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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du samedi 21
janvier 1843
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre, notamment pétition relatif aux droits sur le
tabac (Desmet)
2)
Projet de loi portant le budget du département des travaux publics pour
l’exercice 1843. Discussion des articles. Chemin de fer. Demande de clôture de
la discussion sur le tarif pour le transport de la houille (Fleussu,
Delfosse, Dumont, Lys, Lejeune, Mast de
Vries, Fleussu, David, d’Hoffschmidt), chemin de fer de Namur à Tirlemont (de Man d’Attenrode), coûts et rentabilité, clôture (de Garcia), (Desmaisières),
rappel au règlement (Fleussu, Raikem,
Cools, Desmaisières, Raikem) coûts et rentabilité du chemin de fer (Desmaisières), clôture (d’Hoffschmidt,
Fleussu, de Garcia, d’Hoffschmidt, Rogier, Lys, David), coût et rentabilité du
chemin de fer ((+tarifs) Rogier, Liedts,
Rogier, Desmaisières, David), demande de clôture (de Mérode),
coût et rentabilité du chemin de fer (Desmaisières,
David, Mast de Vries, Rogier, Desmaisières, de Mérode, David, d’Hoffschmidt)
Projet
de loi portant un crédit supplémentaire au budget du département de l’intérieur
pour l’exercice 1841
(Moniteur belge n°22, du 22
janvier 1843)
(Présidence de M. Raikem)
M.
Kervyn fait l’appel nominal.
M. Scheyven donne lecture
du procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est approuvée.
M.
Kervyn fait connaître l’analyse des pétitions suivantes :
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Léon-Arsène Lemaire,
propriétaire à Bavay, né à Bettignies (France), demande la naturalisation
ordinaire. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
_________________________
« Le sieur Pierret, chevalier de l’ordre de
(Erratum au Moniteur belge n°24, du 24 janvier 1843 :) - Renvoi à la
commission des pétitions.
« Les fabricants de tabac de la ville d’Alost demandent le rejet de
toute majoration de droit sur les tabacs étrangers. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet sur les droits
d’entrée, et renvoi la section centrale.
M. Desmet. - Je demande
que cette pétition, qui renferme des renseignements utiles, soit insérée au Moniteur.
- Cette insertion est ordonnée.
_________________________
« Les fabricants et débitants de tabacs de Liége demandent le rejet
de toute majoration de droit sur les tabacs étrangers et de toute mesure qui
aurait pour but d’assujettir à l’octroi d’une licence l’exercice de leur profession. »
« Même demande de la part de la chambre de commerce de
Liége. »
Même décision que pour la pétition des fabricants d’Alost.
Discussion
des articles
CHAPITRE III. - Chemin de fer. Postes
Article
premier
M. le président. - La parole
est à M. Dolez.
M. Dolez. - Plusieurs
de mes collègues du Hainaut ayant parlé dans le même sens que je me propose de
le faite, j’attendrai, pour prendre la parole, qu’on ait répondu à leurs
observations.
Plusieurs
membres. - La clôture, la clôture !
M. Fleussu. - Je demande
la parole contre la clôture.
Messieurs, la question est autrement grave qu’elle ne le paraît. Vous
pourriez croire qu’il ne s’agit que d’un débat entre deux provinces. Mais je
vous dirai que toute
M. Delfosse. - Deux
députés du Hainaut, en répondant hier à mon discours, ont dénaturé ma pensée et
contesté quelques-uns de mes chiffres ; il est juste que je puisse leur
répondre. D’ailleurs, comme vient de le dire mon honorable collègue, M.
Fleussu, il ne s’agit pas seulement d’un débat entre deux provinces, la
question est d’intérêt général. Y aura-t-il baisse dans le prix des charbons
par suite de la concurrence ? L’industrie nationale pourra-t-elle produire à
bon marché ? Voilà la question, il me semble qu’elle mérite bien de fixer
quelques moments l’attention de la chambre.
M. Dumont. - Je pense que la
question qui a été discutée hier est une question de tarif. A la vérité, M. le
ministre des travaux publies a été chargé momentanément d’établir les tarifs.
Mais en réalité, la fixation des tarifs est une attribution de la chambre. Il
me paraît qu’il importe à la chambre de voir comment le mandat qu’elle a confié
au ministre a été exécuté par lui. Cette question n’est pas épuisée, elle est
trop importante pour le trésor public pour que la chambre ne veuille pas qu’il
y soit porté toute la lumière possible.
M. Lys. - J’ai
demandé la parole pour répondre à l’honorable M. Mast de Vries, qui a énoncé
des faits et présenté des calculs qu’il est de l’intérêt du district que je
représente, que je rectifie.
M. Lejeune. - Je ne
méconnais pas l’intérêt des débats qui ont été soulevés entre les houilles de
Liége et celles de Mons, mais je crois qu’on en a déjà dit assez à l’occasion
d’une question sur laquelle on ne peut pas arriver à une conclusion maintenant.
On trouvera une autre occasion de renouveler ce débat et d’arriver à une
conclusion ; c’est quand il s’agira de proroger la loi des péages. Je crois
qu’on peut aujourd’hui cesser le débat en ce qui concerne les houilles.
M. Mast de
Vries. - Si la chambre clôt la discussion, M. Lys ne pourra pas répondre à
mes calculs. Mais si elle permet à M. Lys de me répondre, je demanderai la
parole pour établir que tous mes calculs sont exacts.
M. Fleussu. - Les motifs
donnés par M. Lejeune pour terminer la discussion sont précisément ceux qui
devraient déterminer la chambre à la prolonger. Il veut scinder la discussion
qui a eu lieu pour la reprendre lors de l’examen de la loi sur les péages mais
alors la discussion à laquelle ou s’est livré sera perdue, car on recommencera
quand on discutera la prorogation de la loi sur les péages. Puisque déjà une
séance et demie a été consacrée à cette discussion, il vaut mieux la terminer
que la recommencer plus tard.
M. de
Garcia. - Quelle sera la conclusion ?
M. David. - J’ai
également à répondre à M. le ministre des travaux publics, à M. Mast de Vries
et à M. de Mérode. J’ai plusieurs faits et plusieurs calculs à relever. Il est
impossible de clore la discussion au point où nous en sommes.
M.
d’Hoffschmidt. - Je voudrais savoir des honorables membres qui
demandent la clôture, si c’est seulement sur l’incident relatif aux houilles,
ou sur la discussion générale tout entière. Si ce n’était que sur l’incident
soulevé entre le Hainaut et la province de Liége, la chose serait moins
importante, bien que je reconnaisse tout l’intérêt qui s’attache à la question
qui a été traitée et que je sois tout disposé à écouter avec plaisir les
nouveaux développements que d’honorables membres désirent présenter.
D’autres membres veulent examiner la question
des chemins de fer dans son entier ; ils voudraient pouvoir le faire, si la
clôture était prononcée sur l’incident, sur la question soulevée entre les
députés du Hainaut et les députés de Liége.
M. de Man d’Attenrode. - Messieurs,
si la chambre décidait qu’il y a clôture sur l’ensemble du chapitre des chemins
de fer, je demanderais au moins que la chambre autorisât M. le ministre à répondre à l’interpellation que je lui ai faite hier. Plusieurs
membres ont insisté pour l’année prochaine sur la formation d’un budget ;
d’autres ont demandé un comité d’enquête. M. le ministre n’a répondu d’une
manière formelle à aucune de ces propositions ; il n’a pas répondu d’une
manière à nous donner des apaisements. Je ne puis que lui répéter, que ma
confiance est au prix de ces apaisements. Je demande donc que la chambre autorise
le ministre à répondre à mon interpellation. Si sa réponse n’était pas de
nature à me satisfaire, je me verrais obligé de voter contre le budget des
travaux publics.
M. de Garcia. - Beaucoup
d’observations ont été présentées à l’occasion du budget des travaux publics et
surtout du chemin de fer ; beaucoup de ces observations ont été une critique de
l’administration, et je crois que la plupart ont eu pour objet d’obtenir de
l’économie dans les dépenses.
Je partage complètement l’opinion de ceux qui veulent des économies dans
toutes les branches du service public, mais je crois qu’on ne peut obtenir des
économies dans l’administration du chemin de fer qu’en faisant une bonne loi
organique sur la matière, en divisant et détaillant chaque branche de ce
service. En parlant en faveur de la clôture, c’est à une condition : c’est que
le gouvernement prenne l’engagement d’organiser l’administration du chemin de
fer en y portant l’ordre et la lumière. Dans l’état actuel des choses, c’est un
pêle-mêle à n’y rien reconnaître. Est-il possible d’éclairer la question, de
porter ses investigations sur les économies à faire sur l’administration du
chemin de fer ? C’est impossible, Tout ce que nous pouvons faire, c’est d’exiger
que le gouvernement organise et porte la lumière dans ce labyrinthe
inextricable. Je crois que toutes les discussions dans l’état de choses actuel
ne mèneront à rien.
Les tarifs surtout ont fait l’objet de violentes critiques. Mais
j’observerai que cette question n’est pas à l’ordre du jour, elle se présentera
quand toutes les lignes seront terminées. Alors nous les ferons, mais en
présence des autres tarifs, en présence de tous les essais, que le gouvernement
est appelé à faire. Jusque-là nous ne sommes pas saisis de cette question,
jusque-là impossible de fixer notre opinion d’une manière nette et positive sur
cet objet. J’insiste donc pour que la clôture soit prononcée en demandant que
le gouvernement nous fasse connaître ses intentions pour l’avenir.
J’ai écouté et lu dans le Moniteur
les discours qui ont été prononcés, et j’ai trouvé des contradictions si
manifestes entre les orateurs qui ont parlé des tarifs, qu’il m’est impossible
de me former une idée sur ce qu’il convient de faire.
Pour atteindre ce résultat avec connaissance de cause et en apprécier
toutes les circonstances qui doivent concourir à fixer le tarif, tant dans
l’intérêt au public que dans celui du trésor, il faut impérieusement une
organisation complète de l’administration du chemin de fer. Ce n’est qu’en
présence de la dépense générale de cette administration, réduite à sa plus
simple expression, qu’il sera possible de fixer
sagement les péages. J’en reviens donc à ce que j’avais l’honneur de dire tout
à l’heure, c’est qu’il faut demander au gouvernement une loi organique ou un
règlement organique, qui détermine d’une manière claire et positive les
branches d’administration de cette partie du service public. Jusque-là tous les
discours qu’on a prononcés et tous ceux qui pourront encore être prononcés,
n’amèneront aucun résultat, et ne pourront que faire perdre du temps précieux à
la chambre. D’après ces considérations, j’appuie la clôture.
M. le ministre des
travaux publics (M. Desmaisières) - Plusieurs membres m’ayant adressé des
questions, en demandant que la clôture ne soit pas prononcée avant que j’y aie
répondu, si la chambre le veut, avant qu’elle se décide sur la demande de
clôture, je répondrai aux trois questions qui m’ont été adressées.
On m’a demandé si je présenterais l’année
prochaine un budget du chemin de fer, plus détaillé dans ses développements
qu’on ne l’a fait jusqu’ici. A cette question je réponds que mon intention bien
formelle est de donner tous les détails que la chambre peut désirer sur le coût
du chemin de fer et de son exploitation, pour le prochain budget, aussi bien
aux sections qu’à la section centrale. Je serais coupable si je ne le faisais
pas, car la session ne peut pas se prolonger aussi longtemps que l’année
dernière et le temps ne me manquera pas en conséquence.
M. Fleussu. - Je demande,
la parole pour un rappel au règlement.
Il n’entrera jamais dans ma pensée de m’opposer à ce qu’un ministre
exerce toutes les prérogatives qui lui appartiennent. Quand il demande la
parole, je reconnais qu’on doit la lui accorder. S’il demandait la parole sur
l’incident, je n’aurais rien à dire, mais avant qu’il prenne la parole pour
prolonger la discussion, il faut que la chambre ait statué sur l’incident.
Je le répète, sur cet incident, la parole
appartient à M. le ministre, mais je ne crois pas, quand un incident est
soulevé, qu’un ministre puisse continuer la discussion générale, alors que nous
serions restreints par l’incident. Je demande qu’on évacue l’incident avant
d’accorder la parole à M. le ministre, à moins qu’il ne veuille parler sur
l’incident.
M. le président. - Aux termes
de l’art. 88 de la constitution, les ministres doivent être entendus quand ils
le demandent. Cette disposition est claire ; et elle a toujours été exécutée en
ce sens que, quand les ministres demandent la parole, elle leur est toujours
accordée. Je ne puis donc faire autrement que d’accorder la parole à M. le
ministre des travaux publics. Ensuite, la chambre décidera ce qu’elle croira
convenable.
Si ma mémoire est fidèle, en France une discussion s’est élevée sur la
question de savoir si l’on devait accorder la parole à un ministre après que la
clôture avait été prononcée. Mais ici cette question ne se présente pas ; la
clôture n’a pas été prononcée.
La parole est à M. le ministre des travaux
publics.
M. Cools. - Je crois
qu’il faut donner au règlement son sens naturel.
M. le président. - Il ne
s’agit pas du règlement ; il s’agit de la constitution.
M. Cools. - La
constitution, si l’on veut. Je crois que la constitution ou le règlement doit
être interprété sainement. Je ne conteste pas que les ministres doivent avoir
la parole chaque fois qu’ils la demandent, mais je pense qu’ils ne doivent la
demander que sur l’objet en discussion. (Réclamations.)
