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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du jeudi 19
janvier 1843
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre
2)
Projet de loi portant des crédits au budget du département des finances pour
l’exercice 1842
3)
Fixation de l’ordre du jour (A : répression de la fraude ; B :
traitements des membres de l’ordre judiciaire ; C : commission
d’enquête parlementaire ; D : impôt sur les sucres ; E :
tarifs douaniers) (A (Rodenbach), B (Delehaye), C (Cools, Nothomb), A (Desmet, Rodenbach), C, D (Mercier), E, C
(Nothomb), C (de Foere, Cools, Nothomb)
6) Projet de loi portant le budget du département des travaux publics pour
l’exercice 1843. Discussion des articles. Chemin de fer. (A : Rentabilité,
coûts d’exploitation, tarifs… ; B : tarifs pour le transport de la
houille ; C : chemin de fer de Jurbise à Tournai) (A (de Mérode, Dubus (aîné), Savart-Martel), B ((+station à Liége) Delfosse,
Sigart, Desmaisières),
travaux du chemin de fer dans la vallée de la Vesdre (Lys),
A, B (Mast de Vries), C (Dechamps),
C, B (Eloy de Burdinne), B, A (David))
7)
Fixation de l’ordre du jour. Répression de la fraude et droits de sortie (Rodenbach, Smits)
(Moniteur belge n°20, du 20
janvier 1843)
(Présidence de M. Raikem)
M.
Kervyn fait l’appel nominal à midi et demi.
M. Scheyven donne lecture
du procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est approuvée.
M. Scheyven présente
l’analyse des pétitions adressées à la chambre :
PIECES ADRESSEES A
« Des habitants de Moll demandent que cette commune ne soit pas obligée
de payer à elle seule la part pour laquelle elle sera appelée à concourir dans
les frais d’établissement du canal de
- Renvoi à la commission des pétitions.
_______________________
« Des négociants de tabac du canton de Rouveroy
demandent le rejet de toute majoration de droits sur les tabacs étrangers.
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur les
droits d’entrée et renvoi à la section centrale chargée, en qualité de
commission spéciale, d’en faire rapport avant la discussion du projet de loi.
DEMANDE EN NATURALISATION
M. Henot présente
différents rapports sur des demandes en naturalisation.
- Ces rapports seront imprimes et distribués.
PROJET DE LOI PORTANT DES CREDITS AU BUDGET DU
DEPARTEMENT DES FINANCES POUR L’EXERCICE 1842
M. Dubus (aîné). - Messieurs,
vous avez renvoyé à l’examen de la commission des finances un projet de loi qui
vous a été présente par M. le ministre des finances, et tendant à allouer à son
département un crédit pour payer les bordereaux de collocation délivrés à
charge du gouvernement, en sa qualité d’adjudicataire, des établissements de
Couvin.
La commission a trouvé que le projet de loi était complètement justifié
par les motifs qui ont été exposés à l’appui ; elle s’en réfère ces motifs et
vous propose 1’adoption du projet sous une double modification. D’abord, comme
la loi ne pourra être mise à exécution qu’en février prochain, il y a lieu de
calculer les intérêts jusqu’à l’époque probable du payement, et de les élever
de 373 à 376 mille francs. En second lieu il lui a semblé que la dernière
phrase du texte de l’article unique, qui forme le projet de loi, devait être
supprimée comme inutile. Le projet de loi se. bornerait
à ce qui suit :
« Article unique. Un crédit supplémentaire de 376,000 fr. est
ouvert au budget du département des finances de l’exercice 1842, chap. 1V, art.
10, pour pourvoir au paiement des bordereaux de collocation délivrés le 23 août
1842, par le greffier du tribunal de première instance de Dinant. »
La commission pense qu’il est inutile d’ajouter « par suite de la
clôture de l’ordre ouvert pour la distribution du prix de la vente consentie au
profit du gouvernement belge, par jugement dudit tribunal du 11 août
1837. »
Cette explication insérée dans le projet de loi lui paraît tout à fait
superflue.
- Ce rapport sera imprimé et distribué. Il sera discuté après les objets
fixés à l’ordre du jour.
DEMANDES EN NATURALISATION
M. Lejeune. - J’ai
l’honneur de déposer quelques projets de loi sur des demandes en
naturalisation.
Ces projets seront imprimés et distribués.
M. Rodenbach. - J’ai demandé la parole
sur l’ordre du jour. Comme nous aurons terminé aujourd’hui ou demain la
discussion du budget des travaux publics, et que nous n’aurons ensuite à
l’ordre du jour qu’un projet de séparation de commune, je crois que pour qu’on
puisse se préparer aux discussions, il conviendrait de fixer les projets dont
la chambre s’occupera immédiatement.
Il y a un projet assez urgent et dont M. le
ministre des finances nous a parlé plusieurs fois c’est celui relatif à la
répression de la fraude. Depuis longtemps le rapport est distribué. Je pense
que nous pourrions nous en occuper, d’autant plus que le rapport sur le traité
avec
M. Delehaye. - Messieurs,
deux objets déjà se trouvent à l’ordre du jour : le premier est le projet sur
les sucres, le second est le projet relatif aux traitements de la magistrature.
Je crois que nous devons nous en occuper immédiatement après le budget des
travaux publics.
Cependant il y a un troisième objet qui est également très urgent et
dont la discussion est vivement demandée par le pays : c’est le rapport de la
commission d’enquête commerciale. Je demanderai qu’après les deux projets, dont
je viens de parler, la chambre veuille s’occuper du rapport de l’honorable M.
de Foere.
Il est, à la vérité, un objet qui demanderait la priorité, c’est la
convention avec
M. de
Theux. - Je ferai remarquer qu’il conviendrait d’attendre, pour continuer la
discussion de cette motion, que M. le ministre des finances fût ici, ou plutôt
de la reprendre à l’ouverture de la séance de demain.
M. Cools. - L’honorable
M. Delehaye, vient de faire une motion concernant les conclusions de la
commission d’enquête commerciale. Je profite de la présence de M. le ministre
de l’intérieur pour renouveler l’interpellation que j’ai faite dans une
précédente séance, et qui tend à savoir si le gouvernement a l’intention de
nous présenter un projet d’ensemble sur ces conclusions, s’il se dispose à nous
faire des propositions, à son point de vue, concernant les modifications à
apporter à notre système maritime.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - J’ai vu par le Moniteur, que dans une des dernières séances de l’année dernière,
d’honorables membres ont supposé que le gouvernement s’était engagé à présenter
à la chambre, en quelque sorte un résumé du travail de la commission d’enquête
commerciale. Le gouvernement n’a jamais pris cet engagement. Le gouvernement
n’avait ici aucun engagement à prendre, il y a pour lui un engagement qui
résulte de la nature de ses devoirs ; lorsque la question sera mise à l’ordre
du jour, le gouvernement prendra part à la discussion. S’il adopte le principe
des droits différentiels, il présentera un projet, à moins qu’il se rallie
purement et simplement à celui qui vous est présenté ; ou bien il proposera des
amendements aux propositions de la commission d’enquête. Le résumé du travail
de la commission d’enquête, ce sont les conclusions présentées par la
commission elle-même.
Qu’arriverait-il maintenant, si le ministère vous présentait un nouveau
résumé ? Mais il arriverait ce qui est arrivé récemment à M. le ministre des
finances, au sujet des sucres ; on demanderait le renvoi de ce résumé à la
commission d’enquête qui aurait certainement le droit de dire son mot sur ce
résumé. On demanderait même peut-être le renvoi aux chambres de commerce.
C’est précisément pour qu’on puisse en finir de
cette question, qu’il faut la mettre à l’ordre du jour. Et, je le répète, les
engagements du ministère ne sont autres que ceux qui résultent de la nature de
ses devoirs. Il prendra part à la discussion ; il fera à la chambre de
nouvelles propositions, s’il n’adhère pas aux propositions de la commission
d’enquête.
M. Desmet. - J’aurais
désiré qu’après le budget des travaux publics on pût commencer la discussion de
la loi des sucres. Messieurs, dans un moment où il y a déficit dans nos
finances, il faut tâcher de compléter nos voies et moyens. Si donc aujourd’hui
le second rapport de la section centrale sur ce projet n’est pas prêt, j’appuie
fortement la motion de M. Rodenbach, pour que la chambre s’occupe du projet de
loi sur la répression de la fraude.
Je demanderai aussi que la section centrale, qui
est chargée de l’examen du projet de loi sur le sel, nous fasse son rapport le
plus tôt possible ; ce projet est encore un moyen d’augmenter nos voies et
moyens.
M. Rodenbach.- D’après lés observations qu’a faites
l’honorable M. de Theux, j’attendrai l’arrivée de M. le ministre des finances pour
renouveler ma proposition. Cependant je ferai observer que M. le ministre des
finances lui-même a souvent demandé qu’on discutât promptement la loi relative
à la répression de la fraude, déclarant qu’elle était très urgente.
M. Mercier. - Messieurs,
lorsque j’ai fait la motion dont a parlé l’honorable M. Cools, ce n’était pas
un résumé du travail de la commission d’enquête que je demandais au
gouvernement, c’était son opinion sur le système en général. J’avais fait
observer que plusieurs variantes du même système se trouvaient en présence.
Je crois que la discussion aurait été beaucoup éclairée, beaucoup
simplifiée, si le gouvernement avait fait connaître d’avance son opinion sur le
système en lui-même ; son travail sur ce point aurait été très utile et aurait
facilité la discussion.
Je pense bien que le gouvernement s’expliquera dans la première séance ;
mais si chacun de nous pouvait méditer les observations que fera le
gouvernement, je crois que la discussion y gagnerait.
J’étais d’autant plus fondé à croire que le gouvernement s’était formé
une opinion sur cet objet important, qu’il en a été question pour la première
fois dans une circonstance solennelle ; une sorte d’approbation a été donnée
aux propositions faites par la commission d’enquête. Je pensais donc que le
gouvernement n’aurait fait aucune difficulté à nous faire connaître son opinion
sur le système qui résulte des propositions de la commission d’enquête.
Il a été question tout à l’heure de la loi des sucres. La chambre a
consenti à renvoyer à la section centrale les observations de M. le ministre
des finances qui ne sont pas un résumé, mais des contre-observations
et même un nouveau projet. Lors de la discussion qui a eu lieu à cet égard,
j’ai promis, qu’en ce qui me concernait, je pourrais présenter mon rapport dans
les dix jours. J’espère encore maintenant que la section centrale sera à même
de vous présenter son nouveau rapport lundi prochain ; il n’y aura donc pas un
grand retard, mais je pense néanmoins que la proposition de l’honorable M.
Rodenbach doit être accueillie, parce qu’il y aura nécessairement quelques
jours d’interruption dans nos discussions, s’il n’y a pas un autre objet à
l’ordre du jour ; et comme le rapport sur le projet de loi relatif à la répression
de la fraude est déposé depuis longtemps, il me semble que ce projet pourrait
être discuté immédiatement après le budget des travaux publics, ainsi que
quelques autres projets d’une moindre importance sur lesquels les rapports sont
déposés.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je pensais qu’il avait été déposé encore
d’autres rapports que celui qui concerne la répression de la fraude ; il me
semblait que dans une séance précédente on avait présenté les rapports sur deux
projets de lois, dont l’un concerne l’abolition de certains droits de sortie et
dont l’autre est relatif à l’augmentation de certains droits d’entrée ; je
désirerais savoir ou en est l’impression de ces deux rapports. Je croyais,
messieurs, que ces deux projets de lois avaient été mis à l’ordre du jour,
ainsi que le projet de loi relatif à la répression de la fraude. Quant à cette
dernière loi, elle nous occupera sans doute moins longtemps qu’on n’aurait pu
le supposer, car je crois savoir que des membres de cette chambre, qui sont
convaincus que les moyens proposés par la section centrale ne sont pas
suffisants, que ceux-là même accepteront le projet comme un essai, en faisant
toutes leurs réserves pour l’avenir ; il ne faut donc pas s’attendre à une discussion
de plusieurs jours ou de plusieurs semaines comme on aurait pu le supposer sur
la question de l’estampille, et je ne verrais dès lors aucun inconvénient à ce
que l’on maintînt provisoirement à l’ordre du jour la discussion de ce projet
ainsi que celle des deux lois relatives aux droits d’entrée et de sortie, si
les rapports de ces dernières lois sont distribués en temps utile.
Quant au travail de la commission d’enquête, je
persiste à croire que l’honorable M. Mercier propose une marche tout à fait
inusitée. Le résumé qu’il demande n’abrégerait pas la discussion, ce serait un
nouvel incident, rien de plus. Le ministre prendra part à la discussion ; il
faut même supposer qu’il parlera dès la première séance ; il fera ses
propositions, s’il a d’autres propositions à faire que celles de la commission
d’enquête.
M. de Foere. - Messieurs,
deux honorables préopinants ont demandé que le gouvernement se prononçât
d’avance sur les conclusions de l’enquête commerciale. Ils ont prétendu que
cette déclaration préalable était une espèce de devoir gouvernemental. Ces
honorables membres ont perdu de vue que cette enquête a été instituée par la
chambre des représentants et non par le gouvernement. L’enquête est
parlementaire et non gouvernementale. La commission a été même chargée par la
chambre de lui présenter les bases sur lesquelles il conviendrait que notre
système commercial et maritime fût fondé dans les intérêts du pays. J’en
conclus que les conclusions de la commission d’enquête doivent être discutées
et que le gouvernement n’a pas même le droit de présenter un contre-projet. Je
ne prétends pas que le gouvernement ne puisse énoncer son opinion préalable sur
ces conclusions, mais je soutiens qu’il n’incombe sur lui aucune obligation à
cet égard. Il prendra, d’ailleurs, une part dans la discussion des propositions
soumises à la chambre lorsqu’elles seront discutées.
