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d’intention
Chambre
des représentants de Belgique
Séance du mardi 30 août 1842
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre, notamment pétition relative au chemin de fer de Jurbise
à Tournai (Dumortier, Lange)
2) Projet
de loi organisant l’instruction primaire. Second vote des articles., nomination
et révocation des instituteurs, agréation des écoles normales ((+portée
générale de la loi et des amendements introduits) Devaux,
Nothomb, Cools,
Nothomb, Cools,
Nothomb, Dechamps, Dumont, Dumortier, de Theux), serment imposé aux instituteurs (Rogier, Nothomb, de Mérode, Rogier, Rodenbach, Nothomb, de Mérode, Demonceau, Dechamps, d’Huart, Rogier, Dumortier, Rogier, Nothomb, Demonceau, Dubus (aîné), Dechamps, Nothomb), inspection
cantonale (Devaux, Dechamps),
règlement des études (Nothomb), inspection provinciale
(Nothomb, Rogier, Dechamps), éducation morale et religieuse dans les écoles
normales (Dumortier, Nothomb,
Dechamps, Devaux, de Theux), écoles des filles (Rogier,
Nothomb, Dumortier, Rogier, Nothomb). Vote sur l’ensemble de la loi
3) Projet
de loi relatif à l’exécution de la convention commerciale conclue avec la
France. Avantages accordés au Zollverein par suite de cette convention,
notamment sur les vins et les soieries (Rodenbach, de Briey, Rogier, de Briey, de Brouckere, Nothomb, (+industrie métallurgique) Desmet,
de Briey, Lebeau, Nothomb, Meeus, Osy,
Nothomb, David, Cogels, Demonceau, de Brouckere, Nothomb, Meeus, de Briey, Mast
de Vries, de Man d’Attenrode, Pirmez,
(+ industrie métallurgique) Desmet), déduction pour
raffinage du sel (Donny))
(Moniteur belge n°243, du 31 août 1842)
(Présidence de M. Fallon)
M. de Renesse fait l’appel nominal à midi et quart.
M.
Dedecker lit le procès-verbal de la séance
précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces suivantes adressées à la chambre :
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Thys, marchand de vin à Hasselt, présente des observations
concernant le projet de loi tendant à accorder à des négociants en vins, un
dégrèvement du droit d’accise. »
- Dépôt au bureau des
renseignements.
________________________
« La députation du conseil provincial du Hainaut demande
le raccordement de la section du chemin de fer de Tournay à la ligne du Midi. »
M. Dumortier. - Cette pétition est d’une grande importance pour la province dont il
s’agit, et elle a un grand caractère d’actualité. Je
demanderai qu’elle soit renvoyée à l’examen de la section centrale qui est
chargée de l’examen de la loi d’emprunt.
M.
Lange. - Non seulement, j’appuie la proposition de
l’honorable M. Dumortier, mais je demande en outre que la pétition soit insérée
dans le Moniteur.
- Cette double proposition est
adoptée.
PROJET
DE LOI ORGANISANT L’INSTRUCTION PRIMAIRE
Second
vote des articles
M. le président. - La discussion a été ouverte hier sur l’article 10 nouveau.
La parole est à M. Devaux.
M. Devaux. —
Messieurs, je ne me propose pas de remettre en discussion toutes les
dispositions de la loi qui sont assujetties à un second vote ; niais j’ai cru
devoir attirer un instant votre attention sur l’article additionnel auquel nous
sommes parvenus, article qui règle la nomination des instituteurs. Dans toutes
les opinions on accorde une grande importance à ce que doit être et sera dans
l’école la personne de l’instituteur, et par conséquent au mode de sa
nomination.
Permettez-moi, messieurs, de vous
faire remarquer combien dans cette discussion en général ont été modérées les
prétentions formulées par le côté de la chambre où je siège.
Le point de départ de tous les
amendements qui ont été proposés, était la loi de 1834. Cela seul en prouve la
modération. De tous les amendements qui ont été proposés par ce côté de la
chambre, aucun, je puis le dire, n’avait un caractère extrême, aucun n’était
tel qu’il dût révolter une autre partie de l’assemblée. Ceux mêmes qui n’ont
pas été accueillis ont été combattus pour la plupart comme inutiles, comme ne
contenant que ce qui était implicitement dans la loi ; le débat très souvent
s’est établi sur la clarté de la loi, sur la question de savoir si la loi était
assez claire ou si elle était obscure.
J’ai fait des efforts pour
améliorer la loi dans mon sens, j’ai fait des efforts surtout pour la rendre
plus claire qu’elle n’était. Plusieurs des amendements que j’ai proposés n’ont
pas été adoptés. Cependant, pour ma part, je n’y mets aucun amour-propre
d’auteur et je reconnais franchement que la loi est meilleure aujourd’hui, sous
beaucoup de rapports, qu’elle ne l’était lorsqu’elle a été présentée, et que de
nos observations sont sortis des changements favorables, formulés par d’autres.
Les améliorations que je trouve dans la loi sont de deux natures. Les unes
résultent d’explications données, les autres de changements de texte.
Je place parmi les premières
l’assurance unanimement donnée, que les principes qui ont servi de base à la
loi sur l’instruction primaire, ne pourront être invoqués plus tard comme
précédents pour les autres lois d’enseignement.
Je reconnais avec la même
franchise que si l’ancien article 21 reste vicieux, suivant moi, dans la
rédaction, en ce sens qu’il ne dit pas complètement ce qu’on lui a fait dire,
les explications données en dernier lieu par M. le ministre de l’intérieur ont
été plus précises que les explications précédentes, et ont sous ce rapport,
autant que des explications peuvent le faire, restreint, amélioré le sens de la
loi.
Nous avons pour les écoles modèles obtenu ce que nous avions demandé, quant
à l’augmentation du nombre ; quant aux écoles normales, j’aurais voulu qu’il
fût plus explicitement dit dans la loi que 1e nombre pourrait en être augmenté.
M. le ministre de l’intérieur a prétendu qu’il arrivait au même but, en disant
dans la loi que le gouvernement établirait immédiatement deux écoles normales
et qu’ainsi l’avenir se trouvait réservé.
L’approbation des livres mixtes
change quelque chose au sens qu’aurait pu lui donner l’intercalation du mot morale dans la partie de la loi où il
est parlé de l’enseignement religieux. Je rappellerai à cet égard que je n’ai
jamais demandé, comme on me l’a fait dire, que l’enseignement de la morale fût
interdit au clergé ; j’ai seulement voulu que l’intercalation de ce mot ne
servît pas de prétexte pour exclure toute intervention de l’autorité civile en
cette matière, ne servît pas de prétexte au clergé pour s’ingérer dans toutes
les parties de l’enseignement.
L’amendement apporté à l’article
4, et par suite duquel les écoles mentionnées aux articles 2 et 3, sont
sujettes à des inspections annuelles, est encore un changement que j’approuve.
Je désire que dans la pratique il ôte à ces deux articles le danger qu’ils présentaient.
En attribuant au gouvernement le
droit de révocation des instituteurs, on a donne une certaine réalité à
l’inspection des écoles communales ; de cette manière, il y a, quant à ces
écoles, une sanction à l’inspection. Si ce droit de révocation s’étend plus
loin que je ne le voudrais à l’égard des grandes villes, je reconnais qu’à
l’égard des petites communes c’est une garantie.
Messieurs, il est des personnes dans
cette enceinte qui pensent que la portée de la loi dépendra en grande partie de
l’exécution. Cela peut être jusqu’à certain point ; que, si au concours du
clergé président des principes sages et modérés, l’exécution de la loi en sera
beaucoup facilitée ; que si cette circonstance heureuse ne se réalise pas, une
partie de la portée de la loi dépendra en grande partie encore du gouvernement.
Le gouvernement se trouve en effet, dit-on, vis-à-vis du clergé dans une
position délicate, mais qui cependant peut dépendre en définitive de la fermeté
que montrera le gouvernement, pour faire respecter ses droits, sans aller
au-delà. Si j’ai cherché autant que j’ai pu à améliorer la loi, je ne me
dissimule pas, vous le voyez, les améliorations qu’elle a reçues.
Messieurs, je crois devoir
arrêter un instant votre attention sur l’article 10, un de ceux dont la
rédaction est la plus vague, et qui sur les bancs où je siège, a rencontré le
plus de répugnance.
Messieurs, le projet de loi de
1834 avait concilié des opinions très divergentes. J’avoue qu’il y avait dans
ce projet de loi des dispositions que personnellement j’avais combattues, mais
auxquelles j’ai fini par me rallier dans un vote sur l’ensemble de la loi, par
un esprit de conciliation et en vue des autres dispositions que la loi
contenait.
Je ne crains pas, comme quelques
personnes se l’imaginent, que la fusion de partis en Belgique dépende de cette
loi ; je crois que les partis vivront ou mourront indépendamment de cette loi ;
mais je dis que si l’on veut obtenir pour cette loi dans le pays quelque chose
de semblable à l’unanimité qui a présidé à la rédaction du projet de 1834, si
l’on veut ne pas songer seulement au présent, mais encore assurer l’avenir de
la loi, et c’est ce qui doit surtout importer à ses auteurs ; si l’on veut
qu’elle s’exécute aussi sans trop de frottements, il faut tenir compte des
répugnances que quelques-unes de ses dispositions ont excitées ; car,
messieurs, ces répugnances sont fâcheuses pour tout le monde ; on n’en peut
jamais mesurer exactement les conséquences. Et quand on peut les faire
disparaître par une rédaction plus précise, je ne vois pas pourquoi on s’y
refuserait.
Qu’a-t-on voulu par l’art. 20 ?
Remarquez d’abord que cette disposition est toute nouvelle ; elle ne figurait
pas dans le projet de loi qui vous a été présenté. C’est à l’occasion d’un
transfert de pouvoir en quelque sorte de la commune au gouvernement, qu’on a
ajouté dans l’article 10 la partie qui a excité le plus de répugnances : le
droit conféré à certains établissements normaux.
Que désirons-nous en cette
matière ? Nous devons tous désirer, et nous désirons tous favoriser
l’instruction normale ; nous désirons qu’en général les instituteurs aient reçu
une bonne instruction normale ; mais la disposition actuelle est-elle
indispensable pour cela ? Je ne le crois pas, et ce qui m’autorise à croire
qu’elle n’a pas cette grande importance, c’est que la nécessité n’en avait été
sentie ni par la section centrale ni par le gouvernement avant la discussion.
Si l’on s’était contenté, ainsi
que je l’avais demandé par un amendement qui n’a pas été accueilli, si on
s’était contenté de demander que les instituteurs nommés par les communes
fassent agréés par le gouvernement, le gouvernement aurait pu, et aurait favorisé
dans cette agréation les établissements normaux ; l’instruction primaire y
avait un trop grand intérêt pour qu’il ne le fît pas. Je ne me serais pas
opposé à ce qu’on insérât dans la loi certaine recommandation, en faveur des
établissements normaux. La disposition actuelle porte que les communes, après
un délai de quatre années, doivent en règle générale nommer leur instituteurs
parmi les élèves des écoles normales du gouvernement ou de celles qui se sont
soumises au régime de surveillance de la loi.
Cette disposition peut avoir l’un
ou l’autre de ces résultats : ou bien d’étendre ce droit que l’on confère aux
établissements normaux de donner un droit légal à leurs élèves (celui de se
passer de l’agréation du gouvernement), elle peut avoir pour effet, dis-je,
d’étendre ce droit à toute école normale, quelle qu’elle soit, même à des
écoles qui n’offrent aucune garantie, mais qui auront accepté l’inspection du
gouvernement, et alors elle est illusoire ou dangereuse, ou bien elle peut
avoir pour effet, dans la pratique, de restreindre à un petit nombre
d’établissements le droit de dispenser leurs élèves de l’agréation du
gouvernement, ce qui alors ressemble beaucoup à un privilège.
Remarquez que cette disposition
peut avoir un effet tout opposé au but qu’on a en vue, elle pousse à la
création d’écoles normales libres ; aujourd’hui, il n’en existe que d’une
espèce, ce sont les écoles normales épiscopales ; elle pousse à la création
d’écoles normales libres autres que celles qui existent aujourd’hui, et d’un autre
caractère. Car rien n’est plus facile que de créer des écoles normales ; c’est
bien autrement facile que de créer des universités ou des collèges. Que faut-il
pour cela ? adjoindre un cours de pédagogie à une
université libre, voilà une école normale ; adjoindre un cours normal à un
collège particulier, voilà une école normale ; adjoindre un cours normal à une
institution primaire particulière, voilà encore une école normale. Il ne faut
pas mille francs par an pour adjoindre des cours normaux à certains
établissements. Cependant, c’est à la création de ces cours que la loi
provoque, puisqu’elle donne un privilège aux élèves qui sortiront de tous les
cours normaux où l’on aura accepté l’inspection du gouvernement.
Il est donc vrai de dire que
cette disposition peut avoir un résultat tout différent de celui qu’on a eu en
vue en la rédigeant. Maintenant, remarquez à quels conflits la disposition
laisse ouverture par le moyen de sa rédaction et surtout à quels conflits elle
peut donner lieu avec les grandes villes, conflits qui sont toujours pour le
gouvernement extrêmement fâcheux sinon dangereux. Une ville nommera un élève
d’une école normale privée, elle soutient qu’il n’est pas soumis à l’agréation
du gouvernement. Premier conflit pour savoir si l’élève a fait preuve d’avoir
suivi avec fruit les cours de l’école normale. La loi ne dit pas qui jugera si
l’élève a suivi avec fruit les cours de l’école normale, la commune dira : La
loi n’en parlant pas, comme c’est moi qui nomme, c’est moi qui juge si l’élève
a suivi avec fruit les cours de l’école normale ; le gouvernement soutiendra
que c’est lui : c’est je pense ce que M. le ministre nous a dit dans la
première discussion. Voilà un premier genre de conflit. Mais il peut encore y
en avoir d’autres. Cette école normale, d’après la loi, doit avoir été soumise
à l’inspection du gouvernement.
Je suppose qu’elle dise : je me
suis soumis au régime de la loi, j’ai offert, il y a trois ou quatre ans, au
clergé et au gouvernement de recevoir leurs inspecteurs, ils ne sont pas venus
; ce n’est pas ma faute, ils ont refusé leur concours, ils étaient dans leur
tort. Voilà le gouvernement obligé de s’ingérer dans les affaires d’une école
privée pour savoir ce qui s’est passé il y a trois ou quatre ans, et voir de
quel côté sont les torts, si l’école a offert l’inspection au clergé et si le
refus de concours doit être imputé au clergé ou à l’école.
Vous le voyez, cette disposition,
si elle n’est changée, donnera lieu à des conséquences que nous devons tous
désirer prévenir.
Messieurs, je ne présente pas
d’amendement, parce que j’ai besoin que la discussion m’apprenne d’abord si en
réalité sur le fond nous sommes d’accord, si nous voulons éviter que par la loi
les écoles normales privées confèrent elles-mêmes une faveur légale, ce qui
n’existe nulle part dans notre législation, et que la première école venue, du
moment qu’elle s’intitule école normale, quelque incapable qu’elle soit, du
reste, puisse conférer à ses élèves l’agréation du gouvernement. Tout le monde
en conviendra, il y a là une mesure tout à fait insolite, que chacun doit
désirer de ne pas voir inscrire dans la loi, si on peut l’éviter. Je voudrais
que ce ne fût pas l’école même, mais le gouvernement après avoir tenu compte de
la fréquentation des écoles, qui conférât le droit légal aux élèves
instituteurs, en constatant qu’ils ont réellement reçu une bonne instruction
normale, n’importe dans quels établissements normaux.
Je veux
bien qu’on exige une instruction normale suffisante, mais je désire qu’on ne
donne pas à l’établissement le plus minime, à un établissement que nous ne
connaissons pas, le pouvoir de conférer un droit, une faveur légale, à ses
élèves, Si on voulait y mettre autant de bonne volonté d’un côté que de
l’autre, je crois qu’il ne serait pas difficile d’arriver à nous satisfaire
tous. Je ne veux pas formuler de proposition avant d’entendre les explications
et de savoir jusqu’à quel point nous sommes d’accord sur le fond.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - Je ne m’attacherai qu’à l’art. 10.
L’honorable membre, avant de s’occuper des détails de cet article, a de nouveau
critiqué le principe. J’ai de nouveau réfléchi à ce principe, et je crois
pouvoir persister, sans manquer en rien à mes devoirs envers le pouvoir civil
que je représente ici. Je crois, moi, que c’est une conquête, et je n’hésite
pas à me servir du mot, que de parvenir à placer sous le régime d’inspection
civile, les écoles normales ecclésiastiques. Nous faisons quelque chose pour
ces écoles, mais nous obtenons aussi un droit en retour, et à mes yeux, ce
droit est extrêmement important ; je n’hésite pas à me servir de ce mot, sans
cependant lui donner une portée exagérée, c’est une sorte d’abdication de la
liberté d’enseignement.
Des établissements formés en
vertu de la liberté d’enseignement ayant le droit d’exister en dehors du
gouvernement consentent à se placer sous son inspection ; il leur donne, il est
vrai, un avantage en retour. Voilà pour moi la portée de cet article 10 et
j’avoue que je ne regarde pas ce principe comme contraires aux véritables
intérêts du gouvernement.
Je ne dirai que ce peu de mots du
principe considéré en lui-même. J’arrive à l’application, il me semble que les
objections de l’honorable préopinant sur ce point se réduisent à ceci :
qu’entendez-vous par les établissements qui peuvent obtenir l’avantage stipulé
en faveur des élèves maîtres pour le paragraphe 2 de cet article ? Sera-t-il
libre au premier établissement venu de se dire école normale ? Dans la première
discussion, je me suis déjà exprimé à cet égard, j’ai dit qu’il fallait que ce
fût véritablement une école normale et non un établissement plus ou moins
incomplet qui se qualifiât de la sorte.
