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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 6 mai 1842

(Moniteur belge n°126 et 127, des 6 et 7 mai 1842)

(Moniteur belge n°, du 7 mai 1842)

(Présidence de M. Dubus (aîné))

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse procède à l'appel nominal à 2 heures.

M. Dedecker donne lecture du procès-verbal de la séance précédente dont la rédaction est approuvée.

M. de Renesse fait connaître l'analyse des pétitions suivantes.

Pièces adressées à la chambre

« Le sieur Bartholomé Fornaro, ferblantier à Gheel, né à Cossagno (Sardaigne), demande la naturalisation. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Le sieur Jubs de Grand-Ry prie la chambre de voter un projet de loi qui lui confère la grande naturalisation, sa demande ayant été, depuis lors, prise en considération par les deux chambres. "

- Renvoi à la commission des naturalisations.


M. Eloy de Burdinne, devant s'absenter pour affaires, demande un congé de huit jours.

- Adopté.

Projet de loi sur les distilleries

Discussion des articles

Articles 2 et 32

M. Zoude, au nom de la section centrale, fait le rapport suivant :

Messieurs, la section centrale a examiné avec attention les amendements que vous lui avez renvoyés ; elle a entendu ses auteurs et a réclamé la présence de M. le ministre des finances pour être éclairée de ses lumières ; enfin, elle n'a rien négligé dans la recherche des moyens propres à satisfaire aux scrupules religieux de la chambre.

Ces moyens, elle a cependant dû les mettre en présence des dispositions de la loi, et toujours elle a trouvé qu'ils étaient en opposition formelle avec elle.

En effet, quelle que soit la manière d'apprécier le résultat des amendements qui sont l'exemption totale ou partielle du droit pour les jours fériés, on ne peut se refuser à reconnaître qu'il y aura dérogation au système de la loi qui établit l'impôt sur les cuves qui fermenteront sans produire au trésor l'impôt qui lui est attribué. Cependant la section, désirant satisfaire en partie au vœu de la chambre, a consulté M. le ministre, qui a déclaré rejeter les amendements de MM. Desmet et Delehaye, pour l'exemption totale les jours fériés ; mais il s'est montré favorable à celui de M. Dedecker, qui consent à faire supporter une partie du droit par les distillateurs qui déclareraient vouloir chômer les jours fériés, mais demande, pour prix de cette concession, que le droit soit élevé à un franc.

Il a présenté, en conséquence, un article nouveau qui serait conçu comme il sera dit ci-après :

Avant d'entrer dans l'examen du projet de M. le ministre, la section avait pris connaissance d'un calcul qui estime à 7 p. c. du droit de toutes les semaines la perte que ferait le distillateur qui chômera le dimanche. Ce calcul, fait par un distillateur instruit, et qui était appuyé de développements, se trouve revenir à peu près à la moitié du droit sur un jour férié et se rapprocher ainsi de l'amendement de M. Dedecker.

Si l'on admettait l'amendement de MM. Desmet et Delehaye, en prenant pour base la quantité d’hectolitres déclarés en 1841, avec le droit de 80 c. admis au premier vote, il en résulterait que même en défalquant 4 1/6 pour deux mois de chômage en moyenne sur toute l'année, la différence du produit serait de 650,000 francs, tandis qu'elle ne serait que de 325,000 francs, si l'on adoptait le principe de l'amendement de M. Dedecker.

M. le ministre, en se déclarant pour l'adoption de cet amendement, demandait qu'en compensation de cette perte, le droit fût élevé à un franc ; cette proposition pourra être prise en considération par la chambre au deuxième vote.

Après une discussion assez longue, M. président a mis aux voix l'amendement de MM. Desmet et Delehaye, il a été rejeté par 4 voix contre 2,

M. Desmet a présenté ensuite un sous-amendement à l'amendement de M. Dedecker ; il consiste à accorder une réduction de 75 p. c. du droit que M. Dedecker avait proposé d'admettre à 50. Le sous-amendement de M. Desmet est rejeté à la même majorité de 4 contre 2.

Celui de M. Dedecker est admis.

En conséquence de cette adoption, la section centrale, de concert avec M. le ministre, a rédigé un article additionnel comme suit, et que nous soumettons à la chambre, si elle admet l'amendement de M. Dedecker.

Cet article formera divers paragraphes à l'art. 2 de la loi ; ils sont ainsi conçus :

« § 3. La prise en charge sera calculée à raison de 50 p. c. du montant de l'accise pour les jours de dimanche et de fête légale, lorsque le distillateur aura stipulé dans la déclaration prescrite à l'art. 14, qu'il n'entend opérer pendant lesdits jours aucun travail de trempe, de macération ou de réfrigération de matières, ni aucun travail de distillation ou de rectification.

« § 4. Il est interdit au distillateur admis à jouir de la modération d'impôt accordée au paragraphe précédent, de tenir, pendant le jours de dimanche et de fête légale, du feu sous les chaudières ou alambics, lesquels devront demeurer vides.

« § 5. Les dispositions qui précèdent ne seront pas appliquées aux distillateurs désignés dans l'article qui suit. »

Par suite de cette adoption, la section a admis une disposition additionnelle qui sera insérée au § 16 de l'art. 32.

Elle est ainsi conçue :

« Pour infraction à la défense portée au § 5 de l'art. 2, une amende de 500 fr., indépendamment des pénalités prononcées ci-dessus pour tout travail illégal de trempe ou macération de matières et de distillation ou de rectification,

« La réfrigération illicite des matières sera punie comme fait de fraude. »

M. de La Coste. - Messieurs, j'avais également proposé un amendement et j'ai appris qu'il a paru présenter à quelques honorables membres des difficultés sous le rapport constitutionnel. D'après l'examen des articles de la constitution qui peuvent s'appliquer au cas dont il s'agit, je pense qu'il serait facile de résoudre ces difficultés ; mais l'amendement tendait à charger M. le ministre des finances d'une tâche, et par conséquent d'une responsabilité devant lesquelles il recule ; en conséquence, je retire mon amendement.

Celui de l'honorable M. Dedecker atteindrait aussi le but que j'avais en vue, si la réduction, au lieu de 50 p. c, était de 75 ; je crois qu'avec 50 p. c. l'on ne satisfera pas complètement à de justes réclamations ; on mettra les grands distillateurs surtout dans une position difficile ; car on semblera leur avoir donné la liberté de s'abstenir de travail pendant les jours fériés, et dans le fait ils ne pourront pas encore soutenir la concurrence de ceux qui ne chômeront pas. Je crois donc que la majorité d'entre eux n'accepteraient pas la faculté qui leur est offerte, et que par conséquent la mesure serait incomplète.

D'après ces motifs, je propose, par sous-amendement, de fixer la prise en charge à 25 p. c. seulement. Si la chambre n'admet pas ce sous-amendement, je me rallierai à la proposition de la section centrale, non pas comme atteignant le but, mais comme l'indiquant en quelque sorte et comme étant un premier pas dans une voie où j'espère que M. le ministre des finances entrera plus avant s'il reconnaît que cette concession est insuffisante.

- L'amendement de M. de La Coste est appuyé.

M. Rodenbach. - Messieurs, j'appuierai l'amendement de l'honorable préopinant ; je le trouve intimement meilleur que celui qu'il avait proposé dans une précédente séance et qui nous aurait fait rentrer tout à fait dans le régime des arrêtés dont on a tant abusé sous le précédent gouvernement.

Messieurs, je trouve que l’amendement de l'honorable M. Dedecker froisserait les intérêts des personnes qui ne veulent pas travailler le dimanche, tandis que ceux qui travailleront seraient favorisés. Je ne pense pas que nous puissions adopter une proposition qui aurait un semblable résultat. L’injustice existera encore avec l'amendement de l'honorable M. de La Coste, mais à un degré moindre. Avec cet amendement, celui qui veut observer sa religion ne perdra au moins que la moitié, il sera donc infiniment moins lésé dans ses intérêts qu'il le serait avec l'amendement de l'honorable député de Termonde.

Je voterai donc pour le sous-amendement.

