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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 18 février 1841

(Moniteur belge n°50 du 19 février 1841)

(Présidence de M. Fallon)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Lejeune procède à l’appel nominal à midi et demi.

M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Lejeune présente l’analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.

« Le conseil communal de Kessenich (arrondissement de Maseyck) demande que l’Etat vienne au secours de cette commune au moyen de travaux de dépenses indispensables aux rives de la Meuse. »

La chambre ordonne le dépôt de cette pétition sur le bureau pendant la discussion du projet de loi de budget du département des travaux publics.


« La chambre de commerce et des fabriques d’Ypres adresse des observations contre les traités avec la Grèce et les Etats-Unis, et propose de remplacer le régime actuel d’importation et d’exportation par le système des droits différentiels. »

Sur la proposition de M. Donny, appuyé par M. Delehaye et M. de Foere, la chambre ordonne l’insertion au moniteur de cette pétition, ainsi que des autres pétitions relatives aux traités de commerce avec la Grèce et les Etats-Unis.

Sur la proposition de M. de Langhe, la chambre renvoie cette pétition à la commission chargée de l’examen du projet de loi relatif aux traités de commerce avec la Grèce et les Etats-Unis.

Projet de loi qui remet en vigueur pour trois années la loi du 7 mars 1837, relative à l'introduction de machines et mécaniques

Rapport de la section centrale

M. de Roo dépose le rapport sur le projet de loi tendant à maintenir en vigueur la loi du 7 mars 1837, autorisant, pour trois années le gouvernement à accorder l’exemption des droits d’entrée sur les machines et mécaniques.

La chambre ordonne l’impression et la distribution de ce rapport.

Proposition de loi établissant un impôt de quotité à raison du revenu net de la propriété foncière

Lecture, développements et prise en considération

M. le président – Cinq sections ayant autorisé la lecture d’une proposition de M. Vandenbossche, il a la parole pour en donner lecture.

M. Vandenbossche donne lecture d’une proposition tendant à ce qu’il soit établi, à parti du premier janvier 1842, un impôt de quotité à raison du revenu net de la propriété foncière.

- La chambre ordonne l’impression et la distribution de cette proposition et de ses développements.

Projet de loi portant le budget des travaux publics de l'exercice 1841

Discussion générale

M. le président – La discussion générale continue. La parole est à M. Nothomb.

M. Nothomb – Je suppose que la plupart des questions qui ont été soulevées dans la discussion générale se reproduiront, et même plus convenablement, dans la discussion des articles. Pour ne pas prolonger les débats, je me bornerai donc à un seul point, celui qui en effet renferme une question d’administration générale, celle de savoir s’il est convenable, comme l’ont pensé plusieurs orateurs entendus hier, de restituer au ministère des finances l’administration des postes et d’attribuer au même département les recettes du chemin de fer. Je ne le pense pas.

D’abord, quant à la poste, je crois, ainsi que mon honorable successeur, que non seulement l’adjonction sera maintenue, mais que par la force des choses il y aura absorption de la poste par le chemin de fer ; le mot peut être dur ; mais il est vrai.

L’administration des postes a été rattachée au chemin de fer, en même temps qu’on a créé le ministère des travaux publics. Jusque-là, la poste avait été dans les attributions du ministère des finances, le chemin de fer dans les attributions du ministère de l’intérieur.

Mais les deux ministres n’avaient pas tardé à reconnaître qu’il leur était impossible de s’entendre sur l’exercice de ces deux attributions. Ils se sont trouvés engagés dans des conflits incessants.

Pour y mettre un terme, on a institué le ministère des travaux publics, en lui attribuant avec le chemin de fer l’administration des postes. Ce n’était pas une question de convenance ministérielle ou de convenance personnelle, c’était une nécessité administrative reconnue par l’expérience.

En effet, messieurs, comment les choses se passaient-elles avant l’institution du ministère des travaux publics ?

Pour le parcours du chemin de fer, il y avait des facteurs qualifiés de courriers du chemin de fer, qui étaient chargés par l’administration des postes du transport de la dépêche de Bruxelles à Anvers et d’Anvers à Bruxelles.

