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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du samedi 7 mai
1842
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre, notamment pétition relative à un droit de sortie
sur les lins (de Roo)
2)
Motion d’ordre relative à la demande en grande naturalisation de Jules de
Grand-Ry (Lys)
3)
Motion d’ordre relative au traité de paix avec les Pays-Bas, notamment quant à
la dette belgo-hollandaise (Cools, Smits,
Cools)
4)
Projet de loi sur les distilleries. Matière imposable (Desmet),
Taxes et octrois communaux (Mercier, Smits,
Demonceau, Mercier, Lys, Rodenbach, Demonceau,
Doignon, Coghen, Smits, Mercier), Matière imposable (Verhaegen, Desmet)
5)
Projet de loi portant un crédit supplémentaire au budget du département des
travaux publics, exercice 1842, pour le service de
(Moniteur
belge n°128, du 8 mai 1842)
(Présidence
de M. Dubus (aîné))
M.
de Renesse procède à l'appel nominal à 2 heures et
quart.
M.
Dedecker donne lecture du procès-verbal de la
séance précédente dont la rédaction est approuvée.
M.
de Renesse fait connaître l'analyse des pétitions
suivantes :
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Jean Deacan, de Londres, employé dans l'administration des
chemins de fer en exploitation, demande la naturalisation. »
- Renvoi au département de la
justice.
______________________
« Le sieur Welbert Feldman,
caporal-cordonnier au régiment d'élite, prie la chambre de lui accorder la
naturalisation qu'il a demandée l'année dernière. »
- Renvoi à la commission des
naturalisations.
______________________
« Les secrétaires communaux
du-canton d'Eeckeren demandent que des dispositions
de nature à améliorer le sort des secrétaires communaux soient introduites dans
le projet de loi tendant à apporter des modifications à la loi
communale. »
- Dépôt sur le bureau pendant la
discussion du projet.
______________________
« Les
sieurs Vandenberghe et Vandekerkhove-Diercksens, demandent des droits protecteurs à la sortie
des lins. Un grand nombre de propriétaires et négociants d'Aerseele,
Ardoye, Audenaerde, Coolscamp,
Cortemark, Courtray, Denderhauthem,
Denterghem, Deynse, Gand, Heule, lngelmunster, lseghem, Landeghem, Lendelede, Lichetervelde, Markeghem,
Meulebeke, Oostrebecq, Ousselghem,
Oyghem, Pitthem, Huysselede, Zwevezeele, Thielt, Waecken, Waereghem, et Wyngene adhèrent à cette demande. »
M. de
Roo. - Messieurs, les pétitions dont on vient de vous
faire l'analyse demandent un droit protecteur à la sortie des lins. Je crois,
messieurs, que cette mesure est nécessaire, maintenant surtout que
En présence des pressantes
réclamations qui nous sont adressées, il est du devoir du législateur de
prendre une décision à cet égard. J'aurais donc demandé que la chambre mît à
l'ordre du jour le projet de loi qui lui a été présenté en 1834 par la section
centrale ; mais comme il paraît que plusieurs membres de cette assemblée ont
l'intention de faire une proposition à ce sujet, je me bornerai à demander pour
le moment le renvoi de la pétition dont on vient de vous donner l'analyse, à la
commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport. Toutefois si, dans
le courant de la semaine prochaine, la proposition dont je viens de parler
n'était pas faite, je me réserve de renouveler ma demande quant à la mise à
l’ordre du jour du projet de 1834.
- La pétition est renvoyée à la
commission des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.
M. Lys. - Messieurs, à la séance d'hier ou
vous a présenté l'analyse d'une pétition de M. Jules de Grand-Ry, qui demande que la chambre veuille bien voter un projet
de loi tendant à lui accorder la grande naturalisation. Cette pétition a été
renvoyée à la commission des naturalisations. Je demanderai à la chambre
d'inviter cette commission à nous faire un prompt rapport.
Je n'énumérerai pas ici tous les
titres de M. de Grand-Ry à la reconnaissance
du pays. Je me bornerai à vous dire qu'il est président de la chambre de
commerce de Verviers, et à la tête d'un grand nombre de fabriques aussi
importantes qu'utiles. Je vous ferai aussi observer que son père et sa mère
sont nés dans le duché de Limbourg, qui faisait partie de
Enfin, je vous rappellerai que sa
demande a été prise en considération par la chambre et par le sénat depuis
l'année dernière. Je pense donc qu'il y a lieu à voter maintenant le projet.
- La chambre adopte la
proposition de M. Lys ; la commission des naturalisations est invitée à faire
un prompt rapport.
M. Cools. - Messieurs, au commencement de la session, le discours du trône nous a
annoncé qu'on pouvait concevoir l'espérance de voir bientôt arriver à leur
terme les travaux des commissions instituées pour l'exécution du traité de paix
avec
A différentes époques des bruits
ont été mis en circulation sur la direction imprimée aux travaux de l'une de
ces commissions. S'il fallait s'en rapporter à ces bruits, la commission
instituée à Utrecht serait chargée de négocier non pas le transfert de la
dette, mais la capitalisation de la dette.
Le pays, à bon droit, s'est ému
de cette rumeur. Déjà, à plusieurs reprises, et dernièrement encore, lorsque
nous nous sommes occupés du projet relatif au canal de Zelzaete, quelques
membres ont saisi l'occasion pour exprimer l'espoir que ces rumeurs fussent
sans fondement.