Je le reconnais, les expressions
sont un peu vagues, peut-être pourrait-on les préciser davantage, mieux définir
ce qu’on entend par les établissements qui peuvent tomber sous l’application du
§ 2 de l’article. Maintenant que toute la loi est faite, voyons quels sont lés
établissements que nous pouvons avoir en vue. Il est dit :
« Après ce délai les conseils communaux choisiront leurs
instituteurs parmi les candidats qui justifieraient d’avoir fréquenté avec
fruit, pendant deux ans au moins, les cours normaux d’un établissement soumis
au régime de la présente loi. »
D’abord il s’agit des cours d’une
des écoles normales de l’Etat, et en second lieu des cours normaux adjoints par
le gouvernement à l’une des écoles primaires supérieures. Voilà le sens et la
portée de la première partie de la phrase, lisons le reste.
« Ou ayant, quant à la
surveillance, accepté ce régime depuis deux ans. »
Il ne peut être question que
d’écoles normales véritables, et non d’écoles qui accessoirement ou
accidentellement croiraient devoir prendre ce titre et se donner cette
distinction.
Maintenant veut-on insérer dans
la loi une disposition plus positive, une rédaction plus précise ? C’est une
chose à examiner. Mais telle est pour moi la portée de la loi, C’est donc comme
si l’article était rédigé en ces termes :
« Après ce délai, les
conseils communaux choisiront leurs instituteurs parmi les candidats qui
justifieront d’avoir fréquente avec fruit, pendant deux ans au moins, les cours
de l’une des écoles normales de l’Etat, les cours normaux adjoints par le
gouvernement à l’une des écoles primaires supérieures, ou les cours d’une école
normale privée, ayant accepté depuis deux ans au moins le régime d’inspection
établi par la présente loi. »
Voilà pour moi, le sens de la
loi.
Il n’est pas exact de dire que,
les 4 ans écoulés, les conseils communaux seraient obligés de choisir
nécessairement dans les écoles normales de l’Etat ou inspectées par l’Etat. Les
conseils communaux seront toujours libres de choisir où ils voudront. La règle
générale est celle-ci : Les conseils communaux choisiront les instituteurs. Ce
choix sera soumis soit à une autorisation préalable, soit à une approbation
subséquente du gouvernement. Le dernier § laisse cela dans le vague. Maintenant
faut-il, dans certains cas, exempter les choix soit de l’autorisation
préalable, soit de l’approbation subséquente. Je n’hésite pas à répondre oui.
Je propose deux cas d’exemption ; 1° lorsque le candidat est choisi dans une
école normale de l’Etat, ou dans une école primaire supérieure à laquelle il a
été par le gouvernement adjoint des cours normaux ; 2° lorsqu’il a été choisi
dans une école normale privée soumise au régime d’inspection de la présente
loi.
Voilà
les deux cas d’exemption. Mais les conseils communaux seront toujours libres de
choisir l’instituteur où ils le jugeront convenable.
M. Cools. - Cet art. 10 est extrêmement vague. C’est une observation qui a frappé
la chambre ; elle n’a pas échappé à l’honorable ministre de l’intérieur. Il
vient de convenir que la rédaction laisse à désirer. Je crois que si nous
parvenons à lever le doute que présente cette rédaction, nous rallierons à la
loi un plus grand nombre de voix, surtout parmi les honorables membres qui
siègent près le moi. C’est donc ce vague, qui effraie peut-être à tort, qu’il
faut essayer de faire disparaître. Je crois que nous sommes d’accord sur le
fond et qu’il ne nous reste à nous entendre que sur la rédaction. L’article par
la manière dont il est rédigé dispense de l’agréation les élèves qui ont suivi
les cours d’une école normale de l’Etat (Je me tiens à la nouvelle rédaction
proposée par M. le ministre) ou les cours normaux adjoints par le gouvernement
à une école normale supérieure, ou enfin les cours d’une école normale privée.
Mais qu’entend-on par école normale privée ? M. le ministre de l’intérieur a
déclaré qu’il ne suffirait pas qu’un établissement se qualifiât d’école normale
privée, qu’il faudrait qu’il fût organisé sur de larges bases. Mais qui en sera
juge ?
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - Le gouvernement.
M. Cools. - Ce n’est pas dans la loi. Mais j’accepte la réponse de M. le ministre.
A mes yeux, il y a dans cet
article quelque chose qui choque, les principes fondamentaux de la loi. Il est de
fait que le gouvernement à son point de vue, ne peut accepter comme école
normale qu’une école qui relève de lui. Si vous ne voulez pas mettre dans une
position privilégiée les élèves qui sortent d’une pareille école, il y avait
pour rester logique, une autre résolution à prendre, c’était d’admettre la
proposition de l’honorable M. Lebeau, tendant à soumettre à l’agréation tous
les élèves quelconques. Ainsi, il n’y aurait plus eu de privilège ; tout
privilège aurait disparu. La chambre n’a pas admis cette garantie ; je ne
reviendrai plus sur ce point, pour ne pas prolonger la discussion.
Je désirerais, pour qu’il y eût
du moins une garantie raisonnable d’une autre espèce, qu’une autre partie de
l’article fût rédigée d’une manière moins incomplète, moins douteuse. L’article
parle des « candidats qui justifieront d’avoir fréquenté avec fruit. »
L’article ne dit pas qui en sera juge. Dans la première discussion l’honorable
ministre de l’intérieur a répondu qu’il exigerait des diplômes ; mais qui les
délivrera ? Pour que le gouvernement dispense de l’agréation tels
ou tels élèves, il faut qu’ils remplissent les conditions de capacité. C’est le
gouvernement qui doit en être juge. Ce doute que la
rédaction laisse subsister, il faut le lever d’une manière où d’une autre. Je
proposerai donc non pas un amendement, mais un changement de rédaction qui
rendra mieux la pensée que je suppose être celle du gouvernement et de la
majorité. Je proposerai de rédiger ainsi la deuxième partie de l’article :
« Après ce délai, les conseils communaux choisiront leurs instituteurs
parmi les candidats que le gouvernement
aura reconnus avoir fréquenté avec fruit. » Dès lors un grand doute
disparaîtra. J’en fais la proposition.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - Je crois qu’on soulève des
difficultés que l’application de la loi ne peut réellement pas présenter. Un
établissement se déclare école normale privée, il s’adresse au gouvernement et
lui dit : Je me soumets au système d’inspection de la loi. Pensez-vous que
cette déclaration suffise à elle seule ? Mais non ; le gouvernement, avant
d’accepter l’espèce de contrat qu’on lui offre, fera une inspection, s’enquerra
de l’état de l’établissement, de ses règlements ; il verra quelles sont les
garanties résultant de ces règlements, et par suite s’il sera bien constaté que
les élèves fréquentent les cours avec fruit ; s’il regarde l’établissement
comme bien organisé, il acceptera le contrat ; sinon il fera ses observations,
et amènera l’établissement à compléter son organisation.
Voilà ce que j’ai déclaré dans la
première discussion. J’ai été jusqu’à dire qu’il y aurait une espèce
d’agréation de l’établissement par le gouvernement à la suite de cette enquête.
Peut-il maintenant y avoir des
difficultés telles que celles indiquées par l’honorable M. Devaux ? Un conseil
communal nomme un instituteur dans une école normale privée, et prétend que cet
instituteur a été choisi dans un établissement qui a accepté le régime de
l’inspection. Mais c’est un fait qui doit être préexistant et qu’il faudra
constater.
L’honorable
M. Cools pense que l’on devrait mettre dans l’article « les candidats que le
gouvernement aura reconnu avoir fréquenté avec fruit. » Si vous mettez
cela, vous supposez une agréation.
M. Cools. - M. le ministre ne m’a pas compris. Je le vois avec regret. Il dit
qu’avant d’accepter un établissement, le gouvernement examinera s’il réunit les
conditions voulues, fera une inspection, et que ce ne sera qu’après avoir
constaté que son organisation est suffisante, qu’il l’admettra comme tombant
sous le régime de la loi. Fort bien. Mais du moment que le gouvernement aura
accepté l’établissement, il n’en résultera pas que tous
les élèves auront fréquenté les cours avec fruit. C’est là ce que veut la loi.
Il faut cependant que le gouvernement puisse repousser les élèves qui n’ont pas
fréquenté les cours avec fruit. C’est pour cela que je désire que l’article
porte : « les candidats que le gouvernement aura reconnu avoir fréquenté avec
fruit. »
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - Je dis que c’est dans la loi, à moins
qu’on ne suppose qu’elle sera exécutée par des hommes sans intelligence ; elle
porte « les candidats qui justifieront d’avoir fréquenté avec fruit,
etc. »
Plusieurs
membres. - Justifieront auprès de qui ?
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - Auprès du gouvernement. On produira
les diplômes, les certificats délivrés dans ces écoles normales inspectées par
le gouvernement.
Voyons encore une fois comment
les choses se passeront. Un établissement s’adresse au gouvernement. Il ne
suffit pas que cet établissement vienne dire : Je réclame votre inspection. Le
gouvernement, avant de conclure définitivement avec lui, fera une enquête. Il
se fait produire le règlement d’organisation de cet établissement ; il le
trouve défectueux et le fait rectifier, compléter. Il dit : Si vous faites tel
ou tel changement, je vous placerai dans la position exceptionnelle,
privilégiée, si vous le voulez. Ce changement se fait. Le contrat intervient
entre le gouvernement et cet établissement.
Maintenant, il est évident que le
gouvernement veillera à ce que le règlement de l’établissement soit exécuté, et
l’inspection est là pour cela. Un des buts de l’inspection sera, entre autres,
de veiller a ce qu’on exécute le règlement.
Un élève-maître est choisi dans
l’un de ces établissements. La question est simplement de savoir s’il est
soumis ou non à l’agréation. Il ne sera pas soumis à l’agréation, à moins qu’a
ne soit constaté que c’est en violation du règlement de cet établissement qu’on
lui a délivré le certificat d’aptitude, et il est évident que le gouvernement
aura le droit d’examiner si l’on a consciencieusement, si l’on a loyalement
observé le règlement de l’établissement à l’égard de cet élève.
Mais ce n’est pas tout. Il y a un
autre remède dans la loi. Si par des moyens frauduleux on parvenait ainsi à
faire nommer un instituteur, le gouvernement le révoquerait ; il y a une
disposition formelle à cet égard dans la loi.
M. Cools. - C’est une mesure extrême.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - Pas du tout, Ainsi, messieurs, si un
établissement qui a contracté avec le gouvernement, qui a même peut-être
modifié son règlement sur la demande du gouvernement, manquait ensuite à ce
point de bonne foi, d’accorder des certificats en violant son propre règlement,
mais il est évident que le gouvernement révoquerait cet instituteur.
Maintenant, messieurs, quelle
sera aussi une des conséquences de l’inspection ? Il est évident que le
gouvernement, à la fin de chaque année, demandera, chose qu’on ne peut lui
refuser, la liste de tous les élèves qui auront fréquenté avec succès une école
normale.
Le gouvernement aura encore là un
moyen de contrôle. D’ailleurs, les programmes, les règlements existent.
Véritablement, je ne sais comment on pourrait trouver plus de garanties dans la
loi.
Je trouve toutefois une
observation fondée ; elle m’avait frappé déjà lors de la première discussion,
j’avais donné sur ce point des explications, comme j’en ai encore donné
aujourd’hui. C’est la question de savoir ce que, dans la loi, on entend par
établissements normaux. Je consens, quant à moi, à faire insérer cette
définition dans la loi. Mais je trouve qu’à part cela la disposition est
complète et offre toutes les garanties désirables, surtout si on la combine
avec les autres dispositions de la loi, et notamment avec celle qui concerne la
révocation.
Je propose donc un changement de rédaction qui consiste à terminer ainsi le
second § de l’art. 10 :
« … Parmi les candidats qui
justifieront d’avoir fréquenté avec fruit, pendant deux ans au moins, les cours
de l’une des écoles normales de l’Etat, les cours normaux adjoints par le
gouvernement à une des écoles primaires supérieures, ou les cours d’une école
normale privée, ayant depuis deux ans au moins, accepté le règlement
d’inspection établi par la présente loi. »
M.
Dechamps. - Messieurs, je n’entrerai pas dans le
fond même de la discussion, c’est-à-dire que je ne défendrai pas le principe
même de l’article. Car il paraît que l’on est maintenant tombé à peu près
d’accord sur l’utilité de ce principe.
J’aborderai directement la seule
objection qui m’ait paru sérieuse ; c’est celle faite d’abord par l’honorable
M. Devaux et reproduite ensuite par l’honorable M. Cools.
Messieurs, la garantie que donne
l’article en discussion, me paraît, à moi, tout à fait complète, et je crois
qu’il n’y a aucun moyen d’équivoquer, soit de la part des écoles normales, soit
de la par des communes, et d’échapper aux garanties que nous voulons établir
dans l’article en discussion.
En effet, quel est le principe
même de l’article ? Je ne parle pas des écoles normales de l’Etat, ni des cours
normaux adjoints aux écoles primaires supérieures ; ces établissements ne font
pas question. Il s’agit simplement des écoles normales privées soumises au
régime de la loi.
Eh bien, messieurs, le
gouvernement a le droit de ce que je nommerai et de ce qui a été nommé par
d’autres avant moi un véritable droit d’agréation de ces établissements comme
établissements normaux ; cela résulte évidemment du droit d’inspection que nous
accordons au gouvernement. Il est clair que le droit d’inspection doit avoir
pour résultat qu’on n’inspecte pas pour inspecter, mais pour conclure. Or,
quelle est la conclusion de l’inspection des écoles normales privées ? La
conclusion, c’est de déclarer que c’est une école normale remplissant les
conditions légales, se soumettant au régime de la loi. Et l’honorable M.
d’Huart vous la dit dans une séance précédente, l’examen sera facile, vous
aurez un modèle, ce seront les écoles normales de l’Etat sur le modèle
desquelles les écoles normales privées devront être jugées.
Ainsi il est clair, et cela
résulte du droit d’inspection, que ce droit d’inspection donne au gouvernement
un droit d’agréation. Le gouvernement examinera si les matières qui doivent
être enseignées dans les écoles normales de l’Etat sont enseignées dans les
écoles normales privées. Il ne peut s’agir ici des collèges auxquels on adjoint
des cours normaux, ni d’écoles primaires auxquelles ou voudrait donner le nom
mensonger d’écoles normales. Il ne faut pas s’y méprendre. Les caractères d’une
école normale sont tellement distincts, qu’il est impossible d’attribuer ces
caractères à une école qui ne les a réellement pas.
L’honorable M. Cools, d’après son
amendement, demanderait non pas le droit d’agréation de l’établissement, mais pour
ainsi dire le droit d’agréation des instituteurs, ce qui change complément la
question. D’après l’honorable membre, les candidats instituteurs devraient
justifier devant le gouvernement d’avoir suivi les cours normaux. Messieurs, je
ne puis partager cette opinion. Le gouvernement a une garantie, et cette
garantie c’est le droit d’agréation de l’établissement même. Si une école
normale est jugée par le gouvernement, en vertu de l’inspection, remplir toutes
les conditions légales, évidemment son agréation est déjà une garantie
suffisante ; et lorsqu’un candidat maître sortira de cette école et qu’il sera
muni d’un diplôme constatant qu’il a suivi avec succès les cours normaux
pendant deux ans, vous avez déjà là une garantie de capacité évidente.
D’ailleurs cette garantie
n’existerait même pas, qu’arrivera-t-il ? Le candidat se présente devant
une commune. Ici le droit de la commune arrive : la commune devra examiner si
réellement le candidat justifie d’avoir suivi avec succès les cours normaux
dans les établissements dont il est parlé a l’article en discussion. La
commune, comme l’a dit M. le ministre, peut choisir ; elle est complètement
libre dans son choix. Elle peut prendre son instituteur parmi les élèves des
écoles normales ou en dehors ; seulement dans ce dernier cas, il est soumis à
l’agréation du gouvernement.
Ainsi, la commune pourra prendre
les mesures nécessaires pour s’assurer de la capacité du candidat. Il ne
suffira pas pour la commune que le candidat vienne à elle et déclare sortir
d’une école normale en exhibant son diplôme ; la commune est encore libre de
lui dire : Justifiez de vos capacités.
Ainsi seconde garantie : C’est le
choix libre de la commune.
Maintenant M. le ministre de
l’intérieur vient de vous dire : Il reste au gouvernement un dernier droit.
L’instituteur est nommé. Je
suppose que, malgré ces garanties de l’agréation de l’établissement par le
gouvernement et du choix libre de la commune, celle-ci, après avoir pris toutes
les mesures nécessaires pour s’assurer de la capacité de l’instituteur, se soit
trompée, que cet instituteur ait été nommé par une espèce de surprise, et qu’il
ne justifie pas de sa capacité, eh bien ! le gouvernement est armé de son droit
de révocation ; il pourra toujours le révoquer.
Il me paraît vraiment, messieurs,
que ce que l’honorable M. Devaux a demandé, existe dans la loi d’une manière
raisonnable. L’honorable M. Devaux a semblé croire que le droit d’inspection ne
donnait aucun droit, qu’il était nominal. Evidemment, tout en reconnaissait que
l’inspection devra se borner dans le cercle d’une inspection ordinaire,
l’inspecteur devra faire connaître au gouvernement si dans l’école privée on
enseigne toutes les matières nécessaires pour qu’elle présente le caractère
d’école normale ; il déclarera que le règlement de cette école est
véritablement le règlement d’une école normale ; et, comme je viens de le dire
tout à l’heure, vous aurez les écoles de l’Etat qui seront le type pour juger
des écoles privées.