On a reconnu qu’il était plus convenable de charger les agents mêmes du chemin de fer, les gardes-convois, c’est-à-dire l’un d’eux spécialement désigné du transport de la dépêche de la poste. Il en est résulté une notable économie.

J’ai été plus loin encore. On a reconnu que dans beaucoup de localités on pouvait sans inconvénient confier au même homme et le service de la poste et le service du chemin de fer. C’est ainsi qu’on est parvenu à ériger des perceptions de poste dans les petites localités où se trouvent les stations du chemin de fer, en supprimant la distribution existante ou bien en créant un bureau de poste qui n’existait pas jusque-là.

C’est ainsi qu’on a pu établir un bureau de poste à Waereghem en attribuant les deux services au même agent.

C’est ainsi qu’à Haerlebeke on a pu sans frais changer la distribution et perception de poste et réunir le service de la poste au chemin de fer.

C’est ainsi que cela s’est fait à Waremme, à Landen, si ma mémoire est bonne.

L’occasion se présente en ce moment d’en agir de même à Vilvorde, pour citer une localité connue de vous tous. La perception de la poste est vacante à Vilvorde et je ne doute pas que le ministre actuel examinera la question de savoir si la réunion des deux services présente des inconvénients.

Qu’arriverait-il au contraire si on séparait de nouveau les deux administrations pour attribuer celle des postes au ministère des finances ? Il est évident qu’il faudrait dans toutes les localités que je viens d’indiquer, créer des agents spéciaux de la poste.

Allant plus loin, et pour respecter le principe de la responsabilité ministérielle, il faudrait aussi que sur le parcours du chemin de fer, les agents chargés du service de la poste, fussent des agents relevant directement du ministère auquel la poste serait réunie ; ce serait en un mot rétablir les courriers du chemin de fer. Et puis on retomberait dans des conflits interminables ; on aurait à chaque changement de saisons à débattre entre deux ministères la fixation des heures.

Ensuite, comment se ferait le nouveau service institué depuis quelques temps, le service de la poste ambulante ? Dans quelle position se trouveront les agents spéciaux relevant de deux ministères différents pour se service d’un moyen commun, d’un instrument divisible, le chemin de fer ?

Ce n’est pas légèrement que cette mesure de l’adjonction de la poste, que le principe de l’absorption de la poste par le chemin de fer a été posé. C’est à la suite de nombreux renseignements recueillis dans les pays voisins, sur les lieux mêmes ; en Angleterre, par exemple.

Le principe de l’absorption de la poste par le chemin de fer se trouve posé dans un arrêté du 25 août 1837, consistant en un article unique.

Voici cet arrêté :

« Notre ministre des travaux publics est autorisé, en prenant les dispositions réglementaires nécessaires, à charger les receveurs du chemin de fer, du service de la poste aux lettres, en qualité de distributeur ou de percepteur, dans les localités où cette réunion n’offrira pas d’inconvénient. »

Cet arrêté, je l’ai soumis au Roi à mon retour d’un voyage en Angleterre, où j’avais visité les chemins de fer et où j’avais eu l’occasion de voir des hommes spéciaux et entre autres le grand maître de la poste. Je cite des administrations étrangères puisqu’on en a cité hier ; mais j’en parle pour avoir vu les chefs et non par ouï-dire.

Le grand maître de la poste en Angleterre m’avait rendu compte de tous les inconvénients qu’il rencontrait sur les chemins de fer, et m’avait déclaré que si l’Etat possédait un chemin de fer, il n’hésiterait pas à proposer la réunion de la poste par le chemin de fer ou du chemin de fer à la poste.

L’honorable M. Lys et avant lui M. Van Cutsem ont remarqué que depuis l’adjonction de la poste au chemin de fer, les recettes n’avaient pas suivi la même progression qu’avant cette époque.

Le fait est exact, mais il a été mal expliqué. Ils ont conclu du fait de l’adjonction de la poste au chemin de fer, que cette adjonction avait exercé une influence défavorable sur les recettes.

Telle n’est pas la cause de la différence qu’on remarque dans les revenus de la poste depuis 1837 et la progression qu’offrent les recettes de 1836 et 1837.