Mais depuis quelque temps, ces
bruits prennent de nouveau consistance. Les journaux hollandais y reviennent
presque tous les jours ; ils entrent même à cet égard dans des détails. S'il
faut les en croire, un banquier puissant serait arrivé à
D'ordinaire j'attache assez peu
d'importance aux nouvelles des journaux ; mais quand un fait est reproduit sans
cesse, qu'il exerce même une certaine influence à la bourse, comme cela est
arrivé à celle d'Amsterdam, il est naturel de concevoir des inquiétudes ; je
demanderai donc à M. le ministre des finances, dans le but de tranquilliser le
pays, de bien vouloir nous dire s'il y a quelque chose de fondé dans ces bruits
; s'il est vrai qu'une négociation serait réellement
entamée, de l'assentiment du gouvernement belge, dans le but de réaliser ce
prétendu système de la capitalisation de la dette.
M. le
ministre des finances (M. Smits) - Messieurs, la chambre
comprendra que je ne puis entrer dans des explications quant aux détails de la
négociation ouverte en ce moment avec
Je ferai seulement remarquer à
l'honorable préopinant que, quant aux bruits répandus par les journaux
relativement à l'intervention d'un banquier dans la
négociation, il ne doit pas y ajouter plus de foi qu'à beaucoup d'autres
nouvelles qui ont été données à cet égard.
M. Cools. - Je ne chercherai pas à obtenir des explications plus nettes de M. le
ministre des finances. Pour le moment je n'ai eu d'autre but que d'éveiller
l'attention sur un objet d'une aussi haute importance. J'exprime de nouveau
l'espoir qu'il n'y a rien de fondé dans les bruits dont j'ai fait mention.
Discussion des articles
Article 37
M.
le président. - La chambre en est restée hier à
l'article 37, ainsi conçu :
« Art. 37. Les taxes
municipales sur la fabrication des eaux-de-vie ne peuvent excéder le tiers du
montant de l'accise en principal. »
La section centrale propose la
suppression de cet article.
M.
Desmet. - J'avais demandé hier la parole uniquement pour
répondre à une interpellation que m'avait adressée l'honorable M. Verhaegen.
Cet honorable membre est revenu sur la discussion de l'art. 8 ; il paraîtra
peut-être que c'est un peu tard puisque cet article a été voté sans amendement
; cependant je me permettrai de répondre quelques mots.
Quand on s'est occupé de l'art.
8, il y a eu discussion pour savoir comment on aurait mesuré la capacité de la
colonne distillatoire. On avait demandé que l'option fût laissée au
gouvernement de le faire soit par dépotement, soit par cubage. La chambre n'a
pas voulu adopter cette proposition et a décidé que l'on aurait recours
uniquement au cubage.
Messieurs, on voir cependant à
présent que l'on a été dans l'erreur, non seulement parce que la colonne
distillatoire contient dans ses cases des parties solides qui ne peuvent
contenir des matières, mais encore parce que tout le vaisseau ne se remplit pas
de matière macérée, qu'il y a ordinairement beaucoup de vide où il n'y a
que des vapeurs.
Messieurs, quand on a discuté cet
article, on ne s'est occupé que du mesurage de la colonne, et on n'a pas
discuté le principal objet qui est celui-ci : c'est que pour la colonne
distillatoire il faut laisser un grand vide pour la distillation, il n'y a
qu'un quart ou un cinquième qui contient des matières, les trois quarts ou les
quatre cinquièmes restent vides pour contenir les vapeurs alcooliques et faire
les distillations, et cependant l'article 8 oblige non seulement à faire le
mesurage par le cubage métrique, mais encore que toute la capacité telle que le
cubage extérieur l'aura établie, comme dans la capacité qui contient des
matières à distiller.
Ceci est très important. C'est
que quand on exige qu'il y ait un vide égal dans la cuve matière et la
colonne distillatoire, il y a une grande différence ; car il peut n'y
avoir qu'un cinquième de la colonne distillatoire qui contienne de la matière ;
les quatre autres cinquièmes sont vides ou remplis de vapeur. Or, si vous devez
avoir le même vide dans la cuve matière que dans la colonne distillatoire, vous
mettez les distillateurs à des pris en contravention à tout instant, à chaque
opération ; il faut nécessairement qu'on revoie cette disposition, car elle est
vicieuse ; le vice provient surtout que la disposition est appliquée aux
chaudières ordinaires et qu'on n’a pas vu que la distillation par le système
continu se faisait tout autrement que par les anciens alambics ; cependant cet
article est passé sans observations. Il est vrai que nous avons passé
légèrement sur cet article. Je ne sais même pourquoi le gouvernement l'a
proposé.
M.
le président. - Je
ferai remarquer à l'orateur que c'est l'art. 37 qui est en discussion.
M.
Desmet. - J'avais demandé la parole seulement pour
répondre à M. Verhaegen, mais je ne tiens pas beaucoup à continuer, mais ce ne
sera pas moins un vice dans la loi.
M. le président. - La
parole est à M. Mercier sur l'article 37.
M.
Mercier. - Je persiste dans l'opinion
que j'ai émise hier, qu'il importe de fixer une limite aux taxes communales,
alors surtout qu'il s'agit de matières frappées d'un droit élevé au profit de
l'Etat. Je crois que nous devons le faire par la loi, du moment que nous sommes
convaincus que des taxes municipales qui excéderaient le tiers du montant de
l'accise ne pourraient avoir que des résultats fâcheux pour le trésor.
Un droit trop élevé tendrait
nécessairement à faire accélérer la fermentation, et par suite apporterait une
diminution dans les recettes de l'Etat. Je crois qu'en autorisant les communes
à élever les taxes municipales jusqu'au tiers de l'accise, on arrive à
l'extrême limite. Il n'est pas une commune qui puisse se plaindre de cette
limite, car il n'en est pas une seule à ma connaissance qui ait fixé les taxes
communales à la fabrication au-delà de 20 centimes. Or, quel que soit le droit
que la chambre adopte, soit qu'elle maintienne le chiffre adopté au premier
vote, soit qu'elle adopte un chiffre plus élevé, avec la faculté d'établir des
droits d'octroi équivalents au tiers de l'accise, les communes pourront élever
le droit bien au-delà de 20 centimes.