Au surplus, ce que ces honorables membres exigent comme une espèce de
devoir ou de nécessité, le gouvernement l’a fait spontanément. Il a énoncé son
opinion sur le système dans le discours du Trône. Je dis sur le système, car je
ne prétends pas que le gouvernement ait admis tous les chiffres que la
commission d’enquête a posés comme applications du système.
Les deux honorables membres ont aussi appuyé leur demande sur la
diversité des systèmes qui sont en présence. C’est une erreur. Cette diversité
n’existe pas. Tous les corps ou individus qui ont présenté des chiffres
différents ne sont que des applications du même système que tous ils ont admis.
Trois chambres de commerce, un comité de négociants d’Anvers et un armateur de
cette ville ont présenté des tarifs différentiels latéraux à celui de la
commission d’enquête, mais la différence n’atteint pas le système ; elle ne porte
que sur les chiffres. Le projet de la commission se trouve donc, quant aux
chiffres et non quant au système, dans la même condition dans laquelle se
trouvent presque tous les projets de loi dont la discussion est en présence de
chiffres différents. D’ailleurs la commission d’enquête elle-même, après avoir
publié son tarif différentiel, a provoqué ces avis des chambres de commerce et
de tous les négociants du pays.
Quant à l’opportunité de la discussion des conclusions de l’enquête,
elle pourra avoir lieu concurremment avec le projet de loi sur les droits
d’entrée. Ces droits pourront être augmentés sur les articles que ce projet
désigne, alors que les mêmes articles seront rencontrés par le tarif de la
commission d’enquête. La différence à l’importation maritime pourra être basée
sur la proportion dans laquelle le chiffre des droits d’entrée aura été
augmenté. Je désire que le gouvernement examine cette question.
M. Zoude. - En réponse
à M. le. ministre de l’intérieur, je déclare que le rapport sur le projet de
loi relatif aux droits d’entrée sera déposé demain. Il s’écoulera encore deux
ou trois jours avant que le rapport sur le projet de loi concernant les droits
de sortie soit déposé.
M. Cools. - Il ne faut
pas se méprendre sur l’importance de la discussion qu’amèneront les
propositions de la commission d’enquête parlementaire, commerciale et
industrielle. C’est certainement un fait qui se présente rarement dans un Etat
représentatif, qu’une commission déléguée par la chambre, non pour constater la
véritable situation commerciale, les vices de la législation, mais pour
présenter un système nouveau et en saisir directement la législature. Il y a
ici un déplacement d’impulsion ; il est évident que, par l’adoption de la
proposition de l’honorable M. de Foere, la chambre a délégué une commission
pour imprimer une direction au système commercial.
Le ministère précédent avait si bien senti l’importance de ce fait que,
si je me le rappelle bien, le ministre de l’intérieur d’alors avait pris
l’engagement, sinon de présenter un système, au moins d’étudier la question de
son côté, et de faire une enquête.
Quelle a été la conséquence de l’adoption de la proposition de
l’honorable M. de Foere ? C’est que nous sommes saisis d’un système général,
d’un projet de changement complet de la législation. Une proposition d’une si
grande portée émane de la chambre. Je pense qu’il serait de la dignité du
gouvernement, lors même qu’il n’existerait pas d’engagement formel à cet égard,
de faire connaître son opinion à ce sujet. La main du gouvernement doit se
faire sentir.
L’honorable préopinant prétend qu’il est inutile que le gouvernement
s’explique, parce que déjà, dans le discours du Trône, il a adopté les
propositions de la commission. L’honorable ministre de l’intérieur vient, au
contraire, de déclarer qu’il se réservait de s’expliquer dans la discussion. Il
y a là un doute que je voudrais voir éclairci.
S’il adopte les propositions de la commission, tout est dit ; mais s’il
en est autrement, nous avons intérêt à le savoir. Le travail de la commission
est d’un grand intérêt ; je l’étudierai avec soin. Mais, je me plais à croire
que le gouvernement, de son côté, s’est déjà livré à l’étude des questions
qu’elle doit soulever. Il importe que le gouvernement déclare s’il adopte les
propositions de la commission d’enquête, ou s’il compte y proposer des
modifications.
J’ai déjà dit dans une séance précédente, que je préférais de beaucoup
des propositions spontanées du gouvernement, résultant de sa conviction, à
celles qui seraient inspirées par le cours de la discussion auxquelles on
s’arrêterait selon que le vent de la majorité soufflerait de droite ou de
gauche.
Je voudrais que M. le ministre de l’intérieur
fût plus formel dans ses explications. Il nous a du moins fait espérer (je l’ai
entendu avec satisfaction) qu’il s’expliquerait dans la première séance. Je
voudrais savoir si c’est un engagement qu’il contracte ; si dès l’ouverture de
la discussion, il fera connaître son système sur l’ensemble des changements à
apporter a la législation.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Il ne s’agit pas aujourd’hui de protester
coutre la résolution prise par la majorité de la chambre, lorsqu’elle a institué
la commission d’enquête commerciale et industrielle. La chambre a usé de son
droit. L’enquête a eu lieu. Aurait-il mieux valu que l’impulsion vînt du
gouvernement même ? C’est une question décidée par les faits.
Lorsque cette discussion sera à l’ordre du jour, peut-on admettre que le
gouvernement se résigne au silence, qu’il s’abstienne ? Non, je l’ai déclaré ;
le gouvernement prendra part à la discussion ; il est probable qu’il
s’expliquera dès le premier jour. C’est tout ce que vous avez à lui demander.
Ainsi le gouvernement ne gardera pas le silence ; il fera connaître ses
intentions, probablement dès l’ouverture de la discussion.
Je n’ai pas trouvé de traces du travail qu’on dit avoir été commencé par
mon honorable prédécesseur. Ce travail n’existe pas. La contre-enquête dont on
a parlé, je pense qu’il n’y a pas été donné suite.
M. Rogier. -
C’est-à-dire que vous ne l’avez pas continuée.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je ne l’ai pas continuée, elle avait été
abandonnée avant mon entrée aux affaires.
Du reste, le gouvernement a étudié la question comme aurait fait le
ministère précédent. Je me suis mis en rapport avec les chambres de commerce.
Je suis encore en rapport avec les deux chambres de commerce dont les travaux
sont le plus remarquables, celles de Liége et d’Anvers. Je leur ai présenté de
nouvelles observations ; j’attends leur réponse, que je recevrai sans doute
prochainement.
Je le répète donc, le gouvernement prendra part à la discussion. Je
désire que la discussion soit aussi prochaine que le permettront les travaux de
la chambre. Cette discussion, il faut bien le reconnaître, tient en suspens
plusieurs négociations commerciales. Il est presque impossible de traiter avec
Vous voyez donc que, sous le rapport diplomatique, il est de la plus
haute importance, il y a même urgence, pour que cette question soit résolue
dans un sens ou dans un autre.
Je persiste à croire qu’on aurait pu maintenir notre ancien ordre du
jour, en commençant par la loi relative à la répression de la fraude ; je ne
pense pas que cette loi, qui est quelque sorte la sanction générale de notre
système de douanes, puisse nous occuper longtemps. Je n’en dirai pas autant de
la loi sur l’augmentation des droits d’entrée ; je crois que la discussion de
ce projet nous occupera pendant un temps plus ou moins long. Si le rapport
était prêt sur la loi concernant l’abolition de certains droits de sortie, on
aurait pu accorder la priorité à ce projet, qui ne donnera lieu qu’à très peu
de difficultés.
Il y a encore une raison pour que nous ne chargions pas outre mesure
notre ordre du jour et pour que nous ne nous engagions pas dans de longues
discussions. Nous espérons que le rapport sur le traité du 5 novembre conclu
avec les Pays-Bas pourra être déposé très prochainement sur le bureau ; et
comme il y a un terme fatal, le gouvernement en demandera la discussion
d’urgence.
Je crois donc qu’il est prudent de ne pas nous engager dans des discussions
que l’examen du traité nous forcerait d’interrompre. Je fais donc la
proposition d’attendre l’arrivée de M. le ministre des finances, pour statuer
sur la motion.
- La chambre décide qu’elle statuera sur la motion lorsque M. le
ministre des finances sera présent.
M. Mercier, qui avait
demandé la parole pour une autre motion d’ordre, déclare qu’il fera cette
motion un autre jour.
Discussion
des articles
CHAPITRE III. - Chemin de fer. Postes
Article
premier
M. le président. - La
discussion continue sur le chapitre relatif au chemin de fer. La parole est
accordée à M. de Mérode.
M. de Mérode. - Pour se
rendre compte de la véritable gestion d’un grand réseau de chemin de fer dans
l’intérêt public, il faut examiner ses avantages sérieusement utiles et ses
avantages secondaires ou d’agrément.
Dans toute
De Louvain à la frontière de Prusse, c’est différent ; là le chemin de
fer est une voie utile de transport de marchandises préférable aux routes
pavées et remplaçant les canaux, mais aussi il coûte des frais énormes,
particulièrement de Liége à la frontière. J’ai entendu dire hier par M. le ministre
des travaux publics que Verviers gagnerait 350 mille fr. sur les transports de
la houille ; il me semble que l’on est ainsi décidé à ne pas tirer de ce chemin
de fer qui coûte 1 million par kilomètre, ce qu’il peut produire ; car il
suffirait de réduire de moitié le prix des transports actuels par roulage
ordinaire et non pas les pour donner à Verviers un avantage très satisfaisant.
Je ne puis admettre le principe que, quels que soient les frais de construction
d’une section de chemin de fer, le prix des transports doive être fixé au même
taux que là où il a suffi de poser sur un sol plat des billes et des rails.
Est-il juste d’établir les mêmes droits sur un canal grand fossé tracé en
plaine sans écluses et sur un canal qui exige des souterrains et des écluses
multipliés ?
Le chemin de fer devrait être exploité par le gouvernement comme par une
compagnie d’actionnaires qui chercherait le produit net le plus élevé possible.
Là où il y aurait forte concurrence, elle baisserait ses prix, là où il n’y en
a que peu, elle les tiendrait nécessairement plus haut. Ce serait d’ailleurs
très justement, si, dans les dernières portions, elle avait aussi beaucoup plus
dépensé que dans d’autres.
C’est dans le sens du revenu net le plus fort pour le trésor public que
devraient être fixés les tarifs par le ministre. Quand il l’aurait établi de
cette manière, les chambres examineraient si elles veulent accorder quelque
faveur à telle ou telle direction, mais en sachant bien quel sacrifice il en
résulte sur le revenu net du chemin de fer ; il en est de même pour le nombre
des convois. Dans aucune direction il ne devrait pas y avoir plus de trois
convois par jour, à moins que l’administration n’y trouvât son compte, ou du
moins qu’il ne résulte d’un quatrième convoi aucune perte. Songez, messieurs,
aux sommes que coûte un quatrième convoi pendant toute une année sur une ligne
de dix lieues pour aller et retour.
Si l’on en vient au personnel, on trouve pour une place vacante, dix
concurrents capables et au-delà, selon le poste dont il s’agit. Pourquoi donc
les payer si cher tandis qu’on ne donne au soldat et à l’officier, que ce qui
est strictement nécessaire pour vivre, et cependant le service militaire est
forcé et non pas sollicité avec empressement, les traitements actuels ne sont
nullement des droits acquis ; s’ils ont été trop élevés, on ne doit pas
assurément en faire rendre une portion à ceux qui les ont reçus, mais il ne
faut pas les maintenir abusivement.
Le chemin de fer occasionne des déficits dans le trésor, c’est évident ;
comment pouvoir les couvrir équitablement ? N’est-ce pas d’abord par son
exploitation ? Voyez quelle peine on éprouve pour établir de nouvelles taxes.
On n’a pas voulu de centimes additionnels sur le foncier, le ministère a eu
parfaitement raison de les proposer. S’il eût négligé de le faire, plusieurs de
ceux qui ont voté contre auraient dit, comme je l’ai déjà entendu, que c’était
là qu’il fallait prendre. Parle-t-on de quelques centimes sur la bière, les
brasseurs se récrient avec quelque raison, et cependant, s’il s’agit de
demander des convois plus fréquents aux ministres, ils s’unissent peut-être aux
autres pétitionnaires de leurs localités. Les fabricants de tabac se déclarent
ruinés si l’on touche à leur industrie ; il en est de même des planteurs de
betteraves à sucre ou des raffineurs.
Il ne faut pas cependant qu’un peuple joue comme un enfant avec ses
finances, leur demande beaucoup et leur fournisse moins. Si l’on persiste dans
le même système, le chemin de fer, loin d’être une œuvre nationale, sera une
œuvre antinationale. ; elle ne soulage point la misère de la classe pauvre,
j’en suis convaincu. Elle enlève, comme dans la vallée de
M. Dubus (aîné). - Messieurs,
j’ai demandé hier la parole, lorsque j’ai entendu un honorable député de Mons
faire la comparaison de ce qu’on paie, sur le chemin de fer, d’une part pour
parcourir depuis Quiévrain jusqu’à Bruxelles ; d’autre part, pour parcourir
depuis Tournay jusqu’à Bruxelles ; et prétendre qu’il y a faveur pour ceux qui
parcourent le chemin de fer dans cette dernière direction ; ou qu’il y a
préjudice pour ceux qui la parcourent dans la première.
Messieurs, c’est là, je pense, une grave erreur, et c’est l’inverse
qu’il faut dire ; c’est que, comparaison faite, il y a préjudice pour ceux qui
parcourent le chemin de fer depuis Tournay jusqu’à Bruxelles, d’après les prix
qui ont été respectivement fixés sur les deux directions. Il m’importe de
rectifier les calculs de l’honorable membre.