M. Verhaegen. - Messieurs j'entends dire par l'honorable M. Rodenbach que ceux qui ne travailleront pas le dimanche gagneront ; j'entends dire derrière moi, au contraire, que ceux qui travailleront gagneront. C'est donc un problème à résoudre. A cet égard, j'attends, pour me prononcer, sur les amendements que M. le ministre nous donne des renseignements positifs, car il ne faut pas que l'un gagne ni que l'autre perde. Quant à moi, voici, messieurs, le principe qui me guide, je veux à tous égard l'exécution de l'article 15 de la constitution ; je veux la liberté pour tout le monde, je m'élèverais fortement contre toute loi qui empêcherait les citoyens de travailler le dimanche, parce que la constitution le leur permet, mais par la même raison je m'élèverais contre toute disposition qui forcerait certains industriels à un travail quelconque les jours fériés et qui les mettrait ainsi entre leur intérêt et leur conscience ; il doit y avoir liberté en tout et pour tous, et pour atteindre ce but il ne faut pas que celui qui juge à propos de travailler soit dans une position plus favorable que celui qui ne travaille pas. Nous devons tâcher de trouver une juste proportion, pour que tous soient dans la même position ; il ne faut pas encourager le travail du dimanche, mais aussi il ne faut pas l'empêcher.

Eh bien, messieurs, comme je l'ai dit en commençant, les uns prétendent que, d'après la proposition qui nous est soumise par la section centrale, ceux qui ne travaillent pas le dimanche gagneront, tandis que, derrière moi, l'on prétend que c'est le contraire qu'il faut admettre. Il nous faut donc à cet égard des renseignements positifs, afin que nous puissions nous prononcer en connaissance de cause.

M. le ministre des finances (M. Smits) - Ceux qui travailleront gagneront.

M. Verhaegen. - Cela n'est pas juste non plus ; il faut établir un équilibre tel que ni les uns ni les autres ne gagnent ou ne perdent. C'est à M. le ministre à nous soumettre une proposition qui ait ce résultat.

Messieurs, je ne puis pas laisser passer l'amendement sans faire une autre observation ; il est difficile de bien saisir le sens d'un rapport à une simple lecture, mais je crois avoir entendu que si l'amendement passait, M. le ministre espère bien que l'on en reviendrait à fixer le droit à un franc.

J'avoue que ce serait là une assez belle spéculation de la part de M. le ministre des finances : au lieu de 88 il aurait 100, de sorte qu'il gagnerait 12 ; or la faveur que l'on accorde à ceux qui ne travaillent pas le dimanche constituerait pour le trésor une perte très faible, ce serait une bagatelle. Je comprends donc facilement que M. le ministre fasse cette petite concession aux consciences timorées, pour avoir une augmentation de 12 centimes sur 88 ; mais, moi, je ne suis pas du tout d'avis d'accorder cette augmentation, je veux mettre tout le monde à l'aise, mais je ne veux pas dépasser le chiffre de 80 centimes pour la hauteur du droit. Je m'opposerai donc, au second vote, à ce que le droit soit élevé à un taux plus élevé, car je suis convaincu que le droit de 80 centimes rapportera plus au trésor que celui de un franc.

Quant à l'amendement de M. Dedecker, sous-amendé par l'honorable M. de la Coste, j'attends à cet égard, comme à l'égard de celui de la section centrale, les explications de M. le ministre des finances.

M. Demonceau. - Messieurs, si j'ai bien compris l'amendement de la section centrale, cet amendement permettrait aux distillateurs de suspendre leurs travaux le dimanche ; mais il est cependant des opérations qui se feraient ; ainsi, par exemple, la fermentation pourrait avoir lieu. Je voudrais savoir quelles seront les conséquences de cette fermentation sur le travail du lundi. Les ouvriers ne travailleront pas le dimanche ; mais, comme je l'ai dit dans une séance précédence, le distillateur pourra préparer la fermentation le samedi et laisser travailler les matières le dimanche ; je crois qu'en opérant de cette manière il pourra, si la proposition de l'honorable M. de La Coste est adoptée, obtenir un bénéfice important.

Il se pourrait donc que le distillateur qui ne travaillera pas obtînt un avantage sur celui qui travaille, et cela au détriment du trésor. Je crois donc, messieurs, que si quelqu'un doit perdre à tout ceci, ce sera le trésor public.

Si maintenant vous portez le chiffre du droit à 1 fr. sans additionnels, cela fera pour le trésor une augmentation de 12 centimes, puisque le droit de 80 centimes fait 88 avec les additionnels ; de cette manière vous compenseriez la réduction de 75 p. c. que vous accorderiez à ceux qui ne travaillent pas le dimanche.

La chambre me paraissant disposée à faire droit aux réclamations relatives au travail du dimanche, voici ce qui me paraîtrait le plus convenable ; ce serait de fixer le droit à 1 fr. sans additionnels, et d'accorder ensuite la réduction même de 75 p. c. à ceux qui déclareront ne pas vouloir travailler le dimanche.

Je m'explique, pour justifier cette opinion, c'est que je crois que si vous portez la réduction à 75 p. c., tous les distillateurs seront intéressés à ne pas travailler le dimanche ; ils ne travailleront pas manuellement, mais ils laisseront travailler les matières, parce qu'il y aura pour eux bénéfice.

M. Desmet**.** - Messieurs, je crains beaucoup que l'amendement proposé par l'honorable M. Dedecker, n'amène pas les résultats qu'il en espère ; l'honorable membre désire que les distillateurs ne soient pas forcés de travailler le dimanche. Eh bien, le résultat ne sera pas obtenu. En effet, le taux du droit sera le même que celui qui a été établi par la loi de 1837. Or, avec ce taux-là les distillateurs ont été obligés de travailler le dimanche ; il n'y a donc aucun motif d'espérer qu'ils pourront renoncer désormais au travail le dimanche, puisque le taux du droit reste le même. L'on continuera donc à tenir les distillateurs entre les exigences de leurs intérêts et celles de leur conscience.

On craint toujours que, si on exempte les dimanches, on perdra un septième du produit qu'on pense que l'impôt doit produire, mais on se trompe fortement, si on calcule de la sorte ; car, messieurs, si on ne travaille pas les dimanches, et comme on a toujours besoin de la quantité de liqueurs pour la consommation ordinaire et la quantité de résidus pour le bétail, on devra plus déclarer des matières à distiller, et comme le droit est sur le volume des matières, le produit sera selon la quantité des matières déclarées.

Ce ne sera donc pas la liberté qu'on laissera aux distillateurs consciencieux d'observer les jours de fête et les dimanches, mais bien le taux trop élevé des droits, qui fera augmenter la concurrence étrangère et diminuer la distillation de l'intérieur.

Un autre argument des adversaires de la liberté des jours fériés, est celui -ci : que quand on laisse fermenter les dimanches et qu'on sera exempt du droit, on aura un grand produit pour lequel on ne payera rien, Mais, messieurs, on se trompe fortement sur ce produit ; j'ai toujours dit que dans la bonne saison, pendant les mois d'hiver, ce produit n'aurait pas surpassé 9 p. c. Je prouverai cette assertion, car le plus qu'on peut faire de plus ce sera 1/12. C'est aussi le calcul que M. Claes, distillateur à Lembeke, a communiqué à la section centrale. Je voudrais bien qu'on établisse le calcul que le repos du dimanche puisse produire 50 p. c. de plus si c'est cependant la base de l'amendement présenté et que je combats, car il sera sans résultat. Je dirai plus, c'est que pendant l'été, pendant les canicules, les distillateurs auront des pertes.

M. Dedecker**.** - Messieurs, j'ai demandé la parole pou donner quelques mots d'explication sur l'amendement que j'ai proposé dans une séance précédente, et qui a été adopté par la section centrale.

Messieurs, j'ai déjà énoncé assez ouvertement le but que je voulais atteindre et que la chambre, je pense, veut sans doute atteindre aussi ; ce but, c'est la conciliation de la liberté de conscience avec les intérêts d'une industrie importante.

Je n'ai plus besoin de vous dire, messieurs, que moi aussi, s'il y avait moyen d'y parvenir, j'aimerais mieux voir les distillateurs qui observeraient le dimanche, exemptés en totalité du droit ; mais, messieurs, il ne faut pas se le dissimuler, il y a deux espèces d'individus qui réclament contre le travail imposé le dimanche et qui en demandent l'abolition : d'un côté, les distillateurs amis de la fraude ; de l'autre, les distillateurs véritablement consciencieux.

Si vous exemptez complètement le travail du dimanche, vous allez donner un immense appât à la fraude. Le premier résultat de cette fraude sera de diminuer d'une manière importante les recettes du trésor. En second lieu, cette possibilité de la fraude obligera le gouvernement à augmenter considérablement le personnel des agents de l'administration.

Par mon amendement, c'est-à-dire en réduisant seulement de moitié le droit imposé aux distillateurs, cet appât de la fraude est diminué de moitié.

Je pense donc que sous ce rapport les mêmes dangers n'existent plus ; les mêmes frais d'administration ne seront plus nécessaires.

