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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du lundi 13
décembre 1841
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre, notamment convention de navigation conclue avec
le Danemark
2) Projets de loi concernant la conclusion des
traités de commerce et de navigation conclus avec Haïti et le Mexique
3) Rapports de pétitions (créances arriérées pour un
marché militaire (Vandenhove), chambres de commerce
(Nothomb, Zoude, de Foere, Nothomb))
4) Projet de loi portant le budget du département
des affaires étrangères pour l’exercice 1842.
a) Discussion générale. Inefficacité de la
diplomatie belge et négociations commerciale avec la France, canal de Terneuzen
(Delehaye), politique commerciale du gouvernement (de Foere), commerce des toiles de lin belges vers l’Espagne
(Desmet, de Briey),
concentration de troupes françaises - conspiration des paniers percés (de Briey, Delfosse, de Briey, Pirson), commerce des
toiles de lin belges vers l’Espagne (Delehaye)
b) Discussion des articles. Nominations dans l’ordre
de Léopold (Delfosse, Angillis),
traitement des agents diplomatiques : Autriche (Delfosse),
Italie (Delfosse, de Briey),
frais de missions (Lys, de Briey, Mercier, Lys, de
Briey, Lys, Nothomb),
négociations de paix avec les Pays-Bas (Delfosse, de Briey, Delfosse, Dumortier, Rogier, Nothomb, Delfosse, (+canal de
Terneuzen) Delehaye, Nothomb)
(Moniteur belge n°348, du 14 décembre 1841)
(Présidence de M.
Fallon.)
M. de Renesse procède à l'appel nominal à 2 heures.
M. Kervyn donne lecture .du procès-verbal de la dernière
séance ; il est adopté.
M. de Renesse présente l'analyse des pièces de la correspondance :
PIECES ADRESSEES A
« J.-F. Bonjour, Suisse de naissance,
demande la naturalisation, afin de pouvoir servir dans l'armée belge, comme
soldat. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
________________________
« Le sieur F. Lamendin,
né Français, propriétaire, résidant à Grand -Rieu
(Hainaut), demande la naturalisation. »
- Même renvoi.
________________________
« Le sieur F.-A. Muck, natif de Herges-Hellenberg, professeur de musique à Namur, demande la
naturalisation. »
- Même renvoi.
________________________
« Le sieur G. Vandersteen,
né à Gorcum (province de Hollande méridionale),
lieutenant au 1er régiment de ligne, demande la naturalisation. »
Même renvoi.
_______________________
« Les commerçants de la commune de Braine-Lalleud demandent une loi répressive du
colportage. »
- Renvoi à la commission chargée de
l'examen du projet de loi sur la matière.
_______________________
« Le sieur J. de Busschere, saunier à Furnes, demande la révision de la loi
sur le sel. »
« Même pétition du sieur Cardon,
saunier à Waereghem. »
- Ces deux pétitions sont renvoyées à la
commission des pétitions.
_______________________
« Le tribunal de Nivelles demande
que la chambre adopte le projet de loi concernant la suppression des tribunaux
de quatrième classe et réclame la nomination d'un quatrième juge et d'un
deuxième commis-greffier. »
- Même renvoi.
_______________________
M. Cogels demande un congé de quelques jours.
- Accordé.
CONVENTION
DE NAVIGATION CONCLUE AVEC LE DANEMARK
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) adresse,
pour être déposée sur le bureau de la chambre, une copie authentique de la
convention de navigation conclue avec le Danemark, le 15 juin dernier.
_______________________
M. Perrot fait hommage à la chambre de
son ouvrage : « Revue de l'exposition des produits de l'industrie
nationale en 1841. »
- Dépôt à la bibliothèque.
PROJETS
DE LOI CONCERNANT
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) dépose
deux projets de loi, concernant la conclusion de deux traités de commerce et de
navigation, dont l'un avec la république d'Haïti, et l'autre avec celle du
Mexique.
- Il est donné acte à M. le ministre de la
présentation de ces deux projets de loi, qui seront imprimés et distribués. La
chambre en ordonne le renvoi aux sections.
M. Zoude (au nom
de la commission des pétitions). - Messieurs, vous avez demandé un prompt
rapport sur diverses pétitions ; je viens m'acquitter de cette tâche.
Voici
l'objet de la première pétition :
M… expose à la chambre que, s'étant rendu
adjudicataire d'une fourniture de 10 millions de briques, il a pris
immédiatement les mesures pour exécuter son marché, qu'il a acheté le terrain
nécessaire pour l'extraction d'une terre convenable, qu'il a fait ses
approvisionnements en combustible et ustensiles nécessaires
pour cette fabrication et que ce n’est que très longtemps après, sur l'offre d'un rabais considérable, que le ministre de la guerre refusa
son approbation au contrat.
La fourniture fut remise en adjudication, et force
lui fut de reprendre le marché à un taux ruineux
pour ne pas perdre toutes les dépenses qu'il avait faites jusqu'alors. Mais comme les malheurs s'enchaînent
et se succèdent d'ordinaire, un été pluvieux vint augmenter
ses désastres, et ce qui y mit le comble fut la nécessité de se conformer aux
prescriptions et essais qu'ordonnèrent les officiers du génie, pour s'assurer
d'un mode de fabrication qui pouvait être plus convenable, mais plus coûteux
que celui qu'il était habitué de suivre.
Les pertes qu'il a essuyées étant parfaitement
connues du ministre de la guerre, le pétitionnaire
vient réclamer un allégement à ses malheurs.
Votre commission, qui ne peut juger
de l'exactitude des faits allégués par le
pétitionnaire, a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le
ministre de la guerre.
- Le renvoi au ministre de la guerre, avec demande
d'explications, sur la proposition de M.
Vandenhove, est ordonné.
________________________
M. Zoude (au nom de la commission des pétitions). - Messieurs, voici maintenant le rapport sur la pétition de Kessenich :
Les paroles consolantes sorties de la bouche de M.
le ministre de l'intérieur, parlant comme membre du cabinet, auront apaisé
suffisamment les inquiétudes des habitants de Kessenich
; la commission crut donc inutile de développer les
motifs qu'ils font valoir pour rester attachés à la mère patrie ; ils sont et
resteront Belges.
Du reste, pour que le vœu de cette commune soit
dûment constaté, votre commission a l'honneur de
vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre des affaires
étrangères.
- Ce renvoi est ordonné.
________________________
M. Zoude (au nom de la commission des pétitions). - J'ai enfin, messieurs, à vous soumettre le rapport sur la pétition d'un
grand nombre de négociants, industriels, courtiers et intéressés au commerce,
tous de la ville d'Anvers, par laquelle ils s'adressent à la chambre pour la
prier de provoquer une loi pour un meilleur mode de nomination aux fonctions de
membres de la chambre de commerce ; ils demandent que l'élection soit directe,
si on veut entendre la véritable voix des intérêts
commerciaux.
En effet, d'après le mode actuel, la
chambre héréditaire est chargée de pourvoir elle-même au
remplacement des membres sortants, d'où résulte qu’une seule opinion y est
toujours représentée, et qu'il en sera ainsi jusqu'à la fin des siècles, si la
loi n'y apporte un changement radical, qui ne pourra être obtenu que par
l'élection directe.
L'importance d'une chambre de commerce telle que
celle de la ville d'Anvers, qui doit exercer une influence considérable sur
tout le pays, fait désirer vivement à la commission que M. le ministre veuille
prendre le vœu des pétitionnaires en très sérieuse considération,
c'est pourquoi elle a l'honneur de vous proposer de lui faire renvoi de cette
pétition.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, je ferai remarquer qu'il n'est pas exact
de dire que les chambres de commerce, comme
elles sont organisées, se trouvent pour ainsi dire immobilisées, quant à leur
personnel.
D'après l'arrêté de réorganisation des chambres de
commerce, un tiers des membres sort chaque année, et sur ce nombre, il n'y a
qu'un tiers de rééligibles. La chambre de commerce d'Anvers, par exemple, est
composée de 21 membres dont le tiers, c'est-à-dire 7, sortira cette année ; sur
ces 7 personnes, on ne pourra nommer de nouveau, pour le terme suivant, qu'un
tiers, c'est-à-dire deux membres. Vous voyez donc
que l'organisation présente des moyens suffisants
pour que le même esprit ne se perpétue pas.
Le gouvernement veillera à ce qu'en exécutant
l'arrêté de réorganisation, on arrive précisément à introduire des membres
nouveaux dans les chambres de commerce, ainsi que l'exigent les dernières mesures qui ont été prises. Le maintien du même
esprit était le grand vice qu'on reprochait à l'organisation de plusieurs chambres de commerce : généralement les membres se
perpétuaient ; mais il y a un remède dont il faut avoir le courage d'user. Je
crois ce remède suffisant ; dans tous les cas, si ce remède était insuffisant,
on ne serait pas plus heureux par l'élection directe. Vous vous rappellerez, messieurs, la discussion qui a eu lieu, il y
a peu de jours, relativement aux tribunaux de commerce, lesquels, comme vous
savez, sont le résultat de l'élection directe. Je vous le demande, messieurs,
trouverait-on pour la composition des chambres de commerce, moins de tiédeur
qu'on n'en a rencontré pour les tribunaux de
commerce ? Et si l'avenir démontrait que l'organisation, telle qu'elle existe,
n'est pas satisfaisante, on y pourvoirait par une nouvelle mesure. En attendant, il faut que l'application de l'organisation
actuelle se fasse d'une manière sérieuse.