Pour faire sa comparaison, l’honorable membre a dit qu’il y a
Ainsi l’honorable membre part de la supposition qu’en tenant compte du
détour, il reste
Cependant de Tournay à Bruxelles, par la route ordinaire, il y 15 lieues
; de Tournay à Bruxelles, par le chemin de fer (par Courtray, Gand, Termonde et
Malines), il y a au-delà de 30 lieues. La différence est bien de 15 lieues et
un kilomètre, ce qui fait
Et cela se comprend si l’on considère que pour aller de Tournay sur
Bruxelles, il faut se diriger vers le Nord-Est, tandis que la direction de
Tournay vers Courtray est au Nord-Ouest.
Ainsi, le détour de Courtray doit être compté non pas pour
Maintenant de Courtray à Bruxelles, par les routes ordinaires vous avez
18 lieues, et par le chemin de fer 24 ; ce qui fait encore 6 lieues de détour,
ensemble, en totalité, quinze lieues au lieu de
Dès que vous rétablissez les chiffres, vous
devez en tirer la conséquence que, bien loin qu’on nous ait favorisés,
lorsqu’on a fixé pour ceux qui parcourent cette suite de ligne de Tournay à
Bruxelles, les chiffres qu’on a rappelés, on nous a traités avec bien moins de
faveur que ceux qui se plaignent ; et que, s’il y avait lieu de faire droit à
la réclamation de ces derniers, à plus forte raison devrait-on diminuer les
prix pour ceux qui parcourent le chemin de fer depuis Tournay jusqu’à
Bruxelles.
M. Savart-Martel. - Plusieurs de nos séances
ont été consacrées a discuter le chiffre qui devra être alloué pour la dotation
de nos chemins de fer pendant la période de 1843.
La demande étant de cinq millions et plus, chiffre global, le pays ne
sera point étonné de l’importance qu’y attache le pouvoir législatif.
Quelle que puisse être la décision de la chambre, honneur à notre
collègue M. David et autres membres zélés et intelligents qui se sont livrés à une étude consciencieuse et
approfondie pour modifier ou diviser au moins ce chiffre qui mériterait à lui
seul un budget particulier.
Les réflexions et observations qui en ont été la suite, et entre autres,
le discours remarquable de l’honorable M. de Man d’Attenrode, amèneront
nécessairement des améliorations au prochain budget.
La publicité, c’est l’âme de l’honnête homme ; et M. le ministre a rendu
hommage à ce principe en adhérant autant que possible aux productions
réclamées.
Mais, après avoir tout vu et tout entendu, j’avoue que je n’y vois pas
plus clair que précédemment ; je n’oserais décider qu’il faille plus ou moins
que le chiffre proposé. Nous n’avons pas de points de comparaison, et bien
certainement les années écoulées ne
ressemblent pas à celle-ci.
Pour moi apparaît cette vérité, que j’avais pressentie dès le premier jour de la discussion : Dans
l’état actuel des choses, nous sommes forcés à un vote de confiance, si nous ne
voulons cesser l’exploitation des chemins de fer.
Il y a 8 jours j’avais parlé d’un terme moyen, d’un crédit provisoire
pour 3 ou 4 mois ; mais cette idée n’ayant point rencontrer la sympathie de la
chambre, il n’y faut plus penser.
Cesser l’exploitation des chemins de fer n’est point possible ; donc il
faudra bien nous résoudre à un vote de confiance, que je déplore, mais dont je
vois la nécessité.
Cette position anormale, dont il a y peu d’exemples dans les pays
constitutionnels, est déplorable, je le répète, mais enfin force est-il de
choisir entre deux maux, puisqu’on ne veut pas du terme moyen.
Un motif grave c’est que le chiffre demandé ne sera lui-même qu’un
simple crédit que le ministre ne pourra dépasser, mais qui ne doit pas être
absorbé nécessairement.
Ce chiffre, si on ne peut faire autrement, serait alloué au ministre
sous sa responsabilité personnelle, et à la charge d’un compte d’autant plus
rigoureux que le vœu de la chambre, c’est l’économie, et que, pour parvenir à
cette économie, il a été allégué dans cette enceinte des faits, moyens et
circonstances que l’administration des chemins de fer n’oubliera pas, sans
doute.
Il nous a été assuré, le fait paraît probable, et n’a point été
contredit, positivement au moins, que malgré notre position respectivement plus
avantageuse, nos voisins ne payent que 10 ce que nous payons 12 ou 13 ; ce
serait donc de ce chef l’économie d’un million.
Il nous a été dit, et le fait paraît vrai, que le camionnage coûte
beaucoup plus qu’il ne rapporte.
Il nous a été dit, et le fait paraît vrai, que le ministre a des
économies dont je lui sais gré, puisqu’il marche sans crédit provisoire depuis
le 1er janvier.
J’ai confiance que ceux qui auront à voter l’an prochain le budget des
travaux publics seront mieux éclairés que nous. J’ai confiance qu’à l’appui
d’un compte rendu, le ministre préparera tous les documents justificatifs, et
que son budget offrira des divisions et subdivisions qui permettront de voter
en connaissance de cause, et ainsi sera rempli la conclusion que vient
d’émettre l’honorable conte de Mérode.
On nous a parlé, dans le cours de la discussion, d’un nombreux
état-major, qu’il serait question de créer cette année dans l’administration
des chemins de fer ; j’ignore quelles sont les intentions de la chambre, mais
j’espère qu’il n’en sera rien, sous l’empire d’un simple vote de confiance.
Créer de nouveaux fonctionnaires dans cette position, présenterait les
plus graves inconvénients ; ce serait forcer la main au pouvoir législatif qui
annonce vouloir des économies ; car enfin, si l’on crée cette année de hauts
fonctionnaires, ce sera une nouvelle source de dépenses qu’on ne pourra plus
rejeter par la suite. J’appelle sur ce point toute l’attention de la chambre.
C’est la loi, me semble-t-il, qui devrait créer ces hautes fonctions et
les rétribuer.
Raisonnablement, le ministre ne pourrait en établir que pour la durée de
son budget annuel.
Je désire autant que M. le ministre qu’il y ait aux chemins de fer un
personnel suffisant ; la sûreté des voyageurs en fait une nécessité.
Je désire que ce personnel soit doté convenablement, et qu’il n’arrive
point aux fonctionnaires ce qui arrive à nos juges de paix, ces honorables
magistrats, qu’on semble oublier, comme si ces officiers de paix et de justice
étaient des parias, dont on ne s’occupe qu’au pis aller et quand on n’aura rien
de mieux à faire.
Messieurs, je rends justice au ministre qui a commencé nos chemins de
fer ; je rends justice aussi aux ministres qui les ont continués. Ils ont fait
vite et utilement des travaux grandioses qui honorent
Sans des actes de confiance, ces travaux n’auraient pu être entrepris ni
continués ; et je conçois que jusqu’ici il ait été difficile de diviser et
subdiviser la dépense du chemin comme la dépense des autres départements
ministériels, mais cet état de choses doit avoir son terme, car nous nous
trouverions en dehors de tous les principes.
Messieurs dans l’une des dernières séances (à l’occasion du canal de
Il me serait pénible qu’on puisse croire que ma pensée serait une
critique de ce mode de transport.
Homme du progrès, je suis l’un des partisans les plus déclarés de cette
nouveauté sous le rapport même de la civilisation, malgré l’énorme dépense à
laquelle il nous entraîne. J’ai pensé et je pense encore qu’il est rare qu’un
chemin de fer soit directement utile à la propriété voisine, mais j’ai admis la
règle, que si quelques propriétés acquéraient ainsi une augmentation notable de
valeur, ces propriétés devraient une indemnité proportionnelle à celle qu’on a
imposé à
Ma pensée n’a point eu d’autre portée. C’est l’application de la loi de
1807 qu’on a dit à tort être tombée en désuétude. Cette loi, d’ailleurs, n’est
que l’application d’un principe d’équité.
L’un des députés de Tournay (qu’une triste circonstance retient chez
lui), l’honorable M. Dumortier, nous a dit et répété, qu’en définitive le
chemin de fer devra rapporter sa dépense ; je partage aussi cette opinion,
pourvu que l’administration se fasse avec une sage économie, et qu’on procède
enfin au raccordement des chemins de fer du Nord et du Midi. L’expérience ne
permet plus de douter que jusqu’alors la section de Courtray à Tournay ne sera
qu’une charge pour l’Etat ; tandis que le prolongement serait un profit.
Au surplus, lorsque je dis que nous sommes forcés à donner le chiffre
que demande le ministre, je prends la question telle qu’elle existe en ce
moment, car il est bien entendu que j’adopterai un chiffre modifié, si la suite
de la discussion permettait une modification que je désire ardemment.
Messieurs, j’avais aussi l’intention de solliciter du ministre un projet
de loi concernant la police et la viabilité du chemin de fer. J’ai cru entendre
dans cette discussion que M. le ministre va s’en occuper ; mais cet objet est
urgent, et très urgent.
Quand on réfléchit aux malheurs qui peuvent résulter, soit de
l’imprudence, sois d’actions criminelles formant obstacle à la viabilité, nous
ne devons pas nous étonner que la presse ait appelé notre attention sur ce
point important ; la presse a usé de son droit : notre devoir est d’accorder
une demande aussi juste. Des mesures préventives sont sans doute nécessaires,
mais elles ne suffisent pas.
Notre code pénal, d’ailleurs fort incomplet, n’a pu prévoir les actions
plus ou moins criminelles qui concernent les chemins de fer. Vous y trouverez
des peines contre ceux qui volontairement ou involontairement ont occasionné
des blessures ou la mort, mais il est rare qu’on puisse frapper la simple
tentative non suivie d’effet.
Dans l’espèce il faut que des peines sévères atteignent le crime qui n’a
même été suivi d’aucun effet, il faut que la simple tentative soit un crime, il
faut que l’imprudence même soit sévèrement punie, non seulement parce qu’il
peut en résulter d’épouvantables catastrophes, mais parce que les obstacles a
la viabilité ne sont que trop faciles.
Que d’honorables membres se soient occupés des tarifs, et de la
comptabilité ; c’est fort bien. Je suis loin de contester à cet égard leur
sollicitude.
Quant à moi, je porte mes vues plus loin, et je dis que le retard dans
une bonne loi de police, nous expose à une grande responsabilité morale.
Je voudrais donc que le ministère s’occupât de ce projet, toutes
affaires cessantes car, pour peu que l’on attende encore, la loi ne pourrait
être adoptée pendant cette session.
Je conçois qu’on puisse remettre au prochain budget la connaissance des
différents articles dont il doit se composer, car il ne s’agit là que d’une
question d’argent ; mais la question sur laquelle j’appelle la sollicitude du
ministre a une portée beaucoup plus grave, et ne souffre aucune remise,
puisqu’il s’agit de la sûreté publique.
Je fais des vœux pour que le gouvernement, non
seulement nous mène vite, mais surtout nous mène toujours bien, et nous fasse
arriver à bon port.
M. Delfosse. - Mon
intention n’est pas de mêler la politique au chemin de fer, sans cela, je
devrais parler, et ce ne serait pas avec éloge, de l’étrange visite que M. le
ministre des travaux publics nous a faite lors de l’inauguration de la station
des Guillemins et de la statue de Grétry, et de
l’espèce de provocation qu’il est venu jeter au milieu de cette fête de famille
; ce jour-là nous étions tous heureux et fiers de l’hommage rendu à notre
illustre compatriote ; on aurait cru qu’il n’y avait plus de partis à Liége !
M. le ministre des travaux publics a été bien mal inspiré en nous rappelant
qu’il y en avait encore.
Je ne veux, pour le moment, que présenter quelques considérations
relatives aux tarifs du chemin de fer.
Les propriétaires des charbonnages de la province de Liége continuent à
se plaindre de l’élévation de ces tarifs, ils prétendent, et je crois que c’est
avec raison, qu’on les met dans l’impossibilité de soutenir la concurrence
contre le Hainaut.
Lorsqu’il fut question de (erratum
Moniteur belge n°21, du 21 janvier 1843 :) continuer le chemin de fer,
on croyait généralement que le transport des marchandises se ferait, par cette
nouvelle voie de communication, à des prix beaucoup plus bas que par les canaux
; les représentants du Hainaut, justement alarmés du tort que cela pouvait
faire aux charbonnages de leur province, firent insérer dans la loi une
disposition portant que les péages des canaux seraient réduits aux taux des
péages à établir pour le chemin de fer par kilomètre et par tonneau.
Jusqu’à présent cette précaution s été complètement inutile, non
seulement les péages du chemin de fer n’ont pas été au-dessous des péages des
canaux ; mais ils ont toujours été et sont encore beaucoup plus élevés.
Pour transporter, par le chemin de fer, mille kilogrammes de charbon, il
faut payer de Liége à Gand, fr. 15 50, dont il faut déduire la remise de 20 p.
c., accordée par l’arrêté du 25 octobre 1842, lorsque la charge est de vingt
waggons, fr. 3,10, soit fr. 12 40.
Par canaux, (erratum Moniteur
belge n°21, du 21 janvier 1843 :) on ne payait que fr. 4 40. La
différence en faveur des canaux est de 8 fr.
De Liége à Anvers, déduction faite des 20 p. c., fr. 10 00. Par canaux,
fr. 6 50. La différence en faveur des canaux est de fr. 3 50
De Liége à Louvain, déduction faite de la remise de 10 p. le., accordée
pour une charge de vingt waggons : fr. 7 20. Par canaux : fr. 5 50. La
différence en faveur des canaux, est de fr. 1 70.