Ensuite, pour ce qui concerne les personnes véritablement consciencieuses, je crois qu'au moyen de la restitution de la moitié du droit jointe a l'excédant de gain qu'elles feront par une plus longue fermentation, et en chargeant davantage les cuves de macération ; je crois, dis-je, que ces distillateurs rentreront à peu près dans leurs dépenses, et ils ne feront pas une perte totale en s'abstenant de travailler le dimanche. (Dénégations de la part de M. Desmet.) Toute la question est de savoir si, en s'abstenant de travailler au moyen d'ouvriers, et cependant en tenant les cuves pleines, la perte est tout entière ; je ne le pense pas : il est reconnu que la perte n'est pas totale, qu'on fait un certain gain, seulement on n'est pas d'accord sur le montant de la perte.

Je le répète donc, le résultat de cet amendement, d'après moi, sera celui-ci : Les personnes peu scrupuleuses qui écoutent bien plus la voix de leurs intérêts que les exigences de leur conscience, continueront à travailler le dimanche, parce que ce travail leur procurera encore un léger avantage. Mais les personnes qui, pour me servir de l'expression de l'honorable M. Rodenbach, ont la conscience timorée, ne travailleront plus, parce qu'elles n'auront plus à attendre un grand avantage du travail du dimanche.

M. Mercier**.** - Messieurs, je crois que la proposition de la section centrale est bien suffisante pour dédommager complètement le distillateur qui ne travaillera pas le dimanche.

Il me semble, d'après les observations qui ont été faites, qu'on ne paraît pas prendre en considération le travail des cuves de macération qui continue de travailler pendant la journée du dimanche. Si la macération continue à l'époque de l'établissement de la législation actuelle ne se faisait qu'en 36 ou 48 heures, il n'y aurait ainsi aucune perte pour le distillateur qui ne travaillerait pas le dimanche, car il suffirait de charger les cuves le samedi, et l’opération marcherait d’elle-même pour être achevée dans la journée du lundi,

Si même la macération ne s'achevait qu'en 30 heures, il y aurait encore une perte pour le distillateur. Mais aujourd'hui que le travail se fait en 24 heures, et même en moins de temps, il y a perte réelle ; toutefois, si ce distillateur veut presser un peu le travail de macération les jours qui précèdent le dimanche, le préjudice qu'il éprouvera ne sera en réalité que de la proportion du droit établi sur 7 ou 8 heures de travail ; dès lors l'amendement de la section centrale me semble accorder un véritable avantage aux distillateurs qui déclareront ne pas vouloir travailler le dimanche ; car ils ne perdront que 7 ou 8 heures au plus, tandis qu'on les indemnisera en raison d'une suspension de travail de 12 heures.

Je me prononcerai donc pour l'amendement de la section centrale, et je voterai contre l'amendement de M. de La Coste, qui propose une déduction de 75 p. c. Cette déduction me paraît beaucoup trop forte, et causerait un préjudice trop notable aux intérêts du trésor.

M. Demonceau**.** - Messieurs, je vous avoue que je voudrais désintéresser les distillateurs, de manière à ce qu'ils pussent se dispenser de travailler le dimanche ; or, je crois que si nous reportions le chiffre de l'impôt à un franc, et si nous accordions ¾ de déduction, aucun distillateur ne serait tenté de travailler le dimanche, et le trésor ne perdait rien.

Voici, messieurs, des calculs sur lesquels j'appelle votre attention.

Pour le droit actuel de 66 c., quand l'on travaille les 7 jours de la semaine, l'on paye 4 fr. 62 c. par semaine ; avec un droit de 88 c., l'on payera 6 fr. 16 c. pour les sept jours, avec le droit d'un franc et une réduction de ¾ l'on payerait 6 fr. 25 c.

Ainsi, le trésor aurait neuf centimes en plus, supposé que tous les distillateurs se dispensassent de travailler le dimanche. C’est un calcul que mon honorable collègue, M. Brabant, vient de faire avec moi. Si vous adoptiez la proposition de la section centrale, voici ce qui adviendrait pour le trésor. Pendant la semaine, le droit est de 6-16 ; si vous admettez la réduction de la moitié d'un jour, vous réduisez le droit à 5-72, si vous admettez la réduction des 3/ 4, vous le réduisez à 5-50.

Il en résulte que si vous comparez 5-50 avec 4-62, qui est en discussion, vous trouvez que le trésor n'aurait qu'une augmentation de 88 centimes sur sept jours ; je le répète donc, si vous voulez accorder une remise qui permette de ne pas travailler le dimanche, il faut revenir au droit d'un franc et accorder ¾ de réduction. De cette manière tous les distillateurs s'abstiendront de travailler.

M. Verhaegen**.** - Maintenant, messieurs, je ne puis plus être d'accord avec les honorables préopinants, car leurs exigences vont en croissant, et déjà elles dépassent les bornes tracées par la constitution. J'ai dit que j'aurais appuyé tout amendement ayant pour objet de donner une diminution de droits à ceux qui voudraient chômer les dimanches et fêtes. Je suis encore prêt à voter en ce sens parce qu'il ne faut pas faire violence aux consciences. Il faut qu'il y ait liberté, pour tout le monde, de travailler ou de ne pas travailler. Il faut que ceux qui, dans le for intérieur, pensent devoir s'abstenir de tout travail, puissent suivre l'impulsion de leur conscience, sans être tenus à des droits, même en chômant.

Enfin, il ne faut mettre personne entre son intérêt et sa conviction. J'admets le principe dans toute sa plénitude. Mais, je ne puis pas admettre, avec M. Demonceau, qu'il faille accorder a ceux qui chômeront une diminution de droits plus forte que celle dont ils ont besoin pour ne pas faire de perte, et je m'explique : l'honorable M. Demonceau dit qu'il faut accorder plus que la compensation de la perte résultant de la cessation de travail ; et son but il ne s'en cache pas, c'est de donner une prime à ceux qui en Belgique voudront bien s'abstenir de travailler le dimanche, et ce serait le trésor qui ferait ce sacrifice dans l'intérêt de la religion et de la morale !! Je ne sais si M. Demonceau y a bien songé, mais, quant à moi, je combattrai cette opinion de toutes mes forces.

Moi qui veux franchement l'observation de l’article 15 de la constitution, je rencontre le contraire chez les honorables préopinants.

M. Demonceau a dit en termes non équivoques qu'il voulait donner aux distillateurs une remise de 75 p. c. du droit pour les engager à ne pas travailler le dimanche, tandis que M. Dedecker et Mercier viennent d'établir qu'avec 50 p. c. ils ont tout ce dont ils ont besoin ; en effet, avec cette remise de 50 p. c. et la fermentation dont ils profiteront, ils viendront très bien à leur compte. Certes, en leur donnant 75 p. c., alors que 50 p. c, doivent suffire, il n'y aura plus aucun distillateur en Belgique qui travaillera le dimanche, et ce sera le trésor qui fera le sacrifice.

Mais c'est froisser le sens de l'article 15 de la constitution ; moi qui veux laisser à chacun la liberté d'agir comme il l'entend, à celui qui ne veut pas travailler la liberté de s'abstenir sans qu'il en résulte une perte pour sa fabrication, je ne puis pas admettre qu'on favorise ceux qui ne travailleront pas, faire payer une prime par le trésor à ceux qui observeront le dimanche.

Disons-le franchement ; ce n'est plus de la religion, ce n'est plus de la conviction. J'aime beaucoup un homme qui, convaincu qu'il doit s'abstenir de tout travail ne travaille pas, mais je mépriserais l'homme qui, sous le manteau de l'hypocrisie, accepterait la prime et ne s’abstiendrait de travailler le dimanche que pour servir ses intérêts matériels, car alors ce n'est plus suivre sa religion, c'est en trafiquer.

Pour mon compte je vois là une immoralité ; s'il y a immoralité à forcer au travail du dimanche certains industriels, sans égard à leurs convictions religieuses, je vois une immoralité non moins grande à donner une prime à ceux qui ne sont poussés à l'abstention par aucune conviction quelconque.

Il faut, une bonne fois pour toutes, rester dans les limites qui nous sont tracées par la constitution.

Il y a des dispositions qui peuvent ne pas plaire à tout le monde. Mais elles sont là. Quant à moi, je veux en subir toutes les conséquences. Jamais je ne m'élèverai contre une proposition qui s'appuiera sur notre pacte fondamental. J'en ai donné l'exemple en prenant la parole le premier dans cette circonstance, et en disant que je voterais en faveur de tout amendement qui laisserait une liberté entière à toutes les consciences. Mais aussi je n'entends pas aller plus loin. Nous bouleverserions tout, s'il fallait donner une prime à ceux qui s"abstiendraient de travailler le dimanche. Demain il faudrait en donner aussi une à ceux qui rempliraient d'autres devoirs religieux, et l'argent du trésor serait détourné de sa destination. Ce que les honorables préopinants ont en vue et très beau, très moral ; mais c'est ailleurs que dans la chambre des représentants que ce but doit être atteint. A chacun sa mission.

