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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance
du samedi 27 août 1842
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Rapports sur des pétitions relatives notamment aux tarifs des avoués près des tribunaux de première instance (Delfosse, Raikem)
3) Projet de loi relatif aux créances arriérées du département de la guerre
4) Interpellation relative à une propriété du domaine public à Ostende (Donny, Smits)
5) Projet de loi demandant un crédit supplémentaire au budget du département
des finances pour faire face a des condamnations prononcées contre l’Etat
6) Proposition relative aux réclamations des négociants en vins, à
l’occasion de la convention conclue avec
7) Motion d’ordre relative à l’ordre des travaux de la chambre (d’Huart) ; notamment convention avec la ville de Bruxelles, emprunt pour travaux publics (d’Huart, Verhaegen, Orts, Nothomb, de Mérode, Dumortier, de Brouckere, Nothomb, Coghen, Mercier, de Mérode, (d’Huart), Smits, de Theux)
8) Projet de loi prorogeant l’article 3 de la loi du 10 février 1836 et l’article 3 de la loi du 25 mai 1838
9) Projet de loi relatif aux créances arriérées du département de la guerre pour l’exercice 1842
(Moniteur belge
n°240, du 28 août 1842)
(Présidence de M. Dubus (aîné))
M.
de Renesse fait l’appel nominal à midi et demi.
M. Dedecker lit le procès-verbal de la
séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M.
de Renesse présente l’analyse des pétitions suivantes adressées à la
chambre :
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Cardon présente des observations
concernant le projet de loi pour compléter les mesures d’exécution de la
convention commerciale avec
- Renvoi à la section centrale chargée de l’examen du
projet.
____________________
« Plusieurs sauniers de diverses villes demandent que
la chambre adopte le projet de loi sur le sel, présenté par M. le ministre des
finances. »
- Renvoi à la section centrale chargée de l’examen du
projet de loi.
____________________
« Des secrétaires communaux du canton d’Ath demandent
une augmentation de traitement. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion des
projets de loi tendant à modifier la loi communale, et ensuite renvoi à M. le
ministre de l’intérieur.
____________________
« Le sieur C.-M.M.-J. Begasse, fabricant, à Liége, né
à Schleiden (Prusse), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
____________________
Dépêche de M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb)
accompagnant l’envoi du tome 11 des Annales de l’observatoire royal de
Bruxelles.»
- Ces exemplaires seront distribués aux membres de la
chambre.
RAPPORTS SUR
DES PETITIONS
M. Zoude, rapporteur. - Les avoués près le
tribunal de première instance à Liége exposent à la chambre que le tarif des
dépens, décrété le 16 février 1807, n’est établi que pour les tribunaux de
Paris, Lyon, Bordeaux, Rouen et Bruxelles ; que pour les autres villes dont la
population excéderait 30,000 âmes, ce tarif serait réduit à 1/10 ;
Qu’il en résulte une disproportion choquante entre les
avoués de Bruxelles et ceux de Liège ; que cependant ces tribunaux sont tous
deux de première classe, que leurs membres reçoivent un traitement égal, que
les avoués, mis au même rang, devraient être également rétribués ;
Qu’en fait, la vie est au moins aussi chère à Liége
qu’à Bruxelles, que le tribunal de Liége a perdu beaucoup de son importance par
la création de celui de Verviers ;
Que le nombre des avoués de Liége dépasse celui de
Bruxelles, qui cependant est plus étendu ;
Qu’ils se sont adressés plusieurs fois au
gouvernement, qui a qualité pour rétablir le niveau entre les avoués des deux
sièges, puisque cette mesure ne serait que la conséquence des lois sur
l’organisation judiciaire.
Qu’en effet, disent-ils, sur une interpellation faite
au sénat, M. le ministre de la justice prit l’engagement de provoquer, de Sa
Majesté, des dispositions propres à apaiser leur plainte, mais que cette
promesse est restée stérile.
C’est dans cet état de choses, qu’ils provoquent de la
chambre une mesure qui règle des droits qu’ils déclarent justement acquis.
La question que cette pétition soulève est de savoir
si les règlements qui fixent les émoluments des officiers ministériels doivent
être déterminés par mesure législative, ou par une simple mesure réglementaire
d’administration.
On a invoqué, pour la solution de cette question,
l’art. 621 du code de commerce, qui renvoie à un règlement d’administration
publique la fixation des vacations des officiers ministériels près les
tribunaux de commerce.
On a dit encore qu’il résulte de l’arrêt de la cour de
cassation de Belgique, du 16 août 1841, que le gouvernement peut modifier les
décrets impériaux pris en exécution des lois ; que le premier décret a donc été
généralisé ; que la réduction du 1/10 par le second décret est une exception
pour certain ressort ; que ce n’est donc pas une mesure législative, puisqu’il
est de la nature des lois de ne contenir que des règles générales.
Or, dès qu’une disposition sur la taxe des dépens ne
contient pas de mesure législative, il résulte de l’art. 104 du code de
procédure civile que le pouvoir exécutif peut le changer.
Il peut donc modifier la disposition relative à la
réduction du 1/10.
Telle est l’opinion de votre
commission, qui ne s’est prononcée qu’après s’être entourée des lumières des
membres qui s’occupent spécialement de jurisprudence.
Votre commission a l’honneur de vous proposer le
renvoi de cette pétition à M. le ministre de la justice, avec demande
d’explications.
M. Delfosse. - Le rapport soulève une
question assez importante. Je demande qu’il soit inséré au Moniteur, pour être discuté dans une prochaine séance. Il est bon
qu’avant la discussion, les membres de la chambre puissent prendre connaissance
de rapport.
M.
Raikem. - Je conçois que les difficultés soulevées par la pétition
sur laquelle l’honorable M. Zoude vient de faire son rapport puissent donner
lieu à de graves méditations. Cependant je prie la chambre de remarquer que le
rapport conclut simplement au renvoi à M. le ministre de la justice, avec
demande d’explication. Ainsi le rapport en lui-même ne préjuge rien sur la
question qu’il soulève. D’après cela, ne serait-il pas plus convenable de ne
discuter les questions soulevées par le rapport, que lorsque nous aurons reçu
les explications de M. le ministre de la justice ? Il me semble qu’il n’y
aurait aucune difficulté à adopter d’abord les conclusions du rapport, puisque,
je le répète, il ne préjuge rien, et à ce que la discussion n’ait lieu qu’après
que la chambre aura reçu les explications de M. le ministre de la justice ; car
elle s’établira beaucoup mieux alors.
M. Delfosse. - Je me rallie aux observations de l’honorable M.
Raikem. Je pense qu’il conviendrait que le rapport fût inséré au Moniteur.
M. le président. - C’est de droit.
Les conclusions de la commission sont mises aux voix
et adoptées.
PROJET DE LOI
RELATIF AUX CREANCES ARRIEREES DU DEPARTEMENT DE
M. Mast de Vries dépose le rapport de la
commission des finances sur le projet de loi relatif aux créances arriérées du
département de la guerre.
La chambre ordonne l’impression et la distribution de
ce rapport.
M. Donny. - J’ai demandé la parole afin d’appeler l’attention
toute particulière de M. le ministre des finances sur une affaire dans laquelle
sa religion a été surprise, d’une manière que je pourrais qualifier en termes
très sévères. Pour ne pas abuser de vos moments, je ne ferai qu’un simple
exposé des faits ; je laissera chacun de vous le soin de tirer de ces faits les
conséquences naturelles.
Depuis environ deux siècles, une société d’archers
établie à Ostende sous le nom de Confrérie de Saint-Sébastien est propriétaire
d’un grand terrain destiné à ses exercices. Sur un coin de ce terrain, la
société a permis dans le temps à un particulier d’élever un bâtiment, sous la
condition d’y construire une grande salle à l’usage des réunions de la société.
Le bâtiment a été construit et, depuis lors, c’est-à-dire depuis deux siècles
jusqu’au 3 juin 1842. la société a paisiblement joui de son terrain et de sa
salle ; je dois cependant vous dire, pour être exact, qu’à l’époque de la
confection du cadastre, le terrain dont il s’agit a été porté sur les registres
de l’administration, comme dépendance du bâtiment ; de sorte que, sur ces
registres, le propriétaire du bâtiment figure aussi comme propriétaire des
terrains de la société.
Le 13 mai dernier, le propriétaire du bâtiment,
désirant acquérir une partie du terrain de la société, s’est adressé à celle-ci
; et lui a offert 4,000 fr. (je vous prie de faire attention à ce fait), pour
cette partie seulement du terrain. Il y a eu refus ; mais le propriétaire du
bâtiment ne s’est pas tenu pour battu. Il s’est tourné vers l’administration
des domaines, et lui a représenté le terrain d’exercice comme un bien celé au
domaine ; il a donc dit au domaine, lui membre de la société, qu’aux termes
d’une loi de 1793, qui supprime les confréries, le terrain de St.-Sébastien
était devenu propriété de l’Etat, et il s’est suivi de là, que le domaine a
pris possession de ce bien.
Le propriétaire du bâtiment n’avait pas encore obtenu
par là le terrain qu’il désirait, mais il a fait un pas de plus : il a demandé
que le terrain de la société, devenu bien de l’Etat, lui fût donné au bail, ou
bien lui fût cédé pour 2,000 fr. Il a voulu acquérir pour 2,000 fr. la totalité
d’un bien pour une partie duquel il avait offert 4,000 fr. quelques jours
auparavant. Et, chose singulière, il a trouvé le moyen de faire croire à
l’administration supérieure qu’en effet le bien celé ne valait pas davantage.
J’ai voulu appeler l’attention de M. le ministre des
finances sur ces faits, afin que, s’il en est temps encore, il prenne les
mesures nécessaires pour empêcher le succès d’une machination semblable.
Si le gouvernement persiste
à maintenir sa prise de possession, et s’il veut accepter une transaction de
2,000 fr., la société fera des sacrifices pour payer cette somme à l’Etat ;
mais il serait doublement douloureux pour elle de perdre sa propriété et de la
passer, à vil prix, entre les mains d’un tiers qui n’a pas rougi d’abuser de sa
position, et de celle de la société dont il fait partie.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Je ne pense pas que ma
religion ait été surprise dans l’affaire dont l’honorable M. Donny vient de
vous parler et à laquelle il paraît s’intéresser si vivement. Je sais
parfaitement que le bien dont il s’agit est rentré au domaine de l’Etat ; mais
s’il en est temps encore, je tâcherai d’éviter qu’il ne soit vendu pour 2,000 francs, alors qu’on en aurait
offert 4,000. Au reste, et sur la recommandation de l’honorable membre, je vais
voir immédiatement ce qu’il y a à faire.
