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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 24 février 1841

(Moniteur belge n°56 du 25 février 1841)

(Présidence de M. Fallon)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Garcia fait l’appel nominal à midi et demi.

M. Scheyven lit le procès-verbal de la séance précédente. La rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Lejeune présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

« Un grand nombre de bourgmestres des communes riveraines de la Sambre et de la Meuse demandent l’exécution du chemin de fer entre Sambre et Meuse. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Message du sénat faisant connaître l’adoption du projet de loi du budget du département de la guerre. »

- Pris pour notification.

Composition des bureaux de section

Première section

Président : de Behr

Vice-président : Demonceau

Secrétaire : Wallaert

Rapporteur de pétitions : Kervyn


Deuxièle section

Président : Eloy de Burdinne

Vice-président : Desmet

Secrétaire : de Villegas

Rapporteur de pétitions : Hye-Hoys


Troisième section

Président : Angillis

Vice-président : Lys

Secrétaire : Simons

Rapporteur de pétitions : Zoude


Quatrième section

Président : Dubus (aîné)

Vice-président : Vanderbelen

Secrétaire : Dedecker

Rapporteur de pétitions : de Garcia


Cinquième section

Président : de Mérode

Vice-président : de Theux

Secrétaire : Dechamps

Rapporteur de pétitions : Cools


Sixième section

Président : Duvivier

Vice-président : Raikem

Secrétaire : Van Cutsem

Rapporteur de pétitions : de Renesse

Rapport sur une pétition

« Par décision en date du 10 de ce mois vous avez bien voulu me renvoyer une pétition de plusieurs cultivateurs de la Flandre occidentale, datée du 7 mai 1840, par laquelle ils demandent instamment que le gouvernement fasse vendre, dans leur province, des bestiaux de race étrangère, dont la vente publique avait toujours eu lieu jusqu’alors à Bruxelles.

« J’ai l’honneur de vous informer, messieurs, qu’avant d’avoir eu connaissance de cette pétition et dès le mois d’août 1840 une vente de bestiaux a eu lieu à Bruges, et que, par conséquent, la demande des réclamants est devenue sans objet.

- Pris pour information.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l'exercice 1841

Discussion du tableau des crédits

Chapitre III. Chemin de fer, postes

Première section. Chemin de fer
Discussion générale

M. le président – Nous sommes parvenus au chapitre III. « Chemins de fer, postes »

La parole est à M. Van Cutsem.

M. Van Cutsem – Messieurs, comme l’honorable M. Lys, je me suis réservé de répondre à l’honorable M. Nothomb qui a cherché à combattre dans cette enceinte l’opinion que j’avais émise sur la nécessité de joindre la poste à l’administration des finances et de faire opérer les recettes du chemin de fer par le même ministre, jusqu’à la discussion spéciale des crédits pétitionnés pour l’administration du chemin de fer, et je dois dire en commençant, que les arguments de l’ancien ministre des travaux publics, auquel je reconnais des connaissances spéciales beaucoup supérieures à celles que je possède sur la matière où je me permets de ne pas être d’accord avec lui ne m’ont pas convaincu que je devais revenir de ma première opinion. Je le regrette, j’aurais été heureux de m’être trompé sur les irrégularités que j’ai cru découvrir dans l’exploitation du chemin de fer, car je n’ai pas l’habitude de soutenir des questions pour avoir raison seulement, mais je les agite pour éclairer le gouvernement, pour faire cesser ces abus et me rendre utile à mon pays.

Je ne combattrai jamais dans cette enceinte telles ou telles propositions parce qu’elles y seraient faites par tel ministre plutôt que par tel autre, une pareille conduite est indigne d’une homme d’honneur, d’un représentant loyal, consciencieux et vraiment religieux ; je ne m’opposerai qu’à celles qui sont mauvaises par elles-mêmes, en admettant qu’un ministère n’aurait pas mes sympathies, parce que je n’oublierai jamais que mes concitoyens m’ont député dans cette assemblée pour y soigner leurs intérêts et y défendre leurs libertés, et non pas pour faire passer ou maintenir les portefeuilles dans les mains de mes amis ; et lorsque je croirai qu’un ministère n’est plus digne de se trouver à la tête des affaires du pays, parce que j’aurai la conviction qu’il veut sacrifier une partie des libertés religieuses et civiles qui nous sont garanties par notre pacte fondamental, libertés que je défendrai envers et contre tous, je ne l’empêcherai pas d’administrer convenablement les affaires de l’Etat, mais je formulerai une proposition dans laquelle je demanderai à la représentation nationale de dire que le ministère n’a plus la confiance du pays, parce qu’il a violé notre constitution.

L’honorable M. Nothomb nous a dit que lorsque l’administration des postes était jointe aux finances, il y avait un conflit continuel entre le ministre des finances et le ministre chargé de l’exploitation du chemin de fer, et qu’on n’a pu y mettre un terme qu’en instituant le ministère des travaux publics et en lui attribuant l’administration des postes.

L’honorable M. Nothomb ne faisant pas à cette époque partie du ministère, n’a pu connaître ces conflits que par suite de renseignements qui lui auraient été donnés à cet égard ; eh bien, qu’il me soit permis de lui dire qu’il a été mal informé, qu’il n’y a jamais eu de discussion entre le ministre de l’intérieur et le ministre des finances sur les transports des lettres par le chemin de fer, que M. le ministre de l'intérieur a toujours communiqué à M. le ministre des finances à l’avance les heures du départ des convois, que M. le ministre des finances faisait ses observations à son collègue de l’intérieur et que toujours ces hauts fonctionnaires ont pu se mettre d’accord sur cette minime partie de leurs hautes attributions ; il sauraient été bien à plaindre s’ils n’avaient pas pu s’entendre sur des questions aussi futiles, eux qui en avaient de si importantes à traiter à une époque où la Belgique n’était encore rien dans la balance européenne ; ils n’auraient pas eu une existence de quelques semaines, tandis qu’ils ont tenu les rênes de l’Etat pendant plusieurs années.

Il n’y a pas eu de conflit sur un objet d’aussi mince importance entre les deux ministres, mais il y a eu conflit sur la question des recettes que M. d’Huart voulait joindre à son administration, et que l’honorable M. de Theux voulait consacrer à la sienne, et ce conflit a duré tant que cet ancien ministre était au pouvoir sans recevoir de solution ; j’ignore si ses collègues ont soulevé la question, mais quant à lui, je pourrais prouver ce que j’avance, que l’honorable M. Nothomb me fasse la même preuve pour les conflits sur les heures de départ, et alors, mais alors seulement, je croirai aux discussions entre les deux ministres dont il a parlé.

L’honorable M. Nothomb a encore soutenu que l’administration des postes devait être réunie au ministère des travaux publics, parce qu’il résultait de cette adjonction une grande économie pour le trésor ; afin de le prouver, il vous a dit qu’on avait réuni la poste au chemin de fer dans huit ou dix localités indiquées aux développements du budget ; mais, messieurs, en admettant que tous ces agents n’aient pas conservé leur traitement de deux ou trois cents francs qui leur est payé par l’administration des postes, savez-vous combien aurait produit d’économie cette réunion ? Je vais vous le dire, deux à trois mille francs ; toutefois, je puis assurer qu’en réalité, on n’a pas fait cela, car on a presque maintenu pour tous les traitements qu’ils avaient à la poste et ceux qui ne les ont pas conservés demandent qu’on les leur rende parce qu’ils font une besogne double.

Vous voyez donc, messieurs, que là où l’ancien ministre des travaux publics vous signale des économies comme motif de l’adjonction de la poste au ministère des travaux publics, il n’en existe réellement pas, et que s’il n’y a pas d’économie notable, il faut séparer deux administrations pour faire cesser les inconvénients attachés à la réunion, car, sans répéter ce que j’ai allégué dans mon premier discours et que mes adversaires n’ont pas réfuté, les deux administrations sont négligées.

Depuis que les postes ont été considérées comme une dépendance des travaux publics, il n’est plus nécessaire de se servir de courriers pour le transport des dépêches, nouvelle économie que vous signale M. Nothomb ; mais peu après vous l’avoir indique, il se charge lui-même de vous prouver qu’il n’y a pas d’économie, puisqu’il vous dit qu’il y a un employé du chemin de fer qui a la mission spéciale du transport des dépêches ; s’il en est ainsi, ce facteur ne fait que cela, et dans ce cas on n’a fait que déplacer la dépense.

Mon honorable contradicteur prétend encore que la poste aux lettres doit continuer à faire partie de l’administration des travaux publics, parce que, sans cela, il n’y aurait pas moyen de conserver le service de la poste ambulante ; je dirai d’abord qu’il n’y aurait pas grand mal à ne pas conserver un service de poste qui, à cause des distributions fréquentes de la poste aux lettres, rend bien peu de services au commerce et qui coûte quinze mille francs alors qu’il ne rapporte sur la ligne de Bruxelles à Anvers que cinq mille, le tiers de ce qu’il coûté ; mais si on veut conserver ce service, pourquoi n’y aurait-il pas moyen, en le maintenant, de conserver à chaque administration ses attributions ? En effet, il ne s’agit que de l’emploi d’un wagon ; les employés de la poste n’ont rien de commun avec les employés du chemin de fer, ils sont dans leur wagon, et n’en sortent plus pendant tout le parcours qu’ils ont à faire, ils se servent des wagons comme l’administration se sert des messageries sans avoir à s’enquérir des ressorts qui la font mouvoir.

L’honorable M. Nothomb a parlé d’un de ses voyages en Angleterre, et nous a dit que le grand maître de la poste lui avait fait connaître que si dans ce pays l’Etat possédait un chemin de fer, il n’hésiterait pas à proposer la réunion de la poste au chemin de fer ou du chemin de fer à la poste, et il en déduit la conséquence que la poste doit être absorbée par le chemin de fer ; quant à moi, il me paraît que sa conclusion ne serait exacte que pour autant que le grand maître de la poste n’aurait pas posé une alternative, mais ayant posé une alternative, on ne peut rien déduire de son opinion en faveur de celle de l’honorable M. Nothomb ; car ce haut fonctionnaires aurait pu prendre une résolution diamétralement opposée à celle adoptée par M. Nothomb, et absorber le chemin de fer dans la poste, et alors j’aurais peut-être été aussi de son avis.

Puisqu’on a parlé de l’Angleterre, pourquoi ne fait-on pas comme dans ce pays, où on n’accorde aucune concession de chemin de fer qu’à condition de transporter les dépêches, et où ces concessionnaires particuliers sont obligés d’établir des services de nuit ? En Belgique, depuis la réunion des postes aux travaux publics, il n’a pas encore été possible d’obtenir des services de nuit : cette amélioration ferait cependant une grande économie sur le transport des dépêches dont la plus grande partie se fait la nuit et coûte au-delà de 300,000 francs (voir au budget, nouveaux développements, page 44, transport de dépêches).

Je conviens avec M. le ministre des travaux publics et avec l’honorable M. Nothomb, que la loi de 1835 a augmenté la recette des postes, mais l’augmentation matérielle du chiffre sur le port même ne s’élève bien certainement pas à celle de l’année 1836 ; le ministre pourra facilement s’en convaincre, s’il ordonne la confection d’une statistique de cette année.

Le service rural n’a pas produit non plus l’augmentation de 1837 ; que M. le ministre, qui doit avoir l’état entre ses mains, veuille bien y jeter un regard, et il le verra.

Il y a donc eu abstraction de ces deux causes, prospérité sur ces deux années comme sur les deux années précédentes, depuis 1831 ; les prédécesseurs de l’honorable M. Nothomb sont pour quelque chose dans cette prospérité. M. le ministre et M. Nothomb oublient donc les quatre années précédentes de 1831 à 1835, qui ont produit près d’un demi-million d’augmentation, alors que les deux causes indiquées par M. Nothomb n’existaient pas encore.

De 1838 à 1840 il n’y a plus qu’environ 55,000 francs d’augmentation, preuve de misère au lieu de prospérité, depuis que l’administration des postes constitue une division des travaux publics.

M. le ministre des travaux publics et M. Nothomb ont bien voulu reconnaître que dans les années qui ont suivi l’adjonction de la poste au chemin de fer, il y a eu progression de recettes dans des proportions beaucoup moindres ; le chemin de fer n’a donc pas porté bonheur à la poste, puisque, malgré les mille et une communications qu’elle a eues en plus pour faire opérer le transport des ses dépêches, il y a eu diminution dans les produits de cette même poste.

L’honorable M. Nothomb signale encore comme un immense avantage celui de faire transporter gratis par le chemin de fer, les dépêches de la poste ; pour moi, je ne vois rien de productif dans ce transport gratuit pour notre trésor ; car si le chemin de fer faisait payer ce transport, ce serait retirer des fonds d’une caisse de l’Etat pour la faire rentrer dans l’autre, et le gouvernement et le contribuable ne gagneraient rien à cette opération et n’y perdraient rien non plus.

Ni M. le ministre des travaux publics, ni l’honorable M. Nothomb, ne m’ont fait voir qu’il serait impossible d’utiliser la poste aux chevaux au transport des marchandises des différentes stations du chemin de fer au domicile des destinataires ; je voudrais bien avoir quelques explications à cet égard.

M. le ministre des travaux publics et l’honorable M. Nothomb, sans tenir aucun compte de l’opinion de la chambre des comptes, autorité sans doute bien compétente pour décider la question des recettes qui nous divise, commencent par nous dire que nous n’avons pas compris la portée du chiffre de 760,000 francs demandés par M. le ministre, pour dépenses de perception ; mais s’il en était ainsi, à qui devrait-on imputer notre erreur, si ce n’est à M. le ministre des travaux publics, puisqu’il s’est servi des mots de dépenses de perception ; et qu’en bon français dépense de perception ou dépenses effectives pour opérer la recette, sont bien la même chose. Mais nous savons bien qu’avec ce crédit demandé on payait les fonctionnaires que M. le ministre ou plus tôt l’honorable M. Nothomb a bien voulu nous faire connaître, mais nous savions aussi, d’après les renseignements que nous avons pu recueillir, que pour les années antérieures à celles de 1841, le traitement des différents fonctionnaires désignés par M. Nothomb avaient absorbé environ un million, et c’est ce qui nous a porté à dire, d’après des calculs approximatifs que nous avons faits que la recette coûtait environ six cent mille francs, dix pour cent de son produit.

M. Nothomb nous a dit que les receveurs et autres agents comptables avaient du chemin de fer des fonctions mixtes, mais depuis quand et en vertu de quelle disposition royale ou ministérielle ? Je n’en connais pas ; tandis que le règlement du 1er septembre 1838, à l’article 2, dit qu’il y a au chemin de fer des agents distincts par la nature de leurs fonctions, à l’article 94 que le chef de station a la surveillance du matériel sans qu’il soit question des recettes, à l’article 171, qu’il y a un fonctionnaire portant le titre de contrôleur en chef pour surveiller le service ordinaire et les recettes, à l’article 178, que les convois ne peuvent avoir lieu qu’aux heures indiquées par le receveur ou chef de station, à l’article 212, que le chef du bureau de recette et le chef de station se concerteront pour tous les détails journaliers du service, et enfin que l’article 239 dit que le transport des dépêches sera distinct de celui de l’administration du chemin de fer.

Dans les dispositions complémentaires du règlement général du 1er septembre 1838, en date du 25 juillet 1839, nous voyons les attributions des chefs de station qui, d’après l’honorable M. Nothomb, sont partout chargés de la recette et qui, d’après ces dispositions mêmes, ne le sont que par exception ; en effet voici ce qu’elles contiennent : « Indépendamment des fonctions de chef de station, il peut être chargé d’attributions spéciales, notamment de celles de receveur. »

Il résulte évidemment, messieurs, des dispositions que je viens d’invoquer, qu’en thèse générale, il n’y a pas d’agents mixtes au chemin de fer, et que le motif d’économie invoqué par M. Nothomb, pour lui conserver ces recettes, n’existent réellement pas, et qu’on ne veut les lui conserver que pour augmenter l’importance du ministère des travaux publics.