Oui, messieurs, je persiste à croire qu’il est
au moins dans les convenances que les ministres doivent se restreindre dans
l’objet en discussion, sans cela on est conduit, comme l’a très bien fait
observer l’honorable M. Fleussu, à rendre la discussion impossible.
M. le ministre
des travaux publics (M. Desmaisières) - Ce que j’ai dit tout
à l’heure se rattache tout à fait à l’incident, puisque c’est en parlant sur
l’incident que ces questions m’ont été adressées. Par conséquent, en y
répondant, je me renferme dans la discussion tout aussi bien que les honorables
membres qui m’ont adressé les questions.
M. le
président. - Je ferai une autre observation, c’est qu’il n’y a pas d’incident ;
il y a une discussion générale sur le chapitre « chemin de fer ». La
section centrale a proposé la division en plusieurs articles, et M. le ministre
s’est, je crois, rallié, à la proposition de la section centrale. Il s’agit
donc seulement de continuer la discussion ou de la clore et de passer à la
discussion sur les articles. Mais dans l’état actuel des choses, aux termes de
la constitution, il est impossible de refuser la parole au ministre. Ainsi la
parole est à M. le ministre des travaux publics.
M. le ministre des
travaux publics (M. Desmaisières) - J’ai déjà dit tout à l’heure, en répondant à
la question qui m’a été adressée relativement au budget détaille qu’on désire
obtenir pour l’exercice prochain, que mon intention formelle était d’entrer, à
l’égard du budget, dans les plus grands détails, et de subdiviser le plus possible
les crédits du chemins de fer, tout en tenant compte des nécessités d’une bonne
administration.
En ce qui touche l’organisation de l’administration du chemin de fer,
j’ai déjà fourni la preuve que ma ferme volonté était d’arriver à faire de
cette administration une véritable administration, de régler les traitements
sur des bases fixes qui soient en rapport avec les services rendus ; et de
régler aussi des droits à l’avancement et à l’admission dans les cadres du
chemin de fer ; je l’ai prouvé, dis-je, en déposant sur le bureau ces
renseignements et un projet d’arrêté à cet égard.
Quant à la commission d’enquête, c’est une question beaucoup plus grave,
sur laquelle je dois nécessairement dans ce moment garder une certaine réserve,
Mais, comme je l’ai dit hier, on doit bien croire que je ne suis pas éloigné de
cette mesure, puisque déjà j’ai institué moi-même la commission des tarifs.
(M. de Behr, vice-président,
remplace M. le président au fauteuil.)
M. le président. - Je vais mettre la clôture aux voix.
M.
d’Hoffschmidt. - J’ai demandé la division. Je demande qu’il n’y
ait clôture que sur l’incident concernant le transport des houilles.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Aucune proposition n’a été faite.
M. le président. - Je mets la
clôture aux voix telle qu’elle a été demandée, c’est-à-dire, d’une manière
générale.
M. Fleussu. - Si l’on ne
prononce pas la clôture, on ne peut imposer une limite à ceux qui voudront y
prendre part ; on ne peut empêcher de parler des tarifs dans une discussion
générale relative au chemin de fer.
M. de Garcia. - Je voulais faire la
même observation. Il est impossible de diviser une discussion générale ; car
pour déduire des conséquences, il faut souvent entrer dans des considérations
générales. L’honorable M. d’Hoffschmidt voudrait qu’on ne parlât plus de tarifs
; mais il est très difficile de s’occuper du chemin de fer d’une manière
générale, sans parler des tarifs. Je ne comprends donc pas le résultat
qu’aurait la division demandée. Je pense qu’il faut mettre aux voix, d’une
manière absolue, la continuation ou la clôture de la discussion générale.
M.
d’Hoffschmidt. - C’est lorsque l’honorable M. Dolez a demandé la
parole que la clôture a été demandée. C’est parce qu’on croyait que cet
honorable membre traiterait de nouveau la question traitée hier, relativement à
un arrêté du 25 octobre 1842 qui diminue le prix du transport des houilles vers
Anvers. Or, l’intention de la chambre peut bien être de ne pas continuer cette
discussion qui a déjà été fort longue, et de ne pas clore la discussion
relative au chemin de fer. Je crois que l’on pourrait citer des antécédents où
l’on a clos ainsi la discussion sur des incidents. Cela revient à déclarer à
plusieurs députés que la chambre est suffisamment éclairée sur un point.
Cependant, si l’on ne veut pas diviser, je
voterai coutre la clôture.
M. Rogier. - La
discussion relative an chemin de fera a duré plusieurs jours. Mais la question
du budget a été perdue de vue. Quant moi, je me réserve de demander la parole
sur la discussion des chiffres. Si l’on veut prononcer à la clôture, en
m’autorisant à entrer, à propos de l’art. 1er, dans des considérations
générales, je ne m’y oppose pas.
M. Lys. - L’honorable
M. Mast de Vries a présenté des calculs qui manquent d’exactitude. La chambre
ne peut se refuser à m’entendre lorsque je demande à les réfuter.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
M. David. - D’après la
décision que la chambre vient de prendre, je serai obligé de faire insérer au Moniteur le discours que je comptais
prononcer. (Adhésion.)
M. le président. - La chambre
passe à l’art. 1er, : « Administration générale : fr. 291,500. »
M. Rogier. - Il est bien
entendu que je pourrai me livrer à quelques considérations générales. (Adhésion.)
Nous avons dans le pays un très grand nombre d’établissements
industriels ; les uns fabriquent des draps, d’autres de la toile, d’autres
produisent de la houille, d’autres enfin de la fonte. Le chemin de fer est à un
certain point de vue un grand établissement industriel. Pourquoi a-t-il été
créé ? Pour transporter des voyageurs et des marchandises ; plus il transportera
de monde et de choses, mieux il remplira sa destination. De même plus un
établissement houiller produira de houille, plus cet établissement prospère,
s’il est bien administré, si ses dépenses sont sagement combinées. Pour qu’un
chemin de fer soit prospère, il faut que par ses tarifs et par leur application
il attire beaucoup de voyageurs, beaucoup de marchandises. Je me hâte d’ajouter
: il faut que, par son mode d’administration, il n’entraîne pas de trop grandes
dépenses. Ainsi, intelligence d’une part dans l’établissement du tarif ;
économie d’autre part dans le mode d’exploitation, tels sont les deux éléments
de prospérité du chemin de fer.
C’est d’économies que je me propose d’entretenir surtout la chambre en
ce moment.
Quant aux tarifs et à leur application, les questions qui s’y rattachent
pourront trouver leur place dans la discussion de la loi sur les péages. Les
renseignements qui continuent à nous manquer pourront peut-être nous être
fournis pour cette époque.
D’ailleurs, pour parler de tarifs, il y aurait une question préalable à
faire. Y a-t-il un tarif au chemin de fer ? Y a-t-il un système connu de tous,
intelligible pour tous ? En quoi consiste ce tarif ? Qu’était-il hier ?
Qu’est-il aujourd’hui ? Que sera-t-il demain ?
Il a été question un jour d’un arrêté royal du 22 mars 1842 ; cet
arrêté, disait-on, constituait un tarif définitif ; une commission avait été
nommée pour proposer à Sa Majesté les bases d’un tarif définitif. Ce tarif
avait été l’objet de mûres délibérations, de profondes méditations, à ce qu’on
disait, et un arrêté royal, pris en conséquence de ce travail, ne pouvait être
qu’une mesure définitive. Que reste-t-il de cet arrêté royal ? Où est-il ? Il
est, a-t-on dit, affiché à la porte de tous les bureaux. Mais, qu’on ne s’y
trompe pas, le tarif du 22 mars affiché n’est pas sérieux ; ce n’est que
l’ombre d’un tarif, une ombre trompeuse ; le tarif du 22 mars est mort le
lendemain de son apparition ; un ordre de service secret l’a tué. Un mois
après, le 21 avril, on a vu apparaître un arrêté ministériel, soi-disant pour
expliquer l’arrêté définitif ; eh bien, l’arrêté ministériel du 21 avril est
une restauration complète, le contre-pied de l’arrêté royal du 22 mars. Je
n’exagère pas. Si on le contestait, j’en fournirais la preuve.
Il n’y a rien de plus contraire au système du 22 mars que le système du
21 avril suivant. Est-ce tout ? Mais non. Après l’arrêté du 21 avril, est
arrivé un ordre de service qui étend et modifie cet arrêté. Un nouvel arrêté du
25 octobre étend et modifie l’arrêté du 21 avril. Je ne parle que pour les
lignes du Nord, de l’Est et de l’Ouest ; car pour la ligne du Midi, on ignore
quel est le tarif ; mais ce n’est pas le tarif des trois autres lignes ; tout
ce qu’on sait, c’est qu’on veut y faire l’essai d’un tarif élevé, et si les
tableaux qui ont été fournis sont exacts, ces essais ne paraissent pas heureux
; l’honorable M. d’Hoffschmidt en a fait la démonstration.
Dans cet état de choses, je demanderai si, après avoir fait l’essai d’un
tarif élevé sur la ligne du Midi, l’on ne pourrait pas faire l’essai d’un tarif
peu élevé ; on comparerait les résultats de ces deux tarifs ; et certes cette
expérience jetterait de grandes lumières sur une question qu’on a si fort
embrouillée !
Enfin on annonce une révision générale du tarif !
Cela posé, je ne presserai plus le ministre de nous dire en quoi
consiste aujourd’hui son système. Peut-être refuserait-il, dans cette
circonstance, comme dans d’autres, de nous donner des réponses, Je reconnais du
reste que, pour ce cas spécial, il a de fort bonnes raisons de ne pas répondre.
On nous a dit que le compte-rendu de 1841 présentait beaucoup plus de
renseignements que celui des années antérieures. J’ai cherché dans ce
compte-rendu où l’on exalte les résultats du soi-disant tarif du 22 mars ; j’ai
cherché ce tarif, et l’arrêté royal qui l’établit, pas une ligne à y trouver.
C’était cependant le premier document à y insérer, puisque tout le compte-rendu
repose sur les résultats de cet arrêté.
Maintenant, si l’on se décide à publier un nouveau tarif revu et
corrigé, je demande qu’on le distribue gratis à tout le monde, M. le ministre a
vu, je crois, des chemins de fer en Allemagne et en France ; il aura remarqué
que généralement on distribue gratis le tarif à chaque guichet ; c’est le prix
courant du chemin de fer. Jamais les négociants ne font payer leurs prix
courants.
Je demanderai en outre que lorsque cette révision générale du tarif aura
eu lieu, on s’en tienne à ce tarif, quel qu’il soit. Que le commerce,
l’industrie, le public en général sachent à quoi s’en tenir. Déjà nos lois
douanières, nos lois de finances et d’impôts. offrent trop d’instabilité pour
les opérations commerciales. Il faut que le commerce et l’industrie sachent à
quoi s’en tenir. Mieux vaudrait un tarif imparfait mais stable pour un temps,
qu’un tarif qu’on modifierait de jour en jour et sans cesse, même avec
l’intention de le perfectionner.
Je passe maintenant à l’examen du budget.
Je ne sais pourquoi l’on a considéré l’appréciation du budget du chemin
de fer comme une œuvre très difficile. J’ai entendu dire qu’il fallait se
résoudre à voter ce budget les yeux fermés, qu’il était impossible d’y rien
voir. Je crois que l’examen du budget du chemin de fer n’est pas plus difficile
que l’examen de tout autre budget. Au contraire il n’y a pas de dépenses qui
aient été éclairées par plus de discussions que celles du chemin de fer. Nous
avons déjà huit années d’expérience ; nous avons fait sur le chemin de fer
1,200,000 lieues. En voilà assez pour pouvoir apprécier les éléments des
diverses dépenses, pour peu que l’administration mette de la bonne volonté à
fournir les renseignements nécessaires.
Ici comme en Angleterre, comme en France, comme en Allemagne, on peut
savoir au juste, à quelques centimes près, le prix de revient de la lieue
parcourue. Une fois ce prix connu, vous l’appliquez aux lieux à parcourir, et
vous avez le total de la dépense, à peu de différence près.
M. Cogels. - Je demande
la parole.
M. Rogier. - C’est le
mode suivi dans tous les comptes-rendus de tous les pays où il existe des
chemins de fer ; c’est le mode qu’a suivi M. le ministre des travaux publics
lui-même pour l’année 1841.
Les dépenses de construction du chemin de fer dont on s’est occupé dans
la discussion, ont certainement leur importance ; il importe que le chemin de
fer soit construit avec économie, qu’il n’y ait pas, comme on l’a dit, des
gaspillages. Je n’entends toutefois pas m’associer en aucune manière, sous ce
rapport, au blâme que l’on a infligé, et sans qu’aucune réponse ait été faite
cependant, à certains ingénieurs. Mais les dépenses d’exploitation ont bien
plus d’importance que les dépenses de construction. Les dépenses de
construction une fois faites, il n’en est plus question. Les dépenses
d’exploitation, au contraire, sont permanentes ; elles se reproduisent d’année
en année. Il importe donc que l’attention de la chambre soit appelée plus spécialement
encore sur les dépenses d’exploitation que sur les dépenses de construction.
Il est surtout important que, dès les premières années, l’administration
ne soit pas habituée à un régime de luxe ; il faut que, dès le principe
surtout, la chambre et le ministère aient grand soin de renfermer les dépenses
d’exploitation dans les limites du strict nécessaire. C’est ici que la maxime principiis obsta est
applicable.