M. Donny. - Je suis satisfait.
PROJET DE LOI DEMANDANT
UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU BUDGET DU DEPARTEMENT DES FINANCES POUR FAIRE FACE
A DES CONDAMNATIONS PRONONCEES CONTRE L’ETAT
M. le ministre des finances (M. Smits) présente un projet de loi
de crédit extraordinaire de 247,000 fr., pour faire face à la dépense résultant
de condamnations prononcées contre l’Etat, dans tous les degrés de juridiction,
au profit des anciens commissaires aux recherches des biens appartenant à
l’Etat.
- La chambre ordonne l’impression et la distribution
de ce projet de loi, et le renvoie à l’examen de la commission des finances.
PROPOSITION RELATIVE AUX RECLAMATIONS DES NEGOCIANTS EN VINS,
A L’OCCASION DE
Second vote
des articles
M. le président. - La discussion est ouverte sur l’amendement de M
.Osy, qui consiste à dire dans l’article unique, § 1er (projet de la section
centrale) :
« Une remise égale à la réduction, etc. » ; au
lieu de : « Une remise égale à la moitié de la réduction. »
M. Osy. - Je viens seulement, par
quelques mots, analyser les raisons qui m’ont fait demander la réduction
entière, pour les marchands de vins, de la diminution des droits d’accise que
nous venons d’accorder, par suite de la convention du 16 juillet.
Je suis contre tout principe de rétroactivité en fait
de lois financières, jamais je ne l’accorderai pour ce qui concerne les droits
d’entrée et de douane, parce qu’une fois les droits payés, le trésor n’a plus
rien à y voir ; mais pour les droits d’accise il peut y avoir des exceptions à
la règle, et je considère les crédits à terme comme remplaçant, pour les
marchands de vins, l’entrepôt ; ces crédits à terme leur ont été accordés,
parce qu’à l’entrepôt ils ne peuvent pas soigner leurs vins, et que même dans
des entrepôt particuliers, il y a trop de formalités pour la surveillance de
l’administration, ne pouvant jamais y entrer sans des employés.
Ensuite, en 1833, le gouvernement même a donné
l’exemple de restitution des droits, et comme en 1830 et 1831 le gouvernement a
perçu l’augmentation de droits en vertu de la loi de 1829, fait à la suite du
recensement, et qu’on a refusé de faire droit aux vives réclamations des
marchands de vins, je trouve qu’il y a justice et équité, et sans préjudice
pour la suite, de donner aujourd’hui la réduction des 25 p.c. dont nous venons
de réduire les vins français.
Finalement la convention n’a été acceptée par nous que
forcés et contraints pour soulager une industrie qui occupe 3 à 400,000
habitants ; et je ne veux pas que la compensation que nous avons accordée à la
France retombe sur une autre branche d’industrie et de commerce, qui est
également nombreuse, car si je ne me trompe, il y dans le pays plus de 450
marchands de vins.
Je considère donc le projet
que nous allons voter comme un acte de justice et une indemnité équitable, et
je regrette que le gouvernement n’ait pas partagé notre manière de voir.
M. Zoude, rapporteur. - Pour ne pas abuser des
moments de la chambre, je passerai rapidement en revue les principales
objections qu’on a faites aux conclusions de la section centrale.
Je dois cependant commencer par répondre à un
honorable orateur qui, contrairement à ce que j’avais avancé, a voulu prouver
que le gouvernement provisoire et les chambres avaient posé des actes de
rétroactivité.
Le gouvernement provisoire, a-t-il dit, a rétroagi
lorsqu’il a fait remise des amendes encourues par contravention aux lois de
mouture et d’abattage.
Mais le gouvernement provisoire était investi de
l’autorité souveraine ; il avait le droit de faire grâce, mais ce n’est pas de
ce droit dont il a usé, c’est à un devoir qu’il a obéi ; il est de principe, en
effet, que l’abolition d’une loi qui commine des pénalités doit entraîner pour
première conséquence la remise de toutes les peines encourues par la violation
de cette loi, lorsqu’elle était en vigueur et c’est ce que le gouvernement
provisoire a fait par sou arrêté-loi d’amnistie.
Le second fait qui lui a été imputé n’est guère plus
significatif, c’est lorsqu’il a réduit de 7 à
Prendre argument des dispositions commandées par une
impérieuse dans un moment de convulsion, et vouloir les assimiler à un acte
régulier d’administration, n’est pas, il faut en convenir, chose sérieuse dans
la bouche de cet orateur.
Je ne réfuterai pas davantage l’exemple qu’il a cru
rencontrer dans la loi de 1833 ; le rapport s’est suffisamment expliqué à cet
égard.
On a insinué ensuite que le commerce de vin regrettait
la conversion du crédit permanent en crédit à terme ; mais si cette conversion
doit inspirer des regrets, c’est bien au gouvernement.
Sous le crédit permanent, il ne pouvait guère y avoir
de fraude ; on n’eût remboursé le droit que sur les quantités réellement
existantes ; mais avec le mode qu’on veut adopter. Dieu sait les abus qui se
commettent, combien on restituera de droits qui ont remboursés depuis longtemps
par les consommateurs.
Mais la fraude ne se suppose pas, a-t-on dit.
Je demanderai ce que l’on peut opposer à l’expérience
; n’est-elle pas là pour prouver que lorsqu’il est question d’un supplément de
droit, les magasins se vident par enchantement, le contraire arrive lorsqu’il
est question d’une réduction; et ce qui s’opérera, si vous maintenez le premier
vote, vous l’apprendra davantage.
La loi porte que l’accise est due au moment de
l’importation ; mais on a ajouté de plusieurs côtés qu’elle n’était due qu’à
raison de la consommation.
Cependant, lorsque la quantité de vin importé
n’atteint pas le droit de 500 fr., il est payable en une fois et dans le mois.
C’est ainsi qu’un marchand qui recevrait à la fois par
Ostende une quantité de vin passible du droit de 499 fr., une même quantité par
Anvers, et enfin une troisième expédition par terre, ce marchand paierait tout
à la fois dans le mois une somme de 1,500, même 3,000 fr., il est cependant
évident que tous les vins dont les droits auront été acquittes, n’auront pas
été livrés à la consommation ; il est donc vrai de dire que le droit est acquis
au moment de l’importation et que le crédit n’est qu’une faveur.
Et voilà cependant des vins auxquels on n’accordera
pas de restitution, parce que les droits en auront été acquittés.
D’honorables orateurs ont éloquemment cherché à
démontrer que l’adoption des conclusions de la section centrale serait
l’anéantissement du commerce de vin, serait la ruine des marchands de vins.
L’honorable M. Cogels a fait justice d’une partie de ces expressions.
Je me permettrai seulement de leur faire observer que
si la chambre accorde la restitution concédée par la majorité de la section
centrale, cette ruine désastreuse se bornerait a une perte sur les bénéfices de
4 p. c.
On a fait remarquer que la
section était en erreur, lorsqu’elle avait établi ses calculs sur une
contenance moyenne de 2 hectolitres par pièce qui est la jauge de Champagne ;
nous adoptons pour moyenne celle de Bordeaux de
Je maintiens donc la conclusion de la section
centrale.
M. Cogels. - Je ne reviendrai pas sur ce que j’ai dit dans une
séance précédente. Je me bornerai à présenter quelques arguments que j’ai
négligé alors de faire valoir.
Vous le savez, je n’ai pas contesté que de la
convention du 16 juillet il ne peut résulter quelque désavantage momentané pour
le commerce des vins, mais une chose qu’on ne peut contester, c’est que cette
convention est essentiellement favorable à ce même commerce. J’essaierai de le
démontrer. Quel but a eu la France en demandant une réduction du droit d’accise
sur les vins. Ce but est facile à comprendre. Ou la convention n’a pas de sens,
ou elle tend à accroître les exportations en Belgique des vins français ; elle
aura par conséquent, sur le commerce des vins une influence favorable,
c’est-à-dire que ce commerce acquerra un nouveau développement, cela est
incontestable.
D’après l’amendement de l’honorable M. Osy (je l’ai
entendu avec plaisir), les marchands de vins eux-mêmes seraient contraires à
tout principe de rétroactivité ; aussi n’invoquent-ils pas ce droit, ils ne
réclament qu’une espèce d’indemnité. Et je le conçois facilement. Car nous ne
pouvons pas nous dissimuler une chose : c’est que d’ici à quatre ans la
convention avec la France expirera et que probablement nous ne pourrons pas la
renouveler. La France ne voudra plus nous accorder la même faveur pour les fils
et pour les toiles, parce que ce commerce, ou pour mieux dire cette industrie
aura pris un développement tel qu’elle aura à se défendre contre
Cependant, messieurs, il n’est pas probable que d’ici
là les besoins de notre trésor soient diminués. Nous aurons assez de peine à
nous créer des ressources, et ce qui est très probable, c’est que d’ici à
quatre ans nous devrons redemander avec usure à la consommation des vins, la
faveur que nous lui accordons aujourd’hui. Je conçois que lorsque nous en serons
là, le principe de la rétroactivité sera condamné.
Maintenant, messieurs, pour ne pas abuser plus
longtemps des moments de la chambre, je dirai seulement que si c’est à titre
d’indemnité qu’on réclame la restitution intégrale qui résulte de l’amendement
de l’honorable M. Osy, il y aura toujours cette injustice que quelques
négociants, les négociants en gros principalement, recevront tout et recevront
peut-être plus qu’ils ne perdront ; car il est certain qu’une grande partie des
commerçants ne feront pas immédiatement aux consommateurs la même réduction que
celle qui leur sera accordée, tandis que les marchands qui n’ont pas de crédits
à termes, les détaillants qui perdent également, auront à soutenir contre les
marchands en gros une concurrence d’autant plus redoutable qu’ils ne recevront
rien.
Ce sont ces motifs qui me
feront persister à voter contre la proposition que vous avez adoptée.
M.
Mercier. - Messieurs, lorsque, dans une précédente séance, j’ai pris la parole
en faveur des réclamations des marchands de vin, j’ai voulu prouver que dans
différentes occasions la loi avait eu en faveur du commerce ou des redevables
un effet rétroactif. Ce mot, à la vérité, n’est pas, à proprement parler, celui
qui devrait être employé, et en cela d’honorables membres de cette chambre ont
fait de justes observations. Il n’y a pas d’effet rétroactif quand des
marchandises, se trouvant en magasin, sont dégrevées, alors que l’impôt est
diminué dans la même proportion. Il n’y a pas effet rétroactif, parce que le
négociant est l’intermédiaire entre le consommateur et le trésor, et que les
marchandises, en raison desquelles le dégrèvement est accordé, ne sont pas
encore livrées à la consommation. Toutefois, je vous l’ai dit, je me suis bien
gardé de traiter la question de principe ; je ne veux pas qu’il soit posé de
principe absolu, et je crois avoir démontré, d’une manière péremptoire, qu’un
pareil principe entraînerait des inconvénients et des dangers.