M. Zoude, rapporteur. - Messieurs, de ce que vient de dire M. le
ministre de l'intérieur, il résulte que le tiers seulement des membres sortants
pourra ne pas être nommé de nouveau. Eh bien, s'il en est ainsi, l'esprit qui
anime la majorité continuera à rester le même ; je ne vois pas dès lors que ce
système doive avoir pour effet de faire atteindre le but que provoquent les
pétitionnaires.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, je ne m'oppose pas au renvoi de la pétition, je ne puis pas m'y
opposer, mais je tenais à constater un fait dès à présent ; c'est que, selon
moi, il y a dans l'organisation actuelle une ressource suffisante pour que
l'esprit de corps ne se perpétue pas. Un tiers des membres doit sortir chaque année, et si le gouvernement le juge convenable, ce tiers peut ne pas être réélu. A Anvers, par exemple, le gouvernement
pourra, à la fin de l'année, introduire dans la chambre de commerce 7 nouveaux
membres sur 21. Eh bien, je dis que dans ce fait il y a une ressource
suffisante, pour empêcher que l'esprit de corps ne reste le même.
Il est à remarquer d'ailleurs que ce n'est qu'un
corps consultatif pour le gouvernement, et que rien n'empêche, pour les
questions graves, que les négociants, non membres de la chambre de commerce,
adressent leurs observations, soit au gouvernement, soit à la chambre de
commerce. Il ne leur est pas interdit d'user du droit de pétition, ou même de
s'adresser à la chambre des représentants.
Messieurs, je trouve qu'en donnant à l'organisation
des chambres de commerce pour base le principe électif, on ne résoudrait point
par là les graves questions d'industrie et de commerce ; Car il resterait
toujours libre à ceux qui n'auraient pas été élus, d'user du droit de pétition,
soit à l'égard du gouvernement, soit à l'égard de la
chambre. Le problème ne serait donc pas résolu.
M. de Foere. - Messieurs, les observations que M. le ministre de l’intérieur vient de
présenter à la chambre, ne me paraissent pas satisfaisantes. Malgré la sortie
d'un tiers des membres de la chambre de commerce d'Anvers, le même esprit a
constamment continué d'animer ce corps. Les deux tiers restants, formant la
majorité, présentent d'autres négociants auxquels ils reconnaissent plus ou
moins les mêmes principes commerciaux que la majorité de cette chambre a
professés jusqu'ici.
Ce fait s'est constamment renouvelé à Anvers, et
c'est non seulement contre cet abus (erratum
Moniteur belge du 15 décembre 1841) que 64 négociants industriels de cette
ville viennent d’adresser des réclamations à la chambre des représentants, mais
particulièrement contre le
système de commerce que la chambre
d'Anvers n'a cessé de proposer.
Si l'honorable ministre de l'intérieur trouve que
l'élection directe ne convient pas, il peut aviser à un autre moyen d'écarter
l'abus qui est signalé. Les négociants qui ne sont pas membres de la chambre de
commerce d'Anvers, peuvent, dit le ministre, réclamer contre les doctrines de
ce corps, mais il n'en est pas moins constant qu'un corps constitué exerce une
plus grande influence sur l'opinion du gouvernement, sur celle de cette
assemblée et sur celle du pays, que des négociants isolés. Les faits ont
suffisamment prouvé l'assertion que je viens d'énoncer. La chambre d'Anvers
elle-même, à cet égard, partage mon opinion. Dans la pétition qu'elle a
adressée, sur la fin de la session dernière, à la chambre des représentants,
elle se vante, en quelque sorte, de la bienveillance et de la docilité avec
lesquelles (erratum Moniteur belge du 15
décembre 1841) nous avons toujours écouté ses avis et suivi ses conseils.
J'ai dit.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, il n'est pas exact de dire que les chambres de
commerce se renouvellent elles-mêmes ; voici ce qui se passe :
La chambre de commerce doit présenter trois
candidats pour chaque place vacante ; ainsi pour Anvers, il faudra que pour les
7 places qui y deviendront vacantes à la fin de cette année, qu'on nous
présente une liste de 21 candidats ; cette liste de 21 candidats, sur lesquels
le gouvernement en choisit sept, est soumise à la députation permanente du
conseil provincial. Naturellement, si la députation trouvait que la
présentation des 21 candidats a lieu dans un esprit exclusif, la remarque en
serait faite, et le gouvernement demanderait une
nouvelle liste.
L'honorable préopinant, et je me plais à en prendre
acte, l'honorable préopinant pense qu'il y aurait un
autre moyen que l'élection directe. Il existe en
effet un autre moyen, ce serait le choix direct par le gouvernement, sans
présentation officielle de liste ; je dis que c'est là une mesure extrême dans
son genre, et qu'il ne faut y arriver que si un autre système, que j'appellerai
mixte, est épuisé, et que 1'expérience prouve qu'il ne vaut rien.
Nous allons faire l'essai de la nouvelle
organisation devenue générale pour le royaume ; je pense que cet essai sera
heureux ; mais s'il ne l'était pas, l'on en viendrait peut-être au système qui consisterait à laisser au gouvernement le choix des
membres nécessaires pour pourvoir au remplacement du tiers sortant, sans qu'il
y eût une présentation officielle.
Discussion
générale
M. Delehaye. – Messieurs, à l'ouverture de chaque session, on entend proclamer de tous
les bancs la nécessité d'introduire dans nos dépenses la plus rigoureuse
économie ; déjà plusieurs budgets sont adoptés et les chiffres pétitionnés,
bien loin d'avoir subi une diminution, sont encore aggravés.
Je pense qu'il n'en sera pas de même du budget des
affaires étrangères. Si nous recherchons l'utilité qu'il peut y avoir pour le
pays à entretenir une diplomatie richement payée, nous trouverons qu'eu égard
au peu de services qu'elle nous a rendus, nous pouvons sans inconvénients
réduire les sommes qui nous sont demandées de ce chef.
En effet, si l'on considère combien de fois depuis
l'année dernière notre diplomatie a été trouvée en
défaut, on ne peut pas s'empêcher de se demander à quoi il sert à
Cependant toutes ces mesures ont été prises à l'insu
de notre diplomatie ; il a fallu que des négociants lésés dans leurs
intérêts vinssent en donner avis au gouvernement, qui n'en savait exactement
rien. Il n'a eu connaissance des mesures que quand déjà elles étaient prises.
Vous savez que quand une industrie quelconque est à la veille d'être frappée
d'un droit qu'on peut envisager comme prohibitif, ainsi que l'a été notre
industrie linière en Espagne, il est important que le gouvernement sache les
mesures qu'on prépare ; et, comme je viens de le
dire, le gouvernement belge n'a eu connaissance des changements qu'on a
introduits que lors de leur application.
Si de l'Espagne nous passons en France, nous voyons
que la diplomatie ne nous y a pas mieux servis. Dans
une précédente séance, notre honorable collègue M. Sigart avait dénoncé une
concentration de troupes françaises sur notre frontière, qui avait alarmé
quelques personnes, bien que le gouvernement y vit une
marque de bienveillance ; nous y trouvons le même
défaut de la part de la diplomatie, car le
gouvernement a déclaré ingénument qu'il n'avait eu avis de cette concentration
que par les journaux.
Messieurs, à quoi sert donc la diplomatie, si sur
deux points importants, l'un intéressant notre
commerce et notre industrie, l'autre se rapportant à l'intégrité de notre
territoire et à notre indépendance, le gouvernement
n'a été informé de rien ?
Puisque je m'occupe de
Aussi pas un mot ne sera prononcé par moi, qui soit
de nature à compromettre les négociations entamées.
Le gouvernement, convaincu de la stagnation de
l'industrie du pays, et surtout de la position malheureuse de la classe
ouvrière, qui bientôt devra chercher dans le crime ou dans l'aumône les moyens
de subsister, a jugé convenable d'envoyer à Paris des commissaires.
