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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du vendredi 23
décembre 1842
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre, notamment pétitions relatives aux droits
d’entrée sur les osiers étrangers (Henot) et aux droits
de sortie sur les os (Dumortier)
2)
Rapports sur une pétition relative au canal de la Campine
3)
Projet de loi portant le budget du département des travaux
publics pour l’exercice 1843 (Fleussu)
4)
Projet de loi relatif au contingent de l’armée pour l’année 1843. Loi sur la
milice ((+garde civique) de Garcia, de
Liem)
5)
Demande en naturalisation
6)
Projet de loi ouvrant un crédit provisoire au département de la
guerre pour l’exercice 1843. Organisation de l’armée (Cogels,
Osy, de Liem, Osy,
Brabant)
7) Projet de loi
autorisant des transferts au budget du ministère de la guerre pour l’exercice
1842
8) Projet de loi sur
les sucres. Amendements du gouvernement (Mercier, Smits, Mast de Vries, Eloy
de Burdinne, d’Huart, Cogels)
9) Projet de loi portant le budget du département
des finances pour l’exercice 1843.
(a) Discussion générale. Comptabilité publique et
cour des comptes, contribution personnelle, conversion des emprunts publics,
caisse d’amortissement des emprunts, octrois communaux (Angillis),
droits d’entrée et tarifs douaniers (Eloy de Burdinne),
abus de l’administration fiscale (de Garcia),
conversion des emprunts publics (Cogels), dette
flottante (Delfosse), impôt sur le tabac (d’Huart), tarifs douaniers (Eloy de
Burdinne), impôt sur le tabac (Mercier, Desmet, d’Huart), impôt sur le
tabac, comptabilité publique, abus de l’administration fiscale, droits d’entrée
et tarifs douaniers, caisse d’amortissement des emprunts (Smits),
abus de l’administration fiscale, impôt sur le tabac (de
Garcia), abus de l’administration fiscale (Osy, Smits, Mercier)
(b) Discussion des articles. Traitements des fonctionnaires
supérieurs et des receveurs ruraux (Verhaegen, Smits, Osy, Mercier)
(10) Projet de loi portant le budget du département
des travaux publics pour l’exercice 1843 (Rogier, Desmaisières)
(Moniteur belge n°358, du 24 décembre 1842)
(Présidence
de M. Raikem)
M. de Renesse fait
l’appel nominal à 1 heure et quart.
M. Scheyven donne
lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse présente
l’analyse des pièces adressées à la chambre :
« Des propriétaires et cultivateurs de bois
d’osier réclament un droit d’entrée sur les osiers étrangers et sur les rotins
des Indes. »
M. Henot. - Le rapport
de la section centrale chargée de l’examen du projet de loi relatif aux droits
d’entrée ayant été présenté, je demande le dépôt de cette pétition sur le
bureau pendant la discussion du projet.
- Cette
proposition est adoptée.
______________________
« La
chambre de commerce et des fabriques d’Anvers présente des observations contre
la majoration des droits d’entrée sur les tabacs exotiques. »
- Même
décision.
______________________
« Le
sieur Vandenbossche propose des modifications au projet de loi sur le canal de
la Campine. »
- Dépôt
sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
« Les
marchands d’os de Tournay présentent des observations sur le projet de loi
relatif à la sortie des os. »
M. Dumortier. -
Messieurs, la pétition dont il s’agit est relative à un objet qui est aussi
compris dans le projet de loi relatif aux droits de sortie, dont le rapport
vous a été fait hier.
Toutefois
il me semble qu’il serait convenable qu’un rapport fût fait sur cette pétition
ainsi que sur les autres qui sont relatives aux droits de sortie ; je demande
donc que ces pétitions soient renvoyées à la section centrale qui a été chargée
de l’examen du projet et qui les examinerait comme commission spéciale, pour
nous présenter son rapport avant la discussion du projet.
- La
proposition de M. Dumortier est adoptée.
RAPPORTS SUR DES
PÉTITIONS
M. Liedts. -
Messieurs, vous avez renvoyé à la section centrale chargée de l’examen du budget
des travaux publics une pétition du conseil communal de Turnhout, par laquelle
il présente des observations sur la loi du 29 septembre dernier, et sur le
projet relatif à la canalisation de la Campine.
Cette
pétition, messieurs, aurait été plus convenablement renvoyée à la section
centrale chargée de l’examen du projet de loi sur la canalisation de la
Campine. Mais cette section ayant terminé ses travaux, nous nous en sommes
occupés.
Dans
cette pétition, le conseil communal de Turnhout expose que si le projet qui
vous est soumis sur la canalisation de la Campine reçoit son exécution, tel
qu’il est formulé le canal ne sera d’aucune utilité pour la Campine anversoise,
de telle sorte que le but de la législature, prétend-on, ne serait pas atteint.
Il demande que tout au moins le canal ait un embranchement vers Turnhout.
La
section centrale vous propose le dépôt de la pétition sur le bureau pendant la
discussion du projet de loi sur le canal de la Campine et l’envoi d’une copie
de cette même pétition à M. le ministre des travaux publics.
- Ces
conclusions sont adoptées.
M. Liedts. - J’ai
également l’honneur de déposer sur le bureau le rapport sur le budget des
travaux publics.
- Ce
rapport sera imprimé et distribué.
M. Fleussu. - Je
ferai la proposition que ce rapport soit envoyé à domicile. Chacun pourra
l’examiner chez soi ; ce sera un temps utile pour les travaux de la chambre.
M. Liedts. - Je ne
vois pas d’inconvénient à ce que le rapport soit envoyé à domicile ; je dois
toutefois prévenir la chambre que l’impression durera quelque temps ; et que
dès lors l’envoi ne pourra se faire que quelques jours avant la rentrée.
- Le
rapport sera envoyé à domicile.
Discussion générale
M. le président. - La
discussion générale est ouverte.
M. de Garcia. -
Messieurs, la loi du contingent est la base de l’armée. La loi qui vous est
soumise présente, selon moi, beaucoup de vices ; elle est mauvaise, et je dirai
plus, elle est intolérable ; soit qu’on la considère sous le point de vue des
charges pécuniaires ou des charges en hommes, soit qu’on la considère sous le
point de vue de constituer une bonne armée, je dis que cette loi ne remplit pas
son but.
La loi du
contingent, messieurs, exige une levée de 80,000 hommes. On me dira que c’est
pour les cas de guerre ; mais je réponds à cela que la levée de 80,000 hommes a
toujours lieu, et que si vous n’avez pas 80,000 hommes sous les armes, vous les
avez sur les contrôles ; ce sont 80,000 hommes arrachés à l’industrie, à
l’agriculture, à leur famille pendant huit années.
Quant à
moi, je crois que le contingent de 80,000 hommes est trop élevé eu égard à
l’étendue du pays et à sa position particulière et spéciale de neutralité ; je
voudrais qu’il ne fût que de 60,000 hommes ; 30,000 en temps de paix, 60,000 en
temps de guerre. Je voudrais, si ces 60,000 hommes ne suffisaient pour les
temps de guerre, je voudrais que l’organisation d’une bonne garde civique
complétât notre système de défenses.
Messieurs,
il est facile de critiquer ; mais je ne me bornerai pas à critiquer,
j’indiquerai les moyens qu’il y aurait d’atteindre le but que je propose.
Je veux
une bonne armée ; je veux une armée bien disciplinée, habituée à l’exercice des
armes, une armée qui, dans l’occasion, soit propre à rendre des services à
l’Etat. Ce n’est pas le nombre qu’il faut pour obtenir ce résultat, c’est la
qualité.
Eh bien !
messieurs, pour avoir une bonne armée, il faudrait que
le temps du service fût plus long qu’il n’est ; il ne faudrait pas appeler tant
d’hommes sous les drapeaux et les y tenir plus longtemps. Je voudrais que le
service de l’armée fût de douze ans ; que pendant les cinq premières années,
les miliciens n’obtinssent pas de congé, qu’ils fussent appelés à un service
réel, effectif et permanent.
On
m’observera peut-être que ce système contiendrait quelque chose de plus dur et
de plus onéreux que ce qui existe aujourd’hui. Cette objection, au point de vue
de la longueur du service, est vraie, mais ne l’est pas au point de vue général.
Je crois, quant à moi, qu’il soulagerait beaucoup nos populations. Par mon
système, quelle serait la levée annuelle ? Elle ne serait que de cinq mille
hommes, au lieu d’être de dix, et les douze années de service correspondraient
à un contingent général de 60,000 hommes.
On
réduirait ainsi de moitié le contingent actuel de l’armée. Les cinq premières
années, les miliciens resteraient continuellement sous les armes ; vous auriez
ainsi 25 à 30,000 hommes, nombre que la législature a considéré comme nécessaire
en temps de paix. Après les cinq premières années, je les renverrais chez eux
et ils ne pourraient être rappelés qu’en cas de guerre. Des hommes, messieurs,
qui ont été cinq années sous les drapeaux n’oublient pas le service, et le jour
où vous les appellerez pour défendre la patrie, vous les trouverez avec toutes
les qualités et la vigueur qu’exige un bon soldat. Il ne faut pas le perdre de
vue, la défense de notre nationalité consistera surtout dans la garde de nos
citadelles et de nos places fortes ; notre système de neutralité, autant que la
position du pays et la force des choses ne comportent pas d’autre idée que
celle-là.
C’est par
le même motif que je propose d’organiser une bonne garde civique. Quoiqu’on
nous en ait dit, je crois que, pour la défense des places fortes, une garde
citoyenne rendrait au jour du danger des services éminents à la nation. Je sais
que pour la plaine, la garde civique n’est pas propre, mais l’expérience m’a
appris que pour la défense des places et des villes elle est excellente. En
1814, n’avons-nous pas vu la garde nationale à Metz, à Verdun, à Valenciennes,
à Cambrai, à Givet, soutenir des sièges presque seule contre l’ennemi, et
résister victorieusement ?
Avec ce
système, messieurs vous auriez une armée qui atteindrait son but, c’est-à-dire
que vous auriez des soldats, Avec le système actuel, qu’avez-vous ? Vous avez
80,000 hommes qui figurent sur les contrôles da l’armée, mais réellement vous
n’avez pas d’armée, vous n’avez pas de soldats. Vous n’avez pas de soldats,
parce que vos levées font continuellement la navette, passent du drapeau au
foyer et du foyer au drapeau. Avec le système actuel, je le dis ouvertement,
vous n’avez ni bons soldats ni bons citoyens.
Ou me
dira peut-être que l’on fait un soldat en quinze ou dix-huit mois. Moi je dis
que l’on fait sur ce temps un homme qui sait l’exercice, mais qu’on ne fait pas
un soldat. Il faut que le soldat soit habitué à la caserne, au camp, à la vie
milliaire. Si dans ma manière de voir, il faut que l’état militaire soit une
carrière, aujourd’hui ce n’est qu’une impasse qui paralyse pour un temps plus
ou moins long partie de nos populations.
En
résultat, qu’arrive-t-il avec ce passage continuel des drapeaux au foyer
domestique ? Il arrive que la corruption se répand dans
nos campagnes. Je ne veux pas me donner ici comme un moraliste par excellence ;
mais je constate un fait et tous les gens qui habitent comme moi la campagne en
reconnaîtront l’exactitude.
Ces
considérations seront peut-être regardées comme déplacées, parce qu’elles
devraient venir lors de la discussion du budget de la guerre. Mais je ne les
considère pas comme telles, parce que pour moi le contingent de l’armée est la
base de son organisation ; et c’est de ce point qu’il faut partir pour
organiser.
D’après ces considérations, je demanderai à M. le ministre de la guerre
s’il a l’intention d’introduire u» système nouveau dans le contingent de
l’armée. S’il n’a pas de projet à cet égard, je déclare que je devrai
m’abstenir dans le vote du projet en discussion, parce que, selon moi, la loi
du contingent, telle qu’elle nous est présentée, est une loi vicieuse, mauvaise
et intolérable.
M. le ministre de la guerre (M. de Liem) -
Messieurs, la proposition de l’honorable M. de Garcia de porter à douze au lieu
de huit, le nombre d’années de service de nos miliciens serait sans contredit
très avantageuse pour l’armée. Mais il faut observer que la conscription est un
des impôts des plus pénibles et qu’ils le deviendraient probablement encore davantage
par l’adoption de la mesure dont il est question.
D’un
autre côté, notre système de recrutement, quoique vicieux, combiné avec
l’organisation que je me propose d’établir dans l’armée, permettrait de retenir
les miliciens sous les drapeaux pendant deux ans au moins pour l’infanterie, et
pendant trois et quatre ans pour la cavalerie, et les armes spéciales, ce qui
me paraît à la rigueur, suffisant.
La
question du recrutement est du reste une des plus importantes de celles qui
concernent l’organisation de l’armée ; je pense donc que les observations de
l’honorable M. de Garcia méritent d’être mûrement examinées.
-
Personne ne réclamant plus la parole, on passe aux articles.
Vote des articles et
de l’ensemble du projet
La chambre
adopte sans discussion les trois articles composant le projet dans les termes
suivants :
« Art.
1er. Le contingent de l’armée pour 1843 est fixé au maximum de quatre-vingt
mille hommes. »
« Art.
2. Le contingent de la levée de 1843 est fixé à un maximum de dix mille hommes,
qui sont mis à la disposition du gouvernement. »
« Art.
3. La présente loi sera obligatoire le 1er janvier 1843.»
Il est
procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble du projet, qui est adopté à
l’unanimité, par les 59 membres, qui ont pris part au vote. Un membre (M. de
Garcia) s’est abstenu.
Ont voté
l’adoption : MM. Angillis, Brabant, de La Coste, Cogels, Cools, de Baillet, de
Behr, de Florisone, Delfosse, de Meer de Moorsel, de Mérode, Demonceau, de Nef,
de Potter, de Renesse, de Roo, Desmet, de Terbecq, de Villegas, d’Huart, Dubus
(aîné), Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Henot,
Hye-Hoys, Huveners, Jadot, Jonet, Kervyn, Lange, Lebeau, Lejeune, Lys, Malou,
Manilius, Mast de Vries, Mercier, Osy, Peeters, Pirmez, Raymaeckers, Rodenbach,
Scheyven, Sigart, Smits, Thienpont, Trentesaux Troye, Van Cutsem, Vandensteen,
Vanderbelen, Van Volxem, Verhaegen, Vilain XIIII, Zoude et Raikem.