Je ne m’opposerais pas, messieurs, à cet ordre de choses, si la perception telle qu’elle se fait aujourd’hui n’était pas onéreuse pour le fisc ; mais vous ayant démontré qu’elle coûtait plus d’une fois autant que celle de l’administration des finances, je dois y être contraire.

Un second motif qui me fait désirer que cette perception rentre dans les attributions du ministre des finances, c’est que, dans ce ministère, il y a contrôle des recettes par la chambre des comptes, tandis que, pour les recettes opérées par le chemin de fer, il n’y a que contrôle par cette administration elle-même, contrôle qui peut encore être facilement éludé par des agents comptables infidèles, qui feraient imiter les billets qu’on distribue pour le chemin de fer, ou par les agents supérieurs, qui sont les seuls qui les distribuent. Loin de moi, messieurs, de croire à de pareils faits, mais il suffit qu’un pareil abus serait possible, pour que nous soyons obligés de prendre des mesures telles que la fraude soit même impossible dans les mains d’agents déshonnêtes.

M. Nothomb vous a dit et avec lui l’honorable M. Demonceau, que le contrôle des recettes présentait plus de garanties aux travaux publics qu’aux finances ; vous pourrez en juger parce que je vais avoir l’honneur de vous dire : au chemin de fer il y a des registres qui contiennent les billets délivrés au voyageur, on doit rendre compte à un contrôleur de l’emploi de ces différents billets, et voilà toute la garantie que l’Etat a de la probité des comptables employés à cette administration, le contrôle des recettes pour l’administration des contributions directes ; cadastre, douanes et accises s’établit en deux grandes divisions : les contributions directes et les impositions indirectes.

Pour les contributions directes, il s’exerce au moyen des rôles rendus exécutoires par les gouvernements et publiés dans les communes par les autorités locales. Il est impossible d’avoir des garanties plus certaines.

Pour les impositions indirectes qui comprennent les douanes et les accises il a lieu : pour les douanes au moyen de la statistique des objets importés et exportés et de ceux qui passent en transit. Par cette statistique, qui se tient journellement dans les bureaux de recette, la plus petite erreur se reconnaît de suite.

Pour les accises, la contenance des vaisseaux sert de base pour les distilleries et les brasseries, ainsi que les prises en charge en vertu des documents délivrés aux bureaux frontières, pour les autres droits.

La vérification des recettes se fait dans chaque bureau au moyen des journaux et de l’émargement des rôles pour les contributions directes, et au moyen des registres à souche pour les douanes et accises, registres cotés et paraphés par les inspecteurs d’arrondissement et dont les receveurs doivent justifier l’emploi par un compte détaillé à la fin de chaque année ; elle a lieu par les contrôleurs chaque fois qu’ils se rendent dans les bureaux, et ils font au moins une inspection par trimestre ; les inspecteurs font même parfois telle inspection dans l’année.

A la fin de chaque année les comptables sont obligés d’envoyer tous les registres de perception à la vérification centrale de la comptabilité réunie à l’administration générale au département des finances. Là chaque article est repassé avec le plus grand soin, de sorte qu’il est impossible que la plus légère erreur passe inaperçue.

Chaque fois qu’un receveur est appelé à un autre bureau, à d’autres fonctions, est admis à la retraite ou quitte l’administration, il n’obtint son quitus qu’après que toute sa gestion a été vérifiée dans toutes ses parties, tant pour les dépenses que pour les recettes, et il ne l’obtient que par un arrêt de la cour des comptes, arrêt seul qui ait force de chose jugée.

Tel est, messieurs, le contrôle qui existe à l’administration des finances, y a-t-il quelque chose de pareil au département des travaux publics ? Un chacun sait que non ; et pourquoi cette différence existe-t-elle, pourquoi avons-nous deux ministres des finances dont l’un est contrôlé par la cour des comptes, tandis que l’autre se contrôle lui-même, s’il le juge à propos ?

J’ose espérer que la chambre et le gouvernement prendront une sérieuse attention à ce que je viens de leur soumettre, et que le ministère fera cesser, comme je le lui ai demandé, un ordre de choses contraires aux dispositions de notre constitution, qui veut, à son article 115, que toutes les recettes et dépenses de l’Etat soient contrôlées par la cour des comptes.

M. Lys – Une seule voix s’est fait entendre dans cette chambre pour réfuter les observations que j’avais présentées contre le mauvais système des recettes opérées au chemin de fer. C’est celle de l’honorable M. Nothomb, ancien ministre des travaux publics.

Ce n’est point à la légère, messieurs, que je vous ai présenté mes observations, c’est après les avoir mûrement réfléchies ; c’est la cour des comptes qui m’a appelé à cet examen en lisant ses observations sur le compte général et définitif de l’exercice 1835.

Je ne suis d’ailleurs pas le seul qui se soit récrié contre cette administration de nos recettes, mes honorable collègues Van Cutsem et Milcamps m’avaient précédé, et je pense que leur raisonnement doit avoir de l’écho dans cette chambre.

C’est dans le moment où nous cherchons tous à faire des économies réelles, non en évitant des dépenses nécessaires, et même celles d’une utilité urgente, mais surtout en supprimant des dépenses à pure perte comme je considère celles dont s’agit, et même des dépenses utiles susceptibles d’être ajournées, que j’ai cru du devoir des membres de la représentation nationale de faire entendre leurs vœux, pour la répression d’un abus dans nos recettes, qui en augmente considérablement les frais ; en effet, messieurs, ne devons-nous pas faire tous nos efforts, pour éviter une partie de ces nouveaux impôts que je considère comme onéreux et grevant surtout la classe ouvrière.

J’ai dès lors voulu vous démontrer, messieurs, que je partageais l’avis de la cour des comptes ; que je considérais comme une anomalie l’établissement de recettes dans tout autre département que celui des finances ; que ce mode entraînait nécessairement des abus, que dans tous les Etats bien organisés il ne se rencontrait pas ; et ne fût-ce que pour l’augmentation des frais, on devrait s’empresser d’y porter remède.

L’honorable M. Nothomb n’a nullement prouvé l’inexactitude de mes calculs. Cela n’était pas en son pouvoir ; car en vous disant que, pour 1841, il y avait une perte, dans les frais de recette, de 200,000 francs, je suis resté bien en dessous de la réalité.

Remarquez-le bien, messieurs, ce n’est point la moyenne de 3 p.c., qui est celle portée par le ministre des finances dans son budget de 1841 pour les remises de ses receveurs sur lesquelles j’ai établi mes calculs ; car alors l’économie aurait été de 460,000 francs ; mais c’est la moyenne de 5 ¾ p.c., et pour composer cette moyenne, ce ne sont pas seulement les remises des receveurs que je porte en ligne de compte, ce sont tous les frais de l’administration centrale, les traitements de tous les employés, tant supérieurs qu’inférieurs, les frais de bureau, le matériel même, et jusqu’aux frais de poursuite et les dépenses du domaine.

C’est en agissant ainsi que je trouve une économie de 200,000 francs. Et, remarquez-le bien, pour faire un pareil calcul, ce n’est point le chiffre de 10 p.c. sur la recette que je porte en compte, ainsi que me le fait dire l’honorable M. Nothomb, mais bien celui de 8 p.c. auquel M. le ministre des travaux publics lui-même réduit les frais de recette déduction des frais généraux, des frais de factage, etc. Ainsi, il reste mathématiquement démontré que si la recette du chemin de fer était réunie à celle des finances, il y aurait dès l’année courante, une réduction de 200,000 francs sur les prix.

Si des traitements d’employés sont portés dans le troisième article du chapitre du chemin de fer, vous les trouvez aussi dans les frais de recette des finances ; car ce n’est pas la première fois que je le dis ; tous les frais de l’administration centrale des finances s’y trouvent ; jusqu’aux frais des poursuites judicaires s’y retrouvent, et tous ces frais réunis n’emportent que 5 ¾ p.c., tandis qu’au chemin de fer ils sont de 10 p.c.

Je ne suivrais pas, messieurs, l’honorable M. Nothomb dans les détails où il est entré sur l’administration des postes et celle du chemin de fer. Mes observations ne tendent qu’à éclairer le gouvernement ; ce ne sont que des plans que j’ai voulu poser dans l’avenir.

J’ai dit, et je le répèterai encore, si aujourd’hui les frais de recette sont de dix pour cent, vous avez encore une quantité de stations à ouvrir, et si le même système est suivi, ces frais iront en progression, les traitements étant plus élevés que dans toutes les autres administrations.

On n’a pu rien opposer sur la différence que j’ai établie entre les traitements des employés de la poste et ceux du chef ; d’un côté moyenne de huit cent francs et de l’autre moyenne de seize cents francs.

On n’a pas été plus heureux lors de la critique de mes calculs sur les revenus actuels de la poste ; l’honorable M. Nothomb ne parle que de la progression de 1836 à 1837 ; il l’attribue à la loi du 29 décembre 1835 qui a considérablement augmenté les ports de lettres, et sur l’introduction du service rural ; il fait des avantages à la poste pour les années 1838, 1839 et 1840, parce que la poste se sert gratuitement du chemin de fer, des gardes convois, d’agents mixtes qu’elle ne paye pas.

En admettant, messieurs, que tous ces avantages existent, je demanderai à l’honorable M. Nothomb comment il se fait que l’augmentation du produit des postes n’ai été, pour 1838, 1839 et 1840, que de 58,034 francs, ce qui ne donne qu’une moyenne, par année, de 19,344 francs, tandis que les postes, dans les années antérieures, lorsqu’elles ne jouissaient d’aucun de ces avantages, lorsqu’elles ne se servaient pas du chemin de fer, lorsque la poste rurale n’existait point, lorsqu’elle ressortissait du département des finances.

En 1832, par exemple, l’augmentation a été de 288,077 francs.

En 1834 de 103,087 francs.

En 1835 de 79,538 francs.

J’attribue ce brillant résultat aux efforts de l’administration qui ne se sont pas ralentis en 1836 et 1837 ; car il ne faut pas croire qu’il ait exagération dans le bien-être pour ces deux années, qu’on annonce provenir de l’augmentation des ports de lettres et de la création de la poste rurale, exagération que le produit des trois années suivantes prouve évidemment.

Je ne vois, messieurs, aucune économie dans la fusion que l’on a faite par quelques bureaux de poste avec l’administration du chemin de fer, car l’on aura augmenté les traitements en proportion. Le service des gardes convois remplaçant des facteurs de la poste n’en amènera pas : la différence des rétributions y sera obstative et l’employé qui sera chargé d’une double service, celui de la poste, et celui du chemin de fer, négligera l’un de ces services, lorsqu’il s’occupera de l’autre ; ce sont là, messieurs, de graves inconvénients, je ne doute pas que l’on en ait déjà fait la triste expérience. Je citerai un exemple : l’on a établi le bureau des postes de Hal au chemin de fer ; auparavant le percepteur des postes jouissait d’un traitement de mille francs, il est actuellement de 2500 francs, donc augmentation de 1500 francs, et il vous reste pour satisfaire aux réclamations fondées des habitants de Hal de créer un bureau de postes au centre de leur ville, dès lors nouvelle augmentation.

Je ne conteste point, messieurs, qu’on ne puisse, pour certaines petites localités, établir les bureaux de postes aux stations du chemin de fer, mais lorsque les villes sont un peu importantes, on augmentera par là les frais.

L’on a cité Vilvorde, je répondrai que, si on établit le bureau des postes à la station du chemin de fer, les réclamation de cette ville ne manqueront pas, l’on sera alors forcé d’établir un second bureau dans l’intérieur de la ville ; il y aura là le même résultat que pour Hal ; tenant les renseignements concernant cette dernière ville de mon honorable collègue M. Duvivier, il pourrait mieux que moi entrer dans quelque détail à cet égard. A bien plus forte raison en sera-t-il de même pour les grandes villes, car, qu’on ne s’y trompe pas, la poste est un besoin à toutes les heures de la journée, et chaque ville exige qu’elle soit établie au centre des habitations.

L’honorable M. Nothomb nous a dit encore : « Mais dans les autres pays la poste a conservé tous les services de nuit, et ce sont pour la plupart les services les plus coûteux » ; il entend sans doute par là qu’ils sont supprimés en Belgique ; tandis que dans les autres pays ils seraient conservés ; mais je ne connais pas de service de nuit supprimé dans notre pays. Peut-être y en aurait-il un seul, celui de Bruxelles à Anvers.

Je reconnais néanmoins avec cet honorable collègue qu’un service de nuit par le chemin de fer, supprimant celui de nuit de la poste pour toute la Belgique, serait d’un grand avantage pour le service des postes, ce serait un bénéfice considérable, et une économie de plus de 200,000 francs, mais c’est là précisément ce qui n’est pas organisé et ce qu’on devrait s’empresser d’établir, car, m’en entretenant avec l’un des membres de l’administration du chemin de fer rhénan, il me fait remarquer que si ce service de nuit était organisé en Belgique, elle en retirerait un bénéfice de plusieurs centaines de mille francs pour la poste, parce qu’elle pourrait accaparer tout le transit, tandis qu’aujourd’hui elle n’en a qu’une part bien faible.

Qu’on ne dise point d’ailleurs, messieurs, que les autres pays ne peuvent pas supprimer leur service postal de nuit ; car les concessions de chemins de fer ne sont font qu’à la charge de transport des dépêches de la poste à un prix convenu à l’avance, et en Prusse tout à fait gratuitement.

J’ai entendu l’honorable comte de Mérode parler des frais énormes des cabinets ambulants entre Bruxelles et Anvers. Je ne sais, messieurs, où il a puisé ses renseignements, mais je dois lui dire qu’ils ne sont pas exacts.

Je ne porte pas cette dépense ni à un chiffre aussi fort, ni à une recette aussi mince. D’après les respectivement que j’ai pris aux chemins de fer même, la recette que produisent les lettres déposées aux stations de Bruxelles et d’Anvers est on ne peut pas plus minime, quand on la compare à la dépense, qui serait annuellement trois fois plus forte que la recette.

Si mes renseignements, messieurs, péchaient d’exactitude, M. le ministre a sous la main de quoi le démontrer ; mais je crois qu’il ne pourra me dire autre chose, sinon qu’on paye toujours des essais par des dépenses plus fortes que les recettes.

Mon honorable collègue reconnaît que les rentrées faites par les travaux publics coûtent 10 p.c., tandis que celles opérées par le département des finances ne coûtent que 5. Il va donc beaucoup plus loin que moi ; car il double la dépense, tandis que je ne la porte pas au tiers en sus ; et, en effet, sur 690,000 francs, je ne déduis que 200,000 francs. Cet honorable collègue ajoute qu’il croit que nous n’insisterions point pour que l’administration des recettes du chemin de fer passât aux finances, si cette administration offrait les avantages que nous demandons, la même garantie et la même économie ; mais nous avons la conviction qu’il n’en peut pas être ainsi ; et en effet, messieurs, comment voulez-vous qu’en divisant les recettes de l’Etat en deux départements, devant les faire contrôler, inspecter et diriger séparément, devant nécessairement doubler tous les employés du contrôle, de l’inspection et de la direction, vous puissiez ne pas augmenter votre dépense, en augmentant ainsi le nombre de vos employés ?

Je suis loin, messieurs, de dénier les avantages que procure le chemin de fer, j’en ai au contraire fait l’énumération lors de la discussion générale.

Je considère le chemin de fer comme produisant sous peu d’années, non seulement les sommes nécessaires au payement des intérêts du capital employé, mais des sommes qui serviront à son amortissement.

