ; il faudrait que les
indemnités, qui ne sont que d’un quart de la valeur, fussent portées à un taux
plus élevé. »
Dans les budgets suivants, il s’agit toujours d’une avance à faire sur
le fonds d’agriculture.
Puis au budget de 1840 et 1841 le libellé est modifié ; le mot avances disparaît ; et au budget de la présente
année l’allocation est portée à 100 mille fr.
J’ai dit que depuis 1830 le service du fonds d’agriculture avait été
continué au moyen d’allocations portées successivement aux budgets sous le
titre d’avances ; mais que l’indemnité n’était accordée qu’à ceux qui avaient
contribué au fonds de l’association, et elle n’était que d’un quart de la
valeur.
Un arrêté royal du 19 avril 1841, sous la forme d’un règlement, modifia
sérieusement ce qui s’était pratiqué jusque-là.
D’abord il fut arrêté que l’indemnité serait d’un tiers pour le bétail
et les chevaux d’agriculture, d’un cinquième pour les chevaux de poste et des messageries, et d’un
quart pour les chevaux de tout autre service.
Il fût arrêté que l’indemnité serait accordée indistinctement à tout le
monde ; la condition d’avoir contribué ou de contribuer au fonds d’agriculture
fut supprimée.
Enfin, il fût arrêté que les administrations communales pourraient
aussi, en cas d’urgence, ordonner l’abattage. Cette innovation, dit la
circulaire ministérielle, a paru nécessaire, parce que les cultivateurs
voyaient souvent mourir leurs bestiaux avant que l’ordre d’abattage pût être
expédié, et se trouvaient ainsi privés de l’indemnité.
Je pense que ces trois dispositions n’ont eu d’autre mérite que
d’augmenter beaucoup les dépenses, et nous en avons aujourd’hui une preuve
marquante, puisque les prévisions du budget de 1841 ont été dépassées de
132,000 fr., et que ces modifications n’ont pas donné à ces dépenses des
résultats plus satisfaisants.
Je me suis demandé, quel est le but de l’indemnité ?
Ce but est d’engager les propriétaires du bétail à déclarer
immédiatement, dès le début, la présence des maladies contagieuses,
conformément à l’art. 459 du code pénal, et d’arrêter la contagion par
l’abattage.
Eh bien, je dis que ce but est compléteraient manqué, et je le dis avec
cette assurance que me permet mon expérience d’ex-administrateur.
D’abord personne, ou au moins c’est très rare, personne ne se conforme à
l’art. 459 du code pénal ; personne ne dénonce à l’autorité communale, je ne
dis pas le soupçon de la maladie, comme le veut la loi, mais sa présence bien
avérée dès le début ; et les administrations communales dans leur dépendance de
l’électeur, se mettent fort peu en peine de vérifier et de dénoncer ces
contraventions.
Le cultivateur trouve plus d’avantages à porter son bétail infecté sur
les marchés, ou à l’abattre lui-même pour le livrer à la consommation, que de
le laisser abattre administrativement, moyennant indemnité ; le cultivateur,
dis je, fait de son mieux pour tenir l’infection de son troupeau aussi secrète
que possible ; aussi n’est-ce que quand n’ayant pu se défaire de son bétail,
réduit à la dernière extrémité, quand la contagion a déjà répandu le mal, qu’il
le déclare pour obtenir une indemnité, indemnité que les règlements rendent
très facile à obtenir.
Et encore est-ce la plupart du temps la rumeur publique qui en avertit
les vétérinaires du gouvernement et le commissaire d’arrondissement ; ce
fonctionnaire ordonne une visite, quand la contagion a déjà produit tout son
effet, quand le mal a été faiblement ou mal combattu par des empiriques, car
les cultivateurs les préfèrent en général aux artistes vétérinaires, dont ils
craignent les dénonciations.
Que fait alors le vétérinaire du gouvernement ? Il faut d’abord savoir
que le vétérinaire du gouvernement se trouve dans une très grande dépendance du
cultivateur, dont la pratique doit le faire subsister. Je viens déjà de faire
remarquer que les empiriques ont la préférence sur lui ; il se trouve donc
partagé entre son intérêt et son devoir, et son intérêt lui dit, j’espère que
c’est plutôt la pitié ; son intérêt lui dit de se conduire de manière à se
concilier la faveur du cultivateur. Consciencieux, il ne parviendra jamais à se
créer une clientèle dans la commune ; tandis qu’en transigeant avec son devoir
il est en position d’acquérir la confiance.
Quand le vétérinaire du gouvernement est appelé, la guérison est
ordinairement impossible ; son devoir serait donc de faire abattre
immédiatement l’animal atteint de la contagion ; mais comme il sait que le
règlement veut qu’il y ait un traitement de quelques jours, un intervalle entre
le jour où il a été appelé et celui de l’abattage ; mais comme il sait
d’ailleurs que le retard mis à l’abattage ne compromet pas l’indemnité, parce
que si la mort est imminente, il peut, d’après le règlement de 1841, provoquer
l’abattage d’urgence et sans attente de la part de l’administration locale ;
mais comme il sait que ce serait perdre la confiance du cultivateur, s’il
faisait abattre immédiatement, sans le semblant d’un traitement, ce qui ferait
perdre l’indemnité, le vétérinaire diffère son rapport à l’autorité supérieure
et l’abattage, qui en serait la suite, et ne le transmet que quelques jours
plus tard au commissaire d’arrondissement. On déclarera alors en termes souvent
peu intelligibles, que, quand on a été appelé, l’animal était dans un état
hygiénique qui permettait espoir de guérison, qu’il a été traité pendant autant
de jours (on ne dit pas le nombre des visites), et que sa valeur en bonne santé
est estimée à autant ; il est à remarquer qu’ordinairement, ils n’ont vu la
bête que dans un état désespéré. L’abattage a lieu sur l’ordonnance supérieure
; les experts nommés par l’administration communale évaluent l’animal en bons
voisins et à charge d’échange de service ; l’administration communale revêt de
sa signature le contenu imprimé d’un certificat d’abattage, qui, outre d’autres
formalités, exprime que le propriétaire du bétail abattu lui a donné
connaissance de la maladie dés son début, conformément à l’art. 459 du code
pénal, condition qui n’est presque jamais remplie ; et le commissaire
d’arrondissement et le gouverneur, dépourvus de moyens de contrôle, sont
obligés de viser et d’approuver pour indemnités les pièces dont je viens ce
faire l’historique ; l’Etat paie ensuite, et les épizooties n’en diminuent pas
d’intensité.
Je pense que la mesure qui autorise les administrations communales, en
cas d’urgence, d’ordonner l’abattage, qui au premier abord semble se justifier,
est mauvaise. Les cultivateurs ne craignant plus que l’ordre d’abattage arrive
trop tard, mettent encore moins d’empressement à déclarer les maladies
contagieuses ; et remarquez-le, messieurs, c’est là que gît le mal ; il
consiste dans ce qu’on laisse subsister la contagion ; il consiste dans ce que
le remède de l’abattage arrive trop tard. Cette mesure tend aussi à augmenter
beaucoup la dépense, cela est facile à concevoir,
Je pense que, pour tenter de couper le mal dans sa racine, il faudrait
que dès que la contagion se prononce dans un canton que ce canton fût soumis à
un régime spécial de surveillance et de contrôle, il faudrait que le bétail
malade fût marqué ; je ne dirai pas avec un fer chaud, comme le voulaient
d’anciens règlements, mais simplement dans le poil au ciseau ; cette marque
subsisterait suffisamment, et on pourrait d’ailleurs la renouveler, si le
besoin le faisait sentir ; cette marque empêcherait que le bétail infecté ne
fût porté sur les marchés pendant quelque temps. Je suis convaincu que, pour
empêcher la contagion, il est indispensable de marquer le bétail malade, c’est
la seule mesure efficace. Il importe ensuite de désintéresser les vétérinaires,
de leur faire une position meilleure, en proscrivant l’empirisme ; l’école
vétérinaire a produit assez d’élèves pour pourvoir au service.
Enfin, je désirerais que le gouvernement, conformément à la pensée
exprimée par la section centrale du budget de l’intérieur de cette année,
rétablît le système de l’ex-gouvernement pour l’alimentation du fonds
d’agriculture que les traités vont nous rendre.
L’Etat pourrait peut-être encore accorder un subside, afin que le fonds
d’agriculture pût venir en aide aux indigents, qui, victimes des épizooties,
n’auraient pu y contribuer, car je suis loin de demander que le trésor public
rentre dans les fonds avancés depuis 12 ans au fond d’agriculture
Je crois que le rétablissement du fonds d’agriculture est d’autant plus
motivé, que c’est le seul moyen de justifier le système admis aujourd’hui,
d’accorder l’indemnité aux personnes fortunées.
Si le fonds d’agriculture était administré avec réserve, si la police
sanitaire était forte, si les règlements étaient bons, si on pouvait surveiller
leur stricte exécution, il serait possible peut-être d’augmenter l’indemnité,
et de la porter à la moitié de la valeur ; cela serait un bien, car les
cultivateurs auraient moins d’intérêt à soustraire le bétail malade aux mesures
sanitaires.
Je me résume ainsi : L’arrêté royal de 19 avril
1841 n’a eu aucun résultat favorable à la santé du bétail, parce que les
règlements continuent à être éludés, parce que la police sanitaire reste nulle.
Cet arrêté n’a eu d’autre résultat que d’augmenter les dépenses. L’intérêt du
pays exige une police sanitaire sévère et la stricte observation des règlements
; c’est à ce prix que des indemnités aussi élevées que possible seront
salutaires ; les indemnités ne peuvent être considérables et ne peuvent être
accordées aux personnes aisées que par le rétablissement de la cotisation au
fonds d’agriculture ; cette cotisation doit être rétablie. J’ai dit.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Le discours que vous venez d’entendre renferme
des observations utiles, et dont je ferai mon profit. J’ai été moi-même effrayé
de l’énormité de la somme devenue nécessaire à titre d’indemnités pour bestiaux
abattus en 1841. J’ai d’abord supposé que les règlements n’étaient pas observés
; mais, j’ai pris des renseignements, et j’ai reconnu qu’il y avait droit
acquis, et que toute réduction était impossible. Je pense que les règlements
sont observés. J’ai recommandé la vigilance et une grande sévérité aux
administrations ; et récemment j’en ai donné l’exemple en révoquant un
vétérinaire qui avait fait des rapports exagérés. Faut-il modifier les
règlements ? Le gouvernement examinera cette question, ainsi que celle du fonds
d’agriculture, question qu’il convient d’examiner, puisqu’une partie de ce fonds
est restituée par le traité du 5 novembre.
M. Demonceau. - Je ne puis
admettre l’observation de l’honorable M. de Man d’Attenrode. Si les règlements
ne sont pas observés, c’est la faute des administrations. Quand les tribunaux
sont saisis de contraventions, ils sévissent contre les contrevenants ; mais
ils ne peuvent sévir quand ils ne sont pas saisis des contraventions ; et s’il
en est ainsi, c’est la faute des autorités locales.
Du reste, je ne suis pas étonné de l’augmentation
nécessaire pour faire face aux dépenses dont il s’agit. Dans le district que
j’habite, il n’y a pas en général de maladies contagieuses. Eh bien l’épizootie
y a fait de tels ravages que beaucoup de fermiers sont ruinés. Quelle que soit
l’indemnité qui leur revient, ils emploient tous les moyens possibles pour
prévenir le mal ; cela se conçoit aisément ; car, quelle que soit cette
indemnité, elle est inférieure à la valeur du bétail. On sait d’ailleurs que
quelquefois les fermiers sont aussi alarmés, quand leur bétail est malade, que
si un membre de leur famille était malade.
M. Desmet. - Il est
possible que les règlements soient observés dans le district de Verviers ; mais
ce que je sais parfaitement c’est qu’ils ne le sont pas dans une partie de ma
province. Du reste, il ne s’agit pas seulement des dispositions du code pénal ;
il s’agit des instructions de l’administration supérieure pour le régime
hygiénique. J’insiste pour que l’on prenne connaissance des anciens règlements,
et notamment de la circulaire du gouvernement français du 27 messidor an V ; on
trouvera des instructions très utiles, et les moyens d’arrêter le mal.
Remarquez que le mal n’atteint pas seulement le bétail, il atteint même la
volaille. Ce qui est autrement grave, il atteint jusqu’aux hommes. J’ai vu dans
plusieurs fermes des domestiques malades pour s’être approchés d’animaux
malades.
L’objet est assez important. Je le recommande à l’attention de M. le
ministre de l’intérieur.
- L’art. 3 est mis aux voix est adopté.
Vote sur l’ensemble du
projet
II est procédé à l’appel nominal sur l’ensemble du projet de loi, qui
est adopté à l’unanimité des 52 membres qui prennent part au vote, un membre
(M. de Garcia) s’étant abstenu.
Ont pris part au vote :
MM. Cogels, Cools, David, de Behr, Dedecker, de
Florisone, de Foere, de
M. de Garcia. - Je conçois
la convenance devenir au secours des indigents, dans les cas d’événements de
force majeure ; mais je ne puis admettre que l’Etat doive venir au secours des
personnes riches ; celles-là doivent supporter les conséquences des accidents
qui peuvent les atteindre.