Les choix qu'il a faits ont obtenu toute mon approbation, quoique les
négociateurs ne fussent pas des hommes spécialement versés dans les
connaissances commerciales, Ils connaissaient si bien la position de
S'il faut en croire ce qui a transpiré, à cet égard,
des révélations qui ont été faites, ces négociations n'ont manqué que parce que
ces messieurs voulaient faire un traité de commerce sur un pied extrêmement
étendu. Ils étaient partis avec la ferme intention de négocier sur le pied le
plus large. Ils savaient qu'un traité qui ne comprendrait que quelques articles
isolés serait nuisible à
Aussi, après les premiers pourparlers, quand le
gouvernement français a demandé quelles étaient les concessions qu'ils avaient
à offrir ces messieurs ont répondu qu'ils avaient beaucoup de concessions à
attendre, qu'ils avaient le droit de les réclamer, et qu'ils n'en avaient pas à
faire. Je ne fais que répéter ce que j'ai entendu dire ; les intentions des
négociateurs étaient conformes avec ce que nous pouvions désirer, cependant
cette négociation a avorté, elle n'a produit aucun résultat. On nous a annoncé
toutefois que les négociations se continuaient, mais sur une
base infiniment moins large.
On ne peut pas croire que Ies premières instructions fournies à nos
commissaires n'aient pas été modifiées, car si elles ne l'avaient pas été, nos
agents seraient restés à Paris ; ils ne se sont retirés que parce qu'ils
avaient la conviction intime que leurs projets ne se seraient point acceptés.
Toute nation avec laquelle on veut faire un traité
de commerce exige qu'on lui fasse des concessions en retour de celles qu'elle a
accorde. Dans l'état actuel des choses, après les nombreuses concessions faites
à
Il devait frapper d'un droit élevé les vins, les
soieries, la bijouterie, enfin tous les objets
venant de
Consultez les données statistiques, et vous verrez
que
Aujourd'hui, dans l'absence de ces mesures rigoureuses,
l'impossibilité où vous vous trouvez de faire de
nouvelles concessions, vous êtes réduits à ne négocier qu'un traité qui ne
portera que sur quelques articles. Un pareil traité, loin de nous être
avantageux, entraînera la ruine de notre commerce et de notre industrie.
Si, cette fois, le gouvernement français nous fait
une concession, force nous sera de nous désarmer complètement ; il nous sera impossible de rien réserver pour faire un traité
subséquent avec ce gouvernement.
Après avoir exposé les raisons pour lesquelles nous
devons nous abstenir de faire un traité qui ne porterait que sur quelques articles isolés, je vous dirai qu'il est impossible d'en
faire à moins qu'il ne soit basé sur la suppression des douanes entre les deux
pays. Je sais qu'un pareil traité serait hérissé de difficultés ; mais quand un
gouvernement est pénétré de ses devoirs, dévoué aux intérêts du pays, il n'est
pas de difficultés qu'il ne puisse parvenir à vaincre.
Un traité peu étendu, autre que celui qui
stipulerait une réunion douanière, rencontrera un obstacle qui paralysera tous
les bons effets qu'il pourrait produire ; l'Angleterre a un traité avec
Passons aux traités déjà conclus ; on nous a annoncé
des traités de commerce avec Haïti, le Danemark et d'autres pays, comme des
choses très avantageuses. Mais quand on songe que ces traités ne doivent
aboutir qu'à faire décorer ceux qui les signent et jamais à offrir les moyens
d'exporter nos marchandises (depuis ces traités nous n'exporterons pas un
tonneau de marchandise de plus qu'avant), leurs
avantages peuvent être préconisés par ceux qui les font, mais le pays
certainement n'y trouvera jamais un avantage quel. conque.
En terminant, qu'il me soit permis d'appeler
l'attention de M. le ministre sur un objet qui intéresse la ville de Gand et
que j'avais déjà recommandé à ses prédécesseurs.
Vous savez que les négociants et industriels de Gand
ont présenté une requête tendant à faire reconnaître
l’injustice, l'illégalité des prétentions de
M. de Foere. - Messieurs, bien que je ne sois pas plus grand partisan que l'honorable
préopinant de la diplomatie que nous entretenons à grands
frais en pays étrangers, je ferai observer que l'honorable membre est dans
l'erreur quand il croit que notre chargé d'affaires en Espagne n'avait pas pu
éloigner les mesures prises dans ce pays contre l'industrie linière de
Tous les pays du continent suivent aujourd'hui ce
système. La diplomatie étrangère est incapable de faire renoncer aucun Etat
européen à cette politique commerciale. Il est donc erroné d'attribuer à la présence ou à l'absence, ou à l'inactivité
de notre diplomatie en Espagne la mesure prise contre l'importation de nos
toiles dans ce pays. D'ailleurs cette mesure n'a pas été prise spécialement
contre notre industrie ; c'est une loi générale qui met toutes les nations qui produisent des toiles de lin pour
l'exportation sur le même pied.
C'est pour nous un nouvel enseignement qui devrait
nous engager à suivre la même politique et à
abandonner le système de quasi liberté commerciale, tant prôné pendant dix ans
par quelques membres de cette chambre. C'est à cette facilité d'importer les produits étrangers que nous devons particulièrement
l'isolement dans lequel nous nous trouvons, et l'impossibilité de négocier des
traités de commerce, comme l'a fort bien fait observer M. Delehaye. Nous n'avons pas de concessions à faire
; or, c'est exclusivement au moyen de concessions réciproques que les traités
de commerce se négocient.
Si dès le commencement de la révolution, les droits
de douanes sur les produits étrangers avaient été augmentés, vous auriez été
armés, vous auriez été en possession de concessions à faire à l'étranger ; maintenant vous êtes complètement désarmés.
Je ne suis pas d'accord avec l'honorable préopinant
sur le traité avec le Danemark et d'autres semblables qu'il appelle des traités
de commerce. Ce ne sont que des traites de navigation, Les traités de commerce ont pour objet l'abaissement mutuel
des droits de douane. Lés traités de navigation n'ont d'autre but que celui
d'assimiler les navires étrangers et les navires nationaux, quant aux droits de
port. Les tarifs de douanes de part et d'autre, continuent de subsister. Si des
tarifs tantôt exorbitants, tantôt prohibitifs, continuent d'exclure nos
produits, je vous demande quelle influence ces traités de simple navigation,
surtout avec les Etats européens, peuvent-ils exercer sur l'exportation de
votre industrie ? Lorsque vous arrivez avec vos navires, quoiqu'ils soient assimilés
aux navires étrangers, vous rencontrez toujours les tarifs des douanes qui vous
excluent. Ces tarifs sont prohibitifs, ou ils établissent des droits
exorbitants ; vous ne pouvez introduire dans les ports étrangers un seul
tonneau de marchandises de plus. Les faits l'ont prouvé, Vous avez depuis
longtemps une trentaine de ces traités de navigation, et votre commerce
extérieur et par conséquent l'exportation de vos produits sont restés dans le
même état de souffrance. Si c'eût été un moyen d'exportation, vous
auriez pu profiter de ces traités. Comme ils laissent subsister les
droits exorbitants de douanes, vous ne pouvez, au moyen de ces
traités, élargir vos débouchés. Je remercie
l'honorable député de Gand de m'avoir fourni cette nouvelle
occasion d'enlever aux traités de navigation conclus avec les Etats européens,
l'importance que quelques membres de cette assemblée
leur ont si souvent attribuée et dont ils n'ont cessé de prôner les avantages,
alors qu'ils répondaient à d'autres membres qui réclamaient des traités de
commerce en faveur de l'exportation de nos produits
industriels.
M. Desmet. - J'ai demandé la parole, lorsque
l'honorable M. de Foere, répondant à l'honorable M. Delehaye, a parlé de la
mesure prise en Espagne contre nos toiles. On a cru qu'il y avait là de la
faute de notre gouvernement ; quant à moi, je ne le pense pas ; le gouvernement
en a été informé à temps ; il a tout fait pour l'empêcher.
Quelle a été l'origine de cette mesure ? Il y a quelques années
(cela avait même commencé sous le gouvernement hollandais) que nos toiles ont
été remplacées dans le commerce par les toiles anglaises.
Vous le savez, messieurs, le gouvernement des
Pays-Bas ne protégeait pas beaucoup le commerce des
toiles, et en général tout ce qui était dans l'intérêt des Belges ; c'est alors
que les Anglais ont pu nous supplanter en Espagne ; ils ont pour ainsi dire le
monopole du commerce des toiles, on n'y faisait, consommation que des toiles
anglaises, faites avec des fils mécaniques ; mais comme les bonnes marchandises ont toujours la préférence sur les
mauvaises, le commerce espagnol, le consommateur
espagnol ont apprécié les toiles anglaises en les comparant avec nos toiles
flamandes ; ils ont compris l'avantage qu'il devait y avoir à revenir aux
toiles flamandes, et à ne plus consommer des toiles anglaises
faites à la mécanique. Les Anglais, qui exercent une grande influence en
Espagne, ou qui plutôt à bien dire, ont en main le gouvernement de ce pays,
voyant que nos toiles faisaient avec avantage concurrence aux leurs, ont fait
prendre une mesure contre les toiles étrangères,
parce qu'ils savaient qu’ils auraient le privilège
de faire entrer leurs toiles au détriment des nôtres. Le gouvernement anglais
dispose même de la contrebande, car en Espagne, il y a deux administrations :
celle de la douane, et celle de la contrebande ; la
contrebande est même faite en partie par le gouvernement. Les Anglais
sont maîtres de faire entrer par cette voie leurs toiles et non les nôtres. On
sait aussi que Gibraltar est plutôt un port de fraude qu'un port de défense
militaire. Ainsi la mesure n'a pas été prise dans l'intérêt de l'industrie
espagnole, mais dans l'intérêt de l'industrie anglaise. C'est encore une fois
une mesure prise au profit du commerce anglais, et c'est ainsi que cette nation
veut envahir tous les marchés.