Dans une séance précédente, j'ai
signalé un abus qui consiste en ce que dans certaine ville on restitue à la
sortie un droit plus élevé que celui perçu à la fabrication. J'avais indiqué à
M. le ministre des finances certaines bases qui me paraissaient de nature à
pouvoir être comprises dans la loi. Les droits d'octrois ne doivent être créés
que pour créer des revenus aux villes et non pour favoriser les industries
établies dans leur sein au détriment des mêmes industries s'exerçant dans
d'autres communes. Ce serait porter atteinte à la libre concurrence et blesser
même le principe d'égalité consacré par la constitution ; d'un autre côté, il
est du devoir du pouvoir législatif d'intervenir, conformément à l'art. 108 de
la constitution, pour empêcher les conseils communaux de prendre des mesures
contraires à l'intérêt général.
L'abus que je signale constitue
d'ailleurs un véritable privilège en matière d'impôts. L'art. 112 de la
constitution s'oppose à un semblable monopole, il doit donc être interdit à
toute administration communale de favoriser une industrie établie dans le sein
de la commune, au détriment des autres industriels du pays. D'après les
observations que je viens de soumettre à l'assemblée, il y a lieu de suivre
dans l'établissement des taxes communales les trois règles que je vais indiquer
:
1° Quant aux objets qui se
fabriquent dans les villes à octrois le droit à l'entrée sur les articles
similaires ne peut être plus élevé que le droit établi à la fabrication ;
2° Les similaires des objets que
l'on fabrique dans les villes à octrois, sans y être soumis à aucun droit, ne
peuvent être frappés d'aucun droit à leur entrée dans cette ville ;
3° Aucune prime, déguisée ou non,
ne peut être accordée sur des objets fabriqués dans les villes et livrés hors
de leur enceinte. La restitution du droit perçu sera seule accordée.
Si le gouvernement n'adopte pas
ces bases, nous allons retomber dans ces innombrables abus qui, dans des temps
antérieurs, out été si funestes au développement de l'industrie et du commerce.
Nous avons autant de douanes,
autant de systèmes commerciaux qu'il y a de villes dans le royaume ; chaque
conseil communal se créera un système de protection, au grand détriment des
intérêts généraux.
En attendant que des mesures
générales soient prises, je ne puis qu'engager M. le ministre des finances à
faire l'application des principes que j’ai indiqués aux
taxes communales sur les eaux-de-vie indigènes.
M. le
ministre des finances (M. Smits) - Il convient, en effet,
messieurs, de rappeler les villes, en ce qui concerne les droits d'octroi aux
vrais principes en matière d'impôt, et je pense que les bases indiquées par
l’honorable M. Mercier peuvent être adoptées ; ces bases ont déjà été formulées
dans un arrêté du 4 octobre 1816 si ma mémoire est fidèle, et mon intention est
d'appeler sur cet arrêté l'attention des différentes autorités locales. Il ne
faut pas que les villes puissent établir des primes pour favoriser
l'exportation de leurs produits ; nos institutions veulent qu'il y ait harmonie
entre les impositions des différentes communes du royaume. Mais il serait
difficile d’introduire dans une loi une disposition qui réglementât cette
matière, notamment pour ce qui concerne les restitutions à accorder en cas
d'exportation, attendu que ce qui est restitué à la sortie doit nécessairement
dépendre du chiffre des droits perçus à la fabrication ; il ne peut donc être
pris de disposition à cet égard que par un acte d'administration publique.
Quant à l'article en discussion,
et qui interdirait dorénavant aux administrations communales d’imposer les
eaux-de-vie de plus du tiers de l'impôt perçu par l'Etat, cette disposition
pourrait être maintenue ; L'honorable M. Demonceau a pensé que c'était encore
là un objet à régler par un acte d'administration générale ; mais je pense,
messieurs, qu’il n’en est pas ainsi, car l’impôt doit se régler d'après des
principes généraux, d'après les principes de l'économie politique. Je suppose
que le législateur frappe un objet quelconque d'un impôt calculé sur le degré
d'utilité de cet objet, sur sa valeur, sur les échanges auxquels il donne lieu
; il porte la taxe au maximum au-delà
duquel on ne peut pas aller sans contrarier les intérêts généraux du pays ; si,
dans ce cas, il pouvait être permis aux villes d'élever encore cette taxe et de
nuire ainsi à l'industrie ou au trésor de l'Etat, évidemment les villes
changeraient en quelque sorte l'économie générale de la loi et
contreviendraient à ses intentions.
On a dit : « Mais le
gouvernement a toujours le pouvoir de réglementer ce qui est relatif aux
octrois des villes. » Oui, le gouvernement a ce droit, mais qu'arrive-t-il
? Je connais des localités qui ont attendu pour arrêter les tarifs jusqu'à la
fin de décembre, et qui sont ensuite venues menacer le gouvernement d'une
banqueroute et d'une émission en masse (qui probablement aurait été suivie
d'une réélection en masse) si le gouvernement n'approuvait pas ces tarifs. Vous
comprenez, messieurs, que si une disposition était insérée dans la loi, on
n'éprouverait plus d'inconvénients de cette nature.
D'ailleurs, rien, par l'adoption
de l'article, ne serait changé à la position actuelle des villes, Je n'en
connais point qui aient élevé les droits sur le genièvre au-delà, de la moitié
de l'impôt perçu aujourd’hui par l'Etat ; or, le droit actuel est de 66 c., ainsi la moitié est 33 c. ; si la législature élève ce
droit à 1 fr., le tiers de ce droit sera encore 33 c.
Rien, comme je le disais, ne sera donc changé.
M.