A l’appui de mon opinion, j’ai cité l’arrêté du
gouvernement provisoire du 1er octobre 1830. L’honorable rapporteur de la
section centrale m’a fait cette objection, que lorsqu’on supprime un impôt, il
est de règle que l’on fasse aussi remise de toute pénalité encourue en
contravention aux lois qui régissaient cet impôt. J’accorde que cette
observation peut être vraie en ce qui concerne les pénalités, les amendes,
niais nullement en ce qui a rapport aux droits ; le paiement des droits n’est
pas une pénalité, et je n’ai entendu parler que du paiement des droits. Ainsi
la raison que j’ai alléguée subsiste en son entier.
Quant à l’arrêté du 17 octobre 1830, quels que soient
les motifs qui l’aient fait prendre, je ne l’ai cité non plus que comme une
nouvelle preuve à l’appui de ce que j’avançais, qu’il y avait eu plusieurs
actes depuis 1830, en matière de finances, qui avaient eu un effet rétroactif
en faveur du commerce. Je répéterai que l’exécution de cet arrêté qui, pris
sous la date du 17 octobre, ne devait, d’après la législation existante sur la
promulgation des lois, recevoir ses effets que le 6 novembre, a cependant été
remontée au 1er octobre ; qu’ainsi alors encore il a été pris une disposition
rétroactive en faveur des redevables.
L’honorable M. Cogels a cru que dans une séance
précédente où j’avais pris la parole, je n’avais pas fait mention de la
réduction apportée par le gouvernement provisoire à la quotité du droit
d’accises, en ce qui concerne les eaux-de-vie indigènes. C’est une erreur, j’en
avais longuement parlé et j’avais expliqué pourquoi il ne s’était agi alors
d’autre effet rétroactif que de faire remonter l’exécution de cet arrêté au 1er
octobre. J’ai dit que pendant le mois de septembre, et même pendant le mois
d’août, il avait régné dans le pays beaucoup de confusion, qu’il n’y avait pas
eu de surveillance suffisante sur les distilleries et que des importations
frauduleuses considérables avaient pu se faire par nos frontières dégarnies
d’employés de douane ; que c’étaient là les raisons pour lesquelles je
supposais que le gouvernement provisoire n’avait pas donné plus d’extension à
la mesure qu’il avait prise dans l’intérêt de l’industrie.
Messieurs, je ne reviendrai pas sur la loi de 1833. Il
est bien évident qu’alors sur les genièvres en magasin on n’acquitta que les
nouveaux droits, sauf une différence assez légère.
J’insisterai surtout, messieurs, sur cette remarque
que depuis 1830 toutes les dispositions législatives ont été prises en faveur
des redevables, toutes sans aucune exception, et que les négociants en vins ont
dû nécessairement croire que ce qu’on avait fait jusqu’aujourd’hui, on le
ferait encore pour eux. S’ils avaient pu craindre que le gouvernement agît plus
sévèrement à leur égard qu’envers les autres commerçants ou industriels, je
suis persuadé que beaucoup d’entre eux n’auraient pas déclaré autant de
marchandise sous crédit à terme.
Je viens de dire que dans toutes les mesures d’accises
depuis 1830 on avait disposé en faveur des redevables. Je vous ai cité trois
exemples. J’ai aussi fait mention de ce qui s’était passé à l’égard des
eaux-de-vie étrangères ; ici ce n’était pas un effet rétroactif formellement
établi, mais il résultait du régime sous lequel l’accise se trouvait alors,
c’est-à-dire du régime des crédits permanents ; plus tard on a élevé l’impôt
sur les eaux-de-vie indigènes ; c’est encore en faveur du redevable qu’on a
tranché la question, puisqu’on n’a rien exigé d’eux comme supplément de droit.
Je suis donc dans le vrai lorsque je dis que, depuis
1830, jamais, dans une question de finances en matière d’accises, ou n’a agi
autrement qu’en faveur des redevables.
Eh bien ! ce qu’on a fait
jusqu’à présent, ira-t-on, sans qu’on dût s’y attendre, ne plus le faire ?
Changera-t-on brusquement ? Renoncera-t-on à toute tolérance, lorsqu’une
industrie se trouve frappée malheureusement, lorsque cette industrie se trouve
dans un cas exceptionnel lorsque, seule peut-être, elle doit lutter contre
l’étranger, vis-à-vis des consommateurs mêmes ? Messieurs, n’y eût-il en faveur
des marchands de vin que cette dernière considération, elle seule motiverait
une exception, si l’on n’avait autre chose à faire qu’à réclamer pour eux
l’application. de la règle générale suivie
jusqu’aujourd’hui.
J’insiste sur cette observation ; on a toujours été
favorable aux redevables dans tontes les mesures financières ; aujourd’hui il y
a une raison spéciale qui n’existait pas pour les autres industries, et on en
agirait autrement ! Voilà ce que je ne comprendrais pas.
On a dit que, d’après la proposition qui avait été
adoptée, il ne serait pas fait complète justice. J’en conviens ; mais j’aime
encore mieux, quant à moi, une justice partielle que pas du tout de justice.
J’ai soutenu l’amendement de l’honorable M. Delehaye, parce que je le croyais
le plus juste : au moyen de cet amendement, tous les négociants qui ont des
vins en magasin auraient participé au dégrèvement dans une certaine proportion
; mais cet amendement a été rejeté par la majorité de la chambre, qui a admis
une autre disposition.
Je dois faire observer pourtant que la justice relative
n’est pas aussi grande qu’on pourrait le supposer, parce que la raison
principale, qui a été alléguée dans cette discussion n’existe pas envers les
marchands en détail au même point qu’envers les négociants en gros : en effet,
ce qui surtout nous intéresse à la cause des réclamants, nous ne cesserons de
le répéter, c’est que nos négociants ont à lutter coutre les négociants
étrangers qui viennent s’adresser directement aux consommateurs. Or les
négociants étrangers ne s’adressent pas en général à la clientèle des petits
marchands, mais bien à celle des négociants en gros, parce qu’ils ne font pas
des expéditions de 5 ou 10 bouteilles de vin. Ainsi le motif dominant qui
existe en faveur des négociants en gros n’est pas applicable aux marchands en
détail.
Par ces motifs, puisque
l’amendement de l’honorable M. Delehaye n’est plus en discussion, je persiste
dans l’opinion que j’ai émise et qui est pour l’adoption de la proposition
admise au premier vote.
M. Delehaye. - Messieurs, l’honorable M. Cogels a combattu la
proposition que vous avez adoptée ; mais il me semble qu’il aurait dû
reconnaître que les arguments qu’il a fait valoir avaient été combattus
d’avance par l’honorable M. de Brouckere. L’honorable M. de Brouckere vous a fait
voir que non seulement il y avait désavantage momentané pour les négociants en
vin, mais que ce désavantage irait en augmentant si vous n’adoptez pas la
disposition en leur faveur.
Il y a momentanément, dit M. Cogels, un désavantage
réel pour les marchands de vin ; leur position actuelle est fâcheuse. Eh bien !
n’y eût-il que ce désavantage momentané et la position
ne dût-elle pas empirer, je dis qu’il serait de la dignité de la chambre et du
gouvernement d’accorder à des maisons belges une compensation pour le
désavantage qui résulte d’une mesure que vous avez sanctionnée pour venir au
secours d’une autre industrie.
Mais est-il vrai que le désavantage ne soit que
momentané ? La France, dit l’honorable M. Cogels, n’a demandé une diminution de
droits sur les vins, que parce qu’elle savait qu’il en résulterait une
augmentation dans la consommation. Il est vrai, messieurs, que le gouvernement
français a insisté sur une diminution de droits dans l’espoir que la
consommation augmenterait. Telle est l’espoir de la France ; mais pour ceux qui
apprécient bien la position de
Mais la consommation augmentât-elle, quel en serait le
résultat ? C’est que si les marchands belges se trouvent maintenant dans
l’impossibilité de vendre, les négociants français s’empareront de leur
clientèle, et ils la conserveront. Mais il y a plus, c’est que, si vous
n’accordez pas une indemnité aux marchands belges, vous contribuez à leur faire
perdre leur clientèle, car les négociants français ne manqueront pas de dire :
Comment voulez-vous que les négociants belges luttent contre nous, puisqu’ils
se trouvent en perte de 25 fr. par pièce ? Ne faut-il pas qu’ils se rattrapent
sur la qualité ? Et voila ce qui déjà se dit et même s’imprime.
Vous voyez, messieurs, que ce nouvel argument de M.
Cogels n’est guère plus fort que le première. Mais dans une précédente séance,
cet honorable membre a combattu ma proposition.
Messieurs, la chambre a rejeté ma proposition ; je
respecte sa décision ; je persiste toutefois croire que mon amendement était
plus juste que celui qui a été adopté.
M. Cogels. - C’est vrai.
M. Delehaye. - L’honorable M. Cogels trouve que ce que je viens
de dire est vrai. Mais alors je lui demanderai comment il se fait qu’il m’ait
combattu, surtout qu’il m’ait prêté un argument tout à fait ridicule ?
« Comment, dit-il, on prétend que les marchands de vins seront ruinés, et
on demande, pour les soustraire à cette ruine, une somme de 350,000 fr.
! » Mais, messieurs, je n’ai pas dit qu’au moyen de ces 350,000 fr., on
fera échapper les marchands de vins à toute espèce de perte ; je sais fort bien
aussi que les marchands de vins peuvent fort bien supporter une perte de
350,000 fr. ; mais autre chose est de ruiner le commerce des vins qui se fait
par les Belges, et autre chose est de ruiner ceux qui se livrent à ce commerce.
Il est certain que le commerce des vins ne pourra pas continuer à se faire par
des maisons belges alors que vous aurez accordé un avantage de 2 p. c. aux
maisons françaises.
Dans une précédente séance, messieurs, l’honorable
ministre des finances a dit que ce n’est pas dans l’intérêt du trésor, mais par
respect pour un principe qu’il combattait la proposition, Eh bien, messieurs,
il est prouvé à l’évidence qu’il n’existe aucun principe qui puisse engager le
gouvernement à repousser la demande des marchands de vins. Si donc ce n’est pas
dans l’intérêt du trésor que M. le ministre combat la proposition, c’est une
raison de plus pour adopter cette proposition, car beaucoup de ceux qui ont
pris la parole contre la proposition ne l’ont fait que dans l’intérêt du
trésor.
Je bornerai là mes
observations, et je persisterai à voter pour l’amendement de M. Osy.
M.
Pirmez. - J’ai demandé la parole pour répondre quelques mots à
l’honorable M. Mercier, qui a soutenu vivement le principe de la rétroactivité.
