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d’intention
Chambre
des représentants de Belgique
Séance du jeudi 18 août 1842
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre
2) Projet
de loi prorogeant des lois ayant augmenté le personnel du tribunal de première
instance de Charleroi et de la cour d’appel de Bruxelles
3) Projet
de loi autorisant le gouvernement à prohiber temporairement la sortie des
pommes de terre (loi sur l’orge (Mast de Vries))
4) Rapport sur une pétition relative à l’abandon du chemin de fer dans le
Luxembourg et à son remplacement par des routes (Zoude)
5) Projet
de loi organisant l’instruction primaire. Discussion des articles.
Participation du clergé à l’enseignement moral, surveillance des écoles et
notamment des livres utilisés, tant par l’inspection civile que par
l’inspection ecclésiastique (Orts, Nothomb,
(élections contestées de Ath (Savart-Martel, de Theux)), Savart-Martel, Verhaegen, Lebeau, Orts, Lebeau, Nothomb,
Dechamps, Lebeau, Verhaegen, Nothomb, Lebeau, Devaux, de
Garcia, Devaux, Dechamps, Devaux, Nothomb, Devaux),
nomination, révocation et suspension des instituteurs (Nothomb,
Devaux, Nothomb), inspection
cantonale (Nothomb, Devaux, Nothomb, Devaux, de Mérode, d’Hoffschmidt, de Garcia, Nothomb, d’Hoffschmidt, de Theux, de Garcia, Devaux, Nothomb, d’Huart, Dechamps, Nothomb, Rogier, Verhaegen, Mast de Vries, de Mérode, Lebeau, Dechamps, Devaux, Eloy de Burdinne, d’Huart, Nothomb, de Theux, de Garcia, d’Huart, Nothomb, Lebeau, Nothomb), conférence
cantonale des instituteurs (Rogier, Nothomb,
Orts, Dubus (aîné), Nothomb, Brabant, Nothomb, de Theux), détermination
du mode de recouvrement de la rétribution des instituteurs communaux (Nothomb, Rogier, de La Coste, de Theux, Nothomb), inspection provinciale (de
Theux, Nothomb, de Mérode,
Nothomb, Lebeau, (+interdiction
du cumul de fonctions (Dedecker, Nothomb,
Devaux, Dedecker, Nothomb, Lebeau, Dedecker, d’Hoffschmidt, Rogier, Dechamps, de Garcia, Devaux, Nothomb, Demonceau, Dedecker))
6) Projet
de loi autorisant le gouvernement à émettre un emprunt en vue, notamment,
d’achever le chemin de fer
7) Projet
de loi tendant à autoriser le gouvernement à prohiber la sortie des pommes de
terre
8) Motion
d’ordre relative à la convention commerciale signée avec la France, en ce qui
regarde les droits sur les vins (Osy, Dubus
(aîné), Delehaye, Nothomb,
Hye-Hoys, Delehaye, Osy)
(Moniteur belge n°231, du 19 août
1842)
(Président de M. Fallon)
M. Kervyn procède à l’appel nominal à midi et un quart.
M.
Scheyven donne lecture du procès-verbal de la
dernière séance, la rédaction en est adoptée.
M. Kervyn donne lecture de l’analyse de la pétition suivante :
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Vercruysse propose des modifications
à la loi de 1822, sur le sel, afin de combler le déficit qui résultera de la
convention de commerce avec
- Renvoi à la section centrale chargée de l’examen du projet pour
l’exécution de la convention.
_____________________
M. Dolez, devant s’absenter pour motifs de santé, demande un congé.
- Accordé.
PROJET DE LOI PROROGEANT DES LOIS QUI ONT AUGMENTE
LE PERSONNEL DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE CHARLEROI ET DE LA COUR
D’APPEL DE BRUXELLES
M. le ministre de la justice (M. Van Volxem) présente un projet de loi ayant pour objet de proroger jusqu’au 15
octobre 1847, le terme fixé par l’art. 3 de la loi du 10 février 1836, et par
l’art. 3 de la loi du 25 mai 1838. Il s’agit des lois qui ont augmenté le
personnel du tribunal de première instance de Charleroy et de la cour d’appel
de Bruxelles.
- Le projet de loi sera imprimé et distribué ; sur la proposition le M.
le ministre de la justice, la chambre en renvoie l’examen une commission qui
sera nommée par le bureau.
PROJET DE LOI AUTORISANT LE GOUVERNEMENT A
PROHIBER TEMPORAIREMENT LA SORTIE DES POMMES DE TERRE
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb)
dépose un projet de loi tendant à autoriser le gouvernement à prohiber, dans
certains cas, et temporairement jusqu’au 31 août 1843, la sortie des pommes de
terre. (Marques nombreuses d’assentiment).
- Le projet de loi sera imprimé et distribué sur la proposition de M. le ministre de l’intérieur. La chambre en renvoie
l’examen à la commission qui a connu de la dernière loi relative aux pommes de
terre.
M. Mast de Vries. - M. le ministre de l’intérieur vient de proposer de prohiber les
pommes de terre à la sortie. Je rappellerai qu’une autre loi est près
d’expirer. C’est la loi concernant l’orge ; or le prix de l’orge est
aujourd’hui plus élevé qu’il ne l’était l’année dernière ; je demanderai si le
gouvernement est dans l’intention de faire une proposition à cet égard.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Le gouvernement examine la question, et je serai à même de répondre dans
quelques jours.
RAPPORT SUR UNE PETITION RELATIVE À L’ABANDON DU CHEMIN DE FER DANS LE
LUXEMBOURG ET À SON REMPLACEMENT PAR DES ROUTES
M. Zoude. - Messieurs, le conseil provincial
du Luxembourg, par sa pétition du 11 juillet, a l’honneur de rappeler à la
chambre qu’en décrétant le chemin de fer, la pensée de la législature a été de
faire participer toutes les provinces du royaume aux dépenses de leur
construction, comme à la jouissance de leurs avantages.
Que cette pensée envers le Luxembourg a été consacrée par une
disposition spéciale, portant qu’il serait rattaché par un chemin de fer au
système général de l’Etat.
Cependant, les députés de cette province, effrayés de la dépense que
cette construction entraînerait, déclarèrent spontanément à la chambre qu’ils
renonceraient à son exécution, moyennant une compensation bien faible, si on la
compare avec ce que ce chemin eût coûté.
Cette demande d’indemnité fut vivement appuyée par tous les orateurs qui
prirent alors la parole ; elle dérivait d’un droit trop justement acquis pour
rencontrer des contradicteurs. On regretta seulement que le gouvernement n’en
eût pas pris l’initiative, comme juge compétent de l’utilité des routes
auxquelles cette indemnité devait être affectée.
Cet obstacle a cessé aujourd’hui que nos droits reconnus, nos besoins
constatés, le gouvernement propose lui-même de nous accorder la compensation si
justement réclamée.
Il serait en effet inique, dit le conseil provincial, de faire
contribuer le Luxembourg à l’énorme dépense du chemin de fer et de le
déshériter en même temps de ses immenses avantages.
Les frais de construction auxquels le Luxembourg prend part, constituent
un avantage immédiat pour les populations chez lesquelles elles sont faites ;
seul, le Luxembourg y reste étranger.
Les contingents des autres provinces leur sont en quelque sorte
restitués par le travail, celui du Luxembourg est absorbé loin de lui et sans
profit pour lui.
Il n’en est pas de même en France, les départements sont imposés à
raison de l’utilité et de la longueur de la route ferrée qui les traverse.
Oui, messieurs, le contingent que fournit le Luxembourg est bien réel,
car si les constructions se font au moyen d’emprunts, il n’en est pas de même
des intérêts qui, n’étant pas couverts par les recettes, sont acquittés par le
trésor de la communauté, suivant la part proportionnelle du tribut que chaque
province fournit à l’Etat.
Cet état de choses s’améliorera sans doute, à mesure que les nations
voisines viendront nous rencontrer aux frontières.
Mais le résultat des recettes qui nivelleront les dépenses, ne fût-il
jamais atteint, le sacrifice à faire pour combler le déficit ne serait jamais
regrettable pour les amis de l’indépendance nationale, c’est-à-dire pour le
pays tout entier.
On sait, en effet, que c’est en présence de nos chemins de fer que les
nations voisines, celles du Nord surtout, se sont ralliées à
Le Luxembourg, après avoir versé son sang pour conquérir la liberté, a
voulu la consolider en prêtant son concours efficace pour aider en gage de
tranquillité que vous avez donné à l’Europe ; aussi le conseil provincial vous
le déclare, il a vu avec satisfaction le vote de ses mandataires s’associer à
toutes les conceptions d’utilité publique, alors même que leur province
n’aurait été destinée à en recueillir aucun avantage.
Mais ces sacrifices ne seront pas toujours stériles pour une province
envers laquelle une promesse solennelle de compensation a été faite. Vous acquitterez
cette dette envers la province la plus étendue du royaume, celle qui a été la
plus violemment déchirée par le traité de paix, celle qui a le plus besoin de
communications pour utiliser ce qui lui reste de territoire et partager avec
vous ses richesses naturelles en bois de construction de toute espèce, en
ardoises, en plâtre et en marbres.
Pour vous acquitter envers la province la plus étendue, ce que le
conseil vous demande, c’est le coût d’une demi-lieue du chemin de
S’il est permis de faire valoir encore une considération, je rappellerai
à la chambre que la section n’a voté la création du chemin de fer d’après le
système actuel qu’à la majorité d’une voix, et que cette voix a été celle d’un
député du Luxembourg.
La commission des pétitions a l’honneur de vous proposer le dépôt de
cette pétition sur le bureau pendant la discussion de la loi d’emprunt.
- Les conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées.
Discussion
des articles
Article 7
(Moniteur belge n°232, du 20 août
1842) M. Orts. - Messieurs, la discussion de l’amendement proposé par l’honorable M.
Lebeau, dans un esprit si pur de conciliation, et la crainte qu’un
dissentiment, portant sur ce qui ne serait que d’un intérêt secondaire plutôt
que sur le fond même de la question, ne vienne entraver nos efforts communs,
ont engagé mon honorable collègue M. Dolez et moi vous présenter l’amendement
suivant
« Les livres destinés spécialement à l’enseignement de la religion
sont soumis à l’approbation des chefs des cultes.
« Les livres de lecture, et ceux destinés à l’enseignement de la morale,
sont soumis à l’approbation commune, et du ministre de l’intérieur et des chefs
des cultes.
« Les livres destinés à toutes les autres partes de l’enseignement sont
approuvés par le ministre de l’intérieur, sur la proposition de la commission
centrale, les chefs des cultes entendus. »
Lorsque tout le monde est d’accord sur un principe, il semble impossible
de ne pas admettre les conséquences qui en découlent nécessairement.
Ainsi, chacun de nous convient qu’il ne peut exister de bon enseignement
primaire sans instruction religieuse et morale ;
Que l’intervention du prêtre dans cette instruction est tout au moins
utile et désirable.
Il suit de ces prémisses qu’il faut assurer cette intervention par tous
moyens qui ne compromettent pas les libertés et les droits que nous assurent la
constitution et les lois.
Prévenir l’absorption du pouvoir civil par l’autorité religieuse, voilà
la solution qu’il faut tâcher d’obtenir.
Qu’on cesse de crier à la défiance ; que les partis se rapprochent ;
qu’en gage de confiance, ils se tentent la main ; mais la loi peut et doit être
défiante.
Je me hâte d’expliquer ma pensée. La loi doit se défier des fausses
interprétations, des extensions élastiques, que les hommes appartenant aux
diverses opinions peuvent faire subir au texte, pour confisquer l’esprit de la
loi.
Cette défiance de la loi est la seule garantie de la clarté et de la
précision de ses dispositions. C’est en elle-même qu’il faut trouver son
meilleur commentaire.
J’ai cru, messieurs, devoir placer ces réflexions avant d’aborder
l’examen des amendements proposés tant par l’honorable M. Lebeau que par M. le
ministre de l’intérieur.
D’après l’amendement de M. Lebeau, la désignation de tous les livres
employés pour l’instruction primaire doit être faite de commun accord entre
l’autorité civile et ecclésiastique ; même concours, même compétence est
accordée aux deux autorités.
Le ministre refuse au clergé cette participation égale et directe pour
ce qui concerne les livres purement scientifiques ; il la lui accorde exclusivement
pour tous les livres de religion et de morale.
L’amendement présenté par l’honorable M. Dolez et moi classe les livres
en trois catégories et établit une compétence différente pour chacune d’elles.
Pour la première, qui comprend les seuls livres consacrés à
l’enseignement de la religion, tant sous le rapport du dogme que de la
discipline de l’église, approbation de l’autorité ecclésiastique.
Dans la seconde, nous rangeons les livres de morale et les livres de
lecture ; ici nous demandons le double concours, l’approbation commune des deux
autorités. Cette catégorie comprend les livres que le ministre de l’intérieur a
qualifiés de mixtes.
Enfin, dans la dernière catégorie se trouvent les livres destinés à
toutes les autres parties de l’enseignement. Ils seront soumis à l’approbation
exclusive de l’autorité civile, toutefois les chefs des cultes entendus.
Il ne sera pas difficile, messieurs, de justifier cette distinction
quant à la nécessité de l’approbation de deux autorités.
A qui appartient-il d’expliquer tout ce qui touche au dogme et à la
discipline de l’Eglise ? A qui le droit d’approuver les doctrines qui constituent l’enseignement religieux ? Evidemment à ceux qui
en sont les dépositaires.
Sous ce rapport, il existe une différence essentielle entre les
doctrines philosophiques, scientifiques, littéraires et les doctrines
religieuses. Les premières admettent le libre examen, 1a discussion
contradictoire, parce qu’elles sont susceptibles de démonstration ; le dogme,
au contraire, échappe au raisonnement ; c’est un objet de foi, il faut le
prendre, dans son intégrité, l’accepter ou le répudier.
Voyez les dangers du système contraire ; un livre de religion consacrant
tel point de doctrine de quelque réformateur moderne, d’un abbé Chatel, en France, d’un abbé Helsen,
chez nous, s’est glissé dans une école ; qui l’examinera sous le rapport de
l’orthodoxie ? qui le condamnera ? Sera-ce
l’inspecteur laïque ? personne
n’oserait soutenir l’affirmative. Dès lors n’est-il pas évident que l’autorité
seule appelée à condamner doit aussi être investie du droit exclusif
d’approuver.
Mais, dit-on, il pourrait arriver qu’un livre, destiné uniquement à
l’enseignement de la religion, contînt des principes ou des propositions
subversifs des libertés publiques et des droits que nous garantissent et la
constitution et les lois.
Je dis que, si contre toute attente, pareil événement arrivait, le
gouvernement pourrait et devrait s’opposer soit à l’adoption, soit au maintien
dans l’école d’un pareil livre, fût-il même approuvé par le clergé.
Pour établir qu’en agissant ainsi, le gouvernement serait dans son
droit, qu’il ne ferait même qu’accomplir un impérieux devoir, je n’ai besoin
que d’ouvrir le code pénal.
L’art. 204, auquel un honorable membre a déjà fait allusion, statue que
tout écrit contenant des instructions pastorales, en quelque forme que ce soit
(donc le catéchisme aussi) et dans lequel un ministre d’un culte se sera ingéré
de critiquer ou censurer soit le gouvernement, soit tout acte de l’autorité
publique, emportera la peine du bannissement contre le ministre qui l’aura
publié.
Et l’article 205 aggrave la peine lorsque pareil écrit contient une
provocation directe à la désobéissance aux lois et autres actes de l’autorité
publique.
Messieurs, n’est-il pas clair pour chacun de nous, que le catéchisme ou
tout autre livre d’instruction religieuse qui présenterait les caractères
prévus par ces articles, constituerait le
corps du délit. Dès lors le gouvernement pourrait-il, sans abdiquer, sans
se suicider, laisser entre les mains de la jeunesse, le corps d’un délit bien
qualifié ?
L’art. 14 de la constitution vient appuyer la doctrine que je puise dans
les dispositions du code pénal.
« La liberté des cultes, celle de leur exercice public ainsi que la
liberté de manifester ses opinions en toute matière sont garanties. »
Voilà le droit ; voici la sanction coutre l’abus
« Sauf la répression des délits commis à l’occasion de l’usage de ces
libertés. »
La section centrale, dans son rapport sur cet article, disait qu’elle
avait partagé à l’unanimité l’avis des sections, qu’elle croyait que l’être
moral, le culte, devait être
responsable, comme l’individu, de ses actes devant la loi.