Je reconnais avec M. le ministre tout le bien que le chemin de fer produit et pour la valeur des propriétés et pour l’agriculture, et pour le commerce et l’industrie. Un honorable collègue m’a demandé quel avantage Verviers retirera du chemin de fer ; autant vaudrait, messieurs, me demander s’il y a des industriels à Verviers.

Je reconnais encore, messieurs, que ces immenses travaux ont fait verser dans le commerce des sommes considérables pour le paiement des salaires des ouvriers et pour l’achat des matières premières. Je reconnais qu’au moyen du chemin de fer le service des postes peut être fait avec plus de célérité, avec plus d’économie ; mais je persiste à soutenir qu’en donnant aux postes le transport des bagages, cette économie augmenterait considérablement. Et je ne reste pas moins convaincu que la fusion des services des postes avec celui du chemin de fer, la séparation des recettes du chemin de fer, du centre commun, celui des finances, ne peut qu’amener la confusion.

Je n’ai pas dit, messieurs, que la recette du chemin de fer ne pouvait pas être contrôlée, mais je voudrais que ce contrôle fût fait celle des canaux et rivières. C’est là, messieurs, de l’économie, et vous augmentez nécessairement la dépense, si vous faites ce contrôle par des employés spéciaux pour le chemin de fer.

Je laisse au chemin de fer toutes ses travaux de construction et d’exploitation, je laisse ses ingénieurs de toutes classes, ses conducteurs, les surveillants de travaux, enfin tous les employés quelconques, qui veillent à la sûreté des transports et à la surveillance des travaux en exploitation et en construction.

Mais je persiste à dire, que tout ce qui concerne les recettes des postes et du chemin de fer, devrait ressortir du département des finances.

Je voudrais enfin, messieurs, une limite à l’administration des travaux publics, une barrière infranchissable devrait être établie, tout ce qui est travaux, arts, devrait lui être conservé, et tout ce qui est objet financier devrait en être distrait.

Je vous l’ai déjà dit, messieurs, mes observations ne tendent qu’à poser des jalons dans l’avenir.

La cour des comptes est là, ainsi que la commission des finances.

Ces deux administrations sont bien mieux renseignées que moi pour éclairer le gouvernement sur le mérite de mes observations, je n’entends nullement critiquer les observations de M. le ministre des travaux publics, je connais son dévouement au bien-être général, et je voterai le crédit pétitionné pour le chemin de fer.

Je ne fais ici aucune proposition sur laquelle la législature ait à délibérer ; je ne fais que soumettre des observations, je les adresse au cabinet tout entier ; l’objet est assez important ; je désire qu’il veuille les soumettre à un examen et à une discussion dans le sein du conseil.

J’en appelle aussi à mes honorables collègues, pour qu’ils se réunissent à moi, afin d’engager le gouvernement à procéder le plus tôt possible à cette discussion ; je n’entends point qu’ils reconnaissent la justesse de mes observations, je désire seulement qu’ils engagent le cabinet à les prendre en considération ; lorsqu’il s’agit d’une recette qui peut se porter de 14 à 15 millions, et qu’elle ne se fait pas par les voies ordinaires, je pense, messieurs, que des observations motivées contre cette distraction du centre commun, méritent l’attention et du cabinet et de tous les membres de la représentation nationale.

Je ne terminera point, messieurs, sans dire quelques mots sur la prétendue absorption de la poste par le chemin de fer ; ce principe, a-t-il dit, a été posé dans un arrêté du 25 août 1837, voilà quatre ans, messieurs, que ce principe est posé ; et qu’a-t-il produit ? La fusion d’une douzaine de perception des postes. Ce seul fait prouve que l’absorption est une véritable utopie, tout à fait contraire aux intérêts de l’Etat.

M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Deux honorables préopinants étant revenus sur leurs observations relatives d’abord au mode de recettes en usage au chemin de fer, en second lieu à l’absorption des postes au département des travaux publics, je leur répondrai le plus brièvement possible.

Pour ce qui concerne les recettes, les deux honorables préopinants sont partis d’une base tout à fait inexacte. Depuis la distribution du rapport sur le chemin de fer et des tableaux qui y sont joints, ces honorables membres, s’ils ont pris lecture de ce rapport, ont pu se convaincre que sous le titre de « Dépenses de perception du chemin de fer », on comprend un grand nombre de dépenses qui ne sont pas des dépenses de recettes proprement dites, mais plutôt des dépenses faites pour produire des recettes. En un mot, sous ce titre, on comprend non seulement ceux qui perçoivent les recettes, mais encore ceux qui concourent à l’exploitation. Si nous nous attachons aux sommes consacrées spécialement aux recettes, aux receveurs et aux commis du chemin de fer, nous voyons qu’il en coûte de ce chef non pas 690,000 francs mais 116,000 francs. Le reste de la somme jusqu’à 690,000 francs se distribue entre une foule d’employés, qui n’ont pas de rapport avec les recettes.

C’est ainsi que le directeur de l’administration générale, les inspecteurs, les gardes convois, les commissaires de police, les gens de service, sont payés sur le fonds des dépenses de perception. Voilà une première catégorie. Deuxième d’employés payés sur le même fonds : Tous les ouvriers attachés au transport des bagages, au chargement et au déchargement. Troisième catégorie d’employés payés également sur ce fonds : Tous les facteurs du camionnage, c’est-à-dire les employés qui accompagnent les marchandises de la station au domicile du destinataire. Enfin, quatrième catégorie de dépenses : Mobilier des bureaux, informes des gardes, dépenses de matériel, impressions. Voilà comment nous arrivons à 700,000 francs.

Je pose en fait que si le ministère des finances devait faire face aux mêmes besoins que l’administration du chemin de fer, les dépenses s’élèveraient à la même somme, si non à une somme plus forte ; car beaucoup d’employés, payés sur le fonds de perception, rendent des services à l’administration du chemin de fer, qui devraient être payés sur les fonds des dépenses de transport, ou d’entretien, si ces employés appartenaient au département des finances.

On dit que les frais de perception absorbent 8 à 10 p.c. des produits, alors qu’à l’administration des finances, les frais de perception absorbent moins de 5 ¾ des produits. Je viens de faire voir ce qu’il faut entendre par frais de perception, et comment ces fonds s’appliquent pour la majeure partie à des dépenses qui sont en dehors de la perception.

Mais je dirai qu’aux finances toutes les recettes ne se font pas au taux de 5 ¾. Il y a, dans cette administration, des recettes beaucoup plus onéreuses que celles du chemin de fer. Ainsi, les recettes de la douane ne se font ni au taux de 10, 20 ou 30 p.c., mais au taux de plus de 50 p.c., parce que là il y a autre chose à faire que d’attendre tranquillement dans un bureau les sommes qu’apportent les contribuables. Il y a à faire des opérations qui produisent les recettes. Voilà comment la perception de la douane s’élève à un taux si élevé.

Remarquez que, sur le chemin de fer, l’administration ne se borne pas à attendre les recettes dans son bureau ; elle fait une masse d’opérations en dehors des habitudes de l’administration des finances, passive d’ordinaire, quant aux recettes. Ainsi, pour me servi d’une comparaison, l’administration du chemin de fer fournit au commerce le canal, et non seulement le canal, mais le bateau, le halage, le chargement et le débarquement. Voilà toutes opérations que l’administration des finances ne fait pas, et dont nous imputons la dépense sur les frais de perception.

Je pense qu’au moyen de ces explications, les honorables membres resteront convaincus que les frais de perception au département des travaux publics ne sont pas plus onéreux qu’ils ne seraient au département des finances.

Si je voulais faire connaître les inconvénients du mode indiqué par les honorables préopinants, je n’en finirais pas.

Je pose en fait qu’il ne serait pas possible de diviser le service entre l’administration du chemin de fer et une autre administration. Il faut transporter au département des finances toute l’exploitation du chemin de fer, ou la laisser tout entière au département des travaux publics. Il n’y a pas lieu à partager. Il faut que l’une ou l’autre administration soit chargée de toutes les opérations.

Je dois donc, en concluant, déclarer que je regarde comme de toute impossibilité de détacher le service des recettes de l’administration du chemin de fer.

On dit que la cour des comptes se plaint d’absence de contrôle pour ces recettes. Mais s’il y a quelque chose à changer au moyens de contrôle, nous ne nous refusons pas à admettre ces moyens. L’administration a les yeux fixés sur ce point important : les observations de la cour des comptes ne pouvaient lui échapper. Nous pensons que la cour des comptes n’avait pas sous les yeux les détails que je viens de donner, quand elle s’est plainte du taux élevé des frais de perception. Du reste, il est assez fâcheux que l’ajournement constamment apporté par cette chambre à l’examen des comptes de l’administration ne permette pas de discuter en temps opportun ces observations de la cour des comptes. Ce serait le moment de discuter le mérite des observations qu’elle a produites dans les cahiers de 5 ou 6 dernières années ; c’est alors que nous pourrions convenablement y répondre.

On dit que si les recettes du chemin de fer étaient réunies à l’enregistrement il y aurait une économie considérable. Mais je ne comprends pas comment les employés de l’enregistrement feraient les recettes à moins de frais que ceux du chemin de fer. Est-ce qu’ils les feraient pour rien ! Ou seulement auraient-ils des traitements moins élevés que ceux du chemin de fer ? Les employés de l’administration reçoivent un tantième. C’est peut-être cependant ce motif du tantième que reçoivent les employés de l’enregistrement qui a pu faire penser à quelques-uns qu’on pourrait utilement les employer pour les recettes du chemin de fer.

On a aussi persisté dans l’opinion qu’il faudrait restituer au département des finances l’administration des postes. Eh bien ainsi que je l’ai dit dans une séance précédente, je crois que, s’il est deux institutions qui doivent nécessairement être réunies, ce sont les postes et le chemin de fer. Si l’on transporte les postes au département des finances, il faut y transporter en même temps tout le chemin de fer. Comment ! Vous reconnaissez que l’administration des travaux publics est apte à transporter les marchandises ; car je ne pense pas que l’on propose de mettre ces transports dans les attributions du département des finances. L’administration des travaux publics fait transporter des marchandises, des colis de tous poids et de toute nature, depuis mille kilog. jusqu’à un demi-kilog.

Pourquoi ne descendrait-on pas plus bas ? Pourquoi l’administration du chemin de fer, indépendamment des colis pesant quelques kilog. qu’elle transporte, ne transporterait-elle pas les colis pesant quelques grammes, appelés lettres, du moment que vous la reconnaissez apte à transporter des colis de tout poids et de toute nature. Vous ne pouvez contester l’analogie. Aussi de jour en jour les deux services s’unissent et se confondent de plus en plus. Aussi, tout en rendant hommage aux intentions qui ont dicté ces observations aux honorables membres, je dois dire qu’ils ont pu être, à leur insu peut-être, les organes d’intérêts particuliers.

On aura beau dire et beau faire, ces deux administrations sont aujourd’hui inséparables, et elles resteront réunies.

Il y a malheureusement, dans toutes les innovations, dans toutes les améliorations à introduire, un certain nombre d’individus intéressés au statu quo, qui résistent de tout leur pouvoir. Mais la force des choses l’emporte. Ils sont obligés de suivre le torrent.

Du reste, je dois dire que, de nouveau, je remercie les honorables membres des observations qu’ils nous ont faites. Il est très utile que l’attention du gouvernement soit sans cesse appelée sur les moyens de rendre l’administration du chemin de fer aussi productive et aussi économique que possible. Ces moyens, nous nous en occupons sans cesse. Nous sommes à même de vous donner encore un preuve de bonne volonté à cet égard.

Depuis la réduction considérable que j’ai proposée sur les frais d’exploitation du chemin de fer, réduction s’élevant à 620,000 francs, et qui a naturellement été acceptée par la section centrale, je suis en mesure de proposer à la chambre une nouvelle réduction encore considérable. Je vais en donner en peu de mots les motifs.

Cette réduction s’élevait à 110,000 francs et porterait sur l’article 2. Dépenses de locomotion ; de telle manière qu’au lieu de 2,310,000 francs, je réduirai ma demande à 2,200,000 francs.

Messieurs, ce n’est pas, j’ai hâte de le dire, par un désir imprudent d’introduire des économies qui seraient incompatibles avec les besoins du service, que je me suis déterminé à proposer une nouvelle réduction ; mais c’est qu’en définitive l’administration doit agir avec loyauté, avec sincérité vis-à-vis de cette chambre, vis-à-vis du pays.

Or, depuis le mois de décembre dernier, de nouvelles circonstances se sont présentées qui permettent à l’administration d’apporter de nouvelles économies dans l’exploitation du chemin de fer. Ces circonstances, les voici : des adjudications publiques ont eu lieu pour des fournitures considérables de charbon, d’huile, de savon, et sur ces adjudications des réductions très considérables aussi ont eu lieu ; en tell sorte que je puis, sans craindre le moins du monde de compromettre le service, consentir aujourd’hui à une réduction de 110,000 francs.

C’est cette réduction que j’ai l’honneur de proposer à la chambre.

M. David – Mon intention n’est pas, messieurs, de rentrer dans la discussion qui vient d’avoir lieu entre les trois honorables préopinants qui viennent de parler.

Je me contenterai de dire que, dans la réplique de M. le ministre des travaux publics, la partie qui m’a surtout frappé, c’est l’heureuse comparaison, qu’il a surtout amenée à propose des frais de perception de la douane. Cette citation est bien faite pour provoquer les réflexions et nous faire craindre qu’adopter pour le chemin de fer un nouveau mode de perception, celui dont on vient de parler, ce serait certainement courir la chance de voir augmenter les frais actuels, au lieu d’arriver au but qu’on se propose, celui de les réduire.

Dans l’intérêt du commerce, dans l’intérêt de l’industrie, dans l’intérêt du chemin de fer lui-même, je désirerais savoir de M. le ministre des travaux publics, quand enfin le railway de Liége à Anvers et Bruxelles sera doté de sa double voie ?

Ce chemin de fer, qui a coûté tant de sacrifices, tant d’argent à la nation, n’aura son revenu et son utilité que quand, sur ces points si importants, tout l’activité dont il est susceptible y sera déployée.

On voit, messieurs, par un pareil allégué combien, on peut différer d’opinion avec quelques-uns de ses honorables collègues. De quel côté est la raison, messieurs ? Les uns disent, en fait de double voie, procédez avec lenteur ; les autres ne voient de salut (et c’est, je pense, le plus grand nombre et celui des mieux inspirés) que dans l’achèvement le plus prompt possible.

Le chemin de fer est une immense machine dont les bras généreux sont destinés à produire, jour et nuit, à féconder toujours, et ces bras à leur tout, ne doivent demander qu’à être fécondés. Nous n’en sommes encore qu’à l’alphabet, quant à la variété des applications de ce nouveau mode de transport.

Le nuit comme le jour, des convois devraient donc le parcourir. Le jour pour les hommes, la nuit surtout pour les chose. Le chemin de fer dévore ses intérêts, la nuit comme le jour, c’est un outil tout puissant qu’il ne faut pas laisser se rouiller un instant. Mais j’en conviens, il ne peut atteindre son plus haut degré d’activité sans l’achèvement de la double voie.

Voyez, messieurs, quel aliment pourrait fournir, par exemple, le transport des charbons de terre, aux convois de nuit, qui transporteraient à bas prix ces matières pondéreuses de Liége à Anvers. Je ne veux pas parler, je ne veux pas proposer, je le déclare à l’avance, l’abaissement du tarif de Liége à Anvers, dans le dessein d’accaparer un marché qui aujourd’hui appartient plutôt au Hainaut qu’à ma province. Je ne veux éveiller aucune susceptibilité rivale. Je ne demanderai donc l’abaissement du tarif qu’en faveur des charbons de Liége, destinés à l’exportation, charbons qui devraient être entreposés à Anvers. Certainement personne ne pourrait s’élever contre cette concession.