D’ailleurs dans la pratique tous
ces inconvénients n’existeront pas. Il sera clair pour le gouvernement comme
pour la chambre et pour tout le monde que telle école est véritablement une
école normale ; et si le gouvernement, par une mesure arbitraire, se refusait à
reconnaître comme école normale celle qui le serait effectivement, il y aurait
une telle réprobation dans la chambre et le pays que le gouvernement serait
dans l’impossibilité de persister dans sa conduite.
Messieurs, il me paraît que cet article
est le seul qui fasse encore difficulté. L’honorable M. Devaux vous a dit, en
commençant son discours, qu’il reconnaissait, contrairement a l’opinion émise
hier par l’honorable M. Verhaegen, que la discussion avait produit d’heureux
résultats, qu’effectivement la loi, telle que nous allions la voter, était
meilleure que lorsqu’elle avait été présentée.
Messieurs, lorsque l’honorable M.
Verhaegen vous a dit hier qu’on n’avait donné aucune satisfaction à l’opinion
des membres qui siègent sur le même banc que lui, il avait complètement oublié
tout ce qui s’est passé dans cette discussion. D’abord je ferai remarquer qu’il
ne peut raisonnablement pas parler au nom d’un des côtés de la chambre dans
cette discussion ; car l’honorable membre sait tout aussi bien que moi que dans
la plupart des questions les plus importantes, il s’est trouve isolé ; que la
plupart de ses amis ne l’ont pas suivi dans cette discussion, mais l’ont
abandonné dans les questions les plus importantes.
Avant la discussion, messieurs, il
y avait deux articles dans la loi qui faisaient question. Il faut bien le dire,
le projet n’avait pas été attaqué sérieusement par la presse, l’opinion
publique l’avait accepté ; il y avait seulement l’art. 5 et l’art. 21, qui
faisaient question. Eh bien, l’art. 5 n’a pas été admis et l’art.
Dans la
discussion, des observations ont été ensuite faites sur plusieurs dispositions
importantes de la loi ; plusieurs amendements importants sont venus du côté de
la chambre où siègent l’honorable membre ; plusieurs
de ses honorables amis, entre autres M. Orts, ont fait des propositions qui ont
été adoptées par la chambre. Il n’est donc pas vrai de dire que la discussion
n’a rien produit, qu’aucune amélioration n a été introduite dans le projet,
qu’aucune concession n’a été faite. C’est le contraire, messieurs, qui est vrai.
M. Dumont. - Messieurs, si je rapproche les paroles de M. le ministre de l'intérieur
de ce que vient de dire l’honorable rapporteur de la section centrale, je dois
reconnaître la nécessité d’un arrangement de rédaction dans l’article qui nous
occupe, car ces messieurs répondent d’une manière tout à fait différente à la
question qui a été faite par l’honorable M. Cools. L’honorable M. Cools demande
qui jugera si l’instituteur aura fréquenté avec fruit une des écoles dont il
s’agit dans l’article ; M. le ministre de l’intérieur a répondu que ce serait
le gouvernement. L’honorable M. Dechamps a répondu que ce serait la commune.
M. d’Huart. - Ce
seront l’un et l’autre.
M. Dumont. - Alors il faudrait le dire ; le texte de la loi ne décide pas cette
question. La loi exige deux conditions pour que l’instituteur puisse être nommé
sans l’agréation du gouvernement. La première, c’est qu’il ait fréquenté une
école normale ou un cours normal ; la deuxième, c’est qu’il l’ait fréquenté
avec fruit ; mais elle ne dit rien sur la manière dont il sera constaté si ces
deux conditions sont remplies. M. le ministre de l’intérieur semble conclure de
la circonstance qu’un homme aura fréquenté une école normale ou un cours
normal, qu’il l’aura fréquenté avec fruit ; mais il me semble que cette
conséquence n’est pas du tout exacte, car on voit bien
des élèves fréquenter de très bonnes écoles sans qu’ils aient tiré fruit de
l’enseignement qui s’y donne. Il me semble, messieurs,
qu’il faut des garanties relativement au point de savoir si les élèves qui
seront nommés ont fréquenté avec fruit les cours dont il s’agit. Quant à moi,
je ne puis guère m’en rapporter à la commune, car il est fort peu de conseils
communaux dans les campagnes qui soient en état de juger de la capacité d’un
instituteur. Je pense donc qu’il faut laisser au gouvernement le soin de
décider cette question, et c’est là le but de l’amendement de M. Cools.
M. Dumortier. - Il me semble qu’il est facile de répondre aux observations de M.
Dumont. D’après l’article en discussion, le conseil communal conserve la
nomination de l’instituteur tel qu’il est attribué par la loi communale. Or,
pour nommer, il faut commencer par juger si la personne qui se présente est
apte ou ne l’est pas ; le droit de nomination entraîne nécessairement le droit
d’examiner la capacité du candidat. Si après cette nomination, l’instituteur
nommé ne remplissait pas les conditions que l’on a droit d’exiger de lui, s’il
n’était pas capable, eh bien, vous avez un article qui a été adopté sur la
proposition du gouvernement lui-même, et qui donne au pouvoir central le droit
de l’inspection et de la révocation.
Que l’on ne craigne pas
d’ailleurs que les régences ne soient point assez instruites pour juger de la
capacité d’un instituteur communal : au commencement de la discussion l’on
voulait donner aux corps communaux la plus grande action sur la nomination des
instituteurs ; on ne peut donc pas dire maintenant que ces corps sont
incapables de faire de bons choix.
Il me semble donc, messieurs, que
l’action du gouvernement et l’action de la commune sont parfaitement dessinées
par le projet.
Mais il est un point sur lequel
je désirerais obtenir une explication soit de M. le ministre de l’intérieur,
soit de M le rapporteur de la section centrale. Indépendamment des écoles
privées salariées par les communes, il existe en Belgique un grand nombre
d’école primaires dirigées par des corporations religieuses, et dans un grand
nombre de communes ces écoles reçoivent un subside ; il en est même plusieurs
où elles sont établies exclusivement aux frais de la commune ; les divers
ministres qui se sont succédé ont aussi accordé des subsides à ces écoles, qui
rendent de très grands services. Je désire savoir si la loi est obstative à ce
que ces divers subsides soient continués ; je désire savoir comment on
conciliera ces subsides avec la disposition qui règle le mode de nomination des
instituteurs communaux. Les corporations dont il s’agit ont généralement dans
le pays un supérieur ; ainsi le supérieur des frères des écoles chrétiennes est
à Namur ; c’est ce supérieur qui envoie des frères dans les localités où les
besoins de l’instruction l’exigent. Eh bien, je suppose que les frères des
écoles chrétiennes se soumettront à la double
inspection, mais je désire savoir comment l’on entend appliquer à leur égard
les dispositions de la loi qui concernent la nomination des instituteurs. Je ne
doute nullement des bonnes intentions de M. le ministre de l’intérieur et de M.
le rapporteur de la section centrale, mais il me semble qu’il ne faut laisser
aucun doute sur l’avenir des institutions dont il s’agit et auxquelles beaucoup
de communes et beaucoup de pères de famille attachent un très haut prix.
Je ne terminerai pas sans dire
aussi quelques mots sur la marche de la discussion. Je crois que dans la
discussion le projet a été notablement amélioré ; non pas que le projet tel
qu’il est maintenant satisfasse complètement mon opinion, j’aurais désiré
beaucoup mieux, mais j’accepte la loi comme une transaction, et puisque nous
avons voulu une transaction nous aurions assez mauvaise grâce de nous refuser à
adopter celle qui est intervenue.
Je ferai cependant encore une
remarque en ce qui concerne les écoles normales. Je regrette que l’on n’ait pas
établi d’une manière plus précise qu’un ministre du culte aurait la direction
de l’éducation morale et religieuse dans ces écoles. Il faut que les élèves de
ces écoles reçoivent une éducation telle qu’ils deviennent de bons instituteurs
dans le sens de la loi, c’est-à-dire des instituteurs qui présentent des
garanties complètes sous le rapport de la religion et de la morale.
Je dis donc, messieurs, que je
suis disposé à accepter le projet de loi, quoiqu’il contrarie sous plusieurs
rapports mes opinions ; je suis disposé à l’admettre comme une transaction, et
tout en l’acceptant à ce titre je ne me considérerai nullement comme étant en
opposition avec un honorable membre des états-généraux, avec un homme qui a
défendu avec zèle la liberté de l’enseignement et qui a
toute ma sympathie, je veux parler de l’honorable M. de Sécus père, je crois
que lorsque le baron de Sécus père défendait aux Etats-Généraux la liberté de
l’enseignement, il la défendait en homme qui voulait concilier cette liberté
avec le maintien des principes religieux. Or la loi sur laquelle nous allons
bientôt voter tend à amener ce double résultat, le maintien de principes
religieux et le maintien de la liberté pour tous. Je crois donc que la loi
n’est nullement en opposition avec les principes de l’honorable membre des
états-généraux dont je viens de parler.
M. de Theux. -
Messieurs, la question soulevée en dernier lieu par l’honorable M. Dumortier,
est celle de savoir si l’art. 10 est applicable aux écoles privées qui
reçoivent un subside. Il me paraît que cette question est clairement résolue
par le texte de l’art. 26. En effet, le premier paragraphe de l’art. 26 porte :
« Aucune école ne pourra
obtenir ou conserver un subside ou allocation quelconque de la commune, de la
province ou de l’Etat, si l’autorité qui la dirige ne consent à la soumettre au
régime d’inspection établi par la présente loi. »
Il résulte de là, messieurs, que,
pour obtenir ou pour conserver un subside, un établissement prive n’a qu’une
seule condition à remplir, c’est de se soumettre au régime d’inspection établi
par la loi. Cela résulte d’ailleurs des explications qui ont été données dans
la discussion précédente, par M. le ministre de l’intérieur.
Quant à l’amendement qui a été
présenté tout à l’heure par M. le ministre de l’intérieur, il n’est, à mon
avis, que déclaratif du sens de l’article tel qu’il a été précédemment adopté ;
en ce qui me concerne au moins, je n’ai jamais donné à l’article un sens autre
que celui qui résulte de cet amendement. Je ne vois donc aucune espèce de difficulté
à l’adoption de la rédaction nouvelle proposée par M. le ministre.
On a demandé qui doit être juge
de la question de savoir si un instituteur a suivi avec fruit une école normale
de l’Etat, un des cours normaux annexés par le gouvernement auprès d’une école
primaire supérieure ou une école normale privée. Il me paraît évident que cette
question doit être décidée par l’autorité de l’école, qui est appelée à
délivrer les diplômes ou les certificats. S’il en était autrement, messieurs,
on arriverait à un système absurde : d’un côté, le gouvernement a sur les
établissements privés un droit absolu d’inspection et de contrôle et d’un autre
côté l’on voudrait encore soumettre les élèves de ces établissements à une
admission spéciale de la part du gouvernement. Evidemment, ce serait là un
double emploi. Il faut de deux choses l’une ; ou que l’on se contente de
l’agréation donnée par le gouvernement à l’établissement, ce qui résultera de
l’inspection, ou bien que l’on institue un jury chargé de délivrer les diplômes
ou les certificats de capacité ; niais alors le gouvernement n’aurait aucune
inspection sur les écoles privées, il n’aurait à s’y mêler en rien. Il faut
admettre l’un ou l’autre de ces deux systèmes, mais ne pas cumuler les deux
contrôles, le contrôle des établissements et le contrôle des livres qui en
sortent.
D’ailleurs, messieurs, les
instituteurs, lorsqu’ils seront nommés, seront toujours soumis à l’action du
gouvernement qui peut les révoquer ou les suspendre.
Je ne conçois pas qu’on veuille chercher
de nouvelles garanties. Ce serait un acte de défiance extraordinaire vis-à-vis
des écoles normales privées. (Aux voix !)
- La clôture de la discussion est
prononcée.
L’amendement présenté par M.
Cools est mis aux voix et n’est pas adopté.
L’amendement présenté par M. le
ministre de l'intérieur est mis aux voix et adopté.
L’ensemble de l’article est
ensuite définitivement adopté.
M. Rogier. -
Messieurs, l’art.
Messieurs,
s’il est entendu que ces instituteurs doivent prêter le serment requis par le
décret du congrès national, il serait inutile de proposer un amendement ; mais,
s’il y avait des doutes à cet égard, je crois qu’il faudrait les y astreindre
par une disposition spéciale de la loi.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Messieurs, je pense que les inspecteurs cantonaux et provinciaux, ainsi que les
instituteurs communaux proprement dits, devront prêter le serment le décret du
congrès national.
M. de Mérode. - Il me semble que ce sont seulement les mauvais gouvernements qui
exigent un serment d’un aussi grand nombre de personnes. L’état d’instituteur
n’est pas un état politique, il ne faut pas mêler la politique avec l’école.
Quant à moi, je ne pense pas qu’il faille imposer le serment aux inspecteurs et
aux instituteurs. Le gouvernement peut changer, et l’éducation ne doit pas
changer. C’est un mauvais exemple à donner aux gouvernements nouveaux qui, par
suite d’événements imprévus, pourraient dominer en Belgique. N’a-t-on pas vu
sous le gouvernement précédent des juges très estimables
qui n’ont pas cru devoir prêter le serment et qui ont été éliminés de leurs
fonctions ? Il ne faut pas établir de semblables exigences pour les inspecteurs
et les instituteurs dont les fonctions ne sont nullement politiques.
M. le président. - M. Rogier n’a pas déposé de proposition.
M. Rogier. - M.
le ministre de l’intérieur vient de dire que dans son opinion les instituteurs
étaient astreints au serment.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - Certainement.
M. Rogier. - Ce
serment, me semble-t-il, n’a rien de compromettant, ne doit avoir rien de
répugnant pour personne en Belgique. En voici la formule :
« Je jure fidélité au Roi,
obéissance à la constitution et aux lois du peuple belge. »
Je ne crois pas qu’un instituteur
soit gravement compromis, lorsqu’il fera cette déclaration ; il est tout
naturel qu’on exige certaines garanties politiques d’hommes qui ont en charge
de former l’esprit des enfants, au moins au point de vue politique ; vous avez
exigé des instituteurs et avec raison des garanties religieuses. Eh bien, pour
être conséquent, pour être juste, pour conserver l’équilibre dans la loi, vous
devez exiger d’eux des garanties politiques. Y a-t-il rien d’ailleurs de plus
simple que de soumettre les instituteurs aux mêmes conditions que d’autres
fonctionnaires municipaux rendant un service public quelconque, tels que les
gardes-champêtres, les receveurs et secrétaires communaux, etc., lesquels n’ont
pas un caractère politique ?
Je pose cette question : quel est
l’instituteur en Belgique qui pourrait ne pas se prêter volontiers, avec
empressement à un pareil serment ? Il ne peut pas y avoir d’arrière-pensée
anticonstitutionnelle, antinationale, antimonarchique chez aucun de nos
instituteurs, et si de pareilles arrière-pensées existaient, il faudrait tâcher
de s’en prémunir par cette prestation de serment. Je sais bien qu’on n’empêche pas par là de mauvaises consciences de
trahir leur serment ; mais enfin, ou le serment a une utilité, ou il n’en a pas
; s’il a l’utilité pour les autres fonctionnaires, il faut l’étendre aux
fonctionnaires dont il s’agit dans la loi ; sinon, il faut le supprimer pour
tout le monde.
M.
Rodenbach. - Mais, messieurs, il y a une
loi sur le serment. L’honorable préopinant nous parle des gardes-champêtres. Je
conçois qu’on exige le serment de ces fonctionnaires, puisqu’ils ont à dresser
des procès-verbaux. Mais je ne crois pas qu’on doive y soumettre les
instituteurs. Le gouvernement peut les révoquer, si dans leur enseignement ils
ne respectent pas les principes de la constitution, s’ils agissent
contrairement a la loi. Exiger davantage me paraît
superflu.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - Messieurs, c’est un système général
que la prestation de serment. Les fonctionnaires et les employés prêtent
serment ; j’ai dû supposer dès lors que le système général était maintenu. Les
professeurs des universités prêtent serment ; on pousse même la précaution
jusqu’à exiger un serment nouveau des professeurs qu’on appelle chaque année aux fonctions de recteur ; ce professeur prête serment
entre les mains du ministre de l’intérieur. J’ai supposé que le système général
serait appliqué aux différents degrés d’enseignement ; aussi n’ai-je pas hésité
à répondre que les inspecteurs cantonaux et provinciaux et les instituteurs
communaux prêteraient serment. Je ne vois pas pourquoi on ferait une exception.
Je considère le serment comme un système général admis en Belgique, et dès lors
on ferait ici une dérogation, je ne sais pourquoi.
M. de Mérode. - Les professeurs des universités sont chargés du haut enseignement. Or,
le haut enseignement peut avoir des rapports plus ou moins spéciaux avec les
questions politiques. Mais les instituteurs ne doivent pas évidemment occuper
les enfants de politique ; ils doivent les occuper de leurs devoirs vis-à-vis
de leurs parents et de la généralité des hommes, et ne pas leur farcir la tête
de politique. Je ne conçois pas pourquoi l’on voudrait exiger un serment des
instituteurs.