Demonceau. - Je suis étonné, messieurs, que
l'honorable M. Mercier, qui défend avec tant d'insistance le système du
gouvernement, ait abandonné ce système l'année dernière, car l’année dernière
il était parfaitement d'accord avec nous, lorsque nous avons demandé la
suppression de la disposition reproduite aujourd'hui par l'honorable ministre
des finances actuel. M. Mercier s'est rallié alors à la suppression que nous
demandions, et cette suppression fut votée à l'unanimité par la chambre, y
compris le ministère.
S'il s'agissait d'établir une
règle générale, d'après laquelle les villes ne pourraient élever aucune espèce
d'impôt au-delà d'un taux déterminé, je comprendrais la disposition ; mais
comment se fait-il que l'on propose une disposition pour le genièvre seulement,
tandis qu'on ne le fait pas pour les bières et pour d'autres matières
imposables.
Si le gouvernement peut résister
sur un point, pourquoi ne pourrait-il pas résister sur d'autre ? Je ne
comprends pas un gouvernement qui a dans ses attributions le pouvoir de
refuser les modifications que les autorités communales voudraient apporter à
leurs octrois et qui demande qu'on lui impose des limites à cet égard. Le
gouvernement a aujourd’hui, sous ce rapport, un pouvoir absolu, et il veut
qu'on lui impose des bornes ! Mais qu'il use de son pouvoir chaque fois qu'il
croira que les villes abusent de leur droit.
Examinions, messieurs, le système
bâtard que l'on voudrait rétablir : l'impôt au profit de l'Etat est établi sur
la cuve matière, tandis que dans la plupart des villes l'impôt est établi sur
la matière fabriquée qui est introduite ; ici je citerai pour exemple la ville
que j'habite. Dans cette ville il n'y a pas de distilleries ; eh bien,
entendez-vous qu'elle ne puisse pas élever les droits sur le genièvre fabriqué
de manière à dépasser le tiers de l'impôt perçu par l'Etat ? Si vous l'entendiez
ainsi, vous lui feriez tort sans avantage pour le trésor, car aujourd’hui elle
perçoit un droit de 10 à 12 francs par hectolitre de matière fabriquée,ce qui
est bien plus que la moitie du droit actuel, établi sur la cuve matière an
profit de l'Etat. La ville de Tournay est dans le même cas, car l'année
dernière il a été prouvé que cette ville percevait un droit de 19 francs par
hectolitre ; il n'existait à cette époque aucune distillerie à Tournay, mais
vous comprenez sans peine que si vous défendez à la ville de Tournay de
maintenir son droit actuel, vous allez faire affluer dans cette ville toutes
les distilleries qui existent aujourd'hui au dehors de ses murs, parce qu'alors
les distilleries de l'intérieur auront le monopole, les autres ne pouvant pas
introduire leurs produits.
Un membre. - Il
faut égaliser les positions.
M.
Demonceau. -Mais il faudrait que la ville de
Tournay réduisît son droit jusqu'à concurrence de 33 centimes par hectolitre
de matière mise en macération ; or, je crois qu'avec un hectolitre de matière
mise en macération on produit
M. le
ministre des finances (M. Smits) -
M.
Demonceau. - Supposons
Messieurs, tout ce que nous a dit
l'honorable M. Mercier prouve une chose, c'est que le système de notre loi est
mauvais : il faut que vous modériez l’impôt des villes. Il faut que vous
modériez l'impôt de l'Etat pour ne pas donner lieu, comme on le dit, à la
fraude. Mais pourquoi maintenez-vous une législation aussi défectueuse ?
Comment ! le genièvre est la matière la plus imposable
de toutes, c'est celle que nous devrions frapper le plus fortement ; et c'est
précisément celle-là que l'on craint d'imposer ! Et pourquoi ? Parce que la
loi repose sur un mauvais système, parce qu'elle autorise un travail immense de
matière, moyennant un droit fort léger.
N'allez pas croire, messieurs,
que, dans la localité que j'habite, ni à Tournay, on se plaigne de la fraude ;
jusqu'à présent il ne s'est élevé à cet égard aucune espèce de difficulté ; les
administrations de ces villes perçoivent, sans aucune espèce de réclamation, le
droit qu'elles ont établi. Si vous appliquiez à ces deux villes la
disposition dont nous nous occupons, vous risqueriez de faire affluer les
distilleries vers l’intérieur, et force leur serait de réduire considérablement
un droit qui, dans l’intérêt de leurs finances et de la morale publique,
devrait être encore plus élevé qu’il ne l’est.
Je persiste à croire, messieurs,
qu’il ne faut pas insérer dans la loi une disposition semblable à celle qui
nous est proposée, et qui concerne uniquement le genièvre. J'insiste
donc pour que la chambre adopte la proposition de la section centrale.
M.
Mercier. - Messieurs, si j'ai soutenu l’article
du projet de loi, je ne crois pas avoir mis la moindre animosité dans mes
paroles, quoiqu'en dise l'honorable préopinant.
J'ai toujours été d'opinion qu'il
fallait limiter les centimes additionnels imposés à la fabrication au profit
des villes. Cette opinion, je l'avais l'année dernière, puisque j'ai fait une
proposition à la chambre dans ce sens. Mais, dit l’honorable membre, cette
proposition a été abandonnée. Oui, sans doute, elle a été abandonnée, mais
c'était par des motifs d'urgence et par des motifs de conciliation.
Indépendamment de ces motifs, il y avait une troisième raison qui n'existe plus
aujourd'hui ; le droit, quoiqu'augmenté
à cette époque, n'était pas porté au taux actuel. Il est fixé par le vote que
la chambre a déjà émis. Le mal devait être alors bien moins grand qu'il le
serait avec un droit augmenté d'un tiers au moins. Voilà l'explication que j'ai
cru devoir donner à l'honorable préopinant sur la conduite que j'ai tenue
antérieurement, lorsqu'il s'est agi de la même question.