Eh bien, messieurs, quel serait son résultat ? En admettant qu’on transportât seulement 100 tonneaux de houille par nuit jusqu’à Anvers, il y aurait pour l’Etat, chaque jour, un bénéfice :minimum de 340 francs environ, puisque vous calculez dès aujourd’hui le parcours d’une lieue par un convoi, orné de voitures élégantes, transportant de la mousseline, de la dentelle, vous calculez, dis-je, que votre dépense s’élève de 12 à 13 francs par lieue.

Il y a d’Ans à Anvers 21 ¾ lieues, à 12 francs, ce qui coûterait donc à l’Etat la somme de 261 francs.

Or, quel est l’exploitant qui, pour posséder son charbon sur les quais de l’Escaut, ne s’empresserait, si vous abaissez le tarif de nuit, pour l’exportation seulement, à 5 ou 6 francs, ne s’empressera de venir contracter avec l’administration ? Faites-en l’essai, M. le ministre, et vous verrez que vous aurez trop peu de matériel pour les transports. Jamais vos convois ne chômeront ; on s’inscrira à l’envi. Il n’y aurait peut-être qu’un mal, c’est que vos stations seraient encombrées. Vous en avez déjà eu la preuve, vous n’avez eu qu’à abaisser le tarif pour Gand, que l’on accaparait tout le matériel que vous mettiez à la disposition de ces transports.

Eh bien, M. le ministre, n’est-ce pas un beau résultat qu’un bénéfice trouvé de 340 francs par nuit ? Pourrait-on le négliger ?

Mais, messieurs, il faut le reconnaître, d’après les économies et les améliorations de tout genre qui s’introduisent tous les jours dans l’administration du chemin de fer, nous pouvons espérer, surtout après le complément de la grande voie qui nous mènera jusqu’au Rhin, une réduction bien considérable sur le taux de 12 francs par lieue pour un convoi. Je crois savoir de très bonne source qu’on ne perd pas l’espoir d’arriver à 6 francs par lieue d’un convoi ! Alors combien grand ne sera pas le bénéfice du transport des matières pondéreuses par le gouvernement, ; puisqu’ainsi les 22 lieues pour 100 tonneaux à 6 francs, ne coûteraient plus que 132 francs à l’Etat. En vérité, messieurs, un pareil résultat surprend, brouille le cerveau. Que penser après cela des canaux ? Lutteront-ils, pourront-ils, dans un court avenir, lutter contre les chemins de fer ?

Transporter surtout d’Ans à Anvers, c’est couler dans une pente continue. Les trains marcheraient presque sans remorqueur. A partit du point culminant de nos chemins de fer, de la station d’Ans, avec une pareille déclivité, une faible locomotive doit pourvoir remorquer plus de 100 tonneaux qui, presque d’eux-mêmes, vont tomber dans le bassin de l’Escaut.

Ce débouché, pour l’exportation, existe-t-il réellement, me demandera-t-on ? Messieurs, vous allez en juger. Le premier de ces débouchés, le plus voisin, c’est la Hollande par l’Escaut. Ici il y a double avantage. Notre navigation de cabotage se raviverait.

Autre débouché : Quand une quantité de navires quittent le port d’Anvers sur lest, ils vont charger du charbon en Angleterre, qu’ils ramènent chez eux. Il est très rare qu’ils puisent du charbon à l’entrepôt d’Anvers, parce que ce charbon leur coûte trop cher. Ils vont donc se le procurer à la source en Angleterre ; et jugez la dépense à laquelle les assujettit un pareil détour, la perte de temps et les dangers d’une navigation inutile. Vous ne leur donnerez pas du charbon aussi parfait que le charbon qu’ils trouvent à New-Castel et à Sunderland, m’objectera-t-on ; erreur, messieurs, erreur. Demandez aux ingénieurs des chemins de fer de la Belgique ce qu’est et ce que produit notre charbon de bonne qualité. Comparez le charbon comparez le coak anglais avec celui que nous employons, et bientôt cette objection cessera.

Autres débouchés, et ceux-ci sont les plus intéressants et les plus dignes de notre sollicitude, parce qu’en même temps ils avantagent le plus notre navigation nationale.

Nous avons devant nous toute la Méditerranée. Le fait est réellement curieux. A quoi tient-il que nous ne puissions jusqu’à ce jour alimenter Constantinople, Smyrne, les ports de la Grèce, de la Syrie, de l’Egypte, les côtés d’Italie, Alger ? A une simple question de transport, question qui se résout en une nuit appliquée ou non appliquée à réaliser d’aussi immenses bienfaits ; à l’emploi d’une machine que nous avons en main, qui ne demande que la volonté de l’homme pour l’enrichir, et qui nous appauvrit pendant qu’elle sommeille. Oui, M. le ministre, avec des transports de nuit, ou des transports à bon marché, vous avez résolu un problème ; vous avez fait d’Anvers un New-Castel ; vous avez bouleversé la géologie, car vous avez placé nos charbonnages sur les rives de l’Escaut.

M. le ministre pourrait-il hésiter ?

M. de Theux – Messieurs, j’ai peu d’observations à présenter. La première est relative à l’exécution de la loi du 1er mai 1834 relative au chemin de fer et qui a ordonné que les recettes fussent mises en rapport avant le capital d’établissement.

Pour bien établir le bilan des chemins de fer, il ne faut pas seulement indiquer les capitaux qui ont été dépensés, mais aussi il faut indiquer les capitaux tels qu’ils résultent des emprunts contractés spécialement pour l’établissement des chemins de fer. Il faut y ajouter les intérêts et l’amortissement tels qu’ils résultent des contrats d’emprunt ; en outre, l’accumulation des intérêts pendant la durée d’exécution. Alors on aura le passif net de l’établissement du chemin de fer, et on pourra voir d’un coup d’œil jusqu’à quel point les recettes répondent à la charge qui en est résultée pour l’Etat.

Il est à espérer que lorsque les chemins de fer auront reçu leur complément, lorsque surtout les chemins de fer d’Allemagne seront achevés et que les lignes déjà décrétées en France vers Lille et Valenciennes seront également achevées, il en résultera une augmentation considérable dans les recettes.

J’exprimerai ici le vœu que les espérances qui ont été données lors de la discussion de la loi du 1er mai 1834 se réalisent, de voir les recettes excéder les intérêts du capital. Il en résulterait, messieurs, cet avantage, que l’on serait à même de réparer en quelque sorte les inégalités qu’a créées le chemin de fer au préjudice de quelques localités, les inégalités de concurrence et ce qui concerne l’industrie et le commerce. Les localités qui ont souffert de la construction du chemin de fer pourraient alors recevoir plus facilement un dédommagement, soit par l’extension des chemins de fer, comme cela se pratique à l’égard des routes, soit par des moyens de communication mieux appropriés à ces localités.

Je forme des vœux sincères pour que cet état de choses se réalise dès que nos chemins de fer seront achevés et seront en communication avec ceux actuellement en construction dans les pays voisins.

Dans une des dernières séances, j’ai dit que l’embranchement de Landen à Saint-Trond procurait dès maintenant déjà un intérêt considérable.

J’ai remarqué avec satisfaction dans le rapport sur le chemin de fer, qui nous a été distribué hier, que mes assertions étaient fondées. Nous avons vu par un premier rapport que le coût d’établissement de cette section était de 1,149,000 francs. Mais, en y comprenant la dépense pour les stations, on arrivera à un chiffre de 1,335,000 francs.

Dès maintenant la recette s’est élevée à 80,000 francs, et la dépense pour l’entretien, la police, les transports et la perception, n’a monté qu’à 35,000 francs. Il reste donc une somme de 45,000 francs nette, qui peut être envisagée comme l’intérêt du capital de l’établissement ; vous voyez que cette section a heureusement dépassé les prévisions.

Je fera remarquer, messieurs, que l’on aurait pu augmenter ce chiffre, si on avait tenu compte que les charbons qui sont expédiés de Liége paient leurs frais de transport à la station d’Ans, quoiqu’ils soient en destination de la ville de Saint-Trond qui les consomme : il y aurait donc lieu de ce chef à augmenter encore le chiffre des recettes.

Mais une circonstance très importante et qui jusqu’ici a exercé une influence défavorable sur cet embranchement, c’est que le chemin de fer s’arrête encore à Ans. Lorsqu’il sera parvenu à Liége, il est certain que la communication entière, tant pour le voyageur que pour les marchandises, se fera exclusivement par le chemin de fer.

De plus, ce n’est que dans les derniers mois de l’année qui vient de finir que le transport des marchandises a pris de l’accroissement sur cette section.

Je tenais à faire ces observations, parce que j’ai entendu dire, et que l’opinion tend à se répandre que cet embranchement ne produisait rien, ne remboursait pas les frais d’exploitation. Vous voyez qu’il n’en est rien et que la décision équitable prise par la chambre est aussi utile.

L’honorable M. Van Cutsem a rappelé une légère discussion qui a eu lieu entre M. d’Huart et moi, sur le service d’exploitation des chemins de fer.

Il est très vrai que, dans le principe, le ministre des finances avait réclamé l’administration des recettes ; mais j’ai dû m’y opposer, parce que j’avais remarqué qu’il existait des conflits journaliers entre l’administration des recettes et l’administration du génie, et que ces conflits devaient être immédiatement résolus par un seul ministre préposé aux deux administrations, parce que tout délai aurait pu être fatal au service.

C’était donc une raison tout à fait péremptoire, surtout dans les premières années, où le personnel était sans expérience, où tout était à créer.

Je ne veux pas émettre d’opinion sur ce qu’on aura à faire lorsque le chemin de fer sera achevé. C’est ici une question assez délicate à résoudre, si, le chemin de fer étant achevé, l’administration des recettes, le service d’exploitation doit rester au ministère des travaux publics ou passer au ministre des finances.

Il est des considérations qui pourraient militer en faveur de l’administration des finances. Indépendamment qu’elle est chargée de réaliser les recettes de l’Etat en général, le ministre des finances est plus portée que tout autre à augmenter les revenus de l’Etat, parce que c’est à lui particulièrement qu’il appartient d’établir l’équilibre entre les recettes et les dépenses.

On pourrait donc supposer que le ministre des finances tiendrait plus aux considérations d’argent.

Il est une chose contre laquelle le gouvernement aura toujours à se tenir en garde. C’est, d’une part, les exigences que l’on montre vis-à-vis de lui pour augmenter les dépenses de toute nature pour la plus grande facilité de chacun ; et d’une autre part, les exigences dont il doit être environné pour obtenir les péages les plus bas possibles.

Voilà une double exigence contre laquelle le gouvernement aura toujours à se défendre, et c’est là, je dois le dire, le côté faible des entreprises gérées par le gouvernement. Les sociétés financières qui gèrent ces sortes d’entreprise se mettent au-dessus de ces considérations et réalisent plus facilement des bénéfices.

Je me bornerai à ces observations, quant à présent.

M. Verhaegen – Messieurs, dans la discussion générale, et encore aujourd’hui, plusieurs honorables collègues vous ont parlé de l’administration des postes mise en rapport avec le chemin de fer ; ils ont soulevé à cet égard des questions graves.

La question principale qu’ils ont traitée est celle de savoir si les recettes des postes et du chemin de fer, que l’on peut évaluer à au-delà de quinze millions, peuvent rester distraites du ministère des finances, et être faites sans inconvénients et surtout avec la même économie par le ministère des travaux publics.

Poser une telle question, c’est en quelque sorte la résoudre, et au premier coup d’œil la négative ne vous a pas paru plus douteuse qu’à moi.

Cependant, messieurs, quand j’entends l’honorable M. Nothomb vous dire, avec cette assurance qui le caractérise, que le système contraire est impraticable et que les recettes ne peuvent être séparées du chemin de fer ; quand j’entends cet ex-ministre des travaux publics ajouter que le transport des personnes, le transport des dépêches, les transport des lettres, doivent être réunis dans une seule administration et former un tout indivisible avec le chemin de fer ; enfin, quand j’entends avancer par cet honorable membre que l’administration des postes tout entière doit être absorbée par le chemin de fer, et qu’elle était déjà sa pensée en 1837, je serais tenté, messieurs, d’adopter le système de M. Nothomb, parce que je dois avoir confiance dans l’expérience acquise par près de quatre années de gestion du ministère des travaux publics ; alors moi aussi, j’inclinerais pour l’absorption de l’administration des postes, pour la fusion de toutes les branches des produits dans l’administration du chemin de fer.

Mais si je me dépouille un peu de l’admiration que la force de la parole et de l’expérience excite toujours chez moi, si j’examine froidement la grande pensée de l’honorable M. Nothomb, je suis tout étonné du résultat.

En effet, messieurs, qu’a fait l’honorable M. Nothomb pour l’administration des postes ? Et comment a-t-il fécondé cette vaste idée d’absorption qu’il a conçue en 1837, immédiatement au sortir de sa conférence avec le grand maître des postes d’Angleterre ?

Ecoutons ce qu’il a bien voulu nous dire dans une séance précédente.

Il s’est attaché, dit-il, à faire exercer dans sept ou huit villages les fonctions de distributeurs de lettres par des receveurs du chemin de fer.

Il a fait imputer sur le chemin de fer les traitements d’une douzaines de courriers des dépêches payés autrefois par l’administration des postes.

Voilà, messieurs, quant aux postes, à quoi l’ex-ministre des travaux publics a passé quatre années de gestion. Certes, sans aller trop loin, je puis dire que sa pratique n’a pas répondu à ses belles théories ; l’économie, le résultat auquel nous tendons tous avec tant d’insistance, il ne s’en est pas même occupé.

En effet, puisque l’absorption des postes était décidée depuis 1837, et que même un arrêté royal l’avait ordonné, pourquoi donc l’honorable M. Nothomb n’a-t-il pas donné suite à sa grande idée ? Pourquoi s’est-il borné à rogner quelques centaines de francs à des malheureux employés des postes dont les traitements ne péchent certes pas par l’exagération ?

Il fallait au moins faire disparaître du budget une dépense d’au-delà de 300,000 francs, que nous voyons y figurer depuis trois ans, pour le transport des dépêches ; cette dépense est presque toute relative aux services de nuit, et en remplaçant ces services par des convois du chemin de fer, le ministre, outre d’autres avantages qu’il eût assurés à la Belgique, aurait encore procuré au pays une économie que nous aurions vu introduite avec plaisir.

Une absorption qui aurait rapporté de tels résultats eût été certainement accueillie avec reconnaissance.

Mais si le travail de l’honorable M. Nothomb n’a abouti, après quatre ans, qu’à une économie de quelques centaines de francs et à la suppression de quelques minces emplois ; s’il n’a pu parvenir, après ce laps de temps, qu’à opérer quelques transferts de dépenses, c’est que la conception n’était pas aussi simple et aussi facile à exécuter qu’il a bien voulu le dire, à nous qui ne sommes pas familiarisés avec les rouages administratifs.

Il faut en conclure que la question est beaucoup plus grave qu’on ne pourrait le supposer au premier abord, et que l’ex-ministre des travaux publics n’a marché dans l’administration des postes qu’en tâtonnant.

Quant à moi, messieurs, je me crois incompétent pour m’immiscer dans cette question administrative ; et je me joindrai volontiers à mes honorables collègues pour engager le cabinet tout entier à méditer mûrement cette grande difficulté qui touche de si près à nos intérêts financiers, et qui nous est signalée par le rapport de la cour des comptes.

M. Lys – Messieurs, je ne doute nullement de la bonne volonté et des bonnes intentions de M. le ministre des travaux publics. Aussi, je vous l’ai dit, ce n’est que des observations que je soumets au cabinet.

Il m’a renvoyé au tableau distribué depuis quelques jours. Je vous dirai que j’ai sérieusement examiné ce tableau, mais je vous avoue que je n’en ai pu tirer aucun résultat. Et, en effet, je trouve à l’article premier : Ingénieurs, conducteurs et surveillants ; je trouve encore : Ingénieurs, conducteurs et surveillants à l’article 2 et à l’article 3, frais d’inspection et de contrôle.

