Accueil
Séances plénières Tables
des matières Biographies
Livres numérisés Bibliographie et
liens Note
d’intention
Chambre
des représentants de Belgique
Séance du mercredi 7 septembre 1842
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre
2) Projet
de loi relatif à l’érection d’une nouvelle commune (Ombret-Rawsa)
3) Projet
de loi sur les secrétaires communaux (Donny)
4) Projet
de loi autorisant le gouvernement à conclure un emprunt en vue, notamment,
d’achever le chemin de fer. Discussion générale. (A : financement du
chemin de fer ; B : routes dans le Luxembourg en compensation de
l’abandon du chemin de fer ; C : entrepôt d’Anvers ; D :
canalisation de la Campine) ((tarifs des chemins de fer sur la ligne du Midi) Lange, (C, D, commission d’amortissement, banque de
Belgique, aliénations des bois domaniaux) (Osy, Smits), (chemin de fer du Limbourg, B, D) de
Theux, (aliénation des bois domaniaux) Pirmez,
(garantie d’un intérêt minimum en cas d’appel à l’initiative privée pour la
ligne d’Entre Sambre et Meuse) de Baillet, (D) Huveners, (A, recours à l’initiative privé en matière
ferroviaire) Eloy de Burdinne, (A, B, D, garantie d’un
intérêt minimum en cas d’appel à l’initiative privée) Desmet,
(réplique générale, canal de Meuse et Moselle) Desmaisières,
(D, chemin de fer du Limbourg) Raymaeckers, (A) de Man d’Attenrode, (banque de Belgique, société générale) (Zoude, Smits, Osy,
Smits, Lebeau, Delehaye,
Smits), (A, aliénation de bois domaniaux, B) Delehaye, (A, stations de Bruxelles, matériel) Rogier)
5) Projet
de loi tendant à ouvrir un crédit supplémentaire au département des travaux
publics
(Moniteur belge n°251, du 8 septembre 1842)
(Présidence de M. Fallon)
M. Kervyn
fait l’appel nominal à midi et quart, et donne lecture du procès-verbal de la
dernière séance ; la rédaction en est adoptée.
PIECES ADRESSEES A
Il donne ensuite lecture d’une
lettre de M. Simons,
qui, étant retenu chez lui par suite de la perte qu’il vient de faire de son
fils, s’excuse de ne pouvoir assister à la séance.
- Pris pour information.
PROJET DE LOI RELATIF A L’ERECTION D’UNE NOUVELLE
COMMUNE
M. Raikem dépose le rapport sur le projet de loi tendant à séparer de la commune
d’Amay les hameaux d’Ombret et Rawsa
(province de Liége).
- La chambre ordonne
l’impression et la distribution de ce rapport.
Motion d’ordre
M. Donny. - Messieurs, les secrétaires communaux d’un grand nombre de communes
rurales ont adressé des pétitions à la chambre, qui a décidé que ces pétitions
seraient déposées sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif
aux secrétaires communaux et ensuite renvoyées au ministre de l’intérieur.
Comme il est bien certain que nous n’allons plus nous occuper dans cette
session du projet de loi dont il s’agit, je demande que la deuxième partie de
la décision de la chambre, que je viens de rappeler, soit exécutée
immédiatement, c’est-à-dire que les pétitions soient immédiatement renvoyées à
M. le ministre de l’intérieur.
- Cette proposition est
adoptée.
PROJET DE LOI AUTORISANT LE
GOUVERNEMENT A CONTRACTER UN EMPRUNT EN VUE, NOTAMMENT,
D’ACHEVER LE CHEMIN DE FER
Discussion générale
M.
Lange. - Messieurs, le gouvernement nous
propose un projet de loi tendant à l’autoriser à ouvrir un emprunt en une ou
plusieurs fois, jusqu’à concurrence de 35,500,000 fr.
Les fonds empruntés seront affectés à la construction de routes pavées et
ferrées dans la province du Luxembourg. jusqu’à concurrence de 2 millions de fr., et à l’achèvement de l’entrepôt d’Anvers, jusqu’à
concurrence de 1,500,000 fr. Pour ce qui est de ces deux propositions, je me
réserve mon vote ; j’attendrai la fin de la discussion ; je verrai l’accueil
que l’on fera à d’autres propositions que je sais devoir surgir dans cette
enceinte, et qui me paraissent tout aussi opportunes ; je veux parler de la
canalisation de la Campine, en faveur de laquelle la section centrale a déjà
pris l’initiative ; je veux parler aussi du raccordement des deux railways du
Midi, en faveur duquel la question de principe a été résolue affirmativement en
1834 et dont l’utilité nous a été démontrée dans un écrit, œuvre de l’honorable
M. Dumortier, et qui vous a été distribué récemment.
Quant à la somme de 30
millions, aujourd’hui réduite à 28,250,000 francs, pétitionnée par le
gouvernement, pour compléter l’achèvement des ligues décrétées du chemin de
fer, pour parer à toutes les dépenses imprévues, et fermer ainsi définitivement
la voie des emprunts ; quant à cette somme, je la voterai, car il est de
principe que celui qui veut la fin doit nécessairement vouloir les moyens.
Néanmoins, à cette occasion,
je crois devoir revenir sur le tarif du transport des voyageurs sur la ligne du
Midi. Dans la séance du 22 février dernier, j’ai dit que tant que la ligne du
Midi avait peu d’étendue, je concevais qu’il y eût une certaine différence
entre les prix établis pour cette ligne et ceux des autres lignes, à cause des
frais comparativement plus élevés qu’entraînait nécessairement son exploitation
; mais j’ajoutais que du jour où cette ligne s’était étendue jusqu’à Mons, c’est-à-dire
sur une distance de
Dans la séance du 24 du même
mois, M. le ministre des travaux publics, tout en reconnaissant la justesse de
mes calculs, l’exactitude de leurs résultats, crut cependant devoir en
critiquer l’application, par la raison, disait-il, que je n’avais pas tenu
compte du détour que le tracé du chemin de fer oblige à faire dans les
directions de Bruxelles vers Liége et vers Gand ; mes calculs restent donc entiers
pour la ligne de Bruxelles à Anvers, et en tenant compte des
Par son arrêté du 17 août
Dans le courant du mois
dernier, la ligne du Midi a atteint les dernières limites ; elle touche
maintenant aux frontières de France ; elle compte
En effet, messieurs, on
n’applique pas à la ligne du Midi le tarif du 17 août 1841, on ne maintient pas
même celui du 13 décembre de la même année, mais on renchérit de plus belle, on
traite les voyageurs sur la ligne du Midi en véritables parias.
En décembre 1841, au lieu de
17 à 18 centimes, on vous fait payer 22 centimes 91 centièmes ; en mars 1842,
une lueur de justice apparaît, on ne nous fait plus payer que 20 centimes 83
centièmes, toujours au lieu de 17 à 18 cent. ; mais cette lueur de justice
s’éclipse bientôt, et aujourd’hui ce n’est plus 17 à 18 cent.,
ce n’est plus 20 cent. 83 centièmes, ce n’est plus même 22 cent. 91 centièmes
c’est 23 cent. 43 centièmes que l’on exige de nous par wagon et par lieue de
Je pourrais aussi entrer,
messieurs, dans des développements en ce qui concerne le prix des chars-à-bancs
et des diligences, mais je craindrais de devenir fastidieux. Je me bornerai
donc à signaler à la chambre les résultats de mes calculs. Par le même tarif du
17 août
Pour les diligences, la
moyenne est fixée de 37 à 38 centimes. Eh bien, on paie sur la ligne du Midi 7
francs pour les diligences ; la moyenne est donc de 45 centimes 75 centièmes,
au lieu de 37 à 38 centimes. Et je ne crois pas inutile de faire remarquer ici
que la commission établie pour la vérification des tarifs avait proposé 40
centimes comme moyenne pour les diligences et que M. le ministre des travaux
publics a repoussé aussi ce taux de 40 centimes comme trop élevé.
Messieurs, je n’en dirai pas
davantage ; mais j’attends de la sollicitude et de la justice de M. le ministre
des travaux publics, que son tarif du 17 août 1841, religieusement suivi sur
les lignes du Nord, de l’Est et de l’ouest, soit légalement appliqué à la ligne
du Midi.
Avant
de terminer, j’appellerai aussi l’attention de M. le ministre des travaux
publics sur un fait qui m’a été signalé. Il paraîtrait qu’un quart des convois
de Quiévrain à Mons serait dépourvu de wagons. S’il en était ainsi, ce serait
un véritable abus qu’il faudrait d’autant plus réprimer que cette mesure
frapperait directement la plus pauvre des classes de la société.
M.
Osy. - Il est
à regretter que MM. les ingénieurs se soient trompés d’une somme si
considérable pour l’achèvement du chemin de fer, mais je suis charmé que M. le
ministre ait pu nous rassurer pour l’avenir et que la somme de 28 millions
250,000 fr. que nous allons voter suffira, et espérons qu’il n’y aura plus de
mécompte et que ce sera le dernier emprunt pour ce grand ouvrage national. Mats
je dois appuyer l’honorable M. d’Hoffschmidt et engager le ministre à faire
tous ses efforts pour achever le plus tôt possible toutes les sections et
surtout pour toucher bientôt à l’Allemagne, et de ne faire des ouvrages de
luxe, comme celui de vouloir couvrir la station du Nord à Bruxelles, que
lorsque le chemin de fer payera ses intérêts, et ainsi de ne faire que le
strict nécessaire.
Pour ce qui est du Luxembourg,
je voterai avec plaisir et comme acte de justice, les deux millions demandés
pour les voies de communication ; mais je demanderai au ministre si, au moyen
de ce subside, il n’y aurait pas moyen de s’arranger avec l’ancienne société
pour continuer le canal de Meuse et Moselle, et je pense que cette
communication par eau serait plus avantageuse au Luxembourg que des routes
ferrées. J’espère que M. le ministre pourra nous dire s’il y a espoir de voir
reprendre cette belle conception joindre ces deux rivières.
Il est prouvé, par le rapport
de la section centrale, que l’entrepôt d’Anvers paye plus que ses frais
d’entretien, ses intérêts et l’amortissement de l’emprunt de fr. 700,000, et a
donné, en 1841, un excédant dépassant 4,000 fr. ; et le premier trimestre de
cette année, sur celui de l’année dernière, a donné un nouvel excédant de
11,000 fr. J’engagerai M. le ministre des finances à vous communiquer les
renseignements qu’il vient encore de recevoir de la commission de l’entrepôt,
et vous serez convaincus que la somme de 1,500 mille fr. qu’on vous demande
pour le parachèvement de ce bâtiment sera plutôt une ressource qu’une charge
pour le trésor.
Il est démontré aujourd’hui
que l’entrepôt ne peut plus suffire aux besoins du commerce, et comme
l’intention du ministère est de déclarer finalement l’entrepôt territoire
neutre, pas de doute que toutes les marchandises arrivant de l’étranger y
seront déposées jusqu’à ce que les propriétaires se décident de les vendre a la
consommation ou de les exporter en transit pour l’Allemagne et la Suisse :
commerce que nous espérons de récupérer lorsque nous aurons atteint avec notre
chemin de fer les frontières prussiennes.
L’entrepôt sert aussi pour des
réexportations par mer, et il est probable que, de plus en plus, nous
augmenterons notre commerce de grains et graines, et déjà aujourd’hui les
embarras du commerce anglais font qu’il nous arrive en consignation des grains
venant des ports anglais et qui peut-être plus tard seront réexportés en
Angleterre après avoir payé d’assez grands frais de magasinage. Il n’y a pas de
ports mieux situé qu’Anvers pour être entrepôt du Nord pour les autres parties
de l’Europe, mais il nous faut un local où la douane n’a rien à y voir. Ce
commerce si intéressant augmente notre navigation, notre main-d’œuvre, et
ainsi, indirectement, donne encore des avantages au trésor.
Le chemin de fer achevé nous
amènera aussi le commerce de transit d’Allemagne, Suisse et même de France,
maintenant que nous avons organisé des départs réguliers à voile pour les
Etats-Unis, l’Amérique du sud, et nos relations avec les Indes Orientales
devront aussi augmenter, si nous parvenons à favoriser les importations
directes, et lorsque nous aurons, dès le début de la session prochaine, adopté
un bon système commercial, aujourd’hui tout le monde est d’accord que la
question est mûre, et on ne diffère que sur quelques différences de tarifs ;
lorsque nous aurons un bon système, notre marine marchande prendra un grand
développement, mais encore il nous faudra des locaux pour nos importations, et
il est plus que temps de mettre la main à l’œuvre, car sans cela nous pourrions
voir les chemins de fer achevés et le bon effet de notre système commercial, si
vivement réclamé, avant de voir l’achèvement de l’entrepôt, et comme l’année
est déjà très avancée, ce ne sera que vers la fin de l’année 1844 que nous
pourrons utiliser les nouveaux bâtiments, et en ajournant cette dépense qui
sera productive, il sera à craindre que la session prochaine se passera sans
décision, et alors l’achèvement pourrait nous reculer à 1846. Pas de question
n’est mieux étudiée que celle-ci et dont les besoins se font si vivement
sentir, et rarement vous voterez une dépense qui aura tant de chance d’être
favorable au trésor.
Aujourd’hui notre entrepôt,
comme avant 1830, ne suffit plus aux besoins du commerce, et la douane a dû
accorder les avantages de l’entrepôt libre à des entrepôts particuliers, ce qui
ne rapporte rien au trésor, augmente beaucoup la surveillance de la douane et
expose toujours à la fraude, tandis que l’entrepôt libre, isolé et bien
surveillé, rend toute fraude impossible.
Il est donc démontré que notre
entrepôt est insuffisant, et lorsque d’ici à 2 ans nous aurons atteint les frontières
prussiennes, le besoin se fera tellement sentir que nous aurions des regrets
d’avoir perdu un temps précieux, et ainsi je puis en toute confiance vous
engager, dans l’intérêt du trésor et du commerce, à ne pas accueillir le projet
d’ajournement de la section centrale et comme il faudra aussi près de 2 ans
pour achever l’édifice que nous vous demandons, je ne puis assez vous engager
d’examiner maintenant mûrement cette question, et de décréter dès à présent la
construction demandée par le ministère, pour que, quand notre communication
avec le Rhin sera ouverte, vous ayiez à l’Escaut des
locaux suffisants pour recevoir les marchandises qui doivent servir à notre
commerce de transit, qui alimentera votre beau port d’Anvers, et augmentera les
revenus du chemin de fer, et qui en aura besoin pour qu’un jour il ne soit plus
une charge pour le trésor et aider au développement de notre navigation et
commerce.
Il me reste à vous faire
observer qu’ayant voté cette année une loi pour faciliter le transport en transit,
de marchandises venant ou partant par le chemin de fer, la régence d’Anvers a
dû faire un arrangement avec le ministère des travaux publics pour que
l’arrivée et le départ se fasse de l’intérieur de l’entrepôt même, la
surveillance ainsi sera facile, évitera toute fraude, et si vous ne décrétiez
dès à présent la construction demandée, l’arrangement fait ne pourra pas avoir
de suite, et le vœu de la loi de 1834 ne sera pas accompli ; car on avait bien
décrété que le chemin de fer commencerait à l’Escaut, et nous pourrions ainsi
atteindre toutes les frontières avant de voir achevé le point de départ.
Ainsi, vous voyez, messieurs,
que la construction, ou pour mieux dire l’achèvement de l’entrepôt, est
notoirement lié à l’achèvement des chemins de fer, que je suis persuadé que
vous ne voudrez pas de l’ajournement proposé.
Lorsqu’avant 1830 on a
construit l’entrepôt actuel, mais qui n’a été achevé qu’en 1831 ou 1832, notre
ancien souverain avait une si haute opinion de notre commerce qu’il n’a pas
hésité, comme particulier, de garantir aux actionnaires 5 p. c. d’intérêt, et
aujourd’hui nous dépassons déjà ce revenu et le local est beaucoup inférieur
aux besoins du commerce.
Ayant perdu, lors de la
révolution, notre commerce et nos communications avec l’Allemagne, nous avons
dû chercher d’autres voies, et maintenant que nous sommes sur le point d’en
jouir, achevons en temps les anciens plans et tâchons de récupérer le temps
perdu.
Je suis charmé de voir que la
section centrale, à l’unanimité, vous propose de voter la somme de 1,750,000 fr. pour la canalisation de la Campine. Je ne doute
pas que la chambre l’admettra également. Vous allez tirer du néant, une grande
partie de la province d’Anvers et du Limbourg, et en dotant cette partie
intéressante du pays de voies de communications faciles, peu dispendieuses,
vous créerez pour ainsi dire une nouvelle province, et un vaste terrain vague
augmentera la richesse du pays, et avant peu, j’en suis persuadé, en réunissant
l’Escaut à la Meuse, vous verrez des landes incultes se transformer en champs
fertiles et donner de l’occupation à une nombreuse population, et comme les
terres ne font qu’augmenter en valeur et les baux arriver à un taux exorbitant
dans nos provinces cultivées, on trouvera dans ces parties du pays des terres
vierges qui bien vite seront habitées par ceux qui, dans leurs provinces, ne
trouvent plus des moyens d’existence, et comme la population augmente
considérablement, il faut chercher les moyens d’émigration d’une province à
l’autre, ce qui est bien préférable à ces émigrations lointaines et chanceuses
qu’entreprennent les Allemands, et dont nous avons vu cette année, à Anvers,
des familles nombreuses.
Hâtons-nous donc de donner
chez nous de l’occupation et des moyens d’existence avant que les Belges ne
songent à imiter le funeste exemple de ses voisins.
Depuis plusieurs années les
produits de la terre ont tellement augmenté que, pour les grains, nous sommes
devenus tributaires de l’étranger, et au lieu d’être exportateurs, nous sommes
presque toujours importateurs. Ainsi la fertilisation de la Campine nous
procurera de nouveaux moyens pour diminuer nos importations et pour suffire à
nos besoins.
Cette année, dans aucun pays
de l’Europe le froment n’a été aussi cher que chez nous.
Je profiterai de l’occasion
pour renouveler ma demande à M. le ministre des finances, pour nous présenter
dès l’ouverture de la session prochaine un projet de loi pour la formation
d’une commission d’amortissement et pour diriger en même temps les fonds de
dépôt et consignations, et j’espère qu’il prendra des engagements formels à ce
sujet, ainsi que de nous présenter une loi sur la comptabilité, et pour que la
cour des comptes puisse entièrement remplir le but de son institution et de
pouvoir avoir surtout le contrôle des recettes, qui est nulle pour cet
établissement, et devrait être pour nous la garantie d’une bonne administration
financière.
A cette occasion, comme on
avait parlé dans ma section, qu’on avait fait un nouvel arrangement avec la
banque de Belgique, j’ai voulu m’assurer si, en vertu de la loi de 1839, cet
établissement continuait jusqu’au remboursement des 4 millions à payer 5 p. c.
d’intérêt ; d’autant plus qu’au budget voté, nous avons porté de ce chef une
recette de 200.000 fr.
Comme on assure dans le public
que l’intérêt est réduit à 2 p. c. et n’ayant pu recevoir de la cour des
comptes aucun renseignement, je demanderai à M. le ministre s’il est intervenu
avec la banque une nouvelle convention, et si effectivement de ce chef nous
aurons un déficit (erratum au Moniteur
belge, n°252 du 9 septembre 1842 : ) de 120,000 fr. à supporter.
Je conçois qu’il est onéreux
pour la banque de payer 5 p. c. lorsque le taux de l’intérêt est 3 1/2 à 4 p. c,, mais c’est en vertu d’une loi ; et s’il ne convenait pas
à la banque de payer cet intérêt élevé, libre à elle de rembourser et nous
réduirions nos bons du trésor, qui, avec les frais, nous coûtent près de 5 p.
c.
Je prierai aussi M. le
ministre de nous dire si c’est son intention de vendre nos domaines qui
pourraient servir à l’amortissement de nos dettes et ainsi soulager d’autant
notre trésor.
D’après les états déposés au
bureau, je vois que nous avons des domaines de trois natures
1° Forêts dont on calcule la
valeur à fr. 27,000,000
2° Terres et bâtiments,
500,000
3° Routes foncières, donnant
annuellement un revenu de 66,500 soit au denier 20 près de un million trois
cent mille francs.
La valeur totale de nos
domaines sont donc évalués à près de vingt-neuf millions, et en les vendant
successivement, ces fonds pourraient servir à l’amortissement de notre dette et
de grever notre budget.