Il est, messieurs, une influence qui préside à la confection du budget
du chemin de fer, comme à la confection de tous les budgets. Il règne chez ceux
qui sont chargés de le préparer un excès de prévoyance, une crainte de manquer
du nécessaire pendant l’exercice pour lequel le budget est fait. C’est par
cette crainte de manquer du nécessaire qu’il peut quelquefois arriver que l’on
demande du superflu ; et, je le répète, c’est au ministre, c’est aux chambres à
veiller qu’on ne demande rien de trop.
Cette précaution, messieurs, de renfermer les dépenses des budgets dans
des limites raisonnables et sévères, est surtout nécessaire pour le chemin de
fer ; pour le chemin de fer qui, par je ne sais quel privilège, est ici l’objet
fréquent de nombreuses et vives récriminations et que dans une séance
précédente un honorable membre a encore si admirablement qualifié de chancre rongeur du pays.
En préparant le budget de 1843, messieurs, n’a-t-on pas un peu trop cédé
à cette crainte de manquer du nécessaire ? Je le crois, et je pense pouvoir le
démontrer.
Pour l’exercice 1838, sous le ministère de l’honorable M. Nothomb, il a
été demandé une somme de 3,090,000 fr. Pour l’exercice 1839 même ministère,
même somme de 3,090,000 francs ; pour 1840, même ministère, même somme de
3,090,000 fr. De manière que, pour les exercices 1837, 38 et 39, avec une même
somme de 3,090,000 fr., on est parvenu à exploiter le
chemin de fer, bien qu’il eût pris un accroissement considérable. En effet, en
1837, il y a eu 129,000 lieues parcourues ; en 1838, 174,000 lieues ; en 1839,
236,000 lieues ; et, cependant, avec la même somme on a fait face à cet
accroissement de service.
An projet du budget de 1841, j’avais annoncé qu’une somme de 375,000
francs serait nécessaire pour subvenir à l’insuffisance de crédit de 1840, et
cela paraissait naturel, puisqu’avec une même somme de 3,090,000 francs on
avait exploité cent sept mille lieues de plus qu’en 1838. Eh bien ! après
nouvel examen, j’ai été à même d’annoncer à la chambre que ce crédit
supplémentaire de 375,000 francs ne serait pas nécessaire, que l’exercice 1840
couvrirait ses frais avec le chiffre du budget.
Arrive le budget de 1841. Le projet primitif présenté à la chambre,
élevait la demande à 4,370,000 fr. Mais après avoir été examiné avec beaucoup
de soin par le ministre, il fut réduit, remarquez bien ceci, messieurs, à la
demande du ministre lui-même, et avant la discussion publique, à une somme de
3,640,000 fr., soit 730.000 fr. de réduction. Cette réduction, messieurs, j’en
pris l’initiative et j’en démontrai la possibilité tant dans les développements
du budget qu’à la tribune. Toutefois le budget de 1841 présentait sur le budget
de 1840 une augmentation de 650,000 fr. Je n’avais pas la prétention
d’exploiter en 1841, au même prix qu’en 1840. Mais cette augmentation était
motivée en grande partie sur l’organisation du transport des marchandises ;
système qui fut établi sur de très larges bases, et qui s’est parfaitement
justifié par l’accroissement si considérable des recettes du chef des
marchandises.
A la vérité, messieurs, je sais bien que sur l’exercice
Mais voulez-vous, messieurs, même dans le projet de budget pour 1841, un
exemple des préoccupations qui président d’ordinaire aux prévisions primitives
de l’administration ? Dans le projet de budget de 1841, on avait demandé pour
l’entretien de la route une somme de 1,160,000 fr. Examen fait des éléments de
cette dépense, je pus réduire la demande de 410,000 fr., et déclarer que
750,000 fr. suffiraient en 1841 pour l’entretien de la route. Eh bien, mes
calculs se sont réalisés ; le crédit de 750,000 fr. a suffi, d’après le
compte-rendu de mon successeur. Si donc, messieurs, le chiffre primitif avait
été maintenu, la chambre aurait été amenée à allouer pour le seul entretien de
la route 410,000 fr. de trop.
Quoi qu’il en soit, messieurs, le crédit supplémentaire de 817,000
francs ayant été voté par la chambre, en l’ajoutant au crédit alloué d’abord,
le chiffre du budget fut porté à 4,457,000 fr. pour 1841.
En 1842, on rentre dans la bonne voie. De la même manière qu’on avait
exploité en 1840 avec la même somme qu’en 1838 et 1839, on s’est proposé
d’exploiter 1842 avec la même somme que 1841, et il paraît qu’on y est parvenu.
M. le ministre des travaux publics nous a dit hier que le crédit de 1842,
inférieur même à celui de 1841, suffirait. Et je crois qu’il a dit vrai, si
même le chiffre voté ne présente pas un excédant.
Bien qu’on n’ait demandé, en 1842, qu’une somme égale à celle allouée
pour 1841, on a cependant exploité en plus la jonction de la station du Nord à
celle du Midi, la section de Tubise à Mons, les plans
inclinés d’Ans à Liége, la section de Liége à Chênée,
la section de Courtray a Tournay, la section de Mons à Quiévrain, et la section
de Braine-le-Comte à Manage pendant quelques jours de l’année 1842.
En 1841, on avait parcouru 282,000 lieues ; en 1842, avec la même somme,
on a annoncé que l’on avait parcouru 317,818 lieues. C est là, messieurs, un
résultat favorable ; et qui paraît étonnant au premier abord, mais qui n’a rien
de surprenant quand on le compare à ce qui s’est fait en 1838, 1839 et 1840.
Mais voici tout à coup que pour 1843, on vient nous demander 960,000
francs de plus. On a exploité en 1842 avec la même somme qu’en 1841, et pour
1843, on augmente le budget de plus d’un cinquième. Je crois, messieurs, qu’en
présence des antécédents que je viens de rappeler, la chambre doit éprouver de
graves doutes sur la nécessité d’une pareille augmentation. Quant à moi, je
suis certain qu’on nous demande trop, beaucoup trop, et c’est ce que je crois
pouvoir démontrer à la chambre, si elle veut bien me prêter encore son
attention.
Les augmentations, messieurs, portent sur le personnel et sur le
matériel. Pour le personnel je ne viendrai pas me joindre aux récriminations
dont il a pu être l’objet. Une distinction est à faire dans le personnel du
chemin de fer ; il y a ce qu’on a appelé l’état-major, et il y a ce que
j’appellerai, moi, pour continuer la figure, l’armée. Quant aux soldats et
sous-officiers du chemin de fer, c’est-à-dire les ouvriers, les garde-routes,
les garde-ponts, etc. je ne crois pas, messiers, qu’aucun de vous songe à faire
porter de ce côté les économies. Vous avez fait souvent de grands sacrifices
pour les classes ouvrières ; vous avez, l’année dernière, encore renoncé à un
million de recettes en faveur d’une certaine classe d’ouvriers. Eh bien,
messieurs, les employés inférieurs du chemin de fer appartiennent aussi à la
classe ouvrière ; ce sont les ouvriers de l’Etat, et je ne pense pas que l’Etat
doive traiter les ouvriers plus mal que ne sont traités les ouvriers des
particuliers.
Ainsi, messieurs, si de ce côté il y avait quelques sacrifices d’argent
à faire, je crois que la chambre ne devrait pas se montrer trop sévère. S’il y
a une armée nombreuse de soldats de sous-officiers au chemin de fer, il faut
tenir compte aussi des avantages qui en résultent pour la sécurité des
voyageurs, pour la bonne surveillance de la route. Nulle part, sans doute, on
ne trouvera une administration qui a cet égard laisse moins à désirer que celle
de notre chemin de fer. Ajoutez que le chemin de fer a employé beaucoup
d’activités, il faut le dire, plus ou moins turbulentes, qui se trouvent
aujourd’hui utilement occupées et disciplinées ; c’est ainsi qu’on a récompensé
des services que l’on ne pouvait récompenser d’aucune autre manière. Ainsi,
messieurs, je crois qu’il ne faut pas retrancher trop facilement des crédits
destinés à cette partie de l’armée du chemin de fer.
J’arrive à l’état-major, aux fonctionnaires supérieurs ; c’est sur eux
que tombent les attaques, ce sont les chefs, qui sont, dit-on, trop payés et
trop nombreux. Trop payés, messieurs, les fonctionnaires supérieurs du chemin
de fer exercent des fonctions très importantes, soit qu’on les envisage dans
leurs rapports avec le public, soit qu’on les considère quant aux produits, aux
recettes qu’ils procurent à l’Etat. Ce sont des fonctions très actives, très
assujettissantes, entraînant une grande responsabilité ; c’est un service
continu, qui commence de très bonne heure et qui finit très tard, qui n’admet
pas de vacance, pour lequel il n’y a pas de dimanches ; voilà, messieurs, des
considérations qui plaident certainement en faveur de ce qu’on appelle
l’état-major du chemin de fer. Les fonctionnaires du chemin de fer ne sont pas,
d’ailleurs, plus rétribués que les fonctionnaires des autres administrations ;
s’il y a des exceptions, elles doivent être extrêmement rares ; en général ils
ne sont pas plus payés, quoique leur service soit beaucoup plus actif et non
moins important.
On dit que le personnel est trop nombreux. Mais quand on le compare au
personnel des fonctionnaires supérieurs des autres administrations, de
l’administration des douanes, par exemple, on ne trouve pas que le personnel du
chemin de fer soit trop nombreux.
S’il est un rapport sous lequel ce personnel laisse à désirer, je crois
que c’est sous celui de l’organisation.
Peut-être n’utilise-t-on pas ce personnel autant qu’il pourrait être
utilisé. M. le ministre nous a annoncé un projet d’arrêté qui doit organiser le
personnel du chemin de fer. Je ne sais ce qu’il adviendra de cet arrêté, mais
j’engage fortement M. le ministre à veiller à une chose. A tort ou a raison, la
direction du chemin de fer passe pour absorber toute l’administration,
l’absorber en-dessous et l’absorber même en-dessus. M. le ministre me dit qu’il
ne le souffrirait pas ; mais, dans les détails d’administration, il y en a
beaucoup qui, malgré sa bonne volonté, peuvent lui échapper.
Ainsi, j’ai été assez surpris de voir dans le rapport même de M. le
ministre de l’intérieur un ordre de service sans signature, mais que je présume
être émané de la direction, ordre de service qui crée des places d’inspecteur
du chemin de fer, qui confère des titres de cette importance sans arrêté royal
ni même ministériel. Un état-major, formé de cette manière, je n’en veux pas,
cela pourrait nous conduire très loin.
Quoi qu’il en soit, messieurs, l’on a demandé pour l’administration
générale 108,000 fr. en 1841 ; on demande 179,500 fr. pour 1843 ; c’est 71,500
fr. de plus. J’avoue qu’on ne m’a pas démontré la nécessité de cette
augmentation. Ce qui me fait voir qu’on s’est livré à des appréciations trop
larges, c’est le chiffre qui est demandé pour les employés aux marchandises,
notamment pour les employés aux petites marchandises ; on demande de ce chef
85,000 fr, Il y a évidemment une grande exagération dans cette demande. Un
simple calcul le prouvera.
Il y a au chemin de fer 40 stations où l’on reçoit et distribue les
petites marchandises dites de diligences. Il faudrait supposer, pour que les
85,000 fr. fussent absorbés, qu’un commis fût attaché à chaque station, et
qu’il reçût 2,100 fr, Mais il n’en est rien. Les stations peuvent être divisées
en trois classes ; dans les stations de la troisième classe, il n’y a pas de
commis pour les marchandises ; dans les bureaux de deuxième classe, il y a un commis
qui fait la grosse et la petite marchandise ; viennent les bureaux de première
classe. Là, si l’on veut, j’attribuerai deux ou trois commis spécialement pour
la petite marchandise ; eh bien, en réunissant toutes les sommes à payer à ces
employés pour traitements, l’on n’arrivera qu’à une somme de 30,000 fr.
Je sais que pour 1843 l’on ouvrira quelques bureaux nouveaux ; Verviers
et Charleroy exigeront peut-être deux ou trois commis pour les petites
marchandises ; eh bien, en accordant 10,000 fr. pour l’ouverture des nouveaux
bureaux, j’arrive à un chiffre total de 40,000 fr. ; demander 85,000 fr. pour
cet objet, c’est demander une somme une fois trop forte.
Je puis d’autant moins m’expliquer cette augmentation de dépense pour
les employés aux petites marchandises, que d’après le rapport de M. le ministre
il paraîtrait qu’on veut renoncer à ce mode de transport, qu’on veut revenir au
transport par wagon et partie de wagon ; M. le ministre proclame ce dernier
système le meilleur de tous les systèmes ; il blâme beaucoup les mesures par
lesquelles son prédécesseur y a renoncé ; mais si vous voulez revenir à
l’ancien système de transport, il ne faut plus de commis aux petites
marchandises. Je ne puis pas concilier une augmentation de traitement pour les
commis avec la suppression du service de ces commis.