M. Lebeau. - Je
profiterai du moment où la chambre est en nombre et de la présence de M. le
ministre de l’intérieur pour adresser au gouvernement une interpellation.
La chambre peut se rappeler qu’il y a environ deux mois, un de nos
honorables collègues a cru de son devoir de porter à la connaissance de la
chambre des fraudes électorales signalées dans différentes localités par
l’opinion publique. M. le ministre de l’intérieur, sans s’expliquer sur les
faits, a annoncé à la chambre qu’il procéderait immédiatement à une enquête
pour connaître la valeur des assertions émises dans plusieurs journaux.
Il y a trois semaines à peu près, l’honorable collègue qui avait cru
devoir entretenir la chambre de cet objet important, a demandé à M. le ministre
de l’intérieur où en était l’enquête qu’il avait promis d’ordonner ; celui-ci a
répondu que l’enquête n’était pas terminée, mais que les renseignements qui lui
étaient parvenus au moment où il s’expliquait, suffisaient pour lui démontrer
la nécessité de présenter une loi répressive des fraudes électorales. M. le
ministre de l’intérieur annonça que cette loi serait incessamment soumise à la
chambre. Il y a plus de quinze jours que ces explications ont été échangées
entre l’honorable M. Mercier et M. le ministre de l’intérieur, et nous ne
voyons pas que la chambre soit encore saisie d’un projet de loi.
Il y a lieu de s’en étonner, d’après le langage de M. le ministre, car
il nous avait autorisés à croire que ce projet de loi consisterait simplement
en deux ou trois articles extensifs d’une disposition de la loi électorale.
Je conçois que M. le ministre de l’intérieur, absorbé par l’importante
discussion du traité avec
Je dois donc demander à M. le ministre de
l’intérieur quelle est sa résolution dernière, et si nous devons nous attendre
à être bientôt saisis d’un projet de loi.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Malgré les préoccupations que devait faire
naître la discussion du traité avec
M. Devaux. - Je ferai
remarquer que les paroles de M. le ministre de l’intérieur sont les mêmes que
précédemment : « Dans le plus bref délai, aussitôt que possible ». Il
me semble que, pour une loi annoncée comme devant être si simple, il n’y avait
pas besoin de six semaines de réflexion. Si M. le ministre de l’intérieur
attend la fin de l’enquête, il est très probable qu’il attendra longtemps ;
car, s’il faut en croire les journaux (M. le ministre pourra dire si le fait
est exact), au 22 janvier, M. le commissaire de district de Liége n’avait pas
encore envoyé la circulaire aux bourgmestres ; si les bourgmestres mettent la
même diligence à donner les renseignements, il est évident que la loi arrivera
quand les élections auront eu lieu.
J’avoue que, d’après la manière formelle dont le ministre avait énoncé
son opinion, il m’est difficile de comprendre les motifs du retard.
Je dirai très franchement à M le ministre de l’intérieur quels sont les
bruits qui circulent et quelles sont les craintes : c’est que cette loi soit présentée,
mais qu’elle soit destinée à ne pas être discutée, et que, comme telle autre
loi que la chambre connaît, comme la loi sur l’instruction primaire, elle ne
reste pas pendant huit ans dans les cartons mais qu’elle soit destinée à
s’arrêter en chemin pendant quelques mois.
C’est la raison pour laquelle j’insisterai pour la prompte présentation
du projet, pour laquelle nous renouvellerons périodiquement la demande que nous
faisons aujourd’hui et pour la présentation et pour la discussion. Tous ceux
donc qui veulent arrêter la loi avant sa présentation, soit avant sa
discussion, sont prévenus. Il y aura périodiquement dans cette chambre des
motions jusqu’à ce que l’on en vienne à la discussion, J’aime à en prévenir le
gouvernement et tout le monde ; personne alors ne sera surpris.
Je déclare que, d’après la manière formelle dont M. le ministre de
l’intérieur a manifesté son opinion et qu’il l’a confirmée à deux reprises
différentes, il n’y avait pas de motifs pour les délais que la présentation du
projet a essuyés et pour que M. le ministre ne puisse pas nous préciser, mieux
qu’il ne le fait, l’époque où il le présentera.
Si le gouvernement ne veut pas présenter ce
projet, il ferait mieux de le déclarer, parce qu’à son défaut d’autres verront
ce qu’ils ont à faire. Mais quand le gouvernement a annoncé une loi, il serait
peu convenable à des membres de la représentation nationale de prendre
l’initiative. Il faut que le gouvernement s’acquitte de ses engagements ou
qu’il s’en dégage en déclarant qu’il ne veut pas présenter la loi.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je remercie l’honorable membre d’avoir
déclaré très franchement à quels soupçons je suis exposé en ce moment. J’ai
annoncé à la chambre que la loi serait présentée ; elle le sera. J’ai dit dans
quel sens. Mais on ne peut pourtant admettre que, quand on énonce ici une
opinion, ce soit une opinion tellement arrêtée qu’on puisse immédiatement la
formuler en projet de loi. J’ai voulu prendre quelques renseignements, j’ai
voulu même consulter les lois anglaises, et j’espère pouvoir très prochainement
présenter le projet ; je ne puis dire à jour fixe ; mais il me suffit de dire
que le projet de loi sera présenté, et une fois présenté, je n’aurai pas besoin
des efforts de l’honorable préopinant pour qu’il soit discuté ; je ferai en
sorte qu’il le soit ; c’est ce que j’annonce également à la chambre.
M. Devaux. - Sera-t-il
présenté cette semaine ?
M. le ministre de l’intérieur
(M. Nothomb) - Je ne puis annoncer qu’il sera présenté cette
semaine ; mais la loi sera présentée, promulguée et appliquée avant le mois
d’avril prochain.
Un membre. - En tant que
cela dépend de vous.
M. le ministre de l’intérieur
(M. Nothomb) – En tant que cela dépend de mot ; je parle
toujours dans ce sens.
La loi sera présentée par le gouvernement.
La loi présentée, on ne la laissera pas dans les cartons ; je ferai en
sorte qu’elle soit examinée et mise immédiatement à l’ordre du jour.
Sera-t-elle ou non votée ? C’est ce que je ne puis, ce que je ne veux pas
examiner maintenant.
En un mot, c’est une promesse sincère que j’ai
faite ; c’est un acte sérieux que je veux poser. Cet acte ne serait pas sérieux
si la loi n’était pas promulguée avant la fin du mois de mars. Mais, je le
répète, je ne puis prendre un engagement à jour fixe, je ne puis m’exposer à un
démenti de ce genre.
M. de
Theux. - Comme déjà dans la discussion dernière, j’avais pensé qu’il y avait
nécessité de réviser la loi électorale en quelques points pour empêcher
certaines fraudes, certains abus, connus alors, je déclare que je m’associerai
avec empressement aux efforts que l’honorable député de Bruges se propose de faire,
pour amener la discussion du projet de loi annoncé.
M. Pirson. - M. le ministre de
l’intérieur vient de se prononcer et de nous dire qu’il voulait que la loi
projetée fût promulguée au plus tard vers la fin du mois de mars ; je crois
qu’il nous avait déjà fait cette déclaration précédemment. Cependant il paraît
qu’aussitôt que le sénat aura voté les lois qui lui sont soumises en ce moment,
il s’ajournera à un très long temps, qu’il ne se réunira de nouveau que quand
vous aurez discuté le budget de la guerre. S’il en était ainsi, il y aurait
lieu de craindre que la loi ne fût pas promulguée en temps utile.
M. Delfosse. - Je suis
surpris du nouveau délai dont M. le ministre annonce qu’il a besoin pour
présenter le projet de loi contre les fraudes électorales. D’après les
déclarations antérieures de M. le ministre, on devait compter sur une
présentation très prochaine de ce projet ; aujourd’hui c’est tout autre chose,
on nous donne à entendre qu’il faudra peut-être attendre jusqu’au mois de mars.
Prenons-y garde, messieurs, si le projet de loi contre les fraudes électorales
n’est présenté qu’au mois de mars, s’il n’est pas présenté immédiatement, il
est à craindre que l’époque de la révision des listes électorales n’arrive
avant que ce projet soit converti en loi ; nous pourrons bien le voter, mais
qui nous répond que le sénat sera convoqué à temps ? Je m’associe à la crainte
que l’honorable M. Pirson vient d’exprimer ; j’avoue
que je n’ai pas une grande confiance dans les promesses de M. le ministre de
l’intérieur. M. le ministre de l’intérieur a fait tant de fois des promesses
qui ont été violées, qu’il est bien permis de ne pas trop se fier a ses
paroles. N’avait-il pas formellement promis, lors de la discussion de la loi
communale, qu’il n’obéirait, dans l’exécution de cette
loi, qu’aux nécessités administratives, et n’est-il pas aujourd’hui démontré
par un grand nombre de faits qu’il a entièrement méconnu les nécessités
administratives pour n’obéir qu’à l’esprit de parti ? J’affirme, et je
prouverai quand on voudra, que M. le ministre de l’intérieur a écarté de leurs
fonctions un grand nombre de bourgmestres dont la conduite administrative était
irréprochable sous tous les rapports. La plupart étaient des hommes éclairés,
des hommes investis de l’estime publique, et qui n’avaient d’autre tort que
d’appartenir à l’opinion libérale. Voilà comment M. le ministre de l’intérieur
tient ses promesses. Je crois bien que l’on présentera un projet de loi contre
les fraudes électorales ; on s’est trop avancé, on en a trop dit pour ne pas le
présenter. Mais fera-t-on des efforts suffisants, des efforts sincères, pour
qu’il soit discuté et voté en temps utile ? C’est ce dont il est permis de
doutes quand on fait quelqu’attention aux antécédents
de M. le ministre de l’intérieur.
Messieurs, les honnêtes gens, quelle que soit l’opinion politique à
laquelle ils appartiennent, doivent se réunir pour empêcher que la fraude ne
soit couronnée de succès, ce serait un malheur, ce serait une honte pour le
pays, si les fraudes qu’on signale de toutes parts avaient du succès. Faisons
donc tout ce qui dépend de nous pour que la fraude soit réprimée ; la chambre a
un moyen infaillible d’empêcher que la crainte manifestée par l’honorable M.
Pirson ne se réalise ; c’est d’ajourner le vote du budget de la guerre jusqu’à
ce que la loi sur les fraudes électorales ait été adoptée par les deux chambres et sanctionnée par le roi ; l’emploi de ce
moyen présente d’autant moins d’inconvénient, que M. le ministre de la guerre
vient de nous soumettre une demande de crédits provisoires ; le vote de ces
crédits nous permet d’ajourner le vote du budget de la guerre, sans le moindre
inconvénient. Une grande responsabilité pèserait sur la chambre si elle
laissait échapper, par le seul moyen qui lui reste d’obtenir, en temps utile,
une loi que le pays attend avec impatience. Le pays s’indigne contre la fraude,
il veut qu’elle soit réprimée et il attend de nous que nous ne négligerons rien
de ce qui peut conduire ce but. Dans une matière aussi grave, ou ne saurait
prendre trop de précautions, il vaut mieux prendre des précautions que
l’événement peut rendre inutiles, que de ne pas en prendre du tout.
M. le ministre de l’intérieur
(M. Nothomb) - Je n’ai pas dit que je présenterais le projet de
loi seulement au commencement du mois de mars ; j’ai dit qu’il était dans mon
intention que cette loi fût applicable aux listes qui seront arrêtées au mois
d’avril prochain, j’ai dit que j’espérais qu’elle serait promulguée, non pas à
la fin, mais au commencement du mois de mars. J’espère donc que ce sera dans le
cours de ce mois, et aussi prochainement que possible, que le projet sera
présenté.
Tous ces moyens coercitifs qu’on annonce contre le ministère et contre
le sénat sont inutiles, le sénat connaît ses devoirs, et jusqu’à présent, quand
il a fallu qu’une loi leur fût soumise, même d’urgence, les sénateurs n’ont pas
manqué à leur poste.
Quant à moi, je remplirai l’engagement que j’ai
pris, et le projet sera présenté prochainement. Je ne dis pas à jour fixe,
parce que, d’abord, je ne veux pas m’exposer à un démenti de ce genre, en
second lieu, parce que, comme ministre, comme membre d’un gouvernement, je ne
puis dire qu’un projet sera pour tel jour agréé par tous ceux qui doivent
concourir à l’exercice de l’initiative.
M. Rodenbach. - Messieurs, ajourner
la discussion du budget de la guerre, ne nous avancerait pas.
Il paraît que le sénat aura terminé ses travaux cette semaine, mais il
peut bien être convoqué extraordinairement pour une loi aussi urgente que celle
dont il est question.
D’ailleurs tous nous ne voulons ni du dol, ni de la fraude. Et moi
aussi, j’ai été indigné de voir que de part et d’autre, chez les différentes
opinions il y avait dol et fraude. Je ne pense pas qu’aucun membre de la
chambre voudrait que des fraudes aussi scandaleuses pussent se continuer dans
le pays.