J’insiste d’autant plus sur la
valeur de ces domaines qu’ils sont onéreux pour le trésor, car tandis que nous
allons encore emprunter à 5 p. c., nous avons là un
capital de 27 millions, qui ne rapporte, brut, que 330,000 fr. Et si j’en
déduis seulement pour les agents forestiers la somme de 85,000 fr., il ne reste
qu’une somme de 245,000 fr. Ainsi, pas 1 p. c. de revenu ; les terres et
bâtiments produisent seulement 17,000 fr., soit, sur la somme de 500,000
francs, qu’un revenu de 3 1/4 à 3 1/2 p. c.
Ensuite, si ces propriétés
étaient vendues, l’impôt foncier augmenterait et l’enregistrement par des
mutations, et même par des droits de succession, car depuis qu’on a aboli le
serment, il paraît que les fonds publics au porteur qui se trouvent dans les
successions collatérales, se déclarent bien rarement.
Je crois donc, messieurs, qu’après ces détails vous insisterez avec moi
à engager le gouvernement de nous proposer une loi pour la vente des domaines,
et que vous serez convaincus comme moi, que ce sera une excellente opération
financière.
M. le
ministre des finances (M. Smits) -
Messieurs, l’honorable préopinant m’a adressé cinq questions. La première
relative à l’entrepôt d’Anvers ; la seconde, relative à la nomination d’une
commission d’amortissement ; la troisième, relative à la loi de comptabilité ;
la quatrième, relative au prêt qui a été fait à la banque de Belgique ; la
cinquième, relative à la vente des domaines. Je vais tacher de répondre
succinctement à ccs différentes questions.
Quant à l’entrepôt d’Anvers,
je crois qu’il sera plus convenable de présenter les nouveaux renseignements
que j’ai touchant cet établissement, lorsqu’il s’agira de l’article du projet
de loi relatif à l’entrepôt. C’est pour ne pas embarrasser la discussion
générale que je ne crois devoir rien dire à cet égard en ce moment,
Quant à la commission
d’amortissement, le gouvernement n’est pas encore fixé à ce sujet. Une foule de
considérations militent pour et contre l’institution d’une semblable commission
; toutefois, je pense que je pourrai faire connaître la résolution qui aura été
prise à cet égard par le cabinet, lors de la discussion du budget des voies et
moyens. Ce sera alors l’occasion de parler plus amplement sur cet objet.
Quant à la loi de
comptabilité, elle est prête, elle pourra être présentée à l’ouverture de la
session prochaine, en même temps qu’une loi corollaire, relative à la cour des
comptes, laquelle est également achevée.
Quant à la banque de Belgique,
il n’y a pas eu, messieurs, réduction d’intérêt, comme le pense l’honorable
préopinant. Il y a eu offre, de la part de la banque de Belgique, de rembourser
le capital en entier, et de le laisser en compte courant, ce que j’ai cru très
convenable d’accepter, parce que d’abord il est toujours utile à un
gouvernement d’avoir un fonds à sa disposition, et qu’en second lieu, il y
avait une autre circonstance déterminante. Lorsque la banque de Belgique a
augmenté son capital de 10 millions, elle a demandé à M. le ministre des
finances d’alors de vouloir bien déclarer qu’il renonçait à toute action sur
ces nouveaux capitaux pour la garantie du prêt de 4 millions ; le ministre des
finances, M. Mercier, a fait cette renonciation ; moi, j’ai exigé que le prêt
de l’Etat fût garanti par les anciens comme par le nouveau capital,
c’est-à-dire par 30 millions.
Les quatre millions prêtés à
la banque de Belgique sont donc à ma disposition, et je puis en disposer dès
demain ; mais en les retirant, je devrai nécessairement les déposer dans la
caisse du caissier général de l’Etat, où ils seraient improductifs d’intérêts.
Un membre. - Mais diminuez votre emprunt de 4 millions.
M. le
ministre des finances (M. Smits) - Messieurs,
quand même le gouvernement aurait 10, 15 millions à sa disposition de cette
manière, ce ne serait pas un moyen de diminuer l’import de l’emprunt.
Les quatre millions prêtés à
la banque de Belgique doivent diminuer d’autant la dette flottante ; c’est
l’intention de la loi, c’est une opération toute régulière, et je ne comprends
véritablement pas les interruptions qui se sont fait jour tout à l’heure à
cette occasion, car c’est un acte très convenable et de bonne administration
que j’ai posé.
Qui pouvait empêcher la banque
de Belgique de rembourser immédiatement ? Personne. Or, je préfère gagner 2 p.
c. à ne rien gagner du tout car, en définitive, quand les quatre millions
seront dans les caisses de l’Etat, ils y seront improductifs d’intérêt ; mais
ces quatre millions, comme je l’ai déjà dit, sont destinés à diminuer d’autant
la dette flottante, parce que c’est au moyen de bons du trésor que les quatre
millions ont été avancés à la banque de Belgique.
Quant à la vente des domaines,
il y a beaucoup à dire pour et contre. Mais il me semble que cette question ne
peut pas être traitée incidemment. D’ailleurs, je ferai remarquer à l’honorable
préopinant que la vente des domaines ne produirait pas une
ressource immédiate, en tant qu’elle pourrait diminuer l’importance de
l’emprunt, car si vous voulez vendre avec bénéfice pour l’Etat, il faut
accorder de longs délais, des délais de 8, 9, 10 ans, et conséquemment la
chambre appréciera convenablement que le produit de la vente des domaines ne
pourrait pas venir en déduction de l’emprunt. C’est une ressource future qui ne
peut qu’ajouter au crédit de l’Etat.
M. de Theux. -
Messieurs, en voyant réclamer de la législature une somme de 30 millions pour
l’achèvement du chemin de fer, je dois exprimer le regret que j’éprouve, que le
ministère n’ait pas voulu proposer les 1,500,000 fr.
nécessaires pour acheter le chemin de fer du Limbourg.
Messieurs, vous avez tous reçu
une pétition du conseil communal de Hasselt, aujourd’hui chef-lieu du Limbourg.
Dans cette pétition on a exposé la triste situation de la seule industrie de la
province, de l’industrie des distilleries on vous a montrée en même temps
combien cette industrie rapportait de droits au trésor, et quelle influence
elle exerçait sur l’agriculture et, en particulier, sur l’éducation du bétail.
Eh bien, messieurs, il est à
craindre que si ce chemin de fer tarde longtemps à être exécuté, cette
industrie ne périclite complètement, et ce serait là non seulement une grande
calamité pour la province, mais ce serait même un mal pour le pays.
Dans cette même pétition, on a
exposé, par des faits et par des chiffres, que le chemin de fer dont il s’agit
produirait nécessairement son intérêt !
Et la raison en est que ce
chemin ne se trouve en concurrence avec aucun autre embranchement du chemin de
fer, car il serait seul dans cette direction ; en outre, il ne se trouve en
concurrence avec aucune voie navigable. Or, on sait que les chemins de fer
établis dans de telles conditions ont toujours de grandes chances de
prospérité, en ce qui concerne le transport des marchandises.
Toutefois, j’espère que ce que
le gouvernement n’a pas cru devoir faire en ce moment, il le fera à une époque
peu éloignée ; que notamment ce chemin de fer obtiendra, sinon la priorité,
tout au moins la concurrence avec d’autres chemins de fer, s’il en était
réellement encore en projet.
En effet, messieurs, le
Limbourg n’a obtenu pour l’établissement de son chemin de fer qu’une somme de 1,200,000 fr., et je prie mes honorables collègues de vouloir
bien se rappeler combien de millions ont été dépensés dans les autres
provinces, et certainement ils ne trouveront pas déraisonnable la demande d’une
somme de 1,500,000 fr., pour achever le chemin de fer dans la province du Limbourg.
En ce qui concerne la
canalisation de la Campine et les routes à construire dans le Luxembourg, je
donnerai mon assentiment à la proposition comprise dans le rapport de la
section centrale. Il est évident que ces travaux ont pour objet de donner de nouveaux
développements à l’agriculture et à la population agricole. Eh bien, messieurs,
je dis que cela est d’une haute importance, car la population agricole vient
nécessairement au secours de la population industrielle, en ce sens qu’elle
consomme les produits de l’industrie ; et qu’on veuille bien le remarquer, le
marché intérieur, pour la Belgique surtout, est le principal débouché de
l’industrie. On sait combien il est difficile d’obtenir des débouchés à
l’étranger. Donc, plus il y a de consommateurs, plus les consommateurs sont
dans une condition d’aisance, plus l’industrie trouve de véritables soutiens.
D’autre part, les populations
industrielles ont besoin de céréales, ont besoin de bétail pour leur
nourriture, et c’est toujours la population agricole qui leur fournit les
moyens d’alimentation.
C’est aussi principalement
dans cette population qu’on trouve, en temps de danger, des soldats pour la
défense du pays ; car il est malheureusement reconnu que les populations
industrielles fournissent le moins de soldats à l’Etat. La raison en est
simple, c’est que ce genre de travail affaiblit nécessairement les forces
physiques, et que conséquemment cette génération d’ouvriers industriels va
toujours en décroissant. Par ces diverses considérations, il est de la plus
haute utilité d’amener le défrichement des terrains encore incultes dans les
provinces d’Anvers et du Limbourg, aussi bien que dans celle du Luxembourg,
J’attendrai la discussion sur l’amendement présenté par la section
centrale, en ce qui concerne la canalisation de la Campine, pour répondre à la
fin de non-recevoir qu’on lui a opposée, et aussi pour justifier dans ses
détails le projet de la section centrale. Je crois que cette tâche ne sera pas
difficile à remplir ; je démontrerai que jamais travaux plus productifs que
ceux-là n’ont été entrepris par l’Etat. Je ne veux pas anticiper sur la
discussion de cet amendement. Je craindrais que les considérations que je
pourrais faire valoir, si je les présentais dans la discussion générale, ne
fussent perdues de vue au moment du vote.
M. Pirmez. -
A chaque loi d’emprunt qui vous a été présentée, j’ai toujours tâché d’attirer
l’attention de la chambre sur une partie des ressources de l’Etat et de la
décider à en user, je veux parler de ce qui reste invendu des bois domaniaux.
Tout à l’heure l’honorable ministre des finances, sur l’interpellation de
l’honorable M. Osy, a répondu que sur ce point les avis étaient partagés. Pour
moi, je ne comprends pas comment sur de pareilles questions il puisse y avoir
des doutes. Vous empruntez à 5 pour cent pour acheter une propriété, car le
chemin de fer est une propriété et vous conservez des propriétés qui ne
produisent pas un pour cent. Je ne puis concevoir que, sous ce point de vue, il
puisse y avoir des doutes sur la nécessité d’aliéner nos biens nationaux. Non
seulement ces propriétés ne produisent qu’un pour cent, mais vous vous privez,
en les conservant, d’une foule de ressources qui dépasseraient de beaucoup ce
produit, d’abord par les impôts qu’elles ne donnent pas et ensuite par les
droits de mutation dont le produit est considérable. Car si vous calculiez les
impôts et les droits de mutation que les propriétés particulières donnent à
l’Etat, vous verriez qu’en peu de temps l’Etat devient propriétaire de tout.
L’honorable ministre des
finances a dit : Il est impossible de faire usage maintenant de ces propriétés,
c’est de l’argent qui nous faut sur-le-champ. Mais les Hollandais ont fait de
l’argent au moment même lorsqu’ils ont mis en vente les propriétés de la
Belgique. Ils ont touche réellement la valeur de la propriété au moyen des bons
qu’ils ont vendus sur-le-champ et avec lesquels on pouvait acheter les
propriétés mises en vente. Je veux parler des los-renten.
Je ne vois pas qu’il soit impossible d’émettre une pareille rente qui serait
remboursable par la vente des domaines. Dès aujourd’hui vous pourriez toucher
la valeur des domaines. Il n’est donc pas vrai de dire que vous ne pourriez pas
toucher dès aujourd’hui la valeur des propriétés que vous vendriez. Remarquez
que nous sommes dans un temps très favorable pour vendre des propriétés, car
nous sommes en pleine paix.
La propriété foncière a une
valeur considérable, elle est extrêmement recherchée. Si nous voulons user de
ces ressources, c’est dans ce moment qu’il faut le faire. D ailleurs
l’inaliénabilité de la propriété foncière n’est plus soutenable, elle doit
aller à qui en tire le plus de fruit ? Si vous ne l’aliénez pas, elle donne
extrêmement peu de fruits ; la preuve c’est que des propriétés estimées 27
millions ne rapportent que 270 mille francs. J’ai vu dans le rapport qu’il y
avait des propriétés domaniales qu’on croyait inaliénables. Pour moi, je crois
que toutes celles qui ne sont pas nécessaires pour un service public, qui ne
rapportent qu’une rente, sont toutes aliénables. Si on considère sur quoi est
basée cette distinction du rapport, on voit que c’est seulement parce que
beaucoup de personnes s’opposent, contre toute raison, à la vente de ces
propriétés.
Comme l’honorable ministre des
finances dit que c’est une question extrêmement contestée, je suppose qu’on
reproduira les raisons qu’on a déjà données pour empêcher cette vente qui
serait si favorable aux intérêts du fisc. On a prétendu qu’on ne trouverait pas
d’acheteurs. Voyez si toutes les propriétés qu’on met en vente en Belgique ne
trouvent pas d’acquéreurs. Si, sous le gouvernement hollandais, certaines
propriétés domaniales n’ont pas trouvé d’acheteurs, c’est qu’on en avait mis
une masse énorme en vente. Vous remarquerez qu’il est bien possible que
certains administrateurs ne voulaient pas qu’on les vendît, et pour empêcher
qu’elles ne fussent vendues, comme elles étaient soumises à l’estimation, en
auront fait considérablement élever la valeur pour empêcher la vente. Si le
gouvernement n’y faisait attention, cela se reproduirait infailliblement.
On a dit aussi, alors, que la
Belgique manquerait de bois. Si c’est sous le rapport du combustible qu’on a
exprimé cette crainte, je crois que ce n’est pas une chose que nous ayons à
redouter, car nous sommes heureusement traversés par une couche de houille dans
toute la largeur du royaume. S’il est un pays qui doive peu craindre de manquer
de combustible, c’est certainement la Belgique, où les communications
permettent de le faire arriver partout. Si c’est pour les constructions qu’on
craint de manquer de bois, je dirai que nous sommes voisins de la mer, et que
les bois de constructions arrivent en abondance dans nos ports.
On a été jusqu’à dire que les
défrichements changeraient la température et que la hauteur des cours d’eau
pourrait diminuer si on défrichait une plus grande quantité de bois. Sous ce
point de vue, on peut répondre par l’exemple de l’Angleterre, où depuis un
siècle les 15/16èmes des forêts ont été défrichés, comme cela arrive toujours
dans les pays où la civilisation fait des progrès rapides. Cependant on ne
s’aperçoit pas que la température y ait changé, du moins ce n’est pas d’une
manière nuisible.
Et quant à la jauge de la
hauteur des cours d’eau, on n’a pas vu qu’il y eût de différence. Du reste, si
cela est à craindre, vous avez toujours droit d’empêcher qu’on ne défriche,
comme cela se pratique en France. La France vend quelquefois des propriétés
nationales ; dans les contrats de vente, il est stipulé qu’il n’est pas permis
de défricher certains bois. Vous pourriez user de ce moyen, si tant est que
cela convienne ; moi, je ne 1e crois pas. Mais si vous craignez des changements
de température, et une diminution de la hauteur des cours d’eau, vous pourriez
stipuler qu’on ne pourra défricher.
On a dit aussi que ces bois
étaient soumis à des droits d’usage de parcours, de feuillées, de couper
certaines essences de bois, droits qu’on a établis dans les temps où l’on
cherchait la destruction des bois. Je crois que c’est précisément par cette
raison que ces bois sont soumis à des droits d’usage, qu’il faudrait les vendre
pour donner plus de valeur aux propriétés. Les bois ainsi en commun ne peuvent
pas acquérir la valeur de propriétés livrées à un seul propriétaire. Cette
communauté est une destruction de la propriété. Par là on n’entend pas qu’il
faut ôter aux usagers leur droit, mais seulement la régler. La loi sur le
cantonnement règle ce droit, elle donne aux usagers une plus grande valeur
qu’ils n’en ont, et par le droit de parcours, et par tous ces droits qui sont
la ruine de la propriété. Vous venez d’interpréter la loi sur le cantonnement
d’une manière favorable pour les usagers, en donnant à ceux-ci le droit de
recourir aux anciens titres ; les usagers ont donc tout à gagner dans ce
partage.
J’espère que le gouvernement usera enfin de ses ressources et que nous
n’irons pas emprunter à 5 p. c. pour acheter des propriétés, quand nous en
avons qui ne rapportent qu’un pour cent. Je sais qu’on a l’idée d’affecter ces
bois à une destination spéciale, qu’on voulait les affecter à la construction
du canal de Meuse et Moselle. Je compte bien que la nation ne souffrira pas une
pareille distraction, mais que toutes ces ressources seront employées pour le
pays entier.
M. de Baillet. - Messieurs, les conclusions de la section centrale prouvent, ce qui,
du reste, a été démontré par plusieurs décision de la chambre, que la première
de toutes les conditions pour obtenir, c’est de demander ; de demander non pas
une fois, mais chaque jour et à propos de tout.
La constance de l’honorable M.
Peeters va être récompensée. On pourra commencer enfin les travaux de
canalisation de la Campine ; à Dieu ne plaise que je blâme ce que je regarde
comme d’étroite justice ! En donnant des routes au Luxembourg, en canalisant la
Campine, vous ferez non seulement acte d’équité, mais vous mettrez certaines
parties du pays à même de subvenir, pour leur part, aux dépenses énormes créées
en faveur d’autres parties plus favorisées.
Messieurs, l’arrondissement
que j’ai l’honneur de représenter ici est un des arrondissements de la Belgique
pour lesquels rien n’a été fait. Il est connu au budget pour ce qu’il paye et à
peine pour ce qu’il coûte. Nous demandons peu pourtant, et ce que nous
demandons ce n’est pas pour nous seuls, c’est pour toute une contrée riche,
puissante et à laquelle manquent seuls les moyens d’exploitation. La richesse
est à fleur de terre chez nous ; ce que nous demandons c’est le moyen de l’utiliser.
Vous avez sillonné certaines
provinces de lignes de fer. Nous avons payé pour que vos voyageurs se promènent
en quelques heures et sans fatigue de la frontière du midi à celle du nord, de
la mer au Rhin. Vos marchandises sont rapidement transportées dans toutes les
directions. Nous payons, nous, et nos produits, nos fers, nos fontes, nos
pierres, nos marbres, restent sans débouché parce que les frais de transport
doublent le prix de la matière.
Ce que nous demandons, ce
n’est pas que vous contractiez pour d’onéreux emprunts ; la voie des emprunts
n’a été déjà que trop profondément creusée. Ce que nous demandons, c’est que
l’Etat, ne pouvant tout faire par lui-même, appelle enfin l’industrie privée,
les capitaux du pays à compléter son œuvre.
Messieurs, déjà depuis
longtemps la chambre est saisie d’une proposition, aux termes de laquelle
l’Etat garantirait un minimum d’intérêt pour de grands travaux d’utilité
publique reconnue et à entreprendre par des compagnies. Un remarquable rapport
sur cette proposition vous a été fait par l’honorable M. Dechamps. Quand nous
avons demandé la mise à l’ordre du jour des conclusions de ce rapport, on nous
a renvoyés à la discussion du projet de loi sur l’emprunt de 32 millions ; nous
y voici, et la section centrale a à peine daigné nous entendre, et si nous le
permettons, on nous ajournera à un prochain emprunt.
Ou se lasse de tout ; on se
lasse surtout de payer pour que d’autres profitent. Nous en sommes là,
messieurs. Disposés que nous sommes à admirer nos chemins dé fer, ces
somptueuses stations qui figurent dans vos évaluations hasardées pour un, deux
et trois millions, nous en sommes venus à vous demander ce que tout cela nous
rapporte. Ennemi, autant que qui que ce soit, de l’esprit de clocher, je me lasse
moi-même de donner l’argent de mes commettants, qui attendent, à ceux qui déjà
ont tant reçu.