Mais, messieurs, bien que M. le ministre ait annoncé l’intention de
renoncer à ce système, il ne l’abandonnera pas ; et voilà pourquoi il est bien
forcé de demander une allocation pour les employés aux petites marchandises. On
ne fera pas la faute lourde de retourner à l’enfance du système. Jamais sans
doute il n’est entré dans la pensée de l’honorable M. Nothomb de s’en tenir à
ces essais de transport par masse de
A entendre les adversaires du camionnage, c’était là un système onéreux,
désastreux. Faire remettre directement à des prix fixes et modérés, toutes
marchandises quelconques aux destinataires sans passer par les mains
d’intermédiaires obligés, c’était là une folie ; il y avait, disait-on, plainte
générale de la part du commerce, une lutte désespérée de la part des industries
rivales. Vite, il fallait délivrer le pays à tout prix d’un pareil fléau.
Je ne demande pas mieux, répondait le ministre, mais je suis lié par les
contrats de mon prédécesseur ; sinon, j’aurais bientôt fait justice de ce
système désastreux.
Eh bien, messieurs, arrive le terme des contrats ; c’était à la fin de
l’année 1842, on devait s’attendre à vie le pays délivré de ce système si
terrible du camionnage ; mais pas du tout, le camionnage est continué ; de nouveaux
contrats ont été faits ; le camionnage a été établi là où il n’existait pas,
avec une petite différence cependant ; j’avais cru utile que les contrats se
fissent avec concurrence entre tous les camionneurs ; aujourd’hui, on a renoncé
à ce système, et la concurrence a été écartée.
Mais dira-t-on au ministre, pourquoi continuer ce système que vous avez
tant blâmé ? Vous déclarez vous-même que le commerce était enchanté de l’ancien
système ; mais rendez donc au commerce ce qu’il aimait tant ; mais du tout ;
voici que le commerce ne veut plus de l’ancien système ; ce système dont il
était enchanté à la page 69 du rapport de M. le ministre, il en est entièrement
dégoûté à la page 70, il ne comprend pas, dit le ministre, les avantages de
l’ancien système ; il les appréciait parfaitement à la page 69, il ne les
apprécie plus à la page 70. Voilà pourquoi M. le ministre est forcé de
continuer le système du camionnage. Il en sera de cette mesure comme de
beaucoup d’autres ; on la blâmera beaucoup, mais on la maintiendra.
Mais de quelle manière veut-on conserver le système de camionnage ? On
le maintient précisément dans ce qu’il peut avoir d’onéreux pour l’Etat. L’Etat
remettait à domicile par l’intermédiaire de camionneurs tous paquet et
marchandises, avec la même facilité qu’il remet les lettres à domicile ;
aujourd’hui le camionnage est facultatif, et pour qui ? pour les particuliers ;
mais le camionnage reste obligatoire pour l’Etat, de telle manière, que les
particuliers peuvent toujours forcer l’Etat à transporter à domicile.
Qu’arrive-t-il ? c’est que l’Etat doit se tenir toujours prêt à faire face
toutes les demandes du capricieux public. Dans le système précédent, le
camionnage était obligatoire pour le public, en même temps qu’il l’était pour
l’Etat ; les particuliers étaient obligés de payer les frais de factage, soit
qu’on leur remît les marchandises à domicile, soit qu’ils vinssent les prendre
bureau restant, tout juste comme les choses se passent pour les lettres et
journaux. Il fallait conserver la remise à domicile, avec la faculté de venir
chercher les marchandises bureau restant, mais sans défalcation des frais de
factage. On pourrait toutefois faire quelque exception pour les marchandises
encombrantes, par exemple, pour les charbons.
Aujourd’hui donc le camionnage est devenir obligatoire pour le
gouvernement, et facultatif pour le public pour toutes espèces de marchandises,
en vertu de contrats faits sans concurrence ; c’est-à-dire qu’il entraîne le
gouvernement dans les mêmes frais de personnel et frais de bureau, avec une
complication de plus par suite de ce double système.
Eh bien, ce sont ces complications, ces variations dans le système
administratif qui contribuent a augmenter le nombre des employés. Si l’on avait
un service régulièrement monté, suivi avec un peu de persévérance, il se
simplifierait de lui-même ; en simplifiant le service, on pourrait maintenir le
personnel dans de justes limites.
Je prends, pour exemple, les tarifs qui sont un mystère pour tout le
monde..., (je ne veux rien dire de désobligeant pour le ministre mais si je lui
demandais de dire à la chambre en quoi consiste le système de ses tarifs, je
crois que je l’embarrasserais beaucoup) ; eh bien pour ces tarifs si variables
et si compatibles, il faut pour ainsi dire, dans chaque bureau un homme
spécial, chargé de les étudier et de les expliquer ; encore n’est-il pas rare
de les voir interpréter d’une façon dans un bureau, et d’une autre façon dans
un autre bureau. On a cité des exemples.
Cette économie que l’on pourrait faire avec un système plus stable,
moins inconstant, s’applique également aux frais de bureau et d’impression. Les
frais de bureau pour 1841, ont été de 91 mille francs ; pour 1843, on demande
130 mille francs. Il faut qu’il se fasse des frais d’impression inutiles. C’est
ce qui est arrivé pour les tarifs dont on a tire je ne sais combien d’éditions
différentes parce qu’on les changeait à chaque instant. Cette inconstance se
retrouve dans d’autres détails ; les tableaux des heures de départ et de la
marche des convois, croiriez-vous qu’en un seul jour, à la date du 21 mars
1842, il en a été fait trois éditions différentes ?
Je demande si ce ne sont pas là des frais inutiles, et si, avec un peu
plus de constance dans les idées, on n’épargnerait pas ces dépenses et on
n’éviterait pas de jeter la perturbation dans les habitudes de l’administration
et du publie qui fait usage du chemin de fer. Il y a eu une grande prodigalité
de tarifs en ce sens qu’il y en a eu une grande variété. J’aimerais mieux qu’il
n’y en eût qu’un seul dont on fût prodigué en le distribuant au public sans le
forcer à le payer, comme cela se fait aujourd’hui.
M. le ministre a dit à la section centrale qu’il y avait une grande
augmentation dans les frais d’impression pour le transport des marchandises,
qu’il fallait, par exemple, 350 mille feuilles de route pour l’exercice 1843.
Cela fait mille feuilles de route par jour, cela me paraît exorbitant, mais en
supposant ces mille feuilles de factage par jour, à 12 ½ centimes, ce n’est pas
trop peu, puisqu’on a des romans à 12 ½ centimes le volume, ces 350 mille
feuilles coûteraient 17,500 fr. Ainsi ce n’est pas là une énorme dépense. Si le
nombre de feuilles est considérable, la dépense, en définitive, ne l’est pas.
Je passe à un article plus important, à celui relatif à l’entretien de
la route, à l’art. 2.
M. le président. - Nous n’en
sommes qu’à l’art. 1er.
M. Rogier. - Il me
serait impossible de scinder mon discours, et la chambre, je pense, m’a
autorisé à parler de tout ce qui est relatif au chemin de fer, à propos de
l’art. 1er.
Plusieurs
membres. - Oui ! oui !
M. Rogier. - Il a été
demandé, en 1841, 750 mille fr. pour l’entretien du chemin de fer. Pour 1843 on
demande 1,445 fr. Cela fait bien, comme disait M. le ministre, près de 700
mille fr. de plus. C’est beaucoup que le double pour les frais d’entretien. Je
sais fort bien qu’il y a une raison spéciale pour 1843. On veut substituer des
rails nouveaux aux anciens rails. On a demandé sur quelle section. La réponse a
été : sur la section de Malines à Gand. Mais pourquoi entre Malines et Gand ?
Des rails anciens existent sur d’autres sections beaucoup plus fatiguées que la
section de Malines à Gand.
Je vois dans le magasin central de Malines 770 tonneaux de rails ; je ne
sais si ce sont de vieux ou de nouveaux rails, cela me paraît un
approvisionnement bien considérable. Quoi qu’il en soit, je demande pourquoi il
y a nécessité de changer les rails ondulés, quel accident ils ont occasionné ?
On fait peur à la chambre, on dit que la responsabilité du ministre est très
engagée si on ne renouvelle pas ces rails. Un pareil argument, la chambre doit
le repousser sinon il pourrait la conduire bien loin. Aujourd’hui ce sont les
rails, demain ce seront les locomotives, ensuite les voitures dont les ressorts
ne seront assez solides. Où s’arrêtera-t-on ? Sachons résister à ces frayeurs.
Nous avons l’expérience de cinq à six années pendant lesquelles il n’y a pas eu
un seul accident. Je ne pense pas qu’il en arrive en 1843.
Les rails parallèles, qui ont 7 kilog. au
mètre, sont sans doute meilleurs, plus solides, plus doux pour les parcours que
les rails ondulés qui ont 18 à 20 kilog. au mètre.
Mais avant de perfectionner notre chemin de fer, achevons-le. On se plaint des
grandes dépenses qu’il occasionne ; faisons l’utile, le confort viendra après,
si c’est possible.
Remarquez, messieurs, que la dépense d’entretien ne doit pas s’accroître
avec l’extension de la route. On peut dire qu’à certain égard plus la route
vieillit, plus elle s’améliore ; en second lieu les sections nouvelles n’ont
pas besoin d’entretien en rails, billes, sable. Ainsi on ne peut pas argumenter
des 20 lieues nouvelles qu’on doit ouvrir en 1843 pour demander 700 mille
francs d’augmentation. La nécessité du renouvellement des rails ne m’est pas
démontrée.
Je n’appuierai pas la demande d’une enquête générale, mais voici une
question spéciale, de nature à être soumise à une enquête administrative très
sévère : la nécessité de remplacer les rails ondulés anciens par des rails
nouveaux. Cette première dépense aurait de graves conséquences. On demande 700
mille francs pour renouveler les rails de Malines à Termonde. Pourquoi ne
demanderait-on pas aussi de renouveler les rails de Malines à Liége ? est-ce
que la vie des voyageurs de Malines à Liége n’est pas aussi compromise et aussi
précieuse que celle des voyageurs de Malines à Gand ? je ne crois pas que M, le
ministre ait pour ceux-ci de la prédilection ; cependant c’est par la route de
Gand qu’on commence, et si on veut faire voyager sur la route de Liège avec
autant de sécurité que sur celle de Gand, il faudra demander de nouvelles
sommes pour la section de Malines à Tirlemont et de Tirlemont à Liége.
Voilà pour l’entretien de la route. Passons aux dépenses de locomotion.
On a dit beaucoup de choses sur la consommation du coak.
M. le ministre des travaux publics en a porté la dépense par lieue à
Sur le chemin de Liverpool à Manchester : 38 73 kil.
Sur celui de Londres à Birmingham : 47 50 kil.
Sur celui de Great Junction : 55 kil.
Et enfin sur le Great Western : 54 10 kil.
Sur le chemin de fer de Paris à Versailles, rive droite, pour des
machines de
M. Liedts, rapporteur. - De
M. Rogier. - On tient
compte de cette différence. De Strasbourg à Bâle, route qu’a parcourue, je
pense, M. le ministre des travaux publics, d’après les renseignements que j’ai
pris sur les lieux, la consommation est de 11 à 12 kilog.
par kilomètre ou de 55 à
De Bruxelles à Anvers, d’après le compte-rendu de M. Nothomb, on
consommait, en 1837, 57 à 60 kilog. de coak par lieue. Les 102 kilog
annoncés par M. le ministre actuel ont été l’objet d’observations même à
l’étranger. J’ai eu sous les yeux l’ouvrage tout récent d’un auteur connu, je
crois, du ministre des travaux publics, de M. Teisserene,
ingénieur très distingué qui a fait des chemins de fer une étude spéciale, et
membre de la commission des chemins de fer de France. Voici ce qu’il dit sur la
dépense de 102 kilog. de coak
par lieue (page 524. Politique des Chemins de Fer) :
A la page 524, je lis :
« Partout la dépense du combustible est proportionnelle au prix de ce
combustible, et la consommation de coak par
kilomètre, varie de 10 à
« Pour
« Une si grande consommation avec un coak
de première qualité, comme celui qui est employé en Belgique, n’est pas
admissible.
« Si le compte de la commission des tarifs était sérieux, les
chiffres autoriseraient des suppositions fâcheuses que nous nous dispensons
d’articuler. »
Ainsi, messieurs, suivant M. Teisserene,
auteur tout à fait spécial, qui a fait de nombreux voyages et des études très
approfondies et très continues, la consommation du coak
par lieue serait de 50 à
On demande pour le coak 875,000 fr.,
combustible et fabrication, au prix de 29 francs le tonneau. C’est le prix
indiqué par M. le ministre pour 1841, et je crois que depuis il a encore
diminué. Il y aurait avec 875,000 fr. à 29 fr. le tonneau, de quoi fabriquer
30,172 tonneaux de coak. Et avec 30,172 tonneaux de coak, à raison de 70 kilog. par
lieue parcourue, il y aurait de quoi parcourir 431,000 lieues.
Mais, d’après le rapport officiel du directeur de l’administration, on
peut, par le procédé que j’ai indiqué, celui de M. l’ingénieur Cabry, économiser 33 p. c. sur le coak.
Cette assertion du directeur de l’administration n’est pas une assertion en
l’air. Il est arrivé à ce résultat à la suite d’enquêtes sévères et réitérées.
M. le directeur a eu soin de déclarer lui-même qu’il a été longtemps incrédule,
qu’il a résisté longtemps ; en quoi il a eu tort, puisqu’il a empêché une
économie. Mais enfin il s’est rendu à la réalité, et il déclare qu’il y a une
réduction d’un tiers à faire. Sur quelques lignes on a même trouvé une
réduction de 45 p. c., d’après le même rapport du
directeur de l’administration.