PROJET
DE LOI AUTORISANT LE DEPARTEMENT DE LA GUERRE A FAIRE LIQUIDER, SUR LE BUDGET
GLOBAL DE 1840, UNE SOMME DE 50,000 FR. POUR L’HOTEL DU MINISTERE
M. le président. - Le projet
du gouvernement est ainsi conçu :
« Article unique. Le ministre de la guerre est autorisé à employer,
sur le crédit disponible au budget global de l’exercice 1840, une somme de
cinquante mille francs, pour être affectée au paiement
« 1° Des créances arriérées sur les années 1838 et 1839, pour
travaux d’appropriation et fourniture de mobilier effectués à l’hôtel du
ministère de la guerre ;
« 2° De l’achat des objets mobiliers qui manquent et sont encore
nécessaires audit hôtel. »
La section centrale propose d’ajourner une
partie de la dépense.
Elle remplace la proposition du gouvernement par la suivante :
« Article unique. Le ministre de la guerre est autorisé à employer
sur le crédit disponible au budget global de l’exercice 1840, une somme de fr.
25,803 61 c. pour être affectée au paiement des créances arriérées sur les
années 1838 et 1839, pour travaux d’appropriation et fournitures du mobilier
effectués à l’hôtel du ministère de la guerre. »
M. le ministre se rallie-t-il à la proposition
de la section centrale ?
M. le ministre de la guerre
(M. de Liem) - Non, M. le président.
Messieurs, depuis le 31 décembre 1842, l’exercice de 1840 étant
définitivement clos, aucune dépense ne peut plus être imputée sur les sommes,
montant à environ 200,000 francs, restées disponibles dans les caisses de
l’Etat sur le budget global dudit exercice.
Les allocations des budgets de 1841 et 1842, qui ont été fort
inférieures à celles de 1840, seront entièrement absorbées pour solder toutes
les dépenses de ces exercices.
D’après ce motif, je propose de reporter sur l’exercice 1843 la somme de
25,803 fr. 61 c. affectée au paiement des créances arriérées sur les années
1838 et 1839, pour travaux d’appropriation et fournitures du mobilier effectués
à l’hôtel du ministère de la guerre.
Quant à la somme de 24,196 fr. 39 c. destinée à l’achat des objets mobiliers
qui manquent et sont encore nécessaires audit hôtel, l’avis de la section
centrale étant de la faire comprendre au budget de l’exercice courant, je
propose par amendement de rédiger le projet de loi primitif comme suit :
« Art. unique. Le ministre de la guerre
est autorisé à employer, sur le chapitre VIII du budget de la guerre de
l’exercice 1843, une somme de cinquante mille francs, pour être affectée au
paiement :
« 1° Des créances arriérées sur les années 1838 et 1839, pour
travaux d’appropriation et fournitures de mobilier effectués à l’hôtel du
ministère de la guerre ;
« 2° De l’achat des objets mobiliers qui manquent et sont encore
nécessaires audit hôtel. »
Dans le cas où la chambre ne croirait pas devoir
prendre une décision immédiate sur ce nouveau projet, je crois qu’on pourrait
le renvoyer à la discussion du budget de la guerre.
M. Rogier. - Si la
demande de M. le ministre de la guerre était appuyée, il me semble que ce
serait la suppression du projet en discussion. Il s’agirait simplement de
porter le crédit demandé au budget de 1843. On augmenterait le chapitre indiqué
par M. le ministre, de l’importance de ce crédit supplémentaire qui n’en serait
plus un.
Du moment que l’exercice 1840 est clos, je crois qu’il n’y a pas d’autre
marche à suivre que celle qui est indiquée par M. le ministre de la guerre ; je
demanderai donc l’ajournement jusqu’à la discussion du budget de la guerre.
Il y aurait d’ailleurs une sorte d’anomalie à imputer le crédit sur un
exercice antérieur. Depuis deux ans, la chambre et les diverses commissions
chargées de rapports sur des crédits supplémentaires ont repoussé la marche
antérieurement suivie et qui consistait à imputer sur les années antérieures
les demandes de crédits supplémentaires.
D’après la proposition de la commission qui a été chargée de faire
rapport sur ce crédit supplémentaire, on aurait imputé les sommes demandées par
M. le ministre sur les exercices de 1840 et 1841 ; en cela on s’écarterait de
la marche qui paraît avoir été adoptés par la chambre, de ne plus imputer des
crédits supplémentaires sur des exercices écoulés.
Je crois, messieurs, qu’il faut rejeter la
proposition de la commission et adopter celle de M. le ministre de la guerre.
M. Lys. - Il me
semble, messieurs, que l’on pouvait, par une loi spéciale, disposer d’une
partie des fonds qui sont restés libres sur l’exercice de 1840 ; je crois qu’il
n’y a à cet égard aucune difficulté, puisqu’on paierait ainsi une ancienne
dette. Toutefois si l’on ne veut pas suivre cette marche, il faut renvoyer le
projet à la section centrale chargée de l’examen du budget de 1843, car je ne
puis pas admettre le crédit de 50,000 fr., puisque la section centrale n’a
délibéré que sur la première partie et qu’elle n’a pas eu à s’occuper du
supplément de 24 mille et quelques francs que l’on demande aujourd’hui.
J’appuie donc le renvoi de la proposition de M.
le ministre de la guerre, à la section centrale du budget de 1843.
M. Osy. - Messieurs,
d’après les détails que nous trouvons dans le rapport de la section centrale,
il paraît que l’hôtel du ministère de la guerre coûtera au pays environ 800,000
fr. ; vous serez sans doute tous étonnés d’une dépense aussi énorme ; mais ce
qui m’étonne bien plus c’est que, comme nous l’apprend également le rapport de
la section centrale, toutes les dépenses d’ameublement ont été faites par un
capitaine du génie militaire, tandis que nous avons un état-major énorme
d’ingénieurs civils pour lequel nous votons au budget des travaux publics des
sommes considérables.
Nous voyons encore dans le rapport de la section centrale, que
« les travaux dont il s’agit ont été exécutés sur simple bordereau de prix
et en négligeant une adjudication publique régulièrement faite non seulement
pour les constructions et appropriations des bâtiments, mais encore pour une
grande partie des fournitures qui toutes ont été faites sans devis préalable et
payés sur les comptes remis par les fournisseurs. »
Vous voyez, messieurs, quelle est la marche
irrégulière qui été suivie. Certainement nous ne pouvons aujourd’hui que
critiquer sévèrement cette marche et faire connaître à tous les ministres que
quand ils ont des constructions ou des réparations à faire faire à leurs
hôtels, ils doivent s’adresser au département des travaux publics qui seul peut
être chargé de travaux semblables.
M. de Garcia. - Je ne puis,
messieurs, laisser passer cette discussion sans
exprimer l’improbation la plus formelle des irrégularités qui ont été commises
dans les dépenses de 1838 et 1839 pour lesquelles le gouvernement nous demande
un crédit supplémentaire. C’est là une affaire finie, mais je déclare au
gouvernement que si de tels abus se représentaient à l’avenir, je voterais
contre toute demande de crédit qui serait faite de ce chef. Jetons un coup
d’œil rapide sur les causes de ces dépenses.
Après avoir fait les devis des réparations nécessaires aux hôtels qu’on
venait d’acquérir pour le département de la guerre, on s’est permis de faire,
je ne sais comment, une foule d’autres dépenses, dépenses qui semblaient être
comprises dans les devis pour l’appropriation de l’hôtel, dépenses qui
dépassent du double et du triple la valeur des devis. Un tel ordre des choses
est intolérable. Comme l’honorable M. Osy nous l’a fait remarquer, les travaux
étaient dirigés par un capitaine du génie militaire ;
ce capitaine faisait travailler ; il ordonnançait ou présentait les états. Ces
états étaient signés et approuvés par le premier venu. C’est le payement de
dépenses semblables qu’on vous demande aujourd’hui. Consacrer des actes
d’administration aussi irréguliers, ce serait ouvrir la porte à des
dilapidations de toute espèce, ce serait supprimer tout contrôle, ce serait
poser un principe qui pourrait amener la ruine de nos finances en introduisant
le désordre dans la comptabilité et dans toutes les administrations en général.
Je voterai encore cette dépense, mais j’engage
le gouvernement à ne plus suivre dorénavant une marche aussi contraire à tous
les principes, et qui n’est propre qu’à ouvrir la porte aux abus et aux
dilapidations de toute espèce.
M. Delfosse. - Je
m’associe de tout mon cœur au blâme que l’honorable préopinant, d’accord en
cela avec la section centrale, vient de faire entendre contre les irrégularités
graves qui ont été commises dans les dépenses faites pour l’hôtel du ministère
de la guerre, mais je ne puis m’associer au vote qu’il se propose d’émettre.
Blâmer des dépenses irrégulières, ce n’est rien faire du tout, si l’on accorde
en même temps les sommes demandées pour les couvrir. Les ministres sont si
souvent blâmés, qu’ils deviennent, pour ainsi dire, insensibles au blâme ; si
l’on veut produire quelqu’effet sur eux, si l’on veut
que les abus ne se perpétuent pas, il ne faut pas se borner à infliger un
blâme, il faut refuser les fonds ; c’est ce que je ferai.
M. le ministre de la guerre
(M. de Liem) - Messieurs, les dépenses qui ont été faites pour
l’achat et l’appropriation de l’hôtel du ministère de la guerre ne sont point
mon fait. Lorsque je suis arrivé au département de la guerre, j’ai trouvé un
hôtel qui n’était pas habitable, j’ai cru devoir demander les fonds nécessaires
pour le rendre tel. Je ne tenais à faire cette demande que pour m’acquitter
d’une obligation de ma charge, et c’est dans cette intention que je l’ai faite.
Je persiste à demander les fonds nécessaires pour compléter
l’ameublement.
Mais, d’après les observations qui ont été
faites par M. le rapporteur, je crois que le projet, tel qu’il est modifié,
devra être renvoyé à la section centrale chargée de l’examen du budget de la
guerre pour être joint à ce budget.
M. Delfosse. - La chambre
a dû comprendre que mes observations ne s’adressaient pas à M. le ministre de
la guerre ici présent, mais à l’auteur ou aux auteurs des irrégularités graves
que la section centrale a signalées.
M. le ministre de la guerre vient de nous dire qu’il a besoin de
certaines sommes pour approprier l’hôtel du ministère de la guerre, pour le
rendre habitable ; ce ne sont pas ces sommes-là que j’entends refuser, mais
bien celles qui sont demandées pour couvrir les dépensés déjà faites, et faites
très irrégulièrement.
M. de Man d’Attenrode. - L’honorable
M. de Garcia vient de nous dire, messieurs, qu’il voterait le crédit demandé,
puisque la dépense est accomplie, mais qu’il ne votera plus de crédits
semblables ; je pense que si nous voulons nous dispenser de voter à l’avenir
des crédits aussi irréguliers, il faut que nous votions sans délai une loi de
comptabilité. En France, des dépenses semblables seraient mises impitoyablement
à la charge du ministre par la cour des comptes.
Je sais que ces dépenses injustifiables, quant à la forme au moins, ne
sont pas le fait du ministre actuel ; aussi la question soulevée ne
s’adresse-t-elle pas à lui personnellement.
- La proposition de M. le ministre de la guerre tendant à ce que le
projet soit renvoyé à la section centrale du budget de la guerre est mise aux
voix et adoptée.
PROJET
DE LOI RELATIF A LA REPRESSION DE LA FRAUDE
Discussion
générale
M. le président. - L’ordre du
jour appelle maintenant la discussion du projet de loi relatif à la répression
de la fraude. Je demanderai d’abord à M. le ministre s’il se rallie aux
propositions de la section centrale.
M. le ministre des finances
(M. Smits) - Je me rallie, M. le président, à plusieurs des dispositions proposées
par la section centrale, mais je me trouve dans la nécessité d’en combattre
quelques autres. Toutefois, pour faciliter la discussion, je crois que la
délibération pourrait s’établir sur le projet de la section centrale.
M. le président. - Ainsi, M.
le ministre se rallie au projet de la section centrale, tout en se réservant de
reproduire quelques-unes des dispositions du projet. La discussion s’établira
donc sur le projet de la section centrale qui sera considéré comme projet
principal, et les autres propositions, soit celles du projet primitif que M. le
ministre reproduira, soit les propositions nouvelles qu’il croirait devoir
présenter, seront considérées comme amendement.
M. Mercier. - Pour
simplifier la discussion, surtout la discussion générale, je demanderai à M. le
ministre s’il se rallie à celles des propositions de la section centrale qui
concernent l’extension du rayon des douanes.
M. le ministre des finances
(M. Smits) - Oui.
M. Mercier. - Le but de
mon interpellation est atteint ; je n’ai pas d’autres observations à faire pour
le moment.