Cet honorable membre a fait remarquer que depuis 1830 on a toujours agi comme
il désire qu’on agisse en ce moment. Cela peut être vrai, qu’on a agi ainsi ;
mais je ne pense pas que ce soit une raison pour agir encore de la même
manière. Depuis 1830, nous sommes dans une position dans laquelle peu d’Etats
se trouvent ; c’est-à-dire que les prétentions individuelles ont une puissance
immense et que l’intérêt du trésor n’a aucune force pour résister à ces
prétentions.
Il est vrai que le principe de la non-rétroactivité
n’est pas inscrit dans les lois, mais dans l’intérêt du pays nous devons tâcher
de le faire admettre. Aussi je dis que M. le ministre des finances, dans une
séance précédente, a vu les choses en sage administrateur, lorsqu’il a insisté
pour que nous ne nous écartions point de ce grand principe.
Si vous admettez, messieurs, qu’il n’y a point de
principes et qu’il faut agir selon les circonstances, soyez bien convaincus que
le trésor public aura presque toujours tort. Il faut bien, messieurs, vous
rendre compte de notre situation ; il faut ne pas perdre de vue quelle est,
dans notre organisation politique, la puissance des intérêts privés, devant
lesquels le trésor public est complètement désarmé. Nous devons, dans l’intérêt
du pays, dans l’intérêt de tous les hommes publics, proclamer ce principe de la
non-rétroactivité qui sera une espèce de rempart derrière lequel les hommes
chargés de la défense des intérêts de l’Etat pourront s’abriter pour résister
aux attaques incessantes des prétentions individuelles.
Dans l’état actuel des choses, il est presque
impossible qu’un homme public, qui veut rester homme public, résiste aux
demandes qui lui sont faites soit légitimement soit illégitimement, au
détriment du trésor public. Il compromet plus sa position en repoussant une
prétention individuelle qu’en faisant perdre au trésor 10 millions.
Comment voulez-vous,
messieurs, que nous puissions résister à l’intérêt privé, lorsque des
corporations puissantes mettent tout en œuvre, articles de journaux, brochures,
remuent ciel et terre pour arriver leurs fins. N’abandonnons donc pas la faible
ressource que nous offre le principe de la non-rétroactivité, proclamons
hautement ce principe derrière lequel nous pourrons nous retrancher lorsque les
intérêts du trésor seront menacés.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Ainsi que vient de le
dire l’honorable M. Pirmez il n’est pas toujours facile, messieurs, de lutter
contre les intérêts privés qui, dans des Etats comme le nôtre, ont tant de
moyens de se faire jour. Cependant, malgré la puissance de ces intérêts, je
n’en considère pas moins comme un impérieux devoir de repousser les
réclamations qui vous sont soumises.
Je répéterai d’abord, et ceci en réponse à l’honorable
M. Delehaye, qu’en repoussant la proposition qui vous est soumise, le
gouvernement n’a été guidé par aucune pensée financière ou de fiscalité. Nous
avons combattu les réclamations des marchands de vins, dans l’intérêt d’un
grand principe économique et commercial ; nous avons voulu maintenir intact le
principe de la non-rétroactivité ; car, messieurs, si nous laissions
s’infiltrer dans nos lois le principe contraire, celui de la rétroactivité, il
n’y aurait plus aucune sécurité pour les transactions commerciales et
industrielles. Tout le monde paraît d’accord avec nous sur ce point ; personne
ne veut faire rétroagir les lois en matière d’impôt ; on convient que ce
système ne saurait être admis en Belgique, et cependant on veut, dans la
circonstance actuelle, l’appliquer par exception. Eh bien, messieurs, je ne
crains pas de dire que si l’on agit de cette manière, l’exception deviendra
bientôt la règle ; dans quelques années, ce principe sera admis, et alors ceux
qui le réclament aujourd’hui avec le plus d’instance en seront les premières
victimes.
Encore, messieurs, s’il y avait équité à admettre les
réclamations des marchands de vins, je concevrais l’accueil que ces
réclamations reçoivent dans la chambre ; niais cette équité n’existe point.
Pour que l’on pût l’invoquer, il faudrait d’abord prouver que le trésor public
a pu exercer son recours coutre le commerce, alors que les taxes ont été
augmentées ; il faudrait prouver que l’Etat a recouvré dans ce dernier cas le
supplément de droits. Or, c’est précisément là ce qu’on ne peut pas prouver ;
chaque fois qu’il y a eu augmentation d’une accise ou d’une taxe quelconque, le
principe de la non-rétroactivité a été appliqué. Jamais, je le répète, les
négociants ou les industriels n’ont eu à payer l’augmentation des droits. Ainsi
aucun des précédents que l’on a invoqués n’est applicable dans la circonstance
présente.
Maintenant, messieurs, je demanderai s’il y aurait
équité à indemniser, par exemple, les négociants qui, dans la crainte de
représailles contre la France, ont déclaré leurs vins en consommation pour
échapper à l’augmentation de l’impôt, dans le but de priver l’Etat d’une partie
du droit qui aurait été établi ?
Ensuite, messieurs, y aurait-il équité à indemniser
les grands négociants sans indemniser ceux qui sont moins riches, et qui,
n’ayant pas de grandes quantités à déclarer en consommation, n’ont pu obtenir
des termes de crédit ? C’est cependant là où aboutirait la proposition de
l’honorable M. Osy. D’après cette proposition, la remise du droit serait
accordée aux négociants riches, et elle ne serait pas accordée aux autres,
parce que ceux-ci, n’ayant pas des quantités assez considérables, n’ont pas pu
obtenir des termes de crédit. Eh bien ! comment
voulez-vous que le petit marchand, qui n’aura rien obtenu, puisse soutenir la
concurrence de celui qui aura obtenu une réduction de 2 pour cent ?
Ne voyez-vous pas, messieurs, qu’il y aurait un
privilège injuste qui pourrait peut-être être considéré comme inconstitutionnel
puisqu’aux termes de l’art. 112 de la constitution il ne peut être établi aucun
privilège en matière d’impôt. Je sais bien que l’art. 112 de la constitution
permet d’accorder des modérations d’impôt, mais il ne le permet qu’autant qu’il
n’y ait point de privilège. Or, n’y aurait-il point ici privilège en faveur
d’une classe de négociants, au détriment d’une autre classe ? Je ne veux point,
messieurs trancher la question ; je me borne à la soulever.
Messieurs, dans une des dernières séances, je vous
disais que les marchands de soieries, qui ont également eu à subir une
diminution de droits, auraient eu bien plus de titres à invoquer que les
marchands de vins.
En effet, les marchands de vins jouissent déjà d’un
avantage notable, puisqu’ils ne doivent pas payer immédiatement la taxe ; ils
ont des termes de crédit assez considérables, tandis que les marchands de
soieries ont dû acquitter l’impôt immédiatement.
Mais, indépendamment de cette faveur que la loi
accorde aux marchands de vins, ils sont parvenus, à Bruxelles, à s’en faire une
autre. Voici ce qui se pratique, contrairement à la loi : Plusieurs négociants
se coalisent ; un seul est charge de déclarer à l’entrée ; celui-ci déclare
également à la sortie ; mais son compte est chargé de fortes quantités, il
obtient les crédits à termes les plus longs, c’est-à-dire de dix à dix-huit
mois ; ensuite, lorsque les vins sont sortis de l’entrepôt, ils sont répartis
entre les associés, de manière que chacun reprend la quantité qu’il avait
apportée. Eh bien, dans l’intervalle de ces 18 mois, ils vendent leurs vins, et
le consommateur leur rembourse les droits ; ils reçoivent ainsi d’avance le
montant des droits qu’ils auront à payer au trésor ; ils font valoir ces fonds
et par ce moyen ils se procurent un bénéfice au moins égal à la perte que
l’exécution pure et simple de la convention avec la France pourrait leur faire
subir.
A Anvers, messieurs, c’est autre chose ; à Anvers, une
cargaison entière de vins est déclarée souvent par un seul commissionnaire ; ce
commissionnaire déclare immédiatement à la consommation, et jouit par
conséquent des termes de crédit les plus longs ; après le déchargement du
bâtiment, il répartit le vin entre ceux qui en ont fait la commande ; tous les
droits qui lui sont dus, lui sont payés à l’instant même ; il en fait usage ;
il les fait valoir pendant 48 mois, et c’est à ce commissionnaire, et non pas
aux détenteurs que vous irez rembourser les 5 p. c., car lui seul est connu à
la douane.
Il n’aura plus les vins, me dira-t-on, et
conséquemment il n’aura pas droit aux remises que la loi en discussion tend à
accorder ; mais, messieurs, il saura s’en procurer : les caves sont
suffisamment garnies ; soyez persuadés que si le recensement s’opère, on
trouvera des quantités de vins excédant de beaucoup le montant des crédits à
terme, déclarés à l’administration.
J’ai déjà dit, messieurs, qu’un recensement serait une
chose complètement illusoire ; je vais plus loin maintenant, je dis qu’on
recensement serait dangereux ; car si vous posez aujourd’hui dans la loi le
recensement obligatoire pour accorder l’indemnité à laquelle la chambre pourra
consentir, vous décidez implicitement que plus tard vous l’exigerez aussi,
quand il s’agira de faire rétroagir la loi. Mais soyez-en persuadés, messieurs,
dans ce cas les quantités qui se trouveront aujourd’hui en abondance, puisqu’il
s’agit de disposer sur le trésor, ne se trouveront plus alors qu’il s’agira
d’exercer une reprise contre le négociant. Pour prévenir ce danger, je
proposerai à la chambre un amendement nouveau, pour le cas seulement où une
indemnité serait consentie en principe par la chambre.
De cette manière
l’administration aura une base sûre ; on restituera d’après les écritures de
l’administration, et nous n’aurons pas un recensement dangereux et illusoire à
faire ; mais, je le répète, je ne propose l’amendement qu’autant que la chambre
déciderait en principe qu’il y aura une indemnité. Je demanderai donc qu’on
vote d’abord la question de principe.
M. de Brouckere. - Messieurs, les considérations qu’on a fait valoir
aujourd’hui contre le projet de loi que nous discutons pour la seconde fois, ne
sont guère que la reproduction de celles qu’on a présentées lors de la première
discussion. L’honorable M. Cogels me fait un signe négatif ; je répondrai tout
à l’heure à deux arguments que cet honorable membre a développés pour la
première fois, mais qui, à mes yeux, n’ont aucune espèce de consistance.
Messieurs, je dois reconnaître que l’honorable M.
Pirmez a tenu un langage plein de sagesse et de raison ; il vous a démontré
qu’il y avait danger, et danger très grave, à admettre aujourd’hui le principe
de la rétroactivité, si ce principe pouvait être invoqué plus tard comme un
antécédent.