L'honorable membre a demandé si
le droit perçu sur le genièvre à l'entrée d'une ville devra être nécessairement
proportionné au droit dont est frappée la fabrication du même article à
l'intérieur de cette localité.
Je réponds : oui, s'il y a des
distilleries dans l'intérieur de la ville, car je n'admettrai jamais qu'un
produit soit imposé plus fortement a l'entrée d’une ville qu'il ne l'est à la
fabrication dans la ville même.
Si la fabrication du genièvre est
grevée d'un droit de 4 francs, par exemple, dans une ville, on ne peut
permettre qu'un droit de 6 ou 8 francs soit perçu à l’entrée du genièvre dans
cette localité. Ce serait contraire aux principes de libre concurrence ; ce
serait un privilège accordé à quelques citoyens, au détriment des autres.
Mais s'il n'y a pas de
distilleries dans l'intérieur de la ville, et que par conséquent il n'y existe
pas de droits à la fabrication du genièvre, je ne vois alors aucun inconvénient
à ce que le droit d'entrée excède la limite qui est indiquée dans l'article en
discussion.
Maintenant, je crois devoir
répondre quelques mots à M. le ministre des finances qui pense qu'il n'est pas
nécessaire de porter une loi, à l'effet de soumettre les octrois des villes à
de certaines règles. Si une loi n'est pas indispensable, il faut du moins qu'il
intervienne une disposition générale, prise par le gouvernement, et qui serait
publiée par le Bulletin officiel et dans le Moniteur.
En effet, je signalerai, en ce
qui concerne les distilleries, de véritables anomalies. Dans une ville que M.
le ministre même a citée, le droit communal s'élève à vingt centimes à la
fabrication des eaux-de-vie indigène par hectolitre de matière macérée, et la
restitution à la sortie est de 4 fr. par hectolitre de genièvre. Cette
proportion est bonne et me paraît de nature à pouvoir être admise comme base :
ce serait un minimum de
production de
Dans une autre ville on perçoit
également 20 centimes et l'on restitue 5 francs. Si la proportion est juste
pour la première ville à laquelle j'ai fait allusion, elle est évidemment exagérée
pour la seconde localité. Il y a une véritable prime d'exportation.
Il est urgent de mettre fin à de
telles anomalies ; or, on ne peut les faire cesser qu'au moyen d'une mesure
générale. .
J'ajouterai que dans une des
villes dont il a été question, et qui ne perçoit la taxe communale à la
fabrication que dans une proportion de quatre francs par hectolitre, le droit à
l'entrée du genièvre est de 8 francs. Ainsi, il existe dans cette localité
trois taux différents : un droit de 4 fr., à la fabrication ; un drawback de 5
fr. à la sortie, et enfin un droit de 8 francs à l'entrée ; ce qui accorde aux
productions de la ville une prime de 4 francs pour la consommation intérieure,
et une autre prime d'un franc, alors qu'elles sont consommées dans d'autres
localités.
Ces anomalies doivent disparaître
; je ne proposerai pas cependant d'amendement, parce que, je le répète, il ne
me paraît pas indispensable de régler ces objets dans la loi. Mais j'engage de
toutes mes forces M. le ministre des finances à prendre un arrêté
d'administration générale pour qu'à l'avenir il soit bien entendu qu'aucune
ville ne pourra établir d'autre proportion que celle d'un minimum de
M. Lys. - Messieurs, je partage l'opinion qui a été émise par mon honorable
collègue M. Demonceau. Il vous a développé tous les moyens qui viennent à
l'appui de la proposition faite par la section centrale ; je me bornerai à
dire quelques mots, en ce qui concerne la ville que j'habite.
Il serait de l'intérêt de cette
ville de ne pas imposer tous les objets quelconques qui servent à la
fabrication du genièvre ; cependant elle a été obligée d'en imposer et même
fortement ; tels sont l'huile, le savon, et d'autres articles encore : Verviers
a dû se reporter nécessairement sur le genièvre ; elle a frappé le genièvre
d'un droit extrêmement élevé ; et par là, quoi qu'elle ait rendu cet objet
assez cher aujourd'hui, elle a fait une chose favorable à la classe ouvrière,
car elle a porté un remède à l'intempérance ; et de plus, en trouvant ce remède,
elle a agi dans l'intérêt des ouvriers et dans celui des fabricants.
Verviers, n'ayant aucune
distillerie dans son sein, ne peut nuire en aucune manière aux intérêts du
gouvernement ; il ne peut résulter de là aucun préjudice ; et vous
venez d'entendre l'honorable M. Mercier, qui a reconnu lui-même qu'il pourrait
y avoir des exceptions en faveur des villes où il n'existe pas de
distillerie.
L'honorable M. Mercier a dit que
c'était par esprit de conciliation qu'il avait abandonné sa proposition l'année
dernière. Si ma mémoire ne me trompe pas, l'honorable M. Mercier avait
reconnu, alors qu'il était au pouvoir du gouvernement d'approuver ou de ne pas
approuver le taux du droit établi par les villes ; et que dès lors il ne voyait
aucune difficulté à renoncer à sa proposition, et je crois qu'effectivement il
y a renoncé au début de la discussion.
Je pense donc, messieurs, que si vous maintenez l'art. 37, il y a
lieu de le restreindre aux villes où des distilleries sont établies.
M.
Rodenbach. - Messieurs, je crois que par suite de
ces débats nous pourrons tomber d'accord. Je partage l'opinion de l'honorable
M. Mercier, que ce serait accorder un monopole aux villes si l'on ne prenait
pas une disposition. Si l'on ne veut pas régler cet objet dans la loi, que le
gouvernement y pourvoie par un arrêté ministériel ; ou bien encore,
comme vient de le dire l'honorable préopinant, qu'on excepte dans la loi les
villes qui n'ont pas de distilleries ; tout le monde alors sera d'accord.