Si je n’ai tenu compte que d’une remise de 10 p.c. pour le transport de
Liége à Louvain, c’est que la remise de 20 p. c. n’est accordée par l’arrêté du
25 octobre 1842 que pour les distances de plus de 20 lieues, et il n’y en a que
seize de Liége à Louvain.
J’ignore quels sont les motifs qui ont pu engager M. le ministre des
travaux publics à limiter la faveur de l’arrêté du 25 octobre 1842 aux
distances de plus de 20 lieues. Il paraît, d’après le discours que l’honorable
M. Sigart a prononcé hier, que le Hainaut se plaint vivement de cette limite,
qu’il considère comme préjudiciable à ses intérêts ; la province de Liége s’en
plaint aussi, parce que cela l’empêche d’avoir accès au marché de Louvain ; M.
le ministre devrait donc s’empresser de la faire disparaître, il donnerait par
là satisfaction à tous les intérêts.
Lorsqu’il s’agit de charbons destinés à l’exportation, la différence des
péages est aussi favorable aux canaux que pour la consommation intérieure.
De Liége à Anvers on paie par chemin de fer, pour mille kil., par convoi
entier : fr. 12 50, dont il faut déduire 30 p. e., de remise accordée à
l’exportation, fr. 3 75. Reste fr. 8 75. Par canaux on ne paie que fr. 4 50. La
différence en faveur des canaux est de fr. 4 25
De Liége à Louvain, on paie fr. 8 00 dont il ne faut déduire que 20 p.
c. parce que la distance n’est pas de 20 lieues, fr 1 60. Reste fr. 6 40. Par
canaux, le prix du fret du bassin de Charleroy, après diminution des péages,
n’est que de fr. 4 00. La différence en faveur des canaux est de fr. 2 40
Vous voyez, messieurs, par le tableau comparatif que je viens de vous
communiquer, et dont je crois pouvoir garantir l’exactitude parce qu’il m’a été
remis par une personne très digne de foi et en mesure d’être bien informée,
vous voyez, dis-je, que le prix des transports est, toute proportion gardée,
beaucoup moins élevé pour les charbons du Hainaut que pour ceux de Liége. Non
seulement le chemin de fer, qui devait, disait-on, être si utile pour le
placement de nos charbons, ne nous a été d’aucune utilité, mais, chose étonnante,
il a même été un obstacle à ce placement.
J’ai déjà eu occasion de le dire, avant la construction du chemin de
fer, une foule (erratum Moniteur belge
n°21, du 21 janvier 1843 :) de voituriers se rendaient fréquemment de
Liége à Louvain pour y charger des marchandises en destination pour l’Allemagne
; ces voitures pour ne pas faire le trajet de Liége sans charge, prenaient des
houilles de Liége qui se vendaient à Louvain et se contentaient d’un prix de
transport très modéré ; ce prix de transport, quelque modéré qu’il fût, était
pour eux un bénéfice net, il valait mieux transporter des houilles même à des
prix très modérés que ne rien transporter du tout.
Grâce à cette circonstance favorable, la province de Liége avait pu
conserver en partie le marché de Louvain, dont elle était autrefois en
possession et qui lui avait été enlevé en partie d’abord par la construction du
canal de Charleroy, ensuite par la réduction des péages primitivement établis
sur ce canal.
Peu de temps après la révolution, on avait réduit les péages du canal de
Pommeroeul à Antoing, on crut devoir aussi réduire
les péages du canal de Charleroy, pour que le bassin de Charleroy pût continuer
à soutenir la concurrence contre celui de Mons ; mais on ne fit pas alors
attention que cela mettait le bassin de Liège dans l’impossibilité de prendre
part à la lutte.
Depuis la construction du chemin de fer, nous avons presqu’entièrement
perdu le marché de Louvain dont, je le répète, nous étions autrefois en
possession. Il y a plus : les charbons du Hainaut viennent faire concurrence
aux nôtres, même à Tirlemont, même à St.-Trond, pour ainsi dire aux portes de
Liège.
Pour peu qu’on laisse faire le Hainaut, nous nous trouverons tout à fait
sans débouchés. Si les renseignements que j’ai sont exacts, le Hainaut
sollicite en ce moment une diminution de 50 p. c. sur les droits de navigation
de la basse Sambre. Si cette réduction est accordée, nous seront dépossédés du
marché de Sedan, Charleville etc., car avec les péages actuels, il n’en coûte
guères plus de Charleroy à Namur, que de Liège à cette dernière ville.
On nous dira peut-être que nous avons le marché de
A moins que le gouvernement n’ait juré la ruine des houillères de Liége,
il doit prendre de promptes mesures pour rétablir entre les charbonnages de
Liège et ceux du Hainaut l’équilibre qui a été détruit par les causes que je
viens d’indiquer. Nous ne voulons pas de privilège, nous ne demandons que
l’égalité, nous ne demandons que ce que le Hainaut demandait en 1834, ce dont
il se contentait alors, ce dont il doit encore se contenter aujourd’hui, s’il
est animé du moindre sentiment de justice.
Pour établir cette égalité, il ne suffirait pas que M. le ministre des
travaux publies fît disparaître de l’arrêté du 25 octobre 1842, la clause qui
excepte de la remise de 20 p.c. les distances de moins de 20 lieues ; ce serait
déjà quelque chose, mais cela ne suffirait pas pour nous donner un accès
suffisant au marché de Louvain.
Il faudrait que M. le ministre n’exigeât pas un péage plus élevé pour
les plans inclinés que pour les autres parties du chemin de fer, c’est là une
mesure tout exceptionnelle que rien ne justifie. Il y a dans plusieurs
localités des parties de chemin de fer qui ont coûté beaucoup plus que
d’autres, soit en acquisition de terrains, soit en frais de constructions, soit
en frais d’entretien, et cependant on adopte pour ces localités le même tarif
que pour d’autres localités où le chemin de fer a occasionné de moindres
dépenses ; je ne conçois vraiment pas la mesure tout exceptionnelle qui a été
prise pour les plans inclinés.
L’honorable comte de Mérode vient d’émettre l’avis que les péages du
chemin de fer devraient être proportionnés, dans chaque localité, aux frais de
construction et d’entretien ; je ne crains pas de le dire, si ce système, tout
nouveau, pouvait prévaloir, ce serait la ruine de la province de Liége, la
province de Liége maudirait le jour où la pensée de construire le chemin de fer
a été conçue ; je le demande à l’honorable comte, paie-t-on plus sur les routes
ordinaires, pour traverser une localité où il a fallu percer des montagnes à
grands frais, que pour traverser celles où la route se trouvait pour ainsi dire
toute faite, où il n’y a guère eu qu’à placer des pavés ? Qu’importe au
voyageur la dépense qui a pu être faite pour la route qu’il traverse ?
Faudra-t-il qu’il paie plus ou moins, suivant que les ingénieurs auront été
plus ou moins habiles, plus ou moins économes ? Il faut convenir que ce
serait là un système fort étrange et qui rendrait plusieurs voies de
communication tout à fait désertes. Aussi s’est-on bien gardé de le suivre pour
les routes ordinaires, et se gardera-t-on bien, je n’en doute pas, de le suivre
pour le chemin de fer.
Pour établir, entre le Hainaut et la province de Liège, l’égalité
proportionnelle que nous demandons, il faudrait encore que le gouvernement ne
fît payer, par lieue et (erratum Moniteur
belge n°21, du 21 janvier 1843 :) par
Cette baisse dans le prix du transport des charbons nous permettrait de
lutter contre le Hainaut comme autrefois, elle tournerait en dernier résultat à
l’avantage des consommateurs et de l’industrie, par la baisse qu’elle amènerait
nécessairement dans le prix des charbons. Le combustible est un des agents les
plus actifs de la production. Tout ce qui en fait baisser le prix est un
bienfait pour l’industrie, tous les industriels du pays, à quelque province
qu’ils appartiennent, sont donc intéressés à ce que le gouvernement accueille
notre demande.
On me dira peut-être que je ne me préoccupe nullement des intérêts du
trésor ; que la diminution que je sollicite portera une grave atteinte aux
recettes qui ne sont pas déjà trop productives, et qu’il y aura un
accroissement de déficit. Messieurs, l’expérience a démontré bien des fois que
l’élévation des tarifs n’est pas toujours un moyen de rendre les recettes plus
productives. Lorsque les tarifs sont modérés, on transporte beaucoup de
marchandises, et il y a des recettes abondantes ; lorsque les tarifs sont trop
élevés, on n’en transporte pas, ou, tout au moins, presque pas et les recettes
sont nulles.
D’ailleurs, au prix de trois centimes par lieue et par 100 kil., l’Etat
aurait encore un bénéfice considérable, il recevrait, par convoi de 25 wagons,
ayant une charge de 100,000 kil., une somme de 480 fr. pour le trajet de Liège
à Louvain, trajet qui, à moyenne vitesse, s’effectue en quatre heures, et la
dépense, en supposant même qu’elle soit de quinze francs par lieue, chiffre
exagéré, puisqu’elle n’est portée qu’à 12 fr. 79 c. dans le dernier rapport sur
le chemin de fer ; la dépense, dis-je, ne serait que de 240 francs. Il me
semble que l’Etat pourrait fort bien se contenter de ce bénéfice, qui est de
cent pour cent.
Quelques honorables membres de cette chambre sont préoccupés de l’idée
que le chemin de fer doit couvrir ses frais et en outre les intérêts et
l’amortissement des capitaux engagés dans sa construction ; je ne demande pas
mieux, messieurs, que de voir prendre des mesures propres à amener ce résultat,
mais je crois qu’on y parviendra en diminuant le nombre des employés et en
soumettant les dépenses à un contrôle sévère, beaucoup plutôt qu’en ruinant les
houillères de la province de Liége par l’exagération des tarifs.
Un excellent moyen de rendre le chemin de fer plus productif, serait de
fermer les canaux, de forcer le Hainaut à employer, comme nous, la voie du
chemin de fer. Que dirait le Hainaut, si l’on prenait cette mesure ? Il
crierait à l’injustice, il se plaindrait avec raison ; qu’il ne s’étonne donc
pas si nous nous plaignons aussi de ce que l’on veut rendre le chemin de fer
productif à nos dépens, de ce que l’on veut qu’il soit pour nous un mal, alors
qu’il devait être un bienfait.
Vous voyez, messieurs, que tout, l’équité, l’intérêt général et même
l’intérêt du trésor, se réunit pour faire accueillir notre demande ; je ne sais
si le gouvernement est disposé à nous rendre enfin justice, mais nous
réclamerons, nous réclamerons hautement, jusqu’à ce que nous l’ayons obtenue.
Puisque j’ai la parole, je signalerai encore une autre disposition des
tarifs qui me paraît très défectueuse ; on accorde une remise de 20 p. c. en
faveur du transit. Je ne me plains pas de cette faveur accordée au transit, je
ne m’en plaindrais même pas si elle était plus forte. Lorsqu’il a été question
de construire le chemin de fer, nous avons manifesté la prétention de
déposséder
Cette faveur accordée au transit tourne aussi au détriment de notre
industrie ; les produits anglais, exempts des péages de l’Escaut par suite du
rachat que le gouvernement en fait, arrivent ainsi en Allemagne à peu de frais,
et y empêchent peut-être le placement de nos produits. Le fabricant
d’Aix-la-Chapelle ou de Malmedy peut, à l’aide de cette faveur, se procurer les
matières premières à meilleur marché ou, tout au moins, au même prix que celui
de Verviers ou de Stavelot. Il y a certaines matières premières pour lesquelles
le fabricant indigène jouit aussi d’une remise de 20 p. c., et alors la
condition est égale ; mais est-il juste d’offrir, sans compensation aucune, au
tanneur de Malmédy, qui a le marché de l’Allemagne entière, les mêmes avantages
qu’au tanneur de Stavelot, dont les débouchés sont très restreints ? Un
gouvernement sage ne devrait-il pas avoir une règle de conduite plus conforme
aux intérêts du pays ? Chose étrange, messieurs, lorsqu’il s’agit d’opinions
politiques, le gouvernement se montre très sévère envers les étrangers ; il
demande contre eux des lois exceptionnelles, des lois d’expulsion, et lorsqu’il
s’agit d’intérêts matériels, il semble les préférer aux Belges eux-mêmes ! En
vérité, cela ne se conçoit pas.
Je ne terminerai pas sans rappeler à M. le ministre des travaux publics
une promesse qu’il nous a faite depuis longtemps ; un jour les représentants du
district de Liége se sont rendus chez lui pour lui démontrer la nécessité
d’établir, au Haut-Pré, où se trouve le palier intermédiaire des plans
inclinés, une station pour les voyageurs et pour les marchandises ; cette
station ne devait pas occasionner une très forte dépense, puisque le
gouvernement a fait, dès le principe, l’acquisition d’un terrain suffisant, et
elle serait d’une immense utilité, parce qu’une grande partie de la ville de
Liége se trouve à plus d’une lieue de la station des Guillemins
dont elle est en outre séparée par de hautes montagnes ; il serait inconcevable
que, lorsque l’on donne une station à des localités de peu d’importance, on en
refusât une à la moitié d’une ville aussi industrielle et aussi commerçante que
Liége ; se rendant à l’évidence de nos raisons, M. le ministre des travaux
publics nous avait promis d’ordonner sous peu les travaux nécessaires à
l’établissement d’une station au Haut-Pré pour les voyageurs et pour les
marchandises.