Qu’il me soit permis de citer un exemple. L’article 16 de la
constitution porte que le mariage civil devra toujours précéder la bénédiction
nuptiale, sauf les exceptions à établir par la loi.
Je suppose qu’un catéchisme contiendrait une défense d’obéir à cette
prescription du pacte fondamental, qu’il censurerait ou critiquerait cette
disposition légale.
L’écrit tomberait dans l’art. 204 ou 205 du code de répression ; il
devrait à l’instant être banni des écoles.
Je pense donc, messieurs, qu’il y a d’une part nécessité de maintenir au
clergé seul l’approbation des livres d’instruction religieuse, que d’autre
part, il y a absence de dangers pour l’autorité civile, en agissant de cette
manière.
Je passe aux livres de morale et de lecture.
En les soumettant à l’approbation commune de l’autorité civile et
cléricale, nous rentrerons dans l’amendement dé l’honorable M. Lebeau ; il
exprime la même pensée en ces termes
« Seront désignés de commun accord par le gouvernement et par le chef
diocésain et les consistoires. »
Dans notre amendement, quant à cette catégorie de livres, se trouve
remplie une lacune laissée dans la proposition du ministre.
Il s’agit ici de ces livres qu’il a appelés mixtes ; à leur égard, son opinion paraît conforme à la nôtre,
quoiqu’il ne l’ait pas aussi explicitement formulée dans le texte de son
amendement.
Voici ce que disait, relativement à ces livres, M. le ministre de
l’intérieur dans la séance du 16 août ;
« Dans toutes les écoles, messieurs, il a un petit livre, qui porte
ordinairement le titre de : Lectures instructives et morales. C’est dans ce
petit livre, que l’on enseigne à lire couramment et que l’on enseigne en même
temps la morale ; c’est là un cours mixte, et quand nous discuterons la
question des livres, je pense que nous serons d’accord, que là où existe un
livre de ce genre ayant cette double destination, ce livre devra être soumis à
une double approbation. »
Or, notre amendement n’est pas autre chose que la traduction de ce
passage du discours de M. le ministre de l’intérieur ; le livre dont il s’agit
devra être soumis à une double approbation ; eh bien, nous ne demandons que
cela ; nous sommes donc entièrement d’accord sur ce point avec le discours de
M. le ministre de l’intérieur ; nous sommes également d’accord avec l’honorable
M. Lebeau.
Reste actuellement la dernière catégorie : ce sont les livres destinés à
toutes les autres branches de l’enseignement ; l’amendement de l’honorable M.
Lebeau soumet les livres de cette espèce à l’approbation commune.
C’était là, je dois l’avouer, l’expression d’un vœu tout de
conciliation, tout de confiance ; j’y rends hommage ; mais je dois le dire, ce
système présente quelque danger, et le plus grave est celui ci : Dans les
écoles primaires, il est un point qui divise les instituteurs beaucoup plus que
ne peuvent le faire les opinions religieuses, c’est la question de méthode.
Suivra-t-on la méthode simultanée, celle du célèbre Pestafozzi,
ou la méthode mutuelle de Lancaster, ou celle plus moderne de Jacotot, l’enseignement universel ? Voilà une question qui
importe peu au clergé, car qu’on suive l’une ou l’autre de ces méthodes, on
tâchera toujours de concilier la science avec la morale et la religion. Mais la
question est très importante sous le rapport scientifique, le clergé peut
toujours être consulté.
II donnera tous les éclaircissements qu’il aura recueillis. Nous avons
ajouté : le clergé entendu, parce que
cela paraît conforme à l’économie de la loi. L’art. 7 porte que les délégués du
clergé seront appelés aux réunions cantonales ; on leur dira : Que pensez-vous
de tel livre d’histoire ou de géographie ? Si, dans ces livres, quelques
propositions s’étaient glissées qui fussent de nature à blesser la religion ou
la morale, le clergé ne tardera pas à éclairer les membres de l’assemblée, et
on tiendra compte de son avis quand on le trouvera fondé. J’ai trop de confiance
dans les lumières et dans le patriotisme qui distinguent le clergé pour ne pas
penser que ses avis seront toujours de nature à être bien accueillis et ne
donneront jamais lieu à des collisions.
Je crois avoir justifié l’amendement que M. Dolez et moi avons présenté
sous son triple rapport. Je n’en dirai pas davantage dans une discussion qui
déjà a été assez longue. Quant à moi, je ne fais qu’un
vœu, c’est qu’on arrive à la conciliation, en faisant une loi, qui,
garantissant tous les droits et prérogatives de l’autorité civile, accorde à
l’instruction religieuse une part juste et honorable, si cette loi n’est point
parfaite, qu’elle soit au moins aussi bonne, qu’en raison des difficultés il
aura été possible de l’espérer.
(Moniteur belge n°231, du 19 août
1842) M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il me semble que ce qui a engagé les deux honorables membres à
présenter leur amendement, c’est la lacune que, de mon propre aveu, ils ont
remarquée dans la proposition que j’ai eu l’honneur de vous faire.
Hier, j’ai parlé plusieurs fois de livres mixtes, de livres de lecture
employés en même temps pour l’enseignement de la religion et de la morale. J’ai
pensé que dans ce cas les livres devraient être soumis à une double approbation.
Il me semble qu’en maintenant l’amendement que j’ai proposé, il serait facile
de le compléter. Relisons d’abord l’amendement :
« Les livres destinés à l’enseignement primaire sont examinés par
la commission centrale et approuvés par le ministre de l’intérieur, à
l’exception des livres employés pour l’enseignement moral et religieux,
lesquels sont approuvés par les chefs des cultes. »
Il me paraît qu’on pourrait faire un paragraphe additionnel et amener
naturellement ce paragraphe additionnel par l’intercalation d’un mot, ce serait
de dire : à l’exception des livres employés exclusivement
pour l’enseignement de la morale et de la religion.
J’ajouterai ensuite le paragraphe additionnel suivant :
« Les livres de lecture employés en même temps à l’enseignement de
la religion et de la morale sont soumis à l’approbation commune du gouvernement
et des chefs des culte. »
De cette manière, je comble la lacune qu’on a signalée en se prévalant
des explications que j’ai données hier et avant-hier.
Ne croyez pas que ce soit un motif d’amour-propre qui me porte à
maintenir mon amendement, selon moi il conserve mieux au gouvernement la
position qu’il doit avoir. C’est le gouvernement qui approuve les livres, sauf
les cas exceptionnels. La non-approbation, c’est l’exception.
Un autre reproche que je ferai aux amendements des honorables membres,
c’est de déroger à certains égards au principe admis il y a quelques jours,
celui de la non-séparation de l’enseignement de la religion
et de la morale. Dans les deux amendements, on admet un enseignement séparé de
la religion et de la morale. C’est ce que nous n’avons pas voulu. Je ne crois
pas pour le moment devoir entrer dans de plus longues explications.
M. Savart-Martel. - Avant de dire quelques mots sur le fond de la question, je
demanderai la permission d’appeler votre attention sur un objet dont on vous a
entretenus à la séance d’hier. Quelques observations faites à la séance d’hier
par l’honorable M. de Theux, ont été rencontrées par moi, à l’occasion de ce
qui s’est passé aux élections d’Ath.
M. le président. - Si on revient encore sur les élections d’Ath, nous n’en finirons
pas, nous ne pouvons pas ainsi interrompre à chaque instant la discussion.
M. Savart-Martel. - Je ne veux nullement revenir sur les élections d’Ath, mais je veux
faire observer qu’il s’est glissé une erreur dans le compte-rendu de la séance
d’hier, je ne parle pas du Moniteur, car
je ne l’ai pas lu, mais j’ai vu dans les autres journaux, qu’on supposait que
j’aurais parlé d’excès qui auraient eu lieu aux élections de Tournay, et qui
seraient déférés aux tribunaux. Il n’a été question que de la ville d’Ath et
non de la ville de Tournay, où il n’y a pas eu d’excès, et par conséquent pas
de poursuites. Vous voyez, M. le président, que j’avais intérêt à faire mes
observations. (Assentiment).
Je pense que nous sommes d’accord.
M. de Theux. - Je n’ai en aucune manière parlé de faits qui se seraient passés à
Tournay et qui seraient l’objet d’investigations judiciaires, et je n’ai pas non plus jeté le moindre blâme sur l’honorable préopinant. Ce
que j’ai dit, c’est qu’il s’était passé des faits fâcheux à Ath et à Tournay,
que des personnes auraient été insultées, faits dont je n’ai eu connaissance
que par les journaux, n’ayant eu aucun rapport entre les mains.
M. Savart-Martel. - Je n’ai voulu appeler votre attention que sur le fait que des excès
commis aux élections de Tournay seraient soumis aux tribunaux.
Il n’y a pas eu d’excès à Tournay, et par conséquent rien n’est déféré
aux tribunaux.
Passant à la loi qui nous occupe, je ne regretterais point le temps que
nous y employons, si nous parvenions à nous entendre ; mais il me semble que
nous reculons, au lieu d’avancer dans la discussion. Il n’en serait point
ainsi, si l’on s’était arrêté au principe déclaré dans une des dernières
séances, savoir : que la mission du clergé n’excéderait point l’enseignement de
la morale et de la religion.
L’Etat n’a certainement point la prétention de faire des catéchismes ;
mais le surplus de l’instruction est de son domaine. S’agit-il de la doctrine,
le clergé choisira ses livres ; dans tous les autres cas la commission
décidera, elle décidera même sur le premier point si le clergé refusait son
concours.
Je l’ai dit dès le principe, messieurs, nous sommes dans une fausse
position, et je n’étais point si mal avisé, en voulant conserver le statu quo
pour certaines écoles. Nous faisons une loi basée sur la coopération du clergé,
et nous n’avons aucune moyen d’action.
Notre loi ressemblerait à ce qu’on nomme en droit un contrat boiteux, claudiens. L’exécution dépendra de la
bonne volonté d’un tiers. Or le législateur ne peut traiter ainsi les affaires
de l’Etat ; il ne peut ordonner sans moyen d’exécution.
Notre loi, au lieu d’amener à nous le clergé, l’en éloignera peut-être,
ne fût-ce que pour ne rien céder de son indépendance.
Si, pour faire une bonne loi, nous avons besoin de son concours, force
serait-il de traiter avec le clergé comme de puissance à puissance ?
Ce langage étonnera peut-être, mais il est la conséquence de la loi qui
doit être une vérité pour tout le monde. Jusqu’alors, vous auriez beau entasser
concessions sur concessions, vous ne recevriez rien en échange ; car qui vous
garantit que le clergé se contentera d’une loi que nous adopterions même à
l’unanimité ? Notre loi ne sera point la
loi d’amour, mais les caustiques la nommeraient peut-être loi des dupes.
Que l’Etat tente donc un concordat avec le clergé de
Si nous ne voulons un pareil traité, alors ayons le courage de notre
position. Admettons le concours du clergé s’il veut nous l’accorder, mais
travaillons dans la prévision qu’il faudra nous en passer, dans mon opinion,
c’est la chance la plus probable.
Les articles de détail sont d’un faible intérêt ; j’adjure la chambre de
s’arrêter sur un principe, les conséquences se placeront d’elles-mêmes ;
gardons-nous de vouloir les prévoir toutes !
Quant à moi, je voterai pour les
amendements qui laisseront au clergé (s’il veut nous accorder son concours)
toute l’instruction religieuse, mais sous la condition que le surplus de l’enseignement restera dans le domaine de
l’Etat, qui ne pourrait aliéner son droit à cet égard sans les plus graves
inconvénients. (Aux voix ! aux voix !)
M.
le président. - M. Verhaegen se
rallie-t-il au nouvel amendement de M. le ministre de l’intérieur ?
M. Verhaegen. - Je tiens à mon amendement.
M. le président. - Et M. Lebeau ?
M. Lebeau. - Je maintiens mon amendement.
M. le président. - Et M. Orts ?
M. Orts. - Je maintiens également le
mien.
M. le président. - Je suivrai, pour mettre ces différents amendements aux voix, leur
ordre de présentation.
Amendement de M.
Verhaegen
« Les livres destinés à l’enseignement primaire sont examinés par
la commission centrale et approuvés par le ministre de l’intérieur ; ceux qui
sont employés pour l’enseignement moral et religieux sont également soumis à
l’approbation des chefs des cultes. »
- Cet amendement, mis aux voix, n’est pas adopté.
Amendement de M. Lebeau
« Les livres dont il pourra être fait usage dans les écoles primaires de
chaque province seront désignés annuellement, et de commun accord, par le
gouvernement, sur la proposition de la commission centrale d’instruction, et
par le chef diocésain on les consistoires. »
- Cet amendement, mis aux voix, n’est pas adopté.
Amendement de MM. Dolez et
Orts
« Les livres destinés spécialement à l’enseignement de la religion sont
soumis à l’approbation des chefs des cultes.
« Les livres de lecture, et ceux destinés à l’enseignement de la
morale sont soumis à l’approbation commune et du ministre de l’intérieur et des
chefs des cultes.
« Les livres destinés à toutes les autres parties de l’enseignement
sont approuvés par le ministre de l’intérieur, sur la proposition de la
commission centrale, les chefs des cultes entendus. »
- Cet amendement n’est pas adopté.
Amendement de M. le ministre
de l'intérieur
« Les livres destinés à l’enseignement primaire sont examinés par
la commission centrale et approuvés par le ministre de l’intérieur, à
l’exception des livres employés exclusivement pour l’enseignement moral et
religieux, lesquels sont approuves par les chefs des cultes.
« Les livres de lecture employés en même temps à l’enseignement de
la religion et de la morale, sont soumis à l’approbation commune du
gouvernement et des chefs des cultes. »
- Cet amendement est adopté.
Sur la proposition de M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb), la chambre décide que cet article formera l’article
8 ou 9 du titre premier, et qu’elle lui assignera plus tard sa place.
M. le président. - La chambre a maintenant à statuer sur l’art. 7.
M. Lebeau. - Je ferai observer qu’il y a dans cet art. un
paragraphe qui est impératif et par lequel on fait des injonctions aux chefs du
clergé.
M. Verhaegen. - Quel est ce paragraphe ?
M. Lebeau. - C’est le dernier.
Je me borne à signaler le fait. Je demande comment dans les cas de
collision, on obtiendra que force reste à la loi.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Ce dernier paragraphe n’est pas aussi impératif qu’on paraît le
supposer. Une simple réflexion fera voir que le paragraphe n’est impératif que
dans l’hypothèse du concours du clergé. Le clergé accorde son concours. Voilà
comment nous entendons que son intervention s’exécute. Nous ne pouvons rester
dans le vague. Je regarde ce dernier paragraphe comme absolument nécessaire.
M. Dechamps, rapporteur. - J’ajouterai une seule observation à celle de M. le ministre, c’est
que le paragraphe dont l’honorable M. Lebeau demande la suppression n’est pas
plus impératif que l’art. 6, dans lequel nous disons : « L’enseignement de
la religion et de la morale est donné sous la direction des ministres du
culte. » Nous admettons l’hypothèse du concours du clergé. Dans ce cas, le
clergé ne peut avoir d’autres droits que ceux que la loi consacre. Evidemment
il nous est permis à nous législateurs de déterminer les conditions du concours
du clergé tel que nous l’entendons.
Ainsi cet article n’est pas plus impératif que
tous les autres articles de la loi relatifs à l’intervention du clergé dans
l’instruction primaire.
M. Lebeau. - Je demande si l’on
maintien ce paragraphe de l’article : « Les ministres des cultes et les
délégués du chef du culte auront en tout temps le droit d’inspecter
l’école. »
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Oui.
M. Lebeau. - Je conçois qu’on
maintienne la disposition, quant aux délégués du chef du culte, mais quant aux
ministres qui ont la direction de l’enseignement de la morale et de la
religion, c’est un pléonasme ; c’est même un contresens.
M. Verhaegen. - Je désirerais savoir quel sens M. le ministre attache à ce
paragraphe. Les ministres des cultes pourront-ils inspecter non seulement
l’enseignement de la morale, mais toutes les branches de l’enseignement ?
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Ils n’inspecteront pas tout l’enseignement, mais seulement les parties de
l’enseignement dont la direction leur est attribuée par la loi.
M. Verhaegen. - Ils inspecteront en tout temps ?
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Voici pourquoi les mots en tout temps se
trouvent dans ce paragraphe. Il y aura une heure assignée pour l’enseignement
de la religion. Le ministre du culte ne sera-t-il admis à l’école que pendant
cette heure ? Non ; il pourra se présenter à toute heure à l’école. Voilà ce
que nous avons voulu. Je veux bien le déclarer.