Ce que l’honorable M. Pirmez vous a dit de l’influence
des individus dans un gouvernement constitutionnel, et surtout dans un petit
pays comme
Messieurs, si le principe était mis aux voix
aujourd’hui, s’il fallait déclarer aujourd’hui si dans toutes les occasions
l’on admettra la rétroactivité, ou si l’on rejettera le principe, je serais
pour le rejet. Mais je ne crois pas, messieurs, que nous devions, ni même que
nous puissions voter un principe à cet égard. Il faut que nous conservions
toute notre liberté. Quant à moi, je déclare qu’en règle générale, je suis
favorable au principe de la non-rétroactivité ; mais je ne veux pas de règle
absolue, parce que, et l’honorable M. Pirmez s’est empressé de le reconnaître,
il est des cas où une exception est fondée sur la justice ou la raison. Eh bien,
je ne veux pas me lier les mains ; si en règle générale, je suis favorable au
principe de la non-rétroactivité, je prétends rester libre et voter dans un
sens contraire, lorsqu’il m’est démontré que la justice et la raison réclament
un semblable vote.
Messieurs, vous n’avez nullement à craindre pour
l’avenir les conséquences du vote que vous émettrez aujourd’hui et pourquoi ? parce que tous les orateurs qui se sont montrés favorables
au projet de loi se sont empressés de reconnaître qu’ils n’entendaient pas
consacrer le principe de la rétroactivité.
Ce serait donc à tort, et ce serait sans succès que,
soit les marchands de vins, soit tous autres négociants viendraient, dans un
temps plus éloigné, vous dire : « Vous ne pouvez plus reculer devant le
principe de la rétroactivité, parce que vous l’avez adopté » ; chacun de
nous répondrait que nous n’avons rien adopté en principe ; que dans un cas
spécial, isolé, nous avons reconnu qu’il y aurait lieu à accorder une indemnité
à certains commerçants, mais que, loin de consacrer un principe, chacun des
orateurs qui ont parlé pour ou contre le projet s’est élevé en règle générale
contre le principe de la rétroactivité ; cela est-il vrai, messieurs ? J’en
appelle à vous tous.
Ainsi, loin que le vote que nous avons émis et qui, je
l’espère, sera confirmé, soit pour l’avenir un précédent fâcheux, je dis que ce
sera un antécédent favorable au trésor, parce que le gouvernement, et chacun de
nous, pourra s’appuyer sur la discussion, pour se déclarer contre le principe de
la rétroactivité.
Messieurs, l’on avait invoqué quelques actes
antérieurs ; l’on avait démontré que dans certaines circonstances les lois
augmentant ou diminuant les impôts avaient eu un effet rétroactif. M. le
ministre des finances a répondu que les exemples qu’on avait cités ne
signifiaient rien ; que pour qu’ils puissent exercer ici quelque influence, il
faudrait démontrer que, dans un cas donné, le trésor a aussi profité du
principe, que lui ministre a combattu et qui a été ratifié dans le cas spécial dont
nous nous occupons, par le projet de loi que nous avons voté.
Je suppose que M. le ministre des finances n’a voulu
parler que du gouvernement qui existe depuis 1830.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Oui.
M. de Brouckere. - Eh bien ! M. le ministre a raison ; jusqu’ici le
trésor n’a jamais pu exercer aucune reprise ; mais s’ensuit-il que les
antécédents qu’on avait cités ne signifient rien ? Aucunement ; je prétends
qu’ils signifient beaucoup, et je répéterai ce que d’autres ont dit avant moi,
c’est que tous les marchands de vins ont dû croire que si, d’une manière
prompte, sans qu’ils fussent prévenus, on diminuait le droit d’accise, la
restitution leur serait faite, comme cela a eu lieu antérieurement ; s’il n’y
avait pas eu d’antécédents, je pose en fait que tous les marchands de vins
eussent agi avec plus de prudence et plus de circonspection ; je pose en fait
qu’une très grande quantité de vins qui se trouvent aujourd’hui sous le
bénéfice du crédit à terme, seraient restés en entrepôt, et je pense que
personne ne pourra nier la vérité de cette assertion.
Messieurs, l’on a fait valoir de nouveau une
considération qu’on avait déjà longuement développé : c’est que nous ne faisons
qu’une demi-justice, nous accordons une indemnité que nous croyons juste aux
grands marchands, et, dit-on, nous ne faisons rien pour les petits, et l’on en
tire la conséquence qu’il ne faut rien faire.
Eh bien, je nie que cette conséquence soit juste. S’il
est vrai que la mesure d’équité que nous allons prendre ne s’étend pas
également à tous les intéressés, je dis que ce n’est pas une raison pour
refuser justice à ceux auxquels il est si facile de la rendre. C’est toujours
un mauvais argument à opposer à Pierre qui vous demande justice, que de lui
dire : Je ne puis pas vous la rendre, parce que je ne puis pas la rendre en
même temps à Paul. Commencez par accorder justice à ceux à qui il vous est
facile de l’accorder, et vous déplorerez ensuite l’impossibilité où vous vous
trouvez de ne pouvoir pas être justes envers tout le monde. Je vous prie de
croire du reste que cette espèce d’injustice relative n’est pas aussi grande
qu’on l’a dit, car le ministre des finances s’est combattu lui-même. En effet,
il vous a démontré que, dans beaucoup de localités, les petits marchands se
coalisaient pour faire inscrire sous un seul nom les quantités de vins qu’ils
ont fait venir. Pour ceux qui se sont ainsi coalisés, la mesure proposée n’aura
pas les conséquences fâcheuses qu’on a supposées ; je m’en réjouis puisque
votre justice s’étend à une quantité de petits marchands dont on déplorait le
sort.
M. le ministre des finances craint la fraude. Il croit
que les marchands de vins qui n’auront pas les quantités suffisantes pour
obtenir la restitution de droits sur les crédits non échus sauront trouver les
moyens de remplir leur cave. Ceux qui n’auront pas les quantités nécessaires ne
trouveront pas moyen de se les procurer. Le vin n’est pas une marchandise qui
se transporte si facilement, le transport lui fait perdre. On ne trouve pas
facilement un ami complaisant à qui on puisse dire : prêtez-moi 25 ou 30
pièces de vins, je vous les rendrai dans trois ou quatre semaines. Cela n’est
pas possible ; si c’est possible, je dirai au gouvernement : Employez les
mesures que vous croyez utiles pour prévenir la fraude. Nous vous donnons un
pouvoir arbitraire pour employer tous les moyens que vous croiriez nécessaires
pour prévenir ha fraude.
L’honorable M. Cogels croit avoir fait valoir un bien
grand argument quand il vous a dit : Les marchands de vins, loin de se plaindre
du traité fait avec la France, devraient s’en réjouir, car s’il leur fait un
tort momentané, il leur fera faire plus tard de grands bénéfices, parce que la
consommation du vin sera considérablement augmentée. La preuve, c’est que c’est
dans ce but que la France a exigé de notre part une concession relative aux
vins.
Voilà, je crois, l’argument dans toute sa pureté. Moi,
je n’admets pas que la consommation du vin va augmenter en Belgique par suite
de la réduction de droit.
Oui, la consommation des vins français augmentera,
mais la consommation des autres vins diminuera. J’admets que la réduction fera
débiter dans le pays plus de vins français, mais au préjudice des vins
d’Allemagne et d’Espagne. Les Français ont fait une chose sage, ils cherchent à
augmenter la consommation de leurs vins, mais les marchands de vins ne
gagneront pas la moindre chose à ce traité.
Si on accorde la même faveur aux autres pays,
peut-être pourra-t-il en résulter quelque avantage pour les marchands de vins.
M. le ministre des finances a présenté un amendement
contre lequel je vous avoue que je n’ai rien à dire. Mais je crois qu’il
portera un véritable préjudice au trésor. D’après cet amendement, la
restitution doit avoir lieu sur tous les vins qui jouissaient du crédit à terme
à l’époque du 16 août, qu’ils soient ou non en cave. C’est évidemment augmenter
la restitution à faire ; c’est payer le maximum de ce que
l’on payera si le recensement a lieu. Car on ne peut jamais payer plus que la
restitution sur tous les vins couverts par des crédits à terme ; donc M. le
ministre adopte le maximum. A sa place, je ne reculerais pas devant quelques
embarras de recensement, et faire ainsi bénéficier une somme quelconque au
trésor. Si le ministre préfère son amendement, je ne m’y oppose pas, mais je
lui en laisse la responsabilité.
M. le ministre des finances (M. Smits) - L’honorable préopinant
vient de défendre d’autant plus habilement la réclamation qui vous est soumise,
qu’il a laissé de côté les arguments tout à fait nouveaux que j’ai présentés
sur l’injustice qu’il y aurait d’accorder les indemnités demandées. En effet,
l’honorable membre n’a pas parlé des avantages dont jouissent les marchands de
vins qui jouissent des crédits à terme, des capitaux qu’ils doivent à l’Etat et
qu’ils font valoir, alors qu’ils se sont fait remboursés par les consommateurs.
Cet argument méritait cependant quelque attention.
M. Delehaye. - Mais il y a alors vol !
M. le ministre des finances (M. Smits) - Il n’y a pas de vol
dedans. C’est une faveur de la loi, et il est naturel que chacun cherche à
jouir des avantages de sa position.
Ainsi ce fait que j’ai cité reste debout. Vous allez
accorder des indemnités à des individus qui n’y ont aucun droit et qui sauront
se procurer et vous représenter les quantités de vins prises en charge.
L’honorable membre pense qu’en ne faisant pas de recensement, le trésor sera
lésé ; c’est une erreur, car les quantités se trouveront, mais la douane
n’aurait pas de frais à faire. Dans des grandes villes comme Bruxelles, Gand,
Liège, les recensements ne peuvent pas se faire dans le même jour. A peine un
magasin sera-t-il recensé, les vins seront transportés dans d’autres magasins,
On aura la ressource des anciens approvisionnements dans le pays de Liége et de
Namur, on aura la ressource des vins du pays. Ainsi la chambre ne doit avoir
aucune crainte sous ce rapport ; mon amendement ne fera supporter aucun dommage
au trésor public.
Les marchands de vins, a dit l’honorable M. de
Brouckere, ont dû croire à la restitution qu’on demande en leur faveur. Je nie
cette proposition ; car jamais la législature, pour aucun cas d’accise
quelconque, n’a ordonné la rétroactivité. On aurait dû cité
un exemple sur lequel les marchands aient pu s’appuyer pour croire qu’on
mettrait la rétroactivité de la réduction de droit.
Un membre. - Les genièvres ?
M. le ministre des finances (M. Smits) - J’entends parler du
genièvre ; mais on a si peu admis le principe de la rétroactivité pour l’accise
de cette liqueur, que dans la dernière loi, récemment votée par la chambre et
qui a porté le droit de 60 centimes à 1 franc par hectolitre de macération, non
seulement on n’a pas exigé l’augmentation du droit sur les quantités existantes
en magasin, mais on a décrété que pour toutes les déclarations faites jusqu’au
moment de la mise à exécution de la loi, la prise en charge serait faite au
droit ancien de 60 centimes, de sorte qu’on a pu encore travailler quatre
quinzaines au petit droit.