M. de Garcia. - Je motive
mon abstention par les considérations que j’ai eu l’honneur de présenter à la
chambre.
DEMANDE EN
NATURALISATION
M. Lejeune présente
un rapport sur une demande en naturalisation.
- La
chambre ordonne l’impression de ce rapport.
Discussion générale
M. le président. -
L’ordre du jour appelle maintenant la discussion du projet de loi, tendant à
accorder au département de la guerre un crédit provisoire de 4,000,000 de francs, applicables au paiement, d’une partie
des dépenses comprises au budget de 1843.
M. Cogels. -
Messieurs, nous n’avons encore jamais pu parvenir à voter le budget de la
guerre avant le 1er janvier ; constamment, la chambre a été obligée d’accorder
des crédits provisoires. Cela démontre de plus en plus la nécessité qu’il y a,
ou bien de changer l’année financière, ou bien de voter deux budgets en une
seule session.
Je crois,
messieurs, que la Belgique est le seul pays où les choses se passent de cette
manière ; en France, on va présenter les budgets de 1844 ; en Hollande, on
vient de présenter le budget de 1844 et 1845 ; en Angleterre, on discutera
également sous peu le budget de 1844 ; nous sommes la seule nation chez
laquelle on soit obligé de voter les budgets des recettes et des dépenses dans
les six semaines qui précèdent l’exercice auquel ils s’appliquent.
Voilà, messieurs, les seules observations que j’ai à faire. Je sens du
reste la nécessité de voter le crédit provisoire dont il s’agit en ce moment,
et je ne m’y opposerai pas.
M. Osy. -
Messieurs, je regrette également que nous soyons tous les ans obligés de voter
des crédits provisoires. Dans la section dont je faisais partie, l’on a cru ne
devoir accorder, cette année, qu’un crédit global, parce que la section désire
que conformément au n°10 de l’art. 139 de la constitution, on nous présente un
projet de loi sur l’organisation de l’armée. Il me semble que depuis le traité de paix adopté en 1839, le ministère de la guerre aurait pu
s’occuper de cet objet. Je demanderai à M. le ministre si d’ici à la rentrée de
la chambre, il ne pourrait pas préparer un projet sur la matière, d’après lequel
on pourrait ensuite arrêter le budget. MM. de Brouckere et Evain avaient
présenté, dès 1833, un budget qui ne s’élevait qu’à 25 millions de francs,
tandis qu’aujourd’hui l’on vous propose encore un budget de 29 millions et
demi. Je crois que si nous votions un projet de loi sur l’organisation de
l’armée, nous pourrions réduire considérablement ce chiffre.
M. le ministre de la guerre (M. de Liem) - Je ne sais
pas, messieurs, jusqu’à quel point l’honorable M, Osy entend pousser les choses
lorsqu’il parle d’un projet de loi sur l’organisation générale de l’armée.
C’est là un point trop grave pour qu’un semblable projet puisse être présenté
prochainement. La question devrait être très mûrement examinée, car, si je
comprends bien l’honorable membre, il s’agirait d’un projet de loi comprenant
un état numérique et détaillé de tous les corps de l’armée.
La législature vote annuellement le contingent de l’armée. Le contingent
avait été fixé à 110,000 hommes, depuis peu d’années on l’a réduit à 80,000
hommes. Or, si vous aviez fixé à priori l’organisation de l’armée, comme semble
l’entendre l’honorable préopinant, cette organisation aurait dû changer chaque
fois que l’effectif a été changé. Eh bien vous comprendrez, messieurs, qu’il
est impossible de former les cadres de manière qu’ils puissent se prêter à ces
variations.
M. Osy. - Je
persiste à croire, messieurs, que surtout depuis que nous sommes en paix avec
la Hollande, on ne peut plus tarder à faire une loi sur l’organisation de
l’armée. C’est là du reste, je le répète, une prescription de la constitution.
Ce qui concerne l’avancement de la mise à la retraite à été réglé, mais rien
n’a été fait pour l’organisation de l’armée, si ce n’est par des arrêtés
royaux. L’année dernière, par exemple, un arrêté royal a
créé un quatrième régiment d’artillerie ; c’est ainsi que tous les ans on opère
des innovations dont il résulte généralement des dépenses nouvelles. Je demande
si l’on ne peut pas nous présenter à notre rentrée un projet de loi sur
l’organisation définitive de l’armée, on propose au moins un semblable projet
dans le cours de la session. Lorsque nous aurons voté une loi sur cette matière,
l’organisation de l’armée ne sera plus modifiée à tout moment, il y aura des
principes fixes, il y aura une base d’après laquelle nous pourrons arrêter le
budget. Je le répète, les projets de budgets qui ont été présentés il y a dix
ans prouvent que nous pourrions aisément économiser 4 à 5 millions sur les
dépenses du département de la guerre.
M. Brabant. -
Messieurs, la question de droit qui vient d’être soulevée par l’honorable
député d’Anvers sera, je pense, traitée dans le rapport de la section centrale
sur le budget de celte année. Quant à moi, je suis persuadé que nous
manquerions à un devoir constitutionnel, si nous tardions davantage à nous
occuper d’une loi sur l’organisation de l’armée, La confection d’une semblable
loi nous est prescrite par l’article 139 de la constitution. On peut différer
sur le sens que la constitution attache aux mots « Organisation de l’armée » ;
pour ma part je pense que la constitution entend par ces expressions la
distribution de toutes les forces du pays entre les différentes armes et la
formation des différents cadres de l’armée. Lorsque nous en serons arrivés là,
l’armée jouira d’une sécurité qui lui manque aujourd’hui ; elle ne verra plus
tous les ans, à l’occasion du budget, son existence remise en question.
Je pense,
messieurs, que notre armée est organisée d’une matière beaucoup trop
somptueuse, même pour le cas de guerre, et, quant à moi, tous mes efforts
tendront à amener une meilleure organisation. Toutefois je pense que nous ne
devons pas nous appesantir sur cette question, à propos du crédit dont nous
nous occupons ; la seule chose que je crois devoir faire, c’est de recommander
à M. le ministre d’user du crédit avec la plus grande sobriété, car il n’est
pas probable qu’il obtienne sou budget tel qu’il l’a présenté.
-
Personne ne demandant plus la parole sur l’ensemble du projet, la chambre passe
à la discussion des articles.
Vote sur les
articles et sur l’ensemble du projet
« Art.
1er. Il est ouvert au ministère de la guerre un crédit provisoire de 4 millions
de francs, applicable au paiement d’une partie des dépenses comprises au budget
de 1843. »
« Art. 2.
La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. »
- Ces
deux articles sont successivement adoptés.
Il est
procédé à l’appel nominal pour le vote sur l’ensemble du projet de loi.
Le projet
est adopté à l’unanimité des 61 membres qui ont répondu à l’appel nominal. Il
sera transmis au sénat.
PROJET DE LOI
AUTORISANT DES TRANSFERTS AU BUDGET DU MINISTÈRE DE LA GUERRE POUR L’EXERCICE
1842
-
Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, on passe aux
articles.
« Art.
1er. Sur les sommes qui resteront disponibles au budget des dépenses de la
guerre, pour l’exercice 1842, celles ci-après désignées, montant ensemble à
deux cent six mille neuf cents francs.
« Savoir
:
« Soldes et masses,
« Sur
le chap. II, sect. 2, art. 1er, solde d’infanterie : fr. 54,000
« Sur
le chap. II, sect. 3, art. 2, masse des fourrages : fr. 150,000
« Ecole militaire,
« Sur
le chap. IV, art. 1er, traitement et indemnité de l’état-major : fr.
1,777
« Sur
le chap. IV, art. 2, traitement des professeurs : fr. 663
« Sur
le chap. IV, art. 4, dépenses d’administration : fr. 460
« Ensemble
: fr. 206,900,
« Sont
transférées au budget susmentionné, ainsi qu’il suit, savoir :
« Au
chap. II, section 3, art. 1er, masse de pain : fr. 150,000
« Au
chap. IV, école militaire, art. 3, solde des élèves : fr. 2,900
« Au
chap. IV, traitements divers, art. 1er, non-activité, réforme, etc. : fr. 54,000
« Total,
fr. 206,900 »
« Art.
2. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. »
Ces deux
articles sont successivement adoptés sans discussion.
Il est
procédé à l’appel nominal pour le vote sur l’ensemble du projet de loi.
Il est adopté
à l’unanimité des 63 membres qui ont répondu à l’appel nominal. Il sera
transmis au sénat.
Amendements du
gouvernement
M. le ministre des finances (M. Smits) dépose un
rapport et divers amendements qui se rattachent au projet de loi sur les
sucres.
- La
chambre ordonne l’impression et la distribution du rapport et des amendements.
M. Mercier. - Je demande
que le rapport et le projet que vient de déposer M. le ministre des finances
soient imprimés immédiatement et envoyés à tous les membres de la chambre
pendant notre ajournement.
Je ferai
remarquer que le nouveau projet, présenté par M. le ministre des finances, est
conçu dans un système qui n’a rien de commun avec le système du projet
primitif. Je pense que dès lors il aurait été plus régulier de retirer ce
dernier projet par arrêté royal, et de ne soumettre qu’un projet seul aux
délibérations de la chambre. Nous aurons, du reste, à examiner si les
amendements déposés par M. le ministre des finances doivent être renvoyés à la
section centrale ou aux sections. Quant à moi, je pense que le renvoi à la
section centrale ne suffirait pas, et que toutes les sections doivent prendre
connaissance des nouvelles dispositions qui, je le répète, n’ont rien de commun
avec le projet primitif du gouvernement.
Du reste, il y a lieu d’attendre, pour nous arrêter sur ce point, que
nous ayons pris connaissance du nouveau travail du gouvernement.
M. le ministre des finances (M. Smits) -
Messieurs, je laisse entièrement à l’appréciation de la chambre s’il convient
de renvoyer le rapport et les amendements que je viens de présenter soit à la
section centrale, soit aux sections. Mais je déclare que le gouvernement
maintient son projet primitif. Les nouvelles propositions que j’ai faites ne
sont que subsidiaires, pour le cas où la chambre n’adopterait pas le projet
primitif. Vous savez, messieurs, sous quelle préoccupation j’ai présenté ce
dernier projet ; je l’ai déclaré tout à l’heure ; le projet de loi présenté par
le gouvernement, sur les sucrés, tendait à assurer immédiatement au trésor
public une augmentation de revenus de 2 millions, avec la prévision de 4
millions dans un avenir plus ou moins rapproché.
Le projet de la section centrale qui anéantit positivement, à notre
avis, le commerce de sucre de canne, n’est destiné qu’à rapporter 3 millions au
trésor dans l’hypothèse de la conservation de ce commerce. Or, toutes les
opinions qui se sont fait jour dans cette chambre lors de la discussion du
budget des voies et moyens, tendaient à assurer au trésor public une ressource
immédiate de 4 millions. C’est sous la préoccupation de ces opinions que nous
avons cru devoir déposer le nouveau projet, qui n’est, je le répète, que tout à
fait subsidiaire au projet primitif.
M. Mast de Vries. -
Messieurs, alors qu’il s’agit d’une question aussi importante que celle des
sucres, il me paraît que le nouveau projet doit être renvoyé aux sections. Les
membres de la section centrale du projet primitif ayant des idées arrêtées, des
idées fixes sur la question des sucres, n’auraient peut-être pas les lumières
nécessaires pour examiner la nouvelle proposition qui est tout-à-fait
différente de l’ancien projet.
Je
demanderai que la nouvelle proposition soit renvoyée aux sections.
M. le président. - J’ai
à faire deux observations. D’abord, ne conviendrait-il pas de ne statuer sur le
renvoi soit aux sections, soit à la section centrale, qu’après l’impression et
la distribution des pièces ? (Oui ! oui !)
En second lieu M. Mercier a exprimé le désir qu’on envoie lés pièces à
domicile. Je ferai observer que cela dépendra principalement du temps que
demandera l’impression.
M.
Eloy de Burdinne. - Messieurs, il est étonnant qu’un membre
de cette chambre vienne prétendre qu’une section centrale a des idées fixes. Je
crois que tous tant que nous sommes ici, nous n’avons qu’un but : Le bien-être
général ; et certainement, la section centrale qui a été chargée d’examiner le
projet de loi sur les sucres, n’a pas d’idées arrêtées ; si elle a une idée
arrêtée, c’est celle de produire des ressources, comme moyen d’éviter les
centimes additionnels. Je regrette que l’honorable préopinant ait prononcé les
paroles que j’ai cru devoir relever.
M. d’Huart. - J’ai
demandé la parole pour faire remarquer qu’on ne pouvait pas prendre, quant à
présent, de décision sur le renvoi en sections, Attendons que le rapport ait
été imprimé et envoyé à domicile ; quand nous aurons les pièces sous les yeux,
nous verrons si le nouveau système présenté par M. le ministre diffère assez du
projet primitif pour nécessiter un renvoi aux sections. Si nous pouvons à notre
rentrée aborder immédiatement la discussion sur les sucres avec les pièces que
nous aurons, nous devrons le faire, puisque c’est là une des ressources dont
nous avons besoin. Je demande donc qu’on se borne pour le moment à ordonner
l’impression et l’envoi à domicile du rapport qui vient d’être fait. Je suppose
que l’impression exige huit jours, il nous restera encore huit jours pour
l’examiner avant notre retour.
M. Cogels. -
J’avais demandé la parole pour faire la même observation que M. d’Huart.
- La
chambre ordonne l’impression du rapport de M. le ministre des finances et la
distribution à domicile, si l’impression peut avoir lieu assez tôt.