En 1836, les revenus de la poste ont présenté une augmentation notable. Pourquoi ? Parce que la loi du 29 décembre 1835 a considérablement augmenté le port des lettres, et le premier effet de cette loi s’est naturellement fait sentir l’année suivante, en 1836.

En 1837, il y a aussi eu une notable augmentation de la recette de la poste. Pourquoi encore ?

La loi que j’ai citée, du 29 décembre 1835, avait non seulement augmenté le port des lettres, mais avait posé le principe d’un service nouveau, le service rural. Le service rural a été introduit dans les derniers mois de 1836, c’est-à-dire que son introduction a exercé ses effets en 1837.

C’est ainsi que par deux causes connues de tous ceux qui ont gardé le souvenir de la loi du 29 décembre 1835, les recettes des postes offrent une notable progression en 1836 et 1837, progression qui n’a pu se retrouver au même point dans les années suivantes.

Néanmoins, comme vous l’a dit M. le ministre des travaux publics, dans les années qui ont suivi l’adjonction de la poste au chemin de fer, il y a eu progression, mais progression dans des proportions beaucoup moindres.

Le chemin de fer n’a donc pas porté malheur à la poste. Au contraire, si la poste n’avait pas été réunie au chemin de fer, il est évident que la poste restant vis-à-vis du chemin de fer dans les mêmes conditions que les autres administrations publiques, aurait dû, en se servant du chemin de fer, payer. Or, c’est ce qu’elle n’a jamais fait ; la poste se sert du chemin de fer et ne paie pas.

Le ministre des travaux publics ayant réuni la poste au chemin de fer, ne s’est pas ouvert un compte à lui-même. Il n’a pas fait ce qu’on doit faire à l’égard du ministre de la guerre pour les transports militaires.

Ainsi la poste réunie au chemin de fer, s’est d’abord servie gratis du chemin de fer en lui-même ; il s’est servi gratis des gardes-convois. En second lieu, partout où il a été possible de réunir les deux services, on l’a fait ; on a imputé le traitement de l’agent mixte sur le chemin de fer.

Ce sont là deux bénéfices qu’a faits la poste ; et je n’hésite pas quant à moi à évaluer ce double bénéfice à deux cent mille francs.

Ainsi, si la poste était restée séparée du chemin de fer, il aurait fallu que le ministre des finances, chargé de l’administration de la poste, vînt demander, outre un million que nous avons continué à voter pour l’administration des postes de cent mille francs en sus pour s’acquitter envers le chemin de fer.

Une voix – C’est la même chose.

M. Nothomb – Mais, dit-on, c’est la même chose. Non, ce n’est pas la même chose, parce que les résultats de la poste ne sont plus aussi beaux. Vous ne mettriez plus 3,000,000 de recettes en présence d’une dépense d’un million ; vous ne pourriez plus dire qu’avec 1,000,000 que vous dépensez, la poste produit 3,000,000 ; mais vous diriez qu’avec 1,200,000 francs de dépenses, les produits ne sont que de 3,000,000. Et dans quelques temps, quand tous les chemins de fer seront achevés, il aurait fallu demander 4 ou 500,000 francs pour payer le chemin de fer. Vous seriez dans la même position que l’est la poste dans d’autres pays vis-à-vis des compagnies.

Car, il est à remarquer qu’ailleurs l’établissement des chemins de fer n’a pas été un moyen de dégrever la poste.

Dans les autres pays la poste a conservé tous les services de nuit, et ces services sont pour la plupart les plus coûteux. En outre la poste s’est vue forcée, sans augmentation de recette, de payer les compagnies.

Ainsi la poste en Belgique n’a pas à se plaindre du chemin de fer ; au contraire elle a à se féliciter de sa réunion avec lui, puisqu’elle a obtenu gratis l’usage de ce puissant véhicule.

On a dit : mais voyez la France, voyez la Hollande, voyez l’Angleterre ; jamais on n’y a songé à séparer la poste du département des finances.