Messieurs, nous avons toujours fait une large part à
l’industrie, au commerce, mais nous avons droit d’exiger aussi qu’il y ait
réciprocité ; si on accorde des remises en cas de réduction, il faut que l’Etat
puisse exercer un droit de reprise sur la matière imposée en cas
d’augmentation. Un grand nombre de membres ont déclaré ne pas vouloir de la
rétroactivité. Si vous posez le précédent qu’on vous demande, le principe
s’infiltrera dans vos lois, et soyez-en persuadés, messieurs, on viendra
invoquer ce précédent pour en demander l’application.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
M. le président. - La chambre a admis en principe qu’il serait fait
une remise égale à la réduction opérée sur le droit d’accise par la loi du 6
août 1842.
La section centrale avait proposée une remise égale à
la moitié de la réduction.
Ensuite deux rédactions sont en présence : celle qui a
été mise au premier vote et celle proposée par M. le ministre des finances,
pour le cas où la chambre admettrait le principe d’une remise quelconque.
Je mets aux voix la question de savoir : s’il sera
fait aux marchands de vin une remise égale à la réduction opérée sur le droit
d’accise par la loi du 6 août 1842.
- Il est procédé à l’appel nominal sur cette question.
Voici le résultat du vote :
60 membres prennent part au vote.
35 répondent oui.
25 répondent non.
En conséquence, la chambre résout la question
affirmativement.
Ont répondu oui : MM. Coghen, Cools, David, de Behr,
de Brouckere, Dedecker, Delehaye, Delfosse, de Meer de Moorsel, de Potter, de
Roo, de Sécus, de Terbecq, Devaux, de Villegas, d’Hoffschmidt, Savart-Martel,
Donny, Dubus (aîné), Dumont, Duvivier, Fleussu, Hye-Hoys, Kervyn, Lange, Lys,
Manilius, Meeus, Mercier, Orts, Osy, Rodenbach, Sigart, Van Cutsem,
Vandenbossche et Verhaegen.
Ont répondu non : MM. de
M. le président. - La chambre a maintenant
à statuer sur l’amendement de M. le ministre des finances.
M.
Mercier. - Je réclamerai une explication sur cet amendement.
Je demanderai s’il est bien dans l’intention de M. le
ministre des finances d’accorder le montant des termes de crédit, c’est-à-dire
280,000 fr., lorsqu’il est constant qu’une grande quantité des vins pour
lesquels il a été accordé des crédits à terme sont maintenant livrés à la
consommation. M. le ministre doit même avoir des données sur ce point ; car il
a pris des renseignements avant que le rapport de la section centrale fût
présenté à la chambre.
Je demande s’il ne serait pas préférable d’adopter
l’amendement de l’honorable M. Osy. Pour moi, je suis convaincu qu’il se
trouvera beaucoup de vide dans les magasins, et que les droits dont il y aura à
faire la remise ne s’élèveront pas à 280,000 fr., peut-être pas à 200,000 fr.
J’ajouterai que la section
centrale, en adoptant la proposition qui vous est soumise, a entendu autoriser
le gouvernement à prendre les mesures propres à empêcher les abus et même à
mettre le scellé sur tous les magasins pendant le recensement ; j’ajouterai que
les négociants en vins ne s’opposent pas à cette mesure.
M. le ministre des finances (M. Smits) - L’honorable M. Mercier se
trompe lorsqu’il pense que j’aurais consenti à accorder 25 p. c. Je n’ai
présenté mon amendement que pour le cas où la chambre adopterait le principe de
l’indemnité.
L’honorable membre a parlé de recensement ; mais dans
mon opinion individuelle et dans celle des chefs d’administration que j’ai
consultés, ce recensement n’aboutirait qu’à constater la présence dans les magasins des vins pour lesquels il a été accordé des
crédits à terme, bien qu’une certaine quantité de ces vins soit livrée à la
consommation. Ce dernier fait avancé par l’honorable membre confirme ce que
j’ai dit. Du reste, la disposition adoptée ne fait pas mention de l’application
des scellés, et en l’absence des dispositions de cette nature ou d’une
déclaration qui en tiendrait lieu, je ne croirais pas pouvoir en faire usage.
M.
d’Huart. - Puisque l’amendement de M. le ministre des finances paraît devoir
être plus onéreux pour le trésor que l’amendement de l’honorable M. Osy, il me
semble qu’on doit donner la préférence à ce dernier. En effet ce n’est pas sur
les vins qui étaient dans la cave des négociants en vins le 16 août que vous
devez accorder une remise de droits, c’est sur les vins qui sont dans leur cave
en ce moment ; car pour les vins qu’ils ont vendus depuis le 16 août, ils
n’auront pas manqué de se faire tenir compte de tous les droits qu’ils ont
payés.
Qu’il y ait dans le recensement quelques embarras pour
l’administration, c’est possible. Mais nous ne devons pas reculer devant ces
embarras, quand il s’agit des intérêts du trésor.
Avec l’amendement de M. Osy,
nous avons toutes les garanties possibles, et nous n’aurons aucun reproche à
nous faire. Je crois donc qu’il serait préférable d’adopter la rédaction de
l’honorable M. Osy, plutôt que l’amendement de M. le ministre des finances.
J’engagerai même M. le ministre des finances, à ne pas insister sur cet
amendement.
M. le ministre des finances (M. Smits) – Je dois déclarer que je
n’avais pas compris l’amendement de la section centrale en ce sens qu’il
donnait au gouvernement la faculté de faire mettre le scellé sur les caves des
négociants en vin.
Plusieurs membres. - Oui certainement
M. le ministre des finances (M. Smits) - S’il en est ainsi, je
trouve dans la disposition adoptée au premier vote toutes les garanties
nécessaires, et je retire mon amendement.
M.
Dumortier. – Je demande si la remise de droits sera faite pour les
vins déclarés en en cercle, et qui seraient maintenant en bouteilles dans les
caves des négociants en vins.
M. le ministre des finances (M. Smits) – Oui, puisqu’il est le
même dans les deux cas, Les négociants ont pu soutirer des vins qu’ils avaient
reçus en cercles.
- Il est procédé au vote par appel nominal sur la
disposition suivante :
« Article unique, Les négociants en vins dont les
comptes présenteraient au jour de la mise à exécution de la loi du 6 août 1842,
des termes de crédit non échus, obtiendront, sur les vins d’origine française
qui seront dûment justifiés exister sous crédit à terme dans leurs magasins, à
ladite date, une remise égale à la réduction opérée sur le droit d’accise par
ladite loi.
« Le gouvernement prendra les mesures nécessaires
pour empêcher qu’il ne soit fait abus de la disposition qui précède ; il jugera
de l’existence des conditions requises pour jouir de la réduction de l’accise ;
sa décision, à cet égard, ne sera sujette à aucun recours.
« Cette remise se fera par imputation sur les
échéances successives du compte de ces négociants. »
Voici le résultat du vote :
Nombre des votants, 63.
Ont voté pour le projet, 38.
Ont voté contre, 25.
Le projet est adopté ; il sera transmis au sénat.
Ont voté l’adoption : MM. de
Ont voté le rejet : MM. Cogels, de Mérode, Demonceau,
de Nef, de Renesse, Desmaisières, de Theux, d’Huart, Dubus (aîné), Dumortier,
Jadot, Malou, Mast de Vries. Nothomb, Peeters, Pirmez, Pirson, Raikem,
Raymaeckers, Simons, Smits, Troye, Van den Eynde, van Volxem et Zoude.
M.
d’Huart. – Je demande la parole pour une motion d’ordre. La motion que je me
propose de faire concerne l’ordre du jour des travaux de la chambre. J’aurais
peut-être dû attendre jusqu’à la fin de la séance, mais dans la crainte que
nous ne nous trouvions plus en nombre, je prends la liberté de vous la
soumettre dès maintenant.
Vous avez fixé à lundi le second vote de la loi de
l’instruction primaire. Je suppose qu’on se trouve en nombre lundi et qu’on
vote la loi mardi ou mercredi. Que fera-t-on après ce jour-là, en attendant la
discussion du projet d’emprunt, qui est l’objet le plus urgent dont nous ayons
à nous occuper. Ne sachant que faire, les différents membres de la chambre,
étrangers à Bruxelles, éloignés de la capitale, retourneront probablement chez
eux, et je ne sais trop quand on pourra les réunir de nouveau, pour discuter la
loi d’emprunt. Il pourra arriver ainsi que cette loi très urgente, très
importante, se trouve en quelque sorte forcément remise, sinon à la session
prochaine, du moins à un temps plus ou moins éloigné, ce qui pourrait entraîner
avec soi de très grands préjudices.
il me paraît, messieurs, qu’on
pourrait concilier à la fois l’intérêt des travaux de la chambre arec ce qui
peut être utile aux différents membres en particulier. On pourrait décider
qu’au lieu de procéder lundi au second vote du projet de loi d’instruction
primaire, on ne s’en occupera que vendredi prochain. Vous aurez ce jour-là ou
le lendemain le rapport sur le projet d’emprunt, de sorte que vous pourriez
continuer vos travaux sans désemparer.
Messieurs, il ne faut pas vous le dissimuler, il y a
beaucoup de membres de cette assemblée qui seront présents pour le second vote
du projet de loi sur l’instruction primaire, mais qui ne pourront pas revenir
pour la discussion du projet d’emprunt. Ce n’est pas moi, je me trouverai à mon
poste dans tous les cas possibles
Mais je connais plusieurs membres qui seront dans
l’impossibilité de se trouver ici, si vous ne procédez pas comme je l’indique.
Je ne tiens toutefois pas absolument à ma proposition
; si l’on trouver un autre moyen de parvenir au but que nous devons désirer
tous, je la retirerai ; mais je ne crois pas qu’on puisse rien proposer qui
soit plus acceptable que la motion que je viens de faire à l’assemblée.
Je vous ferai remarquer qu’il n’y a pas urgence à ce
que nous procédions lundi au second vote du projet de loi d’instruction
primaire. Le sénat n’est pas assemblé ; il n’est pas même convoqué. A quoi bon presser cette discussion, alors qu’on sait que
cette précipitation ne peut amener aucun résultat utile, tandis qu’il y a tout
à retirer de ma proposition ? Il y a même des membres de cette assemblée qui
auraient voulu s’ajourner à lundi en huit, moi, cela m’est tout à fait
indifférent ; j’ai proposé vendredi, parce qu’ainsi vous ne perdez pas une
heure de temps pour arriver à la fin de vos travaux. Vous procéderez au second
vote du projet de loi d’instruction primaire et vous discuterez immédiatement
après, et sans désemparer, le projet de loi d’emprunt. Je suppose qu’après
cette dernière discussion le combat cessera faute de combattants ; car je ne
crois pas qu’il y ait beaucoup de membres disposés à prolonger encore une
session qui a duré dix mois.