Qu’arrive-t-il de cette multitude
de serments ? C’est que le serment a perdu de sa valeur. C’est depuis la
révolution française qu’on prête des serments comme on change de chemise. Ce
n’est pas ainsi que j’entends le serment. Le serment est
à mes yeux chose sacrée, grave et sérieuse. J’ai prêté un serment, je l’ai
prêté sous hésitation, et je le tiendrai d’une main ferme. Mais dans mon
opinion, il ne faut pas multiplier le serment outre mesure. Je ne sais si dans
les pays voisins les instituteurs sont soumis à cette clause ; mais puisque
chez nous les instituteurs n’y ont pas encore été astreints, il est inutile de
commencer d’en faire un devoir à cette classe de fonctionnaires.
M. Demonceau. - Messieurs, toute la question est de savoir s’il faut considérer les
instituteurs comme des fonctionnaires publics. Si vous pensez que ce sont des
fonctionnaires publics, il faut les astreindre au serment
; mais, messieurs, réfléchissez aux conséquences de ce que vous allez faire :
vous allez exclure tous les étrangers des fonctions d’instituteur. Je sais
qu’en vertu de la loi sur l’enseignement supérieur, les professeurs des
universités prêtent serment ; mais, si je ne me trompe, le gouvernement est
autorisé à admettre des étrangers ; pourra-t-on également accepter des
étrangers pour les fonctions d’instituteur communal ? Je désire avoir une
explication.
M.
Dechamps, rapporteur. - Messieurs, j’attache une assez
mince importance à l’adoption ou au rejet de l’article. Mais il est vrai de
dire qu’il n’y a presque aucune relation entre les fonctions d’instituteur et
les questions politiques et constitutionnelles. En France, lorsqu’on a discuté
la loi de 1833, un membre de la chambre des députés avait demandé qu’on
enseignât dans toutes les écoles primaires les principes constitutionnels,
amendement qui a été rejeté à une immense majorité, parce qu’on a cru qu’il
fallait autant que possible éloigner de l’école toutes les idées politiques.
Ainsi, messieurs, il y a analogie
entre ces deux cas. Il me paraît aussi que l’instituteur exerce plutôt une
mission qu’une fonction. Je crois qu’il ne faut pas confondre l’instituteur
avec le fonctionnaire proprement dit.
Messieurs, l’objection qu’a faite
l’honorable M. Demonceau me paraît sérieuse. Lorsque nous avons discuté la loi
sur les universités, l’honorable M. Devaux s’est élevé avec force contre ceux
qui voulaient exclure les professeurs étrangers, il vous a démontré combien il
y aurait d’étroitesse dans une pareille exclusion. Je ne pense pas qu’il entre
dans l’esprit de l’honorable membre de prétendre qu’un étranger ne pourra pas
être instituteur en Belgique. Ce serait pousser trop loin les défiances.
Cependant il me paraît que si l’on admet l’amendement, on exclut de
l’enseignement toute personne qui n’est pas Belge.
En effet, si vous assujettissez
au serment les instituteurs, vous en faites des fonctionnaires publics. Il
faut, pour être fonctionnaire public, être Belge ou naturalisé. On a répondu
que les professeurs des universités étaient astreints au
serment, et que cependant on a admis des étrangers dans les universités. Je
ferai observer qu’il y a dans la loi sur l’enseignement supérieur une
disposition spéciale qui admet les professeurs étrangers. Si vous admettez
l’amendement qui prescrit le serment, et que vous ne vouliez pas exclure les
étrangers, il faut ajouter une disposition qui déclare qu’on peut nommer
instituteur un étranger non naturalisé. Je soumets cette objection à
l’honorable M. Rogier.
M. d’Huart. - Je
n’attache pas non plus une très grande importance à ce que la loi stipule ou ne
stipule pas l’obligation pour les instituteurs de prêter serment ; cependant je
dois dire que dans les objections qui ont été faites, je ne vois rien qui
milite contre cette proposition, rien qui puisse engager à la rejeter. Ce qu’on
dit de l’instituteur étranger ne me touche pas, on exigera de lui le serment
comme de l’instituteur belge : C’est de celui-là et de celui-là surtout qu’on a
voulu demander le serment. On a dit dans la discussion : Vous aurez des
étrangers qui enseigneront des doctrines pernicieuses, contraires à la
stabilité du gouvernement ; vous ne demandez pas même un simple serment à ces
gens-là. C’est contre ces instituteurs-là qu’il faut se précautionner en leur
demandant un serment. J’admettrai donc la proposition, ce sera une satisfaction
donnée à certaines craintes fort légitimes qui ont été
exprimées.
Maintenant, il est bien entendu,
ainsi que l’ont dit M. Rogier et M. le ministre de l’intérieur, que cela ne
s’applique qu’aux instituteurs et aux maîtres des écoles communales. Je ne vois
pas alors d’objection à accepter la proposition de M. Rogier. Je n’y vois pas
d’inconvénient, et, sous certains rapports, j’y vois un avantage. Quand les
maîtres et les élèves sauraient qu’on doit être fidèle au Roi et
obéir à la constitution et aux lois, et que cela entrerait dans l’éducation de
la jeunesse, je ne verrais pas de mal à cela. Il est bon que les citoyens
sachent qu’on doit fidélité, obéissance à la constitution et aux lois du peuple
belge.
M. le président. - Voici comment est conçue la disposition proposée par M. Rogier :
« Tout instituteur nommé en vertu
de l’art. 20 ou appartenant à l’une des écoles dont il est parlé à l’art. 3,
sera tenu de prêter entre les mains du gouverneur ou de son délégué, le serment
prescrit par l’art. 2 du décret du 20 juillet 1831. »
M. Dumortier. - Je n’ai pas d’objection à faire à la proposition en ce qui concerne les
instituteurs communaux nommés en vertu de l’art. 10, même les raisons me
paraissent péremptoires pour exiger d’eux le serment de fidélité au roi et
d’obéissance à la constitution et aux lois du peuple belge. Comme l’a dit
l’honorable M. d’Huart, il n’y a pas de mal qu’on sache dans le pays qu’on doit
fidélité au roi et obéissance aux lois. Mais pour ce qui concerne les
instituteurs des écoles dont il est parlé à l’art. 3, je ne crois pas que nous
ayons le pouvoir de leur demander un serment. En effet, de quoi s’agit-il à
l’art. 3 ? D’établissements libres, auxquels la commune pourra accorder un
subside et tenant lieu d’une école communale et qui recevront peut-être un
subside d’une vingtaine de francs. Pour un si modique subside vous ne pouvez
pas assimiler ceux qui usent de la liberté d’enseignement à des fonctionnaires,
ce serait le renversement des principes.
Quant
au reste, j’accepte l’amendement, mais je ne comprends pas qu’il soit possible
d’admettre que les hommes qui enseignent en vertu de la liberté écrite dans la
loi fondamentale doivent être astreints à prêter serment.
M. Rogier. -
J’ai voulu étendre ma proposition à tous les instituteurs communaux et à ceux
qui sont assimilés à des instituteurs communaux. Toutefois, si on trouve qu’une
partie de ma proposition touche à la liberté d’enseignement que je veux
respecter fidèlement, si on pense que l’article ne doit pas s’appliquer aux
instituteurs appartenant aux écoles dont il est parlé à l’art. 3, je
restreindrai ma proposition à ceux nommés en vertu de l’art. 10.
Permettez-moi d’ajouter quelques
mots qui feront tomber les scrupules de ceux qui d’abord ont parlé contre ma
proposition. En fait, je dirai que le serment est exigé des instituteurs, en
vertu d’une circulaire de l’honorable M. de Theux qui les a considérés comme
fonctionnaires publics et n’a pas craint d’exclure par-là l’instituteur
étranger.
Ma proposition ne fait que
consacrer ce qui existe en vertu d’une circulaire que M. Nothomb n’a pas
retirée, mais qui pourrait peut-être être modifiée par d’antres ministres.
L’objection
tirée de ce qu’on exclurait des étrangers ne me paraît pas avoir de valeur ;
car d’autres fonctionnaires municipaux sont assujettis au serment en vertu de
la circulaire du ministre et cependant la loi communale n’exige pas d’eux
l’indigénat. Certains fonctionnaires municipaux peuvent être étrangers, et le
serment est exigé de tous les fonctionnaires municipaux, alors même qu’ils sont
étrangers.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - Je pense qu’il vaudrait mieux faire
un article général qui serait l’avant-dernier de la loi. Cet article pourrait
être ainsi rédigé :
« Les inspecteurs civils provinciaux
et cantonaux, les instituteurs communaux nommés en vertu de l’art. 10 de la
présente loi, ainsi que les instituteurs et professeurs des écoles normales de
l’Etat et des écoles primaires supérieures, prêteront le serment prescrit par
l’art. 2 du décret du congrès national du 20 juillet 1831. »
Il n’est pas dit devant qui le serment sera prêté. C’est une mesure
administrative ; les uns le prêteront devant le bourgmestre, d’autres devant le
gouverneur ou devant le ministre.
Ce serment n’entraîne pas la
nécessité d’être Belge.
M. Demonceau. - Si on considère les instituteurs comme fonctionnaires publics, on ne
peut pas admettre les étrangers en qualité d’instituteur, à moins d’insérer
dans la loi une disposition spéciale.
L’honorable M. d’Huart a dit :
nous ne voulons pas exclure les étrangers. Mais alors vous devez l’insérer dans
la loi, comme vous l’avez fait pour les professeurs des universités, comme vous
l’avez fait pour les secrétaires et les receveurs communaux ; c’est le serment
qui constitue le fonctionnaire. Ceux dont on exige 1e serment et qui reçoivent
un traitement du trésor public, peuvent être envisagés comme
fonctionnaires publics, et la constitution dit que pour remplir des fonctions
publiques, il faut être belge ou avoir obtenu la naturalisation à moins
d’exceptions prononcées par la loi. C’est ainsi que j’entends la chose en
théorie, je ne raisonne pas par application. Je n’entends pas dispenser les
instituteurs de prêter serment, si on croit qu’ils doivent le prêter. Je fais
mon observation pour éviter des doutes à l’avenir.
M. Dubus (aîné). - Si vous astreignez les instituteurs à prêter serment, vous les
envisagez comme fonctionnaires publics, des lors aussi ils doivent être Belges
ou naturalisés. Il en résulte cette autre conséquence,
que des instituteurs en fonctions, dont
plusieurs d’un très grand mérite, sont destitués par la loi même, et
d’honorables membres sont venus me citer de ces instituteurs qui existent dans
des communes très peu éloignées de Bruxelles qui sont d’excellents instituteurs
et qui sont des personnes étrangères. Votre loi leur donnerait leur démission
si vous n’admettiez pas d’exceptions au principe posé par l’art. 6 de la
constitution.
M.
Dechamps, rapporteur. - L’honorable ministre de
l’intérieur ne considère pas les instituteurs communaux comme de véritables
fonctionnaires publics ; seulement, par une mesure de précaution et de
garantie, il les astreint à un serment politique.
Si vous
admettiez son opinion, la question sera tranchée, l’instituteur, quoique soumis
au serment, ne sera pas un fonctionnaire public.
Si vous admettiez, au contraire,
qu’il est fonctionnaire public, vous devriez exiger de lui l’indigénat ou la naturalisation.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - Si j’ai bien compris les honorables
M. Demonceau et Dubus aîné, le serment serait inséparable de la qualité de
citoyen belge. Exiger de quelqu’un le serment, ce serait le supposer citoyen
belge : je ne pense pas qu’on puisse admettre la conséquence.
M. Dubus (aîné). - On dit que le serment suppose la qualité de fonctionnaire public.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - Je nie les deux conséquences. Je dis
que la prestation de serment ne suppose ni la qualité de citoyen belge ni même
la qualité de fonctionnaire public dans la stricte acception du mot. Voici dans
quels termes est conçu l’art. 2 du décret du congrès du 20 juillet 1831.
« Art. 2. Tous les
fonctionnaires de l’ordre judiciaire et administratif, les officiers de la
garde civique et de l’armée, et en général tous les citoyens chargés d’un
ministère ou d’un service quelconque seront tenus, avant d’entrer en fonctions,
de prêter le serment dont la teneur suit « Je jure fidélité au roi, obéissance
à la constitution et aux lois du peuple belge. » »
Ainsi tous ceux qui sont chargés
d’un ministère ou d’un service public quelconque sont soumis au serment. Ce
n’est pas tout : La lecture de cet article me suggère une autre réflexion. Tous
les officiers de la garde civique et de l’armée sont astreints au serment. Les
étrangers qui sont domiciliés en Belgique, sans esprit de retour dans leur
pays, sont astreints à l’obligation du service de la garde civique et de
l’armée et comme tels admis au serment. Vous voyez qu’on peut être Français ou
Anglais et devoir prêter serment comme officier de la garde civique ou de
l’armée. Je crois donc que la disposition ne suppose pas que l’instituteur aura
la qualité de Belge, qu’elle ne suppose pas non plus qu’il est fonctionnaire
public dans la stricte acception du mot. Maintenant veut-on ajouter que pour
être instituteur, il n’est pas nécessaire d’être Belge ? Je crois que c’est
inutile.
M. Lebeau
renonce à la parole.
- La disposition proposée par M.
le ministre de l’intérieur et à laquelle M. Rogier déclare se rallier est mise
aux voix et adoptée. Elle formera l’art. 37 du projet de loi.
M. Savart-Martel. - Je
demande que la loi dise entre les mains de qui le serment sera prêté.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - Cela se règle administrativement.
Articles 11 à 13
La chambre adopte définitivement
les amendements introduits dans les articles 11, 12 et 13.
La chambre passe à l’art. 14
ainsi conçu :
« Art. 14. L’inspecteur
cantonal réunira, en conférence, sous sa direction, au moins une fois par
trimestre, les instituteurs de son ressort ou de chaque canton.
« Les instituteurs libres
peuvent aussi être admis à ces conférences, si l’inspecteur le juge convenable.
« Des jetons de présence
seront accordés aux instituteurs qui y assisteront.
« Ces conférences auront pour
objet tout ce qui peut concerner les progrès de l’enseignement primaire, et
spécialement l’examen des méthodes et des livres employés dans les
écoles. »
M. Devaux. - Je pense qu’il est bien entendu que l’inspecteur cantonal ne sera pas
tenu de réunir en une fois tous les instituteurs même d’un seul canton. Dans la
pratique, dans les provinces où il y a des concours, il a paru préférable de
réunir séparément les instituteurs urbains et les instituteurs ruraux, de faire
certaines classes d’instituteurs. Je suppose que l’article ne s’oppose pas à ce
qu’on divise ainsi ces réunions.
M.
Dechamps, rapporteur. - Certainement, on pourra toujours
diviser ces conférences ; mais chaque instituteur devra y prendre part quatre
fois par an. C’est dans ce sens que l’article doit être entendu. (Adhésion.)
M. le président. - M. Devaux ne présente pas d’amendement ?
M. Devaux. - Non
; l’explication est dans le sens que je désirais.
L’art. 14 est mis aux voix et
définitivement adopté.
La chambre passe à l’art. 15
ainsi conçu :
« Art. 15. Un règlement
arrêté par le conseil communal, sur la proposition de l’inspecteur provincial,
l’inspecteur cantonal entendue, et approuvé par la députation du conseil
provincial, déterminera, dans chaque commune, la rétribution des élèves, le
mode de recouvrement, les jours et les heures du travail, les vacantes, le mode
de punition et de récompense. »
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - Je demande que l’on ajoute après le
mot : commune, les mots : sauf recours au Roi. Il est question
dans cet article d’objets très importants, notamment du mode de recouvrement.
Ce recours au Roi pourra être utile dans certains cas. Il permettra aussi
d’établir un peu d’uniformité au moins par province.
- L’art. 15 est mis aux voix et
est définitivement adopté avec l’addition des mots : sauf recours au Roi, proposée par M. le ministre de l’intérieur.
Article 16
La chambre passe au § 2 :
Inspecteurs provinciaux.
«Art. 16. Il y aura un inspecteur
dans chaque province.
« Ce fonctionnaire est nommé et
révoqué par le Roi ; il jouit d’un traitement de 3,000 fr. par an, sur le
trésor public.
« Il inspecte au moins une
fois par an, toutes les écoles publiques de son ressort.
« Il doit présider
annuellement l’une des conférences d’instituteurs mentionnées en l’art. 14
(10), et y recueillir tous les renseignements consignés dans les registres
d’inspection cantonale.
« Il se met en rapport avec
les inspecteurs cantonaux qui lui sont subordonnés dans l’ordre
hiérarchique. »
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Le
paragraphe 5 de l’art. 13 est ainsi conçu :
«Chaque inspection s’étend sur
les écoles communales et sur celles qui en tiennent lieu, en vertu de l’art. 3
de la présente loi. »
Je trouve que le § 3 de l’art. 16
devrait être rédigé de la même manière. Il porterait :
« Il (l’inspecteur provincial)
inspecte au moins une fois par an les écoles communales et celles qui en
tiennent lieu en vertu de l’art. 3 de la présente loi. »
De
cette manière il sera fait droit à une observation plusieurs fois reproduite
par l’honorable M. Devaux, et à laquelle j’avoue, qu’avant d’avoir vu toute la
loi, je n’avais pas répondu d’une manière très catégorique. Il avait demandé si
les écoles dont il est question à l’article 3 sont soumises à l’inspection.
Oui, évidemment, d’après le § 5 de l’art. 13, et d’après la rédaction que je
propose pour le § 3 de l’art. 16.
M. Rogier. - Les
écoles communales et celles dont il est question à l’art. 3 ne sont pas les seules
qui soient soumises à l‘inspection. Les écoles normales, et toutes les écoles
qui reçoivent un subside y sont soumises. On pourrait donc dire : « Toutes
les écoles soumises au régime de la présente loi. »
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - La rédaction proposée n’exclut rien.