33 p. c. de réduction sur 70 kilog., il resterait
47 kilog. par lieue. Dès lors, 30,172 tonneaux, à
raison de 47 kilog. par lieue, supposerait un
parcours de 640,000 lieues. On voit, messieurs, que l’on a de la marge.
Mais ce n’est pas tout : l’application du système de M. l’ingénieur Cabry n’est pas la seule économie possible sur la
consommation du coak. M. le ministre nous annonce
lui-même qu’il a obtenu des réductions sur le prix de la houille, vu le
voisinage des bassins. Aujourd’hui on va toucher aux bassins de Liége et de
Mons ; hier mène on annonçait à l’honorable M. Sigart que la commune de
Jemappes aurait un four à coak sur les lieux
d’extraction. Je crois que c’est une bonne mesure et j’en félicite la commune
de Jemappes. J’en félicite surtout le chemin de fer ; ce sera une économie.
Il y a donc, messieurs, réduction dans le prix de la houille, et
réduction dans le prix du coak. M. le ministre
annonce même qu’il a obtenu 7 p. c. d’amélioration dans le rendement du
charbon,. Il paraît que la confection de coak était
mal surveillée, que le charbon ne rendait pas ce qu’il pouvait rendre. M. le
ministre l’a fait surveiller davantage, et il a obtenu 7 p. c. d’amélioration
dans le rendement. Voilà donc encore une économie dont on peut féliciter M. le
ministre, mais dont il faut que le budget profite.
Ainsi, messieurs, aussi bien sur les frais de bureau et de personnel que
sur les frais d’entretien et de consommation, je crois avoir démontré qu’il y a
des économies possibles, qui peuvent se faire sans entraver le moins du monde
le service. S’il m’était démontré, quant à moi, que je touche, en quoi que ce
soit, à la bonne organisation du service, en proposant des économies, comme le
premier besoin du chemin de fer est d’être bien exploité, je regretterais
toutes les paroles qui auraient pu amener des économies nuisibles. Mais je
crois, au contraire, qu’arec un régime sévère, on donnera plus de ressort, plus
de nerf à l’administration, et que de économies sagement entendues ne feront
que fortifier le service loin de le désorganiser.
J’ai procédé, messieurs, à l’appréciation des dépenses par voie
analytique. Je pourrais maintenant les apprécier d’un point de vue général. Eh
bien, l’examen de l’ensemble ne fait que justifier mes évaluations de détails
et me confirmer dans l’opinion que des réductions peuvent être introduites dans
le budget.
On demande pour l’exploitation en 1843, 5,400,000 fr., un million de
plus qu’en 1842 et 1841. Quel travail va-t-on faire pour cette somme,
c’est-à-dire combien de lieues va-t-on parcourir en plus ? Non pas parcourir à
vide, ainsi que l’a supposé M. le ministre des travaux publics et ce qui ne
peut entrer dans la tête d’aucun homme raisonnable ; mais combien de lieues
utiles, c’est-à-dire parcourues par des convois chargés ? Longtemps on a
résisté à nous le dire. Mais enfin M. le ministre s’est décidé à parler, et
dans la séance d’hier, il vous a annoncé qu’on avait parcouru 317,000 lieues en
1842, mais qu’en 1843 on en parcourrait 428,000 ; ainsi 111,000 lieues de plus.
Le prix de la lieue, dans le rapport de M. le ministre pour l’exercice
1841, avant qu’existassent toutes les raisons d’économie dont j’ai parlé, était
évalué à 12 fr. 70 c. Hier, le voilà qui s’élève à 14 fr. 18 c ; de manière que
toutes les proportions sont dépassées au-delà de toutes limites. Si, messieurs,
on appliquait les prétendus 14 fr. 18 c. nécessaires pour l’exploitation d’une
lieue aux 428.000 lieues que, soi-disant, on doit parcourir en 1843, mais la
somme demandée par M. le ministre ne suffirait même plus ; il faudrait au-delà
de 6 millions. Ainsi, il y a grande exagération, soit dans le nombre des lieues
à parcourir, soit dans le prix de la lieue. Messieurs, il y a double
exagération ; en voici la preuve :
Pour 1842, on nous dit que l’on a parcouru 317,000 lieues. Je le veux
bien ; mais je ne crois pas que ce soit le nombre de lieues utiles qui s’élève
à 317,000 ; chacun de vous a les tableaux de l’exploitation du chemin de fer où
l’on indique le parcours journalier des convois. Il y a une opération très
simple à faire, c’est d’additionner ces différents parcours. Je les ai
additionnés, non pas au 31 décembre 1842, mais époque par époque, parce que le
nombre et l’étendue des parcours varient suivant les époques. Eh bien, en
additionnant ces différents parcours à différentes époques, je n’ai trouvé
qu’un chiffre de 237,000 lieues parcourues utilement en 1842. Je sais qu’il y a
des parcours qui se font avec deux locomotives ; j’ai ajouté 23,000 lieues pour
cela ; c’est 10 p. c. J’arrive ainsi à 260,000 lieues de parcours utile,
résultat des tableaux d’exploitation, ou sont indiquées les heures de départ et
la marche des convois. Cependant, au lieu de 260,000 lieues parcourues, M. le
ministre nous en annonce 317,000. Il faut donc qu’il y ait 50 à 60 mille lieues
parcourues en dehors des tableaux d’exploitation, en dehors des convois
ordinaires.
Mais quoique ce chiffre de 317,000 lieues soit le résultat du parcours
opéré soit utilement, soit inutilement par les locomotives, je l’accepte.
Ajoutons à ce chiffre de 317,000 lieues ce qu’on parcourra probablement en
1843, en raison des sections nouvelles. Ces sections sont celles de Liège à
Verviers et peut-être à la frontière de Prusse, de Braine-le-Comte à Charleroy
et à Namur. Faisant le calcul d’après le nombre de convois existants sur
d’autres sections, et pour le temps que seront exploitées les nouvelles
sections, je trouve 28,680 lieues à ajouter à 317,000. Ce serait donc 345,680
lieues.
Abandonnant ces 345,680 lieues, admettons que l’étendue de la route à
exploiter en 1843 sera d’environ cent lieues. M. le ministre l’évalue à 102
lieues ; mais je crois que cent lieues sont déjà une étendue au-delà de la
réalité. Si nous admettons dix convois, terme moyen par jour sur chaque ligne
ou section, nous trouvons que le parcours journalier des convois sera de 100,
multiplié 10 ou de 1,000 lieues ; donc pour 365 jours, 365,000 lieues. La
dépense par lieue qui s’est élevée à 12 fr. 79 c.,
pourra-t-elle être réduite, d’après les économies que j’ai indiquées, à 10
francs ? 365,000 lieues à 10 fr. exigeraient une dépense 3,650,000 fr., mais
supposons que. M. le ministre des travaux publics n’ait fait aucune espèce
d’économie, ne tenant pas compte de toutes les économies nouvelles à faire.
Admettons le prix de 12 fr. 79 c. Eh bien, 365,000 lieues à 12 fr, 79 c. donneront
une dépense de 4,668,000 fr. On nous demande 5,400,000 fr. ; donc en trop (et
je fais une évaluation très large), en trop 732,000 fr.
Dira-t-on que 365,000 lieues de parcours, c’est-à-dire, 1,000 lieues par
jour, ne suffiront pas pour effectuer les transports qu’il y aura à faire ?
Mais, messieurs, si ces 365,000 lieues de parcours sont utilement employées, on
pourrait transporter le double, le triple de ce que l’on transportera. Chaque
convoi pourrait à la rigueur transporter 100 tonneaux ; eh bien, je réduis ce
chiffre à 50, terme moyen ; dix convois, parcourant 10 lieues (c’est la
moyenne), ces dix convois, à 50 tonneaux chacun, transporteront 100 tonneaux à
une distance de 10 lieues, soit 5,000 tonneaux pour 100 lieues ; 5,000 tonneaux
par jour donneraient, pendant 365 jours, un transport total de 1,825,000 tonneaux. Mais, je retrancherai 65 jours, je
supposerai qu’on ne transporte rien les jours de fête et dimanche ; 300 jours à
5,000 tonneaux donneront 1,500,000 tonneaux. M. le ministre se propose-t-il de
transporter en 1843, 1,500,000 tonneaux ? Cela est impossible, messieurs, ce
serait tripler et au-delà le mouvement de 1841 ; je ne puis pas parler de 1842,
puisque nous n’avons pas de documents sur cette année ; mais en 1841, on a
transporté 2,635,000 voyageurs, ce qui, à raison de 75 kilog.
par voyageur, donnerait un poids de 199,000.
Je porte ce poids à 300,000 tonneaux ; en marchandises, on transporté
165,000 tonneaux ; je porte ce poids à 200,000, et je suppose ainsi pour 1841 à
un transport total de 500,000 tonneaux.
Ainsi, messieurs, avec les convois et le nombre de lieues que j’accorde
à M. le ministre pour 1843, il pourrait transporter le triple de ce que l’on a
transporté en 1841. Je crois donc que je lui laisse de la place pour les 50,000
tonneaux de houille qu’il annonce devoir être transportés de Liége à Verviers.
Le problème qu’il faut résoudre, messieurs, ce n’est pas d’effectuer beaucoup
de parcours, c’est d’utiliser les parcours, de ne pas dépenser ses forces
inutilement,
On ne peut pas admettre, messieurs, que les dépenses doivent s’accroître
dans la proportion de l’extension du chemin de fer. Les frais d’exploitation de
14 sections sont loin d’atteindre 14 fois les frais d’exploitation d’une
section. On peut utiliser davantage la route et le matériel, on peut accroître
les convois en importance et en nombre, sans augmenter sensiblement les frais
généraux, les frais d’entretien et les frais de perception. Ceci, messieurs,
n’est pas une découverte, c’est chose qui existe dans tous les établissements
industriels du monde. Je ferai à cet égard une comparaison, par laquelle je
finirai. L’imprimerie n’est pas sans quelque rapport avec les chemins de fer.
Il est connu de vous tous, messieurs, que les 100 premiers exemplaires d’un
ouvrage coûtent beaucoup plus que les 100 exemplaires que l’on y ajoute. Si
vous ne tirez que 100 exemplaires, chaque exemplaire pourra coûter fort cher,
ce sera une édition de luxe ; mais multipliez les exemplaires au lieu d’en
tirer 100, tirez en 200, 300, 400, à chaque nouvelle centaine que vous y
ajouterez, vous diminuerez le prix de revient de l’exemplaire, parce que les
frais généraux resteront les mêmes ; les frais de loyer, d’achat des presses,
de composition, n’augmenteront plus, mais ils seront répartis sur un plus grand
nombre d’exemplaires, et par conséquent la part de chaque exemplaire dans ces
frais sera diminuée. Voilà, messieurs, ce qui existe pour l’imprimerie, et
c’est aussi ce qui existe en général pour toutes les industries. Si vous vous
borniez à transporter 100,000 voyageurs par le chemin de fer, il est certain
que ces 100,000 voyageurs coûteraient beaucoup, si vous en transportez 200,000,
chacun d’eux vous coûtera moins, si vous en transportez 300,000, 400,000,
500,000, la dépense par voyageur sera bien moindre encore ; à mesure que vous
augmenterez le nombre des voyageurs transportés, la dépense relative diminuera
dans la même proportion. Cela me paraît de toute évidence.
Je crois. du reste, qu’il y a encore d’autres rapports entre
l’imprimerie et le chemin de fer ; l’imprimerie a été une grande découverte du
moyen-âge, découverte qui a fait le plus grand honneur à l’esprit humain, qui a
porté partout la civilisation. Cette découverte a eu, dès le principe, ses
détracteurs, ce qui ne l’a pas empêché de remplir sa mission civilisatrice. Le
chemin de fer est une invention de notre époque, et il est probable que les
âges à venir mettront dans l’ordre des inventions humaines la vapeur et les
chemin de fer bien près de l’invention de l’imprimerie. Il était réservé au
chemin de fer, comme à l’imprimerie, d’avoir ses détracteurs, ce qui n’empêche
pas le chemin de fer de remplir son rôle civilisateur et de sillonner l’Europe
après s’être étendu sur une partie du continent américain et sur presque toute
l’Angleterre.
Concluons, messieurs ; utilisons le chemin de
fer, administrons-le avec économie et surtout ne le calomnions pas.
(Moniteur belge n°25, du 25
janvier 1843) M. Liedts, rapporteur - Messieurs,
l’honorable orateur qui vient de finir s’est livré à plusieurs considérations
qui ne sont pas sans intérêt, mais qui ne se rattachent pas directement au
chiffre demandé par le gouvernement et voté par la section centrale ; je crois
que, pour ma part, il me suffira de répondre à celles de ces considérations qui
se rattachent directement au chiffre dont il s’agit.