Il est vraiment nécessaire qu'on
n'accorde pas un monopole aux villes où des distilleries existent. L'honorable
M. Mercier vous a cité des faits assez significatifs à cet égard ; pour ma
part, je connais aussi des villes où les mêmes choses se passent. Les
distillateurs de l'intérieur ne paient que 3 ou 4 francs par hectolitre, tandis
que ceux du dehors doivent payer de 6 à 8 francs. C'est donc là un monopole qui
ne peut pas être toléré dans notre gouvernement. On anéantit les distilleries
qui se trouvent dans le voisinage des villes. Le monopole est manifeste, M. le
ministre est d’accord avec nous sur ce point.
Quant aux villes qui n'ont pas de
distilleries, il semble qu'on peut laisser les administrations municipales
libres de demander 18 ou 19 fr, comme à Verviers et à
Tournay aussi, si tant est que cette dernière ville ne possède pas de
distilleries.
M.
Demonceau. - Messieurs, je comprends maintenant
les véritables motifs qui, l'année dernière, ont engagé l'honorable M. Mercier
à consentir au retrait de la proposition qu'il avait faite. C'est que
l'honorable M. Mercier ne trouvait pas l'article suffisant : il voulait aller
plus loin, et il voulait y aller par des moyens gouvernementaux qui étaient à
sa disposition.
L'honorable M. Mercier ne s'est pas
borné à vous signaler ce qui se pratique, quant à la fabrication à l'intérieur
des villes ; mais il vous a signalé encore les inconvénients existants pour les
droits d'entrée et pour les droits de restitution.
Or, vous aurez beau adopter la
disposition qui est contenue dans l'art. 37, vous ne parerez pas aux
inconvénients signalés par l'honorable M. Mercier. Si le gouvernement n'use pas
du pouvoir qu'il tient de la loi, il ne lui est pas possible de changer l'état
de choses existant. Or, quel est le pouvoir du gouvernement ? Il a le pouvoir
d'approuver ou de rejeter les tarifs des taxes municipales, des octrois dans
les villes. Eh bien, c'est au gouvernement à examiner attentivement les
demandes qui lui sont faites. S'il s'aperçoit, par exemple, que le droit à la
fabrication du genièvre a l'intérieur d'une ville est trop élevé et peut
provoquer la fraude, il doit demander une rectification. S'il s'aperçoit que la
restitution à la sortie est mal combinée et peut mener à la fraude, il doit
encore exiger une rectification. S'il s'aperçoit enfin que les droits établis à
l'entrée sur le genièvre fabriqué le sont de telle manière qu'ils assurent un
monopole aux fabricants de l'intérieur, il doit encore demander une
rectification ; mais toutes ces mesures, le gouvernement ne pourra pas les
prendre avec l'art. 37 du projet de loi ; car cet article ne concerne que la
fabrication à l'intérieur des villes.
Il pourra résulter de là cette
anomalie qu'alors que le droit à la fabrication à l'intérieur sera du tiers du
droit perçu par le gouvernement, il y aura un triple droit sur le genièvre que
l'on voudra introduire dans l'intérieur de la ville. Il faut, messieurs, que le
système soit coordonné de manière que le gouvernement puisse modérer, en cas de
nécessité, les taxes municipales des villes. Cette modération doit se rattacher
non seulement à la fabrication, mais encore à la restitution et aux droits
d'entrée sur la matière fabriquée. Toutes ces mesures doivent coïncider.
Je me rappelle maintenant, ce sont les mêmes raisons que nous
faisions valoir l'année dernière, raisons qui sans doute ont convaincu alors
l'honorable M. Mercier ; car, encore une fois, avec les idées exprimées par cet
honorable membre, il ne devrait certes pas appuyer la disposition proposée,
elle est insuffisante ; et ne peut jamais s'appliquer qu'au cas où il y a fabrication à l'intérieur des villes ; or,
les villes qui ont établi des droits sur le genièvre venant de l'extérieur ;
ces villes conserveront leurs droits tels qu'ils sont établis, à moins que le
gouvernement ne les modère. Celles qui n'ont pas de distilleries conserveront
encore leurs droits ; et sur ce point, je vois avec satisfaction que MM.
Mercier et Rodenbach sont de mon avis, que pour ces villes il n'y aurait pas
lieu de rien changer à leurs tarifs d'octroi.
Pourquoi demande-t-on qu'il y ait
une modération de l'impôt des villes ? Parce que l'on craint la fraude. Or, la
fraude ne peut se perpétrer que dans les villes où il y a fabrication, et
alors, cette fraude serait également préjudiciable aux villes et au trésor.
C'est l'accélération dans la fermentation et la fabrication que l'on craint, eh
bien, cela prouve de plus en plus que le système qui sert de base à la loi est
mauvais. L'article proposé est inutile ou insuffisant, je
persiste à croire que vous le repousserez.
M.
Doignon. - Je me suis déjà expliqué sur
l'article dont il s'agit, dans la discussion générale ; j'aurai peu de chose à
ajouter à ce que viennent de dire quelques honorables préopinant pour faire
rejeter cette disposition.
La question qui se discute,
messieurs, a déjà été jugée. Ce qu'on vous propose maintenant, c'est de vous
déjuger. L’année dernière, non seulement vous avez rejeté la proposition du
gouvernement, qui était de limiter l'impôt des villes au tiers de l'impôt de
l'Etat, mais vous avez rejeté la disposition de la loi de 1837, qui le limitait
à la moitié. Vous en avez prononcé l'abrogation en termes formels. La chambre
se déconsidérerait donc si elle adoptait aujourd'hui une disposition qu'elle a
abrogée il y a à peine un an.