Je pense cependant avec les honorables préopinants
que nous devons chercher à agrandir notre marché. C'est ce qui nous manque ; notre marché est réellement trop petit ; surtout dans un moment de crise de concurrence, nous avons besoin qu'il soit plus étendu ;
c'est le besoin de toutes les nations industrielles.
Quel est l'ennemi commun de l'industrie et du
commerce ? C'est cette puissance commerciale, qui a des millions de
consommateurs et qui fait la guerre au commerce de toutes les autres nations,
qui ne se contente pas des colonies, mais qui veut encore envahir le continent.
C'est pour lutter contre cette puissance que j'aurais désiré l'association
française, autant dans l'intérêt de
Je voudrais qu'on revînt au système continental. La
pensée de l'empereur n'a pas été comprise ; c'était une guerre contre le monopole
d’outre-mer. Si l’on se réunissait sur le continent, ou pourrait sans doute
lutter contre cette puissance qui envahit tout.
Je ne dirai pas à quel point en sont les
négociations avec un pays voisin. Je crois que l’occasion a été très propice,
et que si le précédent cabinet avait compris sa mission, il eût pu traiter avec
avantage. Mais depuis lors il y a eu de grands changements. Si l’on avait saisi
le moment, je crois qu’on aurait rendu un grand service à
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) - Ma tâche est rendue plus facile par
les paroles qui viennent d’être prononcées et il me restera bien peu de chose à
ajouter à ce que vous venez d’entendre; car l’honorable M. de Foere s’est
chargé de répondre à M. Delehaye, en ce qui concerne nos relations avec
l’Espagne et l’honorable M. Desmet a rencontré de son côté quelques-unes des
observations soulevées par M. de Foere.
Il n’est que trop vrai, quant à ce qui concerne
l’Espagne, que des mesures rigoureuses ont été prises; mais, comme l’a très
bien fait observer M. de Foere, ces mesures sont générales et frappent
également toutes les nations qui entretiennent des rapports commerciaux avec ce
pays, elles ont d’ailleurs été prises avant la formation du cabinet actuel, Je
crois que c’est dans la session de 1840 à 1841 qu’a été élaboré le tarif dont
nous avons à nous plaindre.
J’ajouterai que je ne suis pas sans espoir d’obtenir
quelques adoucissements sur certains articles qui blessent particulièrement nos
intérêts; ils y sont défendus par un chargé d’affaires qui, dans une autre
négociation, adonné des preuves récentes de son intelligence des intérêts
nationaux. Un commissaire officieux lui a été adjoint, et nous avons tout lieu
d’espérer d’heureux résultats de la réunion de leurs efforts. Déjà nous avons
obtenu du gouvernement espagnol qu’une commission soit nommée
pour se mettre en rapport avec notre légation.
L’honorable M. Delehaye a incriminé la légation de
Paris, relativement au mouvement de troupes qui s’est opéré sur la frontière.
Je crois que notre diplomatie n’a aucun reproche à
se faire dans cette circonstance.
Pour les négociations avec
Je crois avoir répondu aux
observations des honorables préopinants.
M. Delfosse. - Je suis étonné, comme mon honorable ami M. Delehaye, de ce que notre
ministre plénipotentiaire à Paris nous ait laissé ignorer une mesure aussi
grave que celle d’une concentration de troupes françaises à notre frontière;
c’est là une preuve de négligence, à laquelle il me serait impossible de
croire, si elle n’avait été affirmée par M. le ministre des affaires étrangères;
M. le ministre vient de nous dire que cette mesure avait peu d’importance, mais
il n’a pas toujours été de cet avis,
Pour que l’on ne puisse plus nier ni dénaturer les
paroles de M. le ministre, je les ai copiées textuellement d’après le Moniteur;
les voici :
« Le gouvernement a reçu avec le public la
nouvelle d’un mouvement de troupes opéré sur notre frontière; il a dû en être
surpris, car rien dans le pays ne semblait provoquer une pareille
démonstration, il saura bientôt sans doute à quelles appréhensions l’attribuer
; cette mesure, nous avons lieu de le croire, restera sans conséquences. »
(Moniteur, n° 322, séance du 17 novembre,)
Vous vous souvenez tous, messieurs, de l'effet
fâcheux que ces paroles ont produit dans la chambre et dans le pays ; comment,
disait-on, le gouvernement français, que l'on dit si bienveillant pour nous, a-t-il pu prendre cette mesure sans nous prévenir, comment notre ministre plénipotentiaire ne nous en a-t-il pas donné
connaissance ?
M. le ministre des affaires étrangères, sentant
combien ses paroles avaient été imprudentes, a cherché a
les atténuer depuis ; il est venu nous dire, dans la séance du 2 novembre, que
la concentration des troupes françaises avait cessé,
que cette mesure n'avait été, du reste, qu'un nouvel acte de bienveillance de
la part du gouvernement français.
La mesure en elle-même pouvait sans doute être
considérée sous ce point de vue, mais restait toujours le silence que le
gouvernement français avait gardé, l'ignorance dans laquelle il nous a l'ait laissés,
et ce silence ne pouvait, certes, être considéré comme bienveillant
; aussi, M. le ministre ne disait plus mot là-dessus.
Mon honorable ami, M. Delehaye, lui demanda alors si
cette marque de bienveillance nous avait été accordée sans qu'il y eût eu
demande de notre part.
M. le ministre des affaires étrangères répondit
qu'il ne pouvait suivre mon honorable ami sur ce terrain ; réponse étrange,
messieurs. Quel était donc le terrain sur lequel M. le ministre se serait placé
en répondant à la question de mon honorable ami ? Mais,
c'était le terrain sur lequel M. le ministre s'était lui-même
placé dans la séance du 17 novembre, lorsqu’il avait dit qu'il aurait appris
la nouvelle avec le public, et qu'il avait dû en être surpris. M. le ministre n'avait qu'à répondre
à mon honorable ami : Comment voulez-vous qu’il y ait eu demande de la part du gouvernement, puisque je vous ai dit, dans la séance du
17 novembre que le gouvernement avait appris la nouvelle
arec le public et qu'il avait dû en être surpris ? Pourquoi donc le terrain sur lequel M. le ministre s'était
volontairement placé le 17 novembre était-il devenu tout à coup si glissant que
l'on pût craindre une chute ? c'est que je laisse à de
plus sagaces que moi le soin de deviner. Je dois, du
reste, dire que M, le ministre, après avoir déclaré qu'il ne voulait pas suivre
mon honorable ami sur ce terrain, l'y a suivi en disant Je ne puis que
me référer aux paroles que j'ai prononcées dans cette enceinte. C’était là répondre après avoir déclaré que l'on ne répondrait pas, c'était
s'engager sur le terrain que l'on semblait craindre ; M. le ministre se
référait aux paroles qu'il avait prononcées dans cette enceinte, il avait dit
dans la séance du 17 novembre, qu'il n'aurait appris la nouvelle qu'avec le
public, qu'il en avait été surpris, donc il n'avait pas demandé au
gouvernement français la concentration de troupes sur notre frontière,
donc il répondait à mon honorable ami.
M. le ministre de l'intérieur, voulant venir en aide à son collègue et le
tirer d'embarras, prit à son tour la parole, et sans s'expliquer sur la
question de savoir si le gouvernement avait ignoré ou non, provoqué
ou non la concentration de troupes françaises à notre frontière,
il soutint que cette mesure, connue ou non, provoquée on non, n'avait aucun caractère hostile et ne devait nous inspirer aucune
crainte.
C'était déplacer la question ; la question n'était
pas de savoir si la mesure avait un caractère hostile, personne ne le croyait,
mais la question était celle-ci : Le gouvernement a-t-il provoqué, oui ou non,
la mesure dont il s'agit ? S'il l'a provoquée, il s'est effrayé sans motif, il
a douté du patriotisme de l'armée, il a douté du pays, il a eu grand tort.