Discussion générale
M. Angillis. -
Messieurs, le département des finances, le plus important de toutes les
branches de l’administration publique, exige, par son importance même, un
examen plus approfondi. Quant à moi, je m’occuperai peu du budget, mais
j’examinerai quelques questions très importantes qui se rattachent au budget,
et je commencerai à vous faire remarquer, messieurs qu’après douze années d’existence
comme nation indépendante, la partie la plus essentielle de ce département
n’est pas encore organisée. Cette partie importante, messieurs, c’est la
comptabilité nationale. Cette comptabilité est encore régie par un règlement du
26 octobre 1824, mis en exécution le 1er janvier suivant. Ce recueil, qui
contient 454 articles, est un véritable grimoire financier, conçu et rédigé
dans la seule pensée, l’unique but de cacher aux yeux des représentants de la
nation le maniement des deniers publics. Un règlement de cette espèce peut
convenir peut-être à quelques individus, mais ne peut nullement convenir à nos
principes constitutionnels. J’ai même, aux états généraux, soutenu que ce
règlement était illégal, mais on me répondit que l’art. 61 de la loi fondamentale
accordait au roi la direction suprême des finances, qu’il peut, en vertu de
cette disposition, régler le mode de la comptabilité nationale ; et quoique
cette assertion fût très contestable au moins elle reposait sur quelque chose,
mais il est en ce moment impossible de soutenir la légalité d’un arrêté mis en
exécution d’une loi fondamentale qui n’existe plus pour la Belgique. C’est ce
mauvais système de comptabilité nationale qui donne naissance à cette nombreuse
correspondance entre les départements ministériels et la cour des comptes, et
aux plaintes que cette cour renouvelle dans toutes ses observations sur les
comptes du trésor. En effet, cette cour se plaint, et avec raison, qu’elle est
privée de la plupart des documents élémentaires de la comptabilité, et réduit à
l’impuissance de contrôler exactement les faits consignés dans les comptes.
D’après
les règles d’une bonne comptabilité, l’examen du compte du trésor se divise en
trois parties, savoir : 1° le compte matériel, qui consiste en la vérification
des sommes perçues et payées, c’est-à-dire un travail purement matériel ; en
d’autres termes une vérification des chiffres. C’est là ce qu’on appelle un
compte de caisse ;
2° Le
compte légal. Dans cet examen on doit s’assurer que les dépenses ont été régulièrement
ordonnancées et réellement faites. Cette double preuve résulte de la
comparaison des comptes avec le budget, et l’examen des pièces comptables qu’on
a dû retirer des parties prenantes.
Tous
paiements généralement quelconques doivent nécessairement être soumis à
l’examen, la liquidation et l’enregistrement de la cour des comptes avant
d’être reconnus dépenses de l’Etat. La cour doit donc examiner la nature des
recettes en présence des lois qui les ont établies, et la nature des dépenses
en présence des crédits qui ont été ouverts. En un mot, le compte légal doit
prouver qu’on a eu droit et qualité de tirer mandat et d’ordonner la dépense.
Nous
avons, en troisième lieu, le compte moral. Le compte moral, messieurs, consiste
à s’assurer que les adjudications ont été faites avec publicité et concurrence,
et avec toutes les formalités propres à augmenter le nombre des chances
favorables an trésor. En thèse générale, le mode d’adjudication avec publicité
et concurrence est la règle ; les marchés à main ferme ne sont que les
exceptions ; on doit donc examiner si, en s’écartant de la règle, l’exception
peut être justifiée par des circonstances particulières, s’il y a eu des motifs
valables pour agir ainsi.
Ceci, messieurs,
n’est qu’un exemple que j’ai choisi parmi plusieurs autres, pour faire mieux
comprendre ma pensée.
Tels
sont, messieurs, les devoirs de ceux que la loi a institués pour examiner et
vérifier les comptes de l’Etat, et leurs pouvoirs doivent être aussi étendus
que leurs devoirs ; ils doivent donc, et par une conséquence très logique, être
mis à même de pouvoir examiner toutes les pièces qui tendent à établir la
recette et la dépense.
C’est de
l’absence de toutes ces règles que la cour des comptes consigne dans tous ses
cahiers d’observations des plaintes nombreuses et fondées.
Les
principes que je viens d’expliquer sont établis par l’article 116 de la
constitution et par l’art. 3 de la loi du 30 décembre 1830.
Vous
voyez donc, messieurs, que la comptabilité nationale est un objet dé la plus
haute importance. Cette loi, si elle développe bien les véritables principes
sur la matière si elle fait pénétrer la lumière dans tous les rouages de son
mécanisme, depuis le vote de l’impôt jusqu’à l’assiette et au recouvrement du
droit du trésor, si elle réussit à créer un système d’écritures qui permet de
vérifier chaque jour l’état du trésor, et suivre jusque dans ses moindres
détails, le mouvement des fonds, et que les dépenses soient soumises à un
examen dont la rigueur ne laisse échapper aucune irrégularité ; cette loi,
dis-je, ainsi rédigée, sera un des plus précieux monuments de notre
organisation administrative.
Les
progrès de cette importante réforme seront parfois difficiles et ne peuvent
être que graduels, comme le sont toujours les travaux dont le but, à la fois
grand et utile, ne peut être atteint qu’ave le secours de l’observation et de
l’expérience. Les règles d’ordre et d’amélioration seront successivement
consacrées par des délibérations législatives, et perfectionnées dans leur
application par l’administration et la cour des comptes.
Avant de
finir cet article, je dois dire encore que tout budget doit donner lieu à deux
comptes, savoir : le compte de gestion qui doit comprendre toutes les
opérations qui ont été faites pendant le courant d’une année, et le compte de
l’exercice qui doit récapituler tous les comptes de gestion d’un seul budget
pendant la durée d’un exercice. Malheureusement l’exercice a encore une durée
de trois années ; ce délai est évidemment trop long, et, s’il est impossible de
clore un exercice avec l’année de gestion, il est conforme aux règles d’une
bonne comptabilité de ne pas aller au-delà de deux ans, et s’il restait, à la
fin de la deuxième année, des opérations non terminées, dont le nombre ne sera
jamais considérable on les reporte pour ordre au budget de l’année suivante.
J’insiste
donc sur ces deux points importants ; 1° compte annuel de gestion, parce que
c’est beaucoup simplifier un exercice, que de le diviser par années d’opérations
et que l’absence d’un pareil compte jetterait la perturbation dans la
comptabilité, et 2° clôture de l’exercice au bout de deux ans, parce qu’il a de
grands inconvénients à laisser durer un exercice trop longtemps, et que
d’ailleurs il n’y a aucun motif quelconque pour aller au-delà de deux ans.
Dans une
précédente discussion, plusieurs orateurs ont beaucoup insisté sur la nécessité
d’une révision de plusieurs de nos impôts directs, quelques-uns mêmes ont
discuté sur la nature et la convenance des impôts à établir. A l’occasion de la
discussion générale du budget des finances, je pense qu’il ne serait pas
inopportun de jeter un coup d’œil rapide sur les plus importants de nos impôts
directs.
L’impôt
foncier est le seul qui repose sur une base certaine, juste et équitable,
l’égalité proportionnelle. Sans doute, les opérations cadastrales soulèvent
encore des plaintes, mais ces plaintes, inséparables de toute institution
humaine, feront songer aux remèdes, et ces remèdes consistent dans une bonne révision
du cadastre. Cette révision, lorsqu’elle sera bien conduite, comme il faut
l’espérer, amènera des résultats heureux, et alors chacun sentira qu’il paie
l’impôt dans une juste proportion de son revenu net, et les plaintes cesseront.
La
contribution personnelle, d’après six bases qui ne tiennent pas essentiellement
à la personne, est une idée nouvelle qu’une loi rendue sous un autre régime a
fait clore ; on fait payer une rétribution combinée par telle personne, d’après
son habitation, d’après les ouvertures de cette habitation, taxant séparément
le droit de s’y chauffer, évaluant sa fortune d’après les meubles à son usage,
prélevant encore une taxe, si elle se sert de domestiques ou de chevaux.
Ceux-ci sont soumis à la contribution, dont ils forment exclusivement la
sixième base : Ainsi, il y a habitation, jours, feux, meubles, domestiques
chevaux, réunis et combinés pour établir la contribution de la personne à
taxer. Le plus ou le moins de jour que l’habitant fait pratiquer dans sa
demeure est productif au trésor ; c’est bien là imposer l’air qu’il respire. La
garantie de l’intempérie du climat, en consommant un combustible, est encore
une action soumise au fisc, qui ne connaît même de saisons. Les domestiques ne
sont pas soumis à patente pour leur profession : c’est le maître qui la solde
et qui en est responsable ; eux ne sont comptés que comme objets dépendants et
imposables. Il n’en est pas de même des chevaux, qui sont frappés d’une
rétribution spéciale ; voilà le système tout entier. Toutes ces taxes,
messieurs, moins pesantes peut-être pour les fortunes considérables, sont
accablantes pour les fortunes médiocres.
En
résumé, messieurs, la contribution personnelle, avec ses combinaisons variées,
ne remplit nullement la condition principale de toute imposition directe, celle
de proportionner les taxes aux facultés réelles des redevables. Aussi cette
loi, que j’ai combattue de toute l’énergie de mon âme et avec tous les moyens
de mon intelligence, a provoqué et provoque encore des plaintes incessantes.
Patentes.
L’équité veut que le droit de patente soit en quelque rapport avec le produit
que les professions patentées assurent pour parvenir à ce but, la redevance
doit être combinée, proportionnellement, variable selon les lieux, les temps et
les personnes.
Les
auteurs de la loi actuelle n’ont pas assez réfléchi à la grande quantité de
patentables des dernières classes, assujettis à une somme qui nous paraît
modique, mais qui souvent est insupportable pour artisans des campagnes, dont
l’industrie est une partie de l’année, inactive. C’est pour l’industrie, si
utile, si nécessaire, si peu avancée dans nos campagnes que je réclamerai des
exemptions, parce que, quelle que soit l’échelle de gradation que l’on
établira, il n’y a que l’exemption qui puisse être équitable envers les
malheureux ; je réclamerai une base plus équitable, une classification mieux
appropriée à chaque profession et un droit modique pour toutes les professions
qui sont utiles à la société ; je voudrais enfin que la loi fût basée sur ce principe,
protection à l’industrie, prélèvement modéré sur ses bénéfices.
Messieurs,
plusieurs des lois fiscales qui ont été tendues sous le précédent gouvernement,
et qui sont demeurées en vigueur en Belgique, sont d’une élasticité effrayante
et d’une obscurité calculée ; la triste preuve en est que, presque tous les
procès sont fondés sur le sens des lois, entendues différemment par les agents
du fisc, les plaideurs et les juges. Au reste, on ne doit pas oublier que,
quelque système d’impôt qu’adopte une nation, elle est dans l’obligation de
répartir les charges publiques proportionnellement aux facultés des citoyens.
Ainsi donc, parce que les contributions paraissent supportables à chacun pour
qu’on se fasse un devoir de les acquitter aussi exactement que possible,, il faut qu’elles soient assises sur chacun dans une juste
proportion avec ses facultés, et relativement à celle des autres citoyens. Sans
cette condition, qui doit être la base de tout impôt direct, les contributions
publiques paraîtront toujours vexatoires ; et elles le seront en effet pour
ceux des citoyens qui sont blessés par l’inégalité dans la répartition.
Je
finirai ici ma revue de nos impôts directs. J’ai bien d’autres observations à
faire, et notamment sur l’enregistrement, mais elles trouveront leur place à
l’occasion d’une autre discussion.
Je
reviens à d’autres questions financières qui ont été soulevées dans la
discussion des budgets des voies et moyens et de la dette publique.
L’honorable
comte Meeus a indiqué comme devant procurer des avantages au pays, la
conversion de notre premier emprunt, c’est-à-dire l’emprunt que nous avons dû
contracter dans nos mauvais jours, et où nous avons dû subir la loi du grand
banquier. Eh bien, messieurs, je partage complètement l’opinion émise par cet
honorable collègue. Depuis longtemps j’ai fait un examen approfondi de cette
question, j’ai interrogé sévèrement le pour et le contre, j’ai trouvé,
conformément à mes désirs, qu’il n’y a dans cette idée aucune illusion, aucune
mesure impolitique. Il n’y a, selon moi, aucune opportunité pour faire la
conversion ; au contraire, je pense, et cette pensée est une conviction pour
moi, que nous devons, dans l’intérêt du pays, nous débarrasser de ce lourd
fardeau dans le moindre délai possible. Une fois le principe arrêté, la mesure
s’exécutera au moment où elle sera exécutable. Car, lorsque le gouvernement
sera autorisé à faire la conversion, il choisira le moment favorable, et cette
grande opération conduite avec sagesse et graduellement, procurera de grands avantages
au pays.
Eu
Angleterre on a fait quatre opérations de réduction de la dette publique depuis
1822 ; deux d’entre elles embrassaient chacune une somme de trois et demi à
quatre milliards ! et le pays en a considérablement
profité.
On a dit
dans le temps que le contrat s’y opposait. Mais, messieurs, tout le monde n’est
pas d’accord sur cette question : d’ailleurs, il y a dans un contrat, non
seulement ce qui est écrit, mais ce qui y est compris, ce qui est entendu et
sous-entendu. Les conventions tacites n’ont pas moins de valeur que les
stipulations écrites ; au contraire elles sont plus sacrées parce qu’elles
n’ont que la bonne foi pour garant ; or il est toujours entendu que le terme
fixé pour le remboursement est considéré comme le maximum ; mais il est
sous-entendu parce qu’il est de principe que, lorsque la dépression des fonds
consolidés, ou d’autres causes favorables, peuvent hâter l’époque fixée pour le
remboursement, les créanciers n’y peuvent porter aucun obstacle. C’est là
l’opinion des plus fameux financiers de l’Angleterre.
Je pense
donc que l’idée émise par l’honorable M. Meeus doit être prise en sérieuse
considération et qu’elle mérite l’attention de chambre et du gouvernement.