Quand je parle de la garantie
d’un minimum d’intérêt à assurer par l’Etat pour de grands travaux d’utilité
publique, j’ai un objet spécial en vue, je ne le nierai pas ; c’est le chemin
de fer d’entre Sambre et Meuse. Mais que des objets d’une utilité aussi
incontestable soient indiqués, et je serai prêt à leur accorder mon appui. Le
chemin de fer d’entre Sambre et Meuse, que nous ne demandons pas à l’Etat de
construire, pour lequel nous demandons seulement à l’Etat un appui
indispensable, c’est la vie pour toute une contrée, pour une contrée étouffée
aujourd’hui sous une richesse improductive. Nous sommes modestes, messieurs,
nous nous contentons des miettes de l’énorme gâteau si largement partagé entre
trois ou quatre provinces. Je sais que l’on va me répondre, et ce sont les bien
rentés qui me répondront ainsi, qu’il n’y a rien de commun entre un emprunt et
une garantie d’intérêt ; que l’emprunt est à l’ordre du jour et que la garantie
de minimum d’intérêt à accorder pour de grands travaux d’utilité publique n’y
est pas. Voulez-vous savoir, messieurs, quelle est la véritable différence
entre l’emprunt que vous allez voter et ce que nous demandons ? La voici :
Vous voterez un emprunt avec
commission de banque, intérêts quasi usuraires et remboursement onéreux. Ce que
nous demandons c’est aussi un emprunt, mais un emprunt fait sur nous-mêmes ; un
emprunt sans commission de banque, à un intérêt minime et seulement éventuel et
sans remboursement du capital emprunté. Ne pouvez-vous faire cela pour nous que
vous avez conviés à tant faire pour les autres ?
Messieurs, je ne pousserai pas
l’exigence trop loin, je ne demanderai pas, comme la province d’Anvers, que
vous preniez sur l’emprunt de quoi terminer la construction d’un entrepôt ;
comme la province du Luxembourg, que vous décrétiez immédiatement la dépense de
routes dont les études ne sont pas terminées ; comme la Campine, que vous
commenciez ce qui est promis depuis Philippe le Bon ; comme les députés de
Tournay, que vous votiez un petit embranchement de chemin de fer de six à sept
millions. J’ajournerai mes prétentions à la session prochaine, mais je
subornerai mon vote sur l’emprunt à une condition absolue.
Si le ministère ne déclare pas
qu’il comprend nos besoins, qu’il reconnaît, je ne dirai pas l’utilité, mais
l’indispensabilité du chemin de fer d’entre Sambre et Meuse, s’il ne s’engage
pas à accepter, à provoquer même dans la session
prochaine la discussion sur le rapport de l’honorable M. Dechamps, je voterai
contre l’emprunt. Et si la promesse que je pourrais obtenir n’était pas tenue,
je déclare, comme le faisait dernièrement l’honorable M. Peeters, dont
l’exemple me paraît bon à suivre, que je voterai aveuglement contre toutes
dépenses pour travaux publics. Il est temps que chacun en Belgique ait sa part,
à moins que l’on ne veuille fractionner le pays et, par suite, cette chambre en
deux camps : les privilégiés et les victimes.
M. Huveners. - Messieurs, je ne répéterai pas tout ce qui a été dit dans cette
enceinte en faveur de la canalisation de la Campine ; je ne rappellerai pas les
promesses, les assurances même, qui ont été données à différentes reprises par
tous les ministères qui se sont succédé ; je n’énumérerai plus les différents
titres que la Campine, et surtout le Limbourg, peut invoquer en sa faveur ; je
ne reviendrai plus sur les tristes, sur les énormes sacrifices qui lui ont été
imposés dans l’intérêt général. Je ferai seulement remarquer que la Campine a
contribué aux immenses travaux publics exécutés dans le reste de la Belgique,
sans en profiter et sans en obtenir une compensation qui lui est due en toute
justice. L’honorable ministre des travaux publics nous l’a dit lui-même dans la
séance du 21 février. dernier : « D’honorables députes
du Limbourg, de la Campine et du Luxembourg, nous disait-il, vous ont
entretenus des intérêts de leurs localités, qui exigent sans doute toute notre
sollicitude ; ces localités, par leur situation, sont privées des bienfaits du
chemin de fer, et je dois le reconnaître elles ont bien quelques droits à une
compensation. » Il suffit d’avoir appelé l’attention de la chambre sur ces
différents points ; pour le moment je n’entrerai pas dans plus de
développements.
Je me bornerai à signaler
quelques-uns des nombreux avantages que vous procurerez à la Belgique par la
canalisation de la Campine.
Vous rendrez à la culture au
moins
Vous procurerez de nouveaux
débouchés, surtout aux provinces de Liége et de Namur : ces provinces
expédieront leurs fers, leurs fontes, leurs chaudières, leurs tôles, leurs
machines, leurs pierres, leur marbre, et surtout leur chaux et leurs houilles ;
Anvers livrera des denrées coloniales et des cendres de mer servant d’engrais ;
la Campine, ses bois de sapin et les produits de la culture, excédant la
consommation.
M. le ministre des finances
nous a dit, dans la séance d’hier, que le gouvernement ne pouvait se rallier au
projet de la section centrale parce que cette section propose des travaux qui
n’ont pas été décrétés en principe ; M. le ministre des travaux publics, de son
côté. nous disait que la canalisation de la Campine
n’était pas seulement utile mais nécessaire, mais qu’il ne pouvait l’appuyer
avant que les différents projets en présence aient été mûrement examinés.
Ces motifs me touchent peu ;
je pense que plus d’une fois des crédits ont été demandés au même moment qu’on
proposait des travaux ; je dirai même que le projet en discussion nous en
fournit l’exemple.
Quant à l’objection de
l’honorable ministre des travaux publics, elle ne me paraît pas fondée ; je ne
doute nullement de ses bonnes intentions et de la sincérité des paroles
bienveillantes qu’il a prononcées, mais je ne conçois pour le motif pour lequel
il ne peut appuyer notre demande. Il n’entre certes pas dans les vues de M. le
ministre de faire faire, de nouveau, un cinquième projet. Eh bien, les trois
premiers projets dont il nous a fait connaître la dimension, ne diffèrent en
aucun point, quant à la première section, celle de Bocholt à la
Pierre-Bleue, parce qu’il n’y a pas d’écluse sur cette section, qui doit servir
d’alimentation à toutes les autres sections et par laquelle on doit
nécessairement commencer les travaux : il n’y a donc que le quatrième projet à
petite dimension qui diffère des trois autres ; il n’y a donc qu’un choix à
faire entre deux projets : ce choix ne me paraît pas si difficile, d’autant
plus que les auteurs des différents projets ont fait valoir les raisons qui
militent tant pour l’un que pour l’autre système ; je conjure donc le
gouvernement de se prononcer, de se rallier à la proposition de la section
centrale, ou d’en proposer une autre ; et, si cela est impossible, qu’il appuie
au moins le crédit demandé, en se réservant toute liberté, quant à la
dimension. Je pense que la chambre ne reculera pas devant un pareil amendement,
j’ai confiance en elle, elle a trop souvent témoigné et de son intérêt et de sa
vive sympathie pour la malheureuse Campine. Je termine par une dernière considération,
qui, je pense, mérite toute votre attention. Le Luxembourg et le Limbourg ont
été unis et frappés du même malheur ; la chambre, je l’espère, ne voudra point
les séparer lorsqu’il s’agit de faire un acte de justice, de leur accorder
quelques faveurs.
Les
députés du Luxembourg et du Limbourg se sont toujours en quelque sorte
identifiés ; dans tous leurs discours, vous voyez leurs intérêts confondus ;
les députés du Limbourg défendent constamment les droits du Luxembourg, et ceux
du Luxembourg ne cessent de soutenir les justes prétentions du Limbourg. Hier
encore l’honorable M. d’Hoffschmidt prit chaudement la défense de notre cause,
je l’en remercie sincèrement ; il l’a défendue, j’ose le dire, autant que celle
du Luxembourg, qui du reste n’en a pas besoin. Je ne m’explique point comment
les membres du cabinet, et il y a parmi eux des Luxembourgeois, n’ont point
compris la canalisation dans le projet, c’est sans doute involontairement ; je
ne puis l’attribuer qu’à un oubli qu’on aura hâte de réparer. J’ai dit.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, si je prends la parole, c’est sans espoir de rallier à
mon opinion la majorité de la chambre ; mais voulant motiver mon vote, j’ai cru
qu’il était de mon devoir de vous donner les motifs qui me portent à refuser
mon approbation au nouvel emprunt pour la construction des chemins de fer.
Si le gouvernement n’avait pas
d’autres ressources que celles qu’on nous propose, je lui dirais : Économisez
sur d’autres dépenses, créez-vous de nouvelles ressources ; vendez vos biens ou
faites-vous payer de ce qui vous est dû.
Mais lever des capitaux pour
faire des travaux qui seront sans produits, et vu notre position financière, je
ne puis assumer l’immense responsabilité qui doit peser sur la majorité qui,
par son vote, grève le pays d’une dette qui, par la suite et dans un temps très
rapproché, nécessitera la majoration des impôts, de telle manière qu’on les
verra doubler avant deux ans.
On nous dit que parmi trente
millions nous demandés on achèvera les chemins de fer décrétés en 1839. On nous
a dit : votez 82 millions, et nous aurons la somme nécessaire pour achever les
chemins de fer.
Deux ans après on revient à la
charge et on nous signale une erreur de 30 millions et plus.
En 1844 que nous dira-t-on ?
Dieu le sait ; je ne serais pas étonné qu’on vînt nous dire alors : encore un
petit effort, votez un petit emprunt nouveau de 40 à 50 millions, et nous
parachèverons nos chemins de fer. Ah ! messieurs ne perdon s pas de vue que pendant la session de 1841 à 1842
nous avons compromis les finances du pays d’environ 80 millions et plus,
résultat des votes de la chambre.
D’abord, n’avons-nous pas voté
des dépenses :
1° Pour l’acquisition de la
British-Queen ;
2° De l’allocation pour le
canal de Zelzaete ;
5° Du chef des indemnités ;
4° Du sacrifice fait par la
convention avec la France ;
5° Convention avec Bruxelles ;
6° Et finalement en votant
l’emprunt qui vous est demandé.
Je vais faire ressortir les
calculs erronés des ingénieurs.
En 1833, la route de Liége à
la Prusse devait coûter 5 millions ; en 1839, nouveau devis, porté d’abord à 19
millions, mais réduit par le conseil du génie à 18 millions ; et, en 1842, le
nouveau génie porte cette dépense à 30 millions 600 mille francs.
De deux choses l’une : ou on a
trompé en 1833 et 1839 la législature et le gouvernement ; ou bien nos
ingénieurs sont incapables d’apprécier les dépenses à faire pour construction.
Et pour l’un ou l’autre de ces deux motifs, il est permis de ne pas croire à ce
qu’ils nous disent en 1842.
Je crois que, comme je l’ai
dit il y a un moment, la législature sera appelée à voter de nouveaux subsides
pour les chemins de fer, et que finalement on reconnaîtra, mais trop tard, que
le pays s’est laissé entraîner à des dépenses ruineuses et au-dessus de ses
moyens.
Cette position, je l’ai prévue
; je m’y suis opposé dans le temps ; conséquent avec mes antécédents, je dois
refuser mon approbation à l’emprunt qui nous est demandé pour être employé aux
travaux du chemin de fer.
Comme je n’aurai pas voté les
dépenses extraordinaires, lorsque l’on demandera d’augmenter les impôts, je
serai en droit de voter contre.
En résumé ; je refuse
d’assumer une responsabilité terrible, celle d’avoir compromis les finances du
pays, de devoir recourir à écraser les contribuables d’impôts, et en final, de
mécontenter les trois quarts de la nation.
Je serais cependant disposé à
voter des fonds pour la construction de chemins empierrés (ainsi que pour la
construction de canaux dans la Campine ), parce que je
suis convaincu que toute dépense pour construction de routes empierrées, est
une dépense qui doit produire un intérêt très élevé. Il ne faut pas considérer
seulement le produit des barrières ; il faut faire aussi attention aux
bâtiments qui s’élèvent sur les routes, au commerce qui s’y établit, à la plus
value des propriétés, aux mutations qui se font sur une très grande échelle.
Tout cela fait que les routes empierrées donnent indirectement un produit
considérable à l’Etat. Ainsi il est certain que les propriétés qui obtiennent
des routes acquièrent une valeur considérable et sont susceptibles de recevoir
une augmentation de la contribution foncière.
Vous vous êtes aperçus, je
crois, comme moi, que les chemins de fer décrétés ne sont encore rien, si l’on
écoute les réclamations qui surgissent de toutes parts. Un honorable député de
Mons vous a parlé, il n’y a qu’un instant, d’un nouveau chemin de fer à
construire afin de relier avec Tournay la route de Bruxelles à Mons. Voila une
nouvelle demande de chemin de fer ; et cette nouvelle demande va nous entraîner
à une dépense encore très considérable. Mais cela ne suffira pas. On vous dit
que ce nouveau chemin de fer va rapprocher notre capitale de la France. Sans
doute, la ligne droite est toujours la plus courte. Ce chemin sera plus court
que celui de Bruxelles à la France, par Gand et Courtrai. Mais, je le répète,
cela ne suffira pas. Pour être conséquent, et pour rapprocher la France de
l’Allemagne, et favoriser le commerce de transit, on demandera la construction
d’un chemin de fer de Namur à Liége. Vous avez entendu un autre député vous
parler d’un autre petit bout de chemin de fer. Il s’agit de prolonger le chemin
de fer de St.-Trond à Hasselt. Voilà donc, de compte
fait, trois nouveaux chemins de fer qui vous sont demandés.
On vous demande encore autre
chose : On vous demande de garantir un intérêt de 4 p.c. pour un chemin de fer
entre Sambre et Meuse. Mais on ne se bornera pas là. En établissant un chemin
de fer de Tirlemont à Huy, vous reliez le Luxembourg au chemin de fer ; car une
grande quantité de routes va se diriger de Huy, dans le Luxembourg. Voilà
encore un chemin de fer extrêmement utile dans l’intérêt général et que certes
on demandera.
Bref, je ne sais trop où nous
marchons.
On nous a dit qu’une société
était disposée à se charger de la construction du chemin de fer de Jurbise à
Tournay. On objecte que cela nuira au chemin de fer de l’Etat. C’est possible.
Mais il sera encore plus nuisible aux intérêts du trésor que ce chemin de fer
soit construit aux frais de l’Etat. Je pense donc qu’il conviendrait de
concéder la construction de ce nouveau chemin de fer à la société qui voudrait
le construire à ses frais.
S’il est une chose que nous
devons regretter tous, c’est que tous nos chemins de fer n’aient pas été
construits par concession. Le gouvernement aurait pu donner des subsides, et il
aurait fait une excellente affaire. Une société aurait construit le chemin de
fer en dépensant la moitié de ce qu’a dépensé le gouvernement. C’est ainsi que
je connais des blocs de pierre qui ont été confectionnés pour les travaux sur
la Vesdre, livres à l’entrepreneur à raison de 30 fr., et payés par le
gouvernement 60 fr. D’autres pierres d’une qualité supérieure payées par le
gouvernement 120 fr. avaient été livrées à 65 fr. par le tailleur de pierres.
Vous voyez, par là, comme le gouvernement paye cher. C’est assez naturel, dans
le siècle où nous vivons, Quand ou prend à tout le monde, on ne prend à
personne. On tire de l’Etat tout ce qu’on peut. C’est ce qui se fait partout.
Je n’ose pas dire dans la chambre. Mais ne sommes-nous pas tous disposés à
puiser un peu dans le trésor, sauf à le remplir ensuite par un emprunt ?
N’est-ce pas ainsi que les choses se passent ?
A la vérité, on nous dit que
le chemin de fer sera achevé moyennant une dépense de 153 millions et quelques
centaines de mille francs. Pour moi, j’ai sous les yeux un calcul d’où il
résulte que le chemin de fer coûtera, y compris l’emprunt demandé, au-delà de
200,000,000. On ne tient pas compte du reçu qu’on
donne de l’argent qu’on reçoit. On ne calcule pas que, quand on reçoit 50
millions on donne pour 55 millions d’obligations. On ne tient pas compte des
intérêts des capitaux.
Je ne serais vraiment pas
étonné que les chemins de fer, quand ils seront complètement achevés,
revinssent à la Belgique à 250 millions. En effet, vous le savez, lors des
premiers travaux on disait que sur certains points la dépense avait été
au-dessous des prévisions. Mais qu’a-t-on fait ? Pour achever le chemin de fer,
après que la circulation avait commencé, on a dépensé autant qu’on avait
dépensé auparavant. C’est ce qui est arrivé notamment sur la route de Malines à
Louvain.
Le chemin de fer de Liège à la
frontière prussienne est évalué maintenant 30,600,000
fr. Mais, moyennant cette somme, il ne sera qu’ébauché. Vous aurez les
avalanches, les mille et un accidents auxquels il faudra porter remède. Je ne
serais pas étonné que cette partie du chemin de fer coûtât 50 millions. Je sais
que je suis mauvais prophète. Quand vous avez voté le chemin de fer, je disais
que « les ingénieurs s’étaient trompés de moitié dans leurs devis. »
On me répondait : « Il s’agit de travaux que vous ne connaissez pas,
vous ne savez ce que vous dites. »
Malheureusement je n’avais que
trop bien deviné. Je crains fort d’avoir bien deviné encore aujourd’hui. Je
fais des vœux pour que je me trompe, lorsque je dis que les dépenses du chemin
de fer s’élèveront à 250 millions, pour autant que vous vous en teniez aux
lignes décrétées. Autrement, je ne sais où nous irions. Ne perdons pas de vue
que nous marchons à pas de géant, je ne dirai pas vers la prospérité, mais vers
la ruine du pays.
Ne perdons pas de vue que nous augmentons notre dette tous les ans, que
nous diminuons nos ressources aussi tous les ans, qu’au point où, nous en
sommes nous devons encore 5 à 6 cent millions de francs ; et que si nous
continuons à marcher comme nous le faisons depuis quelque temps, je ne serais
pas étonné que notre dette s’élevât à près d’un milliard.
(Moniteur belge n°254, du 11 septembre 1842) M. Desmet. - Pour ce qui concerne le principal point de l’emprunt, l’achèvement
du chemin de fer, je ne crois pas qu’il y ait beaucoup de choses à dire. C’est
le résultat des votes de la chambre. Vous avez voté des millions pour le chemin
de fer ; il faut les payer. On ne peut espérer que les millions vont tomber du
ciel, comme la manne, dans le trésor de l’Etat. Cependant ceux qui ont voté des
millions se sont quelquefois trompés. Quand on a discuté le chemin de fer,, on a dit qu’il coûterait un demi-million par lieue ;
l’opposition disait qu’il aurait coûte deux millions. Si l’on avait cru
l’opposition, on n’aurait pas été aussi facile à voter tant de chemins de fer,
par assis et levé, comme on l’a fait en mainte occasion. On ne croyait pas que,
dans certaines parties, le chemin de fer aurait coûté de 4 à 5 millions ; on
croyait qu’il aurait coûté peu de chose, un demi-million par lieue. Ceux qui
ont voté le chemin de fer croyaient aux promesses du ministère ; on promettait
alors de gros intérêts ; on assurait que le produit du chemin de fer aurait non
seulement couvert les frais d’entretien, mais qu’il aurait donné un gros
intérêt au trésor. On allait tellement loin qu’on a osé avancer qu’une grande
part des voies et moyens aurait été faite par les bénéfices du chemin de fer.
On sait qu’on s’est grandement
trompé ; au lieu de produire quelque intérêt de l’énorme capital qu’on y a
employé, on aura grande peine de couvrir annuellement les dépenses d’entretien
et de restauration.
Messieurs, non seulement le
chemin de fer coûtera plus de deux millions la lieue, mais il faut encore
prendre en considération les restaurations continuelles que l’on doit y faire.
Déjà vous avez eu deux grandes restaurations.
Quand dans le temps nous avons
dit que les billes en bois tendre ne dureraient que deux ou trois ans, on s’est
moqué de nous, on nous a dit qu’elles dureraient autant que du bois de chêne ;
le gouvernement doit voir maintenant combien il s’est trompé.
Ce que je viens de dire des
billes, on pourrait le dire du renouvellement des rails. Ces recouvrements sont
beaucoup trop nombreux. Je le répète donc, c’est la restauration des chemins de
fer qui coûte surtout beaucoup.