L'honorable M. Mercier nous dit :
Mais l'intérêt général veut qu'on s’arrête au tiers ; là est la dernière
limite. Mais ce n'est là qu'une pure assertion. L’honorable membre suppose démontré ce qui ne l'est pas du tout. Qu'il commence donc
par nous démontrer que l'intérêt général exige qu'on fixe ainsi une règle
absolue et que cette règle est plutôt le tiers que le quart ou le cinquième. Si
vous invoquez l'intérêt général, nous l'invoquerons à notre tour. Tous nous
dirons qu'il est de l'intérêt général que les villes frappent, autant que
possible, d'un droit élevé l'eau-de-vie indigène qui abrutit nos populations ;
qu'il est de l'intérêt général que les villes aient des finances, des voies et
moyens suffisants pour supporter leurs charges ; qu'il ne faut pas facilement
leur refuser les ressources dont elles sont déjà en possession et qui leur sont
indispensables.
Quant à la crainte de la fraude,
ce motif a été réfuté à satiété. L'honorable M. Mercier lui-même a démontré,
l'an dernier, que l'établissement de distilleries clandestines était
impossible, et qu'il n'y avait aucun autre moyen de frauder. Il nous a donné
lui-même tous les apaisements à cet égard.
La fraude n'est pas à craindre
dans les villes où bien certainement elle se découvrirait en très peu de
temps, au moyen surtout de la double surveillance des employés de l'octroi et
de l'Etat. J'ai démontré dans la discussion générale que dans les villes où les
maisons se touchent, il était impossible avec une telle surveillance d'établir
une distillerie clandestine sans être aperçu, parce qu'on ne pourrait
soustraire longtemps les résidus au regard des employés qui demeurent pour
ainsi dire au pied des usines et les ont constamment sous les yeux. Il n'en est
pas de même à la campagne. Il faut donc écarter ici cette crainte de fraude et
revenir, comme je l’ai dit, aux principes généraux de la loi communale, pour
trancher la question dont il s'agit.
Le gouvernement, d'après cette
loi, a un pouvoir discrétionnaire pour autoriser les taxes communales. Il
refusera son autorisation, quand il croira que la proposition de la commune
dérangerait réellement l'économie de la loi, et quand elle ne fournira pas la
preuve qu'elle a établi une surveillance suffisante pour assurer la perception
de l'impôt. Mais lui imposer l'obligation de refuser son autorisation dans tous
les cas, c’est aller contre le principe posé dans la loi communale, et il
serait d'ailleurs imprudent d'y déroger à l’occasion d’une loi toute
financière. Où s'arrêterait-on dans une pareille voie ?
L'honorable M. Mercier disait
dans la séance d'hier que sa proposition de l'an dernier avait été, par lui,
retirée, et voici comme il s'exprimait : « Si l’année dernière le
gouvernement a consenti à retirer cette proposition, c'était dans l'intention
d"en faire sa règle de conduite, sauf de rares exceptions, si tant
est qu'il en eût fait une seule. »
Vous voyez qu'il reconnaît
lui-même la possibilité des exceptions. Dès lors, pourquoi propose-t-il une
règle fixe quand lui-même avoue qu'il peut y avoir des cas d’exception ? Il
se réfute donc lui-même, en admettant que des exceptions sont possibles,
quelque rares qu’elles soient ; car, dans tous les cas, il convient de les
faire respecter.
On vous dit encore : le droit est
augmenté ; il est élevé à 80 c. Eh bien,
que résulte-il de ce changement ? C'est que le gouvernement devra être plus
attentif, plus difficile peut-être à accorder les autorisations qui lui seront
demandées. Mais il n'en résulte pas qu'il faut prendre pour règle que, dans
tous les cas, il devra refuser, tandis qu'au contraire, dans certaines
circonstances, il devrait autoriser, en prenant aussi en considération
l'intérêt général et l'intérêt des finances des villes.
On a dit encore que les
sollicitations pressantes des villes finissaient par triompher des refus du
gouvernement, qu'il fallait le prémunir contre les importunités, les obsessions
des communes. Ce qui se passe ici sera un avertissement pour les villes,
qu'elles ne peuvent pas porter leurs exigences trop loin ; ce sera également un
avertissement pour le gouvernement lui-même, qui pourra s'appuyer de l'opinion
de la chambre et montrer la fermeté convenable vis-à-vis des villes qui
voudraient élever leurs taxes à un taux tel qu'elles renverseraient réellement
l'économie de la loi. Je m'arrêterai à ces observations. La
chambre, sans doute, est suffisamment éclairée.
M.
Coghen. - Je crois que, sous l’empire de la nouvelle loi,
il faut qu'il y ait des limites à la faculté d'imposer la fabrication des
eaux-de-vie dans les villes. Sous les anciennes lois, le gouvernement avait un
contrôle par la mouture des farines qu'on employait. Il savait ce qu'on devait
en employer par hectolitre et connaissait ainsi quel devait être le rendement.
Depuis on a fait une loi basée sur les matières mises en macération. Il est
plus facile de se soustraire à la surveillance. S'il y a exagération dans
l'impôt ou le droit d'entré des villes, malgré les vénalités on cherchera à se
soustraire et au droit de l'Etat et au droit de la commune.
Je crois cependant que l'art. 37
est inutile, et que le gouvernement par un arrêté d'administration publique,
pourra régler cet objet non seulement quant à la quotité du droit, mais aussi
quant à la restitution à la sortie, parce que là surtout est l'inconvénient.
C'est là qu'est le danger. Même en supposant le droit à 20 centimes, il y a des
villes qui restituent 4 fr. et d'autres 5. Par conséquent, c’est une provocation
à l’exportation, à la sortie.