Mon
honorable ami, M. le baron Osy, lors de la discussion du budget et de la dette
publique, a démontré la nécessité d’instituer une commission chargée de
surveiller les opérations de la caisse d’amortissement. L’opinion de mon
honorable ami a été combattue, mais je dois avouer que les motifs qui ont été
allégués ne m’ont point convaincu, et je dois déclarer qu’en ce moment cette
commission sera très utile, et dans quelque temps la nécessité en sera reconnue
par tout le monde. Je vais, messieurs, en peu de mots, faire connaître
l’utilité et la nécessité d’une caisse d’amortissement, et puis la chambre
jugera si cette caisse ne doit pas être surveillée par une commission spéciale.
L’utilité
d’un fonds d’amortissement ne saurait être contestée comme moyen de crédit, ni
comme moyen de libération ou de réduction des dettes publiques. Les secours du
crédit sont trop nécessaires dans tous les temps pour qu’il ne soit pas
indispensable d’en conserver l’usage et d’en prévenir, à l’aide d’une réserve
prévoyante et constamment affectée à en soutenir le poids et en arrêter la croissance
excessive. Une libération complète n’est ni désirable ni possible ; Elle serait
même une fausse combinaison dans un bon système de finances, comme devant
entraîner l’émigration d’une grande partie des capitaux ; mais renoncer
volontairement à tout moyen de soutenir la valeur des effets publics et de
réduire la dette par le rachat ou par le remboursement, ce serait préparer pour
l’avenir de graves embarras, parce qu’il n’est pas toujours possible de
s’arrêter dans les voies des emprunts.
Des
considérations de haute politique viendraient encore à l’appui des paroles d’un
ministre français que je viens de citer littéralement.
D’un
autre côté, messieurs, toutes les questions qui se rapportent à la théorie de
l’amortissement sont très compliquées de leur nature, alors même que la dette
publique consiste en rentes fondées à un seul intérêt. Mais lorsqu’une dette
nationale est constituée, comme la nôtre, à des taux d’intérêts différents,
alors ces questions se compliquent de mille circonstances diverses. Car il faut
comparer les divers taux d’émission de ces fonds, leurs prix respectifs de
rachat, les taux correspondants de leur valeur vénale, la force de l’effet de
l’amortissement et s’attacher enfin à d’autres considérations qui embrassent à
la fois le passé, le présent et l’avenir.
On sent,
messieurs que l’amortissement de la dette publique est l’opération la plus
importante de toutes les opérations financières ; pour opérer dans l’intérêt du
pays, il faut réunir des connaissances financières et mathématiques et ne
laisser échapper aucune occasion favorable. Cette seule considération devrait
suffire pour justifier l’opinion de M. Osy ; mas il en est bien d’autres
encore, que nous exposerons et développerons en temps et lieux.
Mon
intention, messieurs, n’est pas d’entamer une discussion sur un objet qui n’est
pas en délibération, j’ai seulement voulu prendre acte de ce que je partage
l’opinion de l’honorable M. Osy.
Je dois
encore appeler l’attention du gouvernement sur un objet qui n’est pas sans
importance, je veux parler de certaines taxes locales.
Quand une
taxe est établie au profit de l’Etat sur une matière d’un usage général, le
tarif doit être calculé de telle sorte qu’elle n’excède nulle part les limites auxquelles
elle peut être portée sans nuire essentiellement à la consommation, et par
conséquent à la production. Mais si des taxes locales sont tolérées ensuite sut
la même matière, l’équilibre est aussitôt dérangé et toutes les combinaisons
fiscales. Car en vain dirait-on que ce sont les consommateurs qui s’imposent
volontairement : il ne s’agit pas seulement de mesurer les charges des
contribuables, il s’agit aussi de défendre les intérêts du producteur et de
mettre le revenu public hors de toute atteinte. Or, ces sortes de taxes
peuvent, dans certaines localités devenir prohibitives. Ou tout au moins
repousser un objet recueilli au loin au profit d’une production analogue de la
localité. Dans ce cas, les octrois, en circonscrivant en quelque façon les limites
de la consommation, peuvent dégénérer en une sorte de ligne de douanes
intérieures, au grand préjudice de la richesse publique et de l’impôt.
Il semble
donc permis de poser en principe qu’un objet de consommation soumis à l’impôt
indirect au profit de l’Etat, ne peut être taxé au profit des villes que dans
des proportions sagement établies par une loi ; et si, en thèse générale,
l’impôt de l’Etat n’est pas absolument exclusif de l’impôt local, du moins
est-il vrai de dire qu’il appartient à la loi de régler la proportion qui doit
exister sur le même objet entre l’impôt de l’Etat et celui des villes.
Jusqu’à
présent, je n’ai encore rien dit du budget considéré isolément, pour la raison
que l’on n’examine pas un budget seulement par ce qu’il contient, mais encore
sous le rapport de tous les objets qui dépendent du département dont il porte
le nom. C’est ainsi messieurs, que je comprends une discussion générale : il ne
subit pas de blâmer, de critiquer, mais il faut donner l’explication des motifs
de son jugement. Il faut faire connaître au gouvernement, au pays, les mesures
à prendre, et indiquer les moyens pour atteindre le but : à la vérité, cette
tâche est souvent difficile, mais en revanche elle pourrait
faire quelque bien. J’engage donc mes honorables collègues à suivre la route
que je viens de tracer, à compléter, améliorer, perfectionner mes idées. De
cette manière une discussion générale serait instructive et substantielle.
Quant aux chiffres du budget, je m’en rapporte aux observations contenues dans
le rapport de la section centrale, et je finirai pat une observation que j’ai
souvent répétée, c’est qu’après avoir épuisé toutes les ressources de l’esprit
et tous les artifices financiers pour soutenir l’édifice de notre crédit, il
nous faut de toute nécessité revenir à cet axiome du bon sens, qui veut que
l’on fasse descendre ses dépenses au niveau de ses recettes, lorsqu’il n’est
pas possible d’élever ses recettes naturelles au niveau de ses dépenses.
M. Eloy de Burdinne. - La
chambre devant se séparer prochainement, je n’abuserai pas de ses moments. Je
débuterai par appeler l’attention du gouvernement et particulièrement de M. le
ministre des finances, sur une chose réclamée plusieurs fois et qui l’est
encore dans le rapport de la section centrale, je veux parler d’une loi de
comptabilité.
J’appellerai
également l’attention de M. le ministre des finances sur la nécessité où nous
nous trouvons de créer des ressources au trésor. Ce n’est pas au moyen de
centimes additionnels qui, vous le savez, sont repoussés par la majorité de la
chambre, je dirai par la presqu’unanimité, que nous devons vous les procurer.
Vous le savez comme moi, il ne faut pas être grand financier pour se créer des
ressources au moyen de centimes additionnels au principal des contributions. Il
y a un moyen qui ne peut pas manquer de fournir des ressources au trésor, c’est
d’imposer les produits étrangers qu’on importe chez nous.
On pourra
me faire remarquer que j’ai fait cette observation différentes fois, mais je la
répéterai tant qu’à la fin, j’espère, je serai compris. Comme je l’ai dit dans
une précédente séance, les droits d’entrée sont payés par celui qui importe, de
manière que nos droits de douane qui ne donnent au trésor que dix millions, pourraient
être portés en recettes et produire 30 millions. On me dira : prenez-y-garde,
en frappant d’impôts trop élevés les produits étrangers, vous favorisez la
fraude. Eh bien, pour éviter cette fraude, non pas complètement, car ce serait
une illusion que de croire qu’on puisse complètement l’empêcher, mais pour la
diminuer considérablement et augmenter vos ressources d’environ 18 à 19
millions, dépensez un ou deux millions de plus pour renforcer votre douane et
il vous restera net, de l’augmentation de droit, une somme de 16 à 18 millions.
Vous le
savez, nous sommes vraiment en progrès quand il s’agit de faire des dépenses ;
mais nous sommes singulièrement rétrogrades quand il s’agit des moyens de nous
procurer des ressources. Je sais qu’en frappant d’impôts plus élevés les
produits étrangers, nous blesserons certains intérêts. Chaque fois que vous
voulez toucher aux droits de douane, on vient vous dire : prenez garde, vous
allez nuire à la navigation, au commerce ; vous allez nuire à telle industrie
ou à telle autre ; mais si nous nous arrêtons devant ces intérêts particuliers,
jamais nous ne parviendrons à établir le système financier que réclame
cependant notre budget des dépenses. Laissons donc de côté ces intérêts
particuliers et ne voyons que l’intérêt général ; c’est le seul but qui doit
nous guider.
Messieurs,
j’appellerai aussi l’attention, non seulement du ministre des finances, mais de
ses collègues et de la chambre sur la nécessité de réduire nos dépenses. Elles
sont trop exorbitantes et principalement celles qui sont faites en vue de
favoriser l’industrie et le commerce du pays. L’industrie et le commerce ont
toutes mes sympathies, mais je voudrais trouver pour les favoriser des moyens
qui donnassent des résultats. Si vous compulsez les budgets attentivement, vous
verrez que nous dépensons cinq à six millions par an sans compter les dépenses
du chemin de fer qui sont faites aussi dans l’intérêt du chemin de fer, et que
jusqu’à présent ces dépenses sont restées sans résultat. Accordons protection au
commerce, mais en faisant en sorte de lui assurer la consommation intérieure.
En faisant cela, nous lui rendrons un véritable service, tandis que les primes
d’exportation que nous accordons n’aboutissent à rien, puisque nous ne trouvons
pas moyen de placer nos fabricats à l’étranger. C’est une utopie de croire que
nous parviendrons, au moyen de notre navigation transatlantique, à trouver des
débouchés. Nous n’aurons pas non plus, je suppose, la prétention de vouloir
enlever aux Français ou aux Anglais les marchés qui sont en leur possession. Il
est certain que nous n’y parviendrions pas. D’ailleurs ces pays ont commencé
par assurer à leur industrie la consommation intérieure. C’est ce que je
voudrais qu’on fît en Belgique.
Je
terminerai en appelant l’attention de M. le ministre sur les moyens de procurer
au trésor les ressources dont il a besoin. Je conviens que pendant la session
dernière MM. les ministres ont eu trop peu de temps pour pouvoir s’occuper de
chercher les moyens d’améliorer notre situation financière, mais j’espère que
dans le courant de l’année prochaine, puisque l’intention de la chambre est de se séparer plus tôt que l’année dernière, j’espère qu’ils
auront le temps de méditer les observations que j’ai eu l’honneur de soumettre
non seulement au gouvernement, mais à la chambre tout entière, observations que
j’ai répétées et que je répéterais dans toutes les circonstances où je croirai
pouvoir me le permettre, et qui tendent à ce qu’on cherche les impôts sur les
produits de l’étranger, parce que dans mon opinion ces impôts sont payés par
les producteurs qui nous les amènent. Sans doute il y a ici des exceptions
comme à toute règle ; par exemple, quand un produit manque dans le pays, c’est
le consommateur qui paye l’impôt perçu par l’Etat.
M. de Garcia. - A
propos de la discussion du budget des finances, je me permettrai d’adresser une
observation au chef de ce département. Je n’ai pas l’habitude de venir faire le
procès aux agents du fisc. Je sais que leur mission est difficile et que
souvent avec injustice ils sont accusés de vexations. Mais ici je citerai un
fait qui m’est personnel et qui constitue une véritable vexation, en faisant
observer que je ne suis pas le seul qui ai à me
plaindre de ce procédé. J’avais un procès devant la cour de Liége. Je ne fais
nul reproche à l’administration des finances de m’avoir fait ce procès, elle
devait le faire si elle se croit fondée. Ce procès roulait sur un incident de
compétence. Je perdis cet incident.
Je
chargeai mon fondé de pouvoirs à Liége, M. l’avocat Comhère,
de déclarer à l’administration que je me soumettais à l’arrêt, et que je la
priais de ne pas le lever et de ne pas me le signifier. Il lui fut répondu que
l’arrêt serait levé et signifié !
Je regarde cela comme une véritable vexation. J’invite M. le ministre
des finances à faire cesser des mesures aussi vexatoires, et qui ne sont en
aucune manière productives pour le trésor. Elles ont pour résultat de faire
détester le gouvernement et rien de plus. Ces mesures de rigueur ne devraient
jamais être prises qu’après informations officieuses. Si les mauvais procédés
dirigent parfois des particuliers qui sont en procès, ces sentiments devraient
toujours être interdits aux administrations publiques, qui doivent toujours
être au-dessus de ces petites passions et qui doivent toujours rester
paternelles.
M. Cogels. - La
question soulevée par l’honorable M. Meeus et reproduite par M. Angillis, la conversion
de la dette, est assez grave pour ne pas être discutée incidemment, Je ne
m’étendrai donc pas en ce moment sur cette question. Je dirai brièvement
pourquoi je ne saurais partager l’opinion émise par ces deux honorables
collègues.
La
conversion de la dette est une question toute d’opportunité. Le grand point,
c’est de bien choisir le moment. Armer dès à présent le gouvernement d’une loi
qui lui laisserait toute latitude à cet égard, ce serait l’exposer à manquer le
moment, en comprimant entièrement l’élan de notre crédit, le classement des
fonds menacé du remboursement.
Quatre
conversions ont été faites en Angleterre, comme l’a rappelé M. Angillis.
La
première a été faite en 1822 ; elle était relative à l’ancien 5 p.c. de la
marine, et a porté sur une somme de 3,800,000,000 de
francs environ.
Qu’a fait
le gouvernement ? Il a présenté la loi en février 1822. Pour 100 livres 5 p.c.,
il offrait 105 livres, 4 p.c. nouveaux garantis contre le remboursement
jusqu’au 5 janvier 1829. La loi fut votée en mars ; elle avait reçu son
exécution en juillet ; le remboursement ne fut demandé que pour 69 millions.
Ainsi le succès fut complet. Mais pourquoi ? Parce que l’on avait choisi le
moment opportun, que la mesure fût proposée, la loi votée et pour ainsi dire exécutée
simultanément.
En 1826,
nouvelle conversion pour 1,750,000,000. Alors il y eut
une simple réduction d’intérêt, d’un demi p. c., sans
aucun accroissement de capital.