M. Mercier. - Les inconvénients d'une forte augmentation de droit, qui ont été longuement discutés dans une des séances précédentes, sont indépendants de la mesure qui sera prise pour la remise à faire pour le travail du dimanche. Ainsi, le raisonnement de M. Demonceau n'aura aucune influence sur ceux qui pensent qu'un droit d'un franc n'est pas compatible avec la législation actuelle, qu'il entraînerait des conséquences fâcheuses sans utilité réelle pour le trésor ; ces conséquences existeraient, qu'on accorde ou qu'on n'accorde pas la remise, que cette remise soit de 50 ou de 75 p. c. Ce que nous voulons tous, en entrant dans le système de l'amendement proposé, c'est que le distillateur ne perde rien en s'abstenant de travailler le dimanche ; j'ai la conviction que la proposition de M. Dedecker, adoptée par la section centrale et le gouvernement, remplit ce but.

En effet, le distillateur, en ne travaillant pas le dimanche, ne perdra guère que de 7 à 8 heures de travail au plus ; dans certaines usines les travaux pourraient même être combinés de manière à ne perdre que quatre à cinq heures. Cependant l'amendement fait aux distillateurs une remise basée sur un travail de 12 heures. Je ne conçois pas qu'on puisse supposer qu'il y en ait un seul qui ne profite pas de cette disposition. Tous, j'en suis sûr, déclareront qu'ils chômeront le dimanche ; ils jouiront de la remise de 50 p. c. du droit, tandis que leurs cuves continueront à fermenter. J'ajouterai que les cuves pouvant rester plus longtemps en macération, pourront être chargées un peu plus que de coutume et donneront un produit plus considérable que si elles avaient été soumises à une prompte fermentation. Ce sera encore là un dédommagement accessoire. Au résumé, j'ai la persuasion que la remise de 50 p. c. est plus que suffisante, que tous les distillateurs l'accepteront et auront intérêt à en profiter.

M. Demonceau. - Si la remise de 50 p. c. est suffisante pour indemniser ceux qui veulent se dispenser de travailler le dimanche, je ne voterai pas 75 p.c. J'ai été étonné d'entendre M. Verhaegen me reprocher de défendre une opinion tendant à accorder une prime à ceux qui voudraient observer le dimanche. Ce reproche aurait dû être adressé aux auteurs des amendements. Je propose de réduire de beaucoup l'amendement de M. Delehaye que M. Verhaegen n'avait pas trouvé mauvais.

M. Verhaegen. - Je ne l'ai pas approuvé.

M. Demonceau. - Au moins vous ne l'avez pas combattu et me combattez quand j'appuie un amendement moins avantageux ; comment se peut-il donc que ce soit moi qui veux modérer ces amendements, qui reçoive les reproches dont ils sont l'objet, alors que je dis moi-même que le trésor sera la principale victime dans cette circonstance ? Je ne suis pas habitué à tenir fortement à mes opinions.

Je m'aperçois que tous les efforts des honorables membres qui ont pris la parole tendent à dispenser le distillateur de travailler le dimanche. Mais à côté du distillateur, il y a l'ouvrier. Est-il libre lui, de ne pas travailler ? Ne doit-il pas son travail à son maître ? Profitera-t-il de la réduction ? Au contraire, il payera le genièvre plus cher. Quand j'indemnise le trésor par un droit plus élevé, c'est le consommateur qui le paye. Or, le grand consommateur du genièvre, c'est l'ouvrier. Mais c'est parce que je voudrais voir diminuer la consommation du genièvre, qui est la ruine de cette classe ouvrière à laquelle je m'intéresse, et à laquelle s'intéresse sans doute aussi M. Verhaegen, que j'ai voté le droit d'un franc, dans l'espoir de rendre cette boisson d'un difficile accès et de lui faire préférer la bière qui est une boisson nourrissante, tandis que le genièvre détruit ou du moins compromet les générations.

Ainsi, lorsque mes honorables collègues ont proposé des amendements que j'ai combattus d'abord, j'ai dû croire qu'ils demandaient qu'on pût se dispenser de travailler le dimanche plutôt dans l'intérêt des ouvriers que dans l'intérêt des distillateurs, afin qu'ils puissent remplir leurs devoirs religieux ; vous aurez beau dire : ceux là ne sont pas libres ; car, sans argent, il est bien difficile d'être libre aujourd'hui.

(Moniteur belge n°128, du 8 mai 1842) M. le ministre des finances (M. Smits) - Messieurs, l'honorable préopinant est revenu sur la question de fraude, question que nous avons débattue dans la discussion générale et que nous avons résolue négativement, dans ce sens que nous avons prouvé qu'il n'y avait pas d'importation de genièvre de l'étranger ; cette preuve, l'honorable M. de Nef vous l'a aussi donnée, lorsqu'il vous a dit que, dans l'arrondissement de Turnhout, on avait envoyé 15,000 hectolitres de genièvre de l'intérieur. Or, l'arrondissement de Turnhout est sur la frontière hollandaise, et si une importation pouvait se faire, ce serait de ce côté qu'elle aurait lieu.

On importe, il est vrai, des eaux-de-vie de France. Mais je ferai remarquer que le droit sur l'eau-de-vie de France est de 50 fr., tandis qu'en portant même le droit à 1 franc sur le genièvre belge, ce droit ne reviendra qu'à 20 francs. Il y a donc impossibilité pour les eaux-de-vie de lutter avec les eaux-de-vie indigènes, car il y a une différence de 30 francs.

D'ailleurs, si on a besoin des eaux-de-vie de France, il n'y a pas de motifs pour en défendre l'importation. Le droit existant sur ce liquide est assez élevé, et la chambre se rappellera que c'est sur sa demande que le droit, qui était de 58 fr., a été diminué jusqu'à concurrence de 50 fr., afin de prévenir les importations frauduleuses.

Je ne comprends pas non plus comment les distillateurs dont parle l'honorable préopinant, s'élèveraient contre la réduction de 50 p. c. proposée par la section centrale. Car sous ce régime nouveau leur position sera bien plus favorable qu'elle ne l'est aujourd'hui. En effet, dans le moment actuel ils ne reçoivent aucune exemption, ils paient l'impôt intégralement, c'est-à-dire 66 centimes, Eh bien, avec la proposition de la section centrale, et dans la supposition que le droit de 1 fr. sera admis, ils ne payeront que 50 centimes ; il y a donc 16 centimes de différence entièrement à l'avantage du distillateur, qui dès lors n'a pas droit de se plaindre.

Du reste, cette remise de 50 p. c. vous a été proposée par un motif d'équité. Mais aller au-delà serait frustrer inutilement le trésor et faire une libéralité vraiment trop grande.

(Moniteur belge n°126 et 127, du 6 et 7 mai 1842) M. de La Coste. - Il me paraît que la question tend à se déplacer, du moins qu'elle sort du cercle dans lequel elle m'avait paru devoir se renfermer. Quant à moi, j'aime à m'appuyer, pour défendre mes convictions, sur ces principes larges et féconds qui ne sont point la propriété exclusive d'une seule opinion, mais que chaque opinion peut invoquer à son tour.

Sous l'empire de la loi actuelle (et ceci résulte suffisamment de toute la discussion), il y a une prime pour celui qui travaille le dimanche. Je veux la faire cesser et non qu'il en soit donné une en sens contraire.

A cet effet, je demandais qu'on fît des calculs ; qu'on fît, au besoin, sous ce rapport, une classification des distilleries. C'était le but de mon amendement. M. le ministre des finances a trouvé cette tâche trop difficile. Nous sommes donc réduits à une approximation ; cette approximation ne peut résulter pour moi que des renseignements que j'ai recueillis et d'une espèce de conviction intime que j'ai puisée à cette source.

J'ai la conviction que plusieurs distillateurs qui désirent ne pas travailler, soit par des motifs personnels de conscience, soit dans l'intérêt de leurs ouvriers et à cause de l'espèce de scandale, qui résulte du travail des jours fériés surtout dans les petites communes, de la désunion que cela jette dans les familles ; j'ai, dis-je, la conviction intime que plusieurs de ces distillateurs continueront à travailler, si la réduction n'est que de 50 p. c., et qu'ils ne travailleraient pas, si elle était de 75 p. c. Voila les motifs qui ont dicté ma proposition.