Messieurs, il est vrai que le
moyen des emprunts est très facile. Si l’on avait dû avoir recours à des
augmentations d’impôts, on n’aurait pas voté aussi facilement de nombreux
chemins de fer. Mais je vous prie de penser que si l’on conclut facilement un
emprunt, plus tard il faut le rembourser, il faut en payer les intérêts.
Remarquez que la Belgique a déjà une dette annuelle de 27 millions. Vous allez
l’augmenter de 2 millions ; hier vous avez voté une rente perpétuelle de 300,00
fr. au profit d’une ville, de manière que vous allez avoir l’année prochaine à
payer une dette de 30 millions, c’est-à dire du tiers de votre budget. Je ne
sais comment le gouvernement n’est pas effrayé de voir un aussi petit pays, qui
n’avait jamais eu de dettes, grevé d’une charge pareille.
Messieurs, j’en viens maintenant
aux deux propositions secondaires qui sont celles qui concernent la Campine et
le Luxembourg. J’appuierai ces deux propositions.
D’abord, quant au Luxembourg,
nous devons considérer que cette province n’a rien gagné à la dépense énorme
faite pour la construction des chemins de fer, que d’un autre côté elle a
considérablement perdu par le démembrement.
Si j’appuie les travaux que
l’on propose de faire dans le Luxembourg, c’est que j’y vois, d’ailleurs,
l’intérêt général du pays. Je crois que le pays tout entier, aussi bien que la
province, a besoin de communications nouvelles dans le Luxembourg pour le
transport du fer et des ardoises que produit cette partie du pays. Aujourd’hui
vous devez employer des ardoises étrangères, tandis que celles du Luxembourg
sont aussi bonnes, sinon meilleures ; mais à défaut de communications, vous ne
pouvez faire usage de ce que vous avez chez vous.
Il en est de même pour le fer.
Le fer que produit le Luxembourg a une qualité qui ne se rencontre pas dans les
autres fers du pays ; il n’y a que le Nord de l’Allemagne qui en produise de
cette qualité. C’est parce que la fonte en a lieu par le charbon de bois,
qualité essentiellement nécessaire pour les aciers et tous les objets pour
lesquels on a besoin le fer dur. Vous ne pouvez faire arriver ce fer chez vous,
et cependant vous en avez besoin pour faire du bon acier, de bons outils.
J’appuie donc fortement la
demande de crédit pour la construction de communications dans le Luxembourg,
communications se dirigeant aussi bien vers la France que vers notre propre
pays.
Mais, messieurs, je crois
qu’il y a quelque chose de plus que des routes à faire pour le Luxembourg.
L’industrie, dans cette province, est dans une grande souffrance, et
particulièrement en ce qui concerne les fers.
C’est à tel point que cette
province a eu jusqu’à 25 hauts fourneaux en activité, tandis qu’il n’y en a
plus un seul qui marche aujourd’hui. Je crois donc qu’il faudrait s’entendre
avec l’étranger, et faire un traité qui servirait les deux pays, car aujourd’hui
nous sommes réellement dupes de nos voisins, qui viennent chercher chez nous
les moyens pour lutter contre nous et détruire nos branches industrielles.
Il est certain que si la Lorraine
n’avait pas aujourd’hui vos charbons de bois, elle ne pourrait pas vous faire
tant de tort pour les fontes. Mais je le dis, il faut absolument s’entendre
avec la France. Les Français ont besoin de nous, et nous avons besoin des
Français. Si l’on s’entendait avec cette nation, on pourrait introduire dans la
Lorraine les fontes luxembourgeoises et les ardoises, comme nous recevons les
ardoises françaises ; une communauté de marché est d’une première nécessité
pour les deux pays, la France a besoin de nous comme nous avons besoin d’elle
sous le rapport commercial et industriel.
En ce qui concerne la Campine,
j’appuierai aussi le crédit qui vous est demandé pour sa canalisation. Mais je
vois la Campine sous un point de vue plus élevé encore. J’y vois des milliers
d’hectares à livrer à la culture. Or, de quoi se plaint-on aujourd’hui, et avec
raison ? C’est que depuis que la population est si forte, il y a manque de
céréales. Si vous aviez le malheur d’avoir une mauvaise moisson, vous pourriez
craindre de voir une disette dans le pays, si d’autres contrées ne venaient à
son secours.
Et, à ce sujet, je dois
attirer l’attention du gouvernement sur un point. Je ne sais si au département
de l’intérieur on a déjà pris des informations pour savoir quel est le montant
de la récolte de cette année. Messieurs, il est vrai que le grain de cette
année est d’excellente qualité, qu’il est plus pesant que celui d’autres
années, mais je crois que le gouvernement fera acte de prudence en s’informant
dans les communes à quoi on peut évaluer la moisson. J’attire sur ce point
l’attention du chef du département de l’intérieur, parce qu’il me semble que le
prix du grain tel qu’il est établi dans la loi pour en arrêter la sortie est
trop élevé, et j’oserai même insister, dans le cas d’une nécessité reconnue,
pour que cette loi soit modifiée par ordonnance ou arrêté royal pendant la
vacance des chambres.
Messieurs, pour en revenir à
la Campine, je dirai que livrer cette contrée à la culture, c’est faire acte de
haute administration, c’est faire un acte qui appartient à notre époque. Dans
tous les grands règnes, on s’est occupé à rendre fertile la Campine. Sous
Charles-Quint, on a eu le projet de la canaliser ; il en a été de même sous le
règne d’Albert et d’Isabelle. L’empereur lui-même, quand il a conçu ce grand
projet de canal du Nord, avait en vue de rendre fertile la Campine.
Messieurs, cette Campine est,
d’après moi, tellement intéressante, que si on pouvait la rendre à la culture,
et quand on aura, par des moyens d’écoulement et d’irrigation, rendu fertiles
beaucoup de prairies qui aujourd’hui sont des marécages ; on ne sera plus
tributaire de la Hollande pour le bétail qui nous est livré annuellement en
grande quantité.
Il est certain que la qualité
de bétail qui nous vient de la Campine est très bonne, si pas meilleure que
celle qui nous vient de la Hollande. Eh bien ! si vous
aviez de bons pâturages dans la Campine, vous ne seriez pas tributaires de la
Hollande qui, comme je viens de le dire, nous enlève d’énormes sommes pour le
bétail que nous tirons de ce pays.
J’appuierai donc l’amendement
proposé par la section centrale ; je l’appuierai sous ce point de vue que je
veux dès aujourd’hui, par le vote de la somme demandée, consacrer le principe
de la canalisation de la Campine. Si l’on ne consacre pas ce principe, il
arrivera ce qui est arrivé dans les autres siècles, on ne fera rien.
Messieurs, je crois que si la
Campine était fertilisée, elle augmenterait de 10,000 hectolitres la production
du grain du pays, et dans un moment où la population augmente considérablement,
il est d’une nécessité indispensable qu’on puisse trouver des moyens pour
augmenter la subsistance.
Messieurs, quand je dis que
j’appuierai l’amendement de la section centrale et la proposition telle qu’elle
est conçue, je dois déclarer cependant que j’y mets certaines restrictions. Je
voudrais que l’on fît intervenir dans la dépense les provinces, les communes et
les propriétés intéressées ; mais je voudrais qu’on laissât le gouvernement
libre de faire les travaux tels qu’il les jugera nécessaires. Et, en effet, on
n’est pas encore fixé sur la nature de ces travaux, on ne sait pas s’il faudra
un canal à petite ou à grande dimension. Je ne voudrais donc pas insérer dans
le projet une disposition par laquelle le canal devrait se faire à petites
sections.
il est aussi à remarquer que si vous voulez attirer une population dans
une contrée, il n’y a qu’à y faire un canal à grandes sections. Eh bien ! il est nécessaire d’augmenter la population de la Campine,
car sous bien des rapports il est nécessaire actuellement de ne pas laisser
trop accumuler la population dans les villes et de l’éparpiller autant que
possible dans le plat pays.
Messieurs, il y un moyen pour
le gouvernement d’arriver à retirer des ressources de la Campine. Aujourd’hui
les biens des communes y sont considérés comme vagues ; ils ne paient aucune
contribution. Cependant vous avez vu que dès que le génie civil avait fait un
plan de canalisation de la Campine, des propriétés qui n’avaient aucune valeur,
ont été portées à 2 ou 3 cents francs l’hectare. Lorsque le gouvernement aura
pris une résolution quant à la canalisation, je crois qu’il devra faire
cadastrer ces terrains vagues et leur faire supporter l’impôt ; et dès que l’on
verra les biens communaux imposés, ils seront mis en vente.
Messieurs, en appuyant
fortement le principe de la canalisation de la Campine, je ne veux toutefois
pas que ce travail soit confié à une société. Je crois qu’une telle mesure
serait fort nuisible au pays et surtout à la Campine. Il faut que le
gouvernement fasse cet ouvrage, et je crois, d’ailleurs, que l’intérêt de la
somme employée sera largement couvert.
Messieurs, quand on vote
continuellement tant de dépenses considérables, quand on voit que le chemin de
fer nous a coûté tant de millions, et que toutes les parties du pays ont
contribué à ces dépenses, il faut être juste et vouloir que chaque partie du
pays en retire quelque avantage. Je ne parlerai pas ici de ma localité, je sais
que ce n’est pas le moment ; mais je dois attirer l’attention du gouvernement
sur deux objets.
Je parlerai d’abord du plan de
canalisation générale que l’on nous a dit avoir été fait
par M. l’ingénieur Vifquain. Jusqu’à présent nous n’avons pas encore vu ce
travail. Je voudrais que M. le ministre eu hâtât l’impression pendant la
vacance, pour qu’il pût nous être distribué au moment de notre rentrée.
Messieurs, il est un second
objet sur lequel j’appelle la sollicitude du gouvernement, c’est la proposition
de MM. Zoude et Puissant, qui tend à ce que le gouvernement vienne en aide à
l’industrie particulière qui se présenterait pour exécuter des travaux publics
dans les contrées qui n’ont pas eu la faveur d’avoir leurs ouvrages faits sur
le trésor de l’Etat, je veux parler de la garantie d’un minimum d’intérêt pour
les capitaux que ces travaux coûteront. J’espère bien que cette proposition
sera appuyée par le gouvernement, car il faut cependant, s’il veut rester
populaire, qu’il soit juste, et je vous le demande, messieurs, y a-t-il justice
que telle ou telle contrée paye pour des travaux dont elle n’a aucun bénéfice
et que rien ne serait fait pour elle. C’est bien peu de chose qu’on demande que
la garantie du minimum d’intérêt et si vous voulez que la nationalité du pays
se maintienne, il ne faut pas froisser les intérêts de certaines localités en
satisfaisant à ce qu’exigent les besoins d’autres localités.
Eh bien, messieurs, qu’est-ce
qu’on nous demande ? C’est qu’il soit porté tous les ans une certaine somme au
budget pour garantir un minimum d’intérêt aux sociétés qui se chargeront de
l’exécution de travaux d’utilité publique.
Ainsi, messieurs, il y a deux objets sur lesquels j’appelle l’attention
du gouvernement, ce sont d’abord les travaux de canalisation, c’est ensuite la
garantie d’un minimum d’intérêt, pour travaux d’utilité publique.
(Moniteur
belge n°251, du 8 septembre 1842) M.
le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - L’honorable M. Lange se trompe lorsqu’il pense que j’ai repoussé absolument
les propositions du tarif et les chiffres que m’a proposés dans le temps la
commission. Messieurs, la commission des tarifs avait proposé dans son rapport
de fixer la proportion des prix entre les diverses voitures du chemin de fer à
2, 3 et 4, c’est-à-dire à 2 pour les wagons, à 3 pour les chars-à-bancs et à 4
pour les diligences ; elle avait proposé de fixer les prix par lieues
parcourues à 20 centimes pour les wagons, à 30 centimes pour les chars-à-bancs
et à 40 centimes pour les diligences. J’ai adopté en principe l’une et l’autre
de ces propositions, mais j’ai cru qu’il fallait aussi respecter un peu les
habitudes qui avaient été prises.
Le tarif existant fixait à 15
centimes le prix des wagons ; j’ai pensé que ce serait un changement trop brusque
que d’élever ce prix tout à coup de 15 à 20 centimes et j’ai dès lors diminué
jusqu’à 18 ou 17 centimes le prix de 20 centimes proposé par la commission. En
ce qui touche les chars-à-bancs, j’ai de suite adopté le chiffre de 30
centimes, parce que les chars-à-bancs avaient reçu depuis quelque temps des
améliorations qui permettaient que les prix en fussent élevés. Enfin,
messieurs, en ce qui concernait le prix des diligences, j’ai abaissé quelque
peu le prix de 40 centimes, parce que ses diligences, à raison des
améliorations apportées aux chars-à-bancs et au bas prix qui existait
précédemment pour ces dernières voitures, se trouvaient en quelque sorte
abandonnés. Il a donc fallu rétablir un peu la proportion à l’avantage des
diligences, afin d’engager les voyageurs à se porter vers ces voitures qui
rapportent le plus au trésor. Le but que je voulais atteindre a été réellement
atteint, car auparavant on ne comptait guère qu’une diligence par convoi,
tandis que depuis l’on en compte 3 et 4.
Quant à la ligne du Midi, j’ai
déjà expliqué dans une autre discussion comment il se fait que les tarifs de
cette ligne sont quelque peu plus élevés que ceux des autres lignes.
J’ai dit alors que lorsque des
nouvelles sections sont mises en exploitation, on y applique les bases des
tarifs existants, mais en les combinant d’abord avec les prix des voitures
publiques existants sur les routes ordinaires en concurrence avec 1a section
ouverte à la circulation ; j’ai fait remarquer que de cette combinaison il
résultait souvent une légère augmentation pour cette section ; d’un autre côté,
j’ai aussi appelé l’attention de l’honorable M. Lange sur les détours qui
existent sur certaines lignes, et dont il faut bien tenir compte ; j’ai fait
remarquer que les voyageurs qui vont par le chemin de fer de Bruxelles à Liége
ou à Gand, Bruges et Ostende, doivent faire plusieurs lieues de plus que par
les routes ordinaires. L’on comprendra aisément qu’il faut tenir compte de ces
détours dans la fixation des prix. L’on comprendra aussi que la réduction à
opérer de ce chef, ne peut pas être faite entièrement pour le cas dont je
parle, par exemple sur la section de Bruxelles à Malines, mais qu’il faut la
faire porter sur toute la ligne, puisque sans cela il y aurait zéro à payer de
Bruxelles à Malines.
Une partie de la différence
est donc prise sur le trajet de Bruxelles à Malines, et, comme je l’ai déjà
expliqué dans le temps, on peut d’autant mieux le faire que Malines se trouve
être le point central d’une grande partie de nos chemins de fer ; que les
convois de Bruxelles à Malines sont toujours fort nombreux et que dès lors on
peut se retrouver sur la quantité des produits.
En ce qui concerne le tarif
établi actuellement et provisoirement pour la ligne de Mons à Quiévrain, il est
vrai de dire qu’il est un peu plus élevé que les autres, mais cela est dû aux
mêmes causes que j’ai eu l’honneur de signaler.
Les prix de Bruxelles à Mons
sont restés les mêmes, il n’y a eu changement que de Mons à Quiévrain, où l’on
payait auparavant pour les diligences ordinaires 2 francs à l’intérieur et 2
fr. 50 dans le coupé. Eh bien, messieurs, le tarif qui était et qui est resté
en vigueur pour la ligne de Bruxelles à Mons fixait le prix des diligences à 5
fr ; à ces 5 fr., on a ajouté les 2 fr. qui formaient le prix des voitures
ordinaires, à l’intérieur, et l’on est arrivé ainsi au prix de 7 fr.
On ne paie donc pour les
voitures de première classe du chemin de fer que le prix des diligences
ordinaires, à l’intérieur et l’on a en outre l’avantage de la vitesse.
- Pour les wagons, messieurs,
on a pris 62 1/2 p.c. du prix des diligences ordinaires à l’intérieur,
c’est-à-dire 1 fr. 25 c.
Ensuite, messieurs, il y a
aussi une chose à prendre en grande considération sur cette section de Mons à
Quiévrain ; il faut tenir comptes des
nombreuses stations intermédiaires qui y existent, et qui sont nécessitées par
la grande population et la grande industrie que l’on trouve entre Mons et
Quiévrain. De Mons à Quiévrain il n’y a que quatre lieues de distance et il y a
quatre stations intermédiaires. Cela n’existe sur aucune autre ligne.
En ce qui touche le quart des
convois qui se trouvaient dépourvus de wagons, ainsi que l’a annoncé
l’honorable M. Lange, je dois reconnaître qu’à raison du grand mouvement qui
s’est produit pendant le mois d’août sur le chemin de fer, mouvement qui a fait
monter la recette de ce mois à 836,000 fr, qu’à raison de ce grand mouvement
nous avons manqué sur plusieurs sections dans certains moments, de matériel, à
tel point que nous avons dû quelquefois approprier au transport des voyageurs
des voitures destinées au transport du bétail. Il en est résulté,
messieurs, que sur la ligne du midi, l’administration du chemin de fer a dû
faire un essai en quelque sorte forcé, mais qui a eu cependant un succès complet
et a prouvé la justesse des vues que cette administration avait depuis
longtemps.
Messieurs, le convoi qui part
à 9 heures et 1/2 de Quiévrain, et à 10 heures 1/4 de Mons, est aussi celui qui
transporte les dépêches arrivées par la malle estafette de France ; ce convoi,
il fallait chercher à en accélérer la marche le plus possible. Or,
l’administration avait remarqué qu’ayant lieu dans le milieu de la journée, il
n’était presque pas fréquenté par les voyageurs des wagons ; et cela se
comprend : les voyageurs des wagons appartiennent particulièrement à la classe
ouvrière, et ceux là voyagent surtout le matin et le soir, et ne parcourent
guère que de petites distances. Pour que les dépêches de France pussent arriver
plus tôt à leur destination, on a, pour le convoi dont il s’agit, diminué le
nombre des haltes, et comme, ainsi que je l’ai dit tout à l’heure, on manquait
de matériel sur plusieurs sections, on a borné en même temps la composition de
ce quatrième convoi aux chars à bancs et aux diligences. Il en est résulté que
ce convoi ayant pu de cette manière acquérir plus de vitesse dans sa marche, et
les voyageurs ayant pu être rendus bien plus tôt à leur destination ; il en est
résulté dis-je, que ce convoi a donné le double de la recette que produisent
les autres convois de la journée. C’est là un résultat réellement avantageux
pour le trésor, que je délibère en ce moment sur la question de savoir s’il
faut maintenir ce que le manque de matériel nous a
forcé d’essayer.
Mais, je le répète, il faut toujours
avoir égard, lorsqu’on compare le prix des tarifs sur diverses lignes, aux
détours que les tracés eux-mêmes forcent les voyageurs de faire. C’est ainsi
que bientôt la section de Courtrai à Mouscron, et celle de Mouscron à Tournay
vont être mises en exploitation ; eh bien, on reconnaîtra qu’on ne peut pas
appliquer lieue par lieue les bases de tarification aux voyageurs qui iront de
Tournay à Bruxelles, car ils auront deux détours, le détour de Tournay par
Mouscron sur Courtray, et ensuite le détour par Malines de Courtray à
Bruxelles.
Un honorable membre a demandé
quelle était la situation du gouvernement à l’égard du canal de Meuse et
Moselle. Messieurs, le gouvernement a eu un procès à soutenir contre la société
concessionnaire qui refusait d’exécuter le canal. Le gouvernement vient de
gagner le procès, il y a peu de temps, devant le tribunal de Bruxelles ; la
société a été condamnée à l’exécution du canal, et le gouvernement a été admis,
à défaut de l’exécution par la société, à exécuter lui-même le canal et à se
faire fournir les fonds par celle-ci. Le délai d’appel n’étant pas encore
expiré, on ignore si la société appellera on non de ce jugement.
L’honorable M. Eloy de
Burdinne est revenu sur les majorations de demandes de crédit pour l’achèvement
des chemins de fer décrétés. Il a parlé des erreurs des ingénieurs ; il a
rappelé les estimations de 1833 et de 1840, et il les a mises en regard de
celles de 1842.