L’honorable M. Rogier persiste à croire que c’est à tort que le
gouvernement demande et que la section centrale alloue un crédit proportionné à
l’extension que va prendre le chemin de fer en 1843. Je ferai d’abord remarquer
à l’honorable membre qu’il n’a pas toujours été de cet avis : lorsqu’il était à
la tête du département des travaux publics, la section centrale a opéré comme
elle l’a fait aujourd’hui ; en effet, messieurs, je lis dans le rapport de
l’honorable M. Peeters sur le budget de 1841, que la section centrale avait
remarqué que M. le ministre avait demandé pour l’exercice de 1841, une
augmentation plus forte que celle à laquelle on arrivait en tenant compte de
l’extension qu’allait prendre le chemin de fer ; la section centrale demandait
à M. le ministre s’il ne serait pas rationnel de restreindre la majoration à un
quatorzième, attendu que le chemin de fer n’allait s’étendre que d’un
quatorzième dans le courant de l’exercice, L’honorable M. Rogier, alors
ministre des travaux publics, répondit que l’augmentation demandée ne l’était
pas seulement à raison de l’extension que prendrait le chemin de fer en 1841,
mais aussi à raison de l’extension probable du transport des marchandises, que,
du chef des sections nouvelles qui allaient être ouvertes, et qui formaient le
quatorzième du chemin de fer exploité l’année précédente, il demandait une
augmentation de 227,487 francs, et que du chef de l’extension probable du
transport des marchandises, il demandait une majoration de 381,000 fr. « Il ne
serait donc rationnel, ajoutait-il, de limiter l’augmentation à 1/14 que dans
l’hypothèse que le transport des marchandises ne dût être en 1841, que ce qu’il
a été en 1840. » Vous voyez, messieurs, qu’à cette époque l’honorable
membre admettait comme une chose fort rationnelle que l’on majorât le chiffre
dans la proportion de l’extension qu’allait prendre le chemin de fer et qu’on
le majorât en outre en raison de l’augmentation probable du transport des
marchandises. (Interruption.) Voici
comment vous raisonniez : en 1840, le chemin de fer en exploitation offrait un
développement de 66 lieues, il aura, en 1841, 69 lieues, c’est-à-dire 3 lieues
de plus devaient être exploitées ; la section centrale disait « Cette extension
équivaut à 1/14. Il faut, par conséquent, augmenter le crédit d’un quatorzième.
» Vous trouviez cela rationnel, mais comme il s’agissait aussi d’étendre le
transport des marchandises, vous ne vous contentiez pas de la majoration de
1/14, vous demandiez en outre une augmentation de trois cent et quelques mille
francs du chef de l’extension probable du transport des marchandises.
Je ne cite ces faits que pour justifier la section centrale ; la section
centrale a opéré cette année comme elle a opéré précédemment, et sous ce
rapport déjà elle est à l’abri de tout reproche d’avoir agi légèrement. Mais
vous allez voir, messieurs, que sous d’autres points de vue encore la section
centrale a été parfaitement logique.
L’honorable préopinant s’est étendu longuement sur cette considération
que les frais d’exploitation n’augmentent pas en proportion de l’extension que
prend le chemin de fer. J’admets cela en thèse générale, mais venant à
l’application de ce principe, l’honorable membre a dit : « C’est ainsi, par
exemple, qu’en 1838, 1839 et 1840, la même somme a suffi à l’exploitation, bien
que le chemin de fer se soit étendu considérablement, bien qu’on n’ait exploité
en 1838 que 46 lieues, tandis qu’on en a exploité 63 en 1839 et 66 en 1841. »
Ici l’honorable orateur s’est trompé du tout, au tout. il
est bien vrai que pour ces trois exercices les ministres qui se sont succédé
n’ont demandé que la même somme, mais il faut voir quelles sommes ont été
réellement dépensées.
Or messieurs, voici ces chiffres, que je puise dans un document que
l’honorable M. Rogier ne récusera pas, puisqu’il l’a rédigé lui même : « En
1838, les frais d’exploitation se sont élevés à 2,755,000 fr, pour 6 sections ;
en 1839, lorsque le nombre des sections exploitées était de dix, ils ont
atteint le chiffre le 3,084,000 francs, c’est-à-dire 330,000 fr. de plus que
l’année précédente. Quant aux frais d’exploitation de 1840, l’honorable M.
Rogier ne les porte, dans son compte-rendu de 1841, qu’à la somme de 2,997,000
fr. ; mais, d’après un rapport fait par le successeur de cet honorable membre,
alors que toutes les dépenses de cet exercice étaient connues et imputées, ils
se sont élevés à 3,254,000 fr. Ainsi, encore une fois 170,000 fr. de plus que
l’année précédente. Il n’est donc pas exact de dire que, bien que le chemin de
fer se soit étendu de 1838 à 1840, la dépense ne s’est pas accrue ; nous
voyons, au contraire, qu’elle s’est accrue à peu près en raison de l’extension
du chemin de fer, sauf quelques frais généraux qui ne s’étendent évidemment pas
dans la même proportion.
M. Rogier. - Je demande
la parole.
M. Liedts, rapporteur. - Mais,
dit-on, M. le ministre des travaux publics lui-même est convenu qu’en 1842 il
est parvenu à exploiter le chemin de fer avec la même somme que celle qui avait
été nécessaire pour 1841. Je vous avoue, messieurs, qu’à l’occasion de ce
budget, j’ai eu sous les yeux tant d’erreurs de chiffres (ce qui est inévitable
lorsqu’on veut évaluer les dépenses d’un exercice au moment même ou l’exercice
vient de finir et avant qu’il ait été possible de réunir toutes les pièces qui
se rattachent aux dépenses de cet exercice, pour les soumettre à la cour des
comptes, les faire liquider et les faire imputer). Je vous avoue, dis-je, que
dans l’examen du budget des travaux publics, j’ai eu sous les yeux tant de
chiffres erronés que je ne puis nullement croire que M. le ministre soit dans
le vrai lorsqu’il dit que la dépense d’exploitation de 1842 n’a pas excédé
celle de 1841. Attendez, messieurs, deux ans, alors l’exercice de 1842 sera
clos et alors vous pourrez comparer les chiffres.
Du reste, si le fait pouvait être vrai, j’en féliciterais M. le ministre
; j’y trouverais la meilleure preuve qu’il a introduit dans l’exploitation du
chemin de fer toutes les économies qu’il était possible d’y introduire, et j’en
conclurais que si, pour 1843, il demande une majoration, il doit être bien
convaincu que cette majoration est inévitable, il est évident qu’il aimerait
mieux, obtenir de nouveau les félicitations de la chambre que de s’attirer des
critiques en augmentant les dépenses au-delà du nécessaire.
Il est un point, messieurs, sur lequel nous paraissons de jour en jour
nous mettre plus d’accord ; c’est que jusqu’au moment où le chemin de fer sera
achevé et où une loi pourra régler les principaux points relatifs au chemin de
fer, fixer le personnel attaché à chaque station, diviser les stations en
catégories, en station de première, de deuxième et de troisième classe, arrêter
au moins les bases d’un tarif, les allocations pour l’exploitation du railway
sont purement éventuelles ; dans cet état de choses tout ce que peut faire la
section centrale, et je dirai tout ce que peut raisonnablement faire la
chambre, c’est de régler les prévisions d’un exercice sur ce qui s’est passé
dans les exercices précédents. Eh bien, messieurs, je vous ai déjà fait
connaître le résultat de trois exercices, de ceux de 1838, 1839 et de 1840 : si
nous remontons plus haut, nous voyons de même que les dépenses d’exploitation
se sont accrues, à peu de chose près, en raison de l’extension du chemin de
fer. Ainsi, en 1835, ces dépenses se sont élevées à 170,000 fr. ; en 1836,
elles ont été de 431,000 ; donc, de 261,000 fr. de plus que l’année précédente.
Cependant il n’y avait, en 1836, qu’une seule section de plus qu’en 1835. En
1837, la dépense s’est accrue de 758,000 fr. ; cependant, il n’y avait de
nouveau qu’une section de plus qu’en 1836. En 1838, les frais d’exploitation se
sont augmentés de 1,565,000 fr. Il est vrai qu’alors trois sections nouvelles
ont été ajoutées à celles qui étaient précédemment exploitées.
J’ai cité les chiffres de 1839 et de 1840 ; je n’y reviendrai donc pas ;
quant à 1841, bien que les dépenses de cette année ne soient pas encore
définitivement fixées, nous pouvons, dès à présent, prévoir qu’elles
dépasseront le chiffre de 4,200,000 fr.
Ainsi, messieurs, depuis que le chemin de fer existe, chaque fois que
des sections nouvelles sont venues se joindre à celles qui étaient déjà en
exploitation, les frais se sont élevés à peu près dans la même proportion. Eh
bien, je dis que si ce fait n’est pas niable, que si des chiffres irrécusables
sont là pour en démontrer l’exactitude, il serait déraisonnable, à moins que
l’on ne soutienne avoir trouvé la pierre philosophale, de prétendre que dans
une année où il va s’ouvrir plus de sections nouvelles qu’il n’en a été ouvert
pendant aucune année précédente, le ministre peut faire face aux frais
d’exploitation avec une somme égale à celle qui a été dépensée pour le dernier
exercice.
Ne vous y trompez pas, messieurs, c’est la première fois depuis que le
chemin de fer existe, que 23 lieues nouvelles vont être livrées à la circulation,
en une seule année. Il y a eu, à la vérité, une année où 23 lieues nouvelles
ont été ajoutées au chemin de fer ; mais, savez-vous, messieurs, quelle
influence cette extension a eue sur les dépenses ? c’est que les frais
d’exploitation se sont élevés de plus de 1,400,000 fr. Et aujourd’hui que 23
lieues nouvelles vont être livrées à la circulation, on voudrait que la dépense
ne fût pas augmentée. M. le ministre aurait pu répondre que proportionnellement
la dépense de 1843 sera moindre que celle de 1842 ; car, en réalité, lorsqu’on
réduit les chiffres à leur véritable valeur, on doit reconnaître que,
comparativement à 1842, le gouvernement ne demande qu’une augmentation de
300,000 fr., bien qu’en 1838, pour extension de 22 lieues nouvelles, on
demandait 1,800,000 fr. de plus. En effet, messieurs, sur le million de
majoration qui est demandé, 700,000 fr, doivent servir au remplacement de rails
et de billes sur diverses sections que l’on vous a fait connaître dans les
développements du budget.
S’il faut en croire l’honorable préopinant, qui connaît sans doute cette
question beaucoup mieux que moi, il ne serait pas nécessaire de remplacer les
rails dont il s’agit.
J’engage M. le ministre à soumettre ce point de fait à une enquête très
sérieuse. Ce n’est pas une dépense légère que 700,000 fr. et si les rails subondulés peuvent suffire, s’il est certain que le
maintien de ces rails ne peut compromettre en rien la sécurité des voyageurs,
M. le ministre commettrait une grande faute en faisant une dépense semblable
pour les remplacer ; mais, encore une fois, je ne me crois pas compétent pour
décider cette question, et je l’abandonne à l’examen des hommes de l’art.
L’honorable préopinant, si je ne me trompe, est allé jusqu’à dire que si
les chiffres de M. le ministre sont exacts, il demande une somme trop faible.
En effet, M. le ministre pense qu’en 1843 le nombre de lieues parcourues sera,
approximativement, de 428,000 ; j’ai voulu, à mon tour, calculer le nombre de
lieues qui pourront être parcourues en 1843, et, bien que tout soit éventuel à
cet égard, une chose est certaine, c’est que les lieues nouvelles qui vont être
livrées à la circulation donneront naissance à un mouvement qui ne sera pas
inférieur au mouvement qui existe sur les sections déjà en exploitation. Si,
d’un côté, il se peut que les nouvelles sections donnent lieu à un passage
moins grand de voyageurs, d’un autre côté, il est certain qu’elles serviront au
transport d’une bien plus grande masse de marchandises que beaucoup d’autres
sections, et que, de ce chef, il y aura au moins compensation.
Je crois donc pouvoir prendre pour point de départ que les 23 lieues qui
seront livrées à la circulation en 1843, occasionneront un aussi grand
mouvement de voyageurs et de marchandises, l’une dans l’autre, que 23 autres
lieues prises, terme moyen, dans celles qui sont déjà en exploitation. Eh bien,
si l’on compare les 102 lieues qui seront exploitées en 1843, à la circulation
qui a eu lieu soit en 1840, soit en 1841, soit en 1842, on arrive toujours à
une somme à peu près équivalente à celle qui a été indiquée par M. le ministre,
Il est vrai que dans la comparaison avec l’année 1840 on n’obtient que le
chiffre de 375,000 lieues, mais il ne faut pas perdre de vue qu’a cette époque
il n’existait pas encore la même circulation de marchandises qu’en 1841. Ce
n’est qu’en 1841 que le transport des marchandises a été organisé, et, par
conséquent, si vous comparez les 102 lieues à exploiter en 1843 aux 66 lieues
exploitées en 1840, tout l’avantage est pour cette dernière aunée ; mais si
sous prenez pour point de comparaison l’année 1841, pendant laquelle le
transport des marchandises a commencé à se faire sur une plus grande échelle,
alors vous obtenez pour les 102 lieues à exploiter en 1843, 428,000 lieues à
parcourir par les locomotives.
Ainsi, messieurs, à moins de soutenir que par suite de l’ouverture de 23
lieues nouvelles, la circulation sera moindre que précédemment, il est
impossible de ne pas reconnaître que M. le ministre est dans le vrai lorsqu’il
annonce comme probable qu’en 1843, 428,000 lieues seront parcourues par les
locomotives,
L’honorable M. Rogier voudra bien remarquer que dans la comparaison que
j’ai choisie, je prends une année à laquelle son administration se rattache, et
que, par conséquent, le chiffre doit être adopté par lui comme exact.