M.
le président. - M. Lebeau fait-il une
proposition ?
M. Lebeau. - Non, M. le président, j’ai fait l’observation. je
n’y tiens pas.
L’art. 7 est mis aux voix et adopté avec les modifications suivantes :
au deuxième paragraphe, les mots délégués
des chefs du culte, au lieu de : ministres
du culte où l’école est établie et par le délégué du chef du culte. Au
quatrième paragraphe, par suite de l’adoption de l’amendement de M. le ministre
de l'intérieur, ces mots sont supprimés : « Les livres employés dans
l’école sont soumis à son approbation, en ce qui concerne la morale et la
religion. »
Article 6. Disposition additionnelle
M.
le président. - La chambre passe à la
disposition additionnelle à l’art. 6, proposée par M. Devaux, et dont la
discussion a été ajournée après le vote de l’article 7. Cette disposition est
ainsi conçue :
« Dans les autres parties de l’enseignement, les ministres des
cultes ne pourront intervenir que par voie de conseil et d’avertissement près
de l’autorité civile compétente. »
M. de Garcia. -
Je pense que, par suite de l’amendement de M. le ministre de l'intérieur adopté
par la chambre, il n’y a plus lieu de s’occuper de la disposition additionnelle
proposée par l’honorable M. Devaux, puisque la disposition adoptée décide
quelle sera l’intervention du clergé et de l’autorité civile
dans la surveillance de l’instruction. Ainsi se trouve résolue la question que
soulèverait cet amendement ; lorsque M. Devaux l’a proposé, j’ai présenté des
observations tendant à obtenir ce qui a été accordé par l’amendement de M. le
ministre de l'intérieur.
M. Devaux. - L’amendement de M. le ministre de l'intérieur n’exclut pas mon
amendement, ne le rend pas inutile.
Il n’est relatif qu’aux livres. Ici il s’agit des parties de
l’enseignement autres que la religion et la morale, ce sont donc deux choses
toutes différentes.
J’avais demandé qu’on retranchât de l’art. 6 le mot morale. Je comprendrais la morale
dans la religion. Mais je demandais qu’on n’exclût pas les laïques de
l’enseignement de la morale. On a répondu qu’on l’entendait bien ainsi, mais
qu’on ajoutait le mot morale,
pour qu’il fût bien entendu que le clergé avait le droit d’enseigner la morale.
Je ne pense donc pas que l’on veuille exclure l’autorité civile de
l’enseignement de la morale.
Quoi qu’il en soit, les membres de la chambre qui tiennent le plus à
étendre l’influence du clergé, ont étendu la limite, ont adopté le mot morale ; ils ont dit que le clergé
aurait le droit d’enseigner la morale et la religion.
Maintenant, cette limite posée, je demande que la loi porte qu’il
existera une partie quelconque de l’enseignement où le clergé n’interviendra
pas à titre de droit. La loi lui attribue la direction de l’enseignement de la
morale et de la religion ; je demande (cette prétention est bien modeste) que
dans les autres parties de l’enseignement il ne puisse intervenir que par voie
de conseil et d’avertissement.
Je ne conçois pas qu’on puisse étendre au delà les droits du clergé. Je
conçois qu’il ait ce droit de conseil et d’avertissement qui appartiendra non
seulement à lui, mais encore aux pères de famille et à tous les habitants de la
commune.
Je veux, messieurs, que tous ceux qui ont intérêt à surveiller les
écoles puissent le faire ; je veux que tout le monde puisse faire parvenir à
l’autorité supérieure des avis, des avertissements. Je ne demande pas le
huis-clos pour les écoles, je ne recule pas devant le contrôle, devant la
publicité ; je ne refuse pas aux membres du clergé le droit de donner leur avis
sur ce qu’ils voient.
Remarquez-le bien, messieurs ; qui est le véritable inspecteur de l’école
? mais c’est le ministre du culte. Les inspecteurs
civils visiteront deux fois par an, seulement, l’école. Les bourgmestres des
campagnes sont le plus souvent fort peu en état d’inspecter l’école. Mais le
ministre du culte est toujours là ; il exercera une grande influence dans
l’école et verra beaucoup de choses que d’autres ne verront pas. Eh bien ! je ne veux pas interdire à ce ministre du culte le droit de
faire parvenir ses observations au gouvernement. Je ne crains pas de lui donner
ce droit ; c’est d’ailleurs le droit de tous les pères de famille, de tous les habitants de la commune. Mais je demande que
vous constatiez qu’il y a une partie de l’enseignement dans laquelle le clergé
n’intervient pas à titre de droit. C’est ce que vous avez reconnu, quant aux
livres, par l’adoption de l’amendement de M. le ministre de l’intérieur. Eh
bien, ce que vous avez reconnu quant aux livres, vous pouvez le reconnaître
quant aux parties de l’enseignement qui ne se rattachent pas à la morale et à
la religion.
M. Dechamps, rapporteur. - Le but de l’honorable membre, c’est ainsi qu’il vient de le dire, de
mettre à l’épreuve la sincérité des opinions manifestées dans cette chambre
quant à l’étendue que l’on veut donner à l’enseignement moral et religieux dans
l’école. Mais, messieurs, à la simple lecture des articles 6 et 7, il me paraît
que le doute ici ne peut exister, et que même l’amendement de l’honorable M.
Devaux ne pourrait avoir pour résultat que d’embrouiller une question qui est
claire et qui doit rester claire pour tout le monde.
En effet, que dit l’art. 6 ? L’art. 6, après avoir déterminé les
matières d’enseignement, dit que l’enseignement de la religion et de la morale
est donné sous la direction du ministre du culte professé par la majorité des
habitants de la commune. Ainsi, tout ce qui n’est pas enseignement religieux et
moral est soumis à l’autorité civile.
Mais l’art. 7 ne laisse aucun doute sur cette interprétation. Il dit :
« Quant à l’enseignement moral et religieux, la surveillance par les
délégués des chefs du culte. » La surveillance des écoles, quant à
l’instruction et à l’administration, sera donc l’autorité communale et par les
inspecteurs d’après les prescriptions de la loi.
Ainsi, il est évident, en combinant ces deux articles, et il n’y aucune
espèce d’ambigüité à redouter sur ce point, que la direction et la surveillance
de la partie civile de l’enseignement appartient uniquement à l’autorité
civile, et que la direction et la surveillance de l’autorité religieuse ne peut
s’exercer que sur la partie morale et religieuse de l’enseignement. Il me
paraît impossible qu’aucun doute puisse s’élever à cet égard.
Mais, messieurs, l’amendement de l’honorable M. Devaux introduirait,
pour ainsi dire, ce doute. Car je ne comprends vraiment pas qu’on puisse écrire
dans la loi un droit de pouvoir donner des conseils, des avertissements. En
pratique, comme l’a très bien dit l’honorable membre, je conçois que ce droit
appartiendra non seulement au clergé, mais à tous les pères de famille ; non
pas ce droit, mais cette influence ; il est clair que dans la pratique ces
conseils, ces avertissements pourront toujours être donnés ; mais je ne
comprends pas comment on peut faire de cette influence de conseils et
d’avertissements un droit légal, un droit inséré dans la loi même. Il me paraît
impossible que l’on dise dans une loi : Je déclare que telle autorité peut
donner un conseil ou un avertissement.
Messieurs, on a signalé à l’honorable M. Devaux, dans une discussion
précédente, un inconvénient grave qui résulterait de son amendement. On vous a
dit : Si la loi est adoptée telle qu’elle est écrite, les inspecteurs
ecclésiastiques n’auront le droit, dans leur rapport à M. le ministre de
l'intérieur, que de parler de ce qui est instruction religieuse et morale dans
l’école primaire ; leur compétence ne s’étend pas plus loin. Et maintenant,
messieurs, si l’amendement est adopté, il est clair que les inspecteurs
ecclésiastiques se croiront le droit, ne fût-ce qu’à titre de conseil et d’avertissement,
de comprendre dans leur rapport non seulement ce qui regarde l’enseignement
religieux et moral, mais même les autres parties de l’enseignement. De manière
qu’ici les attributions vont se trouver plus ou moins confondues, et que vous
allez donner lieu à des conflits qu’il est dans l’intention de l’honorable M.
Devaux d’éviter.
Ainsi, messieurs, en résumant ma pensée, je crois que les articles 6 et
7 sont tellement clairs qu’il est impossible de pouvoir les interpréter de manière à reconnaître aux délégués des chefs de culte une
compétence dans la partie purement civile de l’enseignement. Je pense que, sous
ce rapport, ces deux articles ont un sens plus clair que celui que présenterait
l’amendement de l’honorable M. Devaux ; et que, je le répète, cet amendement
pourrait introduire une espèce de doute sur le sens de la loi et faire croire
au clergé qu’il a des attributions que la loi ne doit pas lui conférer.
M. Devaux. - Messieurs, si on s’oppose à mon amendement, c’est qu’il est inutile,
dans l’opinion de ceux qui ne croient pas pouvoir donner trop d’extension aux
droits des ministres du culte dans l’école. Mais que ceux-là veuillent bien
avoir pour les membres d’une autre opinion cette considération que ce qu’ils trouvent inutile peut être utile selon ceux-ci, et que
ce qui abonde ne vicie pas. Si, pour rassurer une autre opinion, vous pouvez
adopter un amendement même inutile, il me paraît que vous devriez
l’accepter. Mais nous avons la preuve même dans cette séance que la
conciliation est une chose vraiment difficile, que ceux qui en parlent le plus
font peu d’efforts pour y parvenir.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Je ne regarde pas cet article additionnel comme seulement inutile, je le
regarde aussi comme dangereux, et c’est pour ce motif que je pense qu’il ne
faut pas l’insérer dans la loi. J’ai présenté, il y a quelques jours, mes
objections à la chambre ; on ne les a pas détruites selon moi.
On enseigne sept choses dans une école primaire ; ces sept choses je les
désigne, et je dis ensuite : Le clergé, de ces sept choses, en enseignera deux.
Faut-il ajouter que le clergé sera étranger à l’enseignement des cinq autres ?
Mais évidemment non. Le clergé n’a que ce que je lui attribuai en quelque sorte
par exception ; le sens de la loi est évident.
Si donc vous gardez le silence, il est évident que le clergé doit se
considérer comme totalement étranger aux cinq autres objets de l’enseignement.
Que fait, au contraire, l’honorable M. Devaux ? Il ne dit pas au clergé : Vous
serez totalement étranger aux cinq autres objets de l’enseignement ; mais il
dit : Pour les deux premiers objets, la direction vous appartient ; pour les
cinq autres, vous interviendrez encore, mais cette fois vous n’interviendrez
plus que par voie de conseil et d’avertissement. Eh bien ! je
dis que cette intervention nouvelle créera une large influence dans la
pratique.
Voilà mes objections. Il me peine de ne pouvoir
accepter cet article additionnel. Je prie l’honorable membre de croire que je
le regrette vivement, et que c’est sérieusement que je le regarde comme
dangereux.
M. Devaux. - Il est dangereux, parce qu’il accorde au clergé un droit que ni M.
le ministre de l'intérieur, ni M. le rapporteur de la section centrale ne lui
contestent pas.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Cette intervention à titre officieux, le clergé l’a de fait, comme tous les
pères de famille et quiconque s’intéresse aux écoles. Mais autre chose est une
intervention de fait que l’on peut faire cesser si elle crée une trop grande
influence, autre chose est une intervention de droit, à titre officieux,
inscrite dans la loi.
- L’amendement de M. Devaux est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
Article 8
« Art. 8. Tous les ans, au mois d’octobre, chacun des évêques
diocésains et les consistoires pour les écoles appartenant aux autres confessions,
communiqueront au ministre de l’intérieur un rapport détaillé sur la manière
dont l’enseignement de la morale et de la religion est donné dans les écoles
soumises au régime de la présente loi. »
- Cet article est adopté.
Articles nouveaux, relatifs à la nomination, à la
révocation et à la suspension des instituteurs
M. le président. - Nous arrivons maintenant à la question de nomination, de suspension
et de révocation des instituteurs. Voici les deux articles proposés par M. le
ministre sur ce point :
« Art. nouveau. La nomination des
instituteurs communaux a lieu par la conseil communal,
conformément à l’art. 86 de la loi du 30 mars 1836.
« Pendant les deux premières années de la mise à exécution de la
présente loi, toutes les nominations seront soumises à l’agréation du
gouvernement. Après ce délai, les conseils communaux choisiront leurs
instituteurs parmi les candidats qui justifieront d’avoir fréquenté avec fruit,
pendant 2 ans au moins, les cours normaux de l’un des établissements soumis au
régime de la présente loi.
« Toutefois les conseils communaux pourront choisir des candidats
ne justifiant pas de l’accomplissement de cette condition, en soumettant la
nomination à l’agréation du gouvernement. »
« Art... Le conseil communal pourra suspendre l’instituteur pour un
terme qui n’excédera pas trois mois, avec ou sans privation de traitement ; le
gouvernement sera appelé à statuer définitivement sur le maintien ou la
révocation de l’instituteur, sur l’avis des inspecteurs, le conseil communal et
l’instituteur entendus.
« Le gouvernement pourra aussi, d’office,
suspendre ou révoquer un instituteur communal, en prenant l’avis des
inspecteurs, le conseil communal ou l’instituteur entendu. »
M. Devaux. - Je voudrais faire une observation sur l’ordre de la délibération. M.
le ministre de l’intérieur a proposé, l’autre jour, de discuter les articles
dont il vient d’être donné lecture avant le titre II ; je n’avais fait aucune
objection à cette proposition, parce que je n’étais pas bien sûr du sens de ces
articles. Mais les ayant examinés de près, une difficulté m’a arrêté, et je
crois qu’elle va se présenter dans la discussion.
Une partie très importante du premier article nouveau, qui vous est présenté,
est celle qui décide qu’après deux ans, les conseils communaux, s’ils veulent
se passer de l’approbation du gouvernement, devront choisir exclusivement leurs
instituteurs parmi les candidats qui auront fréquenté les cours normaux de l’un
des établissements soumis au régime de la présente loi.
Vous voyez que cet article suppose l’existence d’écoles normales et de
cours normaux établis près d’autres écoles. On y parle aussi d’établissements
soumis au régime de la présente loi. Or, jusqu’ici il y a deux choses que nous
ignorons complètement ; nous ignorons ce que c’est que les écoles normales ;
nous n’avons rien décidé encore à cet égard ; nous ignorons aussi s’il y aura
des cours normaux près d’autres établissements, et dans le cas où il y aurait
des cours normaux de ce genre, nous ignorons ce que seront ces cours. Enfin
nous ne savons pas encore quels seront les établissements soumis au régime de
la présente loi. M. le ministre de l'intérieur dit que ce seront les
établissements subventionnés ; mais rien de ce que nous avons adopté jusqu’à
présent ne règle ce point ; de plus, nous ne savons pas ce que veut dire :
« soumis au régime de la présente loi. » Nous ne savons pas jusqu’à
quel point certains établissements subventionnés seront
soumis au régime de la présente loi. Sera-ce pour la nomination des
instituteurs, pour l’inspection ou sous tout autre rapport ? Si donc nous nous
prononcions aujourd’hui sur la proposition de M. le ministre, nous nous
déciderions dans le vague.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Je crois, messieurs, que les difficultés signalées par l’honorable préopinant
sont très réelles. Il y a évidemment connexité entre la question que soulève ma proposition et la question de l’institution des
écoles normales et de l’adjonction de cours normaux aux écoles modèles ; il y a
aussi connexité entre la question de la nomination des instituteurs et d’autres
questions, celle, par exemple, de savoir de quelle manière un établissement qui
ne sera pas une école normale de l’Etat pourra être considéré comme soumis au
régime de la présente loi. Je conviens donc que les observations de l’honorable
membre sont justes et qu’il faudra ajourner la question de la nomination des
instituteurs jusqu’après l’adoption du titre IV.
- La chambre ajourne l’examen de la proposition de M. le ministre de
l'intérieur jusqu’après la discussion des articles qui forment le titre IV du
projet.
M. le président donne lecture des amendements suivants, déposés par M. Rogier. (Nous
donnerons ces amendements.)