M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Continuez.

M. Lys – Je le reconnais, vous avez rapporté exactement les choses comme elles sont au tableau n°3 ; mais je répète que quand je trouve à l’article 1er des emplois semblables à ceux qui sont à l’article 2, je n’ai pu tirer aucun argument de ce tableau.

D’ailleurs, messieurs, ces mots se rapportaient à ce que M. le ministre avait dit dans le sein de la section centrale :

« Il s’ensuit, disait M. le ministre, que, pour 1841, les frais dits de perception seront d’un peu moins de 10 p.c.

« Il résulte de ce rapprochement qu’il y a plutôt décroissance qu’augmentation dans les frais dits de perception.

« Il est à remarquer que la chambre a été prévenue (voir page 42 des nouveaux développements) que l’article 3 du chapitre III comprend, indépendamment des frais de perceptions des différents services, les frais généraux et les frais de factage.

« Les frais de perception proprement dit ne vont ni à 10 ni à 8 p.c. de la recette brute. »

Voilà, messieurs, ce que disait M. le ministre, et j’ai établi mes calculs non pas sur le pied de 10, mais sur le pied de 8 p.c. Or, il y a une grande différence entre des frais qui s’élèvent à 8 p.c. et ceux qu’entraîne la recette opérée par le ministère des finances.

L’honorable M. David a parlé de l’élévation des frais résultant de la perception des droits de douane. Je sais bien, messieurs, que les frais de douane sont considérables, mais il n’y a nulle comparaison à faire entre les douanes et le chemin de fer ; les douanes seront établies pour protéger notre industrie, pour réprimer la fraude ; le service de douane est extrêmement difficile, extrêmement compliqué, cela n’a aucune analogie avec le service du chemin de fer.

Je ferai d’ailleurs une comparaison, messieurs, qui paraîtra peut-être triviale, mais qui n’en est pas moins exacte. Je suppose un particulier jouissant d’une grande fortune, qui emploie un receveur pour ses capitaux et un autre receveur pour ses immeubles, qui fasse contrôler chacun de ces receveurs par un contrôleur particulier, et qui établisse une inspection spéciale pour l’un et pour l’autre de ces contrôles. Je demande si le particulier ne fera pas des frais bien plus considérables que celui qui n’aurait qu’un seul receveur, un seul contrôleur, une seule inspection.

Il est évident que si toutes les recettes étaient attribuées au ministère des finances, les choses seraient bien simplifiées, qu’il y aurait un personnel moins nombreux et, par conséquent, plus d’économie.

On a dit, messieurs : « Mais il n’existe pas encore de remises pour les receveurs du chemin de fer, tandis qu’il en existe pour les receveurs de l’enregistrement et autres dépendances du ministère des finances. »

M. le ministre a trouvé qu’il serait peut-être convenable d’établir aussi des remises pour les receveurs du chemin de fer ; mais remarquez, messieurs, que les remises des receveurs du ministère des finances diminuent en proportion de l’élévation des recettes, et que dès lors plus les recettes seront concentrées, plus il y aura économie de ce chef.

Je le répète, messieurs, tout ce que j’ai dit jusqu’à présent, je ne l’ai présenté que comme de simples observations sur lesquelles j’appelle l’attention du cabinet. Je n’ai rien critiqué, je me suis borné à émettre une opinion consciencieuse, et j’espère que le ministère voudra bien la prendre en considération.

M. Nothomb – M. le ministre des travaux publics a répondu aux honorables MM. Van Cutsem et Lys ; j’aurai considéré ses explications comme me dispensant de toute réponse ultérieure si l’honorable M. Verhaegen n’avait cru devoir, à son tour, s’occuper de la question relative à la centralisation des services au chemin de fer, la question de savoir s’il faut attribuer la recette du chemin de fer au ministère des finances, en lui restituant en outre l’administration des postes.

Ces honorables membres pensent que cette question est digne d’un examen nouveau. Cet examen, on peut l’accepter ; je crois que la question n’a rien à redouter d’une examen nouveau. Pour moi, elle est résolue par un ensemble de faits que j’ai pu obtenir en Belgique et à l’étranger ; je n’hésite pas à dire que si l’on décentralisait le services au chemin de fer, cette décentralisation ne tiendrait pas un mois ; on serait forcé, dans le terme le plus court, d’en revenir au système de centralisation, il y aurait une véritable impossibilité d’exploitation par la juxtaposition de deux ou trois administrations entre lesquelles on verrait renaître les conflits auxquels on n’a pu mettre un terme que par l’unité.

La chambre voudra bien se rappeler que, il y a environ un an, à l’occasion de la discussion du budget des travaux publics, on s’est occupé des défectuosités que présente le service des postes. L’honorable M. de Brouckere a signalé plusieurs de ces défectuosités ; il a demandé : Comment se fait-il qu’une lettre que je confie à un individu quelconque, à un commis, à un domestique, arrive à Liége, par exemple, avec une très grande rapidité, tandis que si cette lettre est jetée à la poste, elle n’arrive que le lendemain et quelquefois le surlendemain. La réponse que j’ai donnée alors, et qui n’a soulevé aucune réclamation, cette réponse se rattache à la discussion qui, pour la deuxième fois, occupe maintenant la chambre ; j’ai répondu que la fusion, que je regarde comme indispensable, de la poste et du chemin de fer, que cette fusion n’est pas encore opérée ; que maintenant une lettre pour Liége, par exemple, n’arrive au chemin de fer qu’après avoir passé par un bureau très souvent situé à une grande distance de la station du départ ; cette lettre arrivée à Ans n’est pas directement transmise à celui à qui elle est adressée, elle doit aller de nouveau à un autre bureau des postes, où il doit y avoir un nouveau travail. De cette manière il y a deux intermédiaires entre le chemin de fer et le service de la transmission des lettres, un intermédiaire à la réception et un intermédiaire à la distribution.

Eh bien, messieurs, ce sont ces deux intermédiaires qu’il faut faire disparaître et qui ne disparaîtront que par la fusion des postes et du chemin de fer, par la centralisation des services, par la concentration des bureaux dans une même enceinte. Je ne dis pas que la concentration des bureaux dans la même enceinte pourra avoir lieu partout, mais je dis qu’elle aura lieu là où la situation des stations le permettra. On y sera invinciblement mené par les exigences du public même.

Il faut, messieurs, que le service de la poste aux lettres, au moyen du chemin de fer, puisse se faire avec la plus grande rapidité, sans intermédiaire. Lorsque je jette une lettre à la boîte du chemin de fer, il faut que cette boîte soit levée entre le premier et le dernier coup de sonnette. C’est un essai qui se fait en ce moment, si mes renseignements sont exacts. Il faut que ce qu’on appelle « travail de triage » se fasse en grande partie dans le bureau ambulant du chemin de fer.

Ici, messieurs, je suis amené à signaler l’utilité de la poste ambulante sur le chemin de fer. On a paru croire que cette poste ambulante n’a d’autre but que la distribution à droite et à gauche du chemin de fer des lettres destinées aux villages avoisinants ; c’est déjà quelque chose, mais le grand but de la poste ambulante c’est précisément la simplification du travail des bureaux, dans ce sens que le triage se fera en grande partie dans le bureau ambulant, pendant le trajet sur le chemin de fer.

Il ne faut donc pas se borner, messieurs, comme l’ont fait quelques-uns des honorables préopinants, il ne faut pas, pour juger de l’utilité des bureaux ambulants, se borner à comparer les dépenses avec les recettes directes ; cette comparaison est incomplète, elle est au désavantage de la création des bureaux ambulants ; il faut non seulement tenir compte des revenues directs de ces bureaux, mais il faut considérer aussi, il faut même considérer surtout que c’est dans les bureaux ambulants, pendant le trajet sur le chemin de fer, que se feront certaines opérations qui ne pourraient se faire dans la station même qu’avec un grande perte de temps.

L’honorable M. Verhaegen a dit, messieurs : « Comment se fait-il qu’un principe posé depuis le mois d’août 1837 n’ait pas reçu ici une exécution complète ? » C’est, messieurs, que les choses se font graduellement, et les choses les mieux faites sont celles qui se font graduellement. Je crois qu’en 1837 on a très bien fait de commencer cette réunion ; on l’a opérée partout où les circonstances le permettaient, où l’intérêt même des personnes le permettait, on continuera à l’opérer ; elle touchera à son complément quand le chemin de fer lui-même touchera à son complément. Lorsqu’il sera achevé, lorsqu’il embrassera dans un même réseau 8 provinces de la Belgique, c’est-à-dire la Belgique entière, moins le Luxembourg, alors le chemin de fer deviendra véritablement l’âme (si je puis m’exprimer ainsi) de tout le système postal ; les chemins de fer seront les grandes lignes au moyen desquelles on desservira les postes, et chaque station deviendra (si je puis encore me servir de ce mot) un centre postal ; les bureaux de la poste, qui se trouvent, par exemple, à une lieue ou à une demi-lieue du chemin de fer, seront transférés dans la station la plus voisine. Il est évident que c’est ainsi que les choses se passeront quand le chemin de fer sera achevé.

Aujourd’hui, sur quoi repose le système postal ? Sur le système des grandes routes de l’Etat. Aussi longtemps qu’il n’y a eu de grandes communications qu’au moyen des grandes routes de l’Etat, il est évident qu’il a fallu prendre pour base du système postal les grandes routes. Mais les grandes routes de l’Etat seront placées dans une situation secondaire pour l’établissement du chemin de fer, qui deviendra la base principale dorénavant de communication.

Il y a beaucoup de stations qui aujourd’hui ne sont encore que des stations de voyageurs. Au fut et à mesure que se développera le service du transport des marchandises et des effets de diligence, ces stations deviendront des stations de marchandises, ainsi que des stations de poste.

Je vous citerai, par exemple, une station qui est connue de beaucoup d’entre vous, la station de Vertryk. Cette station n’est aujourd’hui destinée qu’aux voyageurs. Pourquoi Vertryk, si un jour on y place un receveur, ne deviendrait-elle pas un centre postal ? Il est évident que ce nouveau centre postal modifierait nécessairement toute la circonscription postale dans les environs.

Liége est aujourd’hui le bureau frontière de la poste, quant à l’Allemagne. Il est évident que lorsque le chemin de fer touchera à la Prusse ou à Verviers, le bureau frontière de Liége verra probablement sa positon totalement changée.

J’arrive maintenant à l’objet qui se rattache directement à l’allocation dont nous nous occupons.

Vous avez alloué successivement pendant trois années la même somme pour l’exploitation du chemin de fer ; en 1838, 1839 et 1840, vous avez voté 3,090,000 francs ; somme qui a suffi pour chacune de ces trois années.

Aujourd’hui, l’on vous demande 3,750,000 francs, c’est-à-dire 550,000 francs de plus. C’est une augmentation qui est parfaitement justifiée par l’accroissement que prend le service des marchandises, et par l’expectative de l’ouverture de nouvelles sections, et, entre autres, de l’exploitation des plans inclinés de Liége.

Je crois donc qu’il était nécessaire de demander plus qu’on n’avait alloué pour chacune des trois années fiscales ; cette nécessité était d’autant plus grande que si, en 1840, la somme de 3,090,000 francs a suffi, c’est que, d’après les errements adoptés par l’administration, on avait fait des approvisionnements de charbon, ou au moins des marchés pour les trois premiers mois de l’année ; en d’autres termes, au commencement de l’hiver de 1838 à 1839, j’avais fait des marchés jusqu’au 1er avril 1840 ; ces marchés, d’après les règles de comptabilité qu’on suivant généralement, ont été intégralement imputés sur l’exercice auquel ils se rapportaient par leur date, sans égard à l’emploi réel.

Evidemment, si M. le ministre des travaux publics n’avait demandé que 3,090,000 francs en imputant toute la dépense sur l’exercice 1841, comme cela devra se faire, il y aurait eu insuffisance, ne fût-ce que du chef des combustibles, et malgré les rabais qu’on a obtenus aux dernières adjudications.

Je passe à un autre point. Dans une de vos dernières séances, M. le ministre des travaux publics, en vous parlant, messieurs, des effets de l’augmentation du tarif, augmentation qui, comme vous le savez, a eu lieu le 20 février 1839, a bien voulu faire un appel à ma conviction personnelle d’aujourd’hui. Je le remercie beaucoup de la confiance qu’il a dans mon impartialité. Eh bien, je lui donne l’assurance que si ma conviction était aujourd’hui changée, je le reconnaîtrais ouvertement. Je n’ai jamais fait de cette question une question d’amour-propre.

Je comptais trouver dans le compte-rendu qui nous a été distribué une démonstration complète de ce qu’avait annoncé M. le ministre des travaux publics. Je vais lui soumettre quelques doutes ; il verra jusqu’à quel point il y a démonstration complète ou non.

La preuve des effets désastreux qu’a produits, sous tous les rapports, l’augmentation de tarif doit se trouver à la page 21 du rapport. Avant d’examiner le tableau qui est placé au bas de cette page, je dois m’arrêter au troisième alinéa, où l’on compare la troisième dizaine du mois de février 1839 aux dizaines précédentes.

J’ai rappelé que le tarif augmenté n’avait reçu son exécution qu’à partir du 20 févier 1839 ; l’on compare la 3e dizaine à la 2e du mois de février ; j’ai vu ici avec regret qu’on avait perdu de vue les explications que j’avais données sur ce point à la chambre. Je vais donc les répéter. D’abord ce qu’on appelle la 3e dizaine du mois de février n’est pas une dizaine ; le mois de février, à partir du 20, n’a que 8 jours, ainsi, la comparaison pèche déjà à cet égard.

En second lieu, j’avais aussi rappelé que pendant 4 jours des 8 derniers jours du mois de février il y avait eu des inondations considérables qui avaient suspendu ou entravé l’exploitation du chemin de fer. Ce n’était donc pas cette dizaine qu’il fallait choisir pour point de comparaison.

Du reste, l’on n’a pas insisté sur cette démonstration. La démonstration doit se trouver dans le tableau. On lit au bas de ce tableau :

Perte pour les 20 mois des 2 périodes correspondantes :

En voyageurs : fr. 2,089,293

En argent : fr. 775,730.

C’est-à-dire que l’introduction du nouveau tarif aurait eu « incontestablement » (c’est l’expression du rapport) pour effet de diminuer le nombre des voyageurs de 2,089,293 et les recettes de 775,730 francs en 20 mois.

Comment est-on arrivé à cette conclusion ? Voici comment on a procédé.

On a supposé que l’exploitation du chemin de fer, quant au transport des voyageurs, suit une progression constante, par doublement, si je puis m’exprimer ainsi. On a supposé que si une section a donné un voyageur, l’ouverture d’une deuxième section a eu pour effet de doubler ce nombre ; que l’ouverture d’une troisième section a eu pour résultat de porter ce nombre de deux voyageurs à trois, et ainsi de suite.

Mais il est excessivement difficile d’admettre cette progression. Je sais qu’elle a eu lieu pour l’ouverture des premières sections, c’est-à-dire lorsqu’on a exploité la section de Bruxelles à Malines, on a transporté environ 500,000 voyageurs ; qu’à l’ouverture de la deuxième section, celle de Malines à Anvers, on a transporté un million de voyageurs. Est-il probable que cette progression a dû se reproduire pour toutes les sections ? Evidemment non. Il me suffit de citer un seul fait.

D’ici à Liége le trajet comprend cinq sections. Peut-on admettre que, de ce que la section centrale de Bruxelles à Maliens a été parcourue par un voyageur, le nombre de voyageurs se soir successivement augmenté dans la même proportion que le nombre de sections ? ais évidemment non. Le député liégeois, par exemple, qui, pour se rendre à Liége, s’est d’abord servir du chemin de fer de Bruxelles à Louvain, ne comptais déjà que pour un voyageur, quoiqu’il eût parcouru deux sections ; après cela il a été de Louvain à Tirlemont, et enduite de Tirlemont à Ans, et parcourant chaque fois deux nouvelles sections, ce député n’était toujours, sur ces cinq sections, qu’un seule voyageur.