Maintenant, messieurs, si vous multipliez le chiffre de 428,000 lieues par 12
fr. 79 c. (c’est le chiffre auquel l’honorable préopinant veut absolument se
tenir), le produit qu’on obtient est déjà de 5,500,000 fr. ; et il est à
observer que dans ce total ne sont pas compris les frais extraordinaires
d’entretien qui se présentent presque pour la première fois cette année, je
veux parler du remplacement des rails et des billes dont la dépense doit être
de 700,000 fr. environ.
L’honorable ministre des travaux publics a donc eu raison d’avouer
lui-même que, s’il ne comptait pas sur des économies très considérables et
qu’il ne fût pas bien décidé à poursuivre son système économique
d’exploitation, le chiffre qu’il a demandé serait incontestablement
insuffisant.
Il est vrai que M. le ministre des travaux publics ne nous a pas dit
comment il réaliserait ces économies. ; quant à moi, je dois déclarer que, dans
mon opinion, l’article sur lequel il est possible de faire l’économie la plus
considérable, c’est le combustible.
Messieurs, j’ai souvent eu occasion d’examiner cette question avec des
personnes du Hainaut très compétentes dans cette matière ; elles m’ont toujours
assuré que si l’on voulait établir les fours à coak
sur les lieux et qu’on ménageât le combustible le plus possible, on arriverait
à une économie très notable de ce chef. Je recommande donc cet objet à
l’attention spéciale de M. le ministre des travaux publics. Je l’engage surtout
à examiner si on ne pourrait pas mettre en adjudication la fourniture du coak même, plutôt que le charbon propre à faire le coak.
Il est vrai, messieurs, que tant que nous ferons le coak
nous-mêmes, nous ne parviendrons jamais à obtenir la locomotion avec une
quantité de combustible égale à celle avec laquelle on fait aller les machines
en France. La cause de cette différence est très simple. Lorsque M. le ministre
parle de la masse de combustible employée pour exploiter le chemin de fer, il
entend parler du coak grand et petit, tandis qu’en
France, lorsqu’on y livre le combustible, on commence par faire un triage : le
gros combustible est employé pour les locomotives, et le petit combustible est
vendu ; par des raisons qu’il est assez difficile d’expliquer, le petit coak se vend à Paris si cher que l’administration du chemin
de fer ne fait aucune perte à la vente de ce combustible, tandis qu’ici le
petit combustible qu’on sépare de la partie du coak
propre à la locomotion se donne presque pour rien. L’administration des
domaines a essayé plusieurs fois d’en faire la vente, et cette vente n’a
presque jamais rien rapporté.
Il est donc tout naturel, que de ce chef on puisse à Paris opérer la
locomotion à moindres frais qu’en Belgique, toutes choses étant égales
d’ailleurs.
Il existe encore pour cette année une cause de majoration de dépense qui
ne s’est pas présentée toutes les années. Voici cette cause :
En 1838, les frais d’exploitation se sont élevés à un chiffre plus
considérable que pour aucune autre année depuis que le chemin de fer existe ;
car alors que les autres années, les frais ne montaient par lieue exploitée que
de 14 à 17 fr., en 1838, les frais se sont élevés à 21 fr. par lieue.
L’honorable M. Rogier a voulu rechercher la cause de cette différence, et il
s’en est expliqué dans son rapport en ces termes :
« C’est qu’une double bifurcation sur la ligne de Bruxelles à Anvers,
exigea pour chacune des deux nouvelles branches encore incomplètes, un
personnel nouveau, un matériel tout distinct ; la branche de l’ouest
n’aboutissant d’abord, pendant les trois premiers trimestres, qu’à une localité
secondaire ; et des trois sections ouvertes en septembre, les deux appartenant
à la branche de l’est, n’aboutissant, et seulement pendant le 4ème trimestre,
qu’à des localités également secondaires ; le résultat général d’exploitation
en 1837 devait naturellement être moins avantageux que ceux qu’on aurait obtenu
uniquement entre la capitale et Anvers.
« Le parcours sur ces bifurcations étant du reste très restreint,
eu égard à la moindre importance des localités rencontrées et à l’état
nécessairement incomplet de ses sections qui avaient dû être livrées à la
circulation, quoique inachevées, afin de satisfaire à l’impatience publique ;
il s’en suivit de l’ensemble du parcours des convois sur les cinq sections
réunies, que le parcours moyen par section diminua, tandis que les dépenses
d’entretien se trouvèrent augmentées ; le prix moyen, par lieue, s’éleva ainsi
à 19 fr. 32 c..
« La progression du prix moyen par convoi et par lieue se maintint
encore en 1838, où elle atteignit son maximum de 21-23. - Ce résultat est
encore naturel ; deux nouvelles sections, de Tirlemont à Waremme et à Ans, et
trois autres, de Gand à Ostende, livrées à la circulation encore en partie
inachevées, et sur lesquelles l’exploitation était encore incomplète, et
restreintes à un petit nombre de voyages ; le rapport de la dépense au nombre
de lieues parcourues donna aussi le chiffre maximum précité de 21-23, par
convoi et par lieue. »
Vous voyez donc qu’une bifurcation amène une dépense nouvelle plus
grande que l’extension d’une ligne droite. Et cela se comprend très facilement.
Prenons pour exemple la ligne de Bruxelles à Mons. Tant que la ligne à
exploiter était unique, et qu’il ne s’agissait que de la continuer de Bruxelles
vers Mons, le même personnel et le même matériel qui desservait la ligne
jusqu’à Braine, pouvait la desservir jusqu’à Mons. Cette année-ci, une
bifurcation s’opère à Braine, se dirigeant vers Namur ; il est évident que de
ce chef il doit y avoir un accroissement de dépenses ; de même qu’en 1838, la
double bifurcation que j’ai rappelée, occasionna une augmentation considérable
dans les frais d’exploitation, de même la bifurcation qui s’opère cette année-ci
à Braine, doit accroître, en moindre proportion cependant, la dépense
d’exploitation.
Vous voyez donc, messieurs, que, soit que nous prenions pour point de
comparaison les chiffres des années précédentes, soit que nous examinions les
chiffres de cette année en eux-mêmes, nous arrivons à ce résultat, que
l’allocation demandée n’est pas exagérée. J’avoue cependant que ce chiffre est
éventuel à beaucoup d’égards. C’est en quelque sorte un crédit de confiance
qu’on allouera au ministre.
Je crois, messieurs, pouvoir me borner à ces
considérations ; et, pour ma part, tout en me prononçant pour le chiffre, je
recommande de nouveau à M. le ministre les deux points que j’ai indiqués tout à
l’heure ; le combustible d’abord, et puis le remplacement des rails et billes,
remplacement dont la nécessite est révoquée en doute. (Aux voix ! aux voix !)
(Moniteur belge n°22, du 22
janvier 1843) M. Rogier. - Messieurs,
l’honorable rapporteur de la section centrale n’a pas contesté mes chiffres, il
a reconnu que la question du remplacement des rails méritait un mûr examen ; il
a reconnu qu’il y avait des économies à faire sur le combustible ; il a cru
cependant devoir conclure pour le maintien du chiffre de la section centrale ;
il me semble que 1es conclusions de l’honorable rapporteur ne sont pas en
rapport avec ses prémisses.
J’aurais, messieurs, d’autres observations à faire sur le discours de
l’honorable préopinant ; il a donné quelques chiffres, je voudrais les discuter
et les rectifier ; mais je voudrais pouvoir le faire avec exactitude, et je
n’ai pas sous les yeux les documents qu’il invoque.
Messieurs, le budget du chemin de fer n’a pas encore été défendu article
par article ; j’ai fait des observations sur chacun des articles, et il n’a pas
été répondu à ces observations ; je ne veux pas forcer M. le ministre à rompre
le silence mais il me semble qu’une réponse de sa part ne serait pas sans
utilité, même après celle de l’honorable rapporteur de la section centrale,
lequel, dans son discours, n’a pas rencontré un grand nombre de mes
observations ; sur le personnel, l’entretien, les frais de locomotion ; tous
mes chiffres subsistent.
Je ne pense pas, avec l’honorable rapporteur, que nous devions voter le
chiffre au hasard. Je crois avoir démontré qu’on pouvait arriver à une
appréciation très exacte des dépenses d’exploitation ; qu’après 8 années
d’expérience, on pouvait même apprécier les dépenses du budget du chemin de fer
plus exactement que celles des autres budgets. (Bruit.)
Je sais, messieurs, quelles sont ordinairement
les dispositions de la chambre, le dernier jour de la semaine, et surtout vers
l’heure où nous sommes arrivés. Je veux parler à la chambre attentive et plus
complète, et non à la chambre distraite et clairsemée. Je crois même qu’on
n’est plus en nombre, Il est donc très difficile de continuer aujourd’hui cette
discussion. Alors même que les observations, qui auront présentées, n’auraient
pas pour résultat d’amener une réduction dans le chiffre, elles peuvent avoir
un côté très utile ; elles peuvent éclairer jusqu’à un certain point M. le
ministre des travaux publics, elles peuvent rectifier beaucoup d’idées. Je
demande donc que la discussion soit continuée à lundi prochain.
M. le ministre des
travaux publics (M. Desmaisières) - Messieurs, je n’ai pas pris la parole tout à
l’heure parce que je n’ai pas cru utile de répondre, et parce qu’il me
paraissait que la chambre était fatiguée d’une discussion aussi longue que
celle qui a eu lieu à l’occasion du budget des travaux publics ; nous sommes
aujourd’hui arrivés à la onzième séance ; je ne suis donc pas étonné de l’état
de fatigue où est la chambre. Ensuite, si je n’ai pas répondu au discours de
l’honorable M. Rogier, c’est qu’il s’est livré à des considérations générales
qu’il me permettra de qualifier d’un peu tardives ; il a attendu jusqu’à la
onzième séance, jusqu’à ce que la discussion générale fût close, pour les
présenter, et il voudrait encore ajourner de quelques jours le vote du budget
des travaux publies
Mais, messieurs, quand cela finira-t-il ? Je vous avoue franchement que,
depuis que cette discussion dure, il m’est impossible de me livrer aux soins de
l’administration de mon département comme mes devoirs de ministre l’exigeraient.
Je crois donc, messieurs, qu’il faut passer
outre, et d’ailleurs, comme on me le fait observer avec raison, l’honorable
préopinant aura plus d’une occasion encore de faire valoir les considérations
déjà mille fois combattues, auxquelles il s’est livré dans la onzième séance du
budget des travaux publics. J’aurai aussi plus d’une fois occasion de lui
répondre si je le trouve utile ou nécessaire. En effet, nous aurons la loi des
péages sur le chemin de fer ; nous avons encore la loi sur la concession des
péages, où l’on pourra également s’occuper du chemin ne fer.
M. David. - M. le
ministre nous a dit, dans une séance précédente, que dans l’intérêt de la
sécurité des voyageurs, le renouvellement des rails subondulés
était devenu indispensable, et à l’appui de son assertion, il a dit que sur la
route de Manchester à Liverpool, il a fallu, dès les premières années,
renouveler tous les rails sans exception.
Il est vrai que l’on a renouvelé dès la première année les rails de
cette route ; mais M. le ministre aurait dû ajouter que c’était à cause de la
découverte d’une nouvelle locomotive, découverte qu’avait faite M. l’ingénieur
Stephenson. En effet, les rails primitifs pesaient
On a employé dans le principe au chemin de fer de l’Etat des rails
ondules du poids de 22 kilog. le mètre courant, parce
qu’alors le prix du fer dans le commerce était exorbitant ; aujourd’hui que le
fer est à bas prix, on a élevé leur poids à 30 kilog., et on a bien fait.
Mais s’ensuit-il qu’il faut démolir tous les anciens rails pour les remplacer
par des nouveaux ? Je ne le pense pas.
Les anciens rails ont toute la solidité nécessaire, et je le prouve avec
les 40 lieues de routes qui sont en exploitation.
J’ajouterai que des personnes expertes dans la partie m’ont affirmé
avoir examiné avec attention une grande quantité de rails qui avaient été mis
au rebut dans les divers entrepôts de l’administration et qu’ils étaient encore
aussi bons que neufs.
On m’assure qu’il y a à Malines et dans les divers entrepôts des
monceaux énormes de rails qui ont été enlevés sans nécessité sur deux sections
de route, et qui sont la plupart en bon état.
D’après la rumeur publique, la direction de l’exploitation aurait même
poussé la chose jusqu’a proposer à M. le ministre des travaux publics, de
mettre au rebut les rails neufs que l’administration a en sa possession, et
dont la valeur s’élève à plus d’un million de francs, par le seul motif qu’ils
sont ondulés.
Il est évident qu’en agissant de la sorte, on ne saurait à quoi s’en
tenir. C’est le cas de provoquer une enquête sur cette matière.
Je ne m’oppose pas à ce qu’on remplace les anciens rails par des rails
plus pesants ; mais il faut, avant tout, en bonne économie, ne les remplacer
que quand il le faut, c’est-à-dire quand ils sont usés, quand ils deviennent de
nature à compromettre la sûreté des personnes et des choses.
Depuis six années, ces rails n’ont jusqu’ici compromis en rien la sûreté
des voyageurs.
L’allocation demandée de 226,300 francs pour l’entretien des rails,
chevilles et clavettes, est évidemment un chiffre hors de toute proportion avec
les dépenses antérieures.