La règle générale pour
l’inspecteur provincial et pour l’inspecteur cantonal, c’est l’inspection des
écoles communales et de celles qui en tiennent lieu. Mais cela n’exclut pas les
autres cas.
M. Demonceau. - Voyez l’art. 36.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Oui,
l’article 36 répond à l’observation de l’honorable M. Rogier.
Ici il s’agit de déterminer
quelles seront en général les inspections qu’auront à faire les inspecteurs
cantonaux et provinciaux. Nous parlons en général. Cela n’exclut pas les autres
inspections.
M.
Dechamps, rapporteur. - Comme on vient de le faire remarquer,
l’art. 36 répond suffisamment à l’observation de l’honorable M. Rogier.
D’abord, je crois qu’il faut
laisser le gouvernement libre par rapport à la surveillance spéciale qui devra
être organisée pour les écoles normales. Il est possible qu’il convienne au
gouvernement de charger de ces inspections un inspecteur d’une province
voisine. Je crois qu’il faut laisser le gouvernent libre à cet égard.
- L’art. 16 est mis aux voix et
définitivement adopté avec la nouvelle rédaction proposée pour le § 3 par M. le
ministre de l’intérieur.
Articles 21 à 23
Les articles 21, 22 et 23 sont
définitivement adoptés sans discussion.
Article 25
M. le président. - M. le ministre de l’intérieur propose un changement au 2° de l’art. 25,
au lieu de :
« 2° de favoriser les écoles de
dimanche pour les adultes », il propose de dire
« 2° de favoriser les écoles du
soir et de dimanche pour les adultes. »
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - C’était une omission.
- Ce changement est adopté.
Article 26
L’art. 26 est définitivement
adopté.
Article 28
L’art.
« Art. 28. Des bourses de
200 fr. au plus chacune seront mises annuellement à la disposition du gouvernement
pour être accordées à des jeunes gens ou à des instituteurs peu favorisés de la
fortune et qui font preuve d’aptitude, pour les aider à suivre les cours des
écoles primaires, supérieures ou normales.
« Ces bourses pourront,
après la sortie de ces écoles, être continuées pendant un terme qui n’excédera
pas trois années, à des élèves-maîtres envoyés pour faire leur noviciat, soit
comme assistant, soit comme instituteur dans les écoles communales. »
M. Rogier. - Il
y a à la fin du premier paragraphe de l’article une virgule qu’il faudrait
faire disparaître. il est dit : « Pour les aider à
suivre les cours des écoles primaires, supérieures ou normales ; » il
faudrait dire pour les aider à suivre les cours des écoles primaires
supérieures ou des écoles normales.
- Le changement de rédaction est
adopté, ainsi que l’amendement apporté au second paragraphe de l’article.
Articles 29 et 33
Les articles 29 et 33 sont
définitivement adoptés sans discussion.
Les articles 35 et 36 ont été
adoptés au premier vote dans les termes suivants :
« § 2. Ecoles normales
« Art. 35 (30). Il sera
immédiatement établi par le gouvernement deux écoles normales pour l’enseignement
primaire, l’une dans les provinces flamandes, l’autre dans les provinces
wallonnes.
« Dans chaque province des cours
normaux pourront être adjoints par le gouvernement à l’une des écoles primaires
supérieures. »
« § 3. Dispositions communes
aux écoles primaires supérieures et aux écoles normales
« Art. 36 (31)
Indépendamment de la direction et de la surveillance particulière que le
gouvernement exerce sur les écoles primaires supérieures et sur les écoles
normales, ces institutions sont soumises au mode de direction et d’inspection
ecclésiastique, résultant des art. 6, § 2 ; 7, § 2 à 4
; 8 et 9 de la présente loi.
« Les instituteurs et
professeurs des écoles normales et des écoles primaires supérieures sont nommés
et révoqués par le gouvernement.
« Il y aura dans chaque école
normale un ministre du culte, chargé de l’enseignement de la morale et de la
religion. »
- L’amendement apporté au premier
paragraphe de l’art. 35 est définitivement adopté.
M. Dumortier. - Messieurs, je dois faire remarquer une chose, c’est que le dernier § de
l’art. 36, qui est relatif exclusivement aux écoles normales, me paraîtrait
bien mieux placé dans l’art. 35.
Maintenant, je ferai remarquer de
nouveau que l’art. 35 ne me paraît pas offrir toutes les garanties désirables
relativement à l’éducation morale et religieuse dans les écoles normales. Je
rappellerai les observations que j’ai faites à cet égard au premier vote.
M. le président. - L’article 36 ne peut plus être mis en discussion.
M. Dumortier. - Pardonnez-moi, M. le président. Le dernier § de l’art. 36 est un
amendement. C’est par erreur qu’on ne l’a pas imprimé en italique. Je crois que
la place de cet amendement est à l’art. 35.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb). - C’est par inadvertance qu’on n’a pas
imprimé eu caractères italiques le dernier paragraphe de l’art. 36. Mais ce
paragraphe est à sa place ; c’est celle que je lui ai assignée en le proposant.
Quant à la seconde observation de l’honorable M. Dumortier, je crois
pouvoir m’en référer aux explications que j’ai données la chambre, en répondant
à l’honorable comte de Mérode, qui a bien voulu retirer un amendement qu’il
avait présenté. Je regarde ce dernier paragraphe comme étant conçu dans le
système de la loi ; je crois qu’il ne fallait pas à cette occasion dévier de ce
système, toutes les autres garanties subsistant d’ailleurs.
M.
Dechamps, rapporteur. - Je ne pense pas que
l’honorable M. Dumortier se soit fait une idée assez complète du sens des
articles 35 et 36 de la loi.
D’abord par l’art. 36, vous
déclarez que les écoles normales et les écoles primaires supérieures sont
soumises sous le rapport de la direction et de la surveillance religieuse, au
régime des articles 6, 7, 8 et 9 de la présente loi et que la direction et la
surveillance de l’enseignement moral et religieux dans ces écoles sont données
exclusivement aux ministres du culte.
Maintenant, comme il pouvait y
avoir un malentendu, l’honorable M. Dumortier lui-même et l’honorable comte de
Mérode, vous ont fait observer qu’il y avait une différence entre l’école
primaire ordinaire et l’école normale ; que, pour l’école primaire ordinaire
qui est un internat, il suffisait que le ministre du culte de la localité
donnât, ou surveillât et dirigeât l’enseignement moral et religieux ; mais que
pour l’école normale qui est un internat, il fallait quelque chose de plus,
qu’il ne fallait pas que le gouvernement pût comprendre qu’il suffisait, par
exemple, qu’un vicaire de la localité où l’école normale serait établie, allât
surveiller l’enseignement religieux et moral de la même manière qu’il
surveillerait cet enseignement dans une école primaire ordinaire ; qu’il
fallait évidemment attacher à l’école d’une manière spéciale un ministre du
culte dirigeant et surveillant l’enseignement religieux et moral. Eh bien
l’amendement présenté par M. le ministre de l’intérieur a fait droit à cette
rédaction.
Restait une interprétation à
donner ; et vous vous souvenez des débats que je ne veux pas renouveler et qui
se sont engagés à l’occasion de l’amendement de l’honorable M. de Mérode, qui
voulait substituer ces mots : éducation
religieuse et morale, aux mots : enseignement
de la religion et de la morale.
J’ai combattu cet amendement
parce que je le regardais come dangereux à un certain point de vue. Car vous
vous souvenez tous que, lorsque nous avons discuté l’article 6 de la loi, dans
laquelle il est question d’enseignement moral et religieux, un débat s’est
élevé sur le sens à donner à ces mots : enseignement
moral et religieux. On s’est demandé s’il s’agissait uniquement d’une leçon
de morale et de religion donnée à une certaine heure dans l’école. Vous vous
souvenez que cette question a été agitée entre l’honorable M. Devaux et moi et
quelques autres membres.
Eh bien, si l’on avait adopté
l’amendement de l’honorable M. de Mérode, on aurait pu prétendre que, puisqu’on
introduisait ici le mot éducation
morale et religieuse, le mot enseignement
moral et religieux enlevé à l’art. 6, et qui est à peu près synonyme du mot
éducation morale et religieuse,
n’avait pas le sens que nous voulions lui donner. Nous avons vu qu’il y avait
certain danger à adopter une expression qui aurait pu faire croire que l’on
voulait autre chose que ce que l’on avait voulu dans un article antérieur.
Je
crois donc que l’honorable M. Dumortier doit être satisfait. Ce qu’il veut,
d’ailleurs, nous le voulons tous.
M. Devaux. - Je ferai remarquer que M. le ministre de l’intérieur s’est opposé à
l’amendement de l’honorable M. de Mérode, parce qu’il forcerait le gouvernement
à mettre un prêtre à la tête de l’école, et qu’il a dit que le gouvernement ne
voulait pas être contraint. Voilà, je crois, le véritable commentaire. Mais il
ne résulte pas de là que l’amendement de l’honorable M. de Mérode fût dans la
loi. Au contraire, il n’y était pas.
M. de Theux. - M.
le ministre de l’intérieur a promis à la chambre de faire en sorte que
l’organisation de ces écoles présentât toutes les garanties désirables d’une
éducation morale et religieuse. Je crois que nous devons nous en rapporter à
l’engagement qu’il a pris à cet égard.
- Les amendements introduits dans
les articles 35 et 56 sont successivement mis aux voix et adoptés.
M.
le président. - Il va être procédé au vote
par appel nominal sur l’ensemble du projet.
M. Rogier. - J’avais
appelé l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur une lacune que présente
le projet relativement aux écoles des filles, En France je crois que ce qui
concerne les écoles des filles est réglé par arrêté royal. Au moins j’ai un
arrêté de 1836 qui contient plusieurs dispositions relatives à l’organisation
de ces écoles.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - Messieurs, la loi française et le
projet de 1834 ne renferment aucune disposition spéciale relativement aux
écoles de filles. Un premier point, c’est la séparation des sexes ; il faut,
autant que possible, arriver à avoir des écoles spéciales pour les filles ;
telle doit être la tendance du gouvernement, mais il est impossible de rien
écrire à cet égard dans la loi. Pour les écoles d’adultes, par exemple, pour
les écoles du soir, pour les écoles du dimanche, le gouvernement fera en sorte
qui ait des écoles spéciales de filles. Je regrette que dans les villages il ne puisse pas y avoir également des écoles spéciales
pour les filles. Dans tous les cas, je crois que la loi doit garder le silence
sur point, et qu’il faut compter sur la sollicitude du gouvernement pour avoir
un enseignement spécial pour les filles là où les constantes le permettront.
M. Dumortier. - Je pense, messieurs, qu’il ne faut pas équivoquer. Si le gouvernement
voulait établir des écoles de filles dans toutes les communes, avec une
hiérarchie complète des écoles normales, des écoles primaires et modèles pour
les filles, je déclarerai que je m’y opposerais de toutes mes forces. Restons,
messieurs, dans ce qui est possible et même en restant dans ce qui est
possible, nous faisons encore beaucoup. La femme doit être l’ange du foyer
domestique, elle doit se dévouer aux soins du ménage, mais elle n’a pas de
mission dans l’ordre social. L’éducation des filles devra
toujours être l’éducation la plus religieuse possible. Elle remplit aujourd’hui
cette condition et dès lors nous ferons bien de ne pas y toucher ; moins nous
interviendrons dans l’éducation des filles, mieux ce sera pour la morale
publique. La morale publique ne se fait pas par les lois, les lois peuvent
prendre des précautions pour la conserver, mais elles ne peuvent pas la faire.
M. Rogier. - Je
ne pense pas, messieurs, qu’il y avait lieu de s’échauffer à ce point
relativement à une observation, très simple que j’ai faite. Je n’ai pas du tout
proposé d’établir tout un système hiérarchique pour les écoles des filles. J’ai
simplement fait remarquer qu’il y aurait une lacune dans le projet relativement
aux écoles des filles, et je crois qu’il n’est pas du tout indifférent pour le
pays que les filles du peuple sachent lire, écrire, calculer et coudre. Je
crois que si le législateur prend en considération tous les besoins de
l’éducation du pays, il ne doit point perdre de vue l’éducation des filles.
Au reste, je le répète, je n’ai nullement demandé une administration
particulière pour les écoles des filles. Je me suis borné à signaler une
lacune. Du reste, je crois que le gouvernement fera administrativement tout le
bien qu’il pourra faire, et qu’à cet égard la loi lui laisse toute latitude.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - Il n’y a pas de lacune dans la loi ;
il s’y trouve beaucoup de dispositions qui pourront être appliquées aux écoles
des filles et aux institutrices. Ainsi, par exemple, la disposition relative
aux bourses (et je réponds ici à l’honorable M. Dumortier ),
la disposition relative aux bourses doit s’appliquer aux institutrices, en ce
sens que le gouvernement doit pouvoir donner des bourses aux institutrices qui
suivent, par exemple, les cours donnés dans des établissements dirigés par des
congrégations religieuses. C’est ce qui se fait en France, et j’ai sous les
yeux un rapport de M. Villemain qui dispose ainsi de certaines bourses.
M. le président. - Il va être procédé à l’appel nominal.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - Le dernier article du projet devient
maintenant l’art. 38 ;celui que j’ai proposé dans
cette séance sera le 37ème. Il faudra mettre dispositions finales au pluriel.
M. le président. - Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble du projet.
79 membres sont présents.
1 (M. Puissant) s’abstient.
75 adoptent.
3 rejettent.
En conséquence le projet est
adopté.
Ont voté l’adoption : MM. de La
Coste, Cogels, Coghen, Cools, Coppieters, David, de Baillet, de Behr, de
Brouckere, Dechamps, Dedecker, de Foere, de Man d’Attenrode, de Meer de
Moorsel, de Mérode, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, de Potter, de Renesse, de
Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, de Villegas,
d’Hoffschmidt, d’Huart, Donny, Dubus (aîné), Dumont, Dumortier, Duvivier, Eloy
de Burdinne, Henot, Hye-Hoys, Huveners, Jadot, Jonet, Kervyn, Lange, Lebeau,
Lejeune, Maertens, Malou, Mast de Vries, Meeus, Mercier, Morel-Danheel,
Nothomb, Orts, Osy, Peeters, Pirmez, Pirson, Raikem, Rodenbach, Rogier,
Scheyven, Sigart, Simons, Smits, Thienpont, Trentesaux, Troye, Van Cutsem,
Vanden Eynde, Vandensteen, Vanderbelen, Van Hoobrouck, Van Volxem, Vilain
XIIII, Wallaert, Zoude et Fallon.
Ont voté le rejet : MM. Delfosse,
Savart et Verhaegen.
M.
Puissant déclare s’être abstenu parce qu’il a
été dans l’impossibilité de suivre la discussion.
M. le président. - L’ordre du jour appelle en second lieu la discussion du projet de loi
relatif à l’exécution de la convention avec la France,
M. le ministre
des finances (M. Smits) déclare se rallier au projet de
la section centrale.
M.
Rodenbach. - Messieurs, j’ai vu dans le Moniteur un arrêté royal qui accorde à
l’Allemagne les avantages accordés à la France relativement aux vins et aux
soieries. Je dois supposer que le gouvernement est sur le point de traiter avec
l’Allemagne, et je suis persuadé qu’il fera tous ses efforts pour obtenir des
concessions équitables de ce pays. Toutefois, je crois devoir lui demander quelques
explications à l’égard de l’arrêté royal dont je viens de parler.
M. le ministre des affaires étrangères (M.
de Briey) - Je dois faire remarquer à l’honorable
membre que l’absence du contreseing du ministre des affaires étrangères au bas
de l’arrêté dont il s’agit aussi bien que les dispositions qu’il établit, lui
enlève tout caractère de convention internationale, c’est un acte de pure
administration intérieure qui a été posé, et en cette qualité il ne comporte et
ne peut comporter aucune compensation actuelle de la part d’une puissance
étrangère.
M.
Rodenbach. - Je suis satisfait.
M. Rogier. -
Messieurs, j’ai lu également dans le Moniteur
un arrêté royal par lequel les vins et les soieries d’Allemagne sont admis aux
mêmes conditions que les vins et les soieries de France. L’honorable M.
Rodenbach vient d’adresser au gouvernement une interpellation que je trouve
très opportune, sur l’arrêté dont il s’agit, et qui, selon moi, a une très
grande portée. M. le ministre des affaires étrangères répond qu’il s’agit d’un
acte de pure administration intérieure et non pas d’un acte international. Mais
s’il est des actes internationaux, ce sont bien les actes de la catégorie de
celui qui vient d’être signalé. Je ne comprends point, moi, comment on ne
pourrait pas voir un acte international dans un arrêté qui modifie notre
législation douanière au profit d’un pays voisin.
Tout le monde aura été frappé de cet
arrêté. Pour ce qui concerne la France, l’on a reçu ses vins, ses soieries à
certaines conditions, en réciprocité de certains avantages qu’elle nous a
accordés. Il paraîtrait qu’on aurait été beaucoup plus généreux pour
l’Allemagne, car en compensation des avantages qu’on lui fait, on se contente
de l’espoir d’obtenir un jour d’elle des stipulations avantageuses.
Ici, je dois le dire, la générosité irait jusqu’au luxe, jusqu’à la
prodigalité. Peu importe, au surplus, la distinction entre des actes d’administration
intérieure et des actes d’administration internationale. Ce qu’il y a
d’important, c’est qu’on ait des explications sur les causes qui ont amené
l’arrêté et sur l’influence que cette mesure peut exercer sur nos relations et
nos négociations commerciales.