Messieurs, je crois que les
estimations de 1833 n’ont besoin d’aucune espèce de justification. En 1833, on
n’avait encore construit aucun chemin de fer en Belgique, on n’en avait presque
pas construit même dans les autres pays. Il n’est dès lors pas étonnant qu’on
n’ait pas pu prévoir exactement à combien la dépense s’élèverait. En 1840, on avait
plus d’expérience, mais comme je l’ai fait remarquer à la section centrale, les
principales différences proviennent des lignes à travaux extraordinaires et
considérables qui étaient à peine commencées, et à l’égard desquels les projets
de détails n’étaient pas à beaucoup près terminés.
Il faut tenir compte aussi des
difficultés sans nombre que les ingénieurs ont eu à vaincre pour exécuter ces
travaux ; il faut également tenir compte des plus grandes sommes qu’il a fallu
payer pour l’achat des terrains. Et en effet, pour ne vous en citer qu’un
exemple, et un exemple récent, le gouvernement vient d’être condamné par le
tribunal de Bruges à payer pour 2 ares 65 centiares de terrain, 48,000 francs,
soit 600,000 francs environ l’hectare. Après cela, l’on avouera qu’il n’était
pas possible aux ingénieurs de prévoir de pareilles évaluations.
Ce qu’on ne pouvait prévoir
non plus, ce sont les nombreux travaux qu’on aurait eu à exécuter pour les
nombreuses usines qui longent le chemin de fer, et surtout dans la Vesdre. Vous
savez, messieurs, que la Vesdre est entièrement semée d’usines très vastes. Eh
bien, il a bien fallu donner à ces usines les communications qu’on leur
enlevait par la traverse du chemin de fer ; il a fallu aussi leur rendre les
eaux dont on les privait, et pour cela il a fallu faire toutes espèces de
travaux non prévus en 1840, et au sujet de la plupart desquels le gouvernement
a essuyé des condamnations de la part des tribunaux.
L’honorable M. Eloy de
Burdinne a posé ce dilemme : ou les ingénieurs ont trompé les chambres ou ils
sont incapables. Messieurs, ni l’une ni l’autre partie de ce dilemme n’est vrai
; je viens de prouver par ce peu de mots que les ingénieurs n’ont pas trompé et
qu’il ne leur était pas possible de prévoir les sommes qu’il faut dépenser pour
le chemin de fer, alors que les projets de détail n’étaient pas encore
élaborés.
D’un autre côté, messieurs, je
crois que nos ingénieurs ont donné assez de preuves de leur capacité, pour
qu’on ne puisse pas les taxés d’incapables, partout à l’étranger on leur rend
cette justice. Je viens même d’en recevoir une preuve convaincante, il y a peu
de jours la société concessionnaire du chemin de fer de la Loire (d’Arbézieux à Roanne) m’a adressé une lettre dans laquelle
elle me supplie de vouloir accorder un mois de congé à M. l’ingénieur Maus qui a dirigé les plans inclinés, pour aller donner à
la société des conseils pour les plans inclinés qu’elle doit établir. Ainsi
vous voyez que les ingénieurs de France s’adressent à ceux de Belgique, pour avoir
les conseils de ses ingénieurs ; ceux-ci sont donc loin d’être incapables.
L’honorable membre a aussi
parlé des routes empierrées ; il vous a dit que c’étaient là des routes qui,
indépendamment du revenu qu’elles produisaient par les barrières, donnaient
encore des revenus indirects par le bien qu’elles faisaient à l’agriculture et
à l’industrie. Mais, messieurs, n’en est-il pas de même du chemin de fer ? Et
ce qui le prouve mieux que toute autre chose, c’est ce que l’honorable membre
vous a dit lui-même ; il vous a fait l’énumération des chemins de fer qu’on
demandait de tous côtés, et remarquez-le bien, ces demandes ne sont appuyées
que sur des intérêts industriels et commerciaux. Eh bien, si l’on demande des
chemins de fer de tous côtés, c’est parce que les chemins de fer font
indirectement du bien à tout le monde.
Messieurs, un honorable membre est revenu sur la distribution du mémoire
de M. Vifquain. J’ai le regret de devoir dire à la chambre que le mémoire ne
peut pas encore être distribué ; mais cependant je puis ajouter que M. Vifquain
m’a donné l’assurance formelle qu’il pourra être distribué au commencement
d’octobre, et j’aurai soin de l’adresser immédiatement à domicile à MM. les
membres de la chambre.
M. Raymaeckers. - D’après le projet de loi présenté par M le ministre des finances, la
somme que le gouvernement propose d’emprunter est affectée : 1° jusqu’à concurrence de 28 ou 30 millions à
l’achèvement des lignes décrétées du chemin de fer ; 2° jusqu’à concurrence de
deux millions à la construction des routes dans le Luxembourg, et 3° jusqu’à
concurrence de 1,500,000 francs au parachèvement de l’entrepôt d’Anvers ; cette
destination spéciale exclut conséquemment la construction de tous autres
travaux ; les habitants de la province de Limbourg ont dû dès lors être surpris
que le ministère, qui a montré tant de sollicitude envers certaines provinces,
était si peu soucieux des intérêts de la province du Limbourg. Les Flandres
viennent d’être dotées du canal de Zelzaete, la ville de Bruxelles reçoit à
charge du trésor public un subside de 300,000 francs par an, destiné à faire
cesser les embarras financiers ; 1,500,000 francs sont
demandés pour le parachèvement de l’entrepôt d’Anvers, deux millions pour la
construction de routes dans le Luxembourg.
Cet acte de générosité ne
pouvait dispenser le ministère de saisir l’occasion du nouvel emprunt pour
gratifier la province de Limbourg d’une communication dont le besoin se fait si
vivement sentir ; la canalisation de la Campine, le prolongement du chemin de
fer jusqu’à Hasselt ont été signalés depuis longtemps comme destinés à
dédommager les habitants du Limbourg des sacrifices qu’on leur a imposés dans
l’intérêt général du pays ; si l’on excepte la construction de quelques chemins
d’un intérêt secondaire, rien n’a été fait jusqu’à présent pour imprimer à
cette province la richesse et la fertilité qui la mettront à même de rivaliser
avec les autres provinces du royaume ; il serait inutile de faire ressortir la
grande utilité qui résultera non seulement pour les provinces d’Anvers et de
Limbourg, en particulier, mais en général pour tout le royaume, de
l’établissement d’un canal destiné à lier l’Escaut au Suid-Willems-Vaart et à la Meuse ; cette utilité a été démontrée différentes
fois jusqu’à la dernière évidence au sein des conseils provinciaux d’Anvers et
de Limbourg ; le gouvernement la reconnaît ; M. le ministre des travaux publics
a encore déclaré, dans la séance d’hier, qu’il juge la canalisation de la
Campine nécessaire dans l’intérêt général du pays, et cependant il montre si
peu de disposition pour mettre la main à l’œuvre ; depuis trois ans on n’a
cessé de nous répéter que le corps des ponts-et-chaussées est occupé à faire un
rapport sur les canaux et rivières, qui contiendra un chapitre spécial sur la
canalisation de la Campine ; le rapport, jusqu’à présent, n’a pas été
communiqué aux chambres. En disant qu’il n’a pas été communiqué, je me trompe
peut-être, il a été en effet déposé sur le bureau de la chambre il y a trois ou
quatre mois ; mais ce dépôt, messieurs, nous le savons, n’est qu’un leurre ;
jusqu’à présent le rapport n’est pas imprimé, il n’est pas même rédigé ou
achevé, et le ministère continue de répondre aux députations, qui lui sont
envoyées du Limbourg et d’Anvers, ce que lui et ses prédécesseurs nous ont
répondu depuis trois ans : qu’à la prochaine session les chambres recevront une
communication ou seront saisies d’une proposition. Mais cette promesse ne sera
pas plus exécutée que les précédentes, car si le ministère avait l’intention
sérieuse de canaliser la Campine, il ne pourrait se dispenser d’affecter une
partie de l’emprunt aux dépenses qu’entraîneront ces travaux. Si, par suite des
lenteurs qu’a apportées le corps des ponts et chaussées dans la confection des
plans et devis, on n’est point arrêté sur les dimensions du canal, rien
n’empêchait de consacrer le principe de la canalisation dans le projet de loi
et d’y affecter une certaine somme, sauf à ajourner l’emprunt de cette partie
jusqu’au moment de l’exécution des travaux ; car ne perdons pas de vue que
l’emprunt sera fait par termes, au fur et à mesure des besoins, et que dès lors
il n’y avait aucune nécessité de grever le trésor de l’Etat du capital dont
l’emploi ne deviendra nécessaire que lorsque les travaux seront en exécution ;
le ministère ne peut, dès lors, se justifier de n’avoir rien alloué dans
l’emprunt pour la canalisation de la Campine ; il y avait analogie parfaite
entre le Luxembourg et le Limbourg : en dotant le Luxembourg de deux millions,
il devait assigner une part égale au Limbourg ; aussi la section centrale, plus
profondément pénétrée des sentiments d’une bonne justice distributive, a pris
l’initiative en affectant une somme de 1,750,000 francs pour la canalisation de
la Campine ; les habitants de la province de Limbourg puiseront au moins dans
cette proposition la conviction que si leurs intérêts restent méconnus par le
gouvernement, les mandataires de la nation, en autorisant de nouvelles charges,
cherchent à faire concourir toutes les parties du pays au bénéfice qui doit en
résulter. Eh, messieurs, veuillez le remarquer, d’après les renseignements
recueillis par la section centrale, ce projet si gigantesque, dont l’exécution
devait engloutir des capitaux immenses, sera réalisé au moyen de 3,200,000 fr. Je le demande, si en raison de légers
sacrifices que le gouvernement supportera dans cette dépense, il était permis
au ministère de priver la Campine plus longtemps d’une communication si
éminemment utile, je ne puis m’empêcher de signaler un second fait qui démontre
le peu de sympathie que le ministère porte à la province de Limbourg.
Il a été décrété, par la loi
du 26 mai 1837, que le Limbourg sera rattaché par un chemin de fer au système
général des railways ; il est vrai que depuis cette époque on a construit un
bout qui part du tronc principal à Landen et s’étend jusqu’à Saint-Trond, ville
située sur l’extrême frontière de la province, mais jusqu’à présent il n’y a
que cette seule commune qui retire quelque utilité de la voie ferrée. On
conviendra cependant avec moi que le gouvernement méconnaîtrait singulièrement
le vœu de la législature en alléguant qu’il a satisfait par la construction de
cet embranchement, dont la dépense n’a monté qu’à 1,200,000
francs, à toutes les obligations qui lui étaient imposées par la loi du 26 mai
1837. Les chambres, en votant cette loi, ont voulu faire participer au système
général des chemins de fer, non pas une seule localité mais la province de
Limbourg en général ; il serait par trop absurde de supposer qu’il serait entré
dans l’intention de la législature de créer un chemin de fer pour une seule
ville d’une population de 8,000 âmes, et n’ayant d’autres établissements
industriels que trois fabriques de sucre ; ce n’est que par le prolongement
jusqu’à Hasselt que le chemin de fer dans le Limbourg peut fructifier et
devenir d’une utilité réelle à la province ; le mémoire qui vient d’être
distribué aux chambres de la part du conseil communal de Hasselt le démontre à
la dernière évidence. D’après des chiffres officiels puisés au bureau des
accises et de l’octroi, le mouvement des marchandises, tant en importation
qu’en exportation qui s’opère, année commune, dans la seule ville de Hasselt
monte à 45 millions de kilog., indépendamment des
objets expédiés par les diligences et du transport du bétail nombreux alimenté
par les distilleries ; les recettes résultant de ce mouvement donneront
infailliblement un bénéfice important au trésor, car la dépense résultant de
cette construction n’est évaluée qu’à 1,500,000 fr. ; elle sera même réduite à
1,400,000 fr., par suite d’un subside offert par la ville de Hasselt ; cette
somme est bien minime en raison des avantages immenses qui en résulteront pour
la province et particulièrement pour la ville de Hasselt ; car ainsi qu’il a
été prouvé par le mémoire auquel je viens de faire allusion, si le prolongement
du chemin de fer ne s’opère pas, les nombreuses usines qui ont existé depuis
tant d’années, et qui forment la seule ressource de la ville de Hasselt, sont frappées
de mort par l’impossibilité de pouvoir soutenir la concurrence avec des
établissements similaires qui travaillent dans des conditions plus
avantageuses, par suite de l’économie qu’ils trouvent dans le transport de
leurs produits et des matières premières. M. le ministre est au surplus
convaincu de la grande utilité de ce prolongement, puisqu’il l’a fait figurer
sur la carte annexée au rapport distribué récemment aux chambres ; il ne peut
pas non plus révoquer en doute le bénéfice qui en résultera pour le trésor ;
les renseignements qui lui ont été fournis doivent lui donner tous ses
apaisements à cet égard, et les 104,000 fr. produits pendant 1841, par
l’embranchement de Landen à Saint-Trond, quoique cet embranchement n’ait coûté
que 1,200,000 fr prouvent au surplus que le trésor retirera un grand avantage
du prolongement jusqu’à Hasselt, qui forme le centre du commerce et de
l’industrie de la province du Limbourg. D’après tous ces
faits, il est réellement surprenant que le ministère en réclamant de la
législature 30 millions pour l’achèvement du chemin de fer, n’ait point compris
dans cet emprunt la somme de 1,400,000 francs pour le
prolongement de la route ferrée jusqu’à Hasselt. Si, contre mon attente, la
province de Limbourg reste exclue de tout bénéfice du nouvel emprunt, je ne
balancerai pas de voter contre le projet de loi.
M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, le gouvernement nous propose un nouvel emprunt de 33
millions 500 mille francs. Je ne puis dissimuler l’impression pénible qu’a
produite sur moi cette proposition inattendue d’accroître encore notre dette
publique.
Le pays, à la naissance de son
indépendance, n’était en quelque sorte grevé d’aucune dette.
Un état de paix armé
dispendieux mais inévitable la fit naître.
La reconnaissance de notre
indépendance par l’Europe fut le prix d’une dette qui n’était pas la nôtre.
La Belgique, à peine
constituée, songea à réaliser une communication éminemment nationale d’Anvers
au Rhin, dont le projet nous avait été légué par nos pères, qu’ils avaient
vainement tenté d’exécuter. Cette communication devait s’exécuter au moyen d’un
canal ; on substitua aux voies navigables le système des chemins de fer
récemment inventés. Un arrêté royal contresigné par notre honorable collègue,
M. de Theux, du 21 mars 1832, mit en adjudication la concession d’un chemin de
fer d’Anvers à Liége. Le devis estimatif de l’exécution dressé par les
ingénieurs Simons et de Ridder était de 4,982,215 fl. des Pays-Bas, y compris les plans inclinés. Le
tarif proposé était de 10 cents pour les marchandises en général, de 6 à 8
cents pour les marchandises pondéreuses et de fr. 9-20 par personne d’Anvers à
Liège ; nous avons fait quelques progrès depuis ce temps.
En
L’intérêt de cette somme
calculé avec les dépenses d’entretien et d’administration, des recettes et des
péages établissait un chiffre de dépense annuelle de 1,200,000
francs.
Le revenu présumé, le moins
élevé, était de 1,475,000 fr.
Le revenu compensait donc
largement la dépense ; ce mémoire tendait à établir que le chemin de fer devait
être exécuté par l’Etat. Le parlement, eu égard, si je ne me trompe, à
l’importance politique de la communication proposée et aux calculs avantageux
qui lui étaient présentés, adopta en 1834, après une mémorable discussion,
l’exécution par l’Etat.
Le devis estimatif de la ligne
d’Anvers à Bruxelles avec double voie, et d’Anvers à la frontière prussienne
était de 17,990,000 fr. Par suite d’une réserve prise
au sénat à propos d’une loi de concessions et de péages, le gouvernement nous
présenta le 8 mai 1837, un projet de loi pour un chemin de fer à exécuter par
l’Etat, de Gand à Tournay et à la frontière de France par Courtray. La
discussion de ce projet modifia complètement le caractère du chemin de fer ; il
ne s’agit plus dès lors seulement d’une grande communication d’intérêt général.
L’intérêt provincial fut mis en jeu. Les provinces où la grande communication
d’intérêt général ne passait pas voulurent en avoir chacune un lambeau ; sans
réfléchir aux immenses dépenses dont le pays allait être grevé, chaque province
s’adjugea un chemin de fer, et afin de l’avoir plus sûrement, on le vota à
charge de l’Etat ; la question de savoir si les routes en fer d’intérêt
secondaire au moins devaient être abandonnées aux compagnies, question qui
avait soulevé de si longues discussions en 1834, ne fut plus même agitée, ou
fut à peine agitée.
Le Luxembourg même obtint son
chemin de fer ; et comme on le savait inexécutable, inutile, on ajouta cette
réserve, que le tracé serait fixé par une loi ultérieure.
Les prévisions des
avant-projets des lignes votées en 1834 et en 1837, y compris le matériel des
lignes décrétées en 1834, s’élevait à 58,490,000 fr. ;
la dépense est maintenant calculée à 153,870,905 francs. C’est un petit
mécompte d’environ 85 millions, en tenant compte du matériel.
On nous demande 30,000,000 pour la suite de la section d’Ans à la frontière ;
on nous demande donc pour cette seule section à peu près le double des
prévisions de la dépense de toute la ligne d’Anvers à Bruxelles et d’Anvers à
Verviers ; ces prévisions étaient de 16,500,000 fr. ; c’est cependant sous
l’impression de ce chiffre, que nous avons voté la loi de 1834.
L’honorable M. Nothomb, dans
une note de son rapport du 22 novembre 1839, qu’il a publié lorsqu’il était
ministre des travaux publics, émet l’opinion que la législature n’a pas entendu
renfermer le gouvernement d’une manière absolue dans la limite des devis des
avant-projets, puisqu’elle a rejeté un amendement de l’honorable M. de Theux
ainsi conçu :
« Le gouvernement ne
pourra commencer l’exécution des sections autres que celles mentionnées au
présent article (art. 2 de la loi de 1834), qu’autant que les devis estimatifs
de la section de Louvain à Liége n’aient pas été dépassés. »
Je conçois que si les dépenses
n’avaient dépassé les devis que de quelques cent mille francs, il n’y aurait
pas à se plaindre ; car comme on ne procède ici que par millions, quelques cent
mille francs paraissent peu de chose. Mais les dépenses ont été triples du
devis. C’est ce que je ne puis assez blâmer, car je dirai avec l’honorable M.
Eloy de Burdinne que ceux qui nous ont induits en erreur ou ignoraient les
questions dont ils sont venus nous entretenir, ou ont cherché à atténuer les
dépenses, afin de nous y engager plus sûrement.
Le gouvernement nous demande
pour le moment 30,000,000 fr. pour achever le chemin
de fer. On nous disait la même chose lors de la discussion de l’emprunt de 86,000,000 fr. ; cet emprunt était destiné à achever le chemin
de fer.
Quant à moi, je pense que si
nous ne prenons pas de mesures pour contrôler l’emploi de cet emprunt, il ne
sera pas le dernier qui nous sera imposé pour achever le chemin de fer.
Mon honorable ami, le comte de
Mérode, disait, il y a peu de jours, que tant qu’on abandonnerait à la discrétion
des ingénieurs décorés, en raison de l’argent qu’ils dévorent, des frais de
construction portés à près d’un million par kilomètre, il ne voterait pas, je
crois, de dépenses nouvelles ; je dis, moi, que tant que le ministre des
travaux publies sera seul chargé de lutter contre les prétentions du corps des
ingénieurs, qui dispose de nos emprunts selon son bon plaisir, je ne puis
compter que l’emprunt que nous votons sera le dernier destiné au chemin de fer.
Les dépenses ont dépassé les
prévisions de près de 80 millions ; qui peut nous assurer que ces 30 millions
suffiront ? M. le ministre aura beau m’en assurer, que mes doutes
subsisteraient encore.
Quand nous votons les dépenses
de l’Etat, nous analysons les budgets dans leurs détails les plus minces. Le
moindre crédit est disséqué. L’allocation la plus insignifiante est rejetée, si
on n’en justifie pas le chiffre ; et quand il s’agit du chemin de fer, nous
puisons à pleines mains, par la voie onéreuse de l’emprunt, dans les poches des
contribuables, pour livrer des millions à la discrétion des ingénieurs sans
détail des dépenses présumées nécessaires.
Je pense que le moyen de
prévenir le retour de mécomptes aussi nuisibles au trésor serait d’exiger un
état détaillé de l’emploi de l’emprunt, ou bien qu’une commission fût chargée
de procéder à une enquête sur les dépenses nécessaires pour achever le chemin
de fer. Je me bornerai, pour le moment, à mettre cette idée en avant, qui
mérite réflexion.