M. le ministre de l’intérieur a cherché une seconde
fois, mais toujours en vain, à tirer son collègue des affaires étrangères du
mauvais pas dans lequel il s'était engagé. Répondant à l'honorable M. Devaux,
qui posait à peu près la même question que M. Delehaye, M, le
ministre de l'intérieur disait, dans une autre séance (je cite ses
paroles d'après le Moniteur ) :
« M. le ministre des affaires étrangères vous a déclaré que le gouvernement
n'avait pas demandé la concentration de troupes françaises sur notre frontière
(faites attention à ces paroles, messieurs) ; mais il a paru que cette
déclaration faite purement et simplement, en ne s'attachant qu'au fait en
lui-même, pouvait avoir une portée, en quelque sorte offensante pour le
gouvernement français ; dans une séance suivante nous avons eu soin de vous
dire, tout en laissant subsister la déclaration que le gouvernement n'avait pas
provoqué la chose, que néanmoins il ne fallait voir, dans le fait en lui-même,
qu'un acte de bienveillance de la part de
Ici, messieurs, M. le ministre de la l’intérieur
cherchait évidemment nous donner le change. M. le ministre des affaires
étrangères avait déclaré, non pas comme le dit M. le ministre de l’intérieur, que le gouvernement n’avait pas demandé la
concentration de troupes françaises sur notre frontière, mais bien qu’il avait
ignoré ce fait, qu’il en avait eu connaissance avec le public ; et lorsque
M. le ministre des affaires étrangères est venu postérieurement nous déclarer
que ce fait devait être considéré comme un acte de bienveillance, il n’a pas,
comme le dit M. le ministre de l’intérieur, laissé subsister la déclaration que
le gouvernement n’avait pas provoqué la chose, mais bien celle que le gouvernement avait été laissé dans
l’ignorance de la chose, qu’il ne l’avait apprise qu’avec le public.
Vous sentez, messieurs, l’énorme différence qu’il y
a entre les paroles réellement prononcées par M. le ministre des affaires
étrangères et celles que M. le ministre de l’intérieur lui prête ; si M. le
ministre des affaires étrangères s’était borné dire que le gouvernement n’avait
pas provoqué la concentration des troupes, il n’y aurait eu de reproches à
adresser à personne.
Le gouvernement français eût été dans son droit, en
prenant cette mesure à la nouvelle d’un danger qui pouvait, en menaçant notre
gouvernement, le menacer lui-même, danger qui, dans les premiers moment, a pu
lui paraître plus grave qu’il ne l’était en réalité, et l’on eût pu croire que
tous les procédés avaient été observés envers nous, que l’on nous avait
avertis, que notre ministre plénipotentiaire avait su ce qui se passait. Mais
ce n’est pas là ce que M. le ministre des affaires étrangères a dit ; il a dit
qu’il avait tout ignoré et je lui oppose ce dilemme :
Ou vous n’avez pas ignoré ce qui se passait , et alors vous avez manqué à la chambre et au pays
en disant le contraire de la vérité ; ou, ce que j'aime à croire , vous avez
ignoré ce qui se passait, et alors votre représentant à Paris a été négligent
et le gouvernement français a manqué de bons procédés envers vous.
En terminant le discours que je viens de reproduire,
et dans lequel il dénaturait complètement les faits, M.
le ministre de l'intérieur faisait un appel à notre sincérité ;
vous pouvez maintenant, messieurs, juger de la sienne.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) - J'ai répondu, je pense, comme je le devais, au reproche de négligence fait
à notre légation à Paris. Quant à ceux qui m'ont été personnellement adressés,
je ne crois pas devoir y répondre ; je n'occuperai pas la chambre d'une
question toute personnelle. La concentration des troupes, je le répète, a été
assez spontanée et assez prompte pour expliquer le silence de notre agent à
Paris. Je me réfère du reste à ce que j'ai déjà dit.
M. Delfosse. - Toutes mes observations subsistent.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey). - Je ne
vois pas cela ; il y a été répondu, la chambre jugera.
M. Pirson. – Il est des circonstances où les gouvernements ne peuvent dire ce qu'ils
pensent et ce qu'ils savent. Quant à moi, je suis obligé de vous dire que je
n'ose vous dire ce que je pense sur l'échauffourée qui s'est présentée dans ce
pays, il y a quelques jours. Une échauffourée du prince Louis est partie
d'Angleterre, il y a quelques années, on sait dans quelle circonstance ; on cherchait peut-être à donner des embarras à
Il serait à désirer que les gouvernements fussent
aussi sages qu’ils voudraient qu'on le fût. Il est de
fait que depuis nombre d'années,
s'il y a eu des troubles, s'il y a eu des intrigues, cela ne provient que des
jalousies de puissance à puissance. Les puissances
se font des niches autant que possible (on
rit) ; elles nous trompent et nous font aller comme des machines, nous
autres peuples ignorants des grandes affaires et des grands intérêts.
Eh bien, je suis entièrement persuadé que tout ce
qui s'est passé - ou devait se passer - était mieux connu du gouvernement français que, de notre gouvernement, lorsqu'il a pris des mesures, et je pense qu'il
a bien fait.
En conséquence, je demande l'ordre du jour ; mais en
invitant les gouvernements à être aussi sages que je
voudrais qu'ils le fussent.
M. Delehaye. - Messieurs, l'honorable député de Thielt a
eu parfaitement raison lorsqu'il vous a dit que les gouvernements qui
connaissaient bien les intérêts de leur pays, ne se laissaient pas influencer
par la diplomatie étrangère, mais qu'ils prenaient les mesures que réclamaient
ces intérêts. En effet, le gouvernement espagnol n'a consulté que le bien-être de ses industries en prenant la mesure
que j’ai signalée. Mais lorsque j’ai dit que notre diplomatie avait été en
défaut, c'est que je lui reprochais de ne pas avoir prévenu le gouvernement des
modifications qu'on se proposait de faire subir au tarif.
Le premier tarif en vigueur dans ce pays divisait en
cinq catégories des toiles qu'on pourrait y importer.
Le gouvernement anglais, qui consulte aussi les
intérêts de ses industriels, a examiné les moyens de modifier ce tarif, il en a
proposé un nouveau qui a été adopté, et qui fait disparaître l'avantage que
nous accordait le premier ; par le nouveau c'est son industrie qui possède tout l'avantage.
Par le premier tarif il y avait, comme je l'ai dit,
cinq catégories de toiles ; la première payait 20 p. c. plus un tiers ; la
seconde aussi 20 p. c. plus un tiers ; les 3°, 4° et 5° payaient chacune 15 p.
c. plus un tiers.
Les toiles que l'Angleterre fournit à l'Espagne, se
trouvent presque tous dans la
quatrième catégorie. Qu'a fait le gouvernement anglais ?
Il a demandé au gouvernement espagnol de réduire les cinq catégories à trois.
De cette manière ses toiles ne sont frappées que du droit le moins élevé,
tandis que les nôtres restant dans la première
catégorie sont passibles du plus haut droit. Cette modification a donc été
faite entièrement en faveur de l'Angleterre.
Si nos agents en Espagne, informés des modifications
qu'on proposait au tarif, en eussent donné avis au gouvernement, il est à
croire que nous eussions maintenu la première classification, celle-ci nous
étant la plus favorable et ne portant aucune atteinte aux intérêts espagnols.
- Personne ne demandant plus la parole, la
discussion générale est close. La chambre passe à la discussion des articles.
Discussion
des articles
CHAPITRE
PREMIER - Administration centrale
Articles 1 à 5
« Art. 1. Traitement
du ministre : fr. 21,000. »
« Art. 2. Frais de représentation (pour
mémoire) »
« Art. 3. Traitements des fonctionnaires,
employés et gens de service : fr. 34,000. »
« Art. 4. Pensions à accorder à des
fonctionnaires, employés et gens de service : fr. 2,000. »
« Art. 5. Matériel : fr. 32,000. »
- Ces cinq articles sont adoptés sans discussion.
« Art. 6. Achat de décorations de l'ordre
Léopold : fr. 10,000. »
M. Delfosse. - Messieurs, je veux être impartial
avant tout. Je féliciterai le gouvernement de quelques nominations qu'il a
faites dans l'ordre Léopold à l'occasion de l'exposition des produits de
l'industrie nationale. Un gouvernement s'honore en honorant les industriels qui
se distinguent.
Mais il est d'autres nominations
pour lesquelles je dois le blâmer et le blâmer hautement. Je vous ai déjà
parlé, messieurs, de la décoration qui a été donnée à un ancien aide-de-camp de
Don Carlos. J'ignorais alors les motifs de cette faveur qui a étonné tout le
monde, je cherchais en vain quels étaient les services que ce personnage
pouvait avoir rendus au pays. Mais depuis, nous avons appris
par les explications que M. le ministre des affaires
étrangères a données à la section centrale que cette faveur
n'avait pas été accordée pour services rendus au pays, que l'on avait seulement
voulu donner au personnage en question une marque de bienveillance.
Il faut convenir, messieurs, qu'il est étrange que
Cet acte du ministère
était d'autant plus coupable qu'il pouvait être une
cause de mésintelligence, ou tout au moins de froideur, entre le gouvernement
espagnol et le nôtre.