M.
Verhaegen. - Messieurs, la session a été très longue ; elle pourra
peut-être arriver au mois d’octobre, de manière que toutes les vacances seront
absorbées. Mais nous en ferons le sacrifice pour soigner les intérêts généraux,
et quant à moi, je suis prêt à faire ce sacrifice. Mais perdre plusieurs jours,
alors que nous pouvons les employer avantageusement, c’est inutile ; nous avons
un objet tout prêt, et dont même la discussion semble devoir précéder celle du
projet d’emprunt ; c’est la convention avec la ville de Bruxelles.
Je n’entrerai dans aucun détail, mais vous avez pu
apprécier qu’il y a des motifs et de très pressants motifs pour faire précéder
la discussion de la loi d’emprunt de celle de la convention avec la ville de
Bruxelles.
Je prierai M. le ministre de l’intérieur d’appuyer ma
proposition ; je crois que sous plus d’un rapport le gouvernement doit désirer
qu’elle soit adoptée.
Je pense même que l’emprunt, s’il est voté, se
conclurait avec beaucoup plus d’avantage, si la convention avec la ville de
Bruxelles était auparavant approuvée. Le rapport sur ce dernier objet est d’ailleurs
prêt ; je ne vois pas pourquoi il ne serait pas discuté.
L’honorable M. d’Huart vient de vous dire une chose
qui est très vraie, c’est qu’une fois que l’on aura terminé le projet
d’emprunt, le combat cessera faute de combattants ; mais il serait convenable
qu’il n’en fût pas ainsi avant que l’on eût discuté la convention avec la ville
de Bruxelles.
Je supplie donc la chambre
de permettre que l’on mette à l’ordre du jour de lundi, pour être discutée
immédiatement après le second vote du projet de loi sur l’instruction primaire,
la convention avec la ville de Bruxelles.
M. Orts. - Messieurs, je viens
appuyer la motion de l’honorable M. Verhaegen. Je demande que la convention
avec la ville de Bruxelles soit mise à l’ordre du jour avant le projet
d’emprunt.
Messieurs, la convention avec la ville de Bruxelles
est à l’ordre du présent jour ; il avait été décidé qu’on s’occuperait d’abord
de la loi sur l’instruction universitaire, ensuite du projet de loi sur
l’instruction primaire, et qu’en troisième lieu viendrait la convention avec la
ville de Bruxelles. Lorsqu’il a été décidé que l’on ne s’occuperait pas en
premier ordre de la loi sur l’instruction universitaire, j’ai moi-même demandé
qu’on voulût y substituer la convention avec la ville de Bruxelles. M. le
ministre de l’intérieur a proposé de commencer par la loi d’enseignement
primaire, et la chambre a adopté sa proposition.
Messieurs, la discussion de la convention avec la
ville de Bruxelles est du plus haut intérêt pour cette ville, en ce qu’au mois
d’octobre prochain il faut qu’elle forme son budget et que c’est du sort de la
convention que dépend non seulement le sort du budget, mais je dirai le sort de
la capitale.
J’appuie fortement la
proposition de mon honorable collègue et ami M. Verhaegen, et ce n’était que
pour la faire moi-même que j’ai demandé la parole.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, il est très
vrai de dire que la question de la convention avec la ville de Bruxelles est à
l’ordre du jour ; la véritable question est donc de savoir
si l’on changera l’ordre du jour. Quant au ministère, il ne peut pas s’opposer
à ce qu’il soit maintenu. nous désirons que la
question de la ville de Bruxelles soit décidée, n’importe de quelle manière, et
que la chambre puisse faire ce dernier effort.
M. de Mérode. - Messieurs, j’ai déjà dit précédemment que pour
voter des dépenses, il fallait avoir des voies et moyens. Nous avons la
question des sucres qui est toujours en suspens, et dont j’attends la solution
avant de pouvoir me prononcer sur ce que nous donnerons ou sur ce que nous
achèterons à la ville de Bruxelles. Je ne puis voter des dépenses sans connaître
quels sont les moyens de paiement ; et comme nous ne connaissons pas ces
moyens, il me paraît impossible de mettre à l’ordre du jour la question de la
ville de Bruxelles. Si on demandait à mettre à l’ordre du jour la loi des
sucres, j’appuierais fortement la proposition, et je serais dispose dans ce cas
de siéger plusieurs semaines encore ; car il y aura là une véritable ressource
pour le trésor. Mais je le répète, étant sans
connaissance des moyens dont nous pourrons disposer ultérieurement, je ne puis
voter pour qu’on mette à l’ordre du jour la convention avec la ville de
Bruxelles.
M.
Dumortier. - M. le ministre de l'intérieur a invoqué l’ordre du jour
adopté par la chambre. Eh bien ! s’il arrivait que la
chambre n’acceptât pas la motion de l’honorable M. d’Huart, il resterait à
suivre cet ordre du jour, et le premier objet dont nous aurions à nous occuper,
ce serait, le projet le loi sur l’enseignement supérieur. Maintenant il vous
reste à voir si vous croyez à propos d’aborder la discussion de ce projet,
alors que nous sommes en session depuis si longtemps.
Quant à la convention de la ville de Bruxelles, je
conçois que mon honorable collègue M. Verhaegen en demande la discussion
immédiate. Si j’étais député de Bruxelles, je ferais une motion semblable. Mais
il faut dans l’intérêt du trésor voir toutes les éventualités d’une semblable
discussion. Cette discussion peut amener l’adoption de la convention, tout
comme elle peut en amener le rejet. Elle peut amener aussi un autre résultat ;
elle peut amener l’adoption d’une proposition qui tire la ville de Bruxelles
d’embarras sans grever le trésor public.
Supposons maintenant que la deuxième hypothèse se
réalise, que la convention soit rejetée. Eh bien, messieurs, je ne sais pas si
un pareil résultat n’aurait pas des conséquences fâcheuses pour le trésor
public, s’il se présentait à la veille de la conclusion de 1’emprunt.
M. Coghen. - C’est évident.
M. Dumortier. - J’engage donc la chambre
à prendre ces observations en sérieuse considération, et tout en me prononçant
pour l’ajournement, je demande que le projet de loi sur l’enseignement
supérieur soit maintenu à l’ordre du jour.
M. de Brouckere. - J’adopte, messieurs, la motion de l’honorable M.
d’Huart, en ce sens, que je demande aussi la remise du deuxième vote de la loi
sur l’enseignement primaire soit à vendredi prochain, soit au lundi suivant ;
mais je demande formellement qu’on mette à l’ordre du jour de lundi prochain la
loi relative à la ville de Bruxelles.
L’honorable M. de Mérode vient de renouveler une
objection qu’il a déjà faite et à laquelle j’ai déjà répondu : il dit que la
loi relative à la ville de Bruxelles entraînera de nouvelles dépenses et qu’il
faudrait d’abord créer des voies et moyens pour couvrir ces dépenses.
Messieurs, la loi relative à la ville de Bruxelles doit, selon moi, créer les
voies et moyens en même temps qu’elle consacrera la dépense, de manière que
cette objection tombe. Quant à la loi sur les sucres, elle n’est point prête,
et dès lors nous ne pouvons pas la discuter ; cette seconde objection de
l’honorable membre vient donc aussi à tomber.
Messieurs, je vous prie de remarquer que c’est bien
moins la ville de Bruxelles qui est en cause, que les créanciers de cette ville
qui attendent depuis plus de 10 ans le paiement d’une dette sacrée. Toutes les
dettes de la même nature ont été payées dans le pays entier ; les créanciers de
Bruxelles seuls sont encore en souffrance.
Il leur importe que vous vous occupiez du projet de
loi qui le concerne, alors même que vous rejetteriez ce projet. Ce qui importe
aux créanciers de la ville de Bruxelles, c’est qu’ils sorte
de l’état d’incertitude où on les laisse languir ; ce qu’il faut c’est que vous
disiez oui ou non.
Il vaut cent fois mieux que vous rejetiez la
convention que de laisser les créanciers de la ville de Bruxelles dans
l’incertitude ; car si vous rejetez la convention, la ville le Bruxelles aura à
délibérer sur les moyens auxquels elle devra recourir soit pour payer en entier
les créances qui sont à sa charge, soit pour en payer une partie. Il faut en
finir de tous ces délais qui se répètent d’année en année depuis 1833.
Quant à moi, je demande formellement que le projet de
loi relatif à la ville de Bruxelles soit mis à l’ordre du jour de lundi
prochain, à moins que la chambre ne préfère s’occuper lundi du vote définitif
de la loi sur l’enseignement primaire, et alors je demanderai que la loi
relative à la ville de Bruxelles soit discutée immédiatement après ce vote.
Dans tous les cas, je demande que la convention conclut avec la ville de
Bruxelles soit examiné avant le projet de loi sur l’emprunt parce qu’il est
évident qu’après le vote de l’emprunt, chacun retournera chez lui. Or, je vous
prie, messieurs de remarquer que, si vous ne discutez pas le projet relatif à
la ville de Bruxelles dans cette session, vous ne le discuterez pas du tout
dans la session prochaine, car la session prochaine est déjà tellement chargée
d’objets à discuter, que c’est tout au plus si nous pouvons terminer avant la
fin d’avril tout ce que nous avons à faire. Or vous savez, messieurs, que la
session prochaine devra se clore avant la fin d’avril, puisqu’il y a des
élections pour le renouvellement de la moitié de la chambre au mois de juin.
Je prie donc instamment la
chambre, et même ceux qui sont disposés à rejeter la convention avec la ville
de Bruxelles, de mettre cette convention à l’ordre du jour, soit pour lundi
prochain, soit immédiatement après le vote définitif du projet de loi sur
l’enseignement primaire. Ceux qui sont contraires à la convention la
rejetteront, et si la chambre devait partager leur avis, ce rejet serait encore
un bienfait pour les créanciers de la ville de Bruxelles, comparativement à
l’incertitude dans laquelle on les a laissés jusqu’à présent.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - L’honorable préopinant,
tout en adhérant à la proposition de l’honorable M. d’Huart demande la mise à
l’ordre du jour, pour lundi prochain, de la convention conclue avec la ville de
Bruxelles, et pour le cas où la chambre maintiendrait la décision qu’elle a
prise, de s’occuper lundi du vote définitif de la loi sur l’enseignement
primaire, il demande que la convention avec la ville de Bruxelles soit discutée
immédiatement après ce vote. Quant à la première de ces propositions, je la
regarde comme inadmissible ; la chambre ne peut pas ainsi passer d’un ordre
d’idées à un autre. Quant à la question de savoir s’il faut mettre la
convention avec la ville de Bruxelles à l’ordre du jour immédiatement après le
vote définitif du projet de loi sur l’enseignement primaire, il faut d’abord se
demander combien de temps prendra ce vote définitif ; aurons-nous fini lundi,
mardi, mercredi ? je l’ignore, nous devons ensuite
demander où en sont les travaux des deux sections centrales réunies en ce
moment ? Je veux parler de la section centrale chargée de l’examen de la loi
relative à l’exécution de la convention conclue avec la France ; je veux parler
en second lieu de la section centrale qui s’occupe du projet de loi concernant
l’emprunt. Pourrons-nous avoir lundi le rapport sur l’un de ces projets, sur le
premier, par exemple ?