Au surplus je ne serai pas inconséquent en votant au second vote le droit d'un franc, puisque j'ai déjà voté pour ce chiffre une première fois. Mais mon vote, comme je l'ai dit a été le résultat de l'examen d'une question complexe. J'ai dit que je voterais le droit d'un franc, pourvu qu'il fût satisfait aux réclamations que je crois justes. Je n'ai point changé d'avis et c'est pour autant que la question qui nous occupe reçoive une solution satisfaisante que je confirmerai mon premier vote.

Je ne pense pas toutefois que ce taux d’un franc soit aussi onéreux, aussi exagéré qu'on paraît le craindre. Il faut considérer que le travail qui se faisait il y a 5 ou 6 ans en 36 heures, se termine maintenant en 24 heures. Ainsi le droit d'un franc correspond à peu près à ce qu'aurait été celui de 60 centimes avec les additionnels, à une époque antérieure, la durée du travail, qui est un des éléments de la perception du droit, étant diminuée d'un tiers.

En conséquence, je maintiens mon amendement, et je me propose, s'il est admis, si la question est résolue d'une manière qui me paraisse équitable, de voter comme je l'ai déjà fait quant au chiffre de l’impôt.

M. le ministre des finances (M. Smits) - Il se présente ici deux questions : une question de revenu, d'impôt, une question d'équité.

Quant à la première, je vous rappellerai, messieurs, que la chambre a déjà voté cette année en dehors du budget 2 millions de francs de dépenses ordinaires et 1 million de francs de dépenses extraordinaires, en tout 5 millions qui ne figurent pas au budget. Dans cette situation, qu'a dû faire le gouvernement ? Vous proposer des voies et moyens pour faire face à ces dépenses, et c'est ce qu'il a fait en proposant d'élever le droit à un franc par hectolitre de matières macérées. Cet impôt, ainsi fixé, lui aurait donné une augmentation de revenu de 2,400,000 fr.

M. Rodenbach, - Et les abonnements ?

M. le ministre des finances (M. Smits) - Cela est distinct de l'impôt dont il s'agit maintenant.

La chambre n'a pas encore adopté la proposition du gouvernement. Par son premier vote, elle a réduit le chiffre d'un franc à 80 centimes, et ces 80 centimes ne donneront pour tout résultat que 1,200,000 fr.

Mais, dit-on, en élevant le chiffre, vous faites un tort réel pour le distillateur qui ne travaillerait pas le dimanche. En effet, il y aurait une certaine perte pour lui ; mais je crois que l'honorable M. Mercier a été très large et est allé au-delà de la limite en évaluant cette perte de 8 à 9 heures. Quoi qu'il en soit, c'est pour compenser cette perte, et par un motif d'équité, que je me suis rallié ; l'amendement de M. Dedecker en consentant à la réduction de 50 p. c. sur le droit fixé, bien entendu que la chambre reviendra sur son premier vote de 80 centimes à 1 fr. Car si cette majoration n'avait pas lieu, le but de la loi ne serait pas atteint, puisqu'il faudrait encore créer des ressources extraordinaires pour faire face aux dépenses qui ont été votées.

Il est bien vrai qu'avec le chiffre d'un franc, et avec la disposition en discussion, le trésor recevra quelque chose de plus qu'avec le droit de 88 centimes, sans cette disposition ; mais il n'y a pas là grand mal, puisqu'il nous faut rechercher des ressources nouvelles pour ,faire face aux besoins du trésor. En adoptant la disposition proposée par la section centrale, la chambre aura fait tout ce qu'il est équitable de faire ; accepter la proposition de l'honorable M. de La Coste , élever la réduction à 75 p. c. serait un sacrifice trop considérable,qu'on ne pourrait supporter dans les circonstances actuelles.

M. Dubus (aîné)**.** - La parole est à M. de Mérode.

M. de Mérode. - J'y renonce : on a fait les observations que je voulais faire.

M. Desmet. - L'honorable M. Verhaegen a dit que si la loi passait, elle serait immorale, en ce qu’elle ferait tort à ceux qui travailleraient le dimanche.

L'honorable M. Mercier a supposé qu'on laisse fermenter pendant 48 heures. Cela ne se fait jamais, Aujourd'hui on travaille en 24 heures, pour avoir sept opérations par semaine. Si on travaillait comme l'a supposé M. Mercier, on n'aurait que sept opérations en deux semaines.

Les calculs ont été présentés par nous et par un distillateur renommé ; il en résulte qu'en ne travaillant pas le dimanche, on gagnera, maximum de 8 à 9 p. c., ou le douzième du droit.

Remarquez que si la fermentation durait 48 heures, comme l'a supposé M. Mercier, les matières, surtout en été, ne seraient bonnes à rien.

L'honorable M. Dedecker a dit que les personnes peu scrupuleuses travailleraient le dimanche et que les personnes consciencieuses ne travailleraient pas. Il a prouvé ainsi qu'il y avait avantage à travailler et s'est rallié implicitement à l'amendement de l'honorable M. De la Coste. Il est évident que c'est cet amendement que la chambre doit adopter.

M. Delehaye. - Lorsque j'ai eu l'honneur de développer mon amendement, j'ai dit que le distillateur qui chômerait le dimanche, aurait un avantage en ce qu'il retirerait de la matière macérée une plus grande quantité d'alcool. Depuis on a prétendu que cet avantage n'était pas le seul qu'il obtiendrait. Sans être distillateur, je puis affirmer que de l'examen minutieux des travaux de plusieurs distilleries, et des renseignements que hier encore j'ai obtenus de plusieurs distillateurs de Gand et des environs, il résulte à l'évidence qu'il serait impossible qu'en chômant le dimanche, on gagne même une seule heure de travail. Vous savez déjà que lorsqu'on fait une déclaration de travail le premier jour la distillation n'a pas lieu. Alors commence la macération, la distillation ne commence que le second jour. Si la distillation n'a pas lieu le dimanche, elle commencera le lundi ; la macération ayant été plus longue, il en résultera qu'on en retirera une plus grande quantité d'alcool. C'est un avantage réel incontestable ; mais cet avantage ne peut aller au-delà de 8 p. c. ; encore cet avantage n’existera-t-il pas pour tous les distillateurs. Il faudra qu'un distillateur connaisse bien son état pour extraire cet alcool, car vous savez que souvent, quand la macération dure trop longtemps, l'alcool se détruit par l'acide.

On vous propose une déduction de 50 p. c., pour ceux qui ne travailleront pas. Ainsi, au lieu de perdre 100, ils perdront 50. N'est-ce pas beaucoup pour un père de famille ? Vous savez que tous les distillateurs ne sont pas riches. Il y en a qui ne travaillent que sur une petite échelle et qui n'ont pas de capitaux bien considérables. Ne sera-ce pas beaucoup pour eux qu'une perle de 50 p. c. ? Pour d'autres cette perte se réduira, à la vérité, à 25 francs par jour de repos, mais cette somme répétée 52 fois par an atteindra la somme de 1250 francs, somme énorme pour certain père de famille !

Je ne me suis pas dissimulé que, d'après ma proposition, il y avait avantage pour le distillateur à ne pas travailler ; mais cet avantage engagera tous les distillateurs à chômer le dimanche. Et sous le rapport religieux, comme sous le rapport de l'hygiène, il est utile que les ouvriers se reposent le septième jour. Pour moi ce n'est pas une question de religion, une question de morale seule qui me fait agir, la santé de l'ouvrier m'engage à soutenir ma proposition.

Je dis que l'ouvrier qui s'abandonne pendant six jours à un travail fatigant a besoin pour sa santé de se reposer le septième.

Messieurs, quoique l'observation que je vais faire soit un peu étrangère à l'objet en discussion, cependant comme j'ai été provoqué sur ce terrain par M. le ministre des finances, vous me permettrez de l'y suivre.

On vous dit que vous avez déjà voté 2 ou 3 millions de dépenses extraordinaires et qu'il faut voter des fonds pour les couvrir. Certainement lorsqu'une dépense est faite, il faut la couvrir. Mais est-ce un bien bon moyen que celui qu'on vous présente ; de porter à 1 fr. un droit qui n'était qu'à 60 cent.?

Messieurs, le genièvre belge et les eaux-de-vie étrangères se font concurrence sur le marché du pays. Aujourd'hui cette concurrence se soutient ; on boit du genièvre belge et de l'eau-de-vie étrangère. Mais comment voulez-vous que la lutte se soutienne, si vous aggravez la position du distillateur belge, et si vous maintenez celle de l'importateur étranger? Evidemment la lutte n'est plus égale.