M. le ministre des affaires étrangères (M.
de Briey) - Messieurs, je vais compléter ma
pensée dont l’adhésion de l’honorable M. Rodenbach est venu
arrêter le développement. Je ne prétends nullement me retrancher derrière une
fin de non-recevoir ; l’acte qu’il a posé, le cabinet l’accepte tout entier. Il
ne recule pas devant la responsabilité qu’il entraîne. L’arrêté du
M. de Brouckere. - Messieurs, je dois dire, que j’ai lu avec quelque surprise dans le Moniteur, l’arrêté royal du 28 août :
mais je suis plus surpris encore de l’explication que M. le ministre des
affaires étrangères vient de donner à l’égard de cet arrêté.
Messieurs, lorsqu’on réclame en
faveur du commerce et de l’industrie des mesures énergiques, vis-à-vis des
nations qui nous environnent, on nous répond toujours que la position de la
Belgique est très embarrassante, puisque, pour obtenir, il faut avoir quelque
chose à donner, et que la Belgique n’a rien à donner aux nations étrangères.
Et cependant le gouvernement
vient encore de prendre une mesure dans l’intérêt de l’Allemagne, sans avoir
rien à réclamer de l’Allemagne dans l’intérêt de la Belgique ; la Belgique
vient encore une fois de se priver d’un moyen d’obtenir des mesures favorables
an commerce, de la part des nations qui nous environnent. Messieurs, les motifs
qu’a donnés M. le ministre des affaires étrangères ne me paraissent pas
concluants. Il vous a dit qu’on avait pris l’arrêté royal du 28 août ; parce
qu’on avait voulu donner aux puissances de l’Allemagne des preuves de notre
impartialité, et leur montrer que les dispositions prises à l’égard de la
France, étaient des dispositions générales ; qu’on avait suivi les règles d’une
bonne politique, en agissant ainsi, parce que si l’on avait agi différemment,
ou se serait plus ou moins aliéné les puissances allemandes.
Mais, si nous avons accordé des
faveurs à la nation française, c’est parce que nous en avons également reçu une
faveur ; la nation française nous avait traités d’une manière spéciale ; elle
nous avait exceptés d’une mesure générale, et, par réciprocité, nous nous
sommes également imposé un sacrifice en faveur de la France. Mais voilà que
maintenant, sans aucune raison valable, ce me semble, on étend une mesure
exceptionnelle, une mesure prise par réciprocité, on l’étend à l’Allemagne,
sans que l’Allemagne nous donne ou nous promette même la moindre chose. J’avoue
que cela me parait être une politique peu adroite, et je répète que par là l’on
nous a privés d’un moyen qui nous restait encore pour obtenir de l’Allemagne
des mesures que le gouvernement, je pense, réclame depuis longtemps.
J’ai cru devoir soumettre ces observations à la chambre, et je crois que la
chambre les approuvera.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - Messieurs, il n’est pas exact de dire
que le gouvernement se soit privé de ses moyens d’action vis-à-vis de
l’Allemagne ; la mesure n’est appliquée à l’Allemagne que pour un terme limité
; elle viendra à cesser au 1er juillet prochain, si d’ici là la Belgique n’a
pas obtenu directement ou indirectement une compensation équivalente.
L’honorable préopinant vous a
rappelé, messieurs, que très souvent on vous a dit dans nos discussions
concernant nos affaires commerciales que l’on avait fait des concessions aux
Etats voisins et qu’on se trouvait désarmé. Mais ici, l’on entendait parler de
concessions faites indéfiniment, sans assignation de terme, et là était l’imprudence.
C’est pour cela que le gouvernement se considère comme désarmé. Mais non
seulement je ne regarde pas l’arrêté du 28 août comme un acte imprudent, mais
je voulais encore que plusieurs mesures de ce genre eussent été prises et
pussent l’être. C’est ainsi que je voudrais que par la loi du 6 juin, qui a une
durée indéfinie, on eût mis en quelque sorte les pays qui en profitent en
mesure de nous donner des compensations. Pour les droits de navigation, nous
traitons les navires de la Prusse, par exemple, sur le pied des nations
favorisées. Cette concession se continue indéfiniment. Je voudrais que la
première fois qu’on a accordé cette faveur, on eût fixé un terme.
Ainsi, il n’est pas exact de dire
qu’on se soit privé de moyens d’action sur l’Allemagne. On a fixé un terme, et
un terme assez court, quand il s’agit de négociation. Mais ce qu’il y avait à
craindre, c’était d’amener un refroidissement dans nos relations avec
l’Allemagne, d’amener peut-être des mesures de représailles, ou bien de simples
modifications aux tarifs allemands qui nous eussent été défavorables et qu’on
avait cherché à justifier par la convention du 16 juillet dernier. Il y aurait
eu imprudence, messieurs, à s’exposer à une semblable éventualité.
Messieurs,
des négociations sont ouvertes avec l’Allemagne ; il faut qu’elles continuent
sans amener de collision entre nous et les puissances allemandes ; la
convention du 16 juillet est un acte tout nouveau, il ne fallait pas non plus
en laisser exagérer la portée ; on en aurait exagéré la portée, si la Belgique
eût exigé immédiatement des concessions, Je concevrais les objections que l’on
a faites, si l’arrête du 28 août avait accordé cette faveur indéfiniment ; mais
telle n’est pas la portée de cet arrêté ; un terme est fixé, et, je le répète,
je voudrais qu’un terme eût été également fixé, pour les différentes autres
dispositions que nous avons maintenues en faveur de l’Allemagne.
M. Desmet. -
Messieurs, nous avons dans la constitution une disposition très sage, c’est
celle qui statue que tous les traités de commerce, conclus avec les nations
étrangères, doivent être ratifiés par les chambres. Que les traités aient une
durée indéfinie ou temporaire, peu importe ; la constitution n’admet point
d’exception : tous les traités doivent être soumis à cette ratification.
Messieurs, j’ai considéré la
convention conclue avec la France comme une convention purement commerciale,
c’est-à-dire que la Belgique accordait une compensation à la France, en retour
de quelques avantages que celle-ci lui donnait.
Mais aujourd’hui, que fait-on
avec l’Allemagne ? Sans conclure un traité, par un simple arrêté, on fait une
immense concession à l’Allemagne, non pas pour les vins, mais pour les soieries
; or, dans un moment où cette industrie commence à naître
en Belgique, la concurrence allemande nous sera certainement fort dangereuse.
Et l’on accorde, je le répète, une pareille concession à l’Allemagne, alors que
l’Allemagne n’accorde rien à la Belgique, n’est-ce pas jouer le rôle de dupe ?
L’industrie, dans le Luxembourg, est en ce moment en souffrance ; n’aurait-on
pas pu stipuler des dispositions en faveur de nos fers, que la concurrence
anglaise bannit maintenant du marché allemand ?
M. le ministre des affaires étrangères (M.
de Briey) - Messieurs, l’honorable préopinant a
dit que l’Allemagne faisait une immense concurrence au commerce de soieries
avec la Belgique ; ce commerce, bien qu’assez considérable, n’est pas aussi
immense que semble le croire l’honorable membre : il importe d’en préciser le
chiffre ; il représente, si ma mémoire ne me fait pas défaut, une valeur de
1,200,000 à 1,300,000 fr. au plus ; mais je m’empresse d’ajouter (car il faut
bien le dire), que le tiers à peu près de l’importation s’introduit en Belgique
au moyen de la fraude. La diminution d’un franc par kilogramme sur le droit
d’entrée des soieries, aura donc pour résultat de faire passer par les bureaux
une partie des marchandises qui, jusqu’à ce jour, nous arrivaient par le moyen
de la contrebande. Je ne serais pas éloigné de voir, et je pourrais en fournir
la preuve, que sous ce rapport le bénéfice qu’en retirera le trésor, par le
fait de cette perception, sera plus considérable qu’il ne l’était avant la
diminution d’un franc sur le droit de 5 fr. par kilog.
Cette
mesure avait déjà été examinée de près avant qu’elle ne fût appliquée à
l’Allemagne, et l’on avait reconnu qu’il serait peut- être de l’intérêt du
trésor de baisser, dans une certaine proportion, le droit existant sur l’entrée
des soieries.
M. Lebeau. -
J’ai toujours recommandé les meilleurs procédés envers l’Allemagne. J’ai
toujours recommandé au gouvernement d’user de tous les moyens conciliables avec
l’intérêt du pays, pour resserrer nos relations avec l’Allemagne ; par une
fatalité singulière, il se trouve que la première fois que le gouvernement
prend une mesure favorable à ce pays, elle est de telle nature que je ne peux
la louer et qu’elle ne peut rencontrer de défenseurs parmi ceux mêmes qui ont
toujours soutenu l’utilité des relations à établir avec l’Allemagne. C’est
qu’aussi, c’est un acte insolite, peu compréhensible, que celui qui est venu
surprendre l’attention publique, en apparaissant tout à coup dans un petit coin
du Moniteur, sans que personne dût s’y attendre.
On n’a pas laissé pressentir la
portée de la disposition dont il vient d’être fait application. Quand on a
récemment examiné et discuté la convention avec la France, tous alors nous
avons compris et dû comprendre que si on faisait usage de la disposition
insérée dans la loi approbative de cette convention, ce serait sous réserve de
conditions et avantages réciproques. Je dirai même qu’il était difficile de
donner un autre sens à la clause insérée dans le projet de loi qui ratifiait la
convention avec la France. Or, dans l’arrête dont il est question, il n’y a
d’autre clause et réserve que la faculté de mettre fin à la mesure au mois de
juillet 1843, faculté qui n’avait pas à la rigueur besoin d’être exprimée.
Je désire que nous suivions
toujours une politique impartiale ; je désire que nous soyons toujours en bons
rapports avec l’Allemagne ; mais je désire aussi que nous ne soyons dupes de
personne ; je n’aime pas surtout qu’on désarme, qu’on se prive de ses moyens de
négociation au moment même où l’on négocie, en un mot, qu’on commence par
accorder ce qui est en question, sauf à négocier ensuite. Que voulez-vous que
le gouvernement, avec lequel vous avez conclut naguère une négociation, pense
d’une telle conduite ?
Le gouvernement français n’a
obtenu les avantages qu’on accorde gratuitement à l’Allemagne qu’en retour
d’une concession importante qui est encore aujourd’hui un sujet de vives
attaques contre lui. Il est certain qu’en France l’industrie linière jette de
hauts cris contre la mesure prise en faveur de nos toiles et de nos fils. Le
gouvernement français peut répondre à la plainte que, s’il a fait une
concession à la Belgique, il a obtenu en retour des avantages considérables pour
deux branches de commerce importantes, les vins et les soieries. Mais cette
réponse, pourra-t-il encore la faire lorsqu’on lui fera voir que voilà tout à
coup l’Allemagne mise sur la même ligne que la France, sans qu’elle fasse à la
Belgique la moindre concession.
Si vous aviez déclaré à
l’Allemagne que vous étiez prêts à prendre envers le Zollverein la même mesure
qu’envers la France, dès que le Zollverein, de son côté, prendrait les
dispositions en notre faveur, l’Allemagne n’aurait eu le droit de vous rien
reprocher. Ce langage n’était pas un acte de mauvais voisin, un acte
d’hostilité. Mais si les négociations sont encore pendantes en 1843 et que vous
vous avisiez de ne pas prolonger la concession que vous avez laite, ce retrait
prendra peut-être alors le caractère d’un acte d’hostilité ; il pourra être
envisagé comme tel ; vous exciterez alors des réclamations plus ou moins vives
de la part du commerce allemand ; par ce retrait vous jetterez gratuitement de
la perturbation dans deux branches de notre commerce de détail. Par l’arrêté
dont il s’agit, vous avez en outre fait sans compensation une nouvelle brèche à
nos ressources, alors que toute notre sollicitude est à bon droit éveillée sur
l’état de nos finances.
Si l’Angleterre, à son tour,
vient se prévaloir du précédent posé envers l’Allemagne, je vous le demande,
que lui répondrez-vous ? Si elle vous demande l’application de la mesure, non
pour des vins, qu’elle n’a pas, mais pour ses soieries ; si elle demande à
être, pour ses soieries, assimilée à la France et à la Prusse, que
répondrez-vous ? Quand il ne s’agissait que de la France, vous pouviez au moins
répondre que celle-ci avait donné à une de vos plus importantes industries une
position privilégiée chez elle ; qu’elle avait favorisé considérablement votre
industrie linière. L’Allemagne, qui n’a rien fait de semblable, ayant obtenu le
même avantage, l’Angleterre pourra vous dire : Mettez moi
sur la même ligne que l’Allemagne, car je consens, comme elle, à ouvrir des
négociations avec vous. Il ne vous est pas permis d’avoir ainsi deux poids et
deux mesures.
Je crains donc qu’on n’ait posé ici un précédent fâcheux ; je crains, je
l’avoue, que ce ne soit pas de l’impartialité qu’on ait montrée, mais de la
faiblesse.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - Je regarde l’acte qu’on attaque comme
nécessaire ; s’il ne l’était pas, je n’hésiterais pas, en ce qui me concerne, à
le proposer. Je ferai observer que la mesure a une limite assignée d’une
manière positive. Cette faveur est accordée à l’Allemagne pour dix mois. Au 1er
juillet 1843 il ne s’agira plus de retirer la mesure, l’abstention la fait
tomber ; elle vient à cesser si elle n’est pas expressément renouvelée. C’est
assez dite à ceux avec lesquels on négocie : « Si d’ici au 1er juillet
nous n’avons pas obtenu de compensations quelconques, la mesure ne sera pas
prorogée. » Il n’est pas exact de dire qu’il faudra un acte nouveau pour
la faire cesser au 1er juillet 1843.
On me dit : Je vous défie de ne
pas la renouveler. Je regrette, je le dis de nouveau, qu’un terme de ce genre
n’ait pas été inséré dans la loi du 6 juin ; dans la disposition qui applique
aux navires prussiens les droits des nations favorisées. Il a été question
plusieurs fois de voter une loi portant que le gouvernement serait autorisé à
retirer en tout ou en partie la loi du 6 juin. Si cette loi avait été votée, je
n’aurais pas rompu immédiatement, j’aurais également assigne un terme, J’aurais
cru agir très prudemment et très convenablement.
Que feriez-vous, dit-on, si
l’Angleterre venait vous dire : Je réclame pour mes soieries la faveur que vous
avez accordée à l’Allemagne. Je me demanderais quel mal l’Angleterre peut faire
à la Belgique.
A l’Espagne, si elle vient nous
dire : Accordez-nous la même faveur qu’à la France, je répondrai : Vous nous
avez fait tout le mal possible quand vous avez changé votre tarif en ce qui
concerne les toiles, vous ne pouvez plus nous faire de mal. Si vous voulez
rétablir votre ancien tarif, vous aurez la faveur que vous réclamez.
Maintenant, pouvions-nous dire à
l’Allemagne : Nous n’avons rien à craindre de vous ? J’en appelle à tous ceux
qui connaissent nos relations avec l’Allemagne.
Nous avons avec elle des
négociations sérieusement ouvertes. Si elles n’amènent aucun résultat, il est
évident que la mesure du 28 août et beaucoup d’autres viendront à tomber. Ce
jour arrivera peut-être. Nous comptons alors que le système de vigueur qu’on
préconise maintenant sera appuyé et fortement appuyé par ceux qui nous attaquent.
Le jour n’est peut-être pas loin où vous révoquerez plusieurs des dispositions
existantes en faveur de l’Allemagne. Vous révoquerez la loi du 6 juin en tout
ou en partie ; vous ne traiterez plus les navires prussiens sur le pied des
nations favorisées, vous restreindrez peut-être la mesure du remboursement sur
l’Escaut ; mais attendez que le temps ait marché, que tous les faits soient
accomplis, qu’il soit démontré à l’évidence qu’il n’y a rien à faire avec
l’Allemagne. Nous n’en sommes pas là encore. Il ne fallait pas précipitamment
altérer le statu quo.
A la session prochaine, nous nous
occuperons des questions commerciales de notre système de tarif ; je pense
qu’il ne fallait pas amener des complications en changeant le statu quo dès à
présent. Le statu quo était changé du moment que les vins et les soieries de
France étaient soumis à un droit autre que les vins et les soieries
d’Allemagne. Il y a deux manières de changer un tarif vis-à-vis d’une puissance
: l’une directe, en augmentant les droits sur ses produits, l’autre indirecte,
en accordant des avantages à un autre pays.
Partant de là, il est vrai de
dire que depuis la convention du 16 juillet les soieries et les vins
d’Allemagne n’étaient plus admis qu’a un tarif moins favorable que celui adopté
pour les vins et les soieries de France. Du reste, le sacrifice est peu
considérable, comme l’a dit mon honorable collègue, rien ne prouve qu’il y aura
perte pour le trésor sur les soieries, dont un tiers s’introduit par fraude.
La consommation des vins allemands
est très faible. Je n’ai pas le chiffre sous les yeux. Mais la quantité est peu
considérable.
La question est de savoir si pour
cela vous allez compromettre vos relations avec l’Allemagne, au moment où vous
négociez avec elle. Je dirai même que vous ne devez pas le faire, précisément à
cause de vos négociations avec la France. Comment ! vous
rompriez peut-être définitivement avec l’Allemagne, lorsque vous avez l’air de
menacer la France d’une alliance avec l’Allemagne. Tous les jours on dit ici :
Si la France ne fait rien pour nous, nous nous adresserons à l’Allemagne ; et
vous voulez soulever contre nous l’Allemagne !