En 1830,
troisième conversion, de 4 p. c. en 3 1/2 sans augmentation de capital pour 800,000,000, sur laquelle, si je me rappelle bien, il n’y eut
que 66 millions de remboursés.
En 1834,
nouvelle opération, pour 265 millions, sans demande de remboursement.
Mais
toujours les lois furent présentées, votées et exécutées pour ainsi dire simultanément.
En
Prusse, il y a eu récemment une opération de même nature ; elle a été faite sur
le 4 p. c. en 3 1/2 pour une somme de quatre-vingt
dix-neuf millions de thalers ; le remboursement demandé s’est élevé à la somme
de 6,825 thalers. Là il n’y a pas eu non plus d’augmentation de capital ; il y
a eu simplement réduction d’intérêt.
Quant à
nous, nous serait-il possible d’opérer également cette réduction, sans
augmentation de capital ? Je ne le pense pas. Je ne partage donc pas l’opinion
de l’honorable M. Meeus que je regrette de ne pas voir ici ; lorsqu’il a parlé
de cette mesure, il a reproché au gouvernement de ne pas avoir pris les mesures
propres à relever le cours du 3 p. c., afin de
favoriser l’opération qu’il s’agissait de préparer.
Toutes
les opérations qu’on ferait de cette manière seraient extrêmement dangereuses ;
on s’exposerait à provoquer une véritable crise. C’est ce qui a eu lieu en
France, en 1824. En 1823, M. de Villèle, alors ministre des finances, méditait
l’indemnité d’un milliard pour les émigrés ; voulant préparer cette mesure et
en favoriser l’adoption, il projeta une réduction équivalente sur l’intérêt de
la dette publique. Que fit-on alors ? M. de Villèle projetait la conversion en
1823, non parce que le 5 p. c. était au-dessus du pair, mais il fit monter la
rente au-dessus du pair pour préparer la conversion ; il s’adressa, à cet
effet, à une compagnie, représentée par MM. Jacques Laffitte et comp.,
Baring, Rothschild, et le syndicat des receveurs généraux. Cette compagnie
s’était chargée de fournir les capitaux nécessaires à l’exécution de la mesure.
En mars
1824, le discours du trône annonça la réduction de la rente ; la loi fut votée
le 3 mai à la chambre des députés ? Qu’en résulta-t-il ? Les rentiers français
qui ne voulaient pas la réduction s’opposèrent à la mesure, firent une ligue
plus forte que celle des banquiers ; dans les trois mois d’avril, mai et juin,
plus de 50 millions de rentes, c’est-à-dire plus d’un milliard en capital
furent délaissés ; l’intérêt que l’on voulait réduire à 4 p. c. s’éleva a la
bourse jusqu’à 18 et 24 p. c. Heureusement, la chambre des pairs rejeta la loi
le 3 juin, et la mesure n’eut pas d’autre suite. Cependant il en résulta une
crise. Les fonds publics ne purent se relever ; on continua de payer un intérêt
élevé aux rentiers qui, au lieu de recevoir les arrérages de leurs rentes à 5
p.c., trouvèrent plus avantageux d’avancer des fonds aux spéculateurs à 8 ou 10
p. c.
En 1825,
M. de Villèle proposa une nouvelle conversion facultative, qui se fit pour une
somme de 24 millions, en 3 p. c. Jusque- là on était parvenu à maîtriser la
crise. Mais à la fin de 1825, il y eut une crise, telle qu’on n’en avait pas vu
depuis plusieurs années.
C’est que
la bourse avait dressé des batteries qui devaient tourner contre elle ; elle
avait chargé une mine qui la fit voler en éclats, et il fallut prés de quatre
ans pour rassembler les débris.
Depuis
lors, la conversion est devenue presqu’impossible en France. Les rentiers ont
senti leur force. Ils ont compris qu’on ne peut leur faire la loi.
Vous voyez donc que la question de la conversion est une question toute
d’opportunité, et dont on ne peut abandonner l’exécution dés à présent au
gouvernement. C’est au gouvernement à proposer la mesure, à en régler toutes les
conditions, quand il croira le moment favorable, et à engager les chambres à
discuter le plus promptement possible le projet qu’il leur soumettra. C’est aux
chambres à juger et de l’opportunité et des conditions de la conversion.
M. Delfosse. -
L’honorable M. Mercier, pendant son court passage au ministère des finances, a
publié un compte-rendu de la négociation des bons du trésor. Je me permettrai
de demander à M. le ministre des finances pourquoi il n’imite pas cet exemple,
qui est bon à suivre. M. le ministre devrait non seulement publier le
compte-rendu de la négociation des bons du trésor, mais aussi indiquer, en
regard de chaque émission, l’état de la situation du trésor à l’époque où elle
a eu lieu ; cela mettrait la chambre et le pays en état de juger si le
gouvernement a toujours fait un usage convenable de la faculté qui lui est
donnée par la loi d’émettre des bons du trésor, dans les circonstances où la
nécessité s’en fait sentir.
M. d’Huart. -
Messieurs, les considérations que j’ai à soumettre à la chambre ne se
rapportent pas spécialement à tel ou tel article du budget ; elles concernent
un projet de loi qu’il serait peut-être convenable d’élaborer au département
des finances, et qui pourrait contribuer à rétablir la balance entre les
recettes et les dépenses. Mon but, en vous soumettant ces considérations, est
d’engager M. le ministre des finances à recueillir les renseignements
nécessaires pour bien apprécier la question dont je viens de dire quelques
mots. Un des objets les plus susceptibles d’être imposés et que nous avons tous
le désir d’imposer fortement, c’est le tabac. A chaque instant, dans cette
enceinte, au sénat, dans la presse, on réclame des augmentations d’impôt sur
cette matière qui est absolument de luxe, et dont vous savez que la
consommation est immense dans le pays ; car vous savez qu’on en consomme pour
plus de 12 millions. Il est donc à désirer que l’on puisse obtenir un produit
assez notable sur cette denrée. Mais la difficulté d’établir convenablement cet
impôt est sérieuse.
Si l’on
frappe le tabac d’un droit très élevé à l’entrée, on s’expose la fraude ; elle
deviendra inévitable, et l’on gênera ou peut-être même on anéantira le commerce
interlope, qui est très important, qui est énorme.
Si l’on
veut établir un droit d’accise, il faut recourir à la régie, or je ne pense pas
que ce mode soit du goût de beaucoup d’entre vous. Je pense que l’exerce
continuel de tous les fabricants marchands et producteurs de tabac par les
employés du fisc ne pourrait entrer dans les vues de la chambre. Il faudrait
tout au moins un intérêt immense, qui ne se rencontrerait pas ici, pour qu’on
se résignât à accepter un semblable système.
Ainsi il
est difficile, impossible même d’obtenir une somme assez notable au moyen des
droits d’entrée sur le tabac, et il y a impossibilité d’établir un droit
d’accise par voie de régie.
Je pense
toutefois, messieurs, qu’il y a un mode convenable de faire produire au tabac
une somme considérable c’est-à-dire une bonne partie du déficit que nous
désirons tous combler, et ce mode serait, selon moi, excessivement simple ; la
perception des droits serait extrêmement facile. Ce système, en un mot, serait
tout à fait analogue au droit d’abonnement sur les boissons distillées. Au lieu
de l’appeler abonnement (je ne tiens cependant pas absolument au mot), je
l’appellerais licence, c’est-à-dire qu’il serait accordé une licence aux
fabricants, négociants et débitants de tabac ; nul ne pourrait débiter le
tabac, sans être muni de cette espèce de patente.
On
conçoit qu’un semblable droit ne gênerait nullement ni l’introduction, ni la
culture, ni la fabrication ni la vente du tabac.
Il
faudrait, avant tout, des renseignements statistiques, et ce sont ces
renseignements que je prie M. le ministre des finances de recueillir. Mais
veut-on savoir approximativement à quelle perception on pourrait arriver au
moyen de ce système. Je crois que l’on pourrait très facilement obtenir une
somme de 800,000 fr.
Un membre. -
Davantage.
Un autre membre. - Le
double.
M. d’Huart. - Je
veux être très modéré dans mes évaluations.
Ces
800,000 fr. joints à l’augmentation proposée par le gouvernement sur les droits
d’entrée, laquelle ne serait pas de nature à exciter à la fraude,
constitueraient à peu près le tiers du déficit qui nous préoccupe et sur
lequel, par conséquent nos inquiétudes devraient se calmer beaucoup, si nous
considérons que le sucre peut nous fournir aisément plus qu’il ne faut pour
équilibrer les recettes et les dépenses.
Je viens,
messieurs, à la justification du chiffre dont j’ai parlé.
Je
suppose, et je crois que je ne suis pas loin de la réalité, qu’il y a en Belgique onze cents fabricants de tabac. J’entends dire
qu’il y en a plus ; tant mieux ; mais en 1838, il n’y en avait, d’après des
renseignements que j’ai recueillis, que 1055. Mais n’importe, je préfère que
l’on trouve toujours que je suis plutôt en-dessous qu’en-dessus de la réalité
des faits que je tiens à indiquer.
Je dis
onze cents fabricants. En supposant qu’ils soient astreints seulement à une
licence dont le minimum serait de 40 fr. et le maximum de 160, entre lesquels
j’établirais quatre classes et dans lesquelles je prendrais la moyenne de 100
francs, on en retirerait la somme de 110,000 francs.
Il est
assez difficile de connaître le nombre des marchands de tabac ; cependant nous
avons déjà une donnée qui peut servir de point de départ. Vous savez qu’une
bonne partie des débitants de genièvre débitent aussi du tabac, et vous
n’ignorez pas qu’il existe en Belgique 45,000 débitants de genièvre. Eh bien !
Je prendrai seulement le tiers de ce chiffre ; et notez qu’indépendamment des
débitants de tabac qui vendent en même temps du genièvre, il y a un assez grand
nombre de marchands de tabac qui font exclusivement le commerce de cette
matière ; je prendrai donc seulement le tiers du chiffre des débitants de
genièvre, et j’aurai ainsi 15,000 marchands de tabac.
Eh bien !
en établissant une licence dont la plus basse serait, par exemple, de 20 fr.,
et dont la plus élevée n’irait que jusqu’à cent francs, et, en fixant neuf
classes qui augmenteraient successivement de 10 fr., on obtiendrait de cette
manière, en supposant seulement une moyenne de 50 fr., ce qui, par conséquent,
suppose que le plus grand nombre de licences appartiendraient aux classes les
moins élevées, celles de 20, 30 et 40 fr., on obtiendrait, dis-je, une somme de
750,000 fr., laquelle, avec les 110,000 fr. à recevoir des fabricants, dont
j’ai parlé tout à l’heure, forment un total de 860,000 francs.
M. le
ministre des finances, je l’ai rappelé tantôt, suppose que l’augmentation du
droit de douane, qu’il a proposée à l’importation, rapportera 150,00 fr. Soit
pour un moment 140,000 francs, et voilà un million de trouvé sur le tabac.
Je ne dis
pas que le système dont je viens d’indiquer sommairement les bases, soit
parfait, je le soumets cependant avec confiance aux méditations de M. le
ministre des finances et à l’appréciation de chacun de vous : j’ai voulu saisir
l’occasion qui se présente, pour parler de cet objet, afin que, pendant
l’ajournement de la chambre, la presse ait l’attention éveillée sur cet objet,
et qu’elle le discute si elle le juge convenable, afin que les personnes
directement intéressées se fassent aussi entendre. Je désire enfin que les
inconvénients comme les avantages du mode dont il s’agit soient mûrement
examinées.
Vous
sentez, messieurs, que, pour que nous puissions marcher avec une entière
connaissance de cause, il convient que nous ayons sous les yeux la statistique
exacte et officielle des différentes professions qu’il s’agirait ainsi
d’imposer ; je voudrais, pour bien apprécier les effets fiscaux de cette
nouvelle contribution, que cette statistique fût établie selon les différentes
catégories qu’elle comporte, il faudrait savoir le nombre des fabricants, des
marchands et des détaillants de tabac par villes, puis pour les campagnes ; il
serait nécessaire qu’il y eût des catégories distinctes et graduées. D’après
l’importance, la population des villes, il devrait aussi y avoir division
analogue pour les campagnes ; nous avons des villages très populeux, qui ont 5
ou 6 mille habitants, pour ces villages la licence devrait naturellement être
plus élevée que pour des hameaux ou des villages qui n’auraient, par exemple,
que 200 âmes. Ces détails sont indispensables pour bien préciser la question,
et je prie M. le ministre des finances de prendre les dispositions nécessaires
pour nous les procurer le plus tôt possible.
Je n’en dirai pas davantage. Quand on discutera le projet de loi relatif
à l’entrée des tabacs, cet objet trouvera, je l’avoue, plus naturellement sa
place ; mais j’ai cru que vous me pardonneriez de vous avoir soumis ces
considérations qui peuvent avoir quelqu’utilité, car
si on trouve le système que je viens d’indiquer praticable, nous pourrons ainsi
recueillir d’une manière certaine un million.
M. Eloy de Burdinne. - Je
n’ai que quelques mots à dire non pas pour réfuter le système de l’honorable M. d’Huart, mais pour lui
faire apercevoir, ainsi qu’à M. le ministre des finances un autre inconvénient
auquel, par le système qui vient d’être formulé, il ne serait pas paré.
D’après
le système de l’honorable préopinant le trésor recevrait un million environ de
ressources de plus qu’il ne reçoit aujourd’hui. Mais, messieurs, je considère
la question d’une tout autre manière, c’est-à-dire que nous avons à parer à un
autre inconvénient, et le voici : La Belgique consomme des produits étrangers,
en telle manière qu’aujourd’hui la balance commerciale est en déficit pour le
pays de 50 millions annuellement. C’est ce qui résulte des documents
statistiques qui nous ont été soumis. Et vous le sentez, messieurs, en marchant
de cette manière, il est incontestable que le pays se ruine. Car je compare le
pays à un particulier : Un particulier qui dépense plus qu’il n’a de revenus
doit nécessairement se ruiner. Eh bien ! un pays qui
consomme des produits étrangers, et qui doit les payer, ce que je considère
comme sa dépense, s’il ne livre pas à l’étranger pour une somme égale à celle
qu’il reçoit, doit nécessairement se ruiner comme le particulier qui dépense
plus que ses revenus.