Le ministère, messieurs, a aussi décoré plusieurs
membres de cette chambre dans un moment où ils allaient comparaître devant les
électeurs. Je n'ai pas à examiner les titres qu'ils avaient à cette faveur, je
serais désespéré de laisser échapper une seule parole qui pût blesser le moins
du monde aucun de mes honorables collègues. Mais je dirai qu'un gouvernement
doit, dans de pareilles circonstances, être très
sobre de décorations. Ce n'est qu'aux sommités de la chambre, à ceux dont la
réélection n'est pas douteuse, qu'il devrait les accorder. En donnant une
décoration à un membre de la chambre, au moment où il est soumis à une réélection,
le gouvernement déclare en quelque sorte
officiellement qu'il l'adopte pour candidat, qu'il prend ouvertement parti pour
lui contre ses concurrents, et si ce candidat échoue, le gouvernement est
associé à sa défaite. C'est ce qui est arrivé. Un gouvernement habile ne
s'expose pas pour si peu à être vaincu.
En général, on prodigue trop les décorations. Pour
peu que cela continue, il sera plus facile de compter ceux qui ne seront pas décorés que ceux qui le seront. Si on voulait ôter tout
prix à l'Ordre Léopold, on n'agirait pas autrement.
M. Angillis.- Messieurs, à la cinquième section, j'ai demandé sur cet article une
réduction de moitié, et j'ai été appuyé par un des six membres présents ;
aujourd'hui, je viens encore une fois vous proposer de réduire la somme de
10,000 francs à la moitié, c'est-à-dire à 5,000 francs.
Messieurs, je ne veux pas développer ma proposition.
Mes développements seraient un peu longs, et peut-être ils m'entraîneraient
plus loin que je désire aller. D'un autre côté, lorsqu'on parle en public, les
spectateurs exercent sur l'orateur une certaine influence. La tribune impose
des précautions qui empêchent les idées de paraître
dans toute leur simplicité. 0n ne dit rien qui ne soit vrai, mais on ne dit pas
tout ce qui est vrai.
Je me bornerai donc à faire ma proposition sans
aucun commentaire, sans explication ni
développement. Je propose, je le répète, de réduire le chiffre de 10,000 francs
à 5,000 francs.
- Cet amendement est mis aux voix, il n'est pas
adopté.
Le chiffre de 10,000 francs est adopté.
CHAPITRE II - Traitements des
agents diplomatiques
Article 1
« Art. 1 Autriche : fr. 40,000 »
M. Delfosse. - Messieurs, il est beaucoup de personnes qui pensent qu'il ne convient
pas à un petit pays comme le nôtre d'avoir des
ministres plénipotentiaires au traitement de 40,000 que nous devrions nous
contenter de chargés d'affaires laborieux et instruits, qui, plus utiles
peut-être, seraient bien moins coûteux.
Je partage cet avis, messieurs, je dois cependant reconnaître, comme je l'ai fait l'année
dernière, qu'il y aurait quelque danger à remplacer nos ministres
plénipotentiaires par des agents diplomatiques d'un rang inférieur, dans un
moment où nous sommes occupés à négocier avec les
gouvernements étrangers des traités de commerce que le pays attend avec impatience. Dans un
pareil moment, le changement de système que l'on réclame par des
motifs d'économie serait intempestif, en ce qu'il pourrait apporter la
perturbation et le retard dans des relations qui doivent rester amicales pour
être menées à bonne et prompte fin.
Je voterai donc encore cette fois les traitements
demandés pour nos ministres plénipotentiaires, à l'exception d’un seul qui me parait peu utile, mais je me réserve de les refuser
aussitôt que les circonstances le permettront.
- Le chiffre de 40,000 fr. est adopté.
Articles 2 à 5
« Art. 2. Confédération germanique : fr.
40,000 »
« Art. 3. France : fr. 60,000 »
« Art. 4. Grande-Bretagne : fr. 80,000 »
« Art. 5. Pays-Bas : fr. 50,000. »
- Ces articles sont adoptés.
« Art. 6. Italie : fr. 40,000. »
M. Delfosse. - Messieurs, les rapports politiques et commerciaux
que nous avons avec la cour de Rome et les petits Etats d'Italie ne
sont pas plus importants que ceux que nous avons avec beaucoup d'autres pays où
nous n'envoyons que des chargés d'affaires.
La cour de Rome a une
grande importance sous le rapport religieux ; mais notre gouvernement ne
pouvant, aux termes de la constitution, s'immiscer
dans les affaires religieuses, notre ministre plénipotentiaire à Rome n'a pas à
s'en occuper.
Ce peu de mots suffiront pour justifier l'amendement
que j'ai l'honneur de vous soumettre et qui tend à remplacer notre ministre plénipotentiaire à Rome, par un chargé d'affaires
au traitement de 15,000 fr.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) -
Messieurs, l'amendement présenté par l'honorable M. Delfosse a déjà été produit
plus d'une fois dans cette enceinte, encore l'année dernière,
par exemple. Les arguements qu’il a fait valoir alors
ayant été réfutés d’une manière victorieuse, comme le prouve le vote émis par
la chambre, je me dispenserai d’entrer dans de longues considérations à cet
égard. Je ferai seulement remarquer qu’un simplke
chargé d’affairees ne pourrait se mettre en
communication ni avec Sa Sainteté, ni même dans certaines circonstances, avec
le cardinal secrétaire d’Etat ; il ne pourrait traiter qu’avec des agents
de deuxième ordre, et dès lors l’Etat ne retirerait que très peu d’utilité des
fonds qui seraient alloués à une mission ainsi réduite.
M. Delfosse. - Il paraît que M. le ministre a pris le parti de ne pas répondre aux
observations qu'on lui présente ; cela est fort commode. M. le ministre me dit
que l'on m'a répondu l'année dernière, que mon amendement a été rejeté l'année
dernière ; mais ce n'est pas là une raison, M. le ministre doit savoir comme moi
que les majorités peuvent avoir tort.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) - J'ai
ajouté une autre considération.
M. Delfosse. - Qui n'a rien de sérieux.
- Le chiffre de 40,000 fr. est mis aux voix et
adopté.
Articles 7 et 8
« Art. 7. Prusse : fr. 50,000 »
« Art. 8. Turquie : fr. 40,000 »
- Ces articles sont adoptés.
Article 9
« Art. 9. Bavière (pour mémoire) »
M. le président. - La section centrale propose la suppression de ce libellé, attendu qu'il
n'y a pas de crédit demandé.
M. le ministre se rallie-t-il à .cette suppression ?
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) – Oui, M. le président.
- La suppression est adoptée.
Articles 10 à 14
« Art. 10. Brésil : fr. 21,000 »
« Art. 11. Danemark : fr. 15,000 »
« Art. 12. Espagne : fr. 15,000 »
« Art. 13. Etats-Unis : fr. 25,000 »
« Art. 14. Grèce : fr. 15,000. »
- Ces divers articles sont adoptés sans discussion.
« Art. 15. Villes anséatiques : fr.
15,000 »
M. Lys. - Il est quelque peu désagréable, messieurs, de parler de noms propres,
mais le gouvernement aurait pu m'en dispenser chez moi, le devoir aura toujours
le pas sur les convenances ; d'ailleurs, c'est la cinquième section, dont je ne
fais pas partie, qui a fait la première proposition, et, après elle, M. le
ministre des affaires étrangères a cité le nom de M.
Dujardin.
« La cinquième section a demandé des renseignements
sur les traitements et indemnités dont jouit le chargé d'affaires près des
villes anséatiques ; tant à raison de la légation que comme membre de la
commission d'Utrecht, et à cause de toutes autres missions. Elle croit que le
chargé d'affaires dont il s'agit cumule le traitement qui suppose sa résidence
avec une indemnité pour sa résidence effective à Utrecht, ce qui serait un
abus. L'état de situation arrêté au 10 septembre 1841, prouve qu'il y avait
déjà 10,000 fr. dépensés sur le présent crédit de
15,000 fr. En conséquence, la section a invité la section centrale à se faire
donner des renseignements sur ce point, sur lequel elle appelle son attention.
« Cette demande ayant été transmise à M. le
ministre des affaires étrangères, celui-ci a fourni en réponse la note dont la
teneur suit :
« Depuis la nomination de M. Dujardin en
qualité de chargé d'affaires à Hambourg, sa présence ayant été jugée nécessaire
à Utrecht, il y a été envoyé pour coopérer aux arrangements de notre
liquidation avec
« M. Dujardin, dans cette circonstance, a été
traité comme tous les agents diplomatiques chargés de missions en dehors de
leurs fonctions ordinaires.
« Il n'en a pas été de même durant le séjour
de trois mois qu'il a fait à Bruxelles pour entrer en conférence avec M. Borett. Il n’a durant ce laps de temps joui d'aucune
indemnité.
« Voici quelques détails quant à sa mission
auprès de la cour de
« Du 16 au 22, i1 est resté à Bruxelles, ne
jouissant que de son traitement de chargé d'affaires.