M. de Nef. - Messieurs, s’il
ne s’agit que d’établir des pénalités plus fortes pour atteindre plus
efficacement les vrais coupables en matière de fraude, et en même temps pour
effrayer ceux qui seraient tentés de les imiter. Je suis loin de vouloir m’y
opposer, mais convaincu comme je le suis, que, depuis plusieurs mois,
c’est-à-dire, depuis que les porteurs arrêtés par les douaniers sont
régulièrement et justement condamnés par le tribunal de Turnhout à quelques
semaines d’emprisonnement, la fraude est devenue presque nulle dans notre
contrée. Je ne saurais jamais donner mon assentiment à tout projet qui aurait
pour résultat d’étendre le rayon des douanes. Une pareille mesure éloignerait
évidemment le commerce d’une quantité de villes qui se trouveraient comprises
dans la nouvelle circonscription ; et pour ne vous parler que de la localité
dont je puis mieux que beaucoup d’autres prévoir, par suite de cela, la
prochaine décadence, je vous dirai que la ville de Turnhout, malgré les pertes
énormes qu’elle a éprouvées, depuis 1814, dans la fabrication des coutils,
avait cependant encore conservé un marché important en marchandises d’aunage ;
on conçoit, en effet, qu’étant éloignée des grandes villes, et partant à l’abri
de leur concurrence immédiate, elle pouvait avec succès fournir aux campagnards
la presque totalité des marchandises de cette espèce, en même temps que nos
grandes villes industrielles, telles que Gand, Bruxelles, Liége, Verviers et
autres, y trouvaient de leur côté un débouché important et assuré.
Eh bien, cette dernière ressource lui serait inévitablement enlevée par
une plus grande extension du rayon douanier ; car les gens de la campagne
craignant les embarras de la moindre formalité, ne tarderaient pas à aller se
pourvoir sur un marché plus éloigné, mais à l’abri de tout droit de visite
susceptible d’occasionner des entraves et malheureusement quelquefois des
vexations véritables.
Je vous ai dit, en commençant, que selon moi la répression de la fraude,
presque nulle par les condamnations judiciaires, pouvait être rendue encore
plus efficace par le moyen de pénalités plus fortes ; et que dès lors il me
semble réellement inutile d’étendre davantage le rayon actuel des douanes ;
j’ajouterai à cela qu’il y avait moyen, en multipliant le nombre des douaniers
dans le rayon actuel, de rendre ainsi la surveillance encore plus active et de
rendre la fraude presque impossible.
En se bornant à cela, le gouvernement restera dans de justes limites,
tandis que ce serait réellement aller au-delà s’il voulait étendre le rayon et
sacrifier ainsi, par une ruine certaine, une contrée qui a déjà tant souffert
et où il a le plus grand intérêt à conserver la popularité dont il y a joui
jusqu’à présent.
J’ai la ferme persuasion, messieurs, que vous ne
consacrerez pas une mesure aussi désastreuse et à laquelle, pour ma part, je ne
pourrai jamais donner mon assentiment.
M. Delehaye. - On convient
assez généralement, messieurs, que la fraude est le désespoir des industriels
et des ouvriers honnêtes, et qu’elle démoralise ceux qui s’y livrent.
Cependant, quand il s’agit de la réprimer on recule presque toujours devant les
mesures proposées pour atteindre ce but. Je regrette de devoir relever les
paroles que M. le ministre des finances vient de prononcer, en répondant à
l’honorable M. Mercier :
Le gouvernement renonce aux dispositions du projet primitif, en ce qui
concerne l’étendue du rayon. Le projet présenté, à cet égard, par l’honorable
M. Desmaisières, présentait une certaine amélioration au système qui est aujourd’hui
attaqué de toutes parts. Le commerce et l’industrie, qui n’avaient accepté le
projet de loi que comme une mesure d’essai, apprendront avec un grand déplaisir
que le gouvernement, qui avait promis d’appuyer de tontes ses forces ceux qui
proposeraient des mesures efficaces contre la fraude, abandonne 1e seul moyen
qu’il y aurait peut-être de l’atteindre.
Dans une séance précédente, le gouvernement, pour abréger probablement
la discussion que devait soulever un projet aussi important, vous a dit qu’il
ne présentait la loi qu’à titre d’essai.
Mais, messieurs, depuis 13 ans, nous n’avons fait que des essais dans
toutes les parties de l’administration ; la diplomatie a fait des essais ; nous
avons fait des essais de système de commerce ; nous voulons encore faire des
essais pour réprimer la fraude.
Messieurs, s’il y a un pays au monde qui devrait s’abstenir de faire des
essais, quand il s’agit de réprimer la fraude, c’est incontestablement
La Belgique est environnée de pays qui ne sont pas moins industrieux
qu’elle ; mais partout on adopte un système de douanes tel que si la fraude
n’est pas tout à fait impossible, elle est du moins sujette à des frais très
considérables. Examinez ce qui se passe autour de nous, et vous verrez que
partout, pour assurer à l’industrie une protection efficace, on a adopte un
système de douane très sévère.
En France, la recherche à l’intérieur est autorisée sur une très grande
échelle.
En Angleterre, dans ce pays qui est défendu par des côtes inaccessibles
et où le commerce est protégé sur les frontières par un personnel très
nombreux, partout où se trouvent des tissus, la recherche est permise. Tout
détenteur de marchandises doit, à la réquisition de la douane, prouver que les
droits ont été acquittés.
En Prusse, il n’y a pas une seule commune de ce vaste royaume où les
marchandises frappées d’un droit quelconque de douanes ne soient pas
continuellement exposées aux recherches de la douane dans ce pays. Il faut un
document constatant à toute époque que les droits ont été payés ; ce document
doit accompagner partout la marchandise.
En Suède, en Danemarck et dans les autres pays
du Nord qui sont aussi dans une situation beaucoup plus favorable que
En Belgique, au contraire, nous n’avons rien fait de tout cela. Nous
avons un léger rayon de douanes qu’il suffit de franchir pour que la fraude ne
soit pas seulement impunie, mais pour qu’elle devienne même légale. Que
direz-vous, si un négociant, à Bruxelles, incitait sur son enseigne, pour
attirer des chalands : « Ici, on fournit les marchandises à un prix très bas,
parce qu’elles ont été fraudées. » Un semblable écriteau ne serait-il pas une
provocation continuelle adressée à la loi ? Eh bien, je ne connais pas de texte
de loi, je ne connais pas de mesure légale dont nous pussions nous armer contre
le négociant qui déclarerait qu’il ne vend ses marchandises à meilleur compte
que son voisin, que parce qu’il a enfreint les lois. N’est-ce pas un véritable
scandale ? Cette impunité ne doit-elle pas réellement désespérer l’industriel
honnête ? Comment ! en Belgique, dans un pays qui
est proclamé le pays le plus moral de l’Europe, la fraude peut se faire au su
et au vu de tout le monde, et elle a des avantages que n’a pas le commerce
régulier.
Messieurs, il suffit de réfléchir à la position topographique de
Que feriez.-vous donc, si prêtant votre appui aux propositions du
gouvernement sur les droits d’entrée, vous majoriez les droits sur la plupart
des objets qui servent à notre consommation ? Tout le monde a proclamé la
nécessité de majorer les droits d’entrée ; eh bien, que feriez-vous si vous
augmentiez les droits d’entrée d’une part, et si vous négligiez les mesures de
répression de la fraude d’autre part ? Vous provoqueriez l’introduction
frauduleuse d’une masse considérable de marchandises, et vous léseriez
gravement les intérêts du trésor public. Ce serait sans doute déjà un résultat
des plus fâcheux. Mais il y aurait un inconvénient beaucoup plus grand encore.
Pour quel motif avez-vous échoué jusqu’ici dans vos négociations
commerciales ? Parce qu’on a prétendu à l’étranger que
Messieurs, si j’ai signalé quelques-uns des graves abus auxquels la
fraude donne naissance, je puis aussi signaler à la chambre quelques mesures
propres à réprimer cette fraude.
Dans la section centrale dont je faisais partie, j’ai proposé l’adoption
de l’arrêté que le roi Guillaume a pris pour le Luxembourg ; j ai expliqué cet
arrêté au sein de la section centrale, et je regrette que 5 membres contre 4
aient cru devoir le rejeter. Depuis lors, je me suis livré à un examen plus
approfondi de cette disposition, et j’ai reconnu en effet qu’elle avait besoin
d’être modifiée en deux points. Aussi me suis-je empressé de la rédiger de
manière que l’adoption n’en puisse entraîner aucun inconvénient grave en
Belgique.
Aux termes de cette disposition, modifiée comme je viens de le dire, la
recherche est permise à l’intérieur ; je n’exige pas qu’il y ait estampille,
parce que ce mot pourrait alarmer, quoiqu’il ne doive pas paraître très
dangereux à ceux qui en comprennent la portée. L’estampille, à mes yeux, serait
le moyen le plus simple de constater qu’il a été satisfait aux exigences de la
loi, et j’ai la persuasion intime que si tout le monde s’en rendait un compte
exact, elle serait unanimement adoptée.
J’ajouterai encore en passant qu’autrefois, lorsque
Pour en revenir à la disposition que je propose, j’admets simplement la
recherche à l’intérieur. Cette mesure n’a rien d’effrayant ; elle est exécutée
en Prusse depuis un grand nombre d’années, sans exciter aucune plainte. Depuis
qu’elle a été introduite dans le Luxembourg, on s’y soumet volontiers, et l’on
en reconnaît l’efficacité.
Croyez-vous que les employés qui sont chargés de constater que les
marchandises ont payé les droits aillent, par plaisir, vexer les contribuables
? Pour se détromper à cet égard, il suffit de se rendre compte de ce qui se
passe dans le rayon douanier de la Belgique ? Tout le monde sait qu’en Belgique
on réclame contre la plus légère vexation ; eh bien, l’on ne s’est jamais
plaint de vexations qui auraient été le fait des employés de notre rayon
douanier. En Prusse, il y a également absence de réclamation, Il en est de même
dans le Luxembourg. Si en Belgique des fonctionnaires faisaient des visites
domiciliaires à la légère, les réclamations pleuvraient à la chambre. Vous vous
rappelez la visite domiciliaire qu’on a signalée dans cette enceinte, il y a
quelque temps ; bien qu’il y eût des circonstances qui légitimassent peut-être
plus ou moins cette visite, elle a excite une réprobation universelle dans le
pays.
Mais, messieurs, recevez-vous des réclamations de la part des
industriels, qui, par la nature de leur industrie, sont les plus exposés aux
vexations ? En recevez-vous, par exemple, de la part des brasseurs et des
distillateurs ? Eh bien, à toute heure du jour et de la nuit, les usines de ces
industriels sont ouvertes aux employés de l’administration.
Quels sont les individus chez lesquels se feront les visites que je
propose d’autoriser ? Un commerçant, je suppose, vend à un plus bas prix que
son voisin d’abord, ce fait passera inaperçu. Mais si le négociant attire et
continue d’attirer un grand nombre de chalands, l’attention de ses voisins sera
éveillée. On voudra en acquérir des motifs qui peuvent engager le négociant à
vendre ses marchandises à meilleur compte que ses confrères. On fera également
son compte ; on examinera quel est le prix du revient, et à moins que cette
vente au rabais ne soit la conséquence d’une cessation notoire de commerce,
tout le monde sera à peu près convaincu que la fraude passé par là. Dans ce cas
il y aura visite.
Cette visite néanmoins ne pourra se faire qu’en présence d’un
bourgmestre ou d’un juge de paix, fonctionnaires qui, en Belgique, inspirent la
plus grande confiance. Donc les dispositions que je propose offrent à ceux
qu’elles doivent atteindre toutes les garanties désirables contre les
tracasseries.
Messieurs, on m’a objecté à la section centrale, et l’on m’objectera
peut-être encore ici que j’empêcherai par là le commerce de détail qui se fait
entre les villes et les campagnes, que désormais il ne serait plus possible de
circuler librement sans être accosté par l’un ou par l’autre des employés de
l’administration.
D’abord, je ne porte pas atteinte à la libre circulation pour les
personnes de la campagne qui viennent s’approvisionner en ville ; je permets,
par exemple, à un individu quelconque de transporter de la ville à la campagne,
sans document, jusqu’à 150 aunes de tissus ; ce n’est pas là porter atteinte au
commerce de détail.
Mais l’individu nanti d’une quantité excédant ce nombre d’aunes sans
document, sera présumé avoir eu l’intention de frauder. Avec une quantité
moindre on pourra toujours parcourir le pays sans justification du paiement des
droits. Ce n’est que dans le cas où cette quantité est excédée que j’exige que
le porteur soit muni de documents.
J’ai formulé ces idées qui ne sont pas les miennes, mais que j’ai
puisées dans l’arrêté bienfaisant du roi Guillaume et qui a reçu son exécution.
J’en ai retranché tout ce qui est relatif à la ville de Luxembourg. Au moyen de
ces différentes dispositions, je pense que nous atteindrons le but que nous
nous proposons, celui d’empêcher que la fraude ne se pratique comme
aujourd’hui.
L’argument tiré des tracasseries auxquelles peut donner lieu l’extension
du rayon de douane tombe, car je ne propose aucune modification au rayon tel
qu’il existe aujourd’hui.
La chance de franchir un rayon d’une lieue de profondeur n’offrira plus
un aliment à la fraude ; il faudra que partout les objets soient accompagnés de
documents constatant que le droit a été payé. Partout les mêmes formalités
devront être remplies. Ma proposition a un double but : celui de ne pas
soumettre aux mesures plus ou moins vexatoires du rayon de douane un certain
nombre de personnes qui, jusqu’ici, n’y ont pas été soumises, et de remplacer
l’extension du rayon de douane par une mesure qui, ne concernant que les
colons, les tissus de laine, de lin et les soieries, s’appliquerait à toute
Les inquiétudes des habitants des localités voisines du rayon douanier
seraient calmées, on ne prendrait à leur égard aucune mesure nouvelle ;
seulement dans le reste du pays, ceux qui se livrent au commerce des tissus
dont je viens de parler, seront soumis à quelques formalités qui sont sans
grands inconvénients.