Messieurs, n'oubliez pas qu'en 1841 la ville de Gand seule a macéré 40,000 hectolitres de moins que les années précédentes. Et d'où provient cette diminution? De ce que le droit qui n'était que de 40 c. a été porté à 60. Il me paraît dès lors certain qu'alors que vous changez aussi subitement et surtout d'une manière aussi grave la position de votre industrie, il lui devient impossible de lutter encore contre l'industrie étrangère, et que le trésor, loin d'en retirer un avantage, n'éprouvera que des pertes.

M. le ministre des finances (M. Smits) – (Nous donnerons ce discours) (Ce discours ne semble pas avoir été inséré dans le Moniteur belge).

M. de Theux. - M. le ministre des finances, en consentant à la réduction de 50 p. c. au profit des distillateurs qui déclarent vouloir chômer le dimanche, réclame d'un autre côté pour compensation l'augmentation du droit jusqu'à concurrence de 1 fr., additionnels compris. Je ne suis nullement surpris de la concession que fait M. le ministre au profit des distillateurs qui chôment le dimanche ; cela lui fait une très belle majoration de droit, une majoration d'au moins 6 centimes. C'est comme si le droit était porté à 94 centimes. Et encore je suppose que la fermentation qui peut se faire le dimanche sans aucun travail, occupe les 24 heures au profit du distillateur ; c'est dans cette supposition que je considère que le bénéfice ne sera que de 6 centimes ; c'est là faire une concession très large,

Je dis que si on n'accorde que 50 p. c. au profit des distillateurs qui chôment le dimanche, M. le ministre ne peut réclamer qu'un droit de 94 centimes, additionnels compris. Maintenant, je suppose que la chambre admette la proposition qui lui a été faite par l'honorable M. De la Coste, d'accorder 70 p. c. de réduction, eh bien, dans ce cas, en admettant le droit de 1 fr. proposé par M. le ministre des finances, il y aurait encore un centime et demi de bénéfice pour le trésor sur le taux primitivement voté par la chambre ; de telle manière que le droit de 1 franc ne pourrait être adopté par la chambre, si elle demeure conséquente avec son premier vote, qu'autant qu'elle admettrait l'amendement de l'honorable M. de La Coste, et dans ce cas, comme je viens de le dire, vous feriez encore une concession d'un centime et demi de majoration au profit du trésor.

Le calcul est extrêmement facile. Je suppose un travail de 7 jours, à 88 c., cela fait 6 fr. 16 c. pour la semaine. Je suppose maintenant que le taux de l'impôt soit porté à 1 fr., comme le demande M. le ministre des finances, et que vous admettiez la remise de 75 p. c. proposée par l'honorable M. de La Coste ; dans cette hypothèse, le droit pour la semaine rapportera 6 fr. 25 au lieu de 6 fr. 16. Vous voyez donc que, dans ce dernier cas, le trésor fait un bénéfice d'un centime et demi.

Lorsque je dis ceci, c'est que je ne veux en aucune manière grossir les bénéfices du trésor dans mes calculs. Car je suppose qu'il n'y ait rien de perdu dans les 24 heures de fermentation du dimanche ; c'est là une très large concession. De telle manière que, si la chambre ne vote que 50 p. c. de réduction, lorsque la question du taux sera remise en discussion, au lieu du droit de 1 fr. que propose M. le ministre des finances, je proposerai de ne concéder que 94 centimes. De cette manière, messieurs, il ne sera fait aucun changement dans les positions, parce que si le distillateur paye 94 centimes, il gagne aussi le moyen de fermentation qui se fait le jour du dimanche et qui ne constitue pas un travail. Il n'y aura ainsi rien de changé ni dans le prix du genièvre, ni dans la condition du distillateur. Seulement le trésor bénéficiera d'un centime et demi, et ce n'est pas là une différence assez considérable pour être discutée.

D'après ces considérations mon vote, quant au chiffre, sera entièrement subordonné à la quotité de la réduction accordée.

(Moniteur belge n°128, du 8 mai 1842) M. le ministre des finances (M. Smits) - Une loi, me semble-t-il, doit être sévère ; elle doit reposer sur un principe. En concédant la réduction de 50 p. c., nous avons considéré que c'était une indemnité équitable pour les pertes qu'éprouvait le distillateur, en ne travaillant pas le dimanche. Mais si vous portez cette réduction à 75 p. c., il n'y a plus compensation des pertes éprouvées ; il y a une véritable prime ; dans ce cas j'aimerais beaucoup mieux exempter complètement le distillateur du droit, pour le jour du dimanche, si la chambre voulait, en vue des intérêts du trésor, admettre le droit de 1 franc et les additionnels. Ce serait une proposition plus rationnelle que celle de porter la remise à 75 p. c.

(Moniteur belge n°126 et 127, du 6 et 7 mai 1842) M. Rodenbach. - Je persiste à croire qu'avec l'amendement de l'honorable M. Dedecker, les distillateurs qui s'abstiendraient de travailler le dimanche, seraient froissés dans leurs intérêts ; je persiste dans cette opinion par les motifs que vous ont allégués les honorables MM. Desmet et Delehaye.

Messieurs, j'ai demandé la parole lorsque M. le ministre des finances vous a dit que dans la Campine on ne fraudait pas de genièvre. Je conviens de cela ; mais quel en est le motif ? C'est le bas prix auquel les grandes distilleries d'Anvers ont fourni ce liquide à la Campine. M. le ministre des finances nous a promis de prendre des renseignements à Anvers sur la prime qu'accordait l'octroi ; mais il paraît que, par suite de ces primes, les petites distilleries de la Campine ne peuvent plus travailler. Et non seulement les grands distillateurs d'Anvers ont fourni la Campine, mais ils ont transporté leur genièvre dans les Flandres.

Messieurs, l'honorable ministre des finances avait, lors de la première discussion, prétendu qu'on n'avait importé en fraude qu'une pipe d'eau-de-vie de France. Aujourd'hui il paraît qu'il convient qu'on fraude davantage, qu'on introduit dans le pays des spiritueux de France. Messieurs, il est certain qu'avec le droit de 50 fr., on peut introduire en Belgique des alcools de France.

J'ajouterai que même dans le département du Nord, on sait aussi produire des alcools à 36 degrés, comme ceux que l’on fait ici, avec du grain et de la fécule de pommes de terre. Il y a dans le département du Nord de grands établissements qui font de l'alcool avec de la fécule de pommes de terre. Eh bien, ces alcools, on les introduit en fraude en Belgique et l'administration en France favorise cette fraude au point que les employés accompagnent les fraudeurs pour faciliter leurs opérations. Lorsque cet alcool est ainsi introduit dans notre pays, on le coupe avec du 80 ou 90 p. c. d'eau, puis on y ajoute du… de genièvre pour y donner le goût de cette liqueur. Voilà, messieurs, comment la fraude se fait. D'ailleurs l’honorable M. Duvivier vous a déjà dit que dans les environs de sa maison de campagne, il a vu journellement frauder des spiritueux français. Qu'on ne vienne donc pas dire qu'on n'introduit qu'une pipe d'esprit dans le pays.

Lorsqu'il a été question dans cette enceinte, d'imposer le café, le ministère d'alors avait demandé un droit assez élevé. Le grand argument que l'on a fait valoir contre cette proposition, c'est qu'on introduirait le café en fraude sur un espace de 50 à 60 lieues. C'est par cette considération que l'on a repoussée la proposition qui avait été faite par le gouvernement et même celle que j'avais faite et qui ne tendait qu’à fixer le droit à 12 francs par 100 kilog. M. le ministre des finances vous a fait remarquer que déjà plusieurs millions de dépenses ont été votés au-delà des prévisions et qu’il faut bien voter des voies et moyens pour couvrir ces dépenses.

Mais, messieurs, nous avons encore la loi sur l'abonnement des boissons distillées, par laquelle M. le ministre demande deux millions au lieu de un million. Voilà encore une augmentation de un million. Après cela pourquoi n’imposerait-on pas le café de 12 centimes le kilo ? Sous le précédent ministère, une semblable proposition a été rejetée, mais maintenant que l'on a voté tant de nouvelles dépenses, la chambre serait peut-être plus disposée à adopter cette nouvelle proposition, d’autant plus le café a fortement baissé et que ce droit serait peut-être un bien-être pour les détenteurs. Les cafés sont aujourd'hui à des prix excessivement bas ; ils ont éprouvé une baisse de 20 à 30 p. c. de même que d'autres denrées coloniales. Je pense donc que l'on pourrait facilement trouver un million ou deux sur ces denrées ; au moins cela ne porterait pas préjudice à l’industrie.