« Le 23 octobre, il est reparti pour
« Il est à remarquer qu'en mettant ses services
à la disposition de l'Etat, dans ces diverses circonstances, M. Dujardin et sa
famille se sont trouvés dans une position fort pénible, par suite de la manière inattendue dont ces changements momentanés de
résidence ont eu lieu, et de l'ignorance où il est encore, à l'égard de leur
durée. »
« M. Dujardin avait déjà quitté la demeure
qu'il occupait à Bruxelles ; ses meubles et effets étaient déjà emballés, et il
logeait avec sa famille à l'hôtel, lorsque les négociations avec le cabinet de
Il résulte de la réponse susdite que la première
vacation de 5 jours a été payée à 88 fr. 60 c, par jour ; la seconde, de 23
jours, à 72 fr. 20, et que le traitement de l'année, payé sur le même
pied que chacun des autres commissaires, donne 16,423 fr,
Je ne vois rien de bien pénible dans un contre-ordre
de départ ; il n'y a même pas là un surcroît de dépenses. Toute la différence
consiste en un appartement garni qu'on occupe à Bruxelles et un hôtel qu'on
aurait occupé à Hambourg,
Je ne pense pas, comme le dit M. le ministre, que
notre chargé d'affaires aurait transporté ses meubles de Bruxelles à Hambourg ;
dès lors il en a été quitte pour déballer ses effets qu'on nous dit avoir été
emballés. .
Je ne puis admettre un cumul qui ferait plus que
doubler le traitement ; je propose donc d'annuler ce traitement pour le chargé
d'affaires des villes anséatiques, si mieux n'aime M. le ministre consentir la réduction de quinze mille francs, au chap. 8,
article unique.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) - La
meilleure preuve, messieurs, que le gouvernement ne perd pas de vue, le système
d'économie qui nous est recommandé par le préopinant, c'est
qu'il a fait un appel au patriotisme des
membres de la commission d'Utrecht, et qu'ils y ont
répondu en accédant à une diminution d'un quart sur
l'indemnité qui leur avait été allouée. Elle a été réduite de 60 à 45 fr. par
jour. ,
Pour répondre à l'honorable M. Lys, je
pourrais me borner à citer les précédents établis dans notre diplomatie.
Il est constant que depuis 10 ans les choses se sont
passées ainsi. Toutes les fois qu'un fonctionnaire quelconque a été envoyé en
mission, non seulement il a continué à jouir de son traitement, mais il a encore
eu droit à une indemnité à raison des dépenses nouvelles qu'il était obligé de
faire. Cette fois encore il n'y a pas cumul de deux traitements : il y a
traitement et indemnité.
Je regrette, messieurs, qu'un nom propre ait été
cité dans cette discussion ; je prie la chambre de croire que je ne serais pas
entré dans des détails de ce genre si j'avais pu penser qu'ils dussent être livrés à la publicité.
M. Mercier. - J'avais
demandé la parole pour déclarer que les explications données par le
gouvernement et dont nous avons reçu communication par le rapport de la section
centrale m'ont paru tout à fait satisfaisantes.
Le gouvernement, considérant ce qu'ont de
désagréable et d'onéreux les déplacements momentanés et fréquents, accorde des
indemnités à ceux de nos agents qui doivent les subir ; c'est ainsi que tous
les fonctionnaires qui ont rempli une mission à Utrecht ont touché une
indemnité indépendamment du traitement dont ils jouissaient : le diplomate dont
a parlé l’honorable M. Lys a sous ce rapport été traité comme les autres
membres de la commission d’Utrecht ; et si l'observation de M. Lys était juste,
ce qui est contraire à mon opinion, elle devrait être générale au lieu de
s'attacher spécialement à un des membres de cette
commission.
Bien plus, celui dont l'honorable membre vous a
entretenus, a été traité moins favorablement que ses collègues ; le
gouvernement ayant jugé qu'il pouvait rendre de plus grands services à
Bruxelles en prenant part à des négociations officieuses qu'à Utrecht même, l'a
momentanément rappelé de cette ville, et nous voyons par les explications du
ministère que, pendant son séjour à Bruxelles, il a été privé des indemnités
dont ses collègues continuaient à jouir à Utrecht ; il a donc éprouvé un
véritable dommage, alors qu'il ne faisait que rendre de plus grands services.
J'ai cru, messieurs, devoir entrer
dans ces explications pour que le véritable état des choses fût bien compris.
M. Lys. – M. le ministre des affaires étrangères répond à mes observations que
l'indemnité et le traitement ont toujours été cumulés lorsqu'il s'est agi de
donner une mission particulière, soit à un ministre, soit à un chargé
d'affaires. Mais, messieurs, c'est là un véritable abus ; je dis qu'agir de la
sorte c'est grever le trésor de l'Etat fort inutilement.
Je conviens que si notre chargé d'affaires à
Hambourg avait loué une maison dans cette résidence, il aurait eu droit à une
indemnité de ce chef, mais il n'en est pas du tout ainsi.
L'honorable
M. Mercier n'a rien dit non plus qui puisse réfuter mes observations. Il a dit
que M. Dujardin était dans une position plus défavorable que les autres
commissaires d'Utrecht, puisqu'il est revenu à Bruxelles et qu'il n'a pas touché
d'indemnité.
Mais s'il n'a pas touché d'indemnité d'Utrecht, il a
alors toujours touché son traitement comme chargé d'affaires à Hambourg. J'attaque le cumul quand il existe et je persiste à demander
la réduction que j'ai proposée.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) - Rien ne serait
plus désavantageux au service de l'Etat que le système que l'on vient de mettre
en avant. Qui ne voit, en effet, que. si les fonctionnaires n'avaient droit à aucune indemnité, à
raison des déplacements qu'on leur fait subir lorsqu'on les charge d'une
mission confidentielle, ces missions qui demandent avant tout de la bonne
volonté et du zèle, ne seraient plus acceptées qu'avec répugnance et conduites
qu'avec tiédeur. Or, il importe au pays que le gouvernement
puisse disposer à son gré et selon les nécessités du moment, des personnes qui
ont l'habitude et le talent des affaires diplomatiques.
M. Lys. - Il me suffira, messieurs, d'avoir signalé l'abus dont je me suis
plaint. Je ne veux pas appliquer .la réduction que j'ai proposée, plutôt à M.
Dujardin qu'à d'autres, je voulais l'appliquer généralement. Je retirerai en
conséquence mon amendement, sauf à le reproduire plus tard, si les mêmes abus
se renouvelaient.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je prie la chambre de remarquer que sous le ministère actuel, les indemnités ont
été réduites de 60 fr. à 40. Il est incontestable que lorsque les
fonctionnaires publics, sur la demande du
gouvernement, se chargent d'une mission accessoire, ils ont droit de ce chef à
une indemnité. Il n'y a pas là de véritable cumul. La seule question dont il
puisse s'agir, c'est celle de savoir si l'indemnité est trop élevée. Le
gouvernement a examiné cette question ; les membres des commissions voyant que
les travaux se prolongent, ont réduit l'indemnité de
60 francs à 45.
- Le chiffre proposé par le gouvernement est mis aux
voix et adopté.
Articles 16 à 18
« Art. 16. Portugal : fr. 15,000. »
« Art. 17. Sardaigne : fr. 15,000. »
« Art. 18. Suède : fr. 15,000. »
CHAPITRE III
Article unique
« Article unique. Traitements des agents
consulaires : fr. 110,000. »
- Cet article est adopté sans discussion.
CHAPITRE IV
Article unique
« Article unique. Traitements des agents
politiques en inactivité, de retour de leur mission, sans qu’ils soient
remplacés : fr. 10,000. »
- Cet article est adopté sans discussion.
CHAPITRE V
Article unique
« Article unique. Frais de voyage des agents du
service extérieur, frais de courriers, estafettes et courses divers : fr.
70,000. »
- Cet article est adopté sans discussion.
CHAPITRE VI
Article unique
« Article unique. Frais à rembourser aux agents
du service extérieur : fr. 75,000. »
- Cet article est adopté sans discussion.
CHAPITRE VII
Article unique
« Article unique. Missions extraordinaires et
dépenses imprévues : fr. 30,000. »
- Cet article est adopté sans discussion.