Dans la confiance que la chambre adoptera ma proposition, je la
déposerai sur le bureau et j’en demanderai l’impression, afin que chacun puisse
la méditer.
- L’orateur donne lecture de sa proposition.
M. le président. - Les
amendements déposés par M. Delehaye seront imprimés et distribués.
M. de Renesse. - Messieurs, je
crois que nous sommes tous portés a rechercher les moyens propres à améliorer
le système actuel de répression de la fraude, en matière de douanes ; car il
est du plus haut intérêt, pour nos différentes industries, d’obtenir une
protection efficace, contre la concurrence ruineuse surtout des produits
étrangers, introduits en fraude dans le pays. Si nous voulons assurer à
l’industrie nationale le marche de l’intérieur, et lui accorder la protection
qu’elle a droit de réclamer, il faut nécessairement employer d’autres mesures
que celles actuellement admises par nos lois de douanes, puisqu’elles semblent
ne plus suffire pour nous garantir de la fraude de l’étranger ; cependant la
proposition qui avait été faite par le gouvernement, d’étendre le rayon de douanes,
établi par la loi du 7 juin 1832, d’un demi myriamètre de profondeur, à partir
des lignes intérieures du dernier rayon, avait soulevé de nombreuses
réclamations de différentes parties du royaume, qui me paraissent très fondées.
Déjà, par les lignes de douanes qui existent, une partie notable du pays est
soumise à des entraves qui gênent fortement les habitants dans toutes leurs
relations de commerce, et même dans l’exploitation de leurs cultures : il ne
faut pas vouloir étendre ces vexations de la douane a une plus grande portion
de notre territoire, dont les populations n’ont été jusqu’ici que peu habituées
à des mesures exceptionnelles et qu’elles repoussent de toutes leurs forces. Si
l’on veut réprimer la fraude, que l’on cherche d’autres moyens, qui soient plus
admissibles et moins impopulaires ; que l’on commence par diminuer les droits
sur les produits étrangers qui ont une grande valeur, mais sont d’un petit
volume, et peuvent être facilement fraudés ; ces droits devraient être fixés
environ au taux de la prime de fraude alors les fraudeurs n’auraient plus aucun
appât de frauder les droits d’entrée ; l’Etat obtiendrait le paiement de ces
droits, et l’industrie nationale serait garantie contre la concurrence ruineuse
des produits étrangers, qui, étant assujettis aux frais de transport et de
douanes, ne pourraient plus nuire à nos produits fabriqués ; que l’on augmente
le service de la douane des frontières, de tout le personnel destiné à être
placé dans la deuxième ligne, que les simples douaniers reçoivent un
encouragement, par une augmentation de traitement, lequel, pour un grand nombre
d’entre eux surtout, s’ils sont mariés, leur donne à peine les moyens de vivre.
Il n’est donc pas étonnant, que parfois la fraude ait lieu, par la connivence
des fraudeurs et des douaniers ; que la surveillance soit exercée d’une manière
plus active par les chefs supérieurs ; que la prime pour arrestation des
fraudeurs soit encore augmentée, ainsi que la part dévolue aux employés
saisissants dans les amendes et confiscations ; en outre, en établissant des
peines plus sévères contre les fraudeurs, et en admettant, s’il est possible,
des dispositions pénales contre ceux qui sont les véritables auteurs de la
fraude, en faisant exercer la contrebande, j’ai lieu de croire, que l’on
parviendrait à réprimer une grande partie de la fraude qui se fait
actuellement, au détriment de plusieurs de nos industries.
J’appuierai toute proposition qui tendrait à la
répression de la fraude ; mas je ne pourrai donner mon assentiment à l’extension
de la ligne actuelle de douanes, ni à l’introduction de l’estampille et à la
recherche à l’intérieur.
M. Lys. - L’industrie
nationale réclame de tous côtés une protection suffisante. Le commerce accuse d’inefficacité
les lois qui sont destinées à le protéger contre la concurrence étrangère ; ces
réclamations, ces plaintes ont nécessairement dû émouvoir la législature, et
aujourd’hui, il s’agit, si possible, d’arrêter la fraude, qui désole notre
commerce et l’industrie nationale.
Le commerce intérieur est le plus intéressant ; c’est celui dont il
importe le plus de garantir la possession exclusive aux producteurs indigènes,
parce que la promptitude des rentrées, la facilité des rapports entre le
vendeur et le consommateur assurent à l’industrie nationale le moyen d’écouler
ses produits, d’une manière aussi prompte que fructueuse. Le commerce intérieur
est encore le plus important, parce que dans toutes ses opérations, dans tous
ses revirements, il n’emploie que des capitaux appartenant au pays, ce qui
procure à la nation un double avantage.
Les étrangers repoussent l’alliance de la Belgique ; on ne veut pas
conclure d’union commerciale avec notre jeune royaume, parce que l’on redoute
l’activité de nos fabricants et les progrès que notre industrie a su faire ; je
le crains bien, et l’adresse de la chambre des pairs, le silence de la chambre
des députés de France, me laissent peu de doute ; la France n’admettra pas la
Belgique à conclure une union douanière avec elle. Les intérêts privés sauront
étouffer la voix de l’intérêt général. Les cris de détresse que pousseraient
certaines branches d’industrie feront que le gouvernement français, quelle que
soit la sincérité de ses démarches, devra renoncer à traiter avec la Belgique ;
l’abaissement des douanes, qui séparent nos provinces de la France, est encore
dans un avenir fort éloigné.
C’est, en quelque sorte, une conquête pacifique, que cette réunion de
douanes ; c’est une forme nouvelle du blocus continental imaginé par le grand
empereur. Cette pensée ne pourra pas se réaliser de si tôt, parce que
Dans ces circonstances, il est sage, il est urgent, de s’assurer du
marché intérieur. Nous pouvons disposer de ce marché, sans avoir à redouter
l’intervention de la diplomatie étrangère ; nous devons donc, messieurs, tâcher de trouver des moyens efficaces pour détruire le
commerce clandestin, véritable lèpre qui ronge notre industrie.
Le projet soumis à vos délibérations est sans doute destiné à procurer
des grandes améliorations ; mais, je n’hésite pas de le dire, ce projet sera
encore inefficace, parce qu’il n’est pas assez complet.
Cc que je veux, ce que je désire, dans l’intérêt du pays, c’est que la
protection que le législateur a eu en vue d’accorder à l’industrie nationale ne
soit pas un mot vide de sens. Or, pour protéger d’une manière efficace notre
industrie sur le marché intérieur, pour empêcher que les revenus de l’Etat ne
soient altérés d’une manière trop sensible, en réduisant le produit des droits
de douanes, il faut, messieurs, ajouter aux mesures proposées par le projet, et
c’est ce qui a engagé mes honorables collègues MM. Demonceau et David à se
réunir à moi pour vous présenter l’article suivant, qui pourra remplacer
l’art.14 du projet de loi du gouvernement.
Les fils et tissus de coton, de laine, de lin, de soie et mélangés,
d’origine étrangère, voyageant dans l’intérieur du royaume en quantité de plus
de dix mètres, pour les marchandises d’aunage, et de plus de cinq kilogrammes
en poids pour les autres marchandises, seront considérés comme introduits en
fraude, lorsqu’ils ne seront pas couverts par des documents justifiant que les
droits ont été acquittés.
Le gouvernement prendra, à cet égard, toutes les mesures d’exécution
qu’il croira nécessaire.
Sans doute, messieurs, les formalités qui seront exigées présenteront
certaines difficultés, mais cela ne nuit pas à la bonté du principe que nous
vous proposons de décréter. Cela ne porte que contre certaines difficultés
d’exécution. Or, ce qui paraît difficile aujourd’hui peut perdre demain tous les
caractères qui semblaient rendre l’exécution impossible. L’expérience de tous
les jours atteste ce que j’avance.
Je l’avoue, il sera difficile, dans l’intérieur, de prouver que tel
chargement de marchandises est composé de marchandises d’origine étrangère ;
mais il est évident que cette difficulté n’est pas plus considérable que celle
de rechercher et de constater les crimes et les délits ordinaires.
La preuve que les marchandises transportées sont des fabricats étrangers
pourra se faire par tous les moyens que la loi a mis à la disposition des juges
; l’origine étrangère des marchandises sera constatée, soit par des témoins,
soit par des experts, qui apprécieront la nature et l’espèce de l’étoffe. Le
juge chargé de l’application de la loi, appréciera les preuves qui seront
produites, il pèsera ces preuves, et il décidera si elles peuvent suffire pour
démontrer l’extranéité des marchandises ; c’est là le sort commun de tous les
procès ; le juge est appelé à apprécier la preuve des faits, qui servent de base
aux réclamations pour lesquelles on demande la sanction de l’autorité publique,
et très souvent les difficultés que présentent les discussions sont bien plus
grandes que celles que pourra présenter l’application du principe dont je
demande l’adoption.
Lorsque la loi aura proclamé le principe, que toute marchandise
s’engageant dans l’intérieur, doit être couverte de documents, l’exécution de
la loi doit être abandonnée aux principes ordinaires en matière de douane ; il
y aura fraude dès que la marchandise sera reconnue être d’origine étrangère ;
la fraude ne pourra disparaître que par la démonstration que la marchandise a
acquitté les droits d’entrée.
Pour éviter les difficultés et les procès, on pourrait même proclamer en
principe, qu’il y aura contravention par le seul fait de faire voyager des
marchandises étrangères sans documents constatant le paiement des droits. Tant
pis alors pour ceux qui auront négligé de se conformer à la loi et à ses
prescriptions. Il est d’ailleurs une chose dont il faut se pénétrer intimement
: c’est qu’il est absolument impossible d’éviter l’arbitraire en matière de
douane ; la mesure que nous vous proposons peut avoir quelques inconvénients,
elle peut causer quelque gêne au commerce ; elle peut être la source
d’injustices, mais c’est le sort commun de toutes les choses humaines ; il est
impossible d’atteindre à la perfection et d’éviter des aheurtements
désagréables.
Ce n’est pas ainsi que l’on peut et que l’on doit raisonner, en matière
des lois de douanes, il faut d’abord rechercher si la mesure proposée aura des
résultats avantageux pour le pays en général, si la mesure est favorable au
développement de l’industrie ! Si elle est utile, il n’y a pas à balancer un
seul instant, elle doit être adoptée, quels que soient les inconvénients, les
désagréments qui peuvent peser sur des particuliers.
Or, cette mesure aura les effets les plus salutaires, dans l’intérêt du
pays et de son industrie ; il ne suffira plus, comme aujourd’hui, d’avoir
réussi à franchir le premier cordon des douanes, il faudra encore que les
marchandises soient couvertes par des documents, quand elles voyageront dans
l’intérieur du pays, Ainsi, par exemple, aujourd’hui l’expérience atteste que
les fraudeurs ne transportent les marchandises que jusqu’au premier endroit en
dehors de la ligne, et là, on les charge sur des voitures qui les conduisent à
leur destination. Cette manœuvre se trouvera empêchée par la mesure que je
propose, il ne suffira plus d’avoir introduit la marchandise étrangère dans le
pays, il ne suffira plus de la déposer dans un bureau de messageries, il faudra
en outre, pour que cette marchandise puisse arriver à sa destination, que le
voiturier, que le messagiste se fasse remettre ces
documents, de la part de l’expéditeur, pour faire conster
au besoin de l’importation légale des marchandises étrangères qui se trouvent
sur leurs voitures.
Sans aucun doute, messieurs, cette disposition sera quelquefois éludée,
elle le sera peut-être très souvent ; mais dans cette matière, il est
impossible d’arriver à faire une loi qui empêche totalement la fraude ; on ne
peut, en matière de droits d’entrée et de douanes, que créer des obstacles plus
ou moins efficaces. Le législateur doit, dans ses calculs, admettre que la
fraude a des chances de réussite, que la loi ne peut jamais lui ravir ; en
effet, d’une part, c’est l’intérêt personnel, ingénieux, actif, étudiant toutes
les ressources, toutes les ruses qui peuvent lui servir, pour éluder le
paiement des droits d’entrée ; d’autre part, pour lutter contre l’intérêt
personnel des fraudeurs, vous ne pouvez opposer que de simples employés, que
des fonctionnaires publies ; or des employés, des fonctionnaires publics, quel
que soit leur zèle, leur activité, ne peuvent jamais arriver au point de
déjouer, de prévenir les combinaisons habiles des fraudeurs : donc, en règle
générale, on triplerait le nombre des employés, des fonctionnaires, que l’on ne
parviendrait pas encore à extirper la fraude.
La mesure que nous proposons sera néanmoins un obstacle très puissant
contre la fraude ; sans doute, il sera souvent difficile de prouver que des
marchandises proviennent d’origine étrangère. Mais, je ne sache pas que l’on
ait encore imaginé de proposer l’abolition des lois pénales, parce qu’il est
souvent très difficile, impossible même, de constater les délits et les crimes.