J’appellerai également l’attention de M. le ministre sur cette
observation.
M. Mercier. -
Messieurs, j’appuie les observations que vous a présentées l’honorable M.
d’Huart quant au double système d’imposer le tabac dont il vous a parlé. En
effet, si les droits d’entrée étaient trop élevés, ce serait fait de notre
commerce interlope qui est très considérable.
J’ai eu
occasion de voir quelques fabricants de tabac qui m’ont exposé leurs
appréhensions sur les droits dont on paraissait disposé à frapper les tabacs à
l’entrée, et leurs craintes étaient surtout de se voir privés du commerce d’exportation.
Le double système dont il vient d’être question m’a paru, au contraire, sinon
recevoir leur approbation, du moins ne pas autant les effrayer que celui qui
consisterait simplement à établir des droits d’entrée très élevés sur le tabac.
J’ai une observation à ajouter à celle que vous a présentée l’honorable
M. d’Huart. Je pense que le maximum du droit de licence devrait dépasser 100
fr., si l’on voulait avoir une moyenne de 50 francs, parce qu’il y aurait une
quantité de petits détaillants (et c’est le plus grand nombre) qui cesseraient
leur commerce, s’ils étaient soumis à un droit qui dépassât 12 ou 15 fr. Je
crois, d’un autre côté, qu’il y a de très grands débits de tabac pour lesquels
on pourrait établir un maximum qui s’élèverait au-delà de 100 fr..
M. Desmet. -
Messieurs, je conçois très bien que, dans un moment où l’on a besoin de faire
des voies et moyens, il est préférable de les prendre sur le sucre et sur le tabac
que sur les bières et le sel. Cependant, si on établit une imposition nouvelle
sur le tabac, j’aimerais que l’on eût égard dans l’établissement de cette
imposition à la culture du pays, que l’on fît une distinction entre le tabac
indigène et le tabac exotique. Car vous savez que le tabac est un objet
important pour la culture ; on en a même besoin pour les assolements. J’attire
aussi l’attention du gouvernement sur ce point.
M. d’Huart. -
Messieurs, ma proposition tend précisément à ne pas gêner la culture indigène
du tabac ; c’est un des motifs principaux qui me font croire qu’elle est
préférable à la régie, par exemple. D’abord vous ne pouvez pas retirer une
augmentation assez forte sur les tabacs au moyen des droits d’entrée. M. le
ministre des finances, notez-le bien, ne compte que sur 150,000 fr. et je ne
voudrais pas aller au-delà des taux qu’il demande, car il propose de doubler
les droits existants et de frapper notamment 15 p. c. sur les cigares. Ces
droits seront certes assez élevés, si l’on veut éviter la fraude.
Je dis
donc que vous n’obtiendrez pas par les droits d’entrée ce que l’on peut
raisonnablement demander aux tabacs. II faut un autre mode, et quel serait ce
mode naturel ? Ce serait un droit proportionnel d’accise à la production et à
la consommation ; mais ce mode qui entraîne avec lui l’exercice des agents du
fisc compromettrait la culture du tabac indigène et entraverait la fabrication
des tabacs en général, qui est une industrie extrêmement importante ; car elle
occupe peut-être 6,000 ouvriers en Belgique.
Je dis
donc que le système que j’ai indiqué est principalement destiné à protéger la
production du tabac indigène, parce que j’admets en même temps, et je prie
l’honorable M. Desmet d’y faire attention, les droits à l’entrée proposés par
M. le ministre des finances ; je les ai même fait entrer dans mes calculs pour
arriver au million que devrait produire le tabac.
Du reste, je suis charmé d’apprendre que l’idée que je viens d’émettre a
été également conçue par plusieurs honorables membres de cette assemblée, et
que l’honorable M. Mercier, entre autres, a eu l’occasion d’en parler avec des
intéressés, des fabricants de tabac ; je suis aussi charmé d’apprendre que ceux
qui seraient atteints par ce nouveau système le trouvent préférable à celui qui
consisterait en un droit élevé, payé à l’importation, et à un droit
proportionnel perçu à la consommation. Cela me fait croire de plus en plus que
cet objet est digne des méditations de M. le ministre des finances, et que
lorsqu’il aura recueilli tous les documents statistiques nécessaires pour
apprécier la question, il viendra nous les soumettre avec une proposition de
loi conçue dans le sens du système de licence que j’ai indiqué.
M. le ministre des finances (M. Smits) -
Messieurs, l’opinion que vient d’émettre l’honorable M. d’Huart, s’est déjà
fait jour dans cette chambre à l’occasion du budget des voies et moyens. Cette
opinion, si ma mémoire est fidèle, avait été exprimée par l’honorable M.
Rodenbach. Depuis lors elle a fixé mon attention toute spéciale. J’ai fait
prendre des renseignements, je verrai à quels résultats ils me conduiront.
Toutefois
je crois devoir rappeler à la chambre les observations que j’ai faites
instantanément, lorsque l’honorable M. Rodenbach a indiqué le moyen qui vient
d’être reproduit par l’honorable M. d’Huart. J’ai dit, et je partage encore
cette opinion jusqu’à conviction contraire, que je craignais qu’un droit de
patente établi sur les détaillants de tabac ne donnât que de faibles résultats,
En effet, frapper les débitants de tabac d’un droit de patente spéciale ou
d’une licence, c’est faire cesser, je le crains, tous les petits débits, pour
établir le monopole de quelques grands détaillants. Voilà mes craintes, et
l’expérience semble jusqu’à un certain point les confirmer. Car par la loi sur
les débitants de boissons distillées, tous les petits débitants ont cessé leur
commerce. Qu’en est-il résulté ? C’est que beaucoup de consommateurs achètent
maintenant le genièvre à la fabrique.
L’honorable
M. d’Huart voudrait aussi que l’on demandât ce droit aux fabricants, et il
évaluait le nombre de ces fabricants à 1,100 ; je crois que ce nombre n’existe
pas ; je crois qu’il n’y a pas 500 fabricants de tabac dans le pays, je crois
enfin qu’il n’y en a pas 300, attendu que cette industrie, messieurs, exige des
capitaux et des connaissances spéciales. Quoi qu’il en soit, depuis que
l’opinion que l’honorable M. d’Huart vient de reproduire a été émise, je m’en
suis emparé et je communiquerai à la chambre tous les renseignements que
j’aurai pu recueillir à son sujet ; je présenterai en même temps un projet de
loi, s’il y a lieu, sur cette matière.
Je
n’examinerai pas en ce moment, messieurs, les autres systèmes qui ont été mis
en avant en ce qui concerne les impôts à établir sur le tabac, je les ai
examinés successivement les uns après les autres dans la discussion du budget
des voies et moyens, et je craindrais d’abuser des moments de la chambre en y
revenant.
Maintenant
je répondrai brièvement aux orateurs qui ont parlé sur l’ensemble du budget des
finances. L’honorable M. Angillis, dans un véritable discours de discussion
générale, a émis des vues extrêmement utiles et qui fixeront toute l’attention
du gouvernement. L’honorable membre a surtout insisté sur la présentation d’un
projet de loi de comptabilité générale.
Personne
plus que moi, messieurs, ne reconnaît la nécessité d’une semblable loi, je
crois cette loi non seulement utile, mais encore indispensable. Il est plus que
temps de faire disparaître la loi de 1824, qui établit une véritable confusion
qui dans l’état des choses actuel est un véritable grimoire. Cependant je crois
qu’il sera toujours très difficile d’établir dans la comptabilité générale de
l’état un système de comptabilité morale, c’est-à-dire des comptes moraux pour
chaque espèce de recettes et de dépenses ; de semblables comptes peuvent très
bien s’établir pour des administrations inférieures, pour des administrations
de bienfaisance, par exemple, mais il me semble que pour un Etat il est
extrêmement difficile d’établir ces sortes de comptes moraux destinés à
présenter la justification de chaque dépense, sous le rapport de l’utilité, de
l’opportunité.
Quant à
la durée de la comptabilité par exercice, je pense, comme l’honorable M.
Angillis, que 3 ans forment une durée trop longue, et dans le projet de loi que
j’ai rédigé et qui, ainsi que je l’ai déjà dit, est en ce moment soumis à mes
collègues, j’ai réduit ce terme à 2 années.
L’honorable
M. Angillis a aussi passé en revue les vices de la législation que présentent
les lois sur la contribution personnelle et les patentes. Comme lui j’ai
reconnu l’existence de ces vices et c’est précisément par ce motif que le
gouvernement vous a présenté par mon organe deux projets pour améliorer d’un
côté les ressources de l’Etat et d’un autre côte faire cesser les plaintes que
la législation actuelle n’a cessé de provoquer depuis qu’elle existe.
L’honorable
M. de Garcia s’est plaint d’un fait qui concerne l’administration des finances.
Il paraît que l’honorable membre a eu un procès à soutenir et que ce procès a
été jugé contre lui. Le jugement n’aurait pas dû être levé et signifié parce
que le recours en appel restait ouvert et qu’on y avait renoncé. Malgré cela le
jugement aurait été levé et signifié et il en serait résulté naturellement des
frais inutiles. Si ces faits sont exacts (ce que je crois, puisque l’honorable
membre les affirme), je n’hésite pas à dire qu’ils ont été établis
contrairement aux instructions générales de l’administration, qui prescrivent
la plus grande modération envers les contribuables ; mais il se pourrait très
bien que l’honorable M. de Garcia eût communiqué ses intentions soit à son
avocat, soit à son avoué, et que la communication n’eût pas été faite d’une
manière directe, soit au directeur, soit au contrôleur de l’administration. Je
suis convaincu que si cette communication directe avait eu lieu, certainement
les faits dont se plaint l’honorable M. de Garcia ne se seraient pas produits.
L’honorable
M. Delfosse a demandé que le gouvernement publiât la situation des bons du
trésor. Messieurs, cette publication a été faite dans le compte de la situation
du trésor public, et tout le monde a pu voir que la moyenne des émissions de
l’exercice courant ne s’est pas élevée au-delà de 5 millions. Toutefois, pour
satisfaire au désir de l’honorable membre, je suivrai à l’avenir les errements
de mes prédécesseurs, et je ferai des publications dans les mêmes termes où
elles ont été faites antérieurement.
Messieurs,
l’honorable M. Eloy de Burdinne, dans la vue d’augmenter les ressources du
trésor, m’a semblé provoquer des augmentations assez considérables sur les
droits de douane. Mais, messieurs, vous reconnaîtrez tous qu’il y a plus d’un
danger à augmenter souvent les droits d’entrée, surtout dans un pays comme le
nôtre, qui a une frontière très étendue, et qui est entourée de voisins très
disposés à profiter de nos augmentations de tarifs pour introduire
clandestinement les produits qui seraient surtaxés. La Hollande a des tarifs
extrêmement modérés, et si nous élevions nos droits d’entrée d’une manière trop
sensible, nous courrons risque de nous voir approvisionner par des importations
frauduleuses de ce pays. Dans ce cas, le trésor public, au lieu de gagner, perdrait
considérablement.
Quant à
la différence entre les importations et les exportations du royaume,
l’honorable M. Eloy de Burdinne l’élève à 50 millions de francs. J’admets ce
chiffre ; mais ce serait une erreur de croire, messieurs, que le pays s’appauvrit
annuellement de cette somme ; si cela était, évidemment la Belgique serait
ruinée complètement depuis longtemps, car depuis 30 ans, cette balance en
défaveur a toujours existé au même degré ; depuis 1815, nos importations ont
toujours excédé nos exportations d’à peu près cette somme ; mais cela ne
constitue pas toujours une balance désavantageuse. Je pourrais facilement le
démontrer, mais je devrais entrer dans des considérations qui ne tiennent pas
précisément à l’objet en discussion. Seulement je tiens à faire cette
déclaration pour rassurer le pays, qui, loin de s’appauvrir gagne tous les
jours en richesse. Je n’ajouterai qu’un mot : c’est que les importations de
numéraire sont annuellement de 20 à 22 millions, et que les exportations de
numéraire s’élèvent à la même somme.
Je
reviens pour un moment au discours de M. Angillis. Cet honorable membre a
insisté aussi sur la nécessité de former une commission de surveillance de la
caisse d’amortissement ; le gouvernement, messieurs, n’a pas repoussé l’idée
d’une pareille commission il croit que cela est subordonné à l’adoption de la
loi générale la comptabilité de l’Etat. Quand la chambre s’occupera de cette
loi, elle pourra également s’occuper de la question de la commission de
surveillance.
Je crois, messieurs, par ces courtes réflexions, avoir répondu à tous
les honorables préopinants.
M. de Garcia. -
J’étais convaincu, messieurs, que M. le ministre des finances blâmerait la
conduite qui a été tenue dans l’affaire dont j’ai entretenu la chambre. Je n’ai
pas prétendu non plus accuser la direction de Liége, mais l’administration
devrait prendre des mesures qui fussent de nature à prévenir des vexations
semblables à celles que je viens de signaler. Je me suis plaint d’un fait qui
m’est personnel, mais je pourrais en signaler d’autres ; un de mes amis,
notamment, m’a dit qu’il était dans le même cas. Du reste, j’invite tous les
citoyens qui auraient à se plaindre de semblables faits à me les signaler, et
je m’empresserai de les dénoncer à M. le ministre pour que ces abus soient
réprimés.
Puisque
j’ai la parole, messieurs, je dirai un mot du système qui a été présenté par
l’honorable M. d’Huart, relativement à l’impôt des tabacs. Ce système, je
crois, ne produirait pas autant que l’a pensé l’honorable membre. Mes doutes à
cet égard résultent d’une réponse que j’ai à faire à l’honorable M. Desmet, qui
a manifesté la crainte que son application ne nuise à la culture du tabac, qui
est considérable en Belgique ; je ne partage nullement ces craintes, et loin de
là, je crois que le système des licences augmenterait beaucoup cette culture.