Titre II – Inspection et surveillance
M. le président. - La chambre passe à la discussion du titre III
§ 1 – Inspecteurs cantonaux
Article 9
« Art. 9. Il y aura dans chaque canton un inspecteur pour
l’instruction primaire. Ce fonctionnaire est nommé et révoqué par le
gouvernement, sur l’avis de la députation provinciale. La durée de ses
fonctions est de trois ans.
« Il ne reçoit pas de traitement ; une indemnité, qui ne dépassera
pas 400 fr. annuellement, lui sera allouée sur les fonds provinciaux.
« Chaque inspection s’étend sur les écoles communales et sur celles qui
en tiennent lieu, en vertu de l’art. 3 de la présente loi.
« L’inspecteur cantonal se met en rapport avec l’administration
communale.
« Il visite les écoles de son ressort au moins deux fois l’an.
« Il tient note détaillée des résultats de chaque inspection et les
consigne dans un registre accessible en tout temps à l’inspecteur provincial.
« Ce registre contiendra un état statistique du
nombre des écoles de son ressort et des élèves qui les fréquentent, avec
indication des méthodes employées dans chaque école et du degré de zèle et
d’aptitude dont chacun des instituteurs fait preuve. »
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) a proposé de remplacer le
commencement du § 1er par la disposition suivante :
« Il y aura un inspecteur pour un ou plusieurs cantons » et de
placer après le § 3 de l’art. 9, ce qui suit : « Le nombre des inspecteurs
cantonaux est fixé par le gouvernement sur l’avis de la députation permanente
du conseil provincial. »
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Messieurs, le changement que j’ai proposé se réduit à ceci : le projet
supposait d’une manière absolue qu’il y aurait un inspecteur pour chaque
canton, On m’a fait observer que cela pouvait être inutile et que très souvent
dans les campagnes, il pourrait en résulter des inconvénients. Dans plusieurs
viles, il y a différents cantons ; cependant un même inspecteur peut suffire
pour une ville, quelque grande qu’elle soit. Dans les campagnes, surtout en
l’absence d’une organisation cantonale définitive, il y a beaucoup de cantons
très petits, de sorte que très souvent un seul inspecteur pourra suffire pour
deux cantons ou même trois cantons qui se touchent. J’ai donc pensé qu’au lieu
de dire d’une manière absolue : « Il y a aura pour chaque canton un
inspecteur, » il vaut mieux de dire : « Il y aura un inspecteur pour
un ou plusieurs cantons. »
Maintenant il faudra fixer le nombre des
inspecteurs par province, et j’ai propose de dire : « Le nombre des
inspecteurs par province sera par le gouvernement, sur l’avis de la
députation. »
C’est à cela que se bornent les modifications que j’ai proposées.
M. Devaux. - Messieurs, je ferai d’abord une observation que j’ai déjà, c’est
qu’il faudrait comprendre les art. 7 et 8 déjà votés
dans le titre qui nous occupe en ce moment et qui est intitulé :
« Inspection et surveillance », attendu que ces articles concernent
exclusivement l’inspection et la surveillance.
Quant au changement proposé par M. le ministre, je l’approuve en ce
qu’il réduit le nombre des inspecteurs cantonaux. Nos grandes provinces
comprennent environ 30 cantons ; or, sous plusieurs rapports, 30 inspecteurs
cantonaux par province, ce serait trop. Il serait difficile de trouver dans une
province 30 hommes aptes à ces fonctions, que l’honorable M. Brabant a appelés un
apostolat. J’aurai voulu qu’on eût limité le nombre des inspecteurs cantonaux à
6 ou 10 par province ; j’aurais préféré cela à la rédaction proposée par M. le
ministre ; parce que d’après cette rédaction il semble qu’un inspecteur par
canton c’est la règle, et la nomination d’un seul inspecteur pour plusieurs
cantons, l’exception. Les inspecteurs cantonaux doivent se réunir ; si vous
voulez que ces réunions portent quelque fruit, il ne faut pas y appeler 30
personnes ; si vous n’y appeliez que 6 à 10 inspecteurs, elles auraient
certainement de meilleurs résultats.
J’ai une autre observation de détail à faire. On avait fixé le maximum
de l’indemnité à 400 fr., dans la supposition qu’il y aurait un inspecteur par
canton ; mais là où vous ne nommez qu’un seul inspecteur pour plusieurs
cantons, vous ne pouvez pas maintenir ce maximum. Puisque le gouvernement doit
fixer le nombre des inspecteurs après avoir pris l’avis de la députation
provinciale, je ne sais pas s’il y aurait des inconvénients à lui permettre de
fixer de la même manière le montant de l’indemnité.
J’aimerais mieux qu’il n’y eût qu’un
nombre restreint d’inspecteurs et que l’on donnât à chacun une indemnité un peu
plus forte. Ce qui serait juste puisqu’ils auraient plus à faire.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) –
Il pourra y avoir un inspecteur pour un, deux ou trois cantons ; la loi ne s’y
opposera pas. Quand j’ai cité un inspecteur pour un ou pour deux cantons, je
n’ai pas entendu qu’il ne pourrait pas y en avoir un pour trois cantons ; cela
dépend des circonstances, et il est absolument impossible de fixer dans la loi
le nombre des inspecteurs.
Quant à la question de l’indemnité, je pense
qu’il faut fixer un maximum dans la loi, parce que ce sera une disposition
obligatoire, en ce qui concerne les budgets provinciaux.
M. Devaux. -
On pourrait mettre 400 francs par canton.
M. de Mérode. -
Il me semble, messieurs, que d’après l’esprit de l’article, ces inspecteurs
doivent exercer gratuitement leurs fonctions et qu’il faut se borner à les
rembourser des frais qu’ils sont obligés de faire pour l’exercice de ces
fonctions. Il faut prendre garde de ne pas multiplier à l’infini les places
rétribuées. Déjà les ressources ne l’Etat sont
insuffisantes pour couvrir les dépenses ; les provinces sont dans la même
position ; il ne faut donc pas multiplier inutilement les charges du budget
général ou des budgets provinciaux. Je suis convaincu que l’on trouvera très
facilement des hommes zélés, amis de l’instruction qui consentiront à remplir
les fonctions d’inspecteur sans être rétribués de ce chef.
M. d’Hoffschmidt. - Je crois, messieurs, que l’on devrait fixer un minimum plutôt qu’un
maximum ; si l’on disait, par exemple, que l’indemnité ne pourrait pas être
moindre de 400 fr., on aurait une garantie que les députations ne donneront pas
une indemnité insuffisante. Je suis parfaitement d’accord avec l’honorable M.
Devaux sur la nécessité de donner des émoluments convenables aux fonctionnaires
dont il s’agit, qui seront chargés de soins très importants et d’un travail
considérable. Si vous diminuez le nombre de ces fonctionnaires, il est tout
naturel que vous augmentiez leur traitement ; si, d’un autre
côté, vous ne fixez pas de chiffre, si vous abandonnez la fixation aux
députations permanentes, il pourra arriver que, dans certaines provinces
surtout, par des raisons d’économie, l’indemnité soit fixée à un taux trop peu
élevé. Vous éviteriez ces inconvénients en fixant un minimum dans la loi.
M. de Garcia. -
Messieurs, je ne puis partager l’opinion de l’honorable M. d’Hoffschmidt, qui
voudrait fixer dans la loi un minimum d’indemnité, au lieu d’un maximum ; je ne
vois pas dans la fixation d’un minimum la garantie que les provinces ne seront
pas entraînées dans des dépenses exagérées, tandis que j’ai complètement mes
apaisements dans la fixation d’un maximum. Prenons-y garde, messieurs ; en ne
fixant qu’un minimum dans la loi, le gouvernement serait dans son droit en
exigeant que les provinces portassent à leur budget toutes les sommes qu’il
jugerait convenir pour cet objet. Le maximum fixé dans la loi me paraît
suffisant. Il s’agit d’une indemnité et non pas d’un traitement. Or, je crains
que les dépenses ne soient trop largement faites, alors surtout que les
provinces sont déjà grevées de charges considérables. Nous avons voté une loi
sur les chemins vicinaux, qui est venue augmenter le poids des impositions
provinciales et communales ; la dépense qu’il s’agit de créer en ce moment est
indispensable, je le reconnais, mais au moins, je ne veux pas qu’elle soit trop
forte, et en disproportion avec les ressources provinciales.
La fixation d’un maximum me paraît indispensable, un minimum, je le
répète, ne serait pas une garantie suffisante. Peut-être y aurait-il moyen de
concilier les choses ; ce serait d’appliquer aux inspecteurs provinciaux la
disposition qui règle l’indemnité que l’on accorde aux conseillers provinciaux
qui se rendent aux séances du conseil. Cette indemnité est de 5 francs par
jour. On pourrait allouer cette indemnité aux inspecteurs. Il me paraît
d’autant plus juste de leur appliquer ce système, que
parmi les inspecteurs les uns pourront avoir beaucoup de besogne, et que les
autres pourront avoir peu de chose à faire. Conviendrait-il d’accorder aux uns
et aux autres la même indemnité ; n’est-il pas juste que les premiers
obtiennent une indemnité plus forte que les seconds ?
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Messieurs, je n’hésite pas à dire que ce système serait un déplorable système.
L’inspecteur cantonal ne se considérerait comme tenu de s’occuper
d’enseignement primaire seulement aux jours où on lui paie cinq francs ; les
autres jours il se considérerait comme hors de cause. L’inspecteur cantonal
doit s’occuper de l’enseignement primaire du premier janvier au 31 décembre ;
il a, en outre, des tournées à faire, mais ceci est une chose
accidentelle ; il recevra pour ces tournées des frais de voyage, et peut
même recevoir des frais de séjour ; mais il faut qu’il ait une indemnité fixe,
pour qu’il sache qu’il n’est pas seulement tenu de s’occuper d’enseignement
primaire à tel jour, à telle heure, mais qu’il doit s’en occuper du premier
janvier au 31 décembre.
Messieurs, il est indispensable que l’inspecteur reçoive deux genres
d’indemnité, une indemnité fixe et une indemnité variable, à raison des
tournées extraordinaires ; si vous n’admettez pas ces deux indemnités, vous
n’atteindrez pas votre but ; si l’on n’alloue qu’une indemnité fixe,
l’inspecteur ne fera plus de tournées ; si on ne lui
alloue qu’une indemnité variable, il croira que tous ses devoirs se bornent à
des tournées ; il faut éviter l’un et l’autre inconvénient.
M. d’Hoffschmidt. - Un honorable préopinant a objecté à la proposition que j’ai faite, qu’elle
pourrait avoir pour résultat d’entraîner les provinces dans d’assez grandes
discussions. Mais messieurs, vous aurez toujours pour garantie que cela
n’arrivera pas, les conseils provinciaux eux-mêmes ; et, je ne pense pas que
nous voulions nous établir meilleurs conservateurs des deniers provinciaux que
les conseils provinciaux eux-mêmes. Or je ne vois pas pourquoi, puisqu’il
s’agit d’une charge provinciale, l’on n’abandonnerait pas la fixation de
l’indemnité au conseil provincial, car il y a telles provinces riches, par
exemple, qui attacheront toujours une grande importance à l’institution des
inspecteurs d’école et qui voudront qu’ils soient convenablement rétribués ;
pourquoi, dès lors, ces inspecteurs ne seraient-ils pas mieux payés dans ces provinces
que dans les provinces qui n’eut pas autant de
ressources ?
Mais ce que je crains, c’est que les députations
permanentes ou les conseils provinciaux ne fixent des indemnités trop peu
élevées. Je le répète, il me semble très essentiel que ces fonctionnaires aient
une rétribution suffisante. M. le ministre de l’intérieur vient de dire qu’ils
auraient encore une indemnité, une indemnité variable ; en ce cas, cela
améliorerait leur position, et je me rallierais volontiers à cette proposition,
M. de Theux. - Messieurs, il importe d’être bien fixé sur le point de savoir si
l’inspecteur cantonal recevra tout à la fois une indemnité fixe et des frais de
déplacement et de séjour. Quant à moi, je ne vois pas de nécessité d’allouer
les frais spéciaux pour tournées ; je crois qu’une indemnité globale serait
préférable ; les obligations des inspecteurs sont nettement déterminées dans la
loi, il sera tenu de les remplir ; sinon, le gouvernement pourra les révoquer.
Maintenant, on est a fait observer avec raison que si la base de 400
francs était trouvée convenable pour l’inspecteur d’un seul canton, il y aurait
lieu de majorer le maximum pour le cas où l’inspecteur serait chargé de
plusieurs cantons ; on pourrait ajouter dans la loi que ce maximum pourra être
augmenté dans la même proportion, lorsque l’inspecteur
sera chargé de plusieurs cantons.
M. de Garcia. -
Messieurs, j’avais dit que les conseillers provinciaux recevaient une indemnité
de 5 francs par jour, et que je voulais voir appliquer ce système aux
inspecteurs cantonaux. L’honorable ministre de l’intérieur me répond que ce
système serait déplorable, il ne m’en a pas donné la démonstration ; il m’a
seulement observé que dans ce système les inspecteurs ne feraient rien ou
rempliraient mal leurs fonctions. Je ne puis admettre la justesse de cette
objection.
Je pense que les inspecteurs recevront des ordres, et que celui qui ne
remplirait pas son devoir serait destitué. Outre la loi provinciale, nous avons
encore d’autres lois qui règlent les frais de voyage et de séjour. Les jurés,
par exemple, qui se rendent aux assises, reçoivent une indemnité de voyage et
de séjour. D’après ces différents parallèles, je ne trouve pas que le système
que je propose soit aussi déplorable qu’a bien voulu le dire M. le ministre. Je
crois que ce système est plus juste que celui qui tend à fixer un maximum.
Je demanderai maintenant si, outre l’indemnité de 40 francs l’inspecteur
aura encore des frais de voyage et de séjour. La loi n’est pas claire. En
lisant la loi, j’ai cru que l’inspecteur ne pourrait avoir
au plus que 400 francs, y compris ses frais de voyage et si j’ai bien compris
M. le ministre de l’intérieur, il n’en serait pas ainsi ; les inspecteurs
recevraient 400 fr. d’indemnité plus des frais de voyages et de déplacement. Je
demanderai des explications à cet égard ; je ne puis admettre cette
interprétation qui me paraît repoussée par la rédaction de l’article.
M. Devaux. - Messieurs, il me paraît qu’il y a deux systèmes autres que celui du
projet de loi ; l’un consentirait à ne donner que des frais de voyage, et
l’autre à allouer seulement une indemnité fixe.
Si j’ai bien compris l’honorable M. de Garcia, il veut qu’on ne donne
que 5 francs par jour pour frais de voyage ; mais, messieurs, à moins qu’on ne
veuille faire voyager les inspecteurs cantonaux comme voyagent les messagers de
campagne, ils n’auront seulement pas de quoi faire le trajet d’une commune à
l’autre. Il n’y a le plus souvent pas de diligence pour aller d’une commune à
l’autre, il faut une voiture ou un cheval ; ce n’est pas avec 5 francs que les
inspecteurs pourront payer les frais de leurs voyages. Je crois donc qu’il
n’est pas possible d’adopter ce mode par trop économique de faire inspecter les
écoles, mais qui conduirait à n’avoir pas d’inspection du tout.
Quant au système de l’indemnité fixe, il aura à peu près les mêmes
conséquences. Veut-on des inspections ? Si l’on en veut, il ne faut pas engager
les inspecteurs à ne pas se déplacer ; il faut, quand ils se déplacent, qu’ils
soient réellement indemnisés de leurs dépenses.
On m’a reproché, tout à l’heure, de vouloir multiplier les places et de
vouloir augmenter les frais. C’est tout le contraire ; mon désir est qu’on
diminue le nombre des inspecteurs cantonaux, à tel point qu’au lieu de 30
inspecteurs, je me contenterais de six.
Quant aux frais, je me contenterais de beaucoup moins que le projet, car
dans plusieurs provinces le projet suppose une dépense de 1000 fr. pour
indemnité fixe.
Si vous ne nominez que 6 ou 8 inspecteurs par
province, je me contenterai d’une somme beaucoup moindre. Si vous ne voulez pas
réduire à rien les fonctions des inspecteurs, il faut leur donner un traitement
raisonnable et en diminuer le nombre. Il faut leur donner un traitement fixe
pour qu’ils s’occupent de l’instruction primaire, et des frais de voyage pour
qu’ils ne se ruinent pas en faisant leurs tournées.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Je désire que la chambre soit bien fixée sur un point, c’est qu’il faut éviter,
d’une part, de ne donner rien qu’une indemnité fixe, et de l’autre, rien qu’une
indemnité variable. J’ai indiqué des inconvénients de l’un et de l’autre de ces
systèmes. Je le sais par expérience, comme ministre des travaux publics. Les
ingénieurs ont un traitement fixe et des indemnités de voyage ; les conducteurs
n’avaient qu’un traitement fixe ; on a reconnu la nécessité de leur donner
aussi des frais de voyage, parce qu’il était impossible d’exiger d’eux
l’accomplissement de leurs fonctions en ne leur donnant qu’un traitement fixe.