Je viens de dire que les
détails nous manquaient ; je remarque cependant, au rapport de l’honorable M.
Desmaisières, une estimation pour la nouvelle station du Nord à Bruxelles ; on
l’estime à 1,315,000 fr. ; mais qui peut nous assurer
que ce chiffre, tout énorme qu’il est, ne sera pas dépassé, ce qui sera très
facile, puisqu’il n’existe pas de détails de dépenses ?
Je remarque encore pour les
stations de Duffel, Contich, Vieux-Dieu et Anvers une somme de fr. 1,966,000 ; abandonnant pour les trois premières petites
stations une somme de 166,000 fr., qui semble plus que suffisante, je trouve
1,800,000 fr. pour la seule station d’Anvers ; on dit que c’est pour construire
une station intérieure. La station située, telle quelle est, a suffi jusqu’à
présent ; on pourrait y ajouter les constructions manquantes ; pourquoi le
gouvernement nous propose-t-il une dépense aussi exorbitante sans motifs que je
puisse envisager comme sérieux, quand le pays est surchargé, comme il l’est,
d’autres dépenses indispensables pour les travaux publics.
On nous demande 1,075,000 fr. pour une station à Charleroy ; mais cette
dépense me semble hors de toute proportion avec une ville de troisième classe
comme Charleroy.
Je le répète encore, les
dépenses pour stations sont exorbitantes, et sont en désaccord complet avec
notre état financier. On ne devrait faire que le nécessaire, l’utile ; et on
sacrifie des sommes immenses, à la vanité des ingénieurs, à quelques exigences
locales.
Je ne puis en dire davantage
pour les dépenses qui restent à faire, n’ayant pas de renseignements
suffisants. Mais je dirai quelques mots des dépenses effectuées sur la ligne de
la Vesdre ; on dit que l’imprévu a dépassé toutes les prévisions, quant à la
dépense il en est cependant, et de très fortes, qu’on aurait pu éviter, ce me
semble. Pourquoi a-t-on toléré que les entrepreneurs s’écartassent des cahiers
des charges pour aller chercher fort loin des terres nécessaires à un remblai,
tandis qu’il était stipulé qu’ils devaient les prendre à peu de distance dans
le lit du canal de Meuse et Moselle projeté. N’est-il pas résulté de cette
déviation du cahier des charges, que le gouvernement s’est trouvé livré à la
merci de exigences des entrepreneurs, auxquels il a
fallu payer des sommes considérables et supplément ?
Pourquoi, sous la commune d’Angleur, a-t-on dirigé la route vers les usines de la
société de la Vieille-Montagne, ce qui a nécessité la construction de 27 arches
qui ne sont utiles qu’à cette usine, tandis qu’on aurait pu éviter cette
dépense ?
Pourquoi exécute-t-on les
massifs de maçonnerie en pierres taillées au lieu de moellons, luxe inutile,
qui coûte 90 p. ce. de plus à l’Etat, c’est-à-dire des
sommes très considérables ? Je pourrais pousser plus loin ces observations,
quant à la ligue de la Vesdre, mais je n’irai pas plus loin.
J’ajouterai cependant quelques
mots sur l’administration. Le système de gestion du chemin de fer doit tendre à
se conformer à l’art. 5 de la loi de 1834. Cet article est ainsi conçu :
« Les produits de la
route serviront à couvrir les intérêts et l’amortissement de l’emprunt ainsi
que les dépenses annuelles d’entretien et d’administration. »
Les péages sont-ils assez
élevés pour que cet article de la loi de 1834 soit exécuté. L’intérêt du pays
exige cependant qu’il le soit, et cet article doit recevoir son exécution ;
pourquoi nos péages sont-ils beaucoup moins élevés que dans les provinces
rhénanes ? Le taux de ce pays devrait convenir au nôtre, ce me semble ; il n’y
a donc pas lieu, selon moi, de diminuer le prix des places sur le chemin de fer
du Midi, comme l’a demandé M. Lange. Il y aurait lieu plutôt d’élever le prix
des places sur le chemin de fer du Nord au taux du prix établi sur la ligne du
Midi. Il y aurait d’ailleurs encore des moyens de rendre le chemin de fer moins
onéreux : beaucoup d’économies pourraient être introduites dans
l’administration. Pourquoi ce personnel double et triple de celui qui, dit-on,
existe en Angleterre, pays qu’on nous cite toujours comme modèle en fait de
chemins de fer ? pourquoi ne pas mettre la confection
du coak en adjudication ? ou
au moins pourquoi ne le confectionne-t-il pas près des fosses d’extraction ? Le
charbon pèserait 40 p. c de moins pour le transporter à pied d’œuvre. Il y
aurait là de vraies économies à réaliser. Il existe dans les magasins de
Malines des approvisionnements immenses, trop considérables, dont le pays paie
les intérêts avec usure, puisque l’on me disait, que des masses énormes de
draps s’y mangent aux vers ; quand on demande les motifs de ces
approvisionnements absurdes, on vous répond ingénument, que c’était afin d’épuiser
les crédits. Il semblerait réellement que tout ce qui n’est pas dépensé est
perdu, et c’est ainsi que le crédit du pays s’épuise aussi.
Les paroles que je viens de
prononcer n’ont pas un but d’opposition au cabinet ; mon seul désir est de voir
mettre un terme aux emprunts, parce que je ne veux pas que mon pays soit
surchargé d’impôts onéreux ; car c’est là la suite inévitable de ces grandes
mesures, quand elles ne sont pas motivées par des besoins bien réels.
Je voterai donc l’emprunt, au
moins en ce qui concerne l’achèvement du chemin de fer, en engageant le
gouvernement à mettre plus de fermeté à introduire des économies, qui
n’accommodent peut-être pas tout le monde.
Messieurs, on a remarqué avec
étonnement que les travaux du chemin de fer s’exécutaient le dimanche, sans
motifs d’urgence. Des travaux exigés par les entrepreneurs les jours du repos
chrétien constituent, selon moi, une violation à la liberté de conscience, une
atteinte grave à la morale publique. En effet, l’ouvrier consciencieux se trouve
privé de participer aux bénéfices des travaux, dont le pays supporte la charge.
L’ouvrier moins consciencieux, tenté d’ailleurs par le besoin de subsister,
prend l’habitude de faire ce qu’il croit être le mal, et finit par négliger
tous ses devoirs. J’espère donc que M. le ministre prendra des mesures
efficaces pour faire cesser cet état de choses, en introduisant quelque clause
à cet effet dans les cahiers des charges.
Quant aux propositions de
comprendre le Luxembourg et la Campine dans l’emprunt, je ne pourrai m’y
rallier d’une manière absolue ; ces dépenses ne me semblent pas assez urgentes
pour que nous contractions des emprunts en leur faveur.
Mais, me dira-t-on, on a voté
un chemin de fer au Luxembourg. Je répondrai qu’il serait en voie d’exécution s’il
était exécutable ; il n’est donc rien dû de ce chef cette province, on ne peut
lui donner l’impossible. On désire remplacer un chemin de fer inexécutable par
une allocation pour des routes ; mais le Luxembourg a-t-il pour le moment
encore besoin de routes après les routes nombreuses qui ont été exécutées sous
le ministère de M. Nothomb ? Dépourvu de renseignements, il m’est impossible de
voter des fonds sans en connaître l’emploi.
Le conseil provincial du
Luxembourg, dans une requête au Roi du 19 octobre 1836, s’exprimait ainsi :
« Sire, le conseil provincial attache la plus haute importance
l’achèvement du canal de Meuse et Moselle. II est profondément convaincu que
l’établissement de cette grande communication est le meilleur moyen de vivifier
le commerce, etc. Enfin, Sire, si les autres provinces vont bientôt être
sillonnées des chemins de fer, avantage immense dont le Luxembourg seul sera
privé, n’est-il pas juste dès lors que le canal de Meuse et Moselle lui serve
de dédommagement ? »
Le conseil provincial
envisageait donc le canal comme la voie de communication la plus importance, et
comme destinée à lui servir de compensation pour les avantages des chemins de
fer.
N’y aurait-il donc pas lieu
d’appliquer les deux millions proposés, pour le canal de Meuse et Moselle, dont
le gouvernement devra finir par se charger ?
Les éclaircissements que
donnera le gouvernement décideront de mon vote.
Quant au canal de la Campine,
je me suis dit : La circonstance est-elle bien opportune pour grever encore
davantage le pays de nouvelles dépenses ?
N’y a-t-il pas lieu de
l’ajourner ? l’ajournement m’a semblé ce qu’il y avait
de plus sage ; j’y ajouterai un motif puissant ; les travaux immenses que nous
avons entrepris depuis 8 ans cesseront d’ici à quelque temps. Que ferons-nous
alors de ces milliers d’ouvriers qui se sont habitués à exister aux dépens de
nos emprunts ? Ne sera-t-il pas alors fort utile d’avoir encore quelque chose à
faire pour rendre la transition moins pénible. Cette pensée me semble très
sérieuse, et doit nous engager à ne pas entamer tant
de travaux à la fois, et à en ajourner quelques-uns.
Quant à l’entrepôt d’Anvers,
j’adopterai les conclusions de la section centrale.
Messieurs, je dirai encore un
mot sur les demandes nouvelles de travaux publics qui surgissent de toute part
; au train où en vont les choses, je commence à craindre une deuxième édition
du vote de 1837. Alors, à propos d’une proposition du gouvernement, des
amendements suscités par des influences d’intérêt provincial, grevèrent l’Etat
de dépenses énormes, au moyen de l’accord le plus touchant entre toutes ces
influences, En sera-ce encore de même en cette circonstance ? J’espère que non
pour le bonheur du pays.
Anvers veut un entrepôt ;
Le Luxembourg, 2 millions pour
ses communications ;
Tournay, un second chemin de
fer ;
Charleroy, une garantie
d’intérêt pour un chemin de fer ;
Le Limbourg, la continuation
du chemin de fer de St-Trond jusqu’à Hasselt ;
La Campine, un canal.
Si ces prétentions réussissent à prévaloir, que deviendront les finances
du pays ? Il faudra en définitive avoir recours à une augmentation de charges
publiques considérable, qui deviendront des plus pénibles pour le pays.
J’espère que la chambre ne se pliera pas à toutes ces exigences, et qu’elle les
repoussera au moins en partie, en se rappelant que la Belgique n’est pas une
mine d’or.
M. Zoude. - Lors du prêt de 4 millions des conditions ont été imposées à la
banque, des devoirs ont été commandés aux commissaires du gouvernement pour
surveiller l’exécution de ces conditions ; par l’une d’elles non seulement il
est défendu à la banque d’exiger des établissements industriels sous son
patronage, aucun paiement qui pourrait compromettre leur existence, mais il lui
est encore prescrit de venir au secours de ceux qui en auraient un besoin
indispensable.
Par un autre article des
conditions, il lui est encore enjoint d’user de ménagements convenables à
l’égard des personnes débitrices par compte, suivant les circonstances et leur
position respective. La banque a rempli religieusement les obligations qui lui
ont été imposées.
Elle a soutenu les
établissements industriels et l’existence de la masse d’ouvriers qui en
dépendent n’a pas été compromise un instant.
Elle a fait, parmi garantie,
de nouvelles avances lorsque les besoins en ont été dûment constatés, et par le
travail qu’elle a alimenté, l’ordre public a été maintenu.
Les ménagements commandés
envers les débiteurs dont la position élevée aurait pu être compromise par des
poursuites, ont été observés avec tout le soin et la délicatesse qu’a pu
permettre l’élévation du chiffre dont ils étaient débiteurs et nonobstant une
somme de 1 1/2 million à peu près est encore due par sept d’entre eux.
Comme commissaire du
gouvernement avec mon honorable collègue et ami M. Desmet, nous pouvons
garantir l’exactitude de ces faits.
Mais lorsqu’une société,
violant ses statuts, est venue par une manœuvre jalouse se jeter dans le champ
des escomptes, dans le but évident d’enrayer la banque, alors celle-ci ne
pouvant plus supporter l’intérêt élevé de 5 p. c., a offert au ministre le
remboursement intégral du prêt, en ne lui laissant pas ignorer, qu’affranchie
désormais de toutes les conditions qui lui avaient été imposées, elle agirait
envers les établissements industriels, comme envers ses débiteurs par compte,
suivant qu’elle le jugerait utile à ses intérêts.
Que cependant, si on
consentait à lui laisser cette somme à un taux raisonnable, elle continuerait à
agir envers ses débiteurs comme par le passé.
M. le ministre, en homme
prudent et éclairé, accepta l’offre sous la condition d’un remboursement
intégral, quand les besoins du trésor l’exigeraient.
S’il eût accepté ce
remboursement, le versement en eut été fait immédiatement à la société générale
où le capital n’eût été productif d’aucun intérêt et où il échappait d’ailleurs
à toute surveillance comme tous les fonds appartenant à l’Etat, parce que
toujours le caissier général a décliné la compétence de la cour des comptes,
tandis que dans les caisses de la banque de Belgique, le capital est
constamment représenté en écus ou en bonnes valeurs escomptées, sur lesquels
les commissaires du gouvernement exercent un contrôle permanent.
Il ne vous échappera pas
d’ailleurs, messieurs, que pour améliorer une créance considérable de l’Etat,
la banque a fait une avance de 2 millions à l’établissement de Seraing ; à
défaut de ce subside, Il eût fallu recourir à la liquidation, et
l’établissement le plus important du royaume, d’une réputation européenne, eût
été anéanti et les créanciers du gouvernement compromis.
Après cette explication il me
sera permis, à mon tour, d’interpeller M. le ministre des finances et de lui
demander jusqu’à quel point, il a fait droit aux observations que la section
centrale du budget des finances lui a adressées par mon organe en décembre
dernier, sur la situation anormale du trésor vis-à-vis son caissier et
notamment en ce qui concerne les fonds de la caisse d’épargnes, dont le
gouvernement est moralement responsable ; la section centrale lui disait que
dans tous les pays où de semblables caisses existent, les fonds en sont
employés en achats de rentes sur l’Etat, ce qui en même temps qu’il donne de la
sécurité aux déposants, contribue à améliorer le crédit public.
Si cette mesure d’ordre avait
été adoptée en Belgique, l’imprudence de la société générale dans un procès où
elle a succombé avec raison à Arlon, n’aurait pas inspiré de crainte sur les
conséquences que cette cause pouvait entraîner.
Vous savez, messieurs, qu’un
homme respectable du Luxembourg M. le baron de Marche avait versé près de 90
mille fr. dans la caisse de son agent, à Arlon, que cet agent infidèle est
disparu, emportant avec lui les fonds de la caisse d’épargne et une partie des
fonds de l’Etat.
Sous divers prétextes d’instruction
la société générale voulut refuser le remboursement du fonds confié à son agent
; heureusement pour elle et pour le pays peut-être elle a succombé, car en cas
de gain, son crédit n’eût pas seulement été ruiné dans le Luxembourg, mais très
probablement détruit complètement dans tout le royaume. Or, peut-on sans
trembler penser aux conséquences terribles qui seraient résultées
de la demande de remboursement qui serait venue de partout à la fois.
Messieurs, je ne soulèverai
pas le voile qui couvre l’abîme dans lequel la société générale eût alors
entraîné l’Etat, sa profondeur ne peut guère être mesurée que par ceux d’entre
vous qui connaissent l’énormité du chiffre de la caisse d’épargne.
M. le président m’impose le silence, je m’arrête et propose de passer à
l’ordre du jour, à moins que M. le président ne veuille ordonner le comité
secret. (voir au sujet de l’intervention du
président, la motion d’ordre de la séance du 8 septembre 1842)
M. le
ministre des finances (M. Smits) -
Messieurs, je n’ai à répondre qu’à une demande qui m’a été adressée par
l’honorable préopinant ; il m’a demandé si le gouvernement s’est occupé des
questions qu’il a posées dans un rapport de je ne sais quelle date ; si le
gouvernement avait pris des mesures de surveillance à l’égard du caissier de
l’Etat ; s’il en avait pris, en ce qui concerne la caisse d’épargne.
Messieurs,
le gouvernement a une entière confiance dans le caissier de l’Etat et il n’a
pas de mesures à prendre à son égard. Quant à la caisse d’épargne, la société
générale étant une société particulière, le gouvernement n’a pas à s’en
occuper.
M.
Osy. - Messieurs, je dois remercier M. le ministre
des finances de l’empressement qu’il a mis à répondre aux diverses demandes que
j’avais eu l’honneur de lui adresser.
Quant à ce qui regarde la
banque de Belgique, je ne dirai plus qu’un mot : C’est que la loi du 1er
janvier 1839, obligeait le gouvernement à faire payer un intérêt de 5 p. c.
Certes, la banque de Belgique, étant en droit de rembourser le capital qui lui
avait été avancé, quand elle le jugeait convenable ; le gouvernement a donc
bien fait d’accepter le remboursement, mais ce dont je le blâme c’est de
laisser ces fonds oisifs, ne produisant qu’un intérêt de 2p. c.
Le gouvernement a donc très bien fait de se faire rembourser par la
banque, mais ce que j’ai blâmé, c’est d’avoir laissé oisifs ces 4 millions à 2
p. c. d’intérêt, alors que la loi fixait l’intérêt du prêt à 5. Nous avons
aujourd’hui 11 millions de bons du trésor en circulation, il eût été plus
convenable d’en réduire le chiffre à sept millions et d’employer le prêt qui
avait été fait à la banque à en rembourser quatre millions,
M. le
ministre des finances (M. Smits) -
Ainsi que vient de le dire l’honorable préopinant, la loi qui ordonne le prêt à
faire à la banque de Belgique ne s’oppose pas au remboursement. La banque ayant
offert ce remboursement, j’ai dû l’accepter. Ensuite, rien ne devait m’empêcher
de lui laisser la somme à 2 p. c- d’intérêt, au lieu de la verser entre les
mains du caissier de l’Etat, où elle serait improductive d’intérêt.
M.
Osy. - Il aurait mieux valu diminuer d’autant les
bons du trésor.
M. le ministre
des finances (M. Smits) - C’est mon intention. La
dette flottante s’élève à 22 millions ; je puis, d’après la loi, émettre des
bons jusqu’à concurrence de cette somme ; eh bien, j’étais résolu de n’en
émettre que jusqu’à concurrence de 18 millions. Mais, incontestablement aussi,
il est plus avantageux pour l’Etat d’avoir une somme de 4 millions à sa
disposition, et produisant 2 p. c. d’intérêt, que de les avoir sans intérêt
dans les mains du caissier de l’Etat.
Au reste, le gouvernement et les chambres doivent se féliciter de cet
état de choses, car quand on a prêté 4 millions à la banque, beaucoup de
membres croyaient que c’était à fonds perdus ; heureusement cet établissement
s’est relevé, il a gagné la confiance et le crédit, et aujourd’hui aucun
créancier n’a rien à craindre. C’est un établissement solide qui marche avec
prudence et qui mérite toute confiance, et j’ajouterai toute la sollicitude de
la chambre et du gouvernement.
M. Lebeau. -
Je renoncerai à la parole, car l’opinion que je me proposais d’exprimer l’a été
par l’honorable préopinant, et j’adhère entièrement à ce qu’il a dit.
Je ferai seulement observer
qu’il y aurait beaucoup à dire sur le droit que M. le ministre des finances
s’attribue d’opérer un placement quand des fonds sont rentrés au trésor. Je
crois que ce droit est très contestable et que M. le ministre, en opérant un
placement semblable, pourrait gravement compromettre sa responsabilité. Il
n’avait pas plus le droit de faire un placement en fonds du trésor dans un
établissement, pour lequel je dirai en passant que j’ai prouvé ma bienveillance
autrement que par des paroles et dont je n’ai en ce moment que du bien à dire,
que dans aucun autre. Si ce précédent passait sans protestation, il en résulterait
que chaque ministre des finances qui aurait à sa disposition des sommes dont il
n’aurait pas à faire immédiatement l’application, pourrait les prêter non
seulement à une institution comme la banque de Belgique, mais à tout
établissement privé, en stipulant un intérêt quelconque. Je crois que le
gouvernement n’a pas le droit d’agir ainsi ; je crois de
plus que le fait d’avoir consenti à un pareil emploi de fonds en se bornant à
exiger un intérêt de 2 p. c., alors qu’au même instant nous étions probablement
obligés de faire un appel au public et aux capitalistes pour avoir de l’argent
contre des bons du trésor, à 4 et à 5 p. c. d’intérêt, est un fait difficile à
justifier, au point de vue purement administratif et abstraction faite de toute
question de localité, de convenance et de délicatesse.