(Moniteur belge n°128, du 8 mai 1842) M. le ministre des finances (M. Smits) - Messieurs, j'ai demandé la parole pour répondre à l'interpellation de l'honorable préopinant. Ainsi que je l'avais annoncé à la chambre, j'ai pris des renseignements sur ce qui se pratique à l'octroi d'Anvers, et j'ai reconnu que la restitution du droit accordée à l'exportation est réglée d'après des bases équitables : l'octroi d'Anvers reçoit une taxe à raison de 20 c. par hectolitre de cuve de macération, et à l'exportation il est accordé 4 fr., ce qui est dans les proportions, mais dans les proportions admises par le gouvernement lui-même. Si les distillateurs d'Anvers envoient du genièvre dans l'arrondissement de Turnhout, il n'y a là rien qui doivent surprendre, puisqu'Anvers se trouve le plus à proximité de la Campine.

L'honorable membre a trouvé étonnant que nous insistions sur le droit de 1 franc dans l'intérêt du trésor. Il a prétendu que, indépendamment de la loi que nous discutons, il en est encore d'autres qui ont pour but de procurer des ressources au trésor ; il a cité, entre autres, celle qui concerne le débit des boissons distillées. Mais je prierai l'honorable membre de ne pas perdre de vue que nos dépenses ne sont pas bornées à celles qui sont déjà votées, qu'il y en aura encore d'autres à décréter ; nous aurons donc besoin non seulement des ressources que pourra nous donner la loi sur les distilleries, mais aussi de celles que nous trouverons dans les autres lois d'impôt que nous aurons à revoir. Je m'occupe de la révision des lois sur les patentes et sur la contribution personnelle : et je pense qu'au commencement de la session prochaine, nous pourrons vous présenter des projets à cet égard.

En ce qui concerne le café, je crois qu'il serait contraire aux intérêts du trésor de l'imposer plus fortement. La Belgique importe annuellement 24 à 25 millions de livres de café sur lesquels le droit se paie intégralement, soit qu'on les consomme dans le pays soit qu'on ne les consomme pas. Je me suis demandé quelle peut être la consommation du café en Belgique, et n'ayant pas de bases positives, j'ai consulté la statistique des pays voisins et j'ai trouvé que la France, entre autres, absorbe pour sa consommation intérieure environ 11 millions de kilog. ; partant de ce fait, je me suis dit : si 35 millions de Français consomment 11 millions de kilogr., combien consommeront 4 millions de Belges ? Mais je ferai une supposition beaucoup plus favorable à ceux qui demandent l'élévation des droits sur le café ; je supposerai que nous consommons autant que 35 millions de Français, que nous consommons, comme eux, 11 millions de kilog.

Eh bien, dans ce cas et à cause de la modération de la taxe actuelle, le trésor perçoit le droit sur 15 millions de kilog. maintenant que nous ne consommons pas. Si vous augmentez la taxe, il est certain qu'on ne paiera plus le droit que sur la quantité consommée, de sorte que le trésor perdrait au lieu de gagner. Voilà, messieurs, le motif pour lequel, jusqu'à présent, je n'ai pas proposé d'augmenter l'impôt sur le café.

(Moniteur belge n°126 et 127, du 6 et 7 mai 1842) - Les amendements de MM. Delehaye et Desmet, sont successivement mis aux voix ; ils ne sont pas adoptés.

Le sous-amendement de M. de La Coste, est mis aux voix par appel nominal :

57 membres sont présents.

1, M. Dedecker, s'abstient.

26 adoptent.

30 rejettent.

En conséquence la proposition n'est pas adoptée.

Ont voté l'adoption : MM. Brabant, De la Coste, Dechamps, de Florisone, Delehaye, de Man d'Attenrode, de Meer de Moorsel, Demonceau, de Nef, Deprey, de Renesse, Desmet, de Theux, Doignon, Duvivier, Eloy de Burdinne, Hye-Hoys, Huveners, Lejeune, Morel-Danheel, Peeters, Raikem, Rodenbach, Simons, Vandenbossche et Vandensteen.

Ont voté le rejet : MM. Cogels, Coghen, Cools, David, de Behr, de Garcia de la Vega, Delfosse, de Roo, Desmaisières, de Terbecq, Dolez, Fleussu, Jadot, Jonet, Lys, Maertens, Malou, Mercier, Nothomb, Osy, Puissant, Rogier, Smits. Trentesaux, Troye, Van Cutsem, Van Volxem, Verhaegen, Zoude et Dubus (aîné).

M. Dedecker motive en ces termes son abstention - Messieurs, d'un côté je n'ai pas voulu voter contre, parce que mon désir était de faire aussi belle que possible la part aux personnes qui veulent observer le précepte du dimanche ; d'un autre côté, je n'ai pas voulu voter pour, parce que j'aurais craint par là d'ouvrir une porte trop large à la fraude. J'a donc cru devoir m'abstenir.

M. le président**.** - Reste à voter l'amendement de la section centrale, dont il a été donné lecture.

On réclame l'appel nominal.

Il y est procédé.

En voici le résultat :

56 membres ont pris part au vote.

Un membre (M. Desmet) s'est abstenu,

Les 55 autres membres ont répondu oui.

En conséquence l'amendement est adopté.

Ont voté l’adoption : MM. Brabant, de La Coste, Cogels, Coghen, Cools, David, de Behr, Dedecker, de Florisone, de Garcia de la Vega, Delehaye, Delfosse, de Man d'Attenrode, de Meer de Moorsel, Demonceau, de Nef, Deprey, de Renesse, de Roo, Desmaisières, de Terbecq, de Theux, Doignon, Dolez, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fleussu, Hye-Hoys, Huveners, Jadot, Jonet, Lejeune, Lys, Maertens, Malou, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Osy, Peeters, Puissant, Raikem, Rodenbach, Rogier, Simons, Smits, Trentesaux, Troye, Van Cutsem, Vandenbossche, Vandensteen , Van Volxem, Verhaegen, Zoude et Dubus (aîné).

M. Desmet déclare s'être abstenu, parce que la disposition ne lui paraît pas suffisante pour les distillateurs qui ne voudront pas travailler le dimanche.

Articles 14 et 15

La chambre revient à l'article 14 du projet de loi, qui avait été tenu en suspens, par suite des amendements sur lesquels la chambre vient de statuer.

Cet article est mis aux voix et adopté.

La chambre adopte ensuite et sans discussion l'article 15 qui avait été pareillement tenu en suspens par suite d'un amendement présenté par M. Desmet, amendement qui est devenu sans objet, à cause de la disposition adoptée à l'article 14.

Article 32

La chambre avait également suspendu dans la dernière séance son vote sur l'art. 32. M. Desmet avait proposé un amendement qui n'a plus d'objet, et que l'honorable membre déclare retirer. Il reste l'amendement proposé par la section centrale, amendement qui doit venir à la suite du § 16 de l'article, Cet amendement est ainsi conçu :

« Pour infraction à la défense portée au § 3 de l'art. 2, une amende de 500 fr., indépendamment des pénalités prononcées ci-dessus pour tout travail illégal de trempe ou macération de matières et de distillation ou de rectification.

« La réfrigération illicite des matières sera punie comme fait de fraude. »

- L'amendement est mis aux voix et adopté.

L'ensemble de l'art. 32 est ensuite mis aux voix et également adopté.

Article 34

M. le président. - Dans la dernière séance, la chambre était parvenue à l'art. 34.

Cet article est ainsi conçu :

« Art. 34. L'administration ne pourra transiger sur les peines encourues pour contravention à la présente loi. »

La section centrale propose de rédiger cet article comme suit :

« L'administration ne pourra transiger sur les peines encourues pour contravention à la présente lui, lorsque les faits se passeront dans une fabrique clandestine. »

- L'article, avec l'amendement, auquel M. le ministre des finances s'est rallié, est mis aux voix et adopté.

Articles 35 et 36

« Art. 35. Les dispositions de la loi générale du 26 août 1822 (Journal officiel, n° 38), et celles de la loi du 18 juin 1836 (Bulletin officiel, n° 325), sont rendues applicables aux distillateurs et aux négociants en gros, en tant qu'elles ne sont pas modifiées par la présente loi. »

« Art. 36. Les distillateurs et les négociants sont tenus de faciliter aux employés de l’administration l'exercice de leurs fonctions ; et, à cet effet, ils doivent fournir, chacun en ce qui le concerne, les moyens d'opérer les visites, les vérifications et les épalements, à défaut de quoi il sera rédigé procès-verbal de refus d'exercice. »

- Ces deux articles sont adoptés sans discussion.

Article 37

« Art. 37. Les taxes municipales sur la fabrication des eaux-de-vie ne peuvent excéder le tiers du montant de l'accise en principal.

La section centrale propose le rejet de cet article.

M. le ministre des finances (M. Smits) déclare ne pas se rallier à cette proposition.

- La discussion est ouverte sur l'art. 37.