L’honorable M. de Garcia a demandé à plusieurs reprises : Pourquoi n’en
serait-il pas des inspecteurs cantonaux comme des jurés et des membres du
conseil provincial ?
Les positions ne sont pas les mêmes. Un juré siège quinze ou vingt
jours. Ces vingt jours écoulés, sa besogne est finie. Ce n’est pas une besogne
qui s’étend sur l’année tout entière. Les membres du conseil provincial siègent
pendant la session, et la session close, toute leur besogne est finie. La
position des inspecteurs est tout autre ; il a des tournées à faire, et il doit
s’occuper de l’instruction primaire depuis le 1 janvier jusqu’au 31 décembre ;
il a des frais de bureau et de correspondance ; il doit recevoir des lettres et
y répondre ; il doit recevoir les instituteurs, causer avec eux, s’occuper des
ouvrages qu’on lui adressera, se mettre en rapport avec les bourgmestres et
l’inspecteur provincial. Il n’y a pas pour cela des jours fixes pour lesquels
vous lui donnerez une indemnité de cinq francs, Il faut, je le répète, que
pendant toute l’année, il s’occupe de l’instruction primaire.
Comment voulez-vous ne pas donner une indemnité fixe à ce fonctionnaire
à qui vous imposez une besogne continue, une besogne qui n’est pas limitée à
quelques jours comme celle du juré, comme celle d’un membre du conseil
provincial ? Si vous ne lui donnez qu’une indemnité fixe, il croira sa
besogne remplie en restant chez lui ; si vous ne lui donnez qu’une indemnité
variable pour faire de temps à autre des tournées, il ne s’occupera pas de
l’enseignement primaire, hors de ces jours-là. C’est ce que vous ne voulez pas,
c’est ce que vous ne pouvez pas vouloir. C’est ce qui nous engage à vous proposer
un système combiné d’indemnité fixe et d’indemnité variable.
Plusieurs voix. - Quel sera le tarif ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Le tarif sera fixé par un règlement d’administration générale.
Maintenant, il y aurait peut être lieu de fixer un maximum d’indemnité par
canton. Si un amendement de ce genre est déposé, on l’examinera. On pourrait au
besoin y revenir au second vote.
M. d’Huart. - Quant à moi, je n’ai jamais compris qu’on voulût faire de ces
inspections de véritables places à traitement fixe et indemnités variables.
J’ai compris qu’on ferait appel aux gens dévoues, aux amis de la jeunesse, aux
amis de la diffusion des lumières, seulement qu’on ne voudrait pas qu’ils se
déplaçassent à leurs dépens. Je l’ai toujours compris de cette manière, et on
ne peut pas le comprendre autrement sans tomber dans des dépenses excessives,
ce qui ne manquerait pas d’arriver si nous nous bornions à fixer un minimum. On
dit : l’administration provinciale sera là. Mais il sera difficile à
l’administration provinciale de ne pas dépenser. L’expérience de ce qui se
passe prouve qu’on est toujours disposé à augmenter les dépenses, sollicité
qu’on est de différents côtés. Il faut poser des limites précises.
Je n’ai jamais compris qu’il pût s’agir ici de places, car la loi dit
que l’inspecteur aura non pas un traitement, mais une indemnité ne dépassant
pas 400 fr. Un crédit de 400 fr. serait ouvert à
chaque canton et une disposition générale du département de l’intérieur
déterminerait de quelle manière ces 400 fr. seront dépensés ; voilà comment
j’ai compris la disposition.
Approuvant les observations de l’honorable M. Devaux sur la difficulté
qu’il y aurait à trouver dans chaque canton un homme capable de remplir les
fonctions d’inspecteur, je pense qu’on pourrait très bien en restreindre le
nombre à six ou dix par province. On les trouvera alors plus aisément. Il
faudra aussi augmenter la base d’abord adoptée pour leur indemnité. Si on
voulait, par exemple, pour chaque canton en plus, ajouter la moitié de la somme
allouée, on arriverait à un chiffre assez raisonnable ; pour trois cantons, un
inspecteur aurait 800 fr. Avec cela, on peut faire quelques voyages.
M. le ministre me semble dans l’erreur quand il présente les inspecteurs
comme exerçant des fonctions de tous les instants. La loi dit qu’ils feront
deux tournées pour inspecter des établissements dont les éléments
d’enseignement sont déterminés par la loi. Là est toute la fonction de l’inspecteur.
La correspondance quotidienne qu’on lui suppose se bornera à 25 ou 30 lettres,
ou rapports dans une année, et ses voyages consisteront en deux tournées.
Je le répète, quant à moi, je ne puis
pas donner les mains à une disposition qui entraînerait les provinces dans des
dépenses excessives. En posant les limites que j’ai indiquées, on ferait tout
ce qui est désirable pour la bonne exécution de la loi.
M. Dechamps, rapporteur. - Je dois reconnaître que l’interprétation que j’ai donnée et celle
que vient de donner l’honorable M. d’Huart au système que nous avons admis, est
celle-ci : Nous avons voulu créer des fonctionnaires dans les inspecteurs
provinciaux et nous avons voulu qu’ils fussent largement rétribués, parce que
ce seront les seuls qui travailleront exclusivement, qui consacreront tous
leurs soins à l’instruction primaire. Les inspecteurs cantonaux, tels que je
les ai compris, exerceront des fonctions honorifiques, des fonctions de
bienveillance et de dévouement.
Nous n’avons pas voulu en faire des fonctionnaires à places rétribuées,
parce que nous avons cru qu’il y aurait plus de chances de trouver du
dévouement dans notre système, que dans celui qui en fait uniquement des
fonctionnaires.
Messieurs, je ne partage pas l’opinion de M. Devaux, dans un point
surtout. Je conviens qu’un inspecteur par canton, c’était trop, qu’il serait
très difficile, dès le commencement surtout, de trouver dans chaque canton un
inspecteur réunissant les qualités désirables pour exercer des fonctions
honorifiques aussi importantes. Il est cependant désirable qu’on en vienne à la
longue à avoir des inspecteurs par canton, car nous n’avons plus, comme dans la
loi de 1834, un comité local dans la commune.
A défaut de ce comité, il fallait bien placer le premier degré
d’inspection aussi près que possible de la commune. C’est ce qu’on a voulu en
Hollande, où les districts d’instruction primaire sont moins étendus que nos
arrondissements et un peu plus étendus que nos cantons. A mon avis, il est
désirable qu’on en vienne à avoir des inspecteurs par canton. Je conviens que
dans la pratique, et surtout dans le commencement, il faut adopter l’exception
présentée par M. le ministre de l’intérieur. Je ne consentirai pas, dans le but
de rétribuer d’une manière plus large les inspecteurs du premier degré, à en
restreindre le nombre ; il est nécessaire au système de la loi et aux progrès
de l’instruction primaire. Je conviens que l’honorable M. Devaux a fait une
remarque très juste. Nous avons calculé les frais d’après les dépenses
présumables d’un inspecteur pour chaque canton.
Maintenant, puisque d’après
l’amendement de M. le ministre de l’intérieur, on ne nommera pas nécessairement
un inspecteur par canton, puisqu’un inspecteur suffira pour plusieurs cantons,
il faudra ajouter dans la loi une disposition qui autorise la députation à
déterminer le maximum de l’indemnité de l’inspecteur d’après le nombre des
cantons formant son ressort. Cela est conforme aux intentions de la section
centrale. Je ne crois pas devoir aller au delà.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Il m’a semblé que l’honorable M. d’Huart et moi, nous ne comprenions pas même
de la même manière l’article tel qu’il est rédigé. Si j’ai bien compris
l’honorable M. d’Huart, (je suppose, pour mieux me faire comprendre, l’ancien
système du projet de loi, un inspecteur par canton), les 400 fr. par canton
seraient alloués au budget provincial. Mais quel en serait l’emploi ? Il serait
déterminé par un règlement d’administration publique. Cette allocation pourrait
être ainsi divisée : indemnité fixe ; indemnité pour frais de voyage et de
séjour. Il faudrait retrancher le mot loi. Ce serait alors un crédit ouvert par
canton. La loi devrait déterminer ce qu’on ferait de cette allocation.
Je désirerais que l’on fît quelque chose d’analogue à ce que fait l’art.
105 de la loi provinciale, au sujet des députations.
Je proposerai donc de rédiger la disposition, ainsi qu’il suit :
« Il ne reçoit pas de traitement ; une indemnité, qui ne dépassera
pas 400 fr. par canton, sera allouée annuellement sur les fonds provinciaux.
« La moitié au moins de cette somme sera
attribuée à l’inspecteur comme indemnité fixe, le reste étant réservé pour
subvenir aux frais de voyage et de séjour. »
Il y aurait un tarif pour ces frais de voyage et de séjour.
M. Rogier. - Je pense qu’il faut donner une indemnité raisonnable aux inspecteurs
cantonaux, qu’ils aient dans leur ressort un ou plusieurs cantons. Cependant je
ne voudrais pas d’exagération dans cette indemnité. Je ne voudrais pas qu’il en
résultât une charge trop lourde pour le budget provincial. Il importe que la
loi sur l’instruction primaire conserve sa popularité dans les provinces,
qu’elle ne leur cause par des charges trop fortes, alors surtout qu’elle leur
donne très peu d’influence sur l’instruction primaire. Si donc, indépendamment
d’une indemnité fixe, on admet une indemnité particulière, telle que la suppose
l’art. 15, j’aurais désiré que cette seconde indemnité fût à la charge d’un
autre budget que celui de la province. D’après l’explication de M. le ministre
de l’intérieur, il paraît que la somme dont il est question à l’art. 9 suffit
pour les deux indemnités. Dès lors je trouve cette somme réduite à de justes
limites.
Sous le rapport de l’indemnité, comme sous le rapport administratif, il
serait important de nommer un inspecteur, non pas pour chaque canton, mais pour
plusieurs cantons : instituer un inspecteur par canton, ce serait mettre
souvent le gouvernement dans la nécessité d’appeler à ces fonctions importantes
des hommes en dessous de l’importance de ces fonctions. Quant à moi, je
considère cette mission comme des plus importantes ; je tiendrais à la voir aux
mains d’hommes dignes de la remplir. Il ne faut pas que ces fonctionnaires
descendent trop bas dans la hiérarchie administrative, ou dans la hiérarchie
sociale.
Maintenant, il reste à formuler un
maximum et un minimum d’indemnité. J’adopterai le chiffre qui me paraîtra assez
favorable aux inspecteurs, et qui ne grèvera pas outre mesure le budget
provincial.
M. Verhaegen. - Je comptais rester étranger la discussion de cette disposition. Mais
comme je vois qu’il s’agit d’une question de principe, je me détermine à
prendre la parole.
Je suis fort étonné que M le ministre de l’intérieur, qui avait présenté
son système, l’abandonne pour donner la préférence au système de l’honorable M.
d’Huart.
Dans la séance précédente, nous avons fait de vains efforts pour faire
attribuer au gouvernement un droit de contrôle. Tous les amendements que nous
avons présentés dans ce but ont été rejetés. En définitive, dans notre opinion,
le projet de loi met l’instruction primaire dans les mains du clergé. Dans
chaque commune, le clergé à la direction de l’école, et l’instituteur se trouve
être ni plus ni moins qu’un vicaire du curé.
La seule garantie était les inspecteurs cantonaux. Le gouvernement
pouvait compenser par là les inconvénients de la loi. La loi ne nous offrait
aucune autre garantie. Cette dernière ressource vient à disparaître par la
position qu’on veut faire aux inspecteurs cantonaux. M. le ministre de
l’intérieur avait parfaitement raison de dire que l’inspecteur cantonal exercerait
ses fonctions depuis le 1 janvier jusqu’au 31 décembre. C’est ainsi que je
l’entendais : en effet, un canton abandonné à l’influence du clergé n’avait de
garantie pour l’instruction primaire que dans la surveillance continuelle que
le gouvernement aurait fait exercer sur les écoles par l’inspecteur cantonal.
Cette garantie on devait l’avoir d’après le projet de loi. Mais voici qu’une
observation surgit, ayant pour but que les inspecteurs cantonaux soient des
hommes de dévouement. Ces hommes de dévouement visiteront l’école 2 fois par
an, et en définitive ne feront rien. J’avoue que je ne comprends pas que M. le
ministre de l’intérieur. cédant à l’impulsion d’un
honorable membre, abandonne sa proposition première pour admettre celle-ci.
Voilà un revirement d’opinion d’un instant à l’autre.
Comme je tiens à me prononcer, chaque fois qu’il s’agit d’une question
de principe, j’ai cru devoir prendre la parole pour signaler la tendance des
observations qui ont été faites.
M. Mast de Vries. - Les inspecteurs dans les villes n’auront aucun frais de déplacement.
Si vous attachez à ces fonctions un traitement de 400 francs, vous aurez plus
de peine à trouver des inspecteurs que si les fonctions sont gratuites. Pour
moi je considère comme suffisante l’indemnité telle qu’elle résulte de
l’amendement de M. le ministre de l’intérieur.
M. de Mérode. -
L’honorable M. Verhaegen vient de dire que dans le système qu’a fait valoir
l’honorable M. d’Huart, l’instituteur ne serait ni plus ni moins que le vicaire
du curé. Je ne conçois pas que cela effraie. Si l’instituteur n’est que le
vicaire du curé, il en résulte que l’instruction sera morale et religieuse. Je
ne vois pas quelle défiance peut inspirer un curé, en fait d’instruction
primaire. C’est une chose singulière. Le clergé, en Belgique, est rétribué par
le trésor public ; on fait même son éloge. Dès lors je ne conçois pas qu’on
craigne son influence sur l’instruction primaire. J’admets que la surveillance
du gouvernement par le moyen d’inspecteurs sera utile. Mais je ne vois pas que,
pour avoir cette surveillance, il faille créer des places courues par ceux qui
fatiguent sans cesse le gouvernement, en demandant des emplois rétribués.
Vous trouverez facilement, à ce qu’il me semble, des hommes de bonne
volonté qui se chargeront d’inspecter les écoles ; et c’est pourquoi je
désirerai que chaque canton eût son inspecteur. Je voudrais, quant à moi, que
les fonctions d’inspecteur fussent tout à fait gratuites.
Autrefois les hôpitaux avaient des administrations gratuites très bien
dirigés ; les personnes chargées de cette administration s’en occupaient avec
zèle. Aujourd’hui vous avez dans les hôpitaux une quantité de places
rétribuées, et c’est pour le directeur qu’est ordinairement ce qu’il y a de
meilleur. Nous avons à Bruxelles les hospices de Sainte-Gertrude et des
Ursulines qui sont dirigées par des administrations gratuites ; eh bien, ces
hospices sont parfaitement dirigés.
Je crois que la bonne volonté, le zèle de plusieurs personnes pour
l’inspection primaire sont suffisants, sans qu’on ait besoin du stimulant de
l’argent. Comme vous l’a dit l’honorable M. Dechamps, vous aurez des
inspecteurs provinciaux qui seront rétribués ; je comprends qu’on fasse de ces
emplois provinciaux, des fonctions salariées parce qu’ils occuperont
constamment ceux qui en seront chargés. Mais quant aux inspecteurs cantonaux je
voudrais, je le répète, que leurs fonctions fussent gratuites, et ce n’est qu’à
regret que je voterai les 400 francs que l’on nous demande, parce que je crois
que ces 400 francs produiront l’effet qu’a indiqué l’honorable M. Mast de Vries
; c’est que beaucoup de personnes honorables ne se soucieront pas d’être
inspecteurs pour recevoir ces 400 fr. et qu’elles préféreraient ne pas avoir de
traitement.
Je crois en avoir dit assez sur ce point. Mais nous devons aussi
considérer la situation financière du pays ; et celle des provinces n’est pas
plus favorable. On nous demande encore un emprunt de 3
millions et jamais les hommes du gouvernement ne proposent sérieusement des
contributions qui soient à même de faire face à nos dépenses. En continuant à
marcher de cette manière, nous tomberons inévitablement dans le plus grand
désordre financier.