M. Delehaye. - J’avais demandé la parole pour exprimer mon opinion sur un acte qui
a été posé par M. le ministre des finances, mais les observations que je me
proposais de soumettre à la chambre ont en grande partie été présentées par les
honorables préopinants. Il est un fait cependant qui n’a pas été relevé. Quand
un débiteur rend à un créancier ce qui lui a été prêté, c’est qu’il n’a plus
besoin du prêt qui lui a été fait, et le créancier, quand on lui offre de
rembourser, est obligé de recevoir. Mais quand la banque imposa au gouvernement
l’obligation de recevoir le remboursement du prêt de 4 millions ou de le lui
laisser à 2 p. c., il est étonnant que le gouvernement
n’ait pas exigé qu’on lui remboursât aussi d’autres sommes qu’il avait prêtées
sans intérêt.
Quand le gouvernement a prêté
ces quatre millions à la banque, ce fut pour la tirer d’un mauvais pas.
Indépendamment de ce prêt, je sais que d’autres fonds ont été accordés à la
banque sans intérêt. A moins que ces fonds n’aient été remboursés, voici ce que
je me serais dit à la place du gouvernement. La banque n’est plus
reconnaissante de ce qu’on a fait pour elle, elle exige que nous lui laissions
les quatre millions à 2 p. c., ou que nous en
acceptions immédiatement le remboursement. Eh bien, j’exigerais, de mon côté,
qu’elle rembourse les autres sommes que je lui ai prêtées, et pour lesquelles
elle ne paie aucun intérêt. Je crois que le gouvernement sentira qu’il est de
la dignité du pays d’exiger le remboursement des sommes avancées sans intérêt.
Je crois que ces sommes montent à un million.
Messieurs, c’est presque la
menace à la bouche qu’on est venu exiger la conservation des 4 millions à 2 p c. ! J’aurais exigé alors non seulement le remboursement de
ces 4 millions, mais aussi, celui des millions que je viens d’y indiquer.
C’est une chose assez étrange,
on donne un très mauvais exemple en disant que le gouvernement a pu enfreindre
les lois pour maintenir l’ordre public ; car ici, ainsi que l’a dit M. Lebeau,
il n’était pas permis à M. le ministre des finances de disposer des fonds
prêtés à la banque. Il est fort étrange, dis-je qu’un gouvernement enfreigne
les lois, et cela par suite de menaces. Vous avez entendu ce qu’a dit M. Zoude
; si le gouvernement n’avait pas consenti à laisser les 4 millions à la banque
à 2 p. c., elle faisait un mauvais parti à
l’établissement de Seraing et les ouvriers venaient à Bruxelles compromettre
l’ordre et la tranquillité. Moi qui appartiens à une ville industrielle et qui
tiens à cœur à ce que l’ordre y soit maintenu, si on me disait : nous sommes
dans une gène extrême, de grandes concessions ont été
faites à un établissement de Bruxelles, pourquoi ne nous ferait-on pas les
mêmes concessions et que je répondisse : le gouvernement a cédé à la peur, que
ferait-on ? On me dirait : nous aussi nous pouvons le menacer ; dans ce cas que
ferait le gouvernement si les fabricants de Gand mettaient sur le pavé leurs
nombreux ouvriers ? C’est un événement que pour ma part je ferai en sorte
d’empêcher, je ferai tous mes efforts pour que l’ordre soit maintenu, mais le
gouvernement qui a cédé à la menace en conservant à la banque le prêt de 4
millions avec réduction d’intérêt à 2 pour cent, ne s’expose-t-il pas à précipiter
le pays dans un désordre extrême ? Je n’en dirai pas davantage sur cette
question.
Il importe qu’un gouvernement se tienne toujours à l’abri de la loi, car
c’est là qu’il trouve sa force. C’est quand on méconnaît les lois qu’on avoue
sa faiblesse. Respectons les lois et le désordre ne sera pas à craindre.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Je dois déclarer qu’il n’y a pas eu de menaces de la part de la
banque. J’ai écouté les paroles de M. Zoude avec autant d’attention que
l’honorable M. Delehaye, et je n’ai pas entendu qu’il ait parlé de menaces ;
s’il l’eût fait, il y aurait eu inexactitude de sa part. Il n’a parlé que du
remboursement que j’ai accepté et que j’ai bien fait d’accepter.
M. Delehaye. - Quelques honorables collègues avaient compris comme moi que dans les
paroles de M. Zoude il avait été question de menaces qui auraient été adressées
au gouvernement par la banque.
M. Zoude. - Vous avez mal compris ; il n’en est rien.
M. Delehaye. - S’il n’y a pas eu de menaces, j’en félicite le gouvernement ; mais
c’est ce que beaucoup de collègues avaient compris comme moi.
Je dirai maintenant un mot de
la proposition d’emprunt dont vous être saisi par le gouvernement pour faire
face à diverses dépenses et notamment à celles que nécessite l’achèvement des
lignes du chemin de fer. Il n’entre pas dans mes intentions d’examiner s’il y a
exagération, si le gouvernement n’a pas été induit en erreur quand il a cru que
le coût du chemin de fer n’irait pas au delà de telle somme, il est certain
qu’il y a un déficit de 28 millions pour l’achèvement du chemin de fer. Je ne
pousserai pas l’opposition jusqu’à refuser les fonds pour des travaux qui ont
été décrétés par la législature. Je crois donc que l’emprunt demande pour
l’achèvement du chemin de fer doit être autorisé. Je lui donnerai mon
assentiment.
La section centrale a proposé
d’allouer des fonds pour la canalisation de la Campine. Je ne crois pas qu’on
puisse faire des travaux plus utiles. Quelle que soit la position fâcheuse de
nos finances, je dirai que ce seront des fonds extrêmement bien placés que ceux
qu’on emploiera à la canalisation de la Campine, car la construction de ce
canal augmentera les ressources du pays en augmentant sa richesse, cette
nouvelle voie de communication ne tardera pas à combler et au-delà la dépense
qu’elle aura occasionnée.
D’antres membres ont demandé
des fonds pour la construction d’un chemin de fer de Jurbise à Tournay. Je ne
puis, comme M. Dumortier, vous faire apprécier l’importance de cette
communication, mais il me suffit de jeter les yeux sur la carte pour en
reconnaître l’utilité. Ce chemin doit-il être construit actuellement ? Je
voudrais que la chose fût possible, mais dans l’impossibilité de savoir comment
on fera face à la dépense, je ne puis lui donner mon vote, si l’on ne décrète
pas en même temps la vente des biens domaniaux. Je pense avec l’honorable M.
Pirmez, que cette vente est nécessaire. On en a évalué le produit à 240,000
fr., ou 1 p. c. de leur valeur. C’est le produit qu’on en aurait par les
contributions, produit que viendraient encore augmenter les droits de mutation
et de succession, qui arrivent de vingt en vingt années. Le pays gagnerait à
les vendre, et, de plus, nous épargnerions les frais d’exploitation, qui sont
assez importants.
Je refuserai donc pour cet
objet toute demande d’allocation qui ne serait pas précédée de la vente des
biens domaniaux. Je reconnais l’utilité de cette communication, Mais je ne
l’appuierai que pour autant qu’elle doive être construite avec des deniers
provenant de la vente de nos domaines.
Une autre observation a été
faite à laquelle je réservais ma réponse pour la fin. C’est relativement à la
construction de routes dans le Luxembourg. Je ne puis pas admettre les motifs
sur lesquels on a appuyé la proposition qui vous est faite d’accorder une
allocation pour cet objet. La loi de 1837 avait, il est vrai, décrété
l’exécution d’un chemin de fer dans le Luxembourg, mais il fut aussitôt reconnu
que ce chemin de fer ne serait d’aucune utilité pour le pays. Je ne sache pas
qu’un chemin de fer soit fait dans l’intérêt exclusif d’une province. Tous ont
été faits dans l’intérêt général du pays ; et il ne servirait à rien au pays
qu’un chemin de fer fût fait dans le Luxembourg. Je n’admets pas qu’un chemin
de fer puisse être construit dans l’intérêt d’une localité ; car s’il pouvait
en être ainsi, nous avons des contrées autrement importantes que le Luxembourg
qui auraient droit d’en réclamer. Que diriez-vous si les pays de Waes, d’Alost,
de Renaix venaient vous dire : Nous n’avons pas un seul mètre de chemin de fer,
et vous, vous en avez décrété pour le Luxembourg ; que répondriez-vous ?
M. d’Huart. -
Vous avez l’Escaut et le canal de Zelzaete.
M. Delehaye. - Je remercie l’honorable membre de m’avoir interrompu ; je lui
demanderai ce que l’Escaut vous a coûté ? c’est un don
de la nature. Il y a plus : L’Escaut donnait un produit considérable à la
province, ce produit nous a été enlevé par la révolution à nous Flamands. En
effet, vous savez, messieurs, que le roi Guillaume nous avait concédé les
produits de ce fleuve. Ne citez donc pas l’Escaut car vous profitez de ses
produits qui sont versés dans les caisses de l’Etat. Cet exemple est donc mal
choisi.
On invoque en faveur du
Luxembourg, la cession d’une partie de cette province à la Hollande. Mais nous
souffrons autant de cette cession que le Luxembourg belge. Examinez les votes ;
vous verrez que les députés des Flandres se sont opposés à la cession dans la
même proportion que les députés des autres provinces. Si j’accorde deux
millions pour construction de routes, dans le Luxembourg, ce n’est pas par les
motifs qui ont été allégués ; ces motifs me paraissent très dangereux.
Ce qui m’engage à voter pour
les travaux réclamés en faveur du Luxembourg, c’est l’intérêt général qui se
rattache à ces constructions ; mais non l’intérêt de localité ; en effet,
prétendre qu’il faille faire des sacrifices pour une localité qui ne serait
point favorisée d’une ligne de railway, c’est engager une grande partie du pays
à venir nous adresser des réclamations.
Quant aux autres travaux dont
je reconnais l’utilité, je leur donnerai mon assentiment, du moment qu’on aura
décrété la vente de biens domaniaux ; leur produit permettra au gouvernement de
doter le pays de travaux très utiles, comme il pourra en même temps faire
toutes les constructions vivement sollicitées par les localités qui constamment
sont menacées d’inondation.
Lorsque j’ai été interrompu au
commencement de mon discours, je voulais demander à M. le ministre des
finances, à quelle époque on avait remboursé les 4 millions. Je le prie de
répondre actuellement à ma demande.
M. le ministre des finances (M. Smits) - En avril.
M. Delehaye. - Il y a donc déjà une perte sensible, et peut-être même depuis a-t-on
déjà émis des bons du trésor.
M. Rogier. -
Le nouvel emprunt présenté à la chambre a surpris beaucoup de membres. Je suis
au nombre de ceux que ce nouvel emprunt a surpris. J’avoue très franchement
qu’en proposant en 1840, à la chambre, le vote d’un crédit considérable pour
l’achèvement du chemin de fer, j’avais alors la conviction que cette somme
considérable serait suffisante. Mes raisons de croire à la suffisance du
crédit, je les puisais dans un travail auquel à la vérité je n’avais présidé en
aucune manière, mais dans lequel je devais avoir toute confiance, puisqu’il
avait été préparé par les ingénieurs, les inspecteurs et par le ministre enfin,
qui était à la tête de l’administration des travaux publics à cette époque.
Par la lettre du 16 avril 1840,
c’est-à-dire trois jours avant sa sortie du ministère, l’honorable M. Nothomb
écrivait à son collègue des finances qu’un emprunt de 70 millions serait
nécessaire pour pourvoir à l’achèvement des chemins le fer et à la construction
des routes empierrées, décrétées par des lois antérieures. Cette lettre fut
imprimée à la suite du rapport de l’honorable M. Demonceau. Il résultait de la
lettre de l’honorable M. Nothomb, qu’une somme de 66 millions serait suffisante
pour l’achèvement de tous les chemins de fer. Encore, sur cette somme, le
ministre d’alors croyait qu’on pourrait employer 4,720,000
fr. pour la construction des routes ordinaires. Ce qui réduisait à 62 millions
la somme demandé pour le chemin de fer. Eh bien, la chambre m’accorda au-delà 7
millions en plus : 69 millions 472 mille francs furent votés pour le chemin de
fer.
Ainsi, alors que la somme
nécessaire, supposée par mon honorable prédécesseur, fut augmentée par la
chambre de plus de 7 millions, j’avais le droit de croire, d’assurer à la chambre
que la somme demandée serait probablement la dernière. Toutefois je ne m’étais
pas fait complètement illusion. Je n’entreprends pas ici ma défense. Je
pourrais me considérer comme hors de cause dans cette question, au point de vue
ministériel. Les évaluations soumises à la chambre n’étaient pas mon ouvrage ;
elles étaient arrêtées, quand je suis entré au ministère. Cependant je ne
prétends pas décliner la part de responsabilité qui peut retomber sur moi, du
chef de la défense de ces évaluations. Mais enfin voici ce que je disais à la
chambre, dans une de ses premières séances : « Si vous accordez au
gouvernement la somme qu’il demande, vous lui fermez en quelque sorte la porte
à de nouveaux emprunts. Je ne prends pas pendant ici l’engagement de terminer
le chemin de fer avec les sommes réclamées ; je n’affirme pas que ces grands
travaux n’exigeront pas d’autres crédits ; mais
j’espère que nous n’en aurons pas besoin. » (Séance du 2 juin 1840.)
Ainsi vous voyez avec quelle
réserve nous nous sommes exprimé, lors du dernier
emprunt. Dans notre opinion, il était possible encore que de nouveaux crédits
fussent nécessaires. Mais nous pensions qu’il pourrait y être pourvu par
d’autres ressources par des emprunts. Aujourd’hui que d’autres ressources n’ont
pas été découvertes, il faudra bien encore recourir (et cette fois il semble
que c’est la dernière) à un nouvel emprunt.
On dit qu’une fatalité est
attachée à tous les travaux publics entrepris par le gouvernement. C’est un
honorable membre qui l’a dit dans la séance d’hier. Il trouve que les travaux
exécutés par le gouvernement lui coûtent toujours trop cher, que toutes les
prévisions sont constamment dépassées. La fatalité, si fatalité il y a n’est
pas pour les travaux du gouvernement seul. Cette fatalité pèse d’abord sur les
particuliers. Il n’y a pas de particulier qui n’entreprenne quelque travail,
sans que ses prévisions soient dépassées. Le contraire est au moins très rare.
Ensuite les sociétés
concessionnaires ne sont pas plus habiles que le gouvernement. Si vous
rapprochez les estimations des travaux entrepris par les sociétés
concessionnaires des dépenses définitives, vous verrez que les sociétés
n’échappent pas plus à la fatalité que le gouvernement. Il y a des exemples
sans nombre de travaux qui ont coûté plus du double, plus du triple des
évaluations primitives.
Je citerai quelques exemples.
Je les prendrai de préférence en Angleterre, où le système des concessions
particulières fleurit depuis longtemps, et où le gouvernement en général
n’intervient pas directement dans les travaux publics.
Je rappellerai d’abord les 23
canaux du midi de l’Angleterre.
L’estimation première était de
317,000 fr, par lieue. La dépense réelle et définitive a été de 792,000 par
lieue.
Pour le canal de Forth et
Clyde, en Ecosse (12 lieues), l’estimation première était 150,000 liv. st. Onze
actes successifs du parlement ont autorisé de nouvelles dépenses qui se sont
élevées de 150,000 liv, st. à 541,000 liv. st. ; soit
4 fois et demie l’estimation première. Pour le chemin de fer de Liverpool à
Manchester plus particulièrement connu sur le continent, l’estimation première
était de 510,000 liv. st. Le parlement a dû, par 5 actes successifs, autoriser
de nouvelles dépenses pour ce chemin de fer, de telle manière que les sommes
définitivement dépensées se sont élevées à 1,500,000
liv. st.
De Londres à Birmingham, la
dépense réelle a été plus que doublée des évaluations.
De Londres Greenwich,
l’estimation était de
De Leipsig
à Dresde, on assure que la dépense réelle a été double des évaluations.
De Paris à Saint-Germain,
l’estimation était de 3,900,000 fr. La dépense réelle
a dépassé 14 millions.
Le chemin de fer de Paris à
Versailles (rive gauche) a été construit, comme on sait, par une société
particulière. Les travaux avaient été évalués a 6,700,000
fr. La dépense a été de 18 millions.
Si l’on avait des doutes sur
l’exactitude de ces derniers chiffres, je communiquerais des documents
officiels d’où je les ai tirés, ce sont les rapports même des administrateurs
qui n’ont pas intérêt à exagérer la dépense.
On pourrait multiplier les
exemples.
Ce n’est pas que je veuille
excuser à tous égards ce qui a été fait en Belgique. Je reconnais qu’après six
ans d’expérience, en 1840, on aurait dû fournir au gouvernement des estimations
plus exactes. Sous ce rapport certains reproches ne seraient pas dénués de
fondement.
Mais il faut être juste pour
tout le monde. A commencer par le chemin de fer, il ne faut pas l’accuser
d’avoir absorbé des sommes considérables, d’avoir dépassé énormément les
prévisions, d’avoir créé un gouffre dans le trésor public. Il ne faut accuser
qui que ce soit d’ignorance ou de mauvaise foi. Quant à l’ignorance dont on
accuserait les ingénieurs, les travaux du chemin de fer, on peut le dire, ont
révélé des talents dignes d’honorer tout les pays. S’il n’a pas été donné à
quelques-uns de ces hommes d’assister au couronnement de l’œuvre qu’ils avaient
si glorieusement commencé, ce n’est pas une raison de se livrer contre eux à
des attaques injustes. Je parle entre autres de l’ingénieur qui avait été
chargé des travaux de la Vesdre. Il est aujourd’hui dans la disgrâce. Je crois
que cette disgrâce est un événement fâcheux et peu mérité par lui. Quiconque a
eu l’occasion de travailler avec cet homme distingué, avec cet homme qui en
dépasse de très loin d’autres qui ont apprécié bien légèrement les services
qu’il a rendus, quiconque, dis-je, a été en rapport avec un pareil homme, peut
dire que la Belgique serait trop heureuse d’en compter un grand nombre tel que
lui dans son sein, que le ministre serait trop heureux, s’il pouvait toujours
conserver autour de lui de pareils talents, de pareils lumières et de pareilles
probités.
Eh bien ! ces
ingénieurs dont j’ai parlé tout à l’heure, ont proposé, en 1833, un chemin de
fer, mais, dans de certaines limites, un chemin de fer raisonnable ; un grand
travail, à la vérité, mais qui n’avait rien en soi d’exagéré. Il s’agissait,
messieurs, de lier l’Escaut au Rhin, de donner un port de mer à l’Allemagne,
d’attirer en Belgique le transit de ce pays. Il s’agissait, messieurs, d’un
chemin de fer limité, établi sur de larges bases, je le reconnais,
mais qui ne devait pas entraîner le trésor dans des dépenses aussi
considérables que celles qu’il a dû subir depuis.
Le chemin de fer proposé en
1833 comportait une longueur de 58 lieues, et une dépense de 23 millions, non
compris le matériel ni les stations. Dans la discussion, messieurs, le chemin
de fer s’accrut d’une longueur de quinze lieues, parce que l’on voulut que la
loi consacrât immédiatement le principe d’un chemin de fer passant par le
Hainaut. Voilà donc l’œuvre première accrue de quinze lieues.
En 1837, messieurs,
l’engouement avait été croissant. En 1834, beaucoup de personnes repoussaient le
chemin de fer comme un fléau. En 1837, tout 1e monde voulait des chemins de
fer. En 1840 tout le monde en voulait encore, et enfin en 1842, ce chemin de
fer que l’on nous représente quelquefois encore aujourd’hui comme une lèpre
pour le pays, comme une source de ruine pour le trésor, c’est à qui s’en
disputera un morceau.