Que les villes imposent les
spiritueux du dehors plus que ceux qui se fabriquent à l'intérieur, cela est
naturel, parce qu'on consomme une certaine quantité de combustible pour
produire le genièvre, et que ce combustible est frappé de droits assez forts
dans certaines villes, notamment à Bruxelles, où on paye 4 fr. par mille
kilogrammes. Je crois donc qu'on pourrait supprimer cet article et laisser au
gouvernement, qui en a le droit, le soin de prendre des mesures
qui concilient et les intérêts du trésor et ceux des localités.
M. le
ministre des finances (M. Smits) - Je reconnais, d'après les
observations qui ont été faites, que l'art. 37 n'obvie pas à tous les
inconvénients et, entre autres, qu'il n'empêche pas les villes d'établir des
primes au profit de leur industrie, au détriment de l'industrie des autres
localités. Je remarque même qu'il pourrait résulter de son application d'assez
graves embarras pour quelques localités qui ont peu ou point de distilleries,
et dont le revenu principal repose sur la taxe dont est frappée la fabrication
extérieure. Enfin je crois, d'après tout ce qu'on a dit, qu'il vaut mieux
règlementer cette matière par arrêté d'administration
générale. Je n'insisterai donc pas sur l'adoption de l'article.
M.
Mercier. – Mon opinion est qu'il importe
d'établir un système complet. Cependant, comme je trouvais bonne la mesure qui
nous est soumise, je l'ai soutenue ; j'ai indiqué deux autres dispositions
d'une utilité incontestable. M. le ministre promettant de s'occuper de cet
objet et de le régler par un arrêté d'administration publique, je n'ai plus
d'observation à faire.
M.
le président. - M. le ministre se rallie à la
section centrale, sauf à réglementer ce dont il s'agit par arrêté d'administration
générale.
S'il n'y a pas d'opposition, je
considère la disposition de l'article 37 comme écartée.
Article 38, devenu 37
« Art. 37. Les lois des 18
juillet 1833 ( Bull. offic.,
n° 864), 27 mai 1837 (Bull. offic. n°
143), 21) février 1841 (Bull. offic.,n° 46)
sont abrogées. »
DISPOSITIONS TRANSITOIRES
Articles 38 et 39
« Art. 38. § 1er. Les droits
liquidés en vertu des déclarations de travail délivrées avant la mise à
exécution de la présente loi, seront apurés au taux et sur le pied établis par
les lois préexistantes.
« § 2. La transcription,
l'exportation ou le dépôt en entrepôt, opérés en apurement de ces droits,
donneront lieu à la décharge fixée à l'art. 2 de la loi du 25 février 1841 (Bull.
offic.,
n° 46). »
« Art. 39. Les distillateurs
dont les usines seront en activité au moment de la mise à exécution de la
présente loi, sont dispensés de faire la déclaration prescrite à l'art. 6 ; ils
pourront se borner à faire connaître par écrit au receveur des accises qu'ils
continueront, jusqu'à l'expiration de leur déclaration courante, l'exploitation
de leur établissement sur le pied actuel. »
- Ces articles sont adoptés sans
discussion.
M.
le président. - Le premier vote est terminé.
M.
Verhaegen. - Je demande la parole.
Messieurs, je supplie la chambre
de vouloir bien revenir sur l'art. 8. Je sais bien qu'à la rigueur il n'y a pas
matière à y revenir. Cependant si on est convaincu qu'il y a eu erreur, il
n'est jamais trop tard d'en revenir. L'honorable M. Desmet, qui a dû convenir
que la chambre avait été un peu trop vite, disait qu'on aurait dû s'en
expliquer plus tôt. Quant à moi, j'ai fait mon devoir ; je m'en suis expliqué
assez longuement. J'ai dit que la question était excessivement grave ; j'ai
prié la chambre de vouloir me donner un moment d'attention.
J'ai établi les propositions ; on
m'a répondu qu'il y avait exagération. J'ai pris de nouveaux
renseignements. Ma conviction est restée la même. Il est certain qu'entre la
mesure de la colonne distillatoire à l'extérieur et sa mesure par empotement et
dépotement, il y a une différence de 21 à 5. On conçoit que cela peut donner
lieu aux plus graves inconvénients, puisque le vide des cuves-matières doit toujours
être en proportion avec la chaudière ou avec la colonne distillatoire. Les
distillateurs se trouvent ainsi exposés à ce qu'on dresse contre eux des procès-verbaux.
On me répondra que les employés ne pousseront pas les choses jusque-là. Mais ce
qui ne se fait pas aujourd'hui, sous l'administration de l'honorable M. Smits,
convaincu de l'état de choses actuel, pourra se faire sous une autre
administration.
La chambre doit reconnaître que
quand j'ai appelé là-dessus son attention, j'ai eu raison. Si je ne me suis pas
fait écouter, ce n'a pas été ma faute. Je prie la chambre
de revenir sur l'erreur qu'elle a commise.
M.
Desmet. - Je crois réellement qu'il y a une lacune
dans la loi. Je demanderai que M. le ministre revoie les dispositions sur ce
point ; je crois quelles ont été faites pour les distilleries ordinaires et
non pour les colonnes distillatoires.
M.
le président. - La chambre décidera si elle veut
revenir sur l'art. 8 au 2ème vote, qui aura lieu lundi. Les amendements seront
imprimés et distribués.
PROJET
DE LOI PORTANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU BUDGET DU DEPARTEMENT DES TRAVAUX
PUBLICS, EXERCICE 1842, POUR LE SERVICE DE
M.
le président. - L'ordre du jour appelle la
discussion d'un projet de loi ainsi conçu :
« Article unique. Le crédit
ouvert à l'art. 8 du chap. II du budget du ministère des travaux publics, pour
l'exercice 1842, est porté à cent cinquante mille francs (fr. 150,000). »
- Personne ne réclamant la
parole, il est procédé au vote par appel nominal, et le projet est adopté à
l'unanimité des 48 membres présents.
Ces membres sont : MM. Brabant,
de
- La séance est levée à 4 heures
et quart.