M. Lebeau. - Messieurs, j’ai partagé l’opinion de beaucoup de membres de cette
assemblée sur l’excellence et l’efficacité des fonctions gratuites ; mais je
dois déclarer qu’à mesure que j’ai mis la main aux affaires, J’ai reconnu que
c’était là une belle utopie. Savez-vous, messieurs, ce qui arrive lorsque de
semblables fonctions sont exercées gratuitement ? On les demande quelquefois
dans un accès de dévouement ; on les demande quelquefois aussi pour jeter sur
son nom une espèce de considération, une espèce de lustre, mais une fois ces
deux sentiments satisfaits, on se croise les bras, on se contente de se faire
appeler M. l’inspecteur, et on n’inspecte pas. (C’est vrai.)
II arriverait, dans mon opinion, pour l’instruction des écoles, ce qui
est arrivé pour l’inspection des chemins vicinaux. Je connais plusieurs
provinces où l’on a cru faire chose excellente en instituant des inspecteurs
honoraires chargés de veiller à l’entretien des chemins vicinaux. On avait fait
un appel à leur dévouement, à leurs lumières. Qu’est-il arrivé ? C’est qu’on a
inspecté tant bien que mal pendant un an ou deux et qu’on a fini par ne plus
inspecter du tout ; c’est que, lorsqu’un gouverneur ou un commissaire par
arrondissement donnait un ordre à M. l’inspecteur, il répondait ou faisait
entendre que lui, inspecteur à titre gratuit n’avait pas d’ordre à recevoir
d’un salarié du gouvernement. Voilà, aux termes près, qui ne comportaient
peut-être pas cette crudité, l’espèce de relations qui avait fini par subsister
entre les inspecteurs honoraires des chemins vicinaux et le gouverneur ou les
commissaires d’arrondissement.
Messieurs, on a beaucoup vanté le système de l’inspectorat substitué au
système des comités. Eh bien j’ai pris l’assertion de la section centrale au
sérieux ; j’ai supposé que si on voulait des inspectorats, c’est qu’on voulait
des inspections. Car si on voulait des inspectorats sans inspection, nous
serions en droit de qualifier singulièrement cette partie de la loi. Mais je
crois que ce n’est là l’intention de personne, et spécialement d’aucun des
membres de la section centrale. Eh bien ! dans ce cas
il faut attribuer une rétribution aux inspecteurs cantonaux, si vous voulez
avoir des hommes qui s’occupent sérieusement de leur mission.
Remarquez que ces inspecteurs ne doivent pas se borner à voir ce qui se
passe dans telle ou telle école ; ils seront forcés aussi à quelques dépenses.
Il faut, s’il y a quelque journal qui s’occupe principalement de l’enseignement
primaire, qu’ils s’y abonnent ; s’il paraît des livres spéciaux sur la matière,
il faut qu’ils les achètent ; il faut qu’ils aient une petite bibliothèque,
afin qu’ils puissent s’instruire continuellement des progrès de l’enseignement,
des nouvelles méthodes, etc. Eh bien ! pour cela il y
a des frais ; et quel que soit le dévouement, quelle que voit la philanthropie
que l’on professe, ce dévouement, cette philanthropie n’iront pas jusqu’à faire
ces frais sans aucune espèce d’indemnité.
Je demande donc, pour que les fonctions des inspecteurs cantonaux soient
efficaces, pour que ces inspecteurs aient une espère de responsabilité, qu’ils puissent recevoir les ordres de leurs supérieurs et y
attacher quelque importance, qu’ils soient convenablement salariés. Qu’on en
réduise le nombre, je le veux bien ; qu’on pousse l’économie aussi loin que
l’on peut, je le veux bien encore ; mais quant au système des fonctions
gratuites, je dois dire que superbe en théorie, il est condamné par la
pratique.
M. Dechamps, rapporteur. - Messieurs, la section centrale a voulu une inspection cantonale, et
elle a voulu que cette inspection fût sérieuse et efficace. Mais, messieurs, il
me paraît qu’on ne se rend pas assez bien compte des moyens les plus actifs
pour arriver au but que nous voulons tous.
La section centrale, pour établir des liens entre l’inspecteur cantonale
et les instituteurs, pour rendre leurs relations fréquentes, le plus fréquentes
possible, a voulu obtenir ce résultat par deux moyens, d’abord en rapprochant
autant que possible l’inspecteur de l’école primaire. On passe sous silence
cette réflexion que j’ai eu l’honneur de présenter déjà, qu’il est essentiel de
ne pas placer l’inspecteur du premier degré trop loin de l’école. Car alors
l’inspection deviendra impossible. il est certain, par
exemple, que si vous ne placez qu’un inspecteur dans chaque arrondissement,
l’inspection ne se fera pas ou se fera d’une manière difficile.
Mais, messieurs, on oublie la principale fonction que nous avons attribuée
à l’inspecteur cantonal, c’est celle de présider, au moins tous les trimestres,
des conférences d’instituteurs.
Messieurs, veuillez vous rappeler un fait que j’aime de signaler ici. En
Hollande, où le même système à peu près existe, où il y a des inspecteurs de
districts d’écoles (et comme je vous l’ai dit tout à l’heure, ces districts
d’écoles sous le rapport de la population qu’ils renferment se rapprochent
beaucoup de nos cantons) ; le principal résultat que l’on a obtenu de
l’inspection cantonale, mais c’est précisément les conférences d’instituteurs
sous la présidence de l’inspecteur cantonal ; c’est le résultat le plus
efficace qu’on ait obtenu. Eh bien ! ce résultat
n’existait pas dans la loi de 1806 ; c’est un résultat pratique que l’on a
obtenu par l’inspection que j’appellerai cantonale : ce résultat nous avons
voulu le consacrer par la loi même.
Ainsi, dans l’opinion de la section centrale, les deux moyens qui ont
paru le plus efficaces pour rendre l’inspection cantonale sérieuse, et pour
établir des liens entre l’inspecteur et les instituteurs primaires, consistent
d’abord à ne pas trop éloigner l’inspecteur du premier degré de l’école
primaire et en second lieu de lui donner cette attribution, la plus importante
de toutes, celle de présider les réunions, les conférences d’instituteurs, au
moins une fois chaque trimestre.
Messieurs, vous le comprenez parfaitement bien, les relations que ces
conférences d’instituteurs vont établir seront excessivement importantes sous
le rapport des progrès de l’instruction primaire. Vous comprenez que les
instituteurs du canton se trouvant réunis, tous les trimestres, sous la
présidence de l’inspecteur cantonal, on s’occupera dans ces réunions des
méthodes, des améliorations à apporter dans les écoles. Ce moyen est bien
autrement efficace que les inspections proprement dites.
Ainsi, j’appelle l’attention des honorables membres sur cette
attribution nouvelle, de faire présider les réunions d’instituteurs par
l’inspecteur cantonal. Je dis que, n y eût-il que ces attributions dans la loi,
nous aurions rendu son inspection très sérieuse.
Maintenant, je ne partage pas l’opinion de l’honorable comte de Mérode ;
je crois que nous ne devons pas faire de ces fonctions, des fonctions salariées
proprement dites, à gros traitements, mais il ne faut pas non plus en faire des
fonctions gratuites. Je pense que ces fonctions gratuites auraient pour
résultat de ne pas rendre l’inspection assez sérieuse. Je crois que, quelque
position que puissent avoir les inspecteurs cantonaux dans leur canton, ce
serait les mettre en présence d’une véritable tentation de ne rien faire, que
d’exiger d’eux des frais de tournée, des frais d’inspection sans les
indemniser.
Ainsi la section centrale s’est tenue dans un
juste milieu ; elle a voulu consacrer le principe de fonctions honorifiques,
mais avec indemnité suffisante, et n’a pas voulu de fonctions gratuites.
M. Devaux. - Je ne veux dire que deux mots sur la rédaction.
Nous sommes tous d’avis, si je ne me trompe, que si on laisse au
gouvernement la faculté de nommer un inspecteur par canton, ce doit cependant
être l’exception ; qu’il vaut mieux qu’on réunisse plusieurs cantons. Il me
semble que cet avis a été généralement partagé. Je ne m’oppose pas à ce qu’on
dise : Il y aura un inspecteur pour un ou plusieurs cantons. Mais ne
faudrait-il pas alors supprimer le titre d’inspecteur cantonal ; qu’on dise
simplement l’inspecteur ; et quand nous arriverons aux inspecteurs par
province, nous les appellerons soit inspecteurs en chef, soit inspecteurs
provinciaux, peu importe.
Quant aux fonctions gratuites, il y a dans cette chambre beaucoup de
membres de conseils communaux, des bourgmestres et des échevins, qui ont eu
l’expérience des inconvénients des fonctions gratuites, en ce que ceux qui les
exercent, quoique soumis par la loi à une autorité supérieure, sont dans le
fait presque entièrement indépendants de cette autorité, par cela seul que
leurs fonctions ne sont pas salariées. C’est ce qui se passe dans beaucoup de
communes pour des bureaux de bienfaisance et les administrations des hospices.
C’est un grand inconvénient pour la bienfaisance et pour les hospices,
que ces fonctions soient gratuites. Dans les conseils communaux, lorsqu’il y a
une injonction à faite à ces administrations et qu’on redoute quelque
répugnance de leur part, le premier argument que l’on fait toujours valoir,
c’est que ces fonctions sont gratuites et que, si ceux qui
les exercent donnaient leur démission, l’on serait bien embarrassé pour les
remplacer. Si jamais nous faisons une loi sur les administrations de
bienfaisance et les hospices, je crois que le premier service à leur rendre, ce
serait de rétribuer les fonctions des administrateurs, afin de les mettre dans
la dépendance d’une autorité quelconque.
M. Eloy de Burdinne. -
Je ne partage pas du tout, messieurs, l’opinion de l’honorable préopinant
relativement aux fonctions gratuites, et je pourrais prouver, par de nombreux
exemples, que ces fonctions sont presque toujours très convenablement remplies.
Sous le gouvernement français, les fonctions de bourgmestre, par exemple,
étaient gratuites ; eh bien, à aucune époque on n’a vu ces fonctions aussi bien
remplies qu’alors ; il en était de même, par exemple, des inspecteurs voyers,
et si ces fonctionnaires n’ont pas fait alors tout le bien que l’on aurait pu
attendre d’eux, c’est qu’il n’existait pas de règlement qui les mît à même de
faire exécuter les mesures qui étaient nécessaires à l’accomplissement de leur
mission. La domination française fit place à la domination hollandaise, et vous
savez, messieurs, qu’en Hollande on ne fait rien pour rien ; le gouvernement
des Pays-Bas a donc voulu rétribuer ces fonctions et bien d’autres ; il est
allé jusqu’à payer les commissaires répartiteurs ; les bourgmestres ont été
également rétribués. Eh bien, messieurs, qu’en est-il résulté ? C’est que
beaucoup d’hommes qui convenaient parfaitement pour les fonctions de
bourgmestres n’ont pas voulu accepter la position de fonctionnaires salariés
par la commune, et que ces hommes se sont retirés.
Quant aux inspecteurs-voyers, on leur a souvent donné une tâche trop
forte, mais sous le gouvernement français ils n’avaient à inspecter que les
chemins vicinaux de quelques communes, et alors ils remplissaient leurs
fonctions gratuitement et infiniment mieux que l’ont fait depuis des
inspecteurs salariés. Lorsque ces fonctions ont été rétribuées, elles ont été
tellement mal remplies, notamment dans quelques provinces que je ne nommerai
pas, qu’il a fallu et venir à nommer des inspecteurs honoraires pour surveiller
les inspecteurs salariés. (On rit.)
Il y a encore assez de patriotisme en Belgique,
messieurs, il y a encore assez d’honneur pour que l’on trouve très facilement
des hommes pour remplir gratuitement les fonctions dont il s’agit.
M. d’Huart. - Je pense, messieurs, que la modification proposée par M. Devaux est
inadmissible ; je veux parler de la suppression du mot cantonal qui est ajouté à celui d’inspecteur
dans le § 4 de l’article dont nous nous occupons.
Je crois qu’il faut maintenir cette dénomination d’inspecteur cantonal,
puisque l’art. 10 porte que l’inspecteur cantonal doit
réunir au moins une fois par trimestre les instituteurs de son ressort. On ne
peut pas vouloir réunir les instituteurs de 3 ou 4 cantons à la fois, cela leur
occasionnerait des frais de déplacement auxquels il ne faut pas les assujettir.
Je crois que les réunions cantonales doivent être maintenues, et que c’est par
cantons que l’inspection doit se faire.
L’honorable M. Devaux craint que, si l’on maintient la dénomination
d’inspecteur cantonal, il faille nécessairement nommer un inspecteur pour
chaque canton. C’est ce que je ne pense pas, surtout après les explications qui
nous ont été données par M. le ministre de l’intérieur.
Quant à l’indemnité, messieurs, 400 fr. semblent au premier abord une
somme très minime ; mais savez-vous bien que si l’on donne 400 fr, pour chaque
canton, il en résultera pour les provinces un déficit de 80,000 fr. ; or, c’est
là une charge qui est de nature à jeter la perturbation dans les finances
provinciales.
Il me semble, messieurs, que lorsqu’un inspecteur est nommé pour un seul
canton, une indemnité de 400 fr. n’est pas trop forte, mais lorsque le même
inspecteur a 2 ou 3 cantons dans son ressort, je crois que pour chaque canton
excédant le nombre un, il suffirait de lui donner une indemnité de 200 fr. Je
connais un arrondissement qui comprend 12 cantons ; eh bien, s’il pouvait
convenir au gouvernement de ne nommer qu’un seul inspecteur pour cet
arrondissement, cet inspecteur toucherait à raison de 400 fr. par canton, une
indemnité de 4,800 fr.
Il est désirable, messieurs, qu’il y ait le plus grand nombre possible
d’inspecteurs ; le service ne pourra que s’en ressentir d’une manière fort
avantageuse.
Je ne voudrais pas que les fonctions
d’inspecteur cantonal fussent tout à fait gratuites ; il faut indemniser ces
fonctionnaires des frais qu’ils doivent s’imposer, mais je ne voudrais pas
aller au-delà. Or, en ouvrant, comme je l’ai dit tantôt un crédit de 400 fr.
pour chaque canton où il y aurait un inspecteur spécial et de 200 fr. pour les
autres cantons, je pense que nous aurions pourvu à tout ce que le service
exige.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Je pense, messieurs, que l’on n’ira jamais jusqu’à donner 12 cantons à un même
inspecteur ; on ira, je suppose, jusqu’au nombre 3, et alors, d’après la
nouvelle rédaction que j’ai proposée, l’indemnité serait de 600 fr.
M. d’Huart. - Et les frais de voyage ?
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Mais ce sont là des dépenses qu’il aura faites.
Ainsi, messieurs, on ouvrira un crédit de 400 francs par canton, et la moitié
de ces 400 francs sera attribuée à l‘inspecteur à titre d’indemnité fixe, de
sorte qu’un inspecteur ayant 3 cantons dans un ressort recevrait 600 fr.
d’indemnité fixe. Maintenant il y aura en outre des frais de voyage, mais ces
dépenses, il les aura faites. Vous savez, messieurs, que
le tarif des frais de route et de séjour n’est pas si élevé qu’on puisse faire
d’énormes bénéfices sur les frais de voyage. Quant à ces frais de voyage, ils
seront imputés sur la partie restante des 400 francs dont la moitié aura été
distraite pour former l’indemnité fixe des inspecteurs.
M. de Theux. - Je dois faire une simple observation, c’est que les inspecteurs ne
dépenseront pas 200 fr. en frais de voyage. Il y a des personnes qui sont d’un rang tout aussi élevé que le
seront probablement les inspecteurs cantonaux dans les campagnes et qui
voyagent à pied. Les juges de paix, par exemple, sont dans ce cas. (Aux voix ! aux voix !)
M. de Garcia. -
Je demanderai que dans l’amendement on supprime les mots au moins.
M. d’Huart. - J’appuie cette
suppression.
M. le président. - M. le ministre se rallie-t-il à la suppression demandée par M. de
Garcia ?
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Non. La députation examinera.
- La suppression des mots au moins est mise aux voix ; elle n’est pas adoptée.
L’amendement de M. le ministre de l’intérieur est ensuite mis aux voix
et adopté.
L’article, ainsi amendé, est adopté.