Jusqu’à présent on s’est borné a y construire une toute petite salle qui
peut contenir au plus cinq à six personnes ; on y reçoit les voyageurs, mais on
ne fait rien pour les y attirer, on semble, au contraire, tout faire pour
qu’ils n’y viennent pas. La salle d’attente étant fort petite, on court le
risque de ne pouvoir s’y mettre à l’abri de la pluie et du froid, en attendant
l’arrivée ou le départ des convois. Le soir la station est mal éclairée. Elle
ne se trouve pas non plus portée au tableau des stations distribué par le
département des travaux publics, en sorte que beaucoup de voyageurs en ignorent
l’existence : toutes ces circonstances font qu’on n’y voit presque personne, et
qu’il n’y vient ni omnibus ni voiture pour prendre les voyageurs ; M. le
ministre des travaux publics n’a donc tenu que bien faiblement sa promesse en
ce qui concerne les voyageurs. En ce qui concerne les marchandises, il ne l’a
pas tenue du tout, on n’a pas encore, que je sache, commencé au Haut-Pré la
construction de hangars destinés à recevoir les marchandises. Cependant c’est
principalement pour les marchandises qu’il serait nécessaire qu’il y eût une
station au Haut-Pré. Le transport des marchandises
destinées aux personnes de la partie haute de la ville occasionne des frais
énormes et ces frais seraient considérablement diminués si on conduisait (erratum Moniteur belge n°21, du 21 janvier
1843 :) ces marchandises à la station du Haut-Pré, au lieu de les
conduire à celle des Guillemins ; j’adjure M. le ministre des travaux publics
de ne pas oublier sa promesse et de faire le plus tôt possible droit aux
nombreuses réclamations qui lui ont été adressée sur ce point pat un grand
nombre d’habitants et par l’administration communale de la ville de Liége.
M.
Sigart. - Messieurs, j’avais prévu la discussion que vient de soulever
l’honorable préopinant. C’est dans cette prévision et pour abréger nos
discussions que j’avais adressé hier à M. le ministre des travaux publics une
question à laquelle il n’a pas été répondu. Je lui ai demandé quel était le but
de son arrêté du 25 octobre ; s’il était dans son intention de changer les conditions
de concurrence entre les divers bassins houillers. Je prierai M. le ministre de
vouloir répondre immédiatement à cette question ; ce serait un moyen d’abréger
considérablement la discussion.
M. le ministre
des travaux publics (M. Desmaisières) - Je ne crois pas
devoir répondre immédiatement à la question qui m’a été posée par l’honorable
M. Sigart, et en retardant d’y répondre, je crois aller au but que l’honorable
membre désire obtenir par sa motion, et qui est d’abréger la discussion.
M. Lys. - J’ai déjà
attiré l’attention de la chambre et de M. le ministre des travaux publics sur
l’état des travaux du chemin de fer dans la vallée de
M. le ministre, afin d’établir pour le chemin de fer un revenu de dix
millions, compte sur l’ouverture de la station de Verviers, pendant le mois de
mai prochain, et croit arriver à la frontière prussienne, en octobre ; pour
fixer sa dépense à 400 mille fr., il a aussi supposé pareil parcours.
La chambre de commerce et des fabriques de Verviers et le conseil
communal de cette ville, par leur lettre du 3 janvier, dont M. le ministre vous
a parlé hier, se plaignent de la lenteur des travaux, et expriment leurs
craintes de voir M. le ministre dans le cas de ne pouvoir réaliser ses
promesses.
Je crois pouvoir dire dès aujourd’hui, qu’à moins d’une activité tout à
fait extraordinaire, le chemin de fer n’arrivera à Verviers qu’en octobre, et
n’atteindra point cette année la frontière prussienne.
Des difficultés existent entre les entrepreneurs et l’Etat. Ces
difficultés ne se bornent point, comme répond M. le ministre à la section
centrale, à l’affaire soumise aux tribunaux ; ce procès ne concerne que trois
sections et y il en a six, et sur les six sections, les travaux languissent,
par le retard, si je suis bien informé, que met l’administration supérieure à
se prononcer sur certains différends entre le gouvernement et les
entrepreneurs, et à admettre des changements au plan primitif.
Il reste de grands travaux à faire, principalement sur la section de Pépinster à Ensival, où un remblai considérable est
nécessaire.
Quand les ouvrages d’art seront terminés, arrivera la pose des rails
dont personne n’est encore chargé. Le transport du sable, qu’on ne trouve point
en abondance à portée du railway, n’est pas effectué, et pour peu que le temps
soit contraire, que le printemps, souvent pluvieux dans cette vallée, retarde
les travaux, au lieu de les avoir achevés en mai, vous n’en serez pas encore à
la pose des rails.
Il ne faut pas aussi perdre de vue qui ni bâtiments, ni ponts, ni autres
travaux pour les stations ne sont pas encore commencés ; il est même probable
que les plans n’en sont pas arrêtés.
Quant à la section de Verviers à la frontière prussienne, les travaux ne
sont nullement activés, les grands travaux sont arrêtés par suite de
l’indécision de l’administration supérieure, et si je suis bien informé, trois
mois se sont déjà écoulés eu attendant cette décision.
C’est en 1834, messieurs, que l’on a discuté la construction des lignes
du chemin de fer. L’on annonçait alors, que cette voie nouvelle de
communication était destinée à relier Anvers et Ostende à Cologne, et à donner
ainsi un grand développement au commerce du transit.
La ligne d’Anvers à Verviers était donc la ligne principale ; la ligue
fondamentale du système décrété par la loi.
Cependant, au lieu d’exécuter cette ligne principale, le gouvernement a
fait successivement construire divers embranchements, qui sont loin d’avoir le même
degré d’utilité et d’importance que la ligne de l’Escaut au Rhin. Il est
résulté de ce mode d’exécution, diamétralement contraire au vœu de la loi de
1834, que le chemin de fer n’est pas encore construit dans la section de Liège
à la frontière de Prusse, et cette lacune cause un préjudice notable non
seulement à la ville de Verviers, mais encore au pays.
Les nombreuses manufactures du district de Verviers, dit la chambre de
commerce et des fabriques de Verviers, dans sa lettre citée hier par M. le ministre
des travaux publics, sont activées par des machines à vapeur. It faut, pour les
alimenter, une énorme quantité de combustible. Le transport de ces charbons
coûte, par les moyens ordinaires, dix francs par tonneau, au lieu que le chemin
de fer ne demande que 2 fr. 50 pour la même quantité. Or, la ville de Verviers
seule consomme annuellement au moins 50 mille tonneaux de houille, ce qui
occasionne une dépense de 500 mille fr., tandis que, par le chemin de fer, le
transport ne coûterait que 125 mille fr. Ainsi la ville de Verviers parviendra
à réaliser une économie de 375 mille fr. par an, ce qui fait plus de 30 mille
fr. par mois.
Cette seule observation mérite une sérieuse attention, et dans l’intérêt
de la ville de Verviers et dans l’intérêt de l’Etat. Pour l’une l’économie de
375 mille fr., pour l’autre l’entrée dans ses caisses de 125 mille fr.
Ainsi, messieurs, lorsque le chemin de fer sera établi de Liége à
Verviers, la fabrique de draps jouira d’un avantage qui lui permettra de
soutenir la concurrence contre l’étranger. Le bénéfice, à mon avis, ne sera pas
aussi grand que l’annonce la chambre de commerce de Verviers, parce qu’il
faudra ajouter au coût du transport par le chemin de fer, les frais de
chargement à la houillère, le transport jusqu’au chemin de fer, le
transbordement au chemin de fer, le transbordement à l’arrivée et le transport
chez le fabricant.
Nul doute, messieurs, qu’au moment où le chemin de fer sera en activité,
1e prix de transport par la route ordinaire diminuera considérablement, et il
arriverait probablement, si on admettait les calculs de l’honorable comte de
Mérode, que le chemin de fer, en haussant ses prix, perdrait tous ses
transports.
Vous en avez déjà eu la preuve, messieurs, lorsque le gouvernement a
voulu mettre à exécution le tarif augmenté.
D’après l’honorable comte de Mérode, il faudrait un tarif pour chaque
localité, il faudrait faire payer d’après le coût des travaux. il faudrait sans
doute aussi faire payer davantage sur les sections qui ne produiraient pas
assez pour couvrir les frais de construction et d’entretien.
Avec de pareils tarifs, messieurs, vous auriez bientôt rendu votre
chemin de fer peu productif, car il reste bien prouvé aujourd’hui que toute
augmentation sur le tarif des marchandises est nuisible au lieu d’être
avantageuse à l’Etat. Je ne parle point du tort immense que de pareils tarifs
causeraient au commerce et à l’industrie.
L’industrie drapière n’a pas jusqu’à présent réussi à être protégée,
comme elle a droit de l’être contre le commerce étranger. On permet aux draps
étrangers de venir lutter dans le pays, contre les produits de nos fabriques,
et on tarde d’accorder à nos manufactures la protection naturelle à laquelle
elles ont droit ; à savoir la réalisation d’une économie importante sur les frais
de production.
Ce n’est pas la ville de Verviers seule qui souffre de cet état les
choses, mais c’est encore l’Etat. En effet, messieurs, un capital considérable
est engagé dans la construction du chemin de fer de Liége à
Les difficultés qui ont surgi entre le gouvernement et les
entrepreneurs, difficultés qui ont amené la suspension totale des travaux
pendant plusieurs jours auraient dû être prévenus ; il fallait régler les
travaux, et en fixer le prix avant de les laisser commencer. L’administration
supérieure devait procéder à un examen prompt des travaux à faire, des marchés
d’urgence qui lui étaient soumis, sans laisser commencer ces travaux et même
les laisser achever, pendant que les conventions dormaient dans ses cartons.
Loin de moi, messieurs, de désirer qu’il soit accordé aux entrepreneurs
plus qu’il ne leur est dû, mais je ne puis que déplorer les pertes qui
résulteront pour l’Etat. D’un côté, il pourra obtenir une diminution sur le
prix des travaux ; mais, d’un autre côté, l’Etat éprouve une perte considérable
par les intérêts qui courent à sa charge pour le capital engagé dans les
travaux. Je déplore encore une perte que rien ne compense, celle que supporté
l’industrie du district de Verviers.
J’ai reconnu, messieurs, le zèle apporté par M. le ministre des travaux
publics à la reprise des travaux, mais depuis ce temps, ils ne sont pas poussés
avec l’activité désirable, il n’y a qu’un petit nombre d’ouvriers employés ; il
y en a beaucoup moins qu’auparavant ; cependant les ouvriers ne manquent point
et l’intérêt général exige qu’ils soient tous occupés, dans une saison où les
besoins sont plus vifs et plus nombreux ; en réalité, je le dis de nouveau, les
travaux languissent et il est facile de s’en assurer. Pour ne citer qu’un seul
exemple, que l’on examine l’état d’avancement des travaux de la section de
Pepinster à Ensival. On y remarquera un remblai très considérable à terminer.
Ainsi, messieurs, à moins d’avoir recours à des moyens extraordinaires.
à moins que l’on ne pousse les travaux avec une vigueur inaccoutumée, la
promesse de M. le ministre des travaux publies ne se réalisera pas ; or, cet
état de choses va aggraver le préjudice que le pays éprouve déjà ; vous savez,
en effet, messieurs, que la France a supprimé le droit de transit. C’est
évidemment pour attirer chez elle le commerce de transport ; c’est pour tarir
une des sources principales du produit pour notre chemin de fer. La mesure
prise par le gouvernement français, est d’autant plus habile que notre chemin
de fer n’étant pas encore achevé, il peut arriver que l’on s’habitue à faire
par la voie de France les expéditions pour
M. Mast de Vries. - Messieurs,
dans une précédente séance j’ai dit à la chambre qu’une des principales
questions qu’il s’agissait d’examiner dans la question du chemin de fer, c’était
de voir le produit réel, de voir quelle influence il exerçait sur nos finances.
Les tableaux que M. le ministre des travaux publics nous a fait distribuer,
m’ont prouvé que ce que j’avais dit était la vérité. Non pas, messieurs, que le
chemin de fer ait produit tout ce qu’il peut produire, mais au moins il y a une
amélioration notable.
En compulsant ces tableaux, vous remarquerez que la lieue parcourue de
chemin de fera produit pour l’exercice passé 24 fr. 40 et que les frais
d’exploitation ont été de 14 fr. 75 c. ; de manière qu’il en résulte qu’il est
resté un chiffre net de 10 fr. pour couvrir les intérêts. Messieurs, si vous
mettez cet excédant de 10 fr. en comparaison avec ceux des années précédentes,
je dis qu’il est extrêmement satisfaisant. En effet, en 1841, il n’a été que de
6 fr. 74 c. ; en 1840 de 8 fr. 81 ; en 1839 de 6 fr. 72 ; en 1838 de 2 fr. 70 ;
enfin en 1836 de 3 fr. 69. Aujourd’hui, messieurs, nous en sommes venus à avoir
un excédant de 10 fr. par lieue parcourue.
Si maintenant j’applique ce chiffre de 10 fr. au nombre de lieues
parcourues, je vois que le chemin de fer aura réellement produit en 1842, pour
servir d’intérêts des fonds employés à sa construction, une somme d’environ
3,200,000 fr. Je sais parfaitement bien, messieurs, que ce chiffre n’atteint
pas encore la somme que nous avons à payer pour les intérêts des capitaux
employés en outre de ce que nous devons fournir pour l’amortissement. Mais
c’est une très grande amélioration déjà obtenue aujourd’hui, dont il faut en
tenir note.