Mais que ferez-vous, m’objectera-t-on, s’il est prouvé que les
marchandises, d’origine étrangère, proviennent d’un magasin de l’intérieur,
faisant le commerce de ces sortes de marchandises ? La réponse est aussi simple
que facile : Le gouvernement, dans ce cas, pour les mesures qu’il prescrira,
peut adopter deux partis : ou ne rien disposer et laisser ainsi à
l’administration des douanes le soin de procurer tous les moyens de preuves,
que, malgré l’expédition faite par une maison de l’intérieur, il y a cependant
eu introduction frauduleuse de marchandises ; ou bien il peut prescrire des
mesures d’où il résulte qu’il y aura présomption de fraude, malgré qu’une
marchandise sorte d’un magasin de l’intérieur, à moins que la maison qui
expédie n’ait eu le soin de faire constater les arrivages de l’extérieur dans
ses magasins, ou qu’elle ne prouve, par tous les moyens de preuve admis devant
les tribunaux que les marchandises expédiées ont acquitté les droits d’entrée.
Le gouvernement pourra adopter, sur cette matière, l’un ou l’autre de
ces deux systèmes ; je préférerais adopter le premier, parce qu’il me semble
plus conforme aux principes en matière de législation pénale, qui exigent que
la preuve soit à la charge de celui qui prétend qu’il y a délit ; cependant
rien n’empêcherait d’adopter également l’autre système, car, en matière de
douane, il faut bien et nécessairement créer des exceptions aux principes
généraux ; sans cela il serait tout à fait impossible d’arriver à la répression
efficace de la fraude.
La nécessité de documents, pour faire voyager à l’intérieur des tissus
d’origine et de provenance étrangère, aura pour résultat de diminuer beaucoup
la fraude ; la difficulté de se procurer les documents nécessaires, la crainte
des contestations devant les tribunaux, seront des obstacles très puissants,
très actifs, contre la fraude. Beaucoup de personnes qui habitent le pays
craindront de se voir compromises dans les poursuites qui seront intentées par
l’administration ; et on arrivera ainsi au but que l’on se propose d’atteindre,
tant dans l’intérêt de l’industrie que du trésor ; on empêchera la fraude
autant que faire se peut.
Remarquez, messieurs, combien de chances de répression présente la
mesure que je défends devant vous. Le trésor et l’industrie sont protégés
contre la fraude dans toute l’étendue du pays ; cette protection est obtenue,
sans qu’il coûte un seul centime de plus au trésor pour faire garder ses
frontières ; il y a plus encore, quand le chemin de fer sera organisé jusqu’aux
frontières, l’administration ne laissera charger sur ses waggons, en fait de
tissus étrangers, que ceux couverts par des documents légaux. La surveillance
deviendra donc singulièrement facile ; elle se bornera nécessairement aux voitures
parcourant nos grandes routes ordinaires or, ne sera-ce pas un indice bien
puissant, que de voir un chariot transporter des marchandises, sur une ligne
venant de l’extérieur vers l’intérieur, lorsque telle ligne est desservie par
le chemin de fer, à des conditions généralement plus favorables que le roulage
ordinaire ?
Je le reconnais volontiers, ce ne sera pas une preuve de fraude, ce ne
sera pas même une présomption de fraude, mais toujours est-il, que cette
circonstance et mille autres de même nature serviront à guider les employés de
l’administration dans la surveillance qu’ils doivent exercer.
L’intérêt du trésor de l’Etat, l’intérêt de l’industrie nationale, tout
nous fait un devoir d’adopter la mesure que nous proposons ; il est vrai que
cette mesure produira des inconvénients particuliers ; il est vrai encore que
la mesure ne sera pas complètement destructive de la fraude ; mais toujours
est-il certain que cette mesure sera une entrave puissante contre la fraude,
telle qu’elle se fait aujourd’hui, et cette seule considération doit suffire
pour nous amener à adopter une mesure qui aura pour conséquence de garantir à
l’industrie nationale la protection que la loi a voulu lui assurer, et qui
empêchera, en même temps, que les revenus de l’Etat ne soient altérés par la
diminution des produits des droits de douane et d’accise.
Notre proposition, messieurs, telle qu’elle est présentée, me paraît
devoir concilier toutes les exigences. En matière de fraude et de douanes, il
faut nécessairement établir des formalités, des mesures plus ou moins gênantes
; c’est une nécessité résultant de la nature particulière de la fraude et des
moyens qu’il faut employer pour la combattre. On ne peut donc pas, dans cette
matière, rester dans la pureté absolue des principes du droit commun. Il faut
renoncer à réprimer la fraude, si on recule devant les moyens les plus
efficaces pour la prévenir. Ce que l’on doit surtout rechercher dans les moyens
à employer, c’est de prévenir, si possible, la fraude ; or il me semble que celui
proposé est éminemment propre, non seulement à réprimer, mais encore à
prévenir.
Les objections de l’honorable rapporteur de la section centrale ne peuvent
atteindre notre proposition, et j’ose croire que le ministre y donnera son
adhésion.
Et en effet, messieurs, notre proposition ne s’éloigne pas des
intentions du gouvernement, manifestées dans son exposé des motifs pour la
présente loi ; nous nous en rapportons entièrement à lui pour les moyens
d’exécution, car il est toujours le meilleur juge pour les précautions à
prendre ; nous faisons enfin acte de confiance, en nous remettant à sa sagesse,
pour les mesures à prendre.
Vous aurez beau établir de nouveaux droits pour protéger votre
industrie, si la répression de la fraude n’existe point ; ce serait là, au
contraire, un nouvel appât à la fraude : chacun sait que plus les droits sont élevés, plus la fraude prend d’étendue.
Dans l’état actuel, nous recevons tout de l’étranger, nous ne prohibons
aucun de ces produits ; nous avons donc tout à lui demander,
mais plus rien à lui accorder ; aussi se refusera-t-il à toute concession. Nous
en avons déjà la preuve complète.
Vous devrez ainsi, dans l’intérêt de votre industrie, lui accorder les
droits qui la protègent contre l’étranger.
Consultez l’enquête commerciale, et vous aurez la preuve que la prime
que le fabricant français reçoit à la sortie, égale ou surpasse le droit qu’il
paye à l’entrée en Belgique.
Vous ne pouvez dès lors rester plus longtemps sans protéger la
fabrication en Belgique ; mais gardez-vous, messieurs, de hausser les droits
d’entrée sans faire précéder cette mesure par une bonne loi répressive de la
fraude.
Ce sont là, messieurs, les motifs qui nous ont dirigé
en vous présentant notre proposition.
Je déclare que je soutiendrai toute autre
proposition qui tendrait à rendre plus efficace la répression de la fraude, et
j’appuierai dans ce cas la proposition de mon honorable ami M. Delehaye, celle
que nous avons présentée ne venant que pour le cas où la sienne ne serait pas
accueillie.
M. Desmet. - Il est
vraiment pénible que dans cette enceinte on ne puisse jamais s’entendre sur les
mesures à prendre pour protéger l’industrie et le commerce du pays. En 1840, on
était d’accord avec le gouvernement sur la nécessité de prendre des mesures
efficaces. M. le ministre des finances d’alors avait nommé une commission
composée de commerçants, d’industriels et de personnes spéciales, pour
rechercher les meilleures mesures à prendre pour protéger notre industrie et
notre commerce. Il paraît qu’on a abandonné ce projet pour s’attacher à
maintenir le statu quo dont nous avons été si souvent victimes. Nous voyons
autour de nous toutes les nations prendre des mesures pour protéger
efficacement leur industrie ; et chez nous, quand il s’agit de créer de
nouvelles ressources, on augmente les
droits d’accises et les impôts que frappent les fabriques, tandis qu’on se
garde bien d’augmenter les droits sur les fabricats étrangers.
L’année dernière, nous avons fait une convention avec la France ; cette
convention, nous la pensions plus ou moins heureuse ; je ne veux pas la
critiquer ; au contraire, je l’approuve, mais la manière dont on l’exécute, la
neutralise. Le commerce de fils rencontre tant d’entraves à l’entrée en France,
où les ballots sont ouverts pour reconnaître à quelle catégorie appartiennent
les fils, qu’on ne peut pas en exporter par cette voie. Il en est de même pour
les tissus, par suite de la rigueur avec laquelle on a appliqué l’amendement de
M. Delespaul. Ce n’est pas tout ; on vient de
couronner l’œuvre. Vous savez que notre plus grande exportation était tuée.
C’était pour l’armée française qu’on expédiait la plus grande partie de nos
toiles, les toiles d’Audenaerde et de Gand. Qu’est-il arrivé ? Une ordonnance
toute fraîche, du 29 janvier, porte que toute toile de coton ou de lin dont on
aura besoin pour l’armée devra être fabriquée dans l’intérieur du pays et
porter une marque connue constatant qu’elle sort de telle fabrique de France.
L’ordonnance veut en outre qu’un agent du département de la guerre soit
continuellement attaché aux fabriques où l’on confectionne ces tissus. Cela
fait stater le commerce de nos toiles ; et en faveur de qui ? En faveur des
Anglais. Comme on l’a prévu, lors de la convention de 1842 on a introduit une
quantité considérable de fils anglais ; et la mesure qu’on vient de prendre
oblige les tisserands à employer des fils anglais. La durée de cette mesure est
minimum de 3 ans et maximum de 5 ans.
Ainsi, c’est une chose certaine que la convention sera paralysée pour
vous. Nous voyons que ce sont les bons amis que l’on sacrifie en France. Il est
à remarquer que ce n’est pas seulement sous le rapport politique que nous
sommes les bons amis de la France, mais comme consommateurs, car il n’y a pas
de pays dans le monde entier qui, proportionnellement, consomme autant de
produits français que
Depuis dix à onze ans nous sommes toujours restés dans la même voie ;
nous n’avons rien fait d’efficace pour protéger notre industrie. Qu’avait-on
fait quelques années avant la révolution, on avait vu que la France agissait
d’une manière hostile à notre égard, les députés des états-généreux de la
partie méridionale ont insisté pour qu’on prît des mesures de représailles.
La raison était claire ; quand, de tous côtés, on nous ferme les
marchés, nous devons faire en sorte de conserver le nôtre, dussions-nous ne
manger que des pommes de terre, au moins tâchons que le travail du pays ne
vienne pas à être détruit par la concurrence étrangère, conservons notre marché
intérieur.
Nous ne consommons que des tissus étrangers ; nous consommons pour 55 à
60 millions de produits anglais. Il y a impossibilité d’introduire chez nous le
tissage des mérinos et des mousselines de laine à cause de la concurrence
étrangère.
J’aurais désiré qu’on eût joint au rapport de la section centrale celui
qui a été fait par la commission nommée en 1839 par M. le ministre des
finances, pour qu’on sût quelle était son opinion sur les mesures à prendre ;
on y aurait vu sur quoi était fondé le motif du ministre pour présenter le
projet tel qu’il l’a présenté.
Voici ce que je lis dans ce rapport :
« En présence des pays dont une sorte de blocus hermétique défend
l’entrée aux produits de notre industrie, il importe que nous ne négligions
aucun moyen d’assurer l’exécution pleine et entière de nos lois de
tarif. »
C’était l’opinion de l’honorable M. Desmaisières, qui voyait qu’il n’y
avait pas d’autre moyen de protéger notre industrie et notre commerce. Y a-t-il
des changements marquants arrivés depuis lors pour abandonner un système que ce
ministre présentait comme une nécessité ?
Je dis donc que nous restons dans un statu quo fatal, tandis qu’on voit
tous les pays voisins faire tout ce qu’ils peuvent pour protéger leur
industrie.
Gand souffre ; on le nie, on dit qu’il ne fabrique pas assez pour les
besoins ; il ne fabrique pas, parce qu’il ne peut plus vendre, parce que
l’Angleterre et la France jettent leur trop plein sur notre marché. C’est ce
qui perd, dans le pays, l’industrie de la tissanderie.
A Gand, l’on ne travaille plus, et c’est comme cela partout. Il y aurait
cependant moyen de fabriquer des tissus de coton et des étoffes de laine
peignée. Nous ne fabriquons ni mousseline de laine, ni mérinos, quoique l’on
consomme de ces étoffes pour des sommes considérables dans le pays.
On a fait des concessions à l’Allemagne, sans pouvoir rien en obtenir.
Jusqu’à cette heure, je ne puis pas encore m’expliquer pourquoi cette
inconcevable concession a été faite à l’Allemagne ; elle était doublement
maladroite et nuisible, dans le moment même où on traitait avec la France ! On
voit tous les produits allemands envahir notre marché. A toutes les vitrines de
tailleurs on voit des étoffes allemandes. Il y a une masse de produits
étrangers qui se consomment dans le pays, et que l’on pourrait fabriquer dans
le pays.
Mouscron, où on commençait à fabriquer les mêmes étoffes qu’à Roubaix,
si on n’y va pas en rétrogradant, au moins on y reste stationnaire ; et
St-Nicolas, où on fabrique des étoffes de la même espèce, reste de même sans
pouvoir faire quelque progrès ; même à tout instant des fabriques doivent
cesser, tandis que Roubaix fait de brillantes affaires ; j’y ai été à la fin de
la saison, dans un même jour la place avait vendu pour six à sept millions. Les
fabriques de cette ville vendent très bien en France et jettent alors leur trop
plein en Belgique et font ainsi un tort immense aux fabriques de Mouscron et de
St-Nicolas.