Il est donc évident, par ce seul exemple, qu’on ne peut pas admettre comme base d’une démonstration cette loi d’une progression constante du nombre des voyageurs ans la même proportion que le nombre de sections.

C’est sur ce principe que repose le tableau. On a dit : si huit sections ont donné pendant 10 mois 2 millions de voyageurs, il faut que 12 sections, par exemple, exploitées pendant le même espace de temps, aient donné la moitié en sus, c’est-à-dire 3 millions. Eh bien, cette progression, je crois devoir la révoquer en doute.

Je sais, messieurs, que dans mes premiers rapports, j’ai fait moi-même cette observation à l’égard des premières section. Mais je l’ai présentée seulement comme une observation curieuse, mais non comme la reconnaissance du principe d’une loi constante. J’ai seulement fait observer que lorsqu’on a exploité la section de Bruxelles à Anvers, on a eu 500,000 voyageur de plus que pour la section de Bruxelles à Malines ; que par l’ouverture de la section de Termonde, le nombre des voyageurs avait été porté à environ 1,500,000 ; mais je n’ai pas conclu qu’il en serait toujours de même. Il faudra donc qu’on me démontre que cette progression réellement continué.

Remarquez, messieurs, que je ne prends ici qu’une position négative, je dis simplement que la démonstration qu’on avait annoncée ne se trouve pas, du moins pour moi, dans le tableau qui figure à la page 21. Il est possible néanmoins qu’au fond on ait eu tort d’augmenter le tarif à partir du 20 févier 1839, mais il me faut une autre preuve pour dire que cette conviction m’est acquise.

M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Je demande la parole.

M. Nothomb – Je répète donc que je me tiens dans une position purement négative, purement dubitative.

Si je vous pour un moment sortir de cette position négative, je pourrais trouver des arguments, à l’appui du maintien du nouveau tarif, dans ce tableau même. En effet, d’après ce tableau, 1,242,072 voyageurs, qui se sont servis de wagons sous le régime du premier tarif, n’ont donné de recettes que 1,013,00 francs. Depuis le nouveau tarif, on n’a transporté, pendant 10 mois que 906,000 voyageurs ; mais ces 906,000 voyageurs ont donné une recette de 1,175,000 francs (Réclamations.)

On dit qu’ils ont parcouru un plus grand nombre de sections, j’accepte cette observation ; mais elle prouve que la démonstration qu’on a voulu faire au tableau est fautive, car dans mon tableau on n’a pas eu égard aux plus longs parcours. Si mon observation pèche, parce que je n’ai pas eu égard aux plus longs parcours, le tableau pèche par la même raison.

Par les chars-à-bancs, sous le régime de l’ancien tarif, pendant dix mois, il y a eu 556,000 voyageurs. Ces voyageurs ont donné 961,000 francs de recettes. Sous le régime du nouveau tarif, le nombre de voyageurs des chars-à-bancs a été de 542,000 francs, diminution peu considérable ; mais la recette a été de 1,179,000 francs.

Les voyageurs par les diligences sous l’empire de l’ancien tarif, ont été de 205,000 voyageurs, qui ont donné une recette de 695,220 francs. D’après le nouveau tarif, le nombre de voyageurs n’a été que de 202,000, 3,000 de moins, mais la recette a été de 876,616 francs.

Voilà les arguments que l’on peut trouver dans le tableau même de la page 21, à l’appui du maintien du nouveau tarif.

Mais ces arguments pèchent comme les arguments produits dans le système contraire, parce qu’on ne tient pas assez compte du parcours nouveau qui est plus long. Si le raisonnement était entièrement exact, il serait vrai de dire qu’il y a eu environ 350,000 voyageurs de moins, mais environ 550,000 francs de plus.

Il faudrait donc, pour faire une véritable démonstration, et c’est là que je veux en venir, il faudrait considérer la recette et la dépense. En d’autres termes, je pose en fait : 1° que le tarif nouveau n’a pas amené de diminution de recettes, qu’il a, au contraire, amené une augmentation de recettes ou au moins a empêché la recette de descendre comme on pouvait le prévoir. En deuxième lieu, je pose en fait que, par l’introduction du nouveau tarif, on considérablement diminué la dépense d’exploitation du nouveau tarif, on a considérablement diminué la dépense d’exploitation. Ce sont ces deux points que je voudrais voir détruits. Quand je dis que je les pose en fait, ce sont des énonciations que j’entends faire. Dans les dépenses d’exploitation, je comprends le matériel et la locomotion.

Ainsi la démonstration sera acquise, selon moi, s’il est prouvé qu’il n’y a pas eu diminution de dépense, ou que la dépense est restée à peu près la même, et qu’il y a eu seulement diminution de recettes et du nombre de voyageurs.

Le nombre de voyageurs a diminué, j’en conviens ; je ne l’a jamais nié, de sorte que ce premier fait n’a pas besoin d’être établi ; mais la cause n’est pas seulement dans le tarif, elle est aussi dans la crise de 1839, renouvelée en 1840. Faut-il seulement s’attacher à attirer au chemin de fer le plus grand nombre possible de voyageurs ? Ce système exclusif doit-il régir le chemin de fer ? Selon moi, deux principes doivent présider à la rédaction du chemin de fer, d’abord un principe que j’appellerai le principe social, qui est de le rendre aussi utile que possible à la généralité des citoyens, en rendant le chemin de fer accessible aux classes les plus inférieures de la société ; c’est là ce que j’appellerai le principe social. L’autre principe, je l’appellerai fiscal. Il faut, en rendant le chemin de fer accessible à toutes les classes de la société, qui y ait une proportion convenable entre les recettes et les dépenses. Ce sont ces deux principes qu’il faut respecter et concilier à la fois. Si ce nouveau tarif est contraire à ces deux principes, s’il a méconnu le principe social et le principe fiscal, expression que je prie la chambre de me permettre d’employer pour exprimer ma pensée, il faut le changer ; mais il faut qu’on me démontre qu’on les a méconnus tous les deux.

Je reconnais, à part l’état de crise, qu’on a jusqu’à un certain point, porté atteinte au premier, que le chemin de fer n’est plus aussi accessible à la généralité des citoyens, mais je répète qu’il ne faut pas considérer un seul de ces principes, mais les voir tous les deux, les concilier et les respecter à la fois. Je ne suis pas exclusif. Dans le moment, je me place dans une simple position négative. Je désire que la démonstration annoncée soit faite. Quant au tableau où on la trouve maintenant, il n’est qu’imaginaire ; j’en nie la base : la progression constante.

M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Messieurs, le chemin de fer ainsi que l’honorable préopinant vient de le dire a un grand but à remplir. C’est celui qu’il a qualifié de but social. Nous pensons que le chemin de fer a eu pour but premier et essentiel de faciliter les relations des hommes et les échanges des choses en Belgique. De telle manière que plus il transportera d’hommes et plus il transportera de choses, mieux il remplira son but. Telle est l’idée qui a servi de base à l’exécution de cette voie nationale. Telle est l’idée qui continuera à servir de base à son exploitation, aussi longtemps que cette exploitation sera remise entre vos mains. Mais, messieurs, tout en reconnaissant ce grand but des chemins de fer, nous pouvons avec d’autant plus de confiance dire que nous continuerons à l’exploiter dans ce but, qu’en poursuivant ce grand intérêt social, nous avions la conviction que nous atteignons en même temps le but fiscal, le but financier. Et d’autres termes, nous sommes d’avis que plus le chemin de fer transportera d’hommes et de choses, plus il rapportera au trésor.

L’opinion que nous avons exprimée à cet égard l’année dernière, des faits nouveaux sont venus la confirmer.

L’honorable préopinant vient de reconnaître lui-même que l’augmentation de tarif opérée par lui en févier 1838 avait produit ce premier effet de réduire le nombre des voyageurs sur le chemin de fer. Eh bien, ce premier effet, je ne puis m’empêcher de le condamner, puisqu’il a paralysé le chemin de fer dans un des grands résultats qu’on en devait attendre. Le chemin de fer n’a pas été construit uniquement pour rapporter de l’argent au trésor , mais pour donner bien-être, liberté de locomotion, égalité d’avantages à tous les citoyens belges. Voilà le but qu’il a eu à son origine et qu’il doit constamment conserver. Je regarde comme un grand mal de l’en avoir fait dévier, et ce résultat a été amené par l’augmentation de tarif.

Mais que diriez-vous quand j’établirai que cette augmentation de tarif n’a pas seulement enlevé depuis trois ans 2 millions de voyageurs au chemin de fer, mais 775,000 mille francs au trésor ?

L’honorable préopinant met en doute ce résultat, quoique cependant il ressorte de chiffres qu’il n’est pas possible d’attaquer.

L’honorable préopinant, en reconnaissant que l’augmentation de tarif a réduit le nombre des voyageurs, ajoute que d’un autre côté les recettes se sont accrues ; Ainsi, dit-il, les recettes qui, sous le tarif primitif, avaient rapporté 1,013,000 francs pour 556,000 voyageurs de wagons ont rapporté l’année suivante, et sous l’empire du tarif nouveau, 1,175,000 francs, quoique le nombre des voyageurs fût réduit à 542,000. Ainsi, suivant l’honorable préopinant, 542,000 voyageurs, voyageant sous l’empire du tarif augmenté, auront rapporté 162,000 francs de plus que 550,000 voyageurs sous le tarif ancien. Mais il est un fait important qu’il a perdu de vue, c’est que ces 542,000 voyageurs ont parcouru onze sections au lieu de huit, c’est-à-dire trois sections de plus ; par conséquent, chaque voyageur individuellement a dû payer une somme plus forte pour parcourir onze sections que quand il n’en avait que huit à parcourir. De là l’augmentation dans les recettes.

L’augmentation de la recette est le résultat de l’extension donnée au chemin de fer. Un voyageur qui a huit sections à parcourir paye moins que celui qui en parcourt onze. Il n’est donc pas étonnant qu’un chemin de fer de onze sections rapporte plus qu’un chemin de fer de huit sections. Voilà la cause de l’augmentation. Ce changement il ne faut pas le chercher dans l’augmentation du tarif. Eh bien, c’est suivant la progression de l’augmentation des sections que j’ai pu présenter les résultats consignés dans le tableau page 21. Ce résultat n’est pas le produit de recherches purement personnelles, mais de recherches faites avec la plus grande attention, avec la plus minutieuse circonspection. Je les tiens pour exactes, et inattaquables.

L’honorable préopinant n’a pas attendu ma démonstration pour reconnaître qu’on avait eu tort d’augmenter le tarif, qu’on avait fait un essai malheureux ; il est revenu de lui-même au tarif primitif, mais d’une manière incomplète. Le tarif primitif a été rétabli pour certains convois, pour certains transports. Mais cette réduction n’a porté aucun fruit, parce que les habitants des campagnes, en vue de qui elle était faite, se sont trouvés dans une position difficile, incertaine ; ils n’ont su à quels convois s’appliquait la réduction, ils ont vu toutes leurs habitudes changées, bouleversées ; de sorte que la réduction n’a pas eu le résultat que l’on s’était figuré.

Quoiqu’il emporta, soit, on s’est donc vu forcé de revenir au tarif primitif, auquel suivant moi (et quoique je rende hommage aux intentons) on avait eu grand tort de renoncer.

Maintenant, on dit que, pour que la démonstration fût complète, il faudrait prouver que de la diminution des voyageurs, il n’est pas résulté de diminution dans les dépenses. Eh bien, je crois que, s’il y a eu diminution dans les dépenses, cette réduction n’est résultée en aucune manière de la réduction dans le nombre des voyageurs ; car le nombre des convois est resté le même ; mais chaque convoi a beaucoup moins transporté ; de sorte que tous les frais d’exploitation sont absolument les mêmes ; il n’y a pas un centime à retrancher. Ainsi, quoique les transports aient été moins nombreux, les frais sont restés les mêmes.

On aurait pu dire, au contraire, que plus le chemin de fer transporte, plus les frais d’exploitation diminuent. Ainsi les frais de transport sur le chemin de fer, de 1835 à 1839, ont été de 16 francs 50 centimes par convoi et par lieue. Pour 1840, ces frais sont descendus à 12 francs 60 centimes par convoi et par lieue ; et, cependant, en 1840, nous avons eu un grand accroissement de convois, parce que nous avons eu non seulement le transport des voyageurs mais encore le transport des marchandises. Cependant, malgré cet accroissement, le prix est descendu de 16 francs 50 c. à 12 francs 60 c. ; de sorte que les marchandises sont venues remplir en quelque sorte le vide que la disparition des voyageurs avait opéré sur le chemin de fer. A ce vide il a été pourvu par un encombrement de marchandises, et les recettes se sont singulièrement accrues, sans que les dépenses ne soient relativement augmentées.

Un honorable préopinant, ancien collègue de l’orateur auquel je réponds, s’est préoccupé de la question de savoir si le chemin de fer, au point de vue fiscal, était une bonne entreprise ; Je crois avoir déjà répondu à cette question. Le chemin de fer, à mes yeux comme à ceux du pays et de l’Europe, n’est pas une entreprise financière. Mais à le considérer sous ce seul point de vue, je crois que le meilleur moyen de le rendre fiscal, c’est de lui faire produire beaucoup, c’est-à-dire de lui faire rapporter beaucoup de voyageurs et de marchandises.

Le même orateur a dit qu’une société particulière saurit bien en tirer un autre parti que le gouvernement. Je ne mets pas en doute la fiscalité d’une société particulière ; je ne mets pas en doute qu’une société particulière ne fît tous ses efforts pour exploiter le mieux possible, dans son intérêt privé, les voyageurs et le commerce du pays.

C’est précisément pour échapper à cette exploitation que les chambres ont confié la direction de cette grande entreprise à l’intérêt général, au gouvernement qui représente les intérêts de tous.

Du reste, je crois que lorsqu’on aura parcouru avec un peu d’attention le rapport qui vient de vous être distribué, on sera complètement rassuré, même au point de vue fiscal, sur les résultats de l’entreprise. On y verra, par exemple, que pour l’année 1840, l’intérêt des capitaux engagés dans la construction du chemin de fer sera de 4 p.c. après avoir baissé jusqu’à deux et un pour cent les années précédentes. On y remarquera encore que depuis le jour où le chemin de fer est exploité, les dépenses d’exploitation se sont élevées à 10 millions, tandis que les recettes se sont élevées à 15 millions. D’où un produit net de 5 millions, depuis le premier jour de l’exploitation ; puis enfin que, dans la seule année 1840, le produit net a été égal au produit net des recettes totale des 5 années précédentes, preuve de la productivité progressive du chemin de fer.

Jusqu’ici on s’est occupé de questions tout à fait générales. La discussion n’a pas eu pour but d’établir que les sommes portées au budget étaient trop élevées. Je n’ai donc pas à défendre les chiffres que j’ai proposés et sur lesquels j’ai cru pouvoir proposer encore une réduction.

Je dois répéter que je n’ai proposé cette réduction, qu’après m’être pleinement assuré que le service n’aura en aucune manière à en souffrir. Car ce que nous devons chercher, ce ne sont pas les économies avant tout, mais c’est d’assurer le service, avec toute la régularité possible. Je répète donc que je n’ai proposé la réduction qu’après m’être assuré que le service pourra marcher régulièrement avec les nouvelles sommes demandées.