Le chemin de fer peut-il produire davantage ? Dans mon opinion,
messieurs, oui, il peut produire davantage, et pour obtenir ce résultat, il
faut que M. le ministre ait assez de fermeté, qu’il soit assez pénétré de la
nécessité de retirer des bénéfices des chemins de fer, pour ne pas accorder des
diminutions du prix de transport partout où l’on en demande. Qu’on accorde des
diminutions justes, qu’on fasse droit, par exemple, à la demande faite par
l’honorable M. Lange, qui a cité des chiffres dont j’ai fait la vérification et
que j’ai trouvés exacts sous plusieurs rapport, que l’on satisfasse à de
semblables réclamations, je le veux bien ; mais il y a un moyen de le faire, en
ce qui concerne la demande de M. Lange, sans nuire aux produits du chemin de fer,
et même en augmentant ces produits : c’est d’appliquer les chiffres sur
lesquels M. le ministre a été d’accord avec la commission des tarifs et qui
sont de 20 centimes pour les wagons, de 30 centimes pour les chars-à-bras et de
40 centimes pour les diligences, qu’on applique ces chiffres sur toutes les
lignes, et nulle part on ne voyagera à aussi bon marché qu’en Belgique ; de
cette manière on fera cesser les plaintes du Hainaut sans que les recettes en
souffrent ; les prix seraient bien augmentés quelque peu sur d’autres lignes,
mais cette augmentation serait insensible pour les voyageurs et elle serait
très productive pour le trésor, car en ce qui concerne le chemin de fer, les
moindres choses deviennent un objet majeur et l’application des chiffres de la
commission, que je réclame augmenterait les recettes d’une somme annuelle de
300,000 fr.
J’adjure donc M. le ministre d’appliquer ces chiffres ; la question du
transport des voyageurs est aujourd’hui complètement instruite, il peut se
prononcer en pleine connaissance de cause, et je crois qu’il doit appliquer
uniformément et irrévocablement les chiffres de 20, 30 et 40 centimes, sans
faire aucune distinction entre les différentes lignes, excepté pour les
détours.
Quant à la question du transport des marchandises, je crois qu’elle n’est pas complètement
instruite et elle ne peut l’être avant que nous soyons reliés au chemin de fer
d’Allemagne et au chemin de fer de France ; jusque-là nous ne pourrons que nous
livrer à des tâtonnements, mais, dans cette question même, il faut que le
gouvernement montre de la fermeté. Dans la séance d’hier, j’ai entendu un
honorable député de Verriers dire que le besoin de cinquante mille tonneaux de
houille par an, et que le tonneau paierait 2 francs 50 centimes pour le transport
de Liége à Verviers, de manière que 40 tonneaux paieraient 90 fr. ; mais comme
40 tonneaux forment une charge complète, il y aurait une réduction de 10 p. c.
et le gouvernement recevrait seulement 81 fr. au lieu de 90. Pour transporter
40,000 tonneaux, il faudrait 1,250 voyages complets pour transporter la
quantité nécessaire, qui devront retourner à vide, Verviers ne pouvant fournir
de retour, de manière que le parcours serait doublé et que la distance entre
Liége et Verviers, au lieu d’être de 6 lieues, sera réellement de 12 lieues. Si
maintenant on applique le chiffre qui se trouve dans le rapport du
gouvernement, le chiffre de 14 fr. à ces 12 lieues parcourues, on arrive à une
dépense de 168 fr., pour coût de chaque voyage.
Eh bien, vous venez de voir, messieurs, que le gouvernement recevra de
ce chef 81 fr. Ainsi, messieurs, s’il y a une localité qui puisse se plaindre
du chemin de fer, ce n’est, sans doute pas Verviers. Avec le tarif actuel elle
fera une économie de 350,000 francs par an sur les houilles qu’elle consomme.
Je la félicite de ce résultat, mais pour le lui procurer il faudra que le
gouvernement y mette 150,000 francs de sa poche.
M. de Mérode. - Il n’en
coûte pas tant pour revenir que pour aller.
M. Mast de Vries. - Mais dans
le nombre total des lieues parcourues sur lequel on a fait le calcul, l’on a
compris aussi bien les convois qui circulent à vide que ceux qui sont chargés,
et le chiffre de 14 fr. représente le prix moyen de chaque lieue, soit pour les
convois chargés, soit pour ceux qui ne le sont pas, de sorte que mon calcul
demeure exact.
Je félicite, je le répète, les localités qui peuvent gagner autant sur
le chemin de fer, mais je déplore que le gouvernement doive faire un sacrifice
annuel de 150,000 fr. pur la seule localité dont il s’agit. Je sais que cet
avantage ne profitera pas seulement à quelques industriels, qu’il profitera à
la population tout entière, puisqu’il n’est pas une seule personne qui ne consomme
de la houille, mais en somme, le bénéfice que fera la ville de Verviers est
tellement considérable qu’il dépasse de beaucoup le montant de toutes les
contributions que cette localité est appelée à payer.
L’année dernière l’honorable député auquel je fais allusion nous a
encore entretenus du transport vers Anvers ; je me suis opposé à ce que l’on
réduisît de nouveau le prix du transport de la houille dans cette direction,
parce que je ne vois là qu’un placement et non pas un bénéfice ; une semblable
réduction n’aurait que ce seul résultat que ce serait la province de Liége qui
approvisionnerait nos contrées de combustible, tandis que c’est aujourd’hui le
Hainaut.
Il y a deux ou trois ans, l’honorable député dont il s’agit, disait à M.
le ministre des travaux publics d’alors : Ainsi, M. le ministre, vous avez fait
une grande chose ; vous avez transporté le marché du bassin de Liége à Anvers.
Si cela se fût effectué, messieurs, ç’eût été aux dépens du Hainaut qui, à
juste titre, aurait pu dire : « Vous avez exécuté un acte blâmable, vous
avez avantagé la province de Liége aux dépens de celle du Hainaut.» Que M. le
ministre actuel évite la louange et le blâme.
Mais, messieurs, après avoir, dans mon opinion, défendu le chemin de
fer, après avoir défendu ses produits, je ne veux pas soutenir que par-ci
par-là il n’y ait pas dans une semblable admiration quelques erreurs, qu’il ne
s’y passe pas des choses qui devraient pas exister. J’engage M. le ministre à
porter sérieusement la main sur tous les abus qui peuvent s’être glissés dans
cette administration, et chacun de nous applaudira aux
mesures qu’il emploiera pour les extirper. Je termine en engageant de nouveau
M. le ministre à user de la plus grande fermeté et à fermer l’oreille à toute
demande exagérée de réduction dans les prix de transport. Pour le transport des
marchandises il faut qu’il maintienne comme essai ce qui existe aujourd’hui, il
faut qu’il le maintienne jusqu’à ce que notre chemin de fer soit relié à
l’Allemagne et
M. Dechamps. - Messieurs, il y a quelques années il
fallait presque avoir le courage de son opinion, non pas précisément pour se
poser l’adversaire du chemin de fer, mais pour ne pas partager l’engouement
général dont il était l’objet. Aujourd’hui il faut presque avoir ce même
courage pour résister à l’espèce de découragement qui semble s’être emparé de
la plupart d’entre nous. Alors, messieurs, le chemin de fer devait être une
source de gros revenus pour le trésor public ; il devait figurer comme un article
principal au budget des voies et moyens ; aujourd’hui l’on représente le chemin
de fer comme devant amener notre ruine financière. C’est évidemment tomber
d’une exagération dans une autre.
C’était une erreur de considérer le chemin de fer comme une spéculation
financière ; le but, messieurs, n’était pas celui-là, le but était avant tout
politique et commerciale ; c’était de relier entre elles d’une manière plus
étroite les provinces belges ; c’était servir pour ainsi dire d’anneau, pour
unir les chemins de fer de l’Allemagne et de la France ; c’était surtout de
créer une voie de transit, rivale du Rhin hollandais et nous affranchir ainsi à
tout jamais de
Mais, messieurs, je suis convaincu, pour ma part, que ces sacrifices ne
nous seront pas demandés. Le chemin de fer, incomplet comme il est, est
susceptible, j’en ai la conviction, de couvrir non seulement ses frais
d’entretien, mais même l’intérêt et peut-être l’amortissement du capital
emprunté. Les économies que de plus en plus on apportera dans la construction
et dans l’administration, les perfectionnements que l’expérience fera
introduire de jour en jour dans le mode d’exploitation ; la base normale
qu’après les tâtonnements nécessaires on parviendra à trouver pour asseoir les
tarifs de manière à arriver au maximum des recettes, ces conditions meilleures
suffiront et au-delà pour couvrir le déficit qui semble alarmer quelques-uns
d’entre nous.
L’honorable M. Mast de Vries vient déjà de démontrer qu’il y a
amélioration sensible dans les revenus généraux du chemin de fer ; mais un fait
qui a été signalé prouve dés à présent que l’on ne doit pas trop tôt se
désespérer. Voyez, messieurs, de quelle manière rapide s’est élevé le chiffre
du transport des marchandises, depuis 1837, époque où l’organisation de ce
service a été effectuée. Si la progression continue, comme on doit le croire,
le produit du transit pour des marchandises atteindra bientôt la moitie du
chiffre total des revenus du chemin de fer. Cependant, vous savez, messieurs, que
les recettes résultant du transport des marchandises étaient, il y a quelques
années, comptées pour très peu de chose ; et puis, l’organisation de ce
transport est encore, pour ainsi dire, à l’état d’essai. A peine les lignes qui
doivent relier le chemin de fer aux grands centres de productions
industrielles, Mons, Charleroy et Liége, à peine ces lignes ont-elles été
inaugurées.
Veuillez remarquer, messieurs, que notre chemin de fer ne touche pas
encore à l’Allemagne ; qu’il a atteint inutilement jusqu’ici la France, puisque
les chemins de fer français ne sont pas encore construits ; que la voie
commerciale destinée à ravir au Havre et à Rotterdam une partie du transit vers
l’Allemagne, que cette voie commerciale n’existe pas encore pour nous. Jusqu’à
présent notre chemin de fer est exclusivement belge, il sert jusqu’à présent
uniquement à relier entre eux les chefs-lieux de nos provinces.
Messieurs, qui peut évaluer le nombre de voyageurs que l’Allemagne,
Vous n’avez donc pas jusqu’a présent des données suffisantes pour juger
le chemin de fer ; vous pouvez apprécier ce que le chemin de fer vous coûtera,
mais il vous est impossible d’apprécier ce qu’il pourra produire.
Ce n’est pas, messieurs, que je veuille me faire illusion, et que je ne
m’associe pas jusqu’à un certain degré aux plaintes qu’ont soulevées le luxe
des constructions, le trop nombreux personnel et les abus qui ont été signalés
dans le mode d’exploitation et de comptabilité. Il est évident que notre préoccupation,
à tous, doit être de faire produire an chemin de fer tout ce qu’il peut
produire. Or, je conçois que pour cela la question des économies doit primer
pour ainsi dire toutes les autres.
Mais, pour grossir les produits du chemin de fer, il ne suffit pas
d’opérer des économies dans les dépenses, il faut aussi achever sans retard nos
lignes interrompues, il faut toucher au plus vite au réseau des chemins de fer
de l’Allemagne, il faut donner, en un mot à notre chemin de fer ce caractère
international et commercial qui lui manque encore presque complètement.
Ce caractère international, en ce qui concerne la France, n’existera que
très imparfaitement, si de ce côté le chemin de fer reste ce qu’il est, si on
ne le complète pas.
La grande ligne française est dirigée de Paris vers Lille, où aboutit
aussi une autre ligne importante, celle de Calais. Eh bien, messieurs, les
voyageurs de France et d’Angleterre, en arrivant à Tournay, se trouveront dans
une véritable impasse ; il y aura là solution de continuité ; car il y aurait
dérision, messieurs, à indiquer comme le prolongement de la ligne française
vers Bruxelles et vers l’Allemagne cet immense circuit tout le long de nos
frontières, de Tournay par Mouscron, Courtray, Gand, Termonde et Malines, pour
arriver à la capitale, que l’on aurait l’air de vouloir éviter.
Notre chemin de fer aboutira à
Ainsi, messieurs, si vous voulez faire produire au chemin de fer tout ce
qu’il peut produire, il ne faut pas seulement introduire des économies dans les
dépenses, mais il faut aussi ne pas laisser le chemin de fer interrompu et
inachevé ; il faut lui donner au plus tôt le caractère international qui lui,
manque encore. Or, pour cela, messieurs, deux choses restent à faire et il
faut, d’un côté, atteindre sans délai la frontière prussienne ; il faut, d’un
autre côté, compléter le chemin de fer du Midi, vers Lille et vers Calais. Si
on ne le fait pas, l’administration belge sera convaincue de ne pas avoir été
dirigée, dans la construction du chemin de fer, par une véritable pensée
d’ensemble ; il sera démontré qu’au lieu d’avoir en vue un but général et
élevé, elle n’aura cédé qu’aux exigences des localités qui, tour à tour, ont
élevé la prétention d’être rattachées au chemin de fer.
Pour augmenter l’utilité des chemins de fer et en même temps pour en
augmenter les revenus, il faut dans les directions qui restent à adopter,
consulter plus qu’on ne l’a fait jusqu’à présent, l’intérêt industriel. Une
chose m’a souvent frappé, messieurs, c’est que chez les autres nations on a
commencé par la construction de ce que j’appellerai les chemins de fer
d’utilité spéciale, les chemins de fer d’utilité industrielle en France, le
chemin de fer de Saint-Etienne et celui de Mulhouse ; en Allemagne, les chemins
de fer aboutissant au Rhin ; en Angleterre, le chemin de fer de Liverpool à
Manchester, et tant d’autres que vous connaissez ; chez ces nations on a fini par
ce que je nommerai les chemins de fer de luxe, les chemins de fer servant à
rendre les voyages plus commodes, plus faciles, plus rapides.