M. Lebeau. - Je désire demander une explication. Il est dit dans l’article que
les inspecteurs cantonaux sont nommés et révoqués par le gouvernement, sur
l’avis de la députation provinciale. Ainsi le gouvernement ne pourrait pas
révoquer ces fonctionnaires d’office ?
Plusieurs membres. - Si, après avoir pris
l’avis de la députation...
M. Lebeau. - Alors il faudrait modifier la rédaction dans ce sens.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Il est reçu que, quand on dit sur l’avis,
le gouvernement est simplement obligé de prendre l’avis ; quand en on veut que
le gouvernement soit lié par l’avis, on dit de
l’avis ou sur l’avis conforme.
M. Lebeau. - Je le veux bien, mais je ferai remarquer alors qu’il pourra arriver
qu’ils soient révoqués, non sur
l’avis, mais contre l’avis de la
députation.
« Art. 10. L’inspecteur cantonal réunira, en conférence sous sa
direction, au moins une fois par trimestre, les instituteurs de son ressort.
« Les instituteurs libres peuvent aussi être admis à ces
conférences si l’inspecteur le juge convenable.
« Des jetons de présence seront accordés aux instituteurs qui y
assisteront. »
« Ces conférences auront pour objet tout ce qui peut concerner les
progrès de l’enseignement primaire et spécialement l’examen des méthodes et des
livres employés dans les écoles. »
M. Rogier. - Il est sans doute bien entendu que lorsque le ressort d’un
inspecteur comprendra plusieurs cantons, l’inspecteur pourra réunir, soit
partiellement, soit simultanément, les instituteurs de son ressort.
Les instituteurs libres, dont
il est question dans le troisième paragraphe, auront-ils des jetons de présence
? Sur quels fonds seront imputés les jetons de présence ?
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Messieurs, nous pourrons nous occuper de cette dernière question, lorsque nous
discuterons l’art. 19. Quant à la première observation faite
par l’honorable préopinant, il doit être entendu que l’inspecteur ayant
plusieurs cantons dans son ressort, pourra réunir les instituteurs tous
ensemble ou séparément, par canton. Cela dépend de l’étendue du ressort. Dans
le Luxembourg, par exemple un ressort de
trois cantons serait trop étendu ; il faut, je crois, laisser ceci à
l’exécution.
M. Orts. - On parle de jetons de
présence ; je ferai remarquer que, d’après
l’art. 15, ces jetons de présence feront l’objet d’un règlement
d’administration générale.
M. Dubus (aîné). -
Je désirerai savoir s’il y a obligation pour tous les instituteurs dont
s’occupe l’article de se déplacer pour assister aux réunions, et
particulièrement là où un certain nombre d’instituteurs sont attachés à une
école ; pourront-ils déléguer l’un d’entre eux pour assister à la conférence au
nom de l’école ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Ces cas seront très rares, mais il pourra y avoir dispense pour un
certain nombre d’instituteurs. Il est bien évident qu’une école, desservie par
8 instituteurs, par exemple, peut être suffisamment représentée par l’un
d’entre eux. Au reste, je pense qu’on n’ira pas précisément choisir les
réunions les jours où l’école se tiendra ; on choisira, s’il n’y a pas
d’inconvénient, les dimanches et les jours fériés.
M. Brabant. -
Messieurs, je trouve que les réunions des instituteurs sont une excellente
chose ; je crois cependant qu’on ne doit pas en faire une application absolue.
Je voudrais que l’inspecteur provincial pût dispenser les instituteurs
parfaitement au courant de leur état, d’assister aux réunions.
J’ai à faire une autre observation, c’est que dans les grandes villes,
il s’agit qu’un instituteur communal ne vive pas seulement du traitement qu’il
reçoit comme instituteur communal, mais qu’il donne
encore des leçons particulières. Je connais, entre autres, un instituteur
communal de la ville de Namur qui, après avoir donné sa leçon avec beaucoup de
zèle, emploie le surplus de son temps à donner des leçons dans les langues
anciennes. Je demande si l’inspecteur provincial sera autorisé à accorder des
dispenses aux instituteurs qu’il croirait n’avoir pas besoin d’assister aux
réunions.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Rien ne s’opposera à ce que l’inspecteur donne des dispenses ; mais
il serait dangereux de l’écrire dans la loi. Je tiens à ce que des instituteurs
distingués, comme celui dont a parlé l’honorable préopinant, assistent au moins
à quelques-unes des réunions ; ce sont précisément ces instituteurs qu’il faut
y attirer. Je ferai, au reste, remarquer qu’il y a des jetons de présence.
M. de Theux. - J’entends qu’on fait des observations sur la déclaration de M. le
ministre de l’intérieur qu’on fixerait de préférence les dimanches pour les
réunions des instituteurs ; M. le ministre doit examiner si ces réunions fixées
au dimanche ne présenteront pas d’inconvénient.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Mes paroles ne peuvent être entendues que dans ce sens.
M. le président. - Personne ne demandant plus la parole, je mets aux voix l’art. 10.
M. d’Huart. - Mais l’honorable M. Rogier n’a-t-il pas proposé de modifier le § 1er
?
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Je propose de terminer le § de cette manière : Les institutions de son ressort ou de chaque canton.
- L’article 10, avec ce changement, est mis aux voix et adopté.
« Art. 11. Un règlement arrêté par le conseil communal, sur la
proposition de l’inspecteur cantonal, et approuvé par la députation du conseil
provincial, déterminera dans chaque commune, la rétribution des élèves, les
jours et les heures du travail les vacances, le mode de punition et de récompense. »
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - J’ai proposé d’ajouter après les mots : l’instruction des élèves,
ceux-ci : et le mode de recouvrement.
L’insertion de ces mots est indispensable.
M. Rogier. - Je ferai observer que le règlement sera arrêté sur la proposition de
l’inspecteur cantonal, et que l’intervention de l’inspecteur provincial ne sera
pas exigée. Si l’on veut mettre de l’homogénéité dans ces règlements, il faut que
l’inspecteur provincial soit entendu.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - L’observation me paraît fondée.
M. de La
Coste. - Je demanderai une explication sur
ce mot : le mode de recouvrement.
Entend-on qu’il pourrait y avoir des recouvrement forcés, qu’on pourrait exiger
que tous les enfants allassent à l’école et demander ensuite la rétribution
scolaire comme contribution. Comme la chose a existé dans quelques provinces,
notamment dans la province de Luxembourg, je pense que mon observation n’est
pas oiseuse.
M. de Theux. - L’on n’entend nullement parler atteinte au principe que la
rétribution est perçue au profit de l’instituteur : le mode de recouvrement
m’importe peu.
M. de La
Coste. - J’ai demandé si les enfants
seraient forcés d’aller à l’école, si, comme certaines observations de M.
Pirson peuvent le faire supposer, on emploiera des moyens coercitifs pour les faire
aller à l’école, et si, dans ce cas, on forcera de payer la rétribution. On
devrait être libre d’aller ou de ne pas aller à l’école. Le recouvrement ne
doit être forcé que pour ceux qui vont librement a
l’école.
M. le ministre
de l’intérieur (M. Nothomb) - Beaucoup de communes ont un
mode de recouvrement humiliant pour l’instituteur. Il doit aller, comme un
mendiant, de maison en maison, réclamer la rétribution qui lui est due pour les
enfants qui vont à l’école. Cela ne doit pas être. Il faut que la commune sauve
la dignité de l’instituteur, qui lui aussi, a sa dignité. La députation
permanente sera juge du moyen. Si on ne procède pas ainsi dans beaucoup de
communes, on fixera la rétribution des élèves, et l’instituteur l’obtiendra ou
ne l’obtiendra pas, suivant qu’il fera ou qu’il ne fera pas de démarches.
M. de La Coste a demandé si les pères de famille ne seraient plus libres
de ne pas envoyer leurs enfants à l’école. Ils seront libres d’envoyer ou de ne
pas envoyer, mais une fois les enfants envoyés, il faut payer, et de la manière
la plus convenable et la plus décente pour l’instituteur, C’est ce que
déterminera la députation permanente.
M. de La Coste. -
Cette explication me satisfait.
- L’article est adopté.
§ 2 – Inspecteurs provinciaux
« Art. 12. Il y aura un inspecteur-général dans chaque province du
royaume.
« Ce fonctionnaire est nommé et révoqué par le Roi ; il jouit d’un traitement
de 3,000 fr. par an, sur le trésor public.
« Il inspecte, au moins une fois par an, toutes les écoles
publiques de son ressort.
« Il doit présider annuellement l’une des conférences d’instituteurs
dans chaque canton et y recueillir tous les renseignements consignés dans les
registres d’inspection cantonale.
« Il se met en rapport avec les inspecteurs cantonaux qui lui sont
subordonnés dans l’ordre hiérarchique. »
M. de Theux. - Je demanderai si, outre le traitement de 3 mille fr., ces
inspecteurs auront des indemnités de route.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Oui, il est entendu qu’outre le traitement de trois mille francs, l’inspecteur
provincial recevra des frais de voyage et de séjour. Je m’en réfère aux
explications que j’ai données quand il s’est agi des inspecteurs cantonaux.
M. Demonceau. - Je crois qu’il faut, dans l’article, retrancher le mot général.
M. Lebeau. - Je ferai observer que ce doit être une faute d’impression, car à
l’art. 3, on se sert des mots inspecteurs
provinciaux.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je demande qu’on mette le § 4 en harmonie avec l’art. 10 et qu’on
dise : « Il doit présider annuellement les
réunions d’instituteurs mentionnés à l’article 10, etc. »
M. de Mérode. -
On ne nous donne aucun chiffre indiquant ce que coûteront les frais de tournée.
Je désirerais connaître approximativement quelle sera la somme de ces frais de
voyage. Il devrait y avoir au moins un maximum fixé. Je prierai M. le ministre
de nous indiquer à combien cette dépense pourra s’élever approximativement.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Cette dépense sera à la charge du trésor public, mais je pense qu’avec
l’organisation proposée, le chiffre porté au budget sera peut-être suffisant
parce qu’il y aura à certains égards diminution de dépenses pour l’Etat. Nous
examinerons cela à l’art. 17.
M. de Mérode. -
Et les frais de voyage, à combien s’élèveront-ils ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - L’honorable membre sait qu’il n’y a pas de prodigalité dans les frais
de voyage qu’on accorde, surtout dans l’intérieur du pays.
Quant au chiffre, je ne puis l’indiquer maintenant.
M. Lebeau. - Il est impossible préciser la somme de cette dépense. Le
gouvernement est plus intéressé que personne à ce qu’on se renferme dans les
limites les plus raisonnables. Je ferai remarquer que ces frais sont
essentiellement variables. A mesure que l’enseignement s’améliorera, les
inspections pourront être moins fréquentes. Dans le
commencement surtout, il me paraît impossible d’indiquer même d’une manière
approximative la somme de la dépense.
M. Dedecker. - Je pense que l’intention de tous les membres de la chambre est que
l’inspecteur provincial se consacre tout entier à l’accomplissement
de ses fonctions. Je désire, à cet effet, qu’on ajoute à l’article un
paragraphe additionnel, par lequel il serait défendu à ces inspecteurs
d’accepter d’autres fonctions. Tous nous avons intérêt à ce qu’ils ne puissent,
en aucune occasion, revêtir un caractère politique.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - L’article 12 peut être voté sous la réserve de la question que vient
de soulever l’honorable membre, il pourrait présenter un amendement, on
l’imprimerait, et on l’examinerait.
M. Devaux. - Je demande la discussion
immédiate.
M. le président. - Voici le paragraphe additionnel que propose M. Dedecker :
« Les inspecteurs provinciaux ne pourront exercer aucune autre
fonction salariée. »
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Les principes généraux sur le cumul existant, je ne vois pas pourquoi,
par exception, on introduirait cette disposition dans la loi que nous faisons.
Le gouvernement appliquera ici ces principes comme il les applique à d’autres
cas.
Une voix. - Il n’y a pas de loi sur le cumul.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Le gouvernement a admis en principe qu’en l’absence de toute loi sur le cumul
il fallait suivre certains principes, il les applique.
Je crois que l’on pourrait citer très peu de cas de cumul.
Je conçois que l’on puisse être inspecteur provincial en occupant un
autre emploi très secondaire ; je conçois que l’on puisse dans ce cas cumuler
les deux fonctions. Mais j’admets une autre hypothèse où l’on ne puisse pas
cumuler les fonctions : c’est lorsqu’outre son traitement de 3,000 francs,
l’inspecteur provincial recevrait un autre traitement
supérieur peut-être même à 3,000 fr. Dans ce cas, le gouvernement ne
permettrait pas le cumul. Voilà les principes que suit le gouvernement. Je ne
sais pourquoi l’on anticiperait dans cette loi sur la loi spéciale que nous
devons faire sur le cumul.
M. Lebeau. - Outre les raisons données par M. le ministre de l'intérieur, je
crois que dans des cas que n’a pas prévus l’honorable M. Dedecker, il pourrait
résulter de sa proposition d’assez graves inconvénients. Il pourrait arriver
que dans tel arrondissement judiciaire un bourgmestre d’un chef-lieu de canton
convienne aux fonctions d’inspecteur provincial ; il ne pourrait y être appelé,
car les fonctions de bourgmestre sont salariées. L’amendement de l’honorable M.
Dedecker dit simplement fonctions
salariées, il ne distingue pas entre les fonctions salariées par l’Etat, la
province ou la commune.
En général, ce sont là des dispositions qui ont quelque chose de petit
et d’étroit. Je n’aime pas beaucoup à la voir se glisser dans la législation.
Vous avez la garantie du choix du gouvernement, vous avez la responsabilité
morale du ministre. Vous aurez la loi sur le cumul, dont vous pourrez étendre
les dispositions autant que vous voudrez. Je crois qu’il ne faut pas aller plus
loin.
Je viens de citer un exemple qui a échappé à l’honorable M. Dedecker. Il
y en a d’autres qui ne me reviennent pas maintenant à la mémoire, mais qui
peuvent être tels que l’honorable membre lui-même regretterait l’adoption de sa
proposition.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Qu’entend-on par fonctions salariées ?
M. Dedecker. - Je crois que, pour atteindre complètement le but, il faudrait
substituer au mot salariées
les mots donnant lieu à un traitement ou
à une indemnité.
Plusieurs membres. - A charge de qui ?
M. Dedecker. - A charge de l’Etat.
Je suis étonné que mon amendement rencontre de l’opposition précisément
de la part des honorables membres qui avaient paru craindre que les fonctionnaires chargés de la surveillance de
l’instruction publique ne devinssent des hommes politiques. C’est pour prévenir
cet inconvénient que j’ai présenté ma proposition, parce que je veux que dans
une question tout à fait sociale comme celle-ci les hommes auxquels le
gouvernement accordera sa confiance n’aient aucun caractère politique.
Quant à l’inconvénient signalé par l’honorable M. Lebeau, il n’existe
pas au degré qu’il a indiqué. S’agit-il d’un bourgmestre d’une grande ville,
évidemment il ne pourra cumuler avec ses fonctions
celles d’inspecteur provincial. Dans une petite ville, le bourgmestre pourra renoncer
à son traitement de bourgmestre et recevoir celui d’inspecteur. Il est salarié
par la commune. Mais on voit que dans tous les cas l’inconvénient n’existait
pas.
M. d’Hoffschmidt. - Il me semble aussi que la disposition proposée est trop absolue. On
pourrait établir quelques incompatibilités, mais il me semble qu’il ne convient
pas de déclarer que tous les fonctionnaires quelconques ne pourront être
inspecteurs provinciaux, par cela seul qu’ils touchent un traitement. Je trouverais tout naturel que les commissaires de
district, les membres de la députation et des chambres fussent exclus. Mais je
ne vois pas la nécessité de le déclarer d’une manière absolue. Il ne faut pas
restreindre le choix du gouvernement.
M. Rogier. - Je crois qu’on aura beau faire, les fonctionnaires qui seront nommés
inspecteurs provinciaux par le gouvernement, auront nécessairement un caractère
public, un caractère politique. Si donc l’amendement a pour but d’éviter à ces
fonctions leur caractère politique, je ne pense pas qu’il l’atteigne.
Je ne sais pas pourquoi les membres de la chambre, qu’on doit supposer
choisis parmi les hommes les plus éclairés du pays, seront exclus des fonctions
d’inspecteur provincial. Je crois que l’on trouverait parmi eux des hommes de
loisir, des hommes de dévouement qui se consacreraient avec beaucoup d’utilité
à ces fonctions.