Nous
savions que nous serions critiqués. Mais j’aime mieux avoir la responsabilité
de cet acte que celle des éventualités que l’on aurait eu à craindre. Cet acte
ne compromet rien. Il est appliqué pour dix mois à l’Allemagne. Si d’ici là
vous n’avez rien obtenu, vous devrez prendre une attitude toute nouvelle.
M.
Meeus. - Toute la question pour moi est de savoir si l’on
veut donner sans rien recevoir en échange. L’arrêté ne fait pas autre chose
qu’un acte de pure libéralité. Donner en échange de quelque chose, cela se
comprend. Donner sans rien recevoir, c’est une générosité. Nous ne sommes pas
dans une position à en faire. Donner sans rien recevoir, quand on ne veut pas
être généreux, c’est être dupe. C’est sur ce terrain que nous nous plaçons
vis-à-vis de l’Allemagne.
D’ailleurs, je dois le déclarer,
lorsque j’ai voté la loi relative à la convention avec la France, j’avais
entendu que l’on fît quelque chose en faveur de la France ; je l’avais entendu
d’une manière tellement sérieuse, que je me disais : les vins français vont
jouir d’un privilège en Belgique, à l’exclusion de tout les autres vins
étrangers. En le comprenant ainsi, je l’avais compris comme la chambre entière.
En effet, dans la discussion, il y a 2 jours, au sujet de la réclamation des
marchands de vins, l’honorable M. de Brouckere, répondant à l’honorable M.
Cogels, disait : La consommation des vins ne sera pas plus forte qu’autrefois,
parce qu’en définitive la réduction n’est pas assez forte pour l’augmenter.
Mais on consommera moins de vins allemands. Et il faut bien le remarquer, aucun
ministre n’a répondu à cette observation. Cela prouve bien que personne
certainement n’a entendu que la convention avec la France pourrait s’étendre
gratuitement à une autre nation. Je sais que dans la convention la Belgique
s’est expressément réservé d’étendre les dispositions aux autres nations. Mais
la France a entendu, comme nous, que ce serait dans le cas où la Belgique
conclurait un traité de commerce, et recevrait quelque chose en échange des
concessions qu’elle ferait.
L’honorable ministre des affaires
étrangères vous a dit (ç’a été le véritable motif qui
a guidé le gouvernement) : Nous avons voulu rester dans un système
d’impartialité. C’est-à-dire que le gouvernement a eu peur des réclamations de
l’Allemagne.
Cependant le gouvernement aurait
pu dire à l’Allemagne : Si nous avons fait des avantages à la France, c’est que
la France nous en avait accordé. Nous traitons, dites-vous ; traitons un peu
plus vite ; alors je laisserai entrer les vins allemands comme les vins
français. Mais non ; c’est au moment de traiter que vous vous désarmez. C’est
une manière de procéder qui passe les règles de la raison. Lorsque vous
demanderez à l’Allemagne de vous tenir compte de cette mesure, elle vous dira :
Vous nous avez accordé un avantage ; mais c’était un acte tout politique ;
c’est parce que nous vous avons dit que vous tourniez tous vos regards vers la
France. Vous avez cédé à cette considération ; vous nous avez accordé une
réduction de droits pour 10 mois. M. le ministre de l’intérieur considère ce
terme comme un avantage : pour moi, je trouve que quand il n’y a pas de terme
on peut revenir sur la mesure prise, quand on le juge convenable. Mais quand
vous fixez un terme de dix mois, c’est un engagement d’honneur que vous prenez.
Je ne conçois donc pas ce qu’il peut y avoir d’avantageux pour la Belgique dans
la fixation de ce terme.
Si le gouvernement voulait faire
quelque chose en faveur de l’industrie et du commerce, qui sont en souffrance,
il ne devait pas abaisser les droits ; il devait élever le tarif. Des
manufactures où d’immenses capitaux sont engagés sont périclitantes.
Vous avez notamment l’industrie de la fabrication des glaces si importante, si
honorable pour le pays et que vous devriez favoriser par une élévation de
tarif. Pour moi, si je voyais un arrêté semblable dans le Moniteur, je n’hésiterais pas à le défendre. Mais l’arrêté du 28
août est contraire aux intérêts du pays ; il est impolitique ; je dirai plus,
il fait peu d’honneur à l’indépendance que la Belgique devrait garder vis-à-vis
des nations étrangères.
Plusieurs membres. - Très bien !
M.
Osy. - Après ce qu’ont dit les honorables préopinants
MM. Lebeau et Rogier, je n’aurai presque rien à ajouter,.
Pour ma part, je dois également blâmer l’acte d’avant-hier. M. le ministre de
l’intérieur, en toute occasion et notamment dans la lettre qu’il a écrite le
mois dernier au conseil provincial d’Anvers a déclaré que la situation de la
Belgique était de ne pouvoir donner aucune compensation. Vous aviez ici une
compensation à donner, et vous donnez sans rien recevoir. On n’a jamais vu négocier
comme cela. Ce qui est bien plus fort, vous allez vous brouiller tout à fait
avec la
France. La France vous accorde une grande faveur pour votre industrie ; en
compensation elle demande une diminution du droit sur les vins ; elle devrait
croire que l’on consommerait plus de vins français. Pas du tout. Avec la
diminution du droit sur les vins d’Allemagne, elle n’aura pas cette
augmentation de consommation qu’elle avait espérée. Ensuite l’Espagne et le
Portugal ont droit à la même diminution pour leurs vins. Je ne serais pas
étonné qu’on accordât la même réduction à l’Espagne, puissance à laquelle vous
avez de grands avantages à réclamer en faveur de l’industrie linière.
Par ces considérations et celles présentées par les honorables préopinants,
je n’ai pas voulu m’abstenir de blâmer l’arrêté du 28 août.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - Pour attaquer l’arrêté, on lui donne
toujours une portée qu’il n’a pas.
C’est la première fois qu’on dit
à un Etat voisin : Je vous accorde telle faveur, mais en y assignant un terme.
Il est à regretter que l’on n’ait pas fait de même dans la loi du 6 juin 1839,
et peut-être à certains égards dans la loi relative au remboursement des péages
sur l’Escaut. Toutes ces questions se présenteront à la session prochaine.
Par l’arrêté du 28 août, vous ne
vous dépouillez de rien ; vous faites un sacrifice peu important et pour dix
mois. Mais vous savez aussi que si ces dix mois s’écoulent, sans qu’il soit
accordé une compensation quelconque, la concession que vous avez faite ne
continuera pas. Cela résulte évidemment des termes de l’arrêté du 28 août. Vous
avez fait un acte de bon voisinage ; rien de plus.
L’honorable M. Osy a demandé ce que
nous ferons à l’égard de l’Espagne. Je lui répondrai que nous n’avons rien à
faire pour l’Espagne, que c’est elle qui a changé son tarif, à notre préjudice.
Je demande ce que l’Allemagne a
fait contre vous depuis un an. Cependant vous avez fait l’hiver dernier (et
vous avez bien fait) plusieurs modifications à votre tarif qui frappent
l’Allemagne.
L’Angleterre, je le répète, je
voudrais savoir comment elle ferait pour frapper la Belgique. Son tarif à
l’égard de la Belgique est tel que nous pouvons porter un défi à l’Angleterre.
Pouvons-nous porter ce défi à l’Angleterre ?
Je crois qu’il faut encore rester
dans le statu quo. L’arrêté du 28 août n’a pas d’autre portée. Il y a plus ;
par la convention du 16 juillet, vous avez frappé l’Allemagne ; vous vous êtes
obligés à élever démesurément les droits sur les toiles et les fils
d’Allemagne. C’est la France qui l’a demandé. Je crois que la Belgique,
abandonnée à elle-même, ne l’eût pas fait, ne l’eût pas cru nécessaire.
Je demande toujours : Qu’est-ce
que l’Allemagne a fait contre vous dans ces derniers temps ? Rien. Fallait-il
aujourd’hui donner à l’Allemagne un prétexte de changer ses tarifs contre vous
? Je crois que c’eût été une véritable imprudence dont se seraient plaints tous
les intérêts qui auraient pu être froissés en Belgique. Je dis, par exemple,
que l’honorable membre qui me répond par un signe de dénégation, eût été le
premier à taxer le gouvernement belge d’imprudence, si l’Allemagne avait changé
son tarif quant aux fontes et aux fers en prenant pour prétexte la convention
du 16 juillet dernier.
M.
Meeus. - Je demande la parole.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il
aurait dit : Pour un léger sacrifice vous auriez pu maintenir le statu quo dans
nos relations douanières avec l’Allemagne.
Messieurs, la France ne peut se
plaindre, parce que, selon moi, cette application de la rédaction aux soieries
et aux vins de l’Allemagne n’augmentera pas la consommation de ces objets en
Belgique. Les soieries entreront moins par fraude. Les vins allemands
n’entreront pas en Belgique en plus forte quantité par suite de la réduction.
L’expérience vous le démontrera.
M. David. - Malgré
tout ce qu’a pu dire le cabinet pour justifier le projet qui nous occupe, il me
semble toujours qu’il y avait un moyen tout simple de tirer parti de la
concession que nous venons faire gratuitement à l’Allemagne. C’était dans tous
les cas de faire de cette concession l’objet d’une négociation avec
l’Allemagne, pour nous assurer d’en obtenir à l’avance, et sans qu’il nous
restât aucun doute à l’égard des intentions de l’Allemagne, des compensations à
déterminer. Quel danger y avait-il après avoir fait la proposition par la voie
de la diplomatie, de voir l’Allemagne se gendarmer, si elle nous refusait
concession pour concession. Il n’y en avait aucun, messieurs. Nos voisins sont
trop justes pour aller exiger tout brusquement qu’on leur accorde des avantages
sans aucune compensation.
A quoi donc sert définitivement
notre diplomatie ? N’y aurait-il pas moyen, serait-il trop tard, de commencer
dès aujourd’hui une négociation fondée sur ce que nous avons à offrir à
l’Allemagne, et de renvoyer à quelque temps, lorsque l’on se serait assuré des
intentions de nos voisins du Nord, la sanction du projet soumis actuellement à
la chambre.
Plusieurs membres. - La
chambre n’y peut plus rien. C’est un arrêté royal.
M. David. -
J’entends que la chambre n’y peut plus rien, Mais à quoi sert donc la
discussion ? Ne nous demande-t-on pas un vote ?
Plusieurs membres. -
Non, la discussion roule sur l’incident de l’interpellation.
M. David. - Ainsi, il faut bien que la Belgique subisse les conséquences d’une
précipitation que rien n’explique.
M.
Cogels. - Messieurs, lorsque j’ai combattu les
réclamations des marchands de vin, à l’occasion de la convention du 16 juillet.
j’ai dit que cette convention devait avoir essentiellement pour but d’augmenter
la consommation des vins français en Belgique, ou que sans cela la réduction
qui nous avait été imposée, et qui était un grand sacrifice pour le trésor
belge, n’aurait pas eu de sens. L’honorable M. de Brouckere, en me répondant, a
dit que cet argument n’avait aucune valeur, parce que la réduction des droits
n’aurait pas pour effet d’augmenter la consommation des vins en général, mais
seulement d’augmenter la consommation des vins français aux dépens des vins
d’Espagne, d’Allemagne et de quelques autres pays.
L’honorable M. Meeus vient de
dire qu’aucun des ministres n’a jugé convenable de répondre à cet argument ;
j’avais demandé la parole pour y répondre ; mais la clôture de la discussion
m’en a empêché.
M. de Brouckere. - Vous êtes ministre ?
M.
Cogels. — Ce n’était pas aux ministres à répondre pour
moi. Je voulais faire voir que si mon argument n’avait pas de consistance, le
vôtre n’en présentait pas davantage.
J’avais donc demandé la parole
pour répondre à l’honorable M. de Brouckere. Et, en effet, tout homme qui a
quelque connaissance du commerce des vins sait fort bien que les vins
d’Espagne, que les vins d’Allemagne jouent dans la consommation un rôle tout à
fait indépendant des vins de France, et que l’augmentation de la consommation
de ces derniers ne peut exercer aucune influence sur celle des vins d’autre
provenance. Vous savez tous que les vins d’Espagne sont en général des vins de
liqueurs, que les vins d’Allemagne se vendent très cher, et que ce n’est pas
une réduction de 8 fr. 26 c. qui aura une influence telle, qu’elle pourra faire
accroître leur consommation aux dépens des vins français.
Voilà ce que je voulais répondre à l’honorable M. de Brouckere et si cet
honorable membre ne m’avait pas interrompu, j’aurais pu me dispenser de lui
dire que ses arguments n’avaient pas de consistance.
M. Demonceau. - Messieurs, j’ai demandé la parole lorsque j’ai entendu quelques
honorables collègues dire que l’Allemagne ne faisait ou ne pourrait rien pour
nous. Je dois avouer que lorsque j’ai donné mon assentiment à la convention
avec la France, j’ai conçu des craintes pour les intérêts du district que
j’habite, et voici pourquoi : c’est que par cette convention vous vous êtes
imposé l’obligation de frapper d’un droit prohibitif les fils et les toiles
d’Allemagne, d’en défendre le transit. Vous avez donc accepté de changer votre
tarif en faveur de la France, contre l’Allemagne ; alors je crains que
l’Allemagne ne changeât de son côté son tarit contre nous. D’honorables
collègues paraissent croire que ce n’est que contre l’Angleterre que se dirige
la stipulation imposée pour la France ; c’est une erreur ; elle se dirige aussi
contre l’Allemagne ; cependant voyez le tableau des importations ; vous
reconnaîtrez qu’il s’introduit en Belgique beaucoup de tissus et fils de lin
d’Allemagne, tandis qu’avec les droits établis, à moins d’avoir recours à la
fraude, l’Allemagne ne peut plus guère traiter avec nous sous ce rapport.
Ainsi, en traitant avec la France
en faveur de l’industrie linière, vous avez traité contre l’Allemagne. Et si
l’Allemagne était venue hausser sou tarif contre d’autres tissus produits dans
notre pays, les tissus de laine, par exemple, qu’aurions-nous fait ?
N’exportons-nous pas, messieurs, vers l’Allemagne, des produits qui sont
repoussés ailleurs par la prohibition ou des droits prohibitifs. L’Allemagne
n’admet-elle pas nos produits en transit, malgré son tarif défavorable ? Voyez
le tableau des exportations ; vous trouverez où s’exportent une grande partie
des tissus du district que j’habite ; nous n’avons plus que l’Allemagne où nous
puissions envoyer un peu de nos draps. Et si au moyen
d’une concession que je regarde comme légère, vous pouviez obtenir des
réductions pour l’entrée de nos tissus, soyez-en persuadés, messieurs, le
district de Verviers reprendrait peut-être bientôt ses anciennes relations avec
l’Allemagne, et l’on sait de quelle importance elles étaient il y a quelques
années.
Messieurs, lorsque j’ai vu dans
le Moniteur l’arrêté dont il est
question, je n’ai pu lui donner que ce motif : c’est que l’Allemagne pouvait se
plaindre du tarif qu’on allait lui imposer, par suite de la convention avec la France, et que le gouvernement voulait
aller au devant de ses réclamations. C’est ainsi que je l’ai interprété, et
c’est pourquoi je n’en fais pas un reproche au gouvernement. Car je considère
les relations avec I’ Allemagne comme très utiles à notre pays, et s’il nous
est possible d’obtenir une réduction de tarifs au moyen de quelque concession,
je pense que le gouvernement et le pays n’auront qu’à se louer du résultat.
M. de Brouckere. - Messieurs, la faiblesse des moyens qu’on a employés pour défendre
l’arrêté, et la presqu’unanimité des membres pour le blâmer…
Plusieurs membres. - Pas
du tout.
M. de Brouckere. - Presque tous les orateurs des différentes opinions qui
ont parlé ont blâmé l’arrêté. Eh bien, dans cette presque unanimité des membres
qui ont pris la parole, je trouve la preuve la plus évidente que cet arrêté est
contraire aux intérêts de la Belgique.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - Cela ne prouve rien du tout.
M. de Brouckere. - M. le ministre de l’intérieur a répété encore que l’arrêté du 28 août
était une mise en demeure. Mais, messieurs, si j’avais voulu mettre l’Allemagne
en demeure, il me semble que je m’y serais pris d’une autre manière. Et, par
exemple, j’aurais déclaré à l’Allemagne par voie diplomatique que si avant
l’époque fixée, avant 1er juillet 1843, l’Allemagne ne nous accordait rien, je
prendrais des mesures contre elle ; que si au contraire elle nous accordait
quelque chose, immédiatement après j’accorderais ce que l’arrêté accorde.
On vous a dit qu’on avait en pour
but de conserver le statu quo. C’est un singulier moyen de conserver le statu
quo que de changer l’état des choses. On répond à cela qu’il y a deux manières
de maltraiter une nation voisine. D’abord, celle de faire quelque chose
directement contraire à cette nation, et ensuite, c’est de faire quelque chose
de favorable à une autre nation ; et on en conclut que l’Allemagne pouvait se
plaindre de ce qu’on avait fait quelque chose pour la France.
Eh bien ! avec
ce raisonnement, la France est en droit de se plaindre de ce qu’on a fait pour l’Allemagne,
parce que, lorsque nous avons fait quelque chose pour la France nous l’avons
fait en échange des privilèges qu’elle nous accordait.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - La France était prévenue.
M. de Brouckere. - La France est bonne enfant, si elle est contente de vous.
Je ne reviendrai pas sur la discussion d’avant-hier relativement aux
marchands de vin. Je maintiens comme très fondé l’argument que j’ai fait valoir
; mais je ne m’attendais pas alors à l’arrêté qui a paru précisément deux jours
après la séance dans laquelle nous discutions. Et c’est à cela que l’honorable
M. Meeus a voulu faire allusion. Il lui a paru singulier que lorsque j’avais
fait valoir un argument semblable, aucun ministre n’avait fait observer qu’une
mesure comme celle dont il est question allait être prise.