En effet, si je suis bien informé, les rails ondulés qui ont été au
rebut, sur la section de Temonde à Gand, se sont
élevés :
Pendant 1839 à 12
1840 à 14
1841 à 16
1842 à 17
Ou en moyenne 15 rails par an.
Chaque rail pèse 100 kilog., ou 1,500 kilog. pour cinq lieues de route (distance de Termonde à
Gand).
Ce qui revient à 1/3 de tonneau par lieue.
Eh bien ! Supposons même qu’au lieu de 1/3 de
tonneau il faille renouveler un tonneau par lieue. On exploitera 103 lieues en
1843 ; ce seront 102 tonneaux de rails à renouveler au prix moyen de 220 francs
ou 22,440 francs, tandis que M. le ministre nous demande 226,000 francs ; il y
a là évidemment un zéro de trop, c’est-à-dire, 200,000 francs, et encore
faut-il observer que mes observations ne portent que sur les rails ondulés, car
sur les sections exécutées avec des rails parallèles (qui sont d’un plus grands
poids), on ne met pas au rebut un rail par an et par lieue exploitée.
M. de Mérode. - Personne ne
désire plus que moi qu’on fasse sur le chemin de fer toutes les économies
possibles et qu’on lui fasse produire tout ce qu’il est susceptible, cependant
nous ne devons pas nous arrêter à cette seule question, nous avons une foule
d’autres objets importants, entre autres le traité avec
Je pense, comme l’honorable rapporteur, qu’il y a un vote de confiance à
émettre, dans cette occasion. J’engage M. le ministre des travaux publics à ne
pas faire de dépenses qui ne seraient pas strictement nécessaires, à examiner
de nouveau ce qui concerne les rails ondulés avant de rien décider. Après ces
précautions, si nous passons encore du temps à continuer la discussion
actuelle, il ne nous en restera plus pour les objets très urgents dont nous
devons nous occuper.
En conséquence j’engage la chambre à voter
aujourd’hui le budget des travaux publics.
M. le ministre des
travaux publics (M. Desmaisières) - On doit bien croire que je ne me déciderai
jamais à des remplacements de rails, à moins que les rapports que je me fais
donner par les ingénieurs et par les inspecteurs du corps des ponts et chaussées
ne me démontrent qu’il y a nécessité pour la sécurité publique de les
renouveler ; et je produirais, s’il le faut, sous ce rapport, très volontiers
un compte détaillé des rails qui ont été renouvelés et de ceux qui seront
renouvelés avec le crédit que j’espère que vous m’accorderez, parce qu’il me
paraît que ce crédit ne peut m’être refusé alors qu’ici réellement la sécurité
des voyageurs est en jeu.
Messieurs, l’honorable comte de Mérode a renouvelé l’observation que
j’avais faite dans le commencement de cette séance, que je m’engageai à vous
présenter pour l’exercice 1844 un budget du chemin de fer, complètement
détaillé, avec tous les éléments nécessaires pour bien asseoir votre
conviction.
Quant au combustible, je crois avoir fait mes preuves, je crois avoir
prouvé que je suis très dispose à faire sur ce point toutes les économies
possibles, car c’est de mon propre mouvement que j’ai fait le règlement relatif
au coak, règlement sans lequel l’invention de
l’ingénieur Cabry ne produirait rien. En effet, pour
que cette invention produise quelque chose, il faut que les machinistes soient
intéresses à exécuter la manœuvre nécessaire. Il faut donc les intéresser
eux-mêmes à économiser le combustible.
M. Cools. - Si on ne
veut clore que sur l’art. 1er, je ne m’opposerai pas à la clôture.
- La clôture sur l’art. 1er est mise aux voix et
prononcée.
M. le président. - Un
amendement a été déposé par M. David, qui propose de réduire le chiffre de
5,400,000 francs à 4,200,00.
Je lui demanderai dans quelle proportion il veut appliquer cette
réduction à l’article 1er qu’il s’agit de voter.
M. David. - Cet
amendement doit être divisé, on ne peut pas se borner à ce travail en ce
moment, car c’est un travail de longue haleine. M le ministre me demande
pourquoi je ne l’ai pas fait ; je lui répondrai que c’est parce qu’il
s’agissait de discuter sur la somme globale et non sur chaque article en
particulier, Je m’étais préparé à discuter sur l’ensemble du chiffre et non sur
chaque article. Il est d’ailleurs l’heure à laquelle nous nous séparons
d’ordinaire, je demande la remise de la discussion à lundi.
M. Mast de
Vries. - On pourrait commencer par voter sur le chiffre proposé par le
gouvernement, et, s’il n’était pas admis, l’honorable M. David ferait sa
division pour lundi.
M. Rogier. - L’art. 1er
est en discussion. A propos de cet article, je me suis livré à des
considérations générales, cela est vrai ; mais je me suis aussi livré à des
considérations spéciales et très spéciales sur chacun des articles, notamment
sur l’art. 1er. J’ai démontré qu’on demandait beaucoup pour frais d’impression
et de bureau, j’ai démontré qu’on demandait au moins 40,000 fr. de trop pour la
seule catégorie d’employés chargés du service des transports des petites
marchandises. J’ai présenté des chiffres très nombreux et très spéciaux. Est-ce
que M. le ministre n’a rien à dire en réponse à ces chiffres ? Les conteste-t-il
ou les admet-il ? Il ne suffit pas de se retrancher dans le silence en présence
d’un orateur qui a pris la peine d’examiner les choses avec un peu de soin. Que
M. le ministre me donne une réponse qu’on ne refuse pas à un représentant. Si
sa réponse change ma conviction, je ne demande pas mieux que de lui allouer son
chiffre.
Un honorable membre qui se montre toujours très partisan des économies,
voudrait qu’on votât immédiatement, qu’on votât d’enthousiasme le chiffre
demandé pour le chemin de fer par M. le ministre des travaux publics. Je ne
comprends pas comment cet honorable membre, qui s’est si souvent élevé contre
les dépenses faites pour le chemin de fer, qui a toujours demandé des
économies, qui nous a fait souvent de très bons discours théoriques sur la
nécessité d’introduire des économies dans nos dépenses, je ne comprends pas,
dis-je, comment cet honorable membre ne veut pas entendre un autre membre qui
demande à démontrer la possibilité d’opérer des économies sur le chemin de fer
!
Si on persiste, on peut aller aux voix sur l’article 1er, il restera
ceci acquis à la discussion qu’un orateur a présenté des chiffres et des
observations spéciales qui sont restées sans réponse et que le chiffre a été
voté par la chambre.
J’ai présenté aussi des considérations sur les
articles 2 et 3 qui sont également restés sans réponse. Si la chambre veut
malgré cela voter ces articles, elle s’écartera de la marche constamment
suivie.
M. le ministre des
travaux publics (M. Desmaisières) - L’honorable membre demande que je fasse
quelques observations sur le chiffre de 291 mille fr. demandé pour
l’administration centrale du chemin de fer. Du moment qu’il s’agit d’une
discussion utile, je me rends à ses désirs. Messieurs, ce chiffre se compose de
trois autres chiffres pour 1841. L’honorable membre vous a dit que
l’administration centrale ne coûtait, en 1841, que 108 mille fr., et que je
demandais pour 1843 la somme de 179 mille fr. ; donc, a-t-il ajouté, M. le
ministre demande ici une majoration de 71 mille fr. Il est, à cet égard, dans
l’erreur. En 1841 on a dépensé :
Pour le traitement des fonctionnaires et employés de la direction (non
compris les contrôleurs et les inspecteurs), 69,791 fr. 93 c.
Plus, pour les inspecteurs et les contrôleurs, 38,810 fr.
Il y a maintenant à ajouter une somme du chef d’une irrégularité que
j’ai cru devoir rectifier. Il y avait des fonctionnaires et employés de
l’administration générale (il m’étonne que l’honorable membre ne s’en souvienne
pas) dont le traitement de 38,220 fr. se payait sur d’autres allocations du
budget du chemin de fer, alors qu’il était divisé en plusieurs articles. En
ajoutant ces diverses sommes, le total, pour 1841, se trouve être de 146,821
fr. 93. En 1842, par suite de l’extension prise par le service des marchandises
et du détail de ce service, ce chiffre s’est élevé à 155,810, ce qui fait 8,988
francs d’augmentation. Maintenant, pour 1843, il est de 179,500 fr,,
c’est-à-dire 23,690 fr. en plus. Il y a quatre nouveaux employés, et vous
comprendrez combien cette augmentation était nécessaire vis-à-vis la grande
extension que continue à prendre le service des transports. Si l’on veut
administrer avec économie, il faut que la direction puisse pénétrer partout,
puisse tout surveiller.
Il y a ensuite quelques promotions à accorder, ce qui nécessitera une
dépense de plus de 5 à 6,000 fr. Enfin, il y a une quantité de surnuméraires
sans traitement (ce qui n’existait pas avant moi) à une partie desquels il faut
bien arriver, aujourd’hui qu’ils sont en fonctions depuis assez longtemps, à
donner quelque chose.
Voilà de quoi se compose ce chiffre très minime d’augmentation. Il
m’étonne que l’honorable membre s’élève contre ce chiffre de 291,000 fr. pour
l’administration générale d’un service qu’il sait fort bien être extrêmement
étendu, extrêmement compliqué, et alors que cette administration générale n’a
pas seulement à s’occuper de l’exploitation, mais qu’elle a aussi a s’occuper
de la confection du matériel, de l’achèvement de la route, des bâtiments des
stations, et de l’entretien aussi bien de la route que des stations et du
matériel.
Vous voyez, messieurs, que ce n’est pas un chiffre bien élevé pour une
administration aussi compliquée, qui a tant de détails à suivre, tant de
surveillance à exercer.
D’ailleurs, vous ne l’ignorez pas, la comptabilité du chemin de fer se
fait avec régularité ; mais il n’est pas moins vrai que c’est une
administration où des abus dans les détails peuvent se commettre.
Il faut donner à l’administration générale un assez grand nombre de
vérificateurs qui puissent constamment surveiller la comptabilité. C’est le
seul moyen pour le ministre de pouvoir découvrir et réprimer des abus. Et, je
le déclare, messieurs, quand j’en découvre, je n’hésite pas un instant à punir
sévèrement, et si le fait est de nature à être livré à l’autorité judiciaire, à
y avoir recours. Vous en avez eu un exemple il y a peu de temps : un grand
convoi et un employé de la recette s’entendaient pour faire des soustractions ;
ils ont été livres aux tribunaux et condamnés par eux.
(Erratum
au Moniteur belge n°24, du 24 janvier 1843 :) M.
de Mérode. - Messieurs, je suis d’avis que M. le ministre des travaux publics doit
profiter des observations de M. Rogier dans tout ce qu’elles offriraient
d’exact. Elles sont probablement sur certains points bonnes à suivre. Je suis
bien aise quelles aient été présentées à la chambre, mais ce qui me paraît
surtout essentiel et bien plus qu’un rabais éventuel de chiffres, c’est la
promesse donnée au commencement de la séance, par M. le ministre, d’un budget
prochain détaillé et conforme aux demandes qui lui ont été adressées dans là
discussion. C’est là, pour moi, le meilleur résultat de celle-ci, et je la
crois préférable à une réduction qui, je le répète, n’aurait rien de certain
quant à ses effets définitifs.
M. David. - Je propose
une réduction de 50,000 fr. sur le chiffre pour les fournitures de bureau et
impressions, qui s’est augmenté d’une manière très prodigieuse pour 1843.
M.
d’Hoffschmidt. - Messieurs, malgré toute la bonne volonté qu’a
la chambre de terminer aujourd’hui, je pense que ce sera extrêmement difficile.
Nous n’en somme qu’à l’art. 1er, et il y a quatre articles. Or, sur chacun il y
aura un amendement présenté. Ces amendements soulèveront quelque discussion ;
car on ne peut s’opposer à ce qu’ils soient au moins développés. Quant à moi,
j’en aurai un à proposer sur l’art. 3, et je demanderai à le développer. Ainsi,
à moins de vouloir siéger jusqu’à 6 heures, il est impossible de terminer
aujourd’hui. A six heures d’ailleurs, les bancs seront dégarnis ; déjà
plusieurs de nos collègues sont partis. Je crois donc qu’il vaudrait mieux
remettre la suite de la discussion à lundi.
M. le président. - Voici
l’amendement de M. David :
« Je propose une réduction de 50,000 francs, sur les articles fournitures et impressions du littera
A. »
- Cet amendement est mis au voix ; il n’est pas adopté. Le chiffre
proposé par le gouvernement est adopté.
PROJET DE LOI PORTANT
UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU BUDGET DU DEPARTEMENT DE L’INTERIEUR POUR
L’EXERCICE 1841
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Le Roi m’a chargé vous présenter un projet de
loi tendant à allouer un crédit supplémentaire au département de l’intérieur.
Cette demande se rapporte principalement aux dépenses causées en 1841 par
l’épizootie.
Je demanderai le renvoi de ce projet à la section centrale du budget de
l’intérieur qui l’examinera comme commission spéciale.
- Il est donné acte à M. le ministre de l’intérieur de la présentation
de ce projet de loi ; il sera, ainsi que l’exposé des motifs, imprimé et
distribué. La chambre en ordonne le renvoi à la section centrale du budget de
l’intérieur, qui l’examinera comme commission spéciale.
- La séance et levée à 4 heures