Article unique
« Article unique. Pour faire face aux dépenses
qui résulteront du traité de paix avec les Pays-Bas : fr. 75,000. »
M. Delfosse. - Je demanderai à M. le ministre des
affaires étrangères (et j'espère que cette fois il me
répondra) pourquoi la commission mixte qui siégé à Anvers a
été très longtemps sans se réunir. Si les renseignements que l'on m'a donnés
sont exacts (et j'ai lieu de les croire tels), cette commission ne s'était pas
réunie une seule fois depuis le changement de ministère et ce n'est que dans
les derniers temps, à l'approche de la session, probablement afin que l'on pût
dire à la chambre que l'on fait quelque chose, que cette commission a été
convoquée. Cependant M. le ministre des affaires étrangères doit savoir que le
pays attache la plus grande importance à la conclusion des travaux de cette commission. Il est plusieurs branches d'industrie très
considérables qui dépérissent et qui ne pourront reprendre un peu d'activité
que lorsqu'on aura fait disparaître les causes qui entravent nos relations
commerciales avec
Puisque j'en suis à ce point, j'appellerai aussi
l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur un bruit qui circule
et qui, je l'espère, est dénué de fondement. On assure que les membres de la
commission mixte qui appartiennent à la ville d'Anvers veulent
sacrifier la navigation de
Je lis dans le rapport de l'honorable M. Dumortier,
et c'est un point sur lequel on est tombé d'accord dans la discussion, qu'on
avait réduit à 45 fr. l'indemnité de 60 fr. par jour, allouée précédemment aux membres de la commission d'Utrecht. Cette
réduction doit en amener une dans le chiffre du budget. Je propose donc de
réduire le chiffre de 75,000 fr. à 60,000,fr.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) - Je ferai d'abord remarquer à l'honorable préopinant que
lorsque la chambre a alloué pour la première fois la
somme de 75,000 francs, elle croyait que les travaux de la commission d'Utrecht
ne dureraient que six mois. Ce chiffre aurait été tout à fait insuffisant pour
une année entière, et cela est si vrai qu'un crédit supplémentaire considérable a dû être déjà demandé l'an passé, et que
l'on sera encore obligé de vous faire cette année une demande de fonds pour cet
objet.
Je crois que l'honorable préopinant se trompe encore
lorsqu'il veut préciser l'époque où la commission de navigation s'est réunie à
Anvers. Ce n'est pas immédiatement avant la réunion de la chambre que cette
commission s'est rassemblée, c'est vers la fin de juillet, si ma mémoire ne me
trompe pas, ou dans les premiers jours du mois d'août.
Quant à la recommandation que nous fait l'honorable préopinant, relativement à
M. Delfosse. - Le chiffre qui a été voté l'année
dernière, l'a été pour toute l'année, et non pas pour six mois. Je demanderai s'il n'a pas suffi.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) – Le chiffre n'a pas suffi, puisque je devrai demander un crédit supplémentaire de 30,000 fr.
M. Delfosse. - Alors je n'insisterai pas, le crédit n'est d'ailleurs qu'éventuel.
M. Dumortier, rapporteur. -
Messieurs, j'avais demandé la parole pour faire remarquer que le crédit qui a
été alloué pour 1841, n'a pas été suffisant et que le gouvernement sera dans la
nécessité de demander un crédit supplémentaire ; dès
lors il serait imprudent de réduire le chiffre pétitionné pour l'année
1842. Tout en votant pour ce chiffre, je
n'en insiste pas moins pour qu'on apporte le plus d'économie possible dans ce
service.
M. Rogier.- Messieurs, les travaux des diverses commissions chargées de l'examen des
questions qui se rattachent à l'exécution du traité de paix, s'étant prolongés
au-delà du temps qui avait paru nécessaire dans le principe, je crois que le
ministère actuel a bien fait de réduire l'allocation attribuée à quelques
membres de cette commission. Je ne pense pas qu'en signalant cette réduction à
la chambre, le cabinet ait cependant entendu blâmer le chiffre primitif de
l'allocation.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Non.
M. Rogier. - Ce n'est donc pas sur ce point que je prendrai la parole.
Je désire seulement compléter la réponse du ministre
des affaires étrangères à une assertion de l'honorable M. Delfosse, en ce qui
concerne les membres de la commission mixte d'Anvers, appartenant à cette
ville.
D'après un bruit qui serait parvenu aux oreilles de
l'honorable membre, les trois commissaires anversois se seraient montrés disposés à sacrifier les intérêts de
Je devais à ces honorables citoyens qui remplissent
leurs devoirs avec un zèle et un désintéressement digne de tout éloge ; je leur
devais cette rectification de l'assertion émise par l'honorable membre. Je sais qu'il ne l’a présentée que sous forme de
doute, et qu'il ne l'a rapportée que comme un bruit qui serait venu jusqu'à
lui. C'est pourquoi j'ai pris sur moi de démentir ce bruit, et de détruire
l’impression qu'il aurait pu produire sur l'esprit de cette chambre.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, nous nous associons
aux sentiments qui viennent d'être exprimés par l'honorable
préopinant. Il y a deux bruits qui se reproduisent à des époques
périodiques : à Gand, on prétend que la commission d'Anvers, dominée par un
intérêt exclusivement anversois, sacrifiera le canal de Terneuzen ; on prétend
également à Liége que la même commission sacrifiera
Le gouvernement espère terminer les négociations en
faisant droit à la fois et aux intérêts de
L'honorable M. Delfosse a fait un reproche au
gouvernement, et il y a persisté, de la réunion prétendûment
tardive de la commission d'Anvers. Il est évident
qu'un ministère, en se constituant, n'a pas par là l'omniscience, Il faut
d'abord qu'il prenne connaissance des affaires ;
c'est ce qu'il a fait pour toutes les questions qui se traitent à Anvers : il
s'est rendu compte de l'état des travaux de cette
commission. Il avait à examiner des questions
très difficiles qui avaient été soumises au ministère
précédent, et que ce ministère n'avait pas résolues. Dès que l'opinion du
cabinet actuel a été formée, il a donné des
instructions à la commission d'Anvers ; la plus grande impulsion a été imprimée
aux travaux de cette commission. La question de
Je dirai en confirmant ce qu'a dit l'honorable M.
Rogier, qui supposait que les propositions des deux
commissaires liégeois seraient adoptées par la commission ; je
dirai que nous pouvons déclarer maintenant qu'elles l'ont été ; que l'œuvre des
commissaires liégeois est devenue l'œuvre de la commission entière à
l'exception d'un point qui n'est pas une question de navigation, sur lequel le
gouvernement statuera. Je dis ceci pour faire cesser les préventions qui
existent à Liége et à Gand sur l’esprit qui anime les
membres de la commission d'Anvers, qui appartiennent à cette ville.
M. Delfosse. - Messieurs, je suis charmé d'apprendre que le bruit dont j'ai parlé, et
dont Liége devait à bon droit s'alarmer, est dénué de fondement ; l’honorable
M. Rogier vient de rendre hommage à l'impartialité qui anime les membres de la
commission mixte d'Anvers, je me plais à croire que cet éloge est mérité, il
m'en eût trop coûté de croire que nous n'avions pas de justice à attendre
d'eux. Je dois cependant faire observer que l'honorable M. Rogier ne peut pas
savoir ce qui s'est passé dans la commission depuis qu'il a cessé d'en faire
partie, mais les paroles que M. le ministre de l'intérieur vient de prononcer
sont de nature à nous rassurer et j'en prends acte.
M. le ministre de l'intérieur a en outre proclamé
une vérité qu'il est impossible de contester, e'est
qu'il faut quelque temps avant qu'un ministère puisse se mettre au courant de
questions importantes telles que celles qui sont soumises à la commission
d'Anvers ; mais ce que M. le ministre de l'intérieur nous a dit là-dessus ne se
concilie guère avec ce que M. le ministre des affaires étrangères nous disait
tantôt que la commission d'Anvers s'était réunie plusieurs fois
depuis la formation du ministère.
M. Delehaye.- M. le ministre de l'intérieur vient de dire que les réclamations de
Liége ont été admises. M. le ministre ne pourrait-il
pas en dire autant des réclamations de Gand ? ne
pourrait-il pas nous annoncer que nous serons également délivrés du droit de 54
cents qu'on nous fait payer sur le canal de Terneuzen ?
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, il ne faut pas donner une trop grande portée aux travaux des commissions ; ce ne sont
pas des autorités, ce ne sont que des conseils. Le gouvernement
ferait respecter tous les droits, les droits des habitants des Flandres aussi
bien que les droits des habitants de Liège, si tant est que la commission
d'Anvers pût les méconnaître. La commission est purement consultative. Il y a
des points sur lesquels elle peut varier ; il peut y
avoir désaccord entre ses membres, mais c'est alors
le gouvernement auquel en définitive ils doivent en référer pour fixer les
bases des arrangements.
Quant au canal de Terneuzen, je dois me borner à
répéter que les efforts du gouvernement tendent à faire droit
aux réclamations des Flandres, qui consistent à ce qu'on
place la ville de Gand, par rapport à la navigation maritime, dans la
même position que la ville d'Anvers.
- Personne ne demandant plus la parole, le chiffre
est mis aux voix et adopté.
Vote sur
les articles de la loi
La chambre passe au vote des articles de la loi.
« Art. 1er. Le budget du département
des affaires étrangères, pour l'exercice 1842, est fixé à la
somme de 1,060,300 francs. »
- Adopté.
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le
1er janvier 1842. »
- Adopté.
Vote sur
l’ensemble de la loi
Il est procédé à l'appel nominal sur l'ensemble de
la loi.
68 membres répondent à l'appel.
67 membres répondent oui.
1 membre répond non.
Le projet de loi est adopté.
Le projet de loi est adopté.
Il sera transmis au sénat.
M. Angillis a répondu non.
Ont répondu oui : MM. Brabant, Coghen, Cools, David,
de Behr, Florisone, de Foere, de Garcia de
La séance est
levée à 4 1/2 heures.