M. David – Je rappellerai mon observation relative à la seconde voie du chemin de fer.

M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – L’honorable préopinant a regretté, je pense, que l’exécution de la seconde voie du chemin de fer entre Tirlemont et Liége ne marche pas avec plus de rapidité. Eh bien, d’honorables membres ont reproché à l’administration de mettre trop de célérité dans l’exécution de la double voie. Quant à moi, je suis tout à fait de l’opinion de l’honorable M. David. Je crois qu’il faut pousser avec le plus d’activité possible l’exécution de la seconde voie, que ce serait là un moyen de rendre le chemin de fer beaucoup plus productif en utilité et en argent. L’adjudication vient d’avoir lieu.

Je crois que pour l’ouverture de la section d’Ans, la seconde voie sera entièrement terminée. L’encombrement des marchandises rend dès aujourd’hui cette seconde voie très désirable ; elle sera surtout indispensable, quand le chemin de fer descendra jusqu’à Liége ; ce qui donnera lieu à un nouvel accroissement dans les voyageurs et dans les marchandises. Alors la seconde voie sera absolument nécessaire. J’ai lieu d’espérer qu’elle sera entièrement terminée pour cette époque.

M. Sigart – J’ai demandé la parole, à l’occasion du discours de l’honorable M. David. Je crois devoir lui faire remarquer que la Meuse est pour Liége une voie naturelle. Alors la position est égale entre Mons et Liége. Si donc l’on veut charger le chemin de fer du transport de la houille, il faudrait faire au Hainaut quelques-unes des faveurs que j’ai indiquées dans une précédente séance. Agir autrement, ce serait montrer de la partialité au projet d’une localité et au préjudice d’une autre.

M. Delfosse – Je demande la parole.

M. Sigart – Puisque j’ai la parole, je demanderai à M. le ministre des travaux publics où en est la décision sur la station de Mons, et si l’on peut espérer que cette décision sera conforme au vœu de la majorité des habitants, c’est-à-dire si la station sera intérieure.

M. Dechamps – Messieurs, dans les courtes observations que je vais présenter à la chambre, je veux me placer au point de vue où vient de se placer M. le ministre des travaux publics, et envisager la question du chemin de fer, principalement en rapport avec l’industrie du pays.

Messieurs, plusieurs membres sont sans cesse préoccupés dans la question des chemins de fer et en général de travaux publics, d’une espèce de revenus publics. On en fait exclusivement une espèce de question fiscale.

Evidemment, messieurs, le trésor public est intéressé au chemin de fer, aux canaux, aux voies navigables ; mais c’est bien avant tout une question industrielle, une question commerciale. Je ne crois pas non plus que le gouvernement doit se faire entrepreneur pour faire de beaux bénéfices. Car je ne connais rien de si déplorable pour le pays que les bénéfices perçus ainsi au détriment des industries.

Et évidemment ces bénéfices seraient perçus au détriment des industries. Car si nous voulons mettre les industries du pays sur la même ligne que les industries rivales de l’Angleterre, de la France, il faut avant tout leur donner les mêmes moyens de facilité de communication.

La facilité des communications est beaucoup plus importante que quelques-uns se l’imaginent, pour donner une grande activité à notre industrie et à notre commerce.

L’honorable M. Dolez vous a dit, dans une séance précédente, que le gouvernement faisait 6 p.c. de bénéfices sur les canaux et les rivières, au-delà des frais d’entretien et d’exploitation Eh bien, je dis qu’il est à regretter de voir le gouvernement faire de tels bénéfices. Il serait infiniment préférable de voir les péages réduits, parce que, au lieu de quelques cent mille francs que le gouvernement perçoit, vous verriez gagner aux industries des millions.

Pour le chemin de fer, le système qui me paraît le plus convenable serait de tâcher de couvrir les frais autant que possible par le transport des voyageurs, afin de pouvoir diminuer considérablement le prix sur le transport des marchandises.

Un débat vient de s’élever entre M. le ministre des travaux publics et l’honorable M. Nothomb sur les deux systèmes de tarif qui ont été successivement adoptés. Messieurs, je n’entrerai pas dans ce débat ; et du reste, je ne suis pas compétent pour en juger. Mais, cependant, ce qui me fait croire que l’augmentation introduite par l’honorable M. Nothomb dans le tarif primitif, qui était très bas, pouvait se faire sans inconvénient pour le service public, c’est que lorsqu’on compare le prix des places sur les chemins de fer belges avec le prix des places sur les chemins de fer de France, d’Angleterre et des Etats-Unis surtout, on est frappé de l’énorme différence qui existe. Par exemple, aux Etats-Unis, les chemins de fer ont coûté moitié moins qu’en Belgique. Il devrait en résulter que le prix des places aux Etats-Unis seraient moitié moindres que les prix des places en Belgique.

Eh bien, le contraire a lieu. Le prix des places sur le chemin de fer des Etats-Unis est considérablement supérieur à celui fixé dans nos tarifs.

Par induction, je suis porté à croire qu’un tarif où le prix des places ne serait pas par trop minime, ne pourrait nuire aucunement à l’accessibilité des voyageurs sur nos chemins de fer. C’est une limite à calculer, et je n’ai pas de données positives à cet égard.

Mais ce que je voudrais obtenir, ce serait de pouvoir, si c’est possible, augmenter les revenus du chemin de fer relativement aux voyageurs, afin de pouvoir diminuer le prix du transport des marchandises et donner ainsi au chemin de fer une plus grande utilité commerciale.

Car, messieurs, vous le concevez bien, si on pouvait, sans nuire au trésor public, diminuer considérablement le prix sur le transport des marchandises, ce serait une prime d’exportation que vous donneriez à toutes les industries du pays. Vous pourriez de cette manière placer pour ainsi dire toutes ces industries sur le bord même de la mer, et avec un meilleur système commercial que celui que vous avez maintenant, je crois que les industries du pays seraient dans une position véritablement favorable.

Vous savez, messieurs, que le grand but qu’on a eu dans la création du chemin de fer, c’était d’ouvrir une ligne de transit vers la France et vers l’Allemagne surtout.

Dans la session précédente et sous le ministère précédent, j’ai souvent témoigné mes regrets de ce que, selon moi, on avait souvent négligé le but ; de ce qu’on n’avait pas activé assez l’ouverture du chemin de fer vers l’Allemagne, pour s’appliquer à construire des lignes accessoires.

Eh bien, messieurs, j’ai un regret analogue à témoigner aujourd’hui, relativement à ce chemin de fer vers l’Allemagne. Les études de Verviers à la frontière étaient faites, si je ne me trompe, lorsque le cabinet précédent est tombé… L’honorable M. Nothomb avait un système que n’a pas partagé son honorable successeur. Les études étaient achevées et je pense que le système de M. Nothomb était d’introduire un plan incliné qui, en moyenne, donnait une pente beaucoup moins forte de Verviers à la frontière allemande.

Messieurs, je ne veux pas du tout me prononcer, parce que je suis encore compétent sur celui des deux systèmes qui est le préférable, celui de l’honorable M. Rogier, qui consiste à faire le chemin de fer sans plan incliné et une montée insensible jusqu’à la frontière allemande, ou bien celui de M. Nothomb.

Mais ce que je regrette, c’est que les études qui ont été faites et qu’on a dû refaire pour arriver à un second système, aient pu retarder encore l’exécution de cette ligne dont nous devons hâter la réalisation.

Car, messieurs, vous le comprendrez, la Hollande a le devant sur nous ; la France a le devant sur nous à l’égard du transit vers l’Allemagne. C’est le Havre, ce sont les ports hollandais qui maintenant desservent ce transit. La Belgique est destinée à remplacer en partie le Havre et la Hollande ; mais pour cela le chemin de fer doit atteindre la frontière allemande.

Je ne dis pas que c’est la première condition ; car, comme je l’ai dit tout à l’heure, un meilleur système commercial devrait s’y ajouter, mais il faut arriver à la frontière allemande le plus tôt possible.

Messieurs, pour vous prouver de quelle importance est la facilité de communication à notre industrie, je me permettrai de vous soumettre quelques faits relativement à trois de nos grandes industries, à l’industrie de la métallurgie, à l’industrie houilleresse et à l’industrie cotonnière.

Vous avez pu voir, messieurs, dans les documents de l’enquête, que pour l’industrie de la métallurgie, par exemple, la question de transport est la plus importante.

Le prix de transport des minerais est d’un tiers dans le prix de revient de la vente. Or, évidemment, par des moyens de communications faciles, ce tiers pourrait facilement être réduit à un sixième. Eh bien ! cette seule différence mettrait, selon moi, j’en suis convaincu, l’industrie de la métallurgie belge sur une ligne seulement égale, mais supérieure à la position qu’occupe l’industrie anglaise.

Ainsi, messieurs, pour l’industrie de la métallurgie, la question des facilités de communications est une question vitale, une question bien plus importante que celle des douanes.

Pour les houillères, eh bien ! c’est encore là une question de facilité de communications.

Ila été prouvé dans l’enquête commerciale, et vous avez les documents sous les yeux, il a été prouvé à Mons qu’en faisant disparaître les obstacles qui grèvent la navigation entre la Belgique et la France, qu’en diminuant les péages d’une manière convenable, on pourrait reconquérir Rouen et Paris.

Or, messieurs, c’est tout ce qu’on peut désirer ; même en supposant une réunion douanière avec la France, jamais les houillères belges ne pourraient obtenir plus. Le littoral français leur sera toujours interdit. Toute la question pour les houillères belges, à l’égard de la France, c’est d’obtenir le marché de Rouen.

Or, ce n’est pas là une question de douane, mais une question de transport.

A l’égard de la Hollande encore, c’est une question de transport.

L’honorable M. Dolez a déjà émis dans cette enceinte une idée que je considère comme tellement simple que je m’étonne que le gouvernement n’en ait pas encore fait son profit.

Nos charbons ne vont pas maintenant en Hollande et la différence qui donne aux charbons anglais et aux charbons prussiens la supériorité de la nôtre n’est pas considérable.

Eh bien, messieurs, le gouvernement, le trésor public ne perçoit pas un seul centime sur les charbons belges allant en Hollande, puisque ces charbons n’y vont pas.

Or, y aurait-il rien de plus simple que de rembourser aux charbons en destination de la Hollande, les trois quarts des droits à percevoir, le gouvernement y gagnerait, puisqu’il recevrait un quart du droit qu’il en perçoit pas actuellement, et par cette mesure favorable, des calculs en font foi, vos charbons iraient en Hollande à l’égal des charbons anglais.

On pourrait appliquer le même système au chemin de fer, comme l’honorable M. David vient de le dire, en tenant compte toutefois des différences que l’honorable M. Sigart vous a signalées.

Eh bien, voilà un débouché trouvé, et ce débouché, vous vous le procurez en diminuant les péages.

Pour l’industrie cotonnière, qui est encore une des grandes industries du pays, eh bien ! la question du combustible est encore essentielle.

La principale cause de l’infériorité de l’industrie gantoise à l’égard de l’industrie anglaise est, selon moi, la différence qu’il y a dans le prix du combustible.

Pour un établissement travaillant avec une force de 60 chevaux, les Anglais ont une supériorité de 15,000 francs par an, d’après des calculs qui ont été établis formellement. Or, messieurs, cet avantage est considérable. Si donc, par une réduction de péages sur les canaux ou sur le chemin de fer, le combustible peut arriver avec une diminution de prix un peu notable, au centre de l’industrie cotonnière, je suis convaincu que, par ce seul fait, celle-ci se trouverait dans une position beaucoup plus favorable pour faire concurrence aux industries rivales.

Ainsi, messieurs, j’appelle l’attention du gouvernement sur ces divers points. Je pense que cette amélioration qui semble peu importante au premier abord, serait d’un grand poids à l’égard de nos houilles, à l’égard de nos fers, à l’égard de nos différentes industries.

Je crois que le gouvernement pourrait, sans nuire au trésor, (au contraire, je pense que le trésor y gagnerait) se montrer plus libéral encore relativement aux moyens de communication.

Pour le chemin de fer, comme je veux aussi qu’il puisse, à l’aide de ses recettes, équilibrer ses dépenses, je crois qu’il faut tâcher, autant que possible, que cet équilibre s’établisse au moyen des voyageurs par un tarif qui rapporte au trésor public, mais de manière à permettre de diminuer notablement le prix de transport sur les marchandises. (La clôture ! la clôture !)

M. Delehaye – Messieurs, je m’oppose à la demande de clôture, parce que j’ai une interpellation à faire à M. le ministre, interpellation qui se rattache à tous les articles du budget. Je ne pourrai lui adresser cette interpellation qu’à l’occasion de l’article en discussion.

Messieurs, je suis heureux d’avoir entendu l’honorable M. Dechamps appuyer, comme j’ai eu l’honneur de le faire samedi dernier, les observations émises par l’honorable M. Dolez. Cependant, messieurs, j’ai une observation à faire à ce que vient de dire l’honorable député d’Ath, et j’ai la conviction certaine que la sagacité qui distingue cet honorable membre lui fera modifier en partie son opinion.

Il vous a demandé que les transports de houilles pour la Hollande jouissent d’une espèce de prime d’exportation, c’est-à-dire que lorsqu’on transporterait des houilles vers ce pays, on ne paierait pas les mêmes droits que pour les convois vers les Flandres, par exemple.

Si l’honorable membre veut rendre cette proposition générale, s’il veut demander qu’on prenne une semblable mesure non seulement pour la houille expédiée en Hollande, mais aussi pour le combustible transporté vers Gand, j’appuierai volontiers cette proposition ; mais s’il ne s’agissait que des houilles destinées à l’ exportation, je devrais combattre la mesure qui aurait alors pour effet de placer l’industrie du pays dans une position beaucoup moins favorable que l’industrie étrangère. J’ai développé cette opinion samedi dernier, je n’y reviendrai pas pour le moment.

Le motif pour lequel j’ai demandé la parole, c’est surtout pour dire quelques mots relativement à la convention postale qui a été faite en 1836 et qui n’est pas encore exécutée à l’égard de toutes nos provinces.

Vous savez, messieurs, qu’en 1836 le commerce et l’industrie réclamaient impérieusement quelques dispositions à l’égard du transport des dépêches. Une convention fut faite avec la France par suite de laquelle les lettres et dépêches expédiées de ce pays vers la Belgique doivent arriver à Bruxelles le lendemain de leur envoi, à une heure de l’après-dinée. Ce résultat a été en effet obtenu et les lettres arrivent même quelquefois avant l’heure prescrite, mais la mesure qui avait été prise principalement dans l’intérêt du commerce des provinces n’a eu jusqu’à présent aucun effet. Il nous est arrivé bien des fois, lorsqu’il y avait des variations considérables dans le prix des denrées coloniales ou dans les fonds publics, que le commerce n’en a été informé que beaucoup trop tard ; c’est ainsi qu’une mesure qui devait produite d’excellents fruits pour tout le commerce, n’a été utile en définitive qu’aux agioteurs d’Anvers et de Bruxelles. Cependant, messieurs, lorsque les dépêches arrivent à Bruxelles à une heure, il serait très facile de les expédier à Gand et à Liége, de manière qu’elles y parvinssent à 4 ou 5 heures de relevée.

Un honorable membre du conseil provincial de la Flandre orientale, homme qui ne manque jamais de prêter son appui aux intérêts du commerce et de l’industrie, a prié le conseil provincial d’envoyer au gouvernement une adresse à l’égard de l’état de choses dont je me plains. Cette adresse a été votée par le conseil provincial à l’unanimité, cependant jusqu’à ce jour nous sommes encore à en attendre le résultat.

Je dois dire que le ministère actuel a déjà fait pour l’industrie de Gand bien des choses dont nous lui tenons compte ; je suis persuadé qu’il s’occupera sagement de l’inconvénient que je lui ai signalé, et qu’il ne tardera pas à prendre des mesures propres à nous faire jouir des avantages de la convention postale.