M. le ministre de l’intérieur (M.
Nothomb) - Messieurs, la France n’a aucun droit
à se plaindre. La Belgique s’est réservé la liberté d’action, d’abord dans la
convention du 16 juillet et ensuite dans l’art. du
projet le loi voté avant l’échange des ratifications.
II y a plus, c’est que le premier
projet de convention interdisait à la Belgique le droit d’accorder la réduction
sur les vins et les soieries d’autres pays. Cette interdiction a été effacée,
sur notre demande. La France n’a donc nullement à se plaindre. La Belgique
s’était réservé la liberté d’action et avait annoncé qu’elle en userait. Et je
crois que nous avons bien fait, malgré la prétendue unanimité de blâme
qu’invoque prématurément l’honorable M. de Brouckere.
Je ne
connais de blâme que le blâme formulé, et vous savez comment on le formule.
Mais je dis que cet acte est un acte de prudence ; et s’il restait à poser, je
le provoquerais encore et je ne prendrais pas sur moi la responsabilité, de ce
qui aurait pu arriver si cet acte n’avait pas été posé. Il s’agit d’un très
léger sacrifice, qui n’est que momentané. Vous n’avez rien compromis en posant
cet acte, et je dis que vous auriez compromis tout notre avenir commercial en
ne le posant pas.
M.
Meeus. - J’ai demandé la parole relativement au signe de
dénégation que j’ai fait alors que M. le ministre de l’intérieur disait : Mais
qu’auriez-vous dit si l’Allemagne avait élevé les droits sur les provenances
belges ? Eh bien ! si l’Allemagne avait fait un acte
semblable, ce que je regarde comme impossible, vous auriez répondu par une
mesure du même genre. Car enfin, messieurs, si vous voulez faire des traités,
il faut bien admettre qu’il y aura des faveurs pour les nations avec lesquelles
vous les concluez au détriment des autres nations.
Moi, je veux bien convenir que la
convention avec la France puisse blesser l’intérêt de l’Allemagne, mais ce dont
vous conviendrez aussi avec moi, c’est que je n’ai blessé l’intérêt financier
belge et l’intérêt allemand que parce que la France m’accordait une concession,
faisait une exception en ma faveur.
Messieurs, je sais parfaitement
bien que les relations de la Belgique avec l’Allemagne nous sont extrêmement
utiles. Mais je sais aussi qu’elles sont très utiles à l’Allemagne ; je ne
crois pas que ce dernier pays soit dans une position de dupe vis-à-vis la
Belgique. Si j’avais une opinion à formuler, je dirais que c’est au contraire
la Belgique qui est dans une position peu favorable vis-à-vis l’Allemagne. Par
conséquent toutes ces craintes que l’Allemagne aurait élevés ses tarifs me
frappent extrêmement peu, parce qu’à cette espèce de combats nous avons des
armes parfaitement égales.
Je le répète donc : je ne
comprends pas un traité qui donne simplement, sous prétexte qu’on traitera
mieux. A moins de faire abstraction de toutes les règles de la raison, il est
impossible de comprendre que, quand on veut traiter, on donne avant de
recevoir. Cela est contraire à toutes les transactions humaines et
internationales qui ont eu lieu jusqu’à présent. Je dis encore une fois que
vous avez fait un acte de générosité, et les motifs de cet acte ne peuvent être
puisés que dans la crainte que vous a inspirée l’Allemagne.
Eh
bien, j’aurais voulu que le gouvernement n’eût pas cette crainte ; j’aurais
voulu que dans le cas où l’Allemagne aurait élevé son tarif, le gouvernement
eût immédiatement élevé le nôtre et qu’il eût saisi cette occasion pour
l’élever non seulement à l’égard de l’Allemagne, mais aussi a l’égard de toutes
les autres nations qui exploitent le marché belge, tout en repoussant nos
produits.
M. le ministre des affaires étrangères (M.
de Briey) - L’honorable M. Meeus considère
l’arrêté qui nous occupe comme un acte de pure générosité ; c’est, dit il,
donner sans rien recevoir ; et donner sans compensation, c’est être dupe. Son
argumentation se conçoit lorsqu’il prend pour point de départ l’arrêté
d’avant-hier sans faire attention aux antécédents.
Mais cette faveur change de
caractère si l’on veut remonter un peu plus haut, si l’on veut pour quelques
instants se placer au point de vue de l’Allemagne. Aux yeux de l’Allemagne,
messieurs, l’arrêté d’avant-hier n’est lui-même qu’une compensation
insuffisante, qu’un rétablissement tardif et incomplet du statu quo.
Dans mon traité avec la Hollande,
vous dit-elle, les sucres lumps venus de ce pays étaient l’objet d’une faveur
exceptionnelle. Cette faveur, sur les représentations qui m’ont été faites, je
l’ai étendue aux autres Etats riverains, et vous en avez joui pendant toute la
durée du traité. Et comment avez-vous répondu à cet acte de bon voisinage ?
Vous avez, par votre ordonnance de février, augmenté les droits sur les rubans
et la passementerie de fil ; vous avez enfin, par votre convention avec la
France, doublé les droits sur l’introduction de mes fils et de mes toiles.
Il y aurait assurément,
messieurs, des répliques à faire cette argumentation ; mais il faut avouer
cependant qu’envisagée de la sorte, la question se présente d’une toute autre
manière que du point de vue de l’honorable M. Meeus, et que l’on peut
comprendre alors comment le gouvernement a été amené par des considérations
politiques à prendre la mesure dont il s’agit en ce moment.
Les honorables messieurs Lebeau
et Osy ont dit que la France a dû croire que la convention aurait pour effet
d’augmenter la consommation de ses vins en Belgique au détriment des vins
d’Allemagne. M. le ministre de l’intérieur a déjà répondu à cette observation.
La France n’a pas cru que l’accroissement de la consommation de ses vins en
Belgique aurait lieu au détriment des vins d’Allemagne ; elle a su dès le
principe (puisque la convention le porte formellement) que nous pourrions
étendre à d’autres puissances les réductions de droits qui lui étaient
accordées. Cette prétention de notre part a même soulevé une des graves
difficultés qui se sont présentées dans les négociations ; la France soutenait
que puisqu’elle établissait en notre faveur une exception en ce qui concernait
les fils et les toiles, elle pouvait réclamer de notre part une faveur
semblable quant à ses vins et ses soieries ; elle nous accordait sur les fils
la faveur de deux cinquièmes sur le droit imposé aux autres nations ; elle
demandait la réciprocité pour ses vins et ses soieries ; elle n’ignorait donc
pas quel résultat pouvait avoir la latitude que nous demandions à conserver
dans notre tarif au sujet de cet article de provenances étrangères.
L’honorable M. Desmet a parlé de
l’industrie métallurgique, il a exprimé le regret qu’elle n’ait pas fait
l’objet de compensations aux avantages que l’arrêté du 28 août concède à
l’Allemagne. Mais, messieurs, je vous le demande, dans l’intérêt de cette
industrie même, n’était-il pas à craindre, si nous avions laissé l’Allemagne
sans y être obligé, sous le coup d’une mesure exceptionnelle, qu’elle ne fût amenée de son côté à prendre aussi une mesure
exceptionnelle contre nos fers, etc. Alors, au lieu de procurer à l’industrie
métallurgique le soulagement que l’honorable M. Desmet voudrait lui procurer,
et que je cherche comme lui, nous eussions été la cause des rigueurs qui
auraient été la ruine de cette industrie importante et si précieuse pour le
pays.
M.
Mast de Vries. - Messieurs, j’ai voté contre la
convention avec la France parce que cette convention établissait une exception
au détriment de l’Allemagne. J’applaudis donc aujourd’hui à la mesure prise par
le gouvernement, et qui donne satisfaction à l’Allemagne. On reproche à cette
mesure d’accorder une faveur à l’Allemagne ; mais, messieurs, nous avons bien
souvent accordé nous-mêmes de semblables faveurs à ce pays ; combien de fois
n’avons-nous pas élevé notre tarif sans l’augmenter pour l’Allemagne. Je
citerai, par exemple, la loi relative au bétail, et il y a peu de semaines que nous nous sommes
encore occupés de cette loi dont nous avons excepté l’Allemagne, parce que nous
craignions des mesures de représailles de sa part, et que nous savons que c’est
surtout avec l’Allemagne que nous devons chercher à nouer des relations
commerciales.
On dit que la mesure dont il
s’agit est peu honorable pour la Belgique. Mais je trouve, messieurs, qu’il
était beaucoup moins honorable d’accepter la convention avec la France, qui
nous a été imposée, en quelque sorte, le couteau sur la gorge. Ceux qui ont
voté le traité avec la France ne peuvent donc pas se plaindre de la mesure
prise relativement à l’Allemagne.
Dans
mon opinion, l’Allemagne aurait eu le droit de nous demander cette mesure ; car
je pense qu’il valait beaucoup mieux qu’elle fût offerte par nous, alors que
nous avions le droit de lui dire que cette mesure tomberait dans quelques mois
dans le cas où il ne nous serait pas fait de concessions équitables. Je pense
qu’il valait beaucoup mieux offrir la mesure de cette manière que de nous la
laisser imposer comme on nous a imposé le traité avec la France.
M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, on nous a dit que le gouvernement avait fait une concession
gratuite à l’Allemagne ; cela ne me semble rien moins que prouvé. Il me semble
que cette concession, dont le terme est limité, ressemble à celle que la France
nous a faite, en fixant des conditions. Toute la différence consiste en ce que
nous ne connaissons pas les avantages, que le gouvernement réclame de
l’Allemagne ; ces avantages sont une réalité ; l’honorable M. Demonceau vient
de nous le prouver. On dit que les concessions faites par notre gouvernement
constituent un système de faiblesse ; je ne puis être de
cet avis ; il me semble, que ces concessions peuvent constituer un système
avantageux, et je le prouve ; la production allemande va s’habituer aux
avantages que nous lui faisons, et elle ne peut manquer, ce me semble,
d’insister auprès de ses gouvernements, afin qu’ils prennent des mesures, qui
soient de nature à lui conserver ces avantages, c’est-à-dire à satisfaire la
production de notre pays ; je voterai pour le projet que le gouvernement nous
propose.
M. Pirmez. - A
entendre quelques honorables membres, il semblait messieurs, qu’un blâme
général s’élevait dans cette chambre contre la mesure prise par le
gouvernement, et cela parce que 4 ou 5 orateurs s’étaient successivement
prononcés contre cette mesure. Quant à moi, je voulais dire que je ne m’associe
nullement à ce blâme et que je le considère comme démesurément exagéré ; on est
allé jusqu’à dire qu’il s’agit de l’honneur de la Belgique ; mais, messieurs,
dans des questions de cette nature l’honneur de la Belgique, c’est son intérêt.
Il fallait démontrer que l’intérêt du pays était lésé, et c’est ce qu’on n’a
nullement fait.
Du reste, messieurs, il s’agit
d’un acte de fort peu d’importance, il s’agit d’abord des vins d’Allemagne,
qui, d’après ce qu’on vient de dire, entrent dans la consommation pour une
quantité de 700 hectolitres. Il s’agit ensuite des soieries qui sont une
marchandise extrêmement facile à frauder, de sorte, messieurs, que la mesure
prise ne peut, matériellement partant, avoir beaucoup d’importance, et qu’elle
est plutôt une satisfaction morale donnée à l’Allemagne.
On a dit que la France aurait le
droit de se plaindre ; d’abord il me paraît étrange que ce soit dans une
chambre belge qu’on dise à la France qu’elle a le droit de se plaindre ; mais
il est évident qu’elle n’a pas ce droit, puisqu’il est dit dans le traité que
la faveur accordée à la France pourra être étendue à d’autres pays. La France
n’a donc pas le droit de se plaindre ; mais l’eût-elle, ce ne serait pas à nous
de le lui dire.
Il me
paraît, messieurs, que dans les négociations qu’il a entamées avec l’Allemagne,
le gouvernement doit être juge de ce qu’il a à faire ; du reste, je le répète,
la mesure est peu importante, et je crois que le blâme dont elle est l’objet
est extrêmement mal fondé.
M. Desmet. -
Tout à l’heure, messieurs, quand j’ai critiqué là mesure dont nous nous
occupons, j’ai dit que notre industrie métallurgique est écrasée en Allemagne
par la concurrence anglaise et que le gouvernement a très mal fait de faire
cette concession sans demander à l’Allemagne pour nos fers une mesure semblable
à celle que nous avons obtenue de la France, en ce qui concerne les toiles et
les fils : des 20 au 25 hauts fourneaux qui existaient dans le Luxembourg, il
n’en est plus un seul qui marche ; la concurrence anglaise nous fait un tort
immense sur le marché allemand ; il aurait donc fallu tâcher d’obtenir un
certain droit différentiel au profit de nos produits métallurgiques.
Les uns disent, messieurs, qu’il
n’y a de salut pour notre industrie que dans des relations avec la France ;
d’autres ne voient de salut que dans un traité avec l’Allemagne. Je voudrais
bien cependant qu’on nous désignât les produits que nous pouvons écouler en
Allemagne.
Je viens de rappeler la situation
de notre industrie métallurgique sur le marché allemand, où elle est
complètement écrasée sous la concurrence anglaise. Seraient-ce nos draps que
nous pourrions écouler en Allemagne ? Mais messieurs, l’Allemagne produit
beaucoup de draps ; elle en produit tellement qu’elle vient faire concurrence
aux draps de Verviers., sur notre propre marché ; je voudrais donc qu’on nous
dît quels sont ceux de nos produits qui peuvent trouver un débouche en
Allemagne.
- Personne ne demandant plus la
parole sur l’incident ni sur l’ensemble du projet, la chambre passe à la
discussion des articles.
Discussion des articles
Article 1
« Art. 1er. L’exception établie
par l’art. 179 de la loi générale du 26 août 1822 (Journal officiel, n° 38), en
ce qui concerne les tissus et toiles de lin, de chanvre ou d’étoupes, est
rapportée ; dorénavant les uns et les autres seront soumis dans le rayon de la
douane, au moment de leur mise au métier, à l’apposition d’un plomb ou de toute
autre marque à déterminer par notre ministre des finances.
« Le plomb ou la marque sera
apposée par les employés de l’administration, aux frais des intéressés. »
- Adopté.
Article 2
- L’art.
Article 3
« Art. 3, qui devient le 2ème. Par modification au tarif actuellement en
vigueur, le droit de sortie sur les ardoises est réduit de vingt à cinq
centimes le mille en nombre. »
- Adopté.
Article 4
L’art.
« Art. 5 qui devient le 3ème. La déduction pour la perte au raffinage du
sel, mentionnée à l’art. 13 de la loi du 2 août l822 (Journal officiel, n° 35)
et à l’art. 4, § g, de la loi du 24 décembre 1829
(Journal officiel, n° 76) est supprimée, à l’exception de celle accordée pour
le sel marin brut de France, qui est portée à 7 p. c. »
M. Donny. - Messieurs, je propose de retrancher cette disposition et de la
remplacer par celle-ci :
« Art. 5. La déduction pour
la perte au raffinage du sel de France, fixée à 7 p. c. par l’art. 4, parag. g de la loi du 24 décembre
1839 (Journal officiel, n’ 76), est portée à 12 p. c. »
Messieurs, les motifs qui me font
proposer cet amendement sont au nombre de deux. Le premier est celui-ci : Sous
la législation actuelle le sel anglais est favorisé comparativement au sel
français ; il résulte de là que le plus grand nombre des raffineries de notre
pays s’approvisionnent de sel anglais. Le projet change cet état de choses et à
l’avenir le sel français se trouvera favorisé comparativement au sel anglais,
et dès lors, on s’approvisionnera à l’avenir, de préférence, de sel français.
Les raffineurs qui se sont
approvisionnés à présent de sel anglais et auxquels, d’après le projet, on va
refuser la déduction de 5 p. c. qui leur a été promise par la loi actuelle,
vont se trouver constitués en perte.
Mon deuxième motif est celui-ci :
Les lois douanières de 1822 et de 1829 n’out pas seulement introduit
une différence de déduction entre le sel anglais et le sel français, mais ces
lois ont encore établi une différence entre le sel anglais et le sel du
Portugal, de l’Italie, de l’Espagne et d’autres pays.
D’après la dernière de ces lois,
il existe aujourd’hui une différence de 4 p. c. entre le sel anglais et le sel
de Portugal, sel qui perd si peu au raffinage. Il existe une différence de 2 p.
c. entre le sel anglais et les autres sels.
Le projet de loi supprime toutes
ces différences. Cela est peu rationnel, et cela est encore au détriment de
ceux qui ont aujourd’hui un grand approvisionnement de sel anglais.
Messieurs, ce n’est pas d’une
manière incidente qu’il faut toucher à la législation, lorsqu’il n’y a pas de
nécessité de le faire. Je trouve que ce qu’il y a de mieux à faire en ce
moment, c’est de conserver le statu quo, quant aux déductions accordées sur les
différents sels, Et en ce qui concerne la France, pour l’exécution du traité,
il suffit d’établir la différence que le traité stipule, c’est-à-dire de faire
en sorte qu’il y ait entre les sels les plus favorisés par la déduction et les
sels français une différence de 7 p. c., c’est ce que je fais par mon
amendement.
- La chambre ordonne l’impression
et la distribution de cet amendement, et renvoie à demain la suite de la
discussion.
La séance est levée à 4 heures et
demie.