J’attendrai l’impression des amendements
proposés dans cette séance pour en parler. Mais je dis qu’il est indispensable
de faire quelque chose pour l’industrie du pays, et je plains le pays si on le
laisse dans ce déplorable statu quo, et qui à la fin le conduira tout entier à
la besace et le rendra généralement mécontent.
M. Demonceau. - Le
gouvernement veut, comme nous, protéger l’industrie nationale. Nous sommes tous
d’accord au fond ; nous ne différons que sur les moyens. C’est ainsi que dans
cette circonstance mes honorables collègues du district de Verviers, ainsi que
moi, différons d’opinions avec l’honorable M. Delehaye. Cependant, quoique nous
ayons fait une proposition qui, dans mon opinion, tend à assurer plus
efficacement l’exécution de la loi, si quelqu’un proposait une mesure plus
efficace en faveur de l’industrie nationale, je m’y rallierais volontiers.
Depuis longtemps, nous sommes saisis d’un projet de loi relatif à la
répression de la fraude. D’après ce projet, il y aurait eu un double rayon de
douanes.
La section centrale, déférant aux réclamations qui nous sont parvenues
de toute part, a proposé la suppression de ce double rayon, pour laisser le
rayon tel qu’il est aujourd’hui. Nous pensons que, pour certaines catégories de
produits manufacturés, énumérés par nous, il faut nécessairement d’autres
mesures que le rayon actuel. Si nous n’avions sous les yeux que quelques cas de
fraude ordinaire, nous n’aurions pas présenté la proposition en discussion.
Mais quand nous voyons tous les pays voisins adopter des mesures plus
rigoureuses que celles proposées par nous ; quand nous voyons ces mesures
exécutées, sans que le commerce s’en plaigne, nous avons l’espoir que, si l’on
se confie au gouvernement, celui-ci trouvera moyen d’exécuter avec le moins de
rigueur possible les mesures que nous demandons.
Quelle objection fait-on à l’industrie, chaque fois qu’elle demande
protection ? Gardez-vous, lui dit-on, de provoquer la fraude par des droits
trop élevés ; surtout ayez soin de fixer ces droits au-dessous de la prime de
fraude ! Eh bien, est-il possible de nier que les mesures proposées par nous
n’auront pas pour résultat d’atténuer les effets de la fraude ? Nous n’espérons
pas devoir atteindre tous les fraudeurs, nous reconnaissons volontiers qu’avec
les idées dominantes en Belgique on se soumet difficilement à la moindre gêne.
Cependant si l’on veut réellement la répression de la fraude, il faut que les
habitants de
L’honorable M. Desmet a parlé tout à l’heure de certains tissus qui
inondent
Mais comment serait-il possible qu’en Belgique on pût fabriquer les
tissus dont a parlé l’honorable M. Desmet, quand dans certains pays voisins les
primes que l’on donne à l’exportation sont supérieures aux droits d’entrée en
Belgique ; eh bien, si vous aviez sous les yeux le détail de ces primes, vous
acquerriez la certitude qu’il n’y a pas pour nos produits possibilité de
soutenir la concurrence étrangère ; aussi espérons-nous que pendant la session
actuelle il sera fait droit aux justes réclamations de l’industrie nationale.
La chambre voudra bien me pardonner cette digression, et je me hâte de
revenir à la question véritable.
Aujourd’hui, lorsque la marchandise étrangère a franchi la frontière, et
qu’elle est sortie du rayon réservé, elle circule librement. C’est ainsi que
les employés de la douane qui habitent les districts joignant aux frontières
sont souvent obligés de voir réunir en un seul ballot, pour être transportés
dans l’intérieur du pays, les petits ballots fraudés par les porteurs. Eh bien
si la mesure que nous proposons est adoptée, les employés de la douane pourront
au moins constater ces cas de fraude.
Nous ne nous dissimulons pas que cette mesure peut jeter l’alarme chez
certains détaillants. Mais encore une fois, si nous voulons la répression de la
fraude, nous devons vouloir les moyens nécessaires pour arriver à cette
suppression. Nous pensons qu’il n’y en a pas d’autre que celui proposé par
nous.
Du reste, le projet de loi de la section centrale paraît être accepté
par le gouvernement, à titre d’essai ; c’est aussi à titre d’essai que nous
demandons l’adoption d’une disposition additionnelle qui nous paraît nécessaire
au maintien du travail national.
Je me permets donc d’appeler sur ce point toute
l’attention de la chambre et celle du gouvernement.
M. le ministre des finances
(M. Smits) - On nous avait fait espérer une discussion assez courte sur la loi
répressive de la fraude. Cet espoir nous avait engagés à consentir à la mise à
l’ordre du jour du projet de loi. Mais, d’après le commencement du débat, il
paraît que la discussion sera très longue ; car, si j’en juge par les
amendements qui viennent d’être présentés, il paraît qu’il s’agit de nouveau
d’examiner la question de savoir si le droit de recherche à l’intérieur sera
établi, et s’il y aura oui ou non liberté de circulation dans le territoire non
réservé.
La recherche à l’intérieur pour les objets soumis aux droits de douane,
l’extension du rayon de douane, l’estampille, ce sont là messieurs, des mesures
qui constituent un système entièrement nouveau.
En Prusse, on a pu permettre la recherche à l’intérieur parce que
M. Delehaye. - Qu’est-ce
que cela fait ?
M. le ministre des finances
(M. Smits) - Cela fait que toutes les instructions de l’autorité sont
ponctuellement exécutées. Mais je doute fort qu’en Belgique ce système puisse,
dans ce moment, être adopté avec avantage.
Quoi qu’il en soit, je n’entends pas préjuger la question. Je veux
seulement rendre la chambre attentive à ce qui s’est passé en 1833. Alors la
question a été examinée solennellement, je puis le dire, pendant 15 jours, et
vous le savez, messieurs, elle a été résolue négativement.
En France, on a pu établir un double rayon de douane, parce que le
centre est très grand, et que dans un grand centre on ne se préoccupe pas des
entraves qui existent aux extrémités. Mais ici, la gêne que produirait
l’extension du rayon ne manquerait pas de réagit très fortement sur un centre
très rétréci, et de provoquer des plaintes de la majeure partie de nos
populations.
Toutefois, je ne me prononce pas non plus d’une manière définitive sur
ce système. Mais je pense que les questions du double rayon et de la recherche
à l’intérieur doivent être examinées quand il s’agira de réviser la loi
générale. Or il ne s’agit pas, il ne peut s’agir de cela aujourd’hui,
aujourd’hui surtout que des communications nouvelles sont ouvertes du côté de
Messieurs, si j’ai bien compris la proposition de l’honorable M. Lys,
son amendement tend cependant à faire couvrir toutes les marchandises de
quelque importance, circulant dans l’intérieur du royaume, par un document constatant
qu’elles ont été soumises aux droits d’entrée.
Je demanderai tout d’abord, sans vouloir toutefois aller jusqu’au fond
de la question, comment on fera pour les marchandises fabriquées dans le pays.
Les marchandises fabriquées dans le pays ont été livrées à la consommation en
acquit de tout droit. Eh bien, si la mesure est générale, comme je crois que
l’honorable membre le veut, il faudra évidemment prescrire d’autres
dispositions pour les marchandises d’origine belge, qui ne sont, qui ne peuvent
être assujetties aux droits de douane.
M. Demonceau. - Nous vous
donnons un mandat illimité.
M. le ministre des finances
(M. Smits) - Vous nous donnez, dites-vous, un mandat illimité ; mais il y a
impossibilité matérielle d’en faire usage, car vous ne pouvez vouloir qu’une
marchandise qui n’a pas acquitté les droits soit couverte par un document
annonçant l’acquittement des droits. Voulez-vous que cette marchandise soit
couverte par la facture du fabricant ? Mais alors vous verrez dans le pays ce
que nous avons vu en 1810. On établira des fabriques pour la fraude, et on
trouvera des certificats constatant que des marchandises sont originaires de
telle ou telle fabrique, quand cependant elles seront le produit de l’industrie
étrangère.
Il y a donc, comme je le disais, impossibilité matérielle d’exécution
pour la proposition de l’honorable M. Lys.
L’honorable M. de Nef vous l’a répété tantôt, et avec beaucoup de
vérité, que la fraude diminue tous les jours ; qu’elle devient presque
imperceptible du côté des frontières de l’arrondissement de Turnhout. Cela
prouve que la surveillance se fait d’une manière convenable. Dès lors, que
faut-il faire ? Une chose très simple, messieurs ; il faut améliorer les lois
en vigueur, et les améliorer de manière à renforcer les pénalités de douane et
décourager totalement la contrebande.
Mais étendre le rayon de douanes, c’est, messieurs, soulever une foule
de réclamations indépendamment de celles qui existent déjà. Car je prie la
chambre de vouloir bien remarquer que si le rayon de douanes devait être étendu
d’une manière sensible, il en résulterait que les villes suivantes pourraient
tomber dans le cercle fatal : Ypres, Courtray, Tournay, Mons, Binche, Thuin, Marienbourg, Philippeville, Dinant,
Herve, Tongres, Turnhout, Saint-Nicolas, Eecloo et
Bruges.
Messieurs, je ne donne pas ces indications d’une manière positive, je
les ai puisées dans la simple inspection de la carte ; mais j’ai tout lieu de
croire cependant que plusieurs de ces villes tomberaient dans le nouveau rayon.
Or, dans le rayon, aucune circulation ne peut avoir lieu sans qu’elle ne
soit accompagnée d’un document de douanes. Ce serait donc, dans l’état actuel
des choses et avant que l’expérience n’en soit venue à établir la nécessité,
soulever des réclamations nouvelles de la part de plusieurs localités.
L’honorable M. Desmet et l’honorable M. Demonceau vous ont signalé les
importations de tissus de laine qui se faisaient dans le pays. Ces
importations, en effet, sont très considérables ; mais on n’en diminuera pas la
quantité, parce que la loi sur la répression de la fraude contiendra telle ou
telle disposition. Ces quantités pourront diminuer, et la fabrication nationale
pourra être favorisée par une révision de tarifs ; mais c’est une question tout
à fait distincte de celle qui s’agite en ce moment.
Messieurs, j’examinerai ce soir les amendements
qui ont été proposées, et demain je pourrai faire connaître à la chambre
l’opinion que le gouvernement se sera formé à leur égard. Ce que je désire
seulement, c’est que la chambre ne soit pas entraînée à examiner, à discuter de
nouveau la question de l’estampille et celle de la recherche à l’intérieur.
Car, je le répète, cette discussion pourrait peut-être nous prendre quinze
séances de suite, sans nous conduire à un résultat positif.
M. Manilius. - Messieurs,
je suis extrêmement surpris des observations que vient de faire M. le ministre
des finances. Il semble que l’énorme introduction de tissus de laine qui se
fait dans le pays soit le seul motif qui fasse désirer une loi sur la
répression de la fraude, et il s’empresse de combattre cette idée. Mais ce
n’est pas là la question. Les tissus de laine n’entrent pas en fraude ; ils
entrent par suite des primes que la France accorde à la sortie.
Messieurs, je citerai un autre point, qui vous fera voir combien il est
nécessaire d’avoir une loi sur la répression de la fraude. J’ai examiné ce qui
se passait, par exemple, relativement aux cotons. Eh bien, j’ai trouvé que la
fabrication nationale ne produisait que pour 30 millions de tissus de cotons.
Maintenant les tableaux statistiques de la douane n’accusent de leur côté que 5
millions de produits étrangers déclarés à la douane ; de sorte qu’en tout il ne
serait livré légalement à la consommation que pour 35,000,000
de francs de cotons.
En France, on estime que chaque individu consomme au moins annuellement
pour 17 fr. de tissus de coton. Je suppose qu’en Belgique on en consomme moins,
qu’on n’en consomme que pour 15 fr. par individu, à raison de 4 millions
d’habitants, vous aurez déjà pour 60 millions de consommation. Eh bien, pour
faire face à ces 60 millions de consommation, vous n’avez qu’une production
légale de 30 millions par les fabriques : et de 5 millions par la douane ; le
reste est évidemment fourni par la fraude.
Et lors même que l’on ne pourrait produire ces chiffres, il y a d’autres
marques évidentes de la réalité de la fraude : c’est que partout où l’on débite
ces tissus, il y en a plus d’une moitié qui sont étrangers.
Il y a donc certitude, et M. le ministre des finances a tort à mes yeux
de venir le contester, que la fraude s’exerce sur une très grande échelle. Il y
a certitude, et il est le premier qui, dans cette discussion, ait prétendu le contraire.
J’avais même pensé ne pas prendre la parole, parce que je voyais que tout le
monde était d’accord, que tous on sentait qu’une répression était utile,
nécessaire, obligatoire, et que je croyais qu’on allait discuter les moyens de
cette répression. Mais voilà que M. le ministre se lève et qu’il s’attache aux
discours de MM. Desmet et Demonceau pour dire à ces honorables membres : Vous
parlez de la laine, mais la laine ne se fraude pas ; on en introduit dans le
pays par suite des primes qui se paient en France à l’entrée, et non par
fraude. Vous n’avez donc pas de raisons pour vouloir une loi sur la répression
de la fraude.