En Belgique, le contraire est arrivé : on a commencé par les chemins de fer
de luxe, on a relié entre elles toutes les capitales, toutes les villes un peu
considérables, mais les chemins de fer spécialement industriels, le chemin de
fer d’entre Sambre et Meuse pour la métallurgie, ceux de Jurbise à Tournay et
de Mons à Baumont, pour les houilles du Hainaut,
ceux-là sont encore à construire.
Vous savez, messieurs, que les chemins de fer parallèles aux canaux ne
peuvent prétendue soutenir avec ceux-ci une concurrence sérieuse pour le
transport des produits pondéreux. Nos chemins de fer sont presque tous dans
cette condition : la ligne des Flandres est parallèle à l’Escaut, la ligne
d’Anvers est parallèle au canal de Bruxelles au Rupel, la ligne du Midi se
trouve tracée d’une manière parallèle entre le canal et Antoing et le canal de
Charleroy.
Un seul est dirigé vers l’une de nos grandes voies navigables d’une
manière perpendiculaire, c’est le chemin de fer qui traverse
Eh bien, le chemin de fer d’Ath possède ce caractère d’utilité
industrielle au plus haut degré. Loin d’être parallèle à nos voies navigables,
il sert à relier entre eux, en ligne directe, l’Escaut à Tournay,
Il est clair que ce chemin de fer servira à reconquérir pour les
houillères de Charleroy, le marché important du Tournaisis
et des contrées avoisinantes des Flandres, que la loi de 1831 leur a fait
perdre en faveur des houillères de Condé.
Les fours à chaux de Tournay et les briqueteries des Flandres consomment
près de 100,000 tonneaux de charbon maigre annuellement. Ainsi, il s’agit ici
d’une chose bien sérieuse, il s’agit de rendre à une industrie très souffrante
la prospérité dont elle est privée depuis longtemps.
Vous avez pu voir, d’un autre côté, dans le travail remarquable de M.
Vifquain, que M. l’ingénieur Wellens, rattachant le chemin de fer de Jurbise à
la canalisation de
Or, veuillez remarquer, messieurs, que Mons a besoin de cette nouvelle
voie ; il y a encombrement de bateaux sur le canal d’Antoing ; on y est arrivé,
depuis quelque temps, au maximum de l’éclusage, comme sur le canal de
Charleroy. Cet encombrement augmentera considérablement par suite de
l’achèvement du canal de l’Espierre, dont le mouvement commercial est évalué à
2,000 bateaux annuellement.
Ainsi donc, si le chemin de fer de Jurbise vient se relier à
Je sais que M. le ministre des travaux publics pourra me répondre qu’à
l’égard de ce projet, une décision est intervenue de la part de la chambre ;
qu’un ajournement a été prononcé jusqu’après l’achèvement des lignes décrétées.
Mais, messieurs, je rappellerai au souvenir de M. le ministre que si les voix
ministérielles ne nous avaient pas fait défaut, le chemin le fer de Jurbise
aurait été décrété lors du vote de la dernière loi d’emprunt,
Ce n’est donc pas la majorité de la chambre,
mais le gouvernement lui-même qui a prononcé l’ajournement. Je ne veux pas
faire un texte de récrimination contre le gouvernement ; mais je veux seulement
en conclure que le gouvernement est sûr d’avance de l’assentiment de la
chambre, en hâtant l’emploi des mesures nécessaires pour arriver à la
construction de ce chemin utile à un si haut degré, au point de vue
international comme au point de vue industriel.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs,
avant d’aborder les questions qui ont été traitées jusqu’ici, je crois devoir
quelques mots de réponse à l’orateur qui vient de parler.
Messieurs, il nous a dépeint l’avenir du chemin de fer sous les couleurs
les plus favorables, comme devant faire face au paiement de la rente, et même à
l’amortissement. Dès le début du discours de l’honorable membre, je me suis
aperçu que son intention était de demander la construction du chemin de fer de
Jurbise à Tournay.
Je ne veux pas, pour le moment, contester l’utilité de cette
construction ; mais comme la chambre s’est prononcée à cet égard, et qu’elle a
trouvé bon d’ajourner la discussion de ce projet jusqu’après l’achèvement de
toutes les lignes décrétées, pour être plus certain des grands avantages que
nous devons recueillir des chemins de fer, je crois qu’il convient que la
chambre ne revienne pas sur sa décision. Lorsque les chemins de fer décrétés
seront terminés, nous verrons si le résultat qui nous est annoncé par
l’honorable préopinant s’est réalisé.
Je n’avais nullement l’intention de prendre la parole dans la discussion
du budget des travaux publics.
J’y avais renoncé afin d’abréger une discussion qui aurait dû être
terminée depuis longtemps.
Mais le discours de M. le ministre, du 18, m’impose le devoir de faire
ressortir un vice existant dans le tarif des chemins de fer, qui, si on n’y
remédie, deviendra le chancre rongeur des finances du pays.
Je viens au fait.
Dans la séance du
Par le chemin de fer il ne sera exigé que 2 francs 50 centimes par
tonneau pour transporter la houille de Liége à Verviers. Les cinquante mille
tonneaux seront transportés de Liège à Verviers au moyen de 125 mille francs.
De manière que la ville de Verviers, qui dépense aujourd’hui pour le
transport des houilles, dont elle a besoin, une somme de 500,000 fr.
annuellement, lorsque le chemin de fer sera terminé, aura sa houille rendue de
Liége dans la ville parmi payant la somme de 125,000 fr. pour le transport.
Avantage, 375,000 fr. annuellement, sur le simple transport de la houille.
Ceci prouve que le tarif des péages est par trop bas, et c’est ce qui
explique le déficit du chemin de fer. Si, au lieu de percevoir pour le
transport de la bouille de Liége à Verviers 2 francs 50 cent, l’Etat exigeait 8
francs par tonneau il en résulterait que la construction du chemin de fer
donnerait encore au commerce de Verviers un avantage de cent mille francs
annuellement sur le transport de la houille, et le commerce de Verviers
utilisera le chemin de fer pour le transport d’autres matières qui lui sont
nécessaires pour alimenter ses fabriques, ainsi que pour le transport de ses
fabricats. En adoptant que le tarif actuel soit maintenu, Verviers serait
appelé à jouir annuellement d’un avantage de un million environ, et cela au
détriment du pays tout entier ; si, au contraire, le prix du transport était
porté de 2 fr. 50 par tonneau à 8 fr., Verviers jouirait encore d’un avantage
de 300 mille fr. annuellement.
Tel serait le résultat avantageux pour Verviers de la construction du
chemin de fer, quand même le tarif sur le transport de Liége à Verviers serait
porté de 2 fr. 50 à 8 fr.
Je sais gré à M. le ministre de m’avoir fourni l’occasion de reconnaître
qu’il est possible de tirer un meilleur parti du chemin de fer que celui que
nous en tirons actuellement. En modifiant notre tarif de péage sur les chemins
de fer, nous ne pouvons obtenir que ce grandiose établissement se suffise à
lui-même, pour cela il ne faut que du bon vouloir, et je crois que pour y
parvenir on doit confier le soin de former le tarif à une commission composée
d’hommes désintéressés dans le transport des marchandises.
Animés de l’esprit de l’intérêt général, de la prospérité de l’industrie
et du commerce, en même temps que soucieux des intérêts financiers du pays, ne
perdons pas de vue, messieurs, que la construction des chemins de fer,
lorsqu’ils seront achevés, constituera le pays en déficit d’une rente d’environ
15 millions, tant par les intérêts des capitaux levés que par les réductions
des recettes sur différentes bases, et des dépenses extraordinaires que cette
construction occasionnera, et que l’entretien. Le renouvellement,
l’administration du chemin de fer et autres dépenses, nécessiteront une dépense
de 7 à 8 millions lorsque tout sera terminé, de manière que la dépense à charge
de l’Etat, résultant de la construction du chemin de fer, peut être évaluée de
20 à 25 millions, et que si le tarif actuel est maintenu au taux actuel, nous
aurons annuellement un déficit de 10 millions.
Pour éviter ce déficit, on doit comme je l’ai dit, modifier le tarif du
prix des transports, de manière à laisser un avantage an commerce, en même
temps qu’il produise au trésor la somme nécessaire pour payer la route et
indemniser l’Etat des pertes qu’il éprouve par suite de la construction de
cette route ; en un mot, faire en sorte que le chemin de fer ne soit pas une
charge pour l’Etat.
C’est dans l’espoir que M. le ministre prendra mes observations en mûre
considération, que je voterai le budget. Si j’avais le moindre doute sur ses
intentions, je devrais donner un vote négatif.
J’ai des calculs de nature à prouver ce que j’ai avancé, pour prouver
que l’Etat sera constitué dans une dépense de 15 millions de rente
annuellement, résultat de la construction du chemin de fer, tant par les
intérêts des capitaux levés pour sa construction, que par les pertes que ce
chemin fait éprouver à l’Etat et les dépenses étrangères auxquelles il a donné
lieu.
Je ferais cette démonstration si je ne croyais
que la chambre entière est fatiguée d’entendre parler aussi longuement des
chemins de fer, et si elle ne désirait d’en terminer immédiatement.
M. David. - Avant
d’entrer dans la discussion du chiffre de 5 millions 400 mille francs demandés
pour l’exercice 1843, j’aurai quelques questions à poser à M. le ministre dans l’intérêt
du commerce en général et dans l’intérêt de la province de Liége spécialement.
Je demanderai d’abord si d’ici à la loi sur la prorogation des péages,
M. le ministre ne publiera pas un nouveau tarif dans lequel chacun puisse
trouver, sans être tenu à aucun calcul, le prix des expéditions qu’il veut
confier au chemin de fer, prix qu’il est absolument impossible de deviner
aujourd’hui.
Dans un tarif, surtout dans un tarif du gouvernement, chacun doit y
choisir la catégorie qui lui convient : libre à l’administration de faire
autant de catégories qu’elle le jugera à propos, mais qu’elle en détermine les
prix, clairement, nettement.
Je demanderai à M. le ministre des travaux publics si les essais qu’il a
tentés, en accordant diverses remises, ont abouti à des résultats. Moi je pense
qu’ils n’ont amené aucun changement dans nos exportations par le chemin de fer
?
La question est cependant bien simple : si nous voulons transporter nos
houilles en Hollande, il faut que nous puissions concourir avec les houilles
anglaises et prussiennes.
M. le ministre, à la vérité, dans un dernier arrêté récent, après avoir
apporté une foule de changements successifs à l’arrêté royal du 22 mars 1842,
vient d’accorder une nouvelle remise de 30 p. c. sur les prix de ce tarif, mais
encore une fois, comme dans toutes les remises précédentes, il y a toujours une
malheureuse restriction qui vient en neutraliser l’effet ; et la restriction,
cette fois-ci c’est que pour jouir de la remise, les transports doivent
s’effectuer à une distance d’au moins 20 lieues. Nos exportations par Louvain
ne peuvent donc en jouir.
Une autre remise de 20 p. c. est accordée pour les transports à
l’intérieur du pays ; mais, encore une fois, avec la fatale réserve que ce ne
sera que pour des convois complets et ayant parcouru au moins 20 lieues sur le
chemin de fer.
Nos expéditions sur Waremme, St-Trond, Tirlemont, le Limbourg, Louvain,
ne peuvent donc en retirer aucun fruit. Que M. le ministre veuille donc bien
nous dire quel avantage le pays de Liége peut trouver dans cet arrêté ? Qu’il
consulte ses tableaux de transports à destination, et il reconnaîtra que
l’effet de cet arrêté n’est qu’illusoire. Mais pour Anvers même, si l’on tient
compte de la taxe injuste que l’on fait peser sur tous les produits du bassin
de
Nous avons donc à lutter coutre les dispositions vexatoires des tarifs
du chemin de fer, contre l’abaissement successif des tarifs des canaux.
Nous sommes bien loin, messieurs, de la loi du 1er mai 1834. Alors, les
honorables députés du Hainaut, comprenant qu’une administration intelligente de
ce nouveau moyen de transport amènerait des économies notables de fret, se
contentaient, demandaient comme unique faveur (ce qui d’ailleurs a été inséré
dans la loi) que les péages fussent réduits au taux des péages des chemins de
fer. Aujourd’hui, messieurs, le gouvernement a introduit un autre système pour
l’exploitation du chemin de fer, qui, malheureusement, a été appuyé jusqu’ici
par les honorables députés du Hainaut.
Ce système, messieurs, consiste à tenir les tarifs du chemin de fer le
plus haut possible, surtout pour les marchandises pondéreuses, pour que Liége
ne puisse arriver ni sur le marché de Bruxelles, ni sur celui d’Anvers. Les
députés du Hainaut ont été partisans de ces tarifs, parce qu’eux ont des canaux
construits aux frais de l’Etat, dont nous supportons les charges tout comme
eux, qui leur permettent déjà d’apporter leurs houilles à Bruxelles pour moins
de 5 fr. le tonneau, et chaque jour on abaisse davantage le tarif des canaux.
J’ai compris cette guerre livrée à l’industrie de la province de Liège
au détriment des consommateurs de Bruxelles, d’Anvers, de tout le pays, tant
que nos chemins de fer ne touchaient point à Mons, à Charleroy et aux
charbonnages du Centre ;, mais aujourd’hui que tous sont reliés par le chemin
de fer ou vont l’être prochainement et qu’ils sont à une distance moindre d’une
lieue du point central de Malines, à 5 lieues plus rapprochés de Bruxelles que
nous, et qu’ils ne sont pas spoliés par le parcours d’un plan incliné, sur lequel
une lieue se paie comme trois, j’espère maintenant que, dans un intérêt
général, ils appuieront eux-mêmes les réductions possibles depuis si longtemps,
sur une voie de communication toute économique dont ils sont appelés à profiter
tout autant et plus que nous.