M. le président. - La section centrale chargée de l’examen du projet
relatif à la convention avec la France a nommé aujourd’hui son rapporteur.
C’est M. Zoude ; il pourra peut-être nous dire quel jour son rapport sera prêt.
M. Zoude. - Je le présenterai lundi prochain à la chambre.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il s’agirait donc de voir
si la discussion de ce projet pourrait combler la lacune que l’honorable M.
d’Huart craint de voir exister entre le second vote du projet de loi sur
l’enseignement primaire et celui du projet d’emprunt.
Quant à moi, je ne demande
pas mieux que de discuter le projet relatif à la ville de Bruxelles ; mais
combien de temps prendra cette discussion ? Si cela ne devait durer que
quelques jours, je crois qu’il faudrait aborder la question mais si la
discussion devait durer, par exemple, une quinzaine de jours, il y aurait
impossibilité de s’en occuper.
M. Coghen. - Je crois, messieurs, qu’il faut maintenir à l’ordre du
jour de lundi le second vote de la loi sur l’enseignement primaire, et
immédiatement après aborder une bonne fois la question de la ville de
Bruxelles. Il est impossible de laisser plus longtemps les créanciers de la
ville dans l’état pénible où ils se trouvent depuis douze ans ; il faut
absolument une solution.
L’honorable M. de Mérode dit qu’il faut d’abord voter
les voies et moyens nécessaires pour couvrir les dépenses ; l’honorable membre
se trompe complètement. Pour un particulier il est nécessaire d’examiner
quelles sont ses ressources avant de se décider à faire des dépenses ; mais il
n’en est pas de même d’un Etat ; un Etat doit examiner en premier lieu quelles
sont les dépenses qu’il doit faire, et il doit créer ensuite les ressources
nécessaires pour couvrir ces dépenses. Cela est vrai, au moins pour les
dépenses nécessaires. Or il s’agit ici d’une dépense de cette nature, d’une
dépense indispensable.
Je crois, messieurs, que le crédit de pays est
fortement intéressé à ce que la question de la ville de Bruxelles soit résolue.
Le non-paiement des dettes de la capitale exerce une influente immense sur le
crédit de
Je crois, messieurs, que
dans l’intérêt du crédit public nous devons en finir au plus tôt de cette
question. (Aux voix ! aux voix !)
M.
Mercier. - J’appuierais volontiers la motion d’ordre de l’honorable M. d’Huart,
s’il n’y avait pas différents projets qui peuvent être mis à l’ordre du jour,
et si, d’un autre côté, il n’y avait pas différentes sections centrales qui ont
à s’occuper de projets fort importants. La loi des sucres, par exemple, se
trouve en ce moment en section centrale ; dans les premiers jours de ce mois,
M. le ministre des finances s’est rendu dans le sein de la section, qui lui a
communiqué les décisions qu’elle avait prises sur les dispositions essentielles
du projet. M. le ministre a désiré nous faire connaître par écrit ses
observations sur ces décisions ; elles nous sont parvenues hier seulement, et
dès aujourd’hui la section s’est réunie, principalement pour entendre la
lecture du rapport qui est fait depuis plusieurs semaines, mais qui pouvait
recevoir des modifications d’après les réponses que la section attendait de M.
le ministre.
La section centrale continuera donc à se réunir pour
examiner le projet de rapport et pour prendre quelques décisions nécessaires ;
mais si la chambre s’ajournait, il est plusieurs membres qui ne resteraient pas
à Bruxelles, et dès lors les travaux de la section centrale seraient
interrompus.
Quant à l’emprunt, des renseignements ont été demandés
au gouvernement, et la section centrale, dont je fais partie, se réunira
aussitôt que ces renseignements lui auront été fournis.
J’appuie donc les
propositions qui ont été faites, d’abord de ne pas ajourner le second vote du
projet de loi sur l’enseignement primaire et ensuite de mettre à l’ordre du
jour, après ce second vote, la discussion du projet relatif à la convention
faite avec la ville de Bruxelles. Toutefois je n’appuie cette dernière
proposition qu’autant que cela n’apporte aucun retard à la discussion du projet
de loi relatif à l’exécution de la convention conclue avec la France, ni à la
discussion de l’emprunt. (Aux voix ! aux
voix !)
M. de Mérode. - L’honorable M. de Brouckere a dit, messieurs, que
la session prochaine est déjà surchargée. Il me semble qu’il y a un moyen bien
simple de la décharger, ce serait de ne pas éplucher de nouveau les budgets
comme on l’a fait jusqu’à présent, ce qui, en définitive, ne produit aucun
bénéfice, car nous dépensons pour une seule lieue de chemin de fer plus que
nous n’avons économisé depuis 10 ans au moyen de la discussion des budgets.
J’espère donc que l’année
prochaine on votera les budgets un peu plus lestement et qu’on ne s’arrêtera
pas à de minimes sommes, alors que des allocations si considérables sont à la
discrétion des ingénieurs. Je pense que dès lors nous aurons tout le temps de
nous occuper de l’affaire de la ville de Bruxelles à la session prochaine ; je
ne demande pas mieux qu’on s’en occupe à la prochaine session, mais il faut que
nous connaissions nos ressources, avant de voter de nouvelles dépenses.
M.
d’Huart. - Messieurs, je n’ai pas proposé d’intervertir l’ordre du jour. J’ai seulement
proposé qu’au lieu de commencer lundi prochain le second vote de la loi sur
l’instruction primaire, la chambre le fixât à vendredi,
parce que la présentation du rapport sur l’emprunt ne pouvait avoir lieu que
vers la fin de la semaine prochaine : et que dès lors il était à craindre que
si le second vote de la loi sur l’instruction primaire avait lieu avant la
présentation de ce rapport, la chambre ne fût plus en nombre pour délibérer sur
l’emprunt. Mais, je le répète, je n’ai pas demandé que l’ordre du jour fût
modifié ; j’ai seulement demandé qu’on fixât à vendredi le second vote de la
loi sur l’instruction primaire, au lieu d’y procéder lundi.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Messieurs, ainsi que vous
l’a dit M. le ministre de l’intérieur, rien ne serait plus agréable au cabinet
que de voir discuter l’affaire de la ville de Bruxelles, car le
non-remboursement des rentes de la capitale influe nécessairement sur le
crédit. Mais il n’est pas exact de dire que de là dérive la compression de la
rente ; la rente est comprimée dans la prévision d’un
emprunt futur ; cette dépréciation, il importe de ne pas la laisser subsister
jusqu’à la fin de l’année. Il est donc urgent de voter la loi d’emprunt, parce
que les circonstances sont favorables et que l’argent est ordinairement plus
abondant à cette époque de l’année qu’il ne l’est dans le mois de décembre.
M. de Theux. - Messieurs, je pense
qu’il est préférable de maintenir l’ordre du jour, qui a été fixé pour lundi
prochain ; beaucoup de membres, qui sont absents, n’auraient pas reçu la
nouvelle de la décision de la chambre, et se présenteraient lundi pour le
second vote de la loi sur l’enseignement primaire. J’appuie donc le maintien de
l’ordre du jour. Il y a d’autres projets indispensables à voter ; je citerai,
entre autres, le projet de loi pour l’exécution de la convention avec
Quant à la convention avec la ville de Bruxelles, je
désire aussi qu’elle soit discutée ; mais je crois que la discussion sera très
longue, et que force nous sera de l’ajourner à l’ouverture de la session
prochaine.
- La discussion est close. M. le président met
successivement aux voix les diverses propositions.
La chambre rejette la proposition tendant à fixer à
vendredi prochain le second vote de la loi sur l’enseignement primaire. Elle
décide en second lieu que l’ordre du jour de lundi prochain est maintenu. Elle
décide en troisième lieu par 31 voix contre 26 que le projet de loi relatif à
la convention avec la ville de Bruxelles sera mis à l’ordre du jour
immédiatement après le second vole de la loi sur l’enseignement primaire.
Ont voté pour cette dernière proposition : MM. de
Ont voté contre cette proposition : MM. Cools, de
Behr, Delfosse, de Mérode, Demonceau, de Nef, de Renesse, de Terbecq, de Theux,
d’Huart, Dumont, Dumortier, Hye-Hoys, Kervyn, Mast de Vries, Mord-Danheel,
Peeters, Pirmez, Raikem, Rodenbach, Sigart, Simons, Trentesaux, Troye, Vanden
Eynde et Dubus (aîné).
M. Fleussu. - Il est bien entendu que c’est à la condition qu’il
y aura après le vote de la loi sur l’enseignement primaire un intervalle assez
long pour discuter ce projet avant la loi d’emprunt. C’est de cette manière que
je l’ai entendu.
Plusieurs voix. - C’est voté.
M. de Theux. - Il ne faut pas que, sous
aucun prétexte, la loi d’emprunt soit retardée. Si le rapport est prêt, il ne
faut pas s’engager dans une discussion qui durera longtemps.
M. de Brouckere. - La chambre vient d’émettre un vote. Un membre ne
peut pas parler contre le vote émis. Quand le moment de la discussion sera
venu, l’honorable M. de Theux pourra faire ses observations.
PROJET DE LOI PROROGEANT L’ARTICLE 3 DE
« Art. unique. Le terme
fixé par l’art. 3 de la loi du 10 février 1836 (Bulletin officiel n°14) et par
l’art. 3 de la loi du 25 mai 1838 (Bulletin officiel, n°190) est prorogé au 15
octobre 1847. »
Personne de demandant la parole, il est procédé à
l’appel nominal sur ce projet.
Il est adopté à l’unanimité des 48 membres qui ont
répondu à l’appel.
Il sera transmis au sénat.
Ces membres sont : MM. de
PROJET
DE LOI RELATIF AUX CREANCES ARRIEREES DU DEPARTEMENT DE
On passe au second projet. Il est ainsi conçu :
« Art. 1er. L’article du chap. Ier du budget du
département de la guerre pour l’exercice 1842, est majoré d’une somme de dix
mille francs (10,000 francs). »
- Adopté.
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le
lendemain de sa promulgation. »
- Adopté.
Il est procédé à l’appel nominal sur ce projet de loi
qui est adopté à l’unanimité des 49 membres présents.
Ont répondu à l’appel nominal : MM. de
- La chambre remet à lundi le vote sur les projets de
loi de naturalisation.
La séance est levée à 3 heures et demie.