Eh bien, en 1837 c’est la
chambre qui entraîna le ministère qui n’eut pas la force de lui résister, dans
de nouvelles créations, dans de nouvelles dépenses. Aux 58 lieues primitives
accrues de 15 lieues pendant la discussion, on ajouta 37 lieues nouvelles qui
durent accroître dans la même proportion la dépense. Outre ces 37 lieues
nouvelles, le ministère décréta trois stations dans la ville de Bruxelles. Une
seule station suffisait. On en ajouta deux nouvelles, et cela pour se donner le
plaisir de planter Bruxelles au milieu des chemins de fer, de couper en deux le
chemin de fer, de, de diviser ce qui aurait dû rester indivisible.
Voilà comment les dépenses se
sont successivement accrues et comment l’on est souverainement injuste de venir
reprocher soit aux ingénieurs, soit aux administrations antérieures, d’avoir
entraîné le pays dans des dépenses qui dépassent les prévisions premières.
C’est la chambre qui a voulu ces dépenses. Quant à moi je ne lui en fais pas un
reproche ; mais je combattrai tous les reproches qui s’adresseraient aux
ingénieurs, attendu que, s’il y a eu des exagérations, ces exagérations n’ont
pas été leur fait.
Les reproches, au reste,
portent eux-mêmes le cachet de l’exagération. Un honorable préopinant, répétant
les paroles d’un de ses honorables amis, vient de nous dire que le chemin de
fer coûterait un million par kilomètre. Je crois avoir bien compris M. de Man.
M. de Man d’Attenrode. - J’ai parlé de la ligne de la Vesdre.
M. Rogier. -
C’est différent, je croyais que vous aviez parlé du chemin de fer en général,
et dans ce cas il y aurait eu une exagération qui dépassait toutes les bornes.
Messieurs, le chemin de fer
primitif, ainsi que je vous l’ai dit, aurait entraîné le trésor dans une
dépense évaluée d’abord à 23 millions. Mais si je la double, et si j’arrive à
une somme de 46 millions, on avouera que cette dépense pouvait facilement être
supportée par le trésor.
Aujourd’hui, d’après de
nouvelles évaluations, il y aura 153 millions à dépenser. En 1840, nous avions
pensé que 125 millions suffiraient. La dépense en plus se divise de la manière
suivante : pour les lignes tant en construction qu’en exploitation l’on demande
17,900,000 fr. ; pour les stations l’on demande
6,420,000, et enfin pour le matériel on demande une augmentation de 5,060,000
fr.
Je dois remarquer que ces
différentes augmentations réunies présentent en total une somme de 29,381,000 fr., et que cependant on ne demande que 28,206,000.
M. Demonceau. - Si l’honorable M. Rogier le permet, je lui expliquerai d’où provient
la différence ; c’est que les prévisions de 1840 étaient inférieures aux sommes
votées.
M. Rogier. -
Messieurs, j’ai dit qu’en 1840 l’expérience de 6 années aurait dû mettre MM.
les ingénieurs dans la possibilité de se rapprocher davantage, dans leurs
évaluations, de la dépense réelle. Cependant il faut remarquer que tout n’a pas
été mécompte dans les calculs faits en 1840, et que des travaux entièrement
imprévus doivent être exécutés à l’aide du nouvel emprunt.
Ainsi pour la route d’Ans à la
frontière de Prusse, en 1840 il n’était pas question d’une double voie ; aujourd’hui
l’on propose une double voie sur cette longueur de 9 lieues. De la, messieurs,
une augmentation de dépenses dont il serait injuste de rendre responsable les
auteurs des évaluations de 1840. Je ne sais pas à quelle somme s’élèvera la
dépense de cette double voie, mais certainement en le portant à 2 ou 3
millions, on n’exagère pas.
M. Demonceau. - Si l’honorable M. Rogier veut bien me le permettre, je lui dirai
qu’il trouvera les documents sur le bureau.
M. Rogier. -
Maintenant, en 1840, entre Louvain et Tirlemont, il n’avait pas été question de
construire un double souterrain, de doubler le souterrain de Cumptich. Je veux bien reconnaître qu’il peut être utile de
construire ce double souterrain, mais la dépense qui doit en résulter n’avait
pas été comprise dans les évaluations de 1840. Or : on évalue la dépense de ce
second souterrain à 800,000 francs. Il me semble que cette évaluation est
vraiment exagérée ; car le premier souterrain, alors que tous les travaux
étaient à faire, qu’il y avait à opérer des épuisements très coûteux, qui ne
seront plus à faire aujourd’hui, n’a coûté que 700,000 fr.
Lors de la construction du
premier souterrain, messieurs, la brique coûtait 6 fr. 50 par mille ; aujourd’hui
on la porte à 11 fr. Je ne sais d’où provient cette différence entre le prix de
1833 et le prix actuel.
Il y a aussi en fait de
travaux entièrement nouveaux et non prévus aux évaluations de 1840, un
embranchement à Liége, qui doit coûter un million. Il n’était pas question à
cette époque de faire un embranchement à Liège ; au moins ce travail n’a été
nullement prévu dans le projet d’emprunt de 1840.
M.
le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Il n’a pas été prévu, mais il en était question.
M. Rogier. -
Messieurs, la station du nord de Bruxelles, cette station dont pour ma part je
n’ai pu approuver en principe l’établissement, cette station qui, combinée avec
celle du Midi, a été si malheureusement imaginée pour établir une solution de
continuité au milieu de noue railway national, la station du Nord était portée
pour une dépense de 500,000 fr. On demande une augmentation de 815,000 fr. pour
cette station. Je ne sais quels travaux on veut y faire.
Je ne sais si un jour ou
l’autre la force des choses n’obligera pas le gouvernement (ce sera encore une
force à subir) à réunir ce qui n’aurait jamais dû être divisé. Je me demande
si, lorsque le midi tout entier du pays joint au mouvement de la France, sera
dans la nécessité de s’arrêter à Bruxelles pour reprendre les lignes de l’Est
et du Nord, que le mouvement des voyageurs, le mouvement commercial augmentera,
l’on pourra résister aux plaintes qui s’élèveront de toutes parts contre
l’inconvénient énorme de mettre pied à terre à Bruxelles et d’y séjourner plus
ou moins longtemps pour reprendre ensuite le chemin de fer. L’avenir
n’obligera-t-il pas au gouvernement à rendre au chemin de fer le caractère un
et indivisible, qu’il n’aurait jamais dû perdre, dans quelles conditions se
trouvera alors la station du Nord, à laquelle vous allez appliquer des sommes
aussi considérables ? Je sais que cette station est, à un certain point de vue,
bien établie, si elle peut devenir définitive. Quant à moi j’ai procédé durant
mon administration, dans l’hypothèse que cette station serait maintenue. Mais
je dois dire que je n’ai jamais cru que l’on devrait y faire des bâtiments pour
une somme de 1,300,000 fr. J’avais établi un concours entre divers architectes
chargés de présenter un plan ; je ne sais ce qu’est devenu ce concours ; mais
si je suis bien informé, il s’agirait d’élever un bâtiment colossal qui ne
comprendrait pas moins de cinq cents fenêtres ; ce serait une espèce de caserne
monstre, dont je ne comprends pas la destination ; mais une personne m’a
assuré, avoir vu le plan, et avoir compté 500 fenêtres. Quant à moi je désire
qu’un pareil plan ne voie jamais le jour.
Messieurs, pour le matériel,
c’est ici que MM. les ingénieurs ont été larges, ont agi d’une manière tout a fait libérale. Les locomotives sont évaluées à 50,000 fr.
chacune, y compris les tenders et tous les accessoires, l’année dernière on
avait demandé 130 locomotives ; aujourd’hui on en demande 180 ; c’est-à dire 50
locomotives de plus entraînant une dépense de 2,500,000 fr. Eh bien, messieurs,
je crois pouvoir démontrer que ces 50 locomotives de plus sont complètement
inutiles, et ne peuvent entraîner que de graves inconvénients.
Elles sont complètement
inutiles. En effet, les 126 locomotives actuellement existantes ont amplement
suffi aux parcours de 1841. D’après les tableaux fournis par M. le ministre des
travaux publics, le parcours général de toutes les lignes a été de 298,000
lieues, supposons 300,000 lieues parcourues par 126 locomotives, cela fait
environ 2,260 lieues par chaque locomotive, c’est-à-dire 6 à 7 lieues par jour
et par locomotive. Eh bien, messieurs, il n’est pas raisonnable de ne pas
exiger davantage d’une locomotive, il faut qu’une locomotive commue un cheval,
gagne ce qu’on appelle son avoine ; eh bien, une locomotive qui ne fait pas 6 à
7 lieues par jour, ne gagne pas l’intérêt de ce qu’elle a coûté et ses frais de
nourriture et l’entretien.
En Angleterre, d’après le
rapport même de M. le ministre, les locomotives parcourent 30 à 40 lieues par
jour ; eh bien, je suppose que les nôtres ne parcourent que 20 lieues par jour
; évidemment ce n’est pas exiger trop d’une locomotive que d’exiger qu’elle
fasse tous les jours, par exemple, le voyage de Bruxelles à Anvers et le retour
d’Anvers à Bruxelles. Eh bien, messieurs, 150 locomotives faisant 20 lieues par
jour feraient pendant les 365 jours de l’année un million 95 mille lieues. Or,
je demande, lorsque le parcours a été en 1841, de 300 mille lieues, à quoi vous
serviraient 180 locomotives lorsque 150 peuvent faire 1 million de lieues,
c’est-à-dire 3 fois plus que le parcours de 1841.
Je sais bien que sur 150
locomotives il en est de malades, il en est en réparation, il en est aussi en
réserve, mais j’en supprime 50, soit pour celles qui sont en réparation, soit
pour celles qu’il faut tenir en réserve, et je crois que c’est beaucoup. Il
restera donc 100 locomotives qui, ne faisant que 20 lieues par jour,
accompliront encore plus de deux fois le parcours de 1841. Or, au besoin une
locomotive pourrait très bien faire 25 ou 30 lieues par jour.
Ainsi, messieurs, je trouve
qu’il y a vraiment du luxe dans la demande d’un crédit de 2,500,000 fr. pour
l’achat de 50 locomotives nouvelles, Si, à l’avenir, 50 locomotives de plus
sont nécessaires, c’est que les parcours seront considérablement augmentés, et
alors ce ne sera plus aux emprunts qu’il faudra demander les moyens de couvrir
la dépense, mais à l’exploitation du chemin de fer elle-même.
Il faut en effet qu’il vienne
un temps où le chemin de fer se suffise complètement à lui-même. Quant à moi,
j’ai toujours désiré que cette époque arrivât le plus tôt possible ; j’ai
toujours voulu que le chemin de fer produisît tout ce qu’il peut produire ; on
peut différer sur les moyens d’atteindre ce but, mais quant au but en lui-même,
je crois que nous sommes tous d’accord sur la nécessité de faire produire
beaucoup au chemin de fer.
Remarquez ensuite, messieurs,
qu’il y a des inconvénients à avoir un matériel aussi disproportionné au besoin
du service ; ce matériel exigera des remises nouvelles ; toutes les locomotives
ne seront pas en courses ; beaucoup devront se reposer dans des locaux
convenables, sous de bons abris ; de là des dépenses nouvelles indépendamment
des capitaux engloutis dans ce surcroît de matériel.
Quant à moi, messieurs, à
moins que M. le ministre des travaux publics ne me donne à cet égard des
lumières, qui me manquent complètement, il me sera impossible de voter les 2,500,000 fr. demandés pour l’achat de 50 nouvelles
locomotives.
Quant aux wagons des
marchandises, il y a, messieurs, une autre exagération. On demande 500 wagons
nouveaux pour les petites marchandises dites de diligence. Cependant, d’après
le rapport de M. le ministre des travaux publics, il paraîtrait que l’on veut
renoncer au transport en détail des marchandises ; il paraîtrait que M. le
ministre partage l’opinion que le gouvernement ne doit pas se charger de cette
espèce de transport ; il paraîtrait qu’il regrette infiniment que l’on ait renoncé
au mode primitif de 1839, qui consistait à louer des wagons ou des parties de
wagons à des entrepreneurs, et qu’il pense qu’il faudra revenir à cc mode. Mais
si vous voulez renoncer au transport en détail, il ne vous faut pas cinq cents
wagons nouveaux pour ce mode de transport. Dans l’état actuel il suffit
largement de deux wagons de cette espèce par convoi. Pour la section de
Bruxelles à Anvers, je suppose deux wagons au convoi qui va à Anvers et deux
wagons au convoi qui en vient ; voilà quatre wagons eh bien, je double ce
nombre, j’en donne 8 ; j’en donne même 9 pour arriver à un calcul plus
saisissable. J’aurais ainsi un wagon par lieue, et comme nous avons 112 lieues
de chemin de fer, il en résulte que cent douze wagons suffisent pour desservir complètement
le transport des petites marchandises ; si maintenant vous renoncez au
transport en détail, que vous considérez comme onéreux, il ne vous faudrait
même plus ce nombre de 112 wagons et cependant vous venez demander 500 wagons
nouveaux. En vérité, messieurs, on n’a jamais disposé d’une manière aussi
libérale des fonds du trésor ; 500 wagons nouveaux coûteront un million. Il
faudra de plus, de nouvelles remises pour placer cet attirail formidable.
Ainsi, messieurs, si je donne
mon approbation, dans certaines limites, au projet d’emprunt qui nous est
soumis, je ne m’associe pas aveuglément à toutes les dépenses proposées ; je
contribuerai volontiers à les circonscrire dans des bornes sages. Plutôt que
d’autoriser des dépenses inutiles, j’aimerais mieux qu’une partie de l’emprunt demandé fût consacrée à agrandir le chemin de fer dans
certaines directions.
Il faut, messieurs, qu’on ne
perde pas de vue ce principe que beaucoup de dépenses du chemin de fer doivent
être couvertes par les produits du chemin de fer lui-même et non plus au moyen
d’emprunts. Ce système serait beaucoup trop commode. Il faut faire produire au
chemin de fer tout ce qu’il peut produire ; il faut qu’il produise de quoi
couvrir les dépenses courantes. C’est là ce que j’ai toujours pensé ; je l’ai
répété à satiété.
On a parlé, messieurs, des
tarifs ; c’est une matière sur laquelle je ne reviendrai pas en ce moment. M.
le ministre a sa manière de voir, j’ai la mienne à
laquelle je n’ai pas renoncé ; au contraire, tout ce qui a été dit, tout ce qui
a été écrit à cet égard m’a confirmé dans l’opinion que le système que j’ai mis
en avant était en général le meilleur qui eût été suivi jusqu’alors. Je ne
reviendrai pas sur une discussion qui pourrait prendre un caractère pénible et
entraîner la chambre plus loin qu’elle ne voudrait aller.
Je dirai quelques mots des
demandes qui ont surgi à la suite du projet d’emprunt. En 1840 je disais :
Tâchons de fermer la porte à de nouveaux emprunts, car si de nouveaux emprunts
sont demandés à l’avenir, de nouvelles exigences se produiront. Ce que j’ai
prévu est arrivé ; un nouvel emprunt est demandé et de nouvelles exigences
surgissent de toutes parts. Au nombre de ces exigences figurent les demandes
faites pour la Campine et pour le Luxembourg, et celle qui sera probablement
produite en faveur d’une nouvelle ligne entre Tournai et Jurbise ou Soignies.
(Je ne sais pas lequel de ces deux points sera préféré.)
Quant à la Campine, je n’ai
pas besoin de dire à la chambre que je m’associerai avec le plus grand empressement
à tous les travaux à exécuter dans cette partie si intéressante de notre pays ;
je regrette seulement que pour, éclairer la chambre, on ne soit pas parvenu à
distraire au moins du travail général de M. Vifquain et à faire imprimer la
partie qui concerne la Campine. Cela aurait pu nous mettre à même de voter en
connaissance de cause, tandis qu’aujourd’hui nous voterons un peu en aveugles.
Néanmoins j’adopterai le crédit proposé pour cet objet par la section centrale.
Quant an Luxembourg, je n’ai jamais
considéré comme sérieux, je pense, le chemin de fer qui doit être, aux termes
de la loi de 1837, construit dans cette province. Cependant, puisqu’on en est à
faire le partage du trésor public, le Luxembourg a des droits ; il a d’abord la
loi pour lui, et je crois même qu’indépendamment de cela il a des droits réels.
M. d’Huart. -
Croyez-vous que ce soit utile ?
M. Rogier. -
Je crois qu’en général les routes sont utiles partout. Cependant je ferai
remarquer que le Luxembourg n’a pas été le plus mal partagé depuis quelques
années.
L’honorable M. de Theux a
signalé le prolongement d’une ligne du chemin de fer vers Hasselt. Je considère
ce prolongement comme très utile ; je reconnais que le Limbourg a droit à toute
la sollicitude de la chambre ; je crois que le prolongement du chemin de fer de
Saint-Trond jusqu’à Hasselt serait d’une exécution facile, relativement peu
coûteuse et serait une chose très utile, non seulement pour le Limbourg, mais
pour le pays en général ; je crois que cette section serait d’un bon rapport,
sinon pour les voyageurs, au moins et certainement pour les marchandises de
toute espèce.
Enfin, vient la section à
laquelle l’honorable M. Dumortier, je le souhaite, pourra donner son nom, la
section de Tournay à Jurbise ou Soignies.
L’honorable M. Dumortier a
rappelé que, lors de la discussion de 1834, j’avais pris des engagements à
l’égard de cette ligne ; j’ai relu, messieurs, les débats de 1834, et je vous
avoue que je n’y ai pas trouvé la trace d’un engagement pris vis-à-vis de
l’honorable M. Dumortier, ou de qui que ce soit pour cette ligne. Quoi qu’il en
soit, je n’en reconnais pas moins l’utilité réelle de cette section, qui
lierait Tournay et Lille directement à la capitale, en même temps qu’elle
rattacherait le Hainaut aux Flandres. J’ignore la dépense à laquelle cette
ligne pourra donner lieu ; mais en principe je la considère comme utile, et je
ne demanderais pas mieux que de pouvoir m’associer à l’honorable M. Dumortier
dans cette circonstance ; mais toutefois il faut calculer, peser ce que peuvent
supporter nos forces, et vraiment, pour ma part, je suis effrayé de la
situation du trésor public.
Depuis l’ouverture de cette
session, nous avons largement moissonné dans le trésor public, brèches sur
brèches y ont été faites ; mais quant aux canaux destinés à faire arriver
l’argent au trésor, un seul peut-être a été ouvert, et l’on ne peut encore
savoir ce qu’il y apportera. Messieurs, il serait très important, et sous ce
rapport je ne puis assez engager le ministère à fixer attentivement les yeux
sur notre situation financière ; il serait très important d’apporter des
remèdes énergiques à cette situation. Nous ne pouvons pas continuer à
administrer les affaires du pays en aveugles, en prodigues. Je suis partisan
des dépenses utiles, je ne recule pas devant ce rôle, mais en même temps je
suis grand partisan aussi des ressources propres à couvrir ces dépenses ; je
veux que d’abord le trésor public soit dans une bonne situation ; eh bien, une
semblable situation n’existe pas, il faut que le ministère ait la force de la
créer. Je suis convaincu qu’à l’ouverture de la prochaine session, nous serons
en présence d’une situation financière mauvaise, qui fera regretter à quelques-uns
d’entre nous peut-être d’avoir voté plusieurs des dépenses qui ont été
proposées dans la session actuelle, sans avoir créé en même temps les moyens
d’y faire face.
Messieurs, il faut que l’année
prochaine soit une année de réparation envers le trésor public auquel de graves
préjudices ont été apportés dans le cours de cette session. Je suis en droit de
tenir ce langage. Lorsque j’occupais momentanément le pouvoir, mes amis et moi
n’avons pas reculé devant la tâche ingrate de demander de nouveaux impôts. La
chambre ne les a pas tous accordés ; mais le ministère avait fait son devoir ;
j’aime à croire que le ministère qui l’a remplacé remplira les siens ; qu’il ne
recule pas devant des moyens raisonnables, sagement combinés, pour tirer le
trésor public de ses embarras, et dès maintenant je puis, dans cette limite,
lui promettre l’appui de mon vote, malgré les dissentiments politiques qui nous
séparent maintenant et qui nous sépareront sans doute encore dans la prochaine
session.
PROJET DE LOI TENDANT À OUVRIR UN CRÉDIT
SUPPLÉMENTAIRE AU DÉPARTEMENT DES TRAVAUX PUBLICS
M. Peeters dépose un rapport sur un projet de loi tendant
à ouvrir un crédit supplémentaire au département des travaux publics.
- Ce rapport sera imprimé et
distribué.
La séance est levée à 5 heures
moins un quart.