M. Rodenbach**.** - Messieurs, j'appuierai pour cette fois le projet du gouvernement. Au moyen de la disposition qu'il propose les administrations communales qui voudraient charger encore davantage cette industrie, seront arrêtées, et ne pourront pas venir réclamer auprès du gouvernement plus du tiers du montant de l'accise en principal.

Je sais bien qu'on peut me répondre que le gouvernement reste libre de refuser ; qu'il appartient au Roi de sanctionner les tarifs des taxes municipales ; mais il n'en est pas moins vrai que la disposition est fort avantageuse ; on n'aura aucun prétexte de venir réclamer auprès du ministre, qui, sans cela, serait peut-être souvent obligé d'adhérer à de semblables demandes.

Messieurs, sous Napoléon également, le gouvernement pouvait refuser ou accepter les tarifs des octrois des villes. Eh bien ! par un décret impérial il avait décidé qu'on ne pourrait aller, je crois, au-delà de la moitié du droit de l'Etat., pour que le gouvernement pût rester libre et se trouver affranchi des sollicitations ; car les régences ont des appuis, et à force d'obsessions et d'importunités elles finissent par obtenir l'autorisation d'établir des taxes même contraires à l'industrie.

M. Demonceau. - Je ne puis appuyer la proposition du gouvernement. Le gouvernement a dans ses attributions le droit d’accorder ou de rejeter les demandes faites par les administrations communales. Il a ce droit dans ses attributions. Il peut modérer, arrêter les administrations communales dans les impôts qu'elles peuvent établir. Je ne vois pas pourquoi la législature interviendrait dans cette circonstance, Cette disposition est une de celles qui ont soulevé les plus fortes réclamations. Ce qui m'étonne c'est que le gouvernement l’ait reproduire. L année dernière elle a été rejetée par la chambre à la presque unanimité. Les plus fortes réclamations dont le budget des voies et moyens a été l'objet, ont été dirigées contre cet article, parce que, dans la plupart des villes, on ne voulait pas que le tarif des octrois fût modifié par la loi, mais par le gouvernement ; voici pourquoi cet article tel qu'il est rédigé, sainement entendu ne devrait s'appliquer qu'aux villes où il y a des distilleries, mais on a prétendu l'appliquer aux villes où il n'y en a pas. Les villes ont perdu la moitié, si pas trois quarts de leurs ressources. Celles qui ont réclamé le plus vivement sont la ville d'Anvers et la ville de Tournay, auxquelles s'est jointe la ville que j'habite.

Aussi, après une discussion assez longue pendant la session dernière, le gouvernement consentit à retirer la proposition reproduite aujourd'hui, mais il fit cette réserve qu'il entendait modérer les taxes des villes comme il l'entendrait ; c'est tout ce que le gouvernement doit demander. Ne reproduisons donc pas cette disposition, parce qu'elle serait très préjudiciable à beaucoup de localités et au trésor.

M. Rodenbach**.** - On accordera aux unes et pas aux autres.

M. Mercier**.** - Je pense qu'une taxe communale dépassant le taux établi dans le projet serait contraire à l'intérêt général. Par conséquent le pouvoir législatif doit intervenir en vertu de l'article 108 de la constitution. Ce qui est reconnu contraire à l'intérêt général, doit être défendu non seulement aux conseils communaux, mais au gouvernement. Il est donc sage d'insérer dans la loi que la taxe municipale ne pourra pas dépasser le tiers du droit d'accise. Si l'année dernière le gouvernement a consenti à retirer cette disposition, c'était dans l'intention d'en faire sa règle de conduite, saut de rares exceptions, si tant est qu'il en eût fait une seule. Mais ce qui eût été déjà un mal avec un droit de 60 centimes, le serait à plus forte raison avec un droit de 80 centimes. Je pense que, sans vouloir pousser à l'accélération démesurée du travail de macération, on ne peut autoriser une taxe municipale plus élevée que celle proposée par le gouvernement. En vertu de l'article 108, le pouvoir législatif doit, à mon avis, déterminer cette quotité comme maximum.

M. Demonceau**.** - Messieurs, malgré les observations de M. Mercier, je persiste à croire qu'il n'est nullement de l'intérêt de la législature ou de l'intérêt général d'imposer au gouvernement un droit qu'il a déjà. Je ne suis pas de ceux qui veulent toujours ajouter au pouvoir du gouvernement, mais je ne suis pas non plus de ceux qui veulent y retrancher. Or quelle est la position du gouvernement? Il existe des dispositions qui permettent au gouvernement de régler le taux des taxes municipales ; pourquoi dire au gouvernement qu'il ne pourra pas dépasser certain taux. Vous craignez la fraude, dites-vous, mais si les villes demandent l'autorisation d'imposer au-delà du chiffre autorisé et viennent prouver qu'il est impossible de frauder, le gouvernement ne pourra pas l'accorder. Vous contrariez le gouvernement, car il ne pourra pas rendre justice.

Je n'aime pas que la législature intervienne dans des dispositions d'ordre général, dans l'administration. C'est faire de l'administration générale que de lui dire : vous ne pourrez pas permettre aux communes d'excéder telle limite. Puisque le gouvernement a le droit de donner ou refuser son approbation, je ne vois pas pourquoi la législature viendrait mettre des bornes à ce droit. Du reste, le gouvernement le peut surtout quand il craindra la fraude. Je me rappelle que l'année dernière, les villes d'Anvers et de Tournay plus particulièrement ont prouvé à l'évidence qu'il n'était pas possible de frauder quand même le droit excéderait le tiers ou la moitié du droit établi par le gouvernement.

Elles ont été plus loin, elles ont prouvé que non seulement elles surveillaient leurs recettes propres, mais qu'elles venaient en aide au gouvernement pour surveiller la rentrée de son droit. Associer les villes à la surveillance, si vous craignez la fraude ; quand elles auront la moitié de l'impôt à recevoir, vous pourrez être certain qu'elles ne négligeront rien pour en assurer la rentrée. Imposer une limite au gouvernement serait le mettre dans l'impossibilité de déférer aux justes demandes des villes. Si vous laissez, au contraire, au gouvernement pleine liberté, vous verrez que la fraude sera plus difficile qu'aujourd'hui. En vérité, je ne comprends pas de surveillance plus sévère qu'une surveillance intéressée. Les villes ont intérêt à ce que leurs taxes soient perçues. Si vous craignez la fraude, associez-les au gouvernement et vous aurez une double surveillance.

M. Verhaegen. - La question soulevée est excessivement grave, et elle pourrait passer inaperçue. Elle mérite sous plus d'un rapport de fixer toute notre attention.

Pour mon compte, je dois en convenir, pour pouvoir donner un vote consciencieux, il me manque des renseignements. Si ce que dit l'honorable M. Demonceau est vrai, il y aurait à prendre des meures autres que celles que nous prendrions sans cela.

M. Demonceau dit que les villes d'Anvers et de Tournay ont prouvé que la fraude était impossible. Je n'ai pas dit, je ne pense pas, que ces rapports aient été joints aux pièces distribuées cette année.

Un membre. - Elles l'ont été l'année dernière !

M. Verhaegen**.** - Cette circonstance est assez importante pour que nous puissions la méditer. D'un autre côté, peut-être que M. le ministre pourra nous dire le montant des octrois des villes principales sur les genièvres. Si nous prenions maintenant une décision, nous pourrions adopter une mesure de nature à jeter la perturbation dans les octrois, dans les finances des villes principales. La question est assez grave pour être méditée ; l’heure est d'ailleurs assez avancée pour continuer la discussion à demain. Dans l'intervalle, M. le ministre des finances pourra nous donner les renseignements dont nous pouvons avoir besoin.

Je suis d'autant plus disposé à insister sur le renvoi à demain que dans ces matières de distillerie, souvent des faits qu'on croit exacts sont contestés et le lendemain on les reconnaît. C'est ainsi que j'ai eu l'honneur de dire que la colonne distillatoire mesurée à l'intérieur ne donnait que 5, tandis que mesurée à l'extérieur elle donnait 21, on a contesté ce fait ; depuis j'ai pris de nouvelles informations, et mon observation a été confirmée.

Je ne suis pas fâché de le répéter, afin qu'on prenne des mesures en conséquence. J'en ai parlé à M. Desmet qui m'avait contredit et d'après les explications que je lui ai données, il n'est pas éloigné d'admettre ce que j'ai avancé.

L’honorable M. Desmet s'était trompé. C'est pour ne pas vous exposer à tomber dans des erreurs, que je demande le renvoi de la discussion à demain.

- La discussion est renvoyée à demain.

La séance est levée à 4 heures et demie.