Que l’on ne vienne pas dire « Mais vous vous emparerez, vous arriverez
sur des marchés qui nous appartiennent ;car je demanderai où sont les actes de
concession qui ont vendu les consommateurs d’Anvers, de Bruxelles, etc. Je
demanderai où sont les concessions qui nous ont défendu de venir concourir sur
tous les marchés du pays, lorsque nous ne réclamons aucun privilège. Mais non,
de semblables objections ne sont plus à craindre de la part de nos honorables
collègues du Hainaut : ils se souviendront que naguère encore, nous avons
appuyé, nous avons voté avec eux l’abaissement des péages sur leurs canaux. Je
ne parlerai pas du rachat du canal de Charleroy et de
Messieurs, sur un chemin de fer comme le nôtre, construit de manière à
ce que nos convois de marchandises puissent remorquer 100 tonneaux de charge
utile, à raison de 12 fr., de 10 fr. par lieue, ce qui ne donne en dépense que
12 à 10 centimes par tonne et par lieue, comment peut-on donc hésiter un instant
à ne pas se contenter de 25 centimes pour prix de ce transport, c’est-à-dire de
plus de cent pour cent en sus de la dépense ? surtout lorsque l’on impose à
l’expéditeur l’obligation rigoureuse de fournir à l’administration la charge de
convois complets ; surtout lorsque la configuration si heureuse de notre sol,
permet par le transport de nos houilles en descente, la remonte de marchandises
arrivées dans nos ports de mer, et destinées à la consommation intérieure et au
transit.
Je prierai donc M. le ministre des travaux publics de faire aussi
l’essai d’accorder la remise de 30 p, c. pour les marchandises pondéreuses de
la première catégorie, aussi bien pour l’intérieur que pour l’exportation. par
convois complets, ce qui est déjà une restriction très rigoureuse pour
l’expéditeur, mais sans stipulation de distance obligée. Je prédis à l’avance à
M. le ministre que, s’il entre franchement dans ce système, il aura bientôt
d’heureux résultats a nous signaler.
Quant à l’arrêté qui accorde 20 ou 30 p. c. de remise pour l’intérieur
ou l’exportation, par convois complets, mais avec l’obligation d’un parcours de
20 lieues, il n’est absolument d’aucun effet pour la province de Liége. Nous ne
pouvons évidemment en jouir pour nos transports vers Waremme, Landen, St.-Trond,
Tirlemont, Louvain, ni même pour Malines, ni pour l’intérieur, ni pour
l’exportation, et quant à Anvers, dont nous sommes par le chemin de fer à peu
près à la même distance que les houillères du Hainaut, l’aggravation du tarif
sur le plan incliné, celle du parcours des houillères à la station de départ,
et pour plusieurs d’entr’elles le passage de
Je m’associe donc bien volontiers à la demande de l’honorable M. Sigart
pour savoir au profit de qui cet arrêté a pu être pris ? Pour mon compte, je
crois qu’il nous est tout à fait défavorable.
A Louvain seul, la concurrence
par chemin de fer paraissait impossible entre Liége et le Hainaut, puisque
Liége ne se trouve qu’à 14 lieues de Louvain, tandis que Mons, Charleroy et le
Centre en sont distants, en moyenne, de 20 à 22 lieues.
D’après le nouvel arrêté, Liége ne jouissant pas de la remise de 30 p.
c., la taxe de Liége à Louvain, y compris le plan incliné, est de 7 fr. 20. Le
transport des houillères du bassin de
Pour le Hainaut, le prix de 21 lieues de parcours, sur le chemin de fer,
est de 10 fr. 58 ; il faut déduire les 30 p. c. de remise pour l’exportation,
soit 3 fr. 15. Reste pour péage du railway, 7 fr. 35. Et y ajoutant dans ces
localités pour transport des houillères au chemin de fer 50 c, par tonneau, le
prix du transport du tonneau reviendra à Louvain à 7 fr. 85.
Par conséquent 83 c. en faveur du Hainaut sur Liége.
Vous voyez donc, messieurs, que l’arrêté qui accorde les 30 p. c. de
remise est, à cause de la distance obligatoire de 20 lieues, tout à fait
défavorable à Liége. Cet arrêté détruit, si je puis m’exprimer ainsi, les
distances réelles au détriment de la province de Liége.
Abordant le chiffre de 5 millions 400,000 fr. demandé pour
l’exploitation du chemin de fer en 1843, je dirai, messieurs, que nous n’avons
d’autre donnée pour en faire l’appréciation que, le nombre de lieues présumées
à parcourir pendant cet exercice. J’ai donné le tableau (puisque l’on se
refusait à le fournir) du nombre de convois devant circuler en moyenne sur
chacune des sections, tant pour celles déjà livrées à la circulation que pour
celles à ouvrir pendant la durée de l’année.
Le résultat de mon tableau, que je persiste à dire exact, qui pourrait
même ne pêcher que par l’exagération, donne, pour les sections exploitées
depuis le 1er janvier jusqu’au 31 décembre, 287,620 lieues.
Pour celles à ouvrir pendant l’année, 28,600 lieues
Ensemble, 316,220 lieues.
Enfin j’ajoutais pour imprévu ou extraordinaire. 13,780 lieues
Total, 330,000 lieues.
M. le ministre a hier contesté le premier chiffre de 287,620 et a dit
qu’il devait être porté 318,000.
Et quant au second, celui pour les sections à ouvrir, il n’a fait
d’autre objection sinon que pour le parcours des convois entre Liége et
Verviers, le nombre des trajets devait être de 8 par jour au lieu de 5. Cela
augmenterait le nombre de lieues portées par mois de ce chef de 3,600 lieues ;
d’où pour les sections à ouvrir, 32,200 lieues.
Total d’après M. Desmaisières, 350,208 lieues.
D’où différence entre nos calculs de 20,300 lieues.
Cette différence est peu sensible lorsqu’il ne s’agit de part et d’autre
que d’évaluations. Les miennes sont expliquées par le nombre de convois,
section par section. L’évaluation de M. Desmaisières au contraire n’est que
globale, et je prie chacun de vous, messieurs pour sa localité, de signaler si
le nombre de convois que j’ai porté vous paraît n’être pas suffisant. Je le
répète, la seule objection qui m’ait été faite par M. le ministre n’a concerné
que la section de Liége, à Verviers. pour laquelle j’avais porté cinq trajets
en moyenne par jour pour 8 mois d’exploitation. On m’a dit qu’il en faudrait
huit. J’en suis charmé, et je désire que cette prévision se réalise, car elle
est en faveur de ma localité, et je serai l’un des premiers à en profiter.
Mais, messieurs, l’expérience vous a appris que, quand une section s’ouvre, le
service ne s’y établit que petit à petit et très partiellement. Je souhaite que
la route de
Quant aux 287,620 lieues de parcours sur les sections à exploiter
pendant toute l’année, je désirerais que M. le ministre voulût bien m’indiquer,
comme il l’a fait pour la section de Liége à Verviers, quelles sont les autres
sections sur lesquelles le nombre de convois serait insuffisant, et de combien
il devrait être augmenté par section.
Pour couper court à toute discussion sur le nombre de lieues, j’adopte
le chiffre de l’honorable M. Desmaisières, soit 350,000 lieues.
Appliquant à ce chiffre le coût par lieue de convoi de 12 fr. 79 donné par
M. Desmaisières dans son compte rendu du 2 juin 1842, page LXXXVII ; d’où pour
les 350,000 lieues : 3,576,500 ; au lieu de 5,400,000. Différence à rabattre :
1,800,000 fr.
Mais, quand, il y a quelques jours, je citais ce chiffre de 12-
Eh bien, j’ai tourné la page, et j’ai effectivement trouvé un autre
chiffre pour le coût par lieue de 1844, qui est de 14-75. Je ne l’ignorais
point, puisqu’il se trouvait indiqué au tableau n° 27, pages 146, dans le plus
grand détail ; mais M. le ministre a eu soin de nous démontrer, dans la page
qu’il m’invitait à lire, pourquoi ce chiffre de 14-75 était plus élevé que
celui de 12-79 de la page précédente.
Il dit : « Le tableau n° 27 fait voir clairement que, si la dépense
moyenne, par lieue, a été plus élevée en 1841 qu’en 1840, cela tient uniquement
à l’augmentation des dépenses de factage et de camionnage, résultant de
l’introduction, pendant l’année 1841, du système de camionnage des grosses
marchandises, du 10 avril 1841. » Devons-nous donc, je vous le demande,
messieurs, adopter le chiffre de 14-75 qui, d’après l’aveu de M. Desmaisières,
n’est dû qu’au système de camionnage obligatoire des grosses marchandises à
domicile, qu’il a voulu faire disparaître à toute force ? Devons-nous
enfin conserver la dépense de ce service, tout en privant le commerce des
avantages qu’il lui offrait ? Il est réellement inexplicable qu’en présence des
deux pages citées de ce mémoire, M. Desmaisières s’obstine à vouloir maintenir
comme chiffre normal du coût par lieue, 14-75, chiffre qu’il avoue comprendre
toutes les dépenses du camionnage obligatoire des grasses marchandises, et qui
renferme en outre toutes les dépenses onéreuses du camionnage entre Ans et
Liége. Il est donc de la dernière évidence pour tous les yeux que le chiffre de
12-79 est incontestable.
Je dirai plus, c’est que je ne conçois pas que M. Desmaisières, ayant pu
acquérir par l’examen du compte rendu du chemin de fer de Paris à Versailles,
la certitude que le coût du convoi par lieue sur ce chemin de fer ne s’est
élevé qu’à 11 fr., il n’ait pas cherché à se faire rendre compte de la manière
la plus détaillée et la plus positive, comment sur notre railway, ce coût
pouvait aller à fr. 12-79, alors que le coak coûte
aux Français 3 fois autant qu’aux Belges ; alors que nos fers sont à plus bas
prix, etc., etc.
Mais, messieurs, ce n’est point fr. 12-79 le prix actuel de la lieue de
parcours en Belgique ; il est certainement aujourd’hui plutôt au-dessous
qu’au-dessus de 10 francs, comme vous l’a dit l’honorable M. Rogier. En effet,, combien ne devrions-nous pas rabattre de la dépense de
1842 si elle nous était connue, si on nous en avait fait connaître le
détail ? D’abord sur le coak, la consommation
devait en diminuer d’une tiers environ par l’emploi de la locomotive Cabry et cette dépense, messieurs, s’élevait de 8 à 900,000
francs. Sur ce seul article, voilà une diminution de 250 à 300,000 fr. Dans
cette économie n’est pas comprise, la diminution du prix du charbon, qui peut
se prendre aujourd’hui au carreau des houillères à Liège a Mons, etc.
Citerai-je aussi la diminution du prix d achat de toute espèce de matériel, de
métaux, etc. ?
Il est évident pour moi, messieurs, que le chiffre de 3,500,fr. suffirait amplement, si l’on voulait exploiter avec
économie, en comptant 10 francs par lieue. J’accorderais même volontiers à ce
taux un parcours de 1,000 lieues par jour, soit 365,000 lieues, ou 5 convois
par jour dans les 2 sens pour les 102 lieues de chemin de fer à exploiter en
1843.
Cependant, prenant en considération diverses dépenses extraordinaires
qui peuvent être nécessitées dans les premiers moments d’exploitation sur des
sections nouvelles, et aussi l’espoir que je conserve de voir donner plus
d’extension au transport des marchandises, par l’adoption d’un tarif plus
libéral et régulier, je vous proposerai, messieurs, d’accorder le chiffre de
4,200,000 fr.
Je ne terminerai pas sans signaler à M. le ministre des travaux publics
un fait de la plus haute gravité, qui m’a été révélé par une personne digne de
foi. Cette personne a eu occasion de parcourir souvent la section de Termonde à
Gand, elle est experte en matière de chemin de fer. C’est qu’elle a vu de ses
propres yeux enlever et rebuter un grand nombre de rails qui étaient aussi bons
que neufs, par cela seul qu’on voulait remplacer les rails subondulés
par les rails parallèles de nouveau modèle. M. le ministre doit bien prendre
garde que, sous le prétexte de la sûreté des voyageurs, on n’ait en vue que de
favoriser certains établissements de fournitures considérables. S’il s’agissait
de construire aujourd’hui toutes nos lignes, à coup sûr, je serais le premier à
adopter le modèle des rails parallèles, mais ce ne peut être une raison de
remplacer en masses les rails subondulés quand ils
sont encore bons.
M. le président. - Voici un
amendement déposé par M. David :
« Je propose de réduire le chiffre de 5,400,000 fr. demandé par M. le
ministre pour la dépense du chemin de fer, exercice 1840 à la somme de
4,200,000 fr. »
- Cet amendement sera imprimé et distribué.
M. Rodenbach. - Je demande que l’on
mette à l’ordre du jour le projet de loi relatif à la répression de la fraude,
ainsi que le projet de loi concernant les droits de sortie,
M. le ministre des finances
(M. Smits) - Je ne m’oppose pas à ce que le projet de loi relatif à la répression
de la fraude en matière de douanes, soit mis à l’ordre du jour après le vote du
budget des travaux publics, on pourrait ensuite s’occuper du projet de loi sur
les droits de sortie.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb). - On pourrait aussi s’occuper du projet de loi
relatif aux constructions navales. Ce projet de loi ne tiendra pas longtemps la
chambre.
- La chambre décide que le projet de loi sur la répression de la fraude
sera mise à l’ordre du jour ; elle se réserve de statuer ultérieurement sur la
mise à l’ordre du jour des autres projets de loi dont on a demandé la
discussion.
La séance est levée à 4 heures et demie.