Messieurs, la répression de la fraude est de la plus grande utilité. Elle
n’est pas seulement utile dans l’intérêt du fisc, mais elle l’est dans
l’intérêt du travail national. Messieurs, c’est la considération la plus forte
en faveur de tous les moyens rigoureux auxquels on a recours dans d’autres pays
; il ne s’agit pas du produit du droit, mais des effets du droit ; il s’agit,
comme je viens de le dire, de maintenir le travail à ses nationaux.
L’honorable M. Desmet vous a signalé tout à l’heure une autre
circonstance. Il vous a dit qu’en France, pays avec lequel nous avons fait
dernièrement un traité en faveur de l’industrie linière, on repousse nos toiles
dans les établissements du gouvernement. On n’y admet, malgré le traité, que
des toiles françaises. Eh bien ! selon moi, les
Français ont raison ; c’est dans l’intérêt de leurs travailleurs qu’ils
agissent ainsi, ils cherchent, malgré les conventions, à favoriser le travail
national.
Messieurs, c’est avec un tel esprit qu’une nation est forte ; c’est avec
un tel esprit qu’un gouvernement possède ce qu’il ne peut obtenir dans des pays
où il en est autrement. Messieurs, si vous faites une bonne loi, si vous faites
retourner le travail aux nationaux, vous gagnerez plus en nationalité qu’avec
tous les autres moyens. Vous aurez beau faire des fêtes nationales, étaler vos
couleurs, vos cocardes nationales, cela n’y fera rien. Mais faites travailler
vos nationaux, et vous gagnerez en popularité, et la nation acquerra la force
qu’elle devrait avoir, mais qu’elle n’obtiendra jamais que par les véritables
moyens, par les moyens qui sont employés par tous les gouvernements paternels.
Messieurs, on parle depuis longtemps des droits différentiels ; on
espère les mettre prochainement en vigueur. Mais vous ne mettrez jamais les
droits différentiels en vigueur, sans toucher à votre tarif. Car pour établir
des droits différentiels, il faut établir une tarification en proportion des
produits que vous frappez de ces droits différentiels. Mais alors vous devrez
avoir ce qu’ont tous les gouvernements qui possèdent de semblables systèmes.
Vous aurez besoin d’un système répressif de la fraude vigoureux et fort ; vous
devez vous mettre dans une position où vous n’êtes pas aujourd’hui.
Il est donc dans l’intérêt du gouvernement d’employer les moyens
nécessaires pour cela, si ceux qui lui sont soumis ne lui paraissent pas utiles
au premier aperçu, qu’au moins il les examine. Ceux qui ont été mis en avant
par mes honorables collègues MM. Delehaye et Lys ne sont pas de nature à
demander un long examen ; et même un de ces honorables collègues n’a eu besoin que
d’un jour pour formuler son amendement, pour se former une conviction. Le
gouvernement peut, par un léger travail, acquérir la même conviction. (Interruption.)
Messieurs, cela peut ne pas plaire à quelques-uns d’entre vous. Mais
vous n’êtes pas le pays tout entier. Je crois bien qu’il y aura une majorité
qui décidera ; mais j’espère aussi qu’il y aura une minorité imposante, qui
fera voir que cela convient au pays, qui trouvera que le pays désire obtenir ce
qu’ont tous les peuples bien régis.
Je bornerai là mes observations, pour ne pas
prolonger la discussion générale.
M. le ministre des finances
(M. Smits) - Messieurs, je serais fâché d’avoir tenu le langage que m’a prêté
l’honorable M. Manilius. Je n’ai pas dit que la fraude avait complètement cessé
; j’ai dit que la fraude avait diminué, par suite d’une surveillance plus
grande de la part des fonctionnaires supérieurs et des employés de la douane.
Mais, messieurs, je n’ai pas dit qu’il ne fallait pas augmenter les
pénalités contre la fraude, qu’il ne fallait pas aborder franchement la loi de
répression qui vous est soumise. Nous pensons, au contraire, que la répression
est utile, qu’il faut augmenter les mesures de sévérité, qui se trouvent déjà
dans la loi générale. C’est dans l’intérêt de l’industrie et du transit
national que nous voulons le projet qui a été présenté antérieurement par
l’honorable M. Desmaisières ; mais j’ai soutenu que, lorsque la fraude diminue,
il ne fallait pas pousser les mesures de répression au-delà de certaines
limites ; j’ai soutenu que ce n’est pas dans le moment actuel qu’il faut
ordonner la recherche à l’intérieur, établir l’estampille, étendre le rayon des
douanes ; j’ai soutenu que ce sont là des mesures qui constituent un système
tout à fait nouveau et dont il convient de renvoyer l’examen à l’époque où il
s’agira de réviser la loi générale de 1822. Lorsque nous en serons à cette
révision, nous examinerons quelles sont les
modifications à introduire dans cette loi, par suite surtout des communications
nouvelles qui ont été établies vers
M. Dumortier. - Je suis
aussi d’avis, messieurs, qu’il faut prendre des mesures, et des mesures très
efficaces pour réprimer la fraude ; mais je vous le déclare, je ne puis en
aucune manière partager l’opinion de ceux qui s’imaginent que le meilleur moyen
de réprimer la fraude, c’est d’autoriser des visites domiciliaires dans tout le
pays. A mes yeux, un pareil remède serait pire que le mal. Dans un pays comme
le nôtre, où l’on n’est pas habitué à vivre sous l’empire des droits réunis, où
le domicile est sacré, rien ne serait plus odieux que l’établissement d’un
système qui permettrait aux agents du fisc de violer le domicile des citoyens
chaque fois qu’ils en auraient le caprice. Je m’oppose donc de toutes mes
forces aux propositions de l’honorable préopinant, et je crois pouvoir prouver
que ces proportions, loin d’avoir l’efficacité qu’ils y attribuent ne seraient
que de misérables palliatifs, des remèdes complètement illusoires.
Je dis, messieurs, que, pour réprimer la fraude, l’estampille serait
insuffisante, que la visite du domicile serait odieuse. L’estampille serait
insuffisante. En effet, messieurs, de deux choses l’une : ou bien l’estampille
que vous ferez mettre sur les objets fabriqués par vos industriels, y sera
apposée par les bourgmestres des grandes villes, ou bien elle y sera apposée
par les industriels eux-mêmes. Si vous faites apposer l’estampille par les
bourgmestres des grandes villes, les fabricants établis dans les villages
devront souvent faire plusieurs lieues pour faire estampiller leurs
marchandises ; il en résultera pour ces fabricants des entraves immenses ; il
en résultera souvent qu’ils ne pourront pas exécuter en temps utile les
commandes qui leur auront été faites. Si, au contraire, vous voulez que ce
soient les fabricants eux-mêmes qui apposent l’estampille, comme cela se
pratique dans certains pays, il arrivera que des fabricants peu délicats, comme
il s’en rencontre toujours, apposeront l’estampille sur des marchandises
étrangères, moyennant 1/4 ou 1/2 p. c. de primes.
Voilà, messieurs, ce qui se passe dans tous les pays où l’estampille
existe, et cela est tellement vrai qu’en Prusse on a reconnu que cette mesure
est complètement illusoire et qu’on l’y a écartée.
Maintenant vous voulez des visites domiciliaires. Mais songez,
messieurs, qu’il existe en Belgique 300,000 boutiquiers dont vous allez livrer
le domicile à tous les caprices des agents du fisc ! Mais c’est là une mesure
des plus violentes, Et dans quel moment vient-on faire des propositions aussi
extrêmes ? Dans un moment où l’industrie, et surtout l’industrie cotonnière
dont un honorable préopinant vient de parler, n’est nullement dans un état de
crise.
En effet, messieurs, nous savons tous qu’aujourd’hui l’on ne peut point
fabriquer assez d’étoffes de coton, que cette fabrication, sans être tout à
fait florissante, est cependant dans un état tel qu’on ne trouve pas à acheter
des parties de calicots dans les fabriques (réclamations).
Il est tellement exact, messieurs, que la fabrication du coton n’est point en
souffrance, que les ouvriers travaillent des journées entières ; or, ce n’est
pas dans un pareil état de choses que l’on peut venir demander des mesures
d’une violence telle qu’elles soulèveraient toute les populations contre le
gouvernement. Je dis que le travail sans être aussi prospère qu’il l’était en
1837 et 1838, est dans une situation qui ne justifierait nullement de
semblables mesures.
Est-ce à dire, messieurs, qu’il ne faille rien faire pour réprimer la
fraude ? Non, sans doute, j’appelle au contraire de tous mes vœux des mesures
propres à la faire cesser ; mais je pense que ce qu’il y a de mieux à faire
pour atteindre ce but, c’est de punir sévèrement les fraudeurs, et surtout ceux
qui font frauder. Voilà le système que j’ai défendu dans la section à laquelle
j’appartenais, que j’ai défendu dans la section centrale, et que je défendrai
encore dans cette enceinte. C’est là le moyen le plus efficace ou plutôt le
seul efficace, pour faire cesser la fraude ; il conduira beaucoup plus
certainement au but que ceux que les honorables préopinants ont proposés. Ce
n’est pas, messieurs, en livrant tous les domiciles à l’arbitraire, en
soumettant tous les Belges aux droits réunis, que vous ferez aimer le
gouvernement, que vous attacherez les citoyens à la nationalité du pays ; c’est
au contraire par de semblables mesures que l’on ferait détester le
gouvernement, et que l’on arracherait l’amour de la patrie du cœur de tous les
Belges.
Je sais bien que l’on rencontrera en Belgique 50 ou 100 industriels
peut-être qui ne trouveront rien de plus commode que de faire envahir toutes
les maisons par des employés du fisc, mais encore une fois un semblable système
soulèverait la masse tout entière des détaillants et des citoyens. Déjà, il y a
quelques années ce système a été proposé dans cette enceinte, et alors 12
membres seulement se sont levés pour l’appuyer. Je ne conçois donc pas que l’on
vienne aujourd’hui le reproduire.
Serait-ce peut-être que la fraude a pris une extension extraordinaire ?
Mais, messieurs, comme nous l’a dit M. le ministre des finances, il est notoire
que la fraude a considérablement diminué depuis que des mesures efficaces ont
été prises pour la réprimer, depuis que chaque aunée les chambres ont donné au
gouvernement les moyens de fortifier la ligne des douanes. En 1831 et 1832 on
fraudait d’une manière considérable, parce qu’alors nous avons dû dégarnir la
ligne des douanes et transformer les douaniers en soldats pour défendre le
territoire menacé ; mais depuis que nous avons pu rendre les douaniers à leur
destination naturelle, depuis que nous avons voté successivement les sommes
nécessaires pour fortifier la surveillance des frontières, ces mesures ont produit
de bons résultats, et la fraude a graduellement diminué. Ce n’est donc pas le
moment de venir faire entendre des plaintes plus vives que celles que l’on
élevait en 1831 ; ce n’est pas le moment surtout de proposer des mesures
odieuses.
D’après le discours de l’honorable préopinant, il semblerait que l’on
introduit frauduleusement en Belgique pour 30 millions d’étoffes de coton ;
mais est-il quelqu’un qui puisse concevoir une pareille exagération ?
Ignore-t-on que la grande masse des cotons qui se consomme dans tous les
pays sont à l’usage du peuple, qui ne porte que des étoffes communes ? Eh bien,
messieurs, ces étoffes, on les fabrique tellement bien en Belgique, que nous en
envoyons dans les autres pays en concurrence avec les fabricats étrangers. On a
établi une comparaison avec la France ; mais il est évident que l’on consomme
en Belgique beaucoup moins de coton qu’en France, que l’on y porte beaucoup
plus d’étoffes en laine. Qui croira, après cela, qu’il s’introduit annuellement
par fraude pour 30 millions de coton dans notre pays ? Evidemment, c’est là une
exagération que personne n’admettra, c’est là une monstruosité.
Je dis, messieurs, que tous ceux d’entre nous qui vivent dans le
voisinage des frontières, et qui se tiennent au courant de ces questions,
doivent pouvoir donner au pays l’assurance très tranquillisante que chaque jour
la fraude va en diminuant. Et nous en avons la preuve la plus incontestable
dans l’élévation toujours croissante de la prime de fraude ; cela démontre à
toute évidence que le service de la douane est toujours de mieux en mieux
organisé, que la surveillance de la frontière se fait toujours de plus en plus
efficacement. Je ne conçois donc pas que l’on vienne ici demander des mesures
extrêmes, propres à soulever tout le pays, et cela en faveur de quelques
industriels.
Je ne puis, messieurs, admettre le système que l’on met en avant parce
que la base en est fausse, parce qu’il n’amènerait aucun résultat, parce qu’il
n’aboutirait qu’à une seule chose, à déconsidérer le gouvernement et à arracher
l’amour du pays du cœur de tous les Belges. Je l’ai dit, je l’ai prouvé :
l’estampille est insuffisante et inutile, la visite domiciliaire est odieuse ;
le seul moyen d’établir des mesures efficaces contre la fraude, c’est dans les
pénalités et les mesures de répression.
De toutes
parts. - A demain !
- La séance est levée à 4 heures et demie.