Je vais plus loin, j’ai la conviction intime que si la mesure
vient à être adoptée, tous les particuliers, surtout les pauvres, cultiveraient
eux-mêmes le tabac dont ils ont besoin pour leur consommation ; et à ce point
de vue je crois que les prévisions de l’honorable M. d’Huart ne se
réaliseraient pas. Sans doute je ne verrais pas un grand inconvénient à ce que
la classe la moins aisée échappât à l’impôt, quoique je ne considère le tabac
ni comme nécessaire ni même comme utile, mais n’en reste pas moins constant que
le but ne serait pas atteint par la mesure proposée, et que le trésor n’y
trouvera pas toutes les ressources indiquées par l’honorable M. d’Huart.
M. Osy. - Je
dois, messieurs, parler d’un procès semblable celui dont l’honorable M. de
Garcia nous a en retenus. Certes, je puis pas désapprouver la mesure prise par M.
le ministre des finances en ce qui concerne les marchands de vin ; le
gouvernement à le droit de ne pas sanctionner une loi votée par les chambres ;
mais si M. le ministre des finances n’a pas pu approuver le système de
rétroactivité en ce qui concerne les marchands de vin, il ne devrait pas, d’un
autre côté, soutenir un procès dans l’intérêt d’une prétention reposant sur ce
principe. Eh bien, messieurs, depuis trois ans le ministère des finances soutient un procès contre des négociants d’Anvers, pour une
difficulté relative aux deux pour cent de déchet, que, par une modification à
la législation sur les sucres on a étendus à l’acheteur,
tandis qu’auparavant cela ne concernait que l’importateur. Je ne sais pas qui
finira par gagner ce procès, mais il est certain que l’administration lassera
tellement sa partie adverse que si, en définitive, celle-ci obtient gain de
cause, les frais absorberont la différence. Je prierai M. le ministre d’avoir
au moins des principes uniformes, je désire que, s’il repousse la rétroactivité
en ce qui concerne les marchands de vin, il n’invoque pas ce principe contre
les négociants en sucre.
M. le ministre des finances (M. Smits) -
Messieurs, l’honorable préopinant vient de parler d’un procès intenté, à ce
qu’il paraît, puis trois ans, mais il n’a pas indique contre qui ce procès se
poursuit, de manière qu’il me serait assez difficile de lui donner une réponse
pertinente.
Toutefois, je dois dire que l’administration n’a pas pris pour devise de
lasser les contribuables contre lesquels elle plaide. L’administration plaide,
non pas pour vexer les contribuables, mais parce qu’elle doit assurer la
rentrée des impôts. Je puis vous affirmer, messieurs, que l’administration
obtient gain de cause dans la plupart des procès qu’elle intente après mûr
examen. Il en est de même des expertises en matière domaniale. Sur 100
expertises qui ont ordonnées par l’administration après examen préalable, 99
sont décidées en faveur de l’administration. Cela prouve que le département des
finances agit avec justice et équité, et tant que j’y serai, je m’efforcerai
pour qu’il continue à agir de même.
M. Mercier. -
Messieurs, bien que je me joigne à l’honorable M. Osy, pour exprimer mes
regrets de ce que le gouvernement n’ait pas jugé convenable de faire
sanctionner le projet de loi qui avait été voté par les deux chambres en faveur
des marchands de vins, je crois cependant qu’il n’y aurait pas de contradiction
dans la conduite que M. le ministre des finances tient aujourd’hui, en
soutenant le procès dont a parlé l’honorable M. Osy, si comme je le perse, il
ne s’agit ici que de marchandises qui se trouveraient en entrepôt ; car il est
évident que la rétroactivité atteint et doit toujours atteindre les marchandises
en entrepôt.
-
Personne ne demandant plus la parole, la chambre passe aux articles.
Discussion des
articles
CHAPITRE PREMIER. - Administration centrale
Article premier
« Art.
1er. Traitement du ministre : fr. 21,000 »
- Adopté.
« Art.
2. Traitements des fonctionnaires et employés (dont 16,000 fr. de charge
extraordinaire) : fr. 452,400 »
M. Verhaegen. -
Messieurs, les observations qui se trouvent consignées dans le rapport de la
section centrale quant à la haute administration financière, m’ont engagé à
prendre la parole.
Ce
rapport me donne la conviction qu’on fait encore une fois ce qui ne doit pas
être et que ce qui doit être, on ne le fait pas. On améliore la position des
grands, et l’on néglige la position des petits !!
Je me
propose donc de parler des receveurs ruraux qui manquent de pain et de certains
fonctionnaires supérieurs pour lesquels on a créé des sinécures qui nécessitent
de dépasser les limites des budgets.
Je
commence par les petits, je finirai par les grands :
L’arrêté
du 19 janvier 1833 accorde à tous les receveurs des contributions publiques une
remise de 5 p. c. sur les huit premiers mille francs de sa recette, de 4 p. c.
sur celle des douze mille suivants, de 2 p. c. sur les 45 mille qui succèdent,
et ainsi par progression déclinante.
Avant
1833, les receveurs percevaient 5 p. c. sur toutes les sommes qui rentraient
dans leur caisse, et la réduction qui est le résultat de l’échelle
proportionnelle admise par l’arrêté du 19 janvier 1833, n’a eu lieu que parce
que l’on croyait alors que les produits de la mouture et de l’abattage auraient
été considérables. Aujourd’hui, grâce à la révolution, nous n’avons plus les
impôts odieux de la mouture et de l’abattage. La cause de l’arrêté du 19 janvier
a cessé, l’effet devait donc cesser aussi. La diminution de traitement pour les
receveurs des contributions est évidente.
Les
receveurs des villes, il est vrai, ont trouvé des compensations d’avantages, et
nous ne nous occuperons pas de ces fonctionnaires.
Mais il y
a une énorme différence de position entre les receveurs des villes et ceux des
communes. Les premiers pour remplir leur charge ne sont pas obligés
d’abandonner leur domicile habituel et le soin journalier de leurs propres
affaires ; ils ont à leur portée tous les moyens possibles de pourvoir à
l’éducation de leurs enfants, sans être assujettis à un surcroît de dépenses ;
ils font de fortes recettes sans déplacement et sans frais extraordinaires,
elles s’augmentent en raison de l’accroissement de la population des villes et
des nouvelles propriétés qu’on y bâtit.
Les
receveurs ruraux, au contraire, doivent renoncer à tous les avantages qu’une
résidence en ville peut offrir à des pères de famille ; force leur est de
prendre avec leur famille entière une résidence fixe et toujours plus ou moins
préjudiciable pour eux, dans le village dont la recette leur est confiée ; ils
sont contraints de se séparer de leurs enfants pour les faire instruire dans un
établissement convenable et à grands frais, et cependant le plus souvent leurs
recettes se bornent aux contributions de trois ou quatre petites communes,
contribution dont le maximum ne dépasse pas 50,000 fr., ce qui, d’après
l’arrêté du 19 janvier 1833, leur produit annuellement 1,680 fr,
Et, en
définitive, à quoi se réduisent-ils, ces appointements, si l’on en déduit la
dépense du loyer, les frais de bureau, la retenue des 5 p. c. pour la caisse de
retraite, le prix des imprimés sans nombre dont ils sont obligés de se fournir,
la rétribution qu’ils sont tenus de payer aux gardes-champêtres pour portage
des avertissements, pour le foncier, personnel, patente, etc., les logements
militaires, les contributions de l’Etat, les charges de sa commune,
l’abonnement au recueil des lois et arrêtés de l’administration, les frais de
déplacement pour aller en recette quatre à six fois par mois dans les
différentes communes éloignées du bureau, les voyages au chef-lieu pour faire
les versements souvent deux fois par mois, etc. ? Ajoutez à cela la cherté des
vivres, et vous comprendrez sans peine, messieurs, qu’avec le reste d’un tel
traitement, il est impossible de suffire aux premiers et aux plus pressants
besoin de la vie. Voilà cependant quel est le sort des receveurs ruraux, quelle
est leur part des rémunérations que l’Etat accorde au travail, au dévouement
civique, et à 20, 30 et 40 années d’honorables services, une vie moins heureuse
que celle dont jouit le plus obscur manouvrier ! Et il y aurait ironie à leur
parler encore du rang que leur dignité de fonctionnaires publics les oblige de
tenir vis-à-vis de leurs administrés, car il leur est impossible de cacher les
privations pénibles auxquelles ils sont condamnés.
Les
receveurs ruraux sont donc des employés dignes d’intérêt, qui ont droit à la
protection du gouvernement et cependant tout leur est préjudiciable, tout leur
est contraire ; qu’on ajoute à cette position assez pénible déjà, cette espèce
de réprobation qui s’attache, si injustement dans les campagnes surtout, aux
employés et fonctionnaires publics chargés du recouvrement des impôts, et on
devra convenir que la carrière des emplois dont nous nous occupons est loin
d’offrir de grandes chances d’avantages personnels à ceux qui osent la tenter
On voit
qu’il est de toute justice et dans l’intérêt même du service public, d’assurer
aux receveurs une position assez honorable pour compenser les sacrifices au
prix desquels ils l’auront mérités.
Nous
avons entendu, dans un pays voisin, un ministre déclarer à la chambre que,
« dans sa conviction, l’intérêt bien entendu du pays était de payer
convenablement les emplois, afin d’avoir de bons fonctionnaires, et qu’en
supprimant un grand nombre d’emplois inutiles, on aurait les moyens d’améliorer
le sort des employés conservés, et d’obtenir encore d’importantes économies. »
Tous les
ministres qui, depuis la révolution jusqu’à ce jour, ont été à la tête de
l’administration des finances, étaient unanimement d’accord que la position des
receveurs ruraux était fâcheuse, et cependant qu’a-t-on fait pour l’améliorer ?
Absolument rien.
M.
d’Huart, ministre des finances, dans la séance de la chambre des représentants
du 15 mai 1835, à propos de la discussion sur les divisions des cotes,
partageait à tous égards notre opinion, quant aux receveurs ruraux.
« Ce
n’est pas, au surplus, disait-il, une innovation. La perception assez rare de
50 cent. est autorisée dans le recueil méthodique, et
elle est très faible, puisque les receveurs n’ont à l’exiger que du
propriétaire principal, selon la division des cotes qu’il demande lui-même.
« Il
serait injuste de supprimer cette rétribution qui n’est que le salaire bien
mérité d’un service gratuit. Les receveurs sont de tous les employés de
l’administration des finances les plus mal rétribués ; les priver de ces
émoluments serait aggraver leur position déjà si fâcheuse. »
Eh bien,
cette position reconnue déjà si fâcheuse par l’honorable M. d’Huart a été
aggravée encore par l’arrêté du 22 décembre 1838, qui a réduit la rétribution
pour les divisions de cotes de 50 à 15 centimes.
La chambre
a retenti plus d’une fois des réclamations d’un grand nombre de nos honorables
collègues en faveur des receveurs ruraux. MM. de Brouckere, Jullien, Lardinois,
Gendebien, Seron et autres ont appuyé leurs justes demandes.
M.
Julien, dans la séance du 30 janvier 1834, disait : « que c’est la multiplicité
des recettes que le ministère a détachées des anciennes, qui est la cause des
déficits apportés à la caisse de l’Etat, puisque les receveurs trouvant à peine
dans le revenu de leur emploi les moyens de faire face aux dépenses
occasionnées par le besoin, se trouvent presque réduits à la misère, et la vue
de l’or dont ils sont détenteurs excite leur cupidité, de là leur disparition
et par suite le déficit. »
Le
gouvernement provisoire, par un arrêté qui était favorable aux receveurs
ruraux, avait admis aussi la justice de leurs réclamations.
Messieurs,
il est une chose étonnante, c’est que M. le ministre des finances, d’accord
avec ses prédécesseurs, est convaincu de la position fâcheuse dans laquelle se
trouve un grand nombre de receveurs ruraux, et qu’il n’avise à aucun moyen pour
l’améliorer, malgré les nombreuses réclamations qu’on lui adresse, tandis que
les autres ministres demandent des allocations pour améliorer le sort des
anciens employés ; voici la réponse que recevaient déjà, en 1837, 33 receveurs
des contributions des communes rurales de la Flandre orientale :
« Le
ministre des finances,
« Vu une
requête présentée par 33 receveurs des contributions des communes rurales, dans
la province de la Flandre orientale, tendant à ce que le taux de leurs remises
soit fixé à 5 p. c., comme cela existait
antérieurement à 1823 ;
«
Considérant que les limites du budget ne permettent pas d’augmenter pour le
moment les recettes des receveurs,
« Sur
la proposition de M. le directeur de l’administration
« Décide
:
« De
renvoyer ladite requête à M. le directeur des contributions à Gand, chargé de
faire connaître aux requérants que leur demande ne peut, pour le moment, être
prise en considération, mais qu’il sera avisé aux moyens d’améliorer leur sort
selon que l’occasion en fournira la possibilité.
« (Signé)
Le ministre d’Huart »
Si les
receveurs doivent attendre l’occasion à laquelle M. le ministre faisait
allusion, ils attendront longtemps !!
Les
limites du budget ne permettent pas de faire un acte de justice, mais ils
permettent bien d’améliorer et fort inutilement d’après moi, la position de
l’administration centrale.
Sous le
gouvernement hollandais il y avait un administrateur des contributions directes
et accises, un inspecteur-général pour chacune des grandes divisions du
royaume, et dans chaque province un inspecteur en chef.
Un arrêté
royal du 11 juillet 1842 réorganise l’administration centrale du ministère des
finances de la manière suivante :
« Art.
1er. L’administration centrale des contributions directes, cadastre, douanes et
accises sera composée des fonctionnaires supérieurs
suivants :
« D’un
directeur de l’administration, de deux inspecteurs généraux, et de quatre
inspecteurs en chef remplissant les fonctions de chef de division. »
Il y a
encore dans chaque province un directeur, un inspecteur d’arrondissement, un
inspecteur chef et une masse de contrôleurs
Dans ma
conviction on a créé des places pour certains individus et non dans l’intérêt
du service ; l’un des deux-inspecteurs généraux surtout était inutile, mais il
fallait récompenser, ce qu’en termes ministériels on appelle des services !!