M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Messieurs, l’administration s’st déjà occupée des améliorations que vient de réclamer l’honorable préopinant, et qui avaient fait l’objet d’une motion dans la dernière session du conseil provincial de la Flandre orientale ; il s’agit, pour la ville si importante de Gand, d’obtenir la correspondance de Paris par une voie directe, tandis qu’elle ne la reçoit aujourd’hui que par Bruxelles, ce qui fait qu’elle ne lui parvient pas toujours en temps utile. Il s’agira donc, messieurs, d’obtenir, au moyen d’une convention particulière avec la France, que le transport des lettres puisse se faire directement sur Gand. Nous sommes à cet égard en négociation avec le gouvernement français, et j’espère pouvoir procurer ce nouvel avantage à la ville de Gand et à toute la Flandre, car toute la Flandre est intéressée dans cette question.

On a renouvelé encore, messieurs, sous la forme de conseils, la proposition de réduire les tarifs, soit sur les canaux, soit sur le chemin de fer pour certains produits, et notamment pour la houille destinée à l’exportation. J’ai déjà eu l’occasion de m’expliquer à cet égard ; je crois qu’il importe beaucoup d’assurer à nos exploitants les moyens d’exporter leurs produits, cependant on ne peut pas dissimuler que la consommation du pays a droit aux mêmes égards que la consommation étrangère et qu’il est telles de nos contrées qui sont plus fermées encore à nos houilles que la Hollande elle-même.

Il s’agirait donc de savoir si, en réduisant le prix du transport pour les houilles destinées à l’exportation, il ne faudrait pas aussi le réduire pour celles qui sont destinées à certaines parties de notre propre pays, dans lesquelles nos houilles sont encore pour ainsi dire inconnues, où elles se vendent au moins à de prix exorbitants, qui les rendent inaccessibles aux classes pauvres et à une grande partie des classes moyennes. Il est telle partie des Flandres, par exemple, où la houille est en hiver extrêmement difficile à obtenir, de sorte que l’on ne sait pas si les classes pauvres ne souffrent pas plus encore du froid que de la faim. Eh bien, il s’agirait de savoir si, pour les contrées qui se trouvent dans ce cas, il ne faudrait pas aussi admettre une certaine réduction sur les prix du transport.

Un honorable préopinant a proposé d’élever le tarif des voyageurs pour abaisser celui des marchandises. Du mois il n’a pas tenu grand compte des voyageurs, il a dit que le tarif des voyageurs peut être élevé, mais que le tarif des marchandises doit être baissé. Quant à moi, messieurs, je crois qu’il faut avoir autant égard aux voyageurs qu’aux marchandises, qu’il faut faciliter autant le déplacement des hommes que le déplacement des choses ; d’ailleurs c’est souvent le déplacement des hommes qui entraîne l’expédition des marchandises ; les marchandises suivent les hommes ; là où sont les hommes, là se font les affaires ; là où sont les affaires, là les hommes se transportent ; il y a toujours une espèce d’équilibre sous ce rapport. Il ne s’agit pas ici d’établir un privilège en faveur des marchandises contre les personnes.

Le même honorable membre a regretté qu’un changement dans les études ait fait retarder l’adjudication de la section centrale du chemin de fer de Verviers à la frontière prussienne. Eh bien, messieurs, le changement survenu dans les études n’a pas entraîné le moindre retard ; les études générales de la section de Verviers à Aix-la-Chapelle étaient faites, à la vérité, mais les études de détail ne l’étaient pas, et le changement dont il s'agit n’a eu, je le répète, aucune espèce d’influence sur l’époque à laquelle l’adjudication a pu avoir lieu. Du reste, nous sentons toute l’importance et l’urgence de ces travaux, et nous faisons les recommandations les plus instances pour qu’on en arrive le plus tôt possible à l’exécution de ce complément si indispensable de notre chemin de fer entre la Belgique et l’Allemagne.

L’honorable membre a encore dit que les tarifs des chemins de fer des Etats-Unis sont plus élevés que le nôtre, en ce qui concerne le transport des voyageurs. La chose est possible, messieurs, mais il faut tenir compte des diverses circonstances qui se présentent en Amérique et qui ne se présentent pas chez nous. D’abord, plusieurs des chemins de fer américains sont entre les mains de l’intérêt particulier, et il n’est pas étonnant dès lors qu’on cherche à élever les péages autant que possible. Ensuite, la valeur de l’argent n’est pas la même aux Etats-Unis qu’en Belgique. En troisième lieu, les populations ne sont pas distribuées, en Amérique, de la même manière que dans notre pays.

La Belgique ne forme, pour ainsi dire, qu’une seule ville ; sur toute la route d’Ostende à Liége, par exemple, on ne peut pas faire 3 ou 4 lieues sans rencontrer une ville ; en Amérique, les centres de population sont beaucoup plus éloignés les uns des autres, la population y est comparativement bien moins nombreuse qu’en Belgique. Or, vous sentez, qu’ayant à compter sur un nombre plus restreint de voyageurs, on peut, sans inconvénient réduire le tarif, puisqu’on retrouve sur la quantité de voyageurs ce qu’on perd sur le prix payé par chacun d’eux.

M. Angillis – Je dois, messieurs, répondre quelques mots à des observations qui ont été faites par M. le ministre des travaux publics. M. le ministre des travaux publics dit que, jusqu’à ce jour, la chambre ne s’est pas occupée de clôturer définitivement les comptes de l’Etat. Ce reproche, si reproche il y a, s’adresse tout particulièrement à la commission des finances, et comme depuis 1831 j’ai fait partie de cette commission, je crois qu’il en sera permis de faire connaître l’état des choses. Dans le temps, comme président et rapporteur de la commission des finances, j’ai fait un rapport sur les comptes de la fraction de 1830 et de 1831, mais de nouvelles difficultés se sont élevées et ces comptes ont été renvoyés en sections ; plus tard la commission des finances a reconnu qu’il est impossible d’en revenir à la rédaction d’un projet de loi approuvant les comptes de l’Etat, en l’absence d’une loi sur la comptabilité nationale. Sur nos instantes réclamations, le ministre des finances nous a adressé un vieux règlement du mois d’octobre 1824, contenant 454 articles ; ce règlement a été fait par un gouvernement qui mettait tous ses soins à cacher aux yeux du peuple, et principalement aux yeux de ses représentants, le véritable état de la situation financière du pays. Outre qu’il n’est pas en harmonie avec nos principes constitutionnels, ce règlement a été reconnu par la commission financière, comme ne pouvant servir à rien, et cette commission a pensé qu’il faut une loi sur la comptabilité nationale, qui soit en harmonie avec nos principes constitutionnels.

On a nié, messieurs, la nécessité d’une semblable loi, mais l’année dernière M. le ministre des finances d’alors a reconnu cette nécessité ; une commission a été assemblée au ministère des finances ; j’ai fait partie de cette commission, et après plusieurs longues séances, nous sommes parvenus à formuler un projet de loi qui, s’il est présenté à la sanction de la législature, sera, j’en ai la certitude, adopté par la chambre et obtiendra l’assentiment de la nation.

Je sais, messieurs, que l’utilité de ce règlement est contestée par des personnes haut placées, mais je m’engage à prouver non seulement son utilité, mais même son indispensable nécessité. Comme je ne veux pas entrer plus avant dans cette discussion qui nous écarterait trop de celle de l’objet à l’ordre du jour, je déclare seulement que si M. le ministre des finances ne juge pas à propos de soumettre ce règlement à la sanction de la législature, moi, en vertu de l’initiative qui m’appartient, comme représentant de la nation, je me chargerai de cette besogne, dussé-je supporter seul le poids de la discussion. Je me fais fort de justifier chacun des articles de ce règlement ; et si, remis à peine d’une longue et douloureuse maladie, mon énergie menaçait de m’abandonner, mon dévouement à la chose publique soutiendrait mon courage et j’ai la conviction que l’assentiment de la chambre serait ma récompense.

Messieurs, on a émis le vœu que la recette du chemin de fer fût abandonnée à l’administration des finances. Sous ce rapport, je suis complètement de l’opinion de l’honorable M. Nothomb et de M. le ministre des travaux publics, et je crois que cette réunion, quant à présent, serait pour ainsi dire impossible.

On a dit qu’il n’y a pas de contrôle dans l’administration des travaux publics. Je ne sais pourquoi il ne pourrait pas y avoir une surveillance aussi active, aussi intelligente au département des travaux publics qu’au ministère des finances. Je ne sais si au ministère des travaux publics, il y a des agents comptables responsables, mais ce que je sais, c’est que dans toute l’administration des finances, il n’y a qu’une seule classe d’agents comptables, et pour trouver cette classe, il faut descendre au bas de l’échelle : le seul agent responsable que vous trouvez, est le receveur de l’impôt, et la haute responsabilité qui pèse sur lui repose sur un petit cautionnement.

On s’est plaint de ce que le produit du chemin de fer n’était pas en rapport avec la dépense. Quand on apprécie les produits d’une aussi belle voie de communication, on ne doit pas seulement envisager l’intérêt du trésor, mais on doit voir l’avantage que la nation en général doit en retirer ; lorsqu’en examinant cette question à ce point de vue, on parvient à la conclusion que les bénéfices du chemin de fer sont incalculables.

Lorsque l’ancien gouvernement voulait céder au syndicat d’amortissement, de malheureuse mémoire, les produits des barrières, on a fait dresser un état indicatif de toutes les sommes qui avaient été employées à la construction des routes pavées existant en Belgique. J’ai eu l’occasion de voir ce document et d’en prendre copie ; eh bien, toutes nos routes ne donnaient qu’un peu plus d’un et demi p.c. ; or, malgré ce revenu minime, il n’est jamais venu dans la pensée de personne de se récrier contre les sommes qu’on avait dépensées pour la construction de nos belles voies de communication.

C’est grâce à ces voies de communication que la Belgique s’est placée si haut dans l’opinion de l’Europe ; c’est encore grâce à ces routes que notre agriculture, cette base de la richesse nationale, est parvenue à ce degré de perfection qui fait l’admiration des étrangers.

(Plus de dix membres demandent la clôture.)

M. Eloy de Burdinne (contre la clôture) – Messieurs, j’ai quelques observations à présenter, et je crois être d’autant plus en droit de les présenter, que lorsque j’ai parlé incidemment de cet objet, en entretenant la chambre des routes et canaux, l’on m’a ajourné à la discussion du chapitre relatif au chemin de fer.

M. Delfosse – Je désire soumettre à la chambre quelques considérations sur le tarif du transport des marchandises par le chemin de fer, et répondre en peu de mots aux observations que l’honorable M. Sigart a présentées dans l’intérêt du Hainaut ; le tarif du transport des marchandises est un point d’une grande importance pour le commerce et l’industrie et la chambre put bien y consacrer quelques heures de plus, alors qu’elle emploie tant de séances à des discussions beaucoup moins utiles.

M. Doignon – Je demande aussi qu’on ne prononce pas la clôture de la discussion aujourd’hui. Le rapport qui nous a été distribué dans le cours de la séance renferme, entre autres, la convention faite avec le messageries royales de France, pour l’échange mutuel des colis et marchandises. J’aurais très probablement à faire quelques observations sur cette convention, qu’il ne m’a pas encore été possible d’examiner, puisque le rapport sur les opération du chemin de fer vient seulement de nous être remis. Je demanderai donc que la discussion soit remise à demain.

M. de Mérode – Continuons.

M. Desmet – Je voulais d’abord faire l’observation présentée par M. Doignon. Le cahier qu’on nous a distribué est si volumineux qu’il nous a été impossible de l’examiner en si peu de temps. En second lieu, la question soulevée par l’honorable M. Dechamps est très importante et mérite une discussion ultérieure. Enfin, il est une assertion de M. le ministre des travaux publics que je désire rencontre ; il a dit : Je pense que, dans certains endroits des Flandres, on avait intérêt à recevoir la houille étrangère.

M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Je dois dire d’abord que le cahier complet renfermant le rapport sur le chemin de fer n’a été, il est vrai, distribué que dans la séance d’aujourd’hui ; mais déjà depuis plusieurs jours le rapport proprement dit a été remis aux membres de la chambre ; seulement, il n’était pas accompagné des tableaux à l’appui ; mais, tel qu’l était, il pouvait fournir des lumières suffisantes pour la discussion.

Quant à la convention postale que l’honorable M. Doignon se propose d’attaquer, il nous dit qu’il ne la connaît pas ; je ne conçois pas dès lors qu’il puisse attaquer une chose dont il n’a pas pris connaissance.

L’honorable M. Desmet pense que j’ai parlé de la nécessité de laisser introduire la houille anglaise dans certaines contrées des Flandres ; je n’ai pas dit un mot de cela ; j’ai dit, au contraire, qu’il fallait faciliter l’expédition des houilles belges vers certaines contrées des Flandres.

M. de Brouckere – Messieurs, pour s’opposer à la clôture, on dit que les questions qui ont été soulevées dans cette séance sont extrêmement importantes ; je ne dis pas que ces questions soient sans importance, mais ce sont des questions qu’on pourrait discuter pendant 8 jours, sans plus être avancé. En effet, qu’avez-vous entendu depuis deux heures ? Un premier orateur demande que le tarif des houilles qu’on transporte en Hollande soit diminué ; un second lui répond : vous avez raison, mais alors diminuez aussi le tarif des houilles qu’on transporte à Gand. Je le veux bien, dit un troisième, mais alors il faut transporter aussi la houille au même prix dans les autres localités des Flandres si vous vous faires quelque chose pour l’industrie, vous devez faire aussi quelque chose pour les pauvres. Arrive un quatrième qui dit ; vous voulez quelque chose pour les marchandises, mais vous ne devez pas le faire au détriment des voyageurs ; diminuez donc aussi le tarif des voyageurs.

Ainsi, de diminution en diminution, vous arriveriez à ne plus avoir de tarif du tout au chemin de fer. Vous voyez donc que ces discours ne peuvent amener aucun résultat positif ; ce sont tous conseils qu’on donne au ministre, conseils qu’il ne pourra pas suivre, parce que s’il les suivait, dans la session prochaine, l’on viendrait dire que le chemin de fer qui devant rapporter des produits immenses a fini pas ne plus rien donner du tout.

M. Doignon – Messieurs, il s’agit d’une dépense de plusieurs millions. Il me semble que deux séances ne sont pas trop pour en examiner l’emploi. Habituellement le budget du chemin de fer nous occupe beaucoup plus longtemps que cela. J’ai demandé la parole notamment pour faire observer que M. le ministre des travaux publics, en me répondant, se plaît à dénaturer mes paroles. Je n’ai pas dit que je voulais attaquer d’emblée la convention dont il est question à la fin du rapport, mais que ce rapport ne nous avait été distribué que pendant la séance, que nous n’avions pas même eu le temps de le parcourir, que je me proposais de parler sur cette convention, mais qu’il fallait laisser le temps de l’examiner.

M. Dechamps – Messieurs, par ce que vient de dire M. de Brouckere, je crois véritablement que la clôture ne peut pas être prononcée. C’est peut-être pour la première fois aujourd’hui, que nous avons commencé à traité un peu largement la question du transport par le chemin de fer, sous le rapport de l’intérêt de l’industrie. C’est une question d’une immense importance. Quand je vois qu’un honorable membre d’un esprit aussi sagace que M. de Brouckere en est encore à n’avoir pas saisi cette importance, je pense que la discussion doit continuer, afin d’éclairer mieux les esprits.

L’honorable membre vient de résumer la discussion à sa manière. Je crois qu’il n’a pas saisis toute l’importance de cette discussion. Je pense que la chambre ne perdre pas son temps à continuer la discussion, le gouvernement y puisera des lumières et l’industrie en retirera des fruits. J’aurais voulu répondre à M. Delehaye et à M. de Brouckere, qui, a propos de la clôture, a traité la question.

- La clôture est mise aux voix et n’est pas adoptée.

La séance est levée à 4 heures et ¼.