En second lieu, dans une sphère moins élevée, on pourra trouver des
inspecteurs provinciaux excellents, par exemple parmi les juges de paix.
M. Vanden Eynde. -
La constitution s’y oppose.
M. Demonceau. - Tous les membres de l’ordre judiciaire sont exclus.
M. Raikem. - A moins qu’ils n’exercent leurs fonctions gratuitement.
M. Rogier. - Oui, ils pourront exercer leurs fonctions gratuitement.
Ensuite il faut qu’on puisse prendre les inspecteurs parmi les
professeurs extraordinaires, et parmi les professeurs agrégés qui ne reçoivent
qu’une indemnité de 1,000 ou 1,2000 fr. ; assurément ce sont là des hommes
compétents.
En général, je crois que le gouvernement préférera pour ces fonctions un
homme qui pourra y consacrer tout son temps ; cependant il ne faut pas
interdire au gouvernement de prendre les hommes qui conviendraient à ces
fonctions parmi les fonctionnaires recevant un traitement ou une indemnité.
Pour ma part, si l’amendement de M. Dedecker était admis, je crois que, loin
d’exclure des fonctions d’inspecteur provincial les hommes politiques, il les y
appellerait en quelque sorte. En effet, les professeurs, les fonctionnaires qui
se trouveraient exclus n’ont pas de couleur politique ; ils ne se compromettent
ni dans l’une, ni dans l’autre opinion. S’ils sont exclus, le ministère se
trouvera forcé de prendre les inspecteurs parmi les hommes de telle ou telle
couleur, selon qu’il sera de telle ou telle couleur.
Je pense donc qu’il ne faut pas
établir des incompatibilités d’une manière absolue.
M. Dechamps, rapporteur. - Il est assez difficile de pouvoir apprécier d’une manière rapide un
amendement qui a une certaine portée. Tout en convenant qu’il ne faut pas
introduire dans la loi des principes trop absolus, il faut reconnaître que
cette proposition a un côté sérieux. Nous voulons que les inspecteurs
provinciaux remplissent leurs fonctions avec tout le dévouement que réclame une
œuvre de patience comme l’instruction primaire. Sans doute le gouvernement aura
égard dans son choix aux qualités qui sont nécessaires pour bien remplir ces
fonctions. Cependant le gouvernement peut avoir la main forcée par les
influences politiques. Vous concevez que les membres des chambres et des
conseils provinciaux ont auprès du gouvernement une certaine influence qui rend
son choix moins libre qu’il est désirable qu’il ne le soit. Je voudrais que ces
fonctions fussent le moins du monde politiques. Je ne partage donc pas l’avis
de l’honorable M. Rogier.
Je ne ferai pas de proposition.
Cependant j’aurais voulu, comme l’honorable M. d’Hoffschmidt, que l’on établît
quelques incompatibilités telles que celles des membres des conseils
provinciaux et des chambres.
M. de Garcia. -
Je crois que la proposition de l’honorable M. Dedecker est utile en elle-même,
mais qu’elle ne serait pas à sa place dans la loi en discussion. Cette matière
doit être traitée d’une manière générale et d’après des principes coordonnés
entre eux. La loi sur le cumul sera rédigée d’après les divers principes qui
doivent la dominer. Elle aura pour effet, non seulement d’empêcher les
inconvénients politiques de la réunion des fonctions diverses, mais encore de
diminuer les dépenses. C’est-à-dire que dans la loi du cumul, nous admettrons
dans certains cas, je pense, qu’on puisse cumuler des fonctions, en renonçant
au traitement, ce qui dans d’autres cas, dans d’autres circonstances ne pourra
avoir lieu.
Quant à moi, je le répète, je crois la proposition de l’honorable M.
Dedecker utile. Mais je crois qu’il conviendrait de l’ajourner.
Plusieurs membres. - Oui, à demain.
M. de Garcia. -
Non, pas à demain, mais à la discussion de la loi sur le cumul. En effet
comment établir un principe absolu, général dans une matière spéciale. Il faut
poser des principes généraux ; ils ne peuvent être posés que dans la loi sur le
cumul. Je demande donc l’ajournement de la proposition.
M. Devaux. - Je crois aussi que la loi sur le cumul doit suffire à tous, et que
dans le choix assez difficile de ces fonctionnaires, il faut laisser toute
liberté au gouvernement. Ainsi, si dans un tribunal peu chargé de besogne, à la
cour de cassation, par exemple, il se trouve un homme qui renonce au
traitement, et qui offre assez de garanties personnelles, assez de garanties
d’activité pour occuper ces fonctions, les lui refusera-t-on ? Evidemment non.
Il faut laisser une grande latitude au gouvernement, d’autant plus qu’à raison
des règles observées sur le cumul, la seule chose qui puisse arriver, c’est que
des fonctionnaires touchant un traitement très faible perçoivent les trois
mille francs de l’inspectorat en renonçant à celui dont ils jouissent. Cet
homme, ce sera peut-être un bibliothécaire, homme qui, par ses fonctions,
s’occupe le plus de livres, des matières qui touchent de près à l’enseignement.
C’est peut-être un archiviste, un homme qui remplit quelque fonction
philanthropique ; ces hommes sont toujours très rares et quand on peut les
utiliser de deux manières, je ne vois pas pourquoi on s’y refuserait.
Voyez quelle singulière situation vous allez créer au gouvernement. Il
ne pourrait nommer, par exemple, un professeur d’une université de l’Etat, même
sans cumul ; mais il pourrait nommer un professeur de l’université libre, et
celui-ci toucherait le traitement. Il ne pourrait nommer un professeur ou un
inspecteur d’un collège, lorsque le collège est à l’Etat ; mais il pourrait nommer
ce professeur ou cet inspecteur s’il appartenait à un collège libre.
Jamais on n’a élevé pour des fonctions analogues de semblables
difficultés. Ainsi, les membres des chambres peuvent être administrateurs
d’université. Nous connaissons un honorable membre qui, avant d’être sénateur,
recevait une indemnité comme représentant, et qui exerce les fonctions
d’administrateur de l’université de Gand. Je ne pense pas que personne s’en
soit plaint.
Une chose singulière, c’est que vous contrevenez vous-même chaque année
à ce principe. Car s’il est des fonctions qui ressemblent à celles que nous
instituons, ce sont celles de membres du jury d’examen. Or, vous n’avez pas
exclu de ces fonctions les fonctionnaires, les membres de l’ordre judiciaire,
les membres des chambres, au contraire, chaque année vous y nommez des membres
des deux chambres (en quoi je pense que vous avez peut-être tort), et le membre
qui vient de demander la parole probablement pour me combattre, siège lui-même
comme membre du jury d’examen.
M. Demonceau. - Je n’ai nullement l’intention de vous combattre.
M. Devaux. - Il s’agit cependant de fonctions du même genre ; il s’agit également
d’inspection. Et quand vous trouvez les membres de la chambre capables, par
dessus tous les autres, de faite cette inspection, ici où il s’agit d’un
enseignement moindre, vous devez à plus forte raison les trouver capables.
Convenez donc qu’il n’y a pas de raisons pour mettre ces seules
fonctions dans ce cas exceptionnel. Je crois qu’à certains égards on a déjà
établi trop d’exclusions. Quant à moi, je regretterai toujours l’exclusion de
la législature que vous avez prononcée contre les membres de la cour de
cassation. Je crois qu’on a eu grand tort, et je crois qu’on aurait grand tort
d’écarter de l’inspection des écoles, les hommes aptes a ces fonctions, quelque
part qu’ils se trouvent, ils ne seront jamais trop nombreux.
Je vous rappellerai que lorsque les fonctions d’inspecteurs existaient
sous le gouvernement hollandais, il y avait des fonctionnaires salariés qui les
exerçaient très convenablement. Je pourrais citer M. de Gerlache qui faisait
partie de l’inspection de la province de Liége. Je connais aussi dans d’autres
provinces des hommes qui faisaient partie de ces commissions et qui en étaient
des membres très utiles ; il y avait des fonctionnaires administratifs, des
greffiers de tribunaux. Je ne vois pas pourquoi sir Walter Scott, qui était
greffier, n’aurait pas pu exercer les fonctions d’inspecteur. Quant à moi je
désirerais qu’on trouvât beaucoup d’inspecteurs de ce mérite.
Je demande donc qu’on ne fasse pas
d’exception pour ces fonctions et qu’on les laisse dans la classe de toutes les
fonctions quelconques qui sont à la nomination du gouvernement.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Je désire beaucoup qu’on laisse au gouvernement toute latitude. Messieurs, je
pense qu’autant que possible il faudra choisir les inspecteurs provinciaux en
dehors des assemblées délibérantes, et, en second lieu, aussi en dehors
d’autres fonctions. Il faut que ces fonctionnaires appartiennent entièrement
aux fonctions qu’il s’agit de leur conférer, fonctions qui exigeront toute leur
activité, surtout la première année. Mais cependant, tout en exprimant ces
intentions, je ne voudrais pas qu’elles fussent inscrites d’une manière absolue
dans la loi.
Maintenant, il y a d’autres incompatibilités à respecter. Les fonctions
d’inspecteurs sont-elles compatibles avec celles de ministre d’un culte
quelconque ? Moi, je pense qu’il ne faut pas nommer inspecteur provincial, ni
même cantonal, un ministre d’un culte. Mais cependant faut-il le mettre dans la loi ? Je ne le pense pas. Il y a certaines convenances qui
indiquent ces incompatibilités comme beaucoup d’autres ; il faut s’en
rapporter, sous ce rapport, au
gouvernement.
M. Demonceau. - Messieurs, si la proposition de l’honorable M. Dedecker avait pour
but d’empêcher qu’un fonctionnaire à qui l’on déléguerait les fonctions
d’inspecteur, ne reçût pas ce traitement, mais reçût seulement des indemnités
de déplacement, je l’appuierais. Mais prononcer une exclusion aussi étendue que
celle que prononce l’amendement de l’honorable membre, il me semble que c’est
aller trop loin,
Quant aux fonctionnaires de l’ordre judiciaire, on peut sans doute leur
donner ces attributions, mais ils devront les exercer gratuitement, seulement
ils obtiendront une indemnité lorsqu’ils se déplaceront. C’est dans cette
position que je me trouve comme membre du jury d’examen ; et je suis vraiment
peiné pour l’honorable M. Devaux, que cet honorable collègue ait cru devoir
s’occuper de moi, sans m’avoir entendu.
L’honorable membre n’aurait pas dû supposer
que j’aurais voulu combattre un principe dont je profite moi-même pour remplir
le mandat dont vous m’honorez. Dans cette assemblée, comme dans la
magistrature, il existe des hommes honorables qui ont rempli et remplissent
encore les mêmes fonctions. Je borne là ma réponse à M. Devaux.
M. Dedecker. - D’après les observations qu’on vient de présenter, je conviens
également qu’il y a des inconvénients à une exclusion trop générale et trop
absolue. Je m’en réfère donc aux explications données par M. le ministre, et je
retire mon amendement.
M. le président. - L’amendement étant retiré, nous passons à l’art. 13.
Articles 13
à 15
« Art. 13. Les inspecteurs provinciaux se réunissent tous les ans en commission
centrale sous la présidence du ministre de l’intérieur.
« Le ministre pourra les convoquer en session extraordinaire, quand
l’intérêt de l’instruction l’exigera. »
____________________
« Art. 14. Chaque inspecteur provincial soumet à la commission
centrale, pour en délibérer, un rapport sur les écoles primaires de son
ressort, comprenant l’analyse des registres d’inspection cantonale. La
commission réunit en un seul travail général les renseignements qui sont
consignés dans ces rapports, sur les écoles, les maîtres et les élèves, en ce
qui concerne autant les données statistiques que l’usage des méthodes et le
zèle et la capacité des instituteurs. Elle provoque les améliorations et les
réformes jugées nécessaires, et fournit au ministre les renseignements dont il
pourrait avoir besoin. »
____________________
« Art. 15. Un règlement d’administration générale déterminera plus
spécialement, d’après les principes de la présente loi :
« 1° Les attributions des inspecteurs et de la commission centrale
d’instruction ;
« 2° Les objets des conférences cantonales, ainsi que les localités
où ces conférences devront s’ouvrir ;
« 3° L’indemnité à accorder aux
inspecteurs cantonaux et celles à répartir en jetons de présence entre les
instituteurs ;
« 4° Les frais de déplacement et de séjour, ainsi que la
rétribution extraordinaire que touchera le secrétaire de la commission centrale
d’instruction. »
- Ces trois articles sont adoptés sans discussion.
Plusieurs membres. - A demain.
PROJET
DE LOI AUTORISANT LE GOUVERNEMENT A EMETTRE UN EMPRUNT EN VUE, NOTAMMENT,
D’ACHEVER LE CHEMIN DE FER
M. le président. - Je prierai MM. les présidents des sections de convoquer leurs
sections pour s’occuper de l’examen du projet d’emprunt. L’exposé des motifs a
été distribué hier.
PROJET
DE LOI TENDANT À AUTORISER LE GOUVERNEMENT À PROHIBER LA SORTIE DES POMMES DE
TERRE
Le bureau a nommé la commission chargée de l’examen du projet de loi
présente au commencement de cette séance, par M. le ministre de la justice.
Elle se compose de MM. Delfosse, Henot, Orts, Pirmez et Thienpont.
M. Mast de Vries présente le rapport sur le projet de loi présenté au commencement de la
séance par M. le ministre de l’intérieur et tendant à autoriser le gouvernement
à prohiber la sortie des pommes de terre.
- Ce rapport sera imprimé et distribué. La chambre le met à l’ordre du
jour de demain.
M. Osy. - Messieurs, on va
distribuer aujourd’hui le rapport relatif à la question des marchands de vin.
Je demanderai qu’il soit mis à l’ordre du jour de demain. La discussion du
projet dont nous nous occupons peut encore durer huit jours, et cependant je
crois qu’il est urgent de décider la question des marchands de vin : la
convention conclue avec la France est exécutable le 15 et les marchands
français peuvent introduire des vins dans le pays.
M. Dubus (aîné). -
Je ferai remarquer qu’on demande une discussion par urgence qui n’est pas
motivée. Car enfin lors même que la chambre adopterait un projet sur cette
matière, le sénat n’est pas réuni pour le voter. Ensuite il faut laisser aux
membres de la chambre le temps d’examiner le rapport, d’autant plus que la
question pourra être discutée samedi ou lundi aussi utilement que demain.
M.
Delehaye. - Messieurs, je ferai observer que
la loi que nous discutons ne pourra avoir immédiatement ses effets ; personne
ne souffrira du retard que pourrait éprouver sa discussion. Mais beaucoup de
personnes pourraient souffrir des retards que vous mettriez à discuter la
disposition qui est la conséquence de la demande des marchands de vin. Vous
remarquerez que la convention est mise à exécution ; dés lors chaque jour de
retard rend plus pénible la position des marchands de vin. Je demande, eu égard
à ces motifs que vous discutiez immédiatement la question des marchands de vin
sauf à reprendre après le projet dont nous nous occupons.
Il faut que nos marchands de vin sachent à quoi s’en tenir relativement
à la décision qu’on pourrait prendre ; car leurs intérêts sont gravement
compromis ; il s’agit pour eux de lutter contre les négociants français, qui
exploitent aujourd’hui leur position. Or, je pense qu’il n’est dans l’intention
de personne, dans cette enceinte, et surtout dans celle du gouvernement, de
consentir qu’une part notable de notre commerce soit sacrifiée au profit du
commerce étranger. Là est toute la question. Il s’agit de
savoir si vous voulez ruiner votre commerce de vin en Belgique et l’abandonner
à
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Je demanderai qu’on attende au moins la distribution du rapport ; cette
distribution aura lieu ce soir. Or, quel inconvénient peut-il résulter d’un
retard de 24 heures, alors surtout que le sénat n’est pas réuni ? Je suppose
que la chambre se prononce demain et qu’elle prenne une
décision favorable aux marchands de vin ; eh bien, cette décision ne sera pas
convertie immédiatement en loi, puisque le sénat n’est pas réuni.
M. Hye-Hoys. -
Je propose de mettre cet objet à l’ordre du jour de lundi.
M.
Delehaye et M.
Osy. - Alors à l’ouverture de la séance.
- La chambre décide qu’elle s’occupera du rapport dont il s’agit à
l’ouverture de la séance de lundi.
Elle décide ensuite qu’elle s’occupera à l’ouverture de la séance de
demain, du projet relatif à la sortie des pommes de terre.
- La séance est levée à 4 heures et demie.