Puisse M. le ministre des finances, lorsqu’un jour son étoile viendra à pâlir,
ne pas rencontrer sur le terrain électoral celui qu’il caresse aujourd’hui et
qui a payé son prédécesseur de tant d’ingratitude !! Voilà les hauts
fonctionnaires qui mangent les traitements des petits receveurs ; c’est pour
améliorer leur position que M. le ministre des finances demande une augmentation
de 28,800 fr.
Nous
consentirions à améliorer la position des grands et nous laisserions mourir de
faim les receveurs ruraux !
Et que
fait-on des limites du budget ?
Il faut
un gouvernement à bon marché, bien entendu pour les petits employés, mais pour
les hauts fonctionnaires, il faut les payer largement, et, pour certains
individus, il faut créer des places nouvelles et lucratives !!
Je pense,
moi, qu’il ne faudrait à l’administration centrale qu’un directeur et un
inspecteur-général, comme sous le ministère précédent. Le directeur-général qui
était en fonctions avant l’avènement du cabinet actuel, avait rendu de grands
services, mais i1 fallait le disgracier pour placer d’autres créatures.
Je
voterai volontiers une augmentation pour améliorer le sort des receveurs
ruraux, mais je refuserai toute augmentation quelconque en faveur de
l’administration centrale et surtout pour créer des fonctions inutiles, des
sinécures !
Que M. le ministre, au fur et à mesure des vacatures, réunisse plusieurs
recettes au lieu de les diviser, et que dans l’intervalle il prenne des
mesures, et, au besoin, demande des allocations pour faire un acte de justice
en faveur des malheureux receveurs des campagnes !!
M. le ministre des finances (M. Smits) -
Messieurs, tout autant que l’honorable préopinant, tout autant que mes
honorables prédécesseurs, je reconnais que quelques receveurs des contributions
sont réellement dans une position fort fâcheuse. En effet, les anciens
receveurs qui datent d’avant 1830, étaient, antérieurement à la révolution, non
seulement receveurs de l’Etat, mais ils étaient encore, du moins plusieurs
d’entre eux, receveurs des communes et des provinces. Tous avaient droit aux leges, qui
étaient établis par les règlements de cette époque. Depuis 1830, les communes
et les provinces ont été émancipées ; elles ont nommé des receveurs
particuliers ; depuis 1830, la péréquation cadastrale a eu lieu, et les remises
sur les contributions foncières ont notablement diminué dans la province
d’Anvers et dans les deux Flandres. En outre la loi a supprimé les leges, de sorte
qu’un grand nombre de receveurs ont vu successivement diminuer leurs
traitements. J’ai cherché autant que possible à améliorer leur sort, mais en
présence des besoins du trésor, je n’ai pas cru devoir vous demander une
augmentation de traitement, ni même une augmentation dans la quotité des
remises.
Il y a
beaucoup de recettes qui donnent trop peu : mon intention est de les supprimer
au fur et à mesure des vacatures, et d’améliorer ainsi le sort des autres
receveurs, de ceux surtout qui ont droit à une amélioration de position, car
tous ne sont pas dans ce cas.
M. Verhaegen. - C’est
ce que j’ai dit.
M. le ministre des finances (M. Smits) -
Messieurs, en organisant l’administration des contributions directes, douanes
et accises, j’ai voulu imprimer un mouvement plus actif au service en général.
J’avais remarqué quelque nonchalance dans différentes localités ; j’avais
reconnu qu’un inspecteur général ne suffisait pas pour tout le royaume, car les
inspections générales se sont toujours faites antérieurement dans les
chefs-lieux des provinces. Mais les fonctionnaires d’arrondissement, des
communes, ceux qui précisément ont besoin d’être stimulés, étaient peu ou point
en contact avec l’inspecteur général. J’ai donc pensé qu’il était utile pour le
service et surtout pour le trésor de diviser le royaume en deux, et d’avoir un
inspecteur général pour chacune de ces deux grandes divisions. Voilà l’unique
motif qui m’a guidé, et non pas des soi-disant services étrangers à la partie
administrative que je déclare ignorer. J’ai confié l’une de ces deux places à
un fonctionnaire connu par ses capacités, par sa longue carrière dans toutes
les branches du service ; je l’ai choisi, comme étant l’homme le plus propre à
remplir les intentions du gouvernement ; quant au service des contributions,
douanes et accises, et sans arrière-pensée à l’égard de service d’une autre
nature ; car, messieurs, si le fonctionnaire auquel on a fait allusion, a une
ingratitude à se reprocher vis-à-vis d’un de mes prédécesseurs, je l’ignore ;
mon choix est tombé sur lui, parce que je l’ai cru capable et zélé ; parce que
j’ai cru devoir utiliser ses talents incontestables au bien de la chose
publique, à l’amélioration des revenus du trésor. La surveillance plus active
qu’il est appelé à exercer sur tous les fonctionnaires, non seulement des
chefs-lieux, mais des arrondissements et des communes, produira, je l’espère,
le résultat que j’en attends.
Au reste,
messieurs, l’organisation nouvelle n’a entraîné à aucun surcroît de charge pour
l’Etat ; comparez les dépenses de l’administration centrale d’aujourd’hui avec
celles de l’année dernière, et vous trouverez une simple augmentation de 1,800
fr. Et cette augmentation est le résultat d’un travail spécial à l’utilité de
laquelle on a bien voulu rendre hommage, je veux parler de la statistique
commerciale. La rédaction de ce recueil a considérablement augmenté la besogne
de l’administration centrale. Ensuite, l’on doit reconnaître qu’à mesure que
des nouvelles lois d’impôt s’introduisent, la surveillance, les inspections
deviennent plus considérables, et que le travail de l’administration centrale
s’en accroît également. Deux lignes nouvelles viennent d’être établies dans la
direction de la France, et une autre dans la direction de la Prusse. Ces lignes
de communication internationale donnent un surcroît de besogne dont on ne se rend
pas assez compte, et qui seul justifierait la faible augmentation que je
demande.
Si la chambre pouvait voir l’immense détail de l’administration comme je
le vois, elle serait convaincue qu’il faut non seulement une augmentation de
1,800 fr., mais une augmentation double et même triple de cette somme. Mais en
présence des besoins du trésor, j’ai cru devoir me tenir au strict nécessaire.
M. Osy. -
J’aurais demandé la parole pour m’occuper du sort des receveurs ; mais je ne voulais
le faire que quand on en serait au chapitre 3. M. Verhaegen ayant commencé à en entretenir la
chambre, je crois qu’il vaut mieux continuer à s’en occuper. Un arrêté de 1833
fixe le tantième accordé aux receveurs des contributions directes, de douanes
et d’accises. Je demanderai si cet arrêté est maintenu pour tous les receveurs
tant grands que petits. Ensuite je demanderai si dans la somme de 1,700 mille
fr. qu’on demande au chap. 3 pour indemnités dues aux comptables, ne se trouve
pas une somme de 330 mille fr. destinés à payer l’indemnité connue sous le
nomme de leges,
qu’on donne aux receveurs pour augmenter le produit de leur recette.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Je
crains que la confusion ne se mette dans vos débats. Il vaudrait mieux que la
discussion suivît l’ordre des chapitres.
M. Verhaegen. - J’ai
parlé de l’administration centrale, et si je me suis occupé des revenus, c’est
que je voulais faire un parallèle.
M.
Osy. - Je me réserve de faire mon observation quand
nous en serons au chap. 3, mais je demanderai à M. le ministre si demain il ne
pourrait pas déposer sut le bureau l’état de répartition de ces 330,000 fr. en
41 et 42, car je pourrais y trouver des arguments. Si M. le ministre n’y trouve
pas d’inconvénient, je le prierai de faire demain ce dépôt.
M. Mercier. - Je
regrette que dans ces débats il ait été question d’une circonstance qui m’est
personnelle. Quelque pénible qu’il ait été pour moi de rencontrer sur le
terrain électoral certain fonctionnaire dont je n’avais cessé de recevoir les
plus vifs témoignages d’attachement, d’estime et de dévouement jusqu’au jour de
ma retraite, je ne pense pas qu’agissant soit comme chef d’administration, soit
comme ministre des finances, j’aie personnellement acquis des droits à la
reconnaissance des agents de l’administration dont j’ai concouru à augmenter le
bien-être dans la sphère de mes attributions ; je ne me reconnais donc pas le
droit de les accuser d’ingratitude. Si plus tard ils exercent des actes
d’hostilités contre moi, je ne puis que m’affliger de leur conduite et les
abandonner au jugement de leurs concitoyens. Ecartant toute question
personnelle, je suis d’avis que trois inspecteurs généraux ne sont pas
nécessaires pour la bonne administration des finances. Un inspecteur-général me
paraît devoir suffire pour le service de l’administration des contributions,
douanes et accises ; bien plus, le crédit demandé par le gouvernement pour les
tournées d’inspection, ne permet pas qu’il y en ait plus d’un.
Dans les
explications données par M. le ministre des finances, je remarque qu’il est dit
que l’honorable M. Desmaisières avait créé trois inspecteurs principaux. M.
Desmaisières en a nommé deux, mais en fait un seul de ces inspecteurs fit des
tournées fréquentes. L’autre conserva des attributions spéciales à
l’administration générale et fut rarement chargé d’un service d’inspection.
Le
troisième avait reçu le grade d’inspecteur principal, mais n’était pas attaché
au ministère ; c’était l’inspecteur en chef d’une province à qui un arrêté
autorisait le ministre à confier, le cas échéant, des missions en dehors de son
propre ressort. En fait, toutes les tournées d’inspections faites par les deux
inspecteurs principaux de l’administration générale étaient à peine suffisantes
pour remplir le temps d’un seul.
Antérieurement
aussi un seul inspecteur général a toujours paru suffire, sauf en ce qui
concerne la surveillance des opérations cadastrales qui était confiée à un
inspecteur spécial d’un rang moins élevé.
Sous
l’administration de M. Smits lui-même, le nombre des tournées n’a pas été assez
considérable pour absorber le chiffre de 10,000 fr. alloué pour frais de séjour
et de tournées, bien qu’il ait eu à sa disposition des agents disponibles.
D’un
autre côté, le crédit demandé ne suffirait pas aux frais de tournées et de
séjour de deux inspecteurs généraux pendant une année entière.
Ce crédit
est de 10,000 fr. ; si l’on en applique le tiers aux administrations de
l’enregistrement du trésor public, il restera 6,666 fr. pour le service de
l’administration des contributions directes, douanes et accises. La moyenne des
frais de route et de séjour d’un inspecteur général, en supposant seulement
deux lieues et demie d’inspection par jour, peut être estimée à 25 fr. ; les
deux tiers du crédit de 10,000 Ir. ou les 6,666 fr. ne permettront donc que 266
jours d’inspection ; encore est-il à remarquer que chaque année une fraction du
crédit est employée à solder les frais de séjour de fonctionnaires appelés
momentanément près du ministre pour se livrer à des travaux de législation, ou
de fonctionnaires de l’administration centrale dont la spécialité rend la
présence nécessaire dans quelques localités du royaume.
Admettons
que la dépense qui doit en résulter équivaut seulement à 36 jours de frais de
route et de séjour ; il en résultera qu’un seul inspecteur-général ne pourrait
être en tournée d’inspection que 230 jours pendant l’année, et qu’il lui resterait
136 jours pour se livrer au repos ou pour vaquer à des occupations sédentaires.
Deux inspecteurs généraux n’auraient donc chacun que 115 jours de travail actif
; voilà pour le cas où le crédit de 10,000 fr. pétitionné par M. le ministre,
serait accordé par la chambre ; mais si, conformément à la proposition de la
section centrale, il n’était alloué qu’un crédit de 8,000 fr., un seul
inspecteur général ne pourrait être en tournée qu’environ 178 jours par année,
et il lui resterait 187 jours à consacrer au repos ou à des travaux de
rédaction ; dans cette hypothèse, deux inspecteurs généraux n’auraient chacun
que 89 jours de tournée d’inspection par an.
Ma
conviction intime est qu’avec une organisation qui comprend par province un
inspecteur en chef uniquement chargé d’un service de surveillance, un seul
inspecteur général suffit à toutes les exigences de l’administration des
contributions directes, douanes et accises, et qu’en considérant, d’ailleurs,
le crédit demandé pour frais de route et de séjour, une seconde place
d’inspecteur général ne sera qu’une sinécure. Pour le surplus, j’admets
l’augmentation d’allocation réclamée pour l’administration centrale qui souvent
est surchargée de travail.
Plusieurs membres. - A
demain ! à demain !
M. Rogier. - La
chambre a décidé qu’elle s’ajournait lundi jusqu’au 10 janvier. Je ne sais si
M. le ministre des travaux publics a demandé des crédits provisoires ; mais
s’il ne l’a pas fait, je crains que son administration ne soit dans l’embarras.
Pour les employés supérieurs, ils peuvent attendre ; le retard du vote du
budget n’a pas d’inconvénient, mais il n’en est pas de même pour les ouvriers
qu’on paye à la quinzaine. M. le ministre ferait peut-être bien de demander des
crédits provisoires. Il pourrait, s’il le juge à propos, le faire demain.
M. le ministre des travaux publics (M.
Desmaisières) - La section centrale du budget des travaux
publics a déposé son rapport aujourd’hui ; la chambre a décidé qu’elle
s’ajournerait, je crois, jusqu’au 10 janvier. Si la chambre veut mettre le
budget des travaux publics à l’ordre du jour pour sa rentrée, je n’aurai pas
besoin de demander un crédit provisoire. Il est inutile de compliquer la
comptabilité quand on peut faire autrement.
M. Lejeune. - Je
demande qu’on fixe la séance de demain à 11 heures, afin que les membres qui
sont éloignés de Bruxelles puissent partir demain et être arrivés dans leur
famille avant le jour de Noel.
M. le président. - La
section centrale doit se réunir.
Plusieurs membres. - A
midi, à midi.
- La séance
de demain est fixée à midi.
La séance
est levée à 5 heures.