Mais la raison en est simple : c’est que dans aucun de ces pays, le gouvernement ne se trouve propriétaire, exploitant par lui-même un chemin de fer, et surtout un chemin de fer embrassant le pays tout entier.

Il y a un seul pays où une situation analogue commence à se produire, c’est le grand-duché de Bade. Le gouvernement construit un chemin de fer aux frais du trésor public. Quatre lieues ont été, l’année dernière, livrées à l’exploitation.

La question s’est présentée de savoir dans quelle position le service de la poste et le service du chemin de fer se trouvaient placés vis-à-vis l’un de l’autre. Savez-vous ce qu’on a fait ? On réuni l’exploitation du chemin de fer à la poste ; on a confié le chemin de fer à l’exploitation des postes. (Exclamation.)

Remarquez que le résultat reste le même. On n’a pas réuni dans le duché de Bade la poste a chemin de fer. La raison en est simple ; il se trouve que dans le duché de Bade l’administration des postes reste dominante, parce que le chemin de fer n’offre jusqu’à présent qu’un parcours de quatre lieues.

Mais quand tout le chemin de fer, qui doit avoir une étendue de plus de 50 lieues, et comprendre tout le pays dans sa longueur, sera terminé, il arrivera ce qui arrive en Belgique, l’administration du chemin de fer deviendra l’administration dominante et la poste une des branches de l’administration du chemin de fer.

Un des honorable préopinants qui ont été d’avis qu’il fallait séparer les postes du chemin de fer, a pensé, d’un autre côté, qu’il fallait attribuer aux postes de transport des marchandises et tout ce qu’on appelle objets de diligence. Ainsi, selon lui, il faudrait non seulement séparer les postes du chemin de fer, mais en faisant cette séparation augmenter les attributions des postes du transport des marchandises et des objets de diligence. Je n’hésite pas à dire qu’on tomberait dans une anarchie complète et dans un système d’administration extrêmement coûteux. Au reste, je dois dire que l’honorable membre s’est ici montré très conséquent avec lui-même. Si l’on sépare les postes du chemin de fer, il n’y a pas de raison pour ne pas constituer aussi une administration spéciale pour le transport des marchandises et des objets de diligence. En effet, rendons-nous bien compte des choses en elles-mêmes ; qu’est-ce que le service des postes ? il y a au chemin de fer deux grands services ; le transport des personnes et le transport des choses ; le transport des choses comprend le transport des marchandises pondéreuses, le transport des objets de diligence, enfin le transport des lettres ; tous ces transports se font en même temps, par le même moyen et autant que possible par les mêmes agents. J’ai dit tout à l’heure que dans les petites localités on a déjà opéré la réunion des postes et du chemin de fer, en vertu de l’arrêté du 25 août 1837 ; c’est même un résultat auquel on sera invinciblement amené pour certaines localités là où les stations sont des stations intérieures ou presque intérieures. C’est ainsi que lorsque la nouvelle station du Nord sera faite à Bruxelles, il ne sera peut-être pas impossible de placer le bureau principal des postes dans l’intérieur de la nouvelle station du Nord, sauf à faire ce qui s’est fait dans d’autres grandes villes, à diviser ensuite la ville et les faubourgs en plusieurs perception secondaires, relevant du bureau principal qui se trouvera dans l’enceinte de la grande station du Nord. Je ne regarde pas ce résultat comme inévitable, mais je suis aussi loin de la regarder comme impossible. Cela dépend des circonstances et de l’expérience que fera l’administration.

A Bruges et à Ostende où il y a des stations intérieure, le même résultat peut exister ; je demande pourquoi dans ces deux villes les bureaux de la poste ne se trouveraient pas compris dans l’enceinte de la station du chemin de fer ? Le travail de la poste y gagnerait en célérité ; les dépêches n’auraient plus besoin de faire un circuit avent d’être distribuées. Du reste, ce sont là des choses réservées à l’avenir. Je veux seulement dire que, non seulement l’adjonction de la poste au chemin de fer sera maintenue, mais que l’on ira même plus loin encore.

J’arrive au second point, celui de savoir si l’on peut attribuer les recettes du chemin de fer au ministère des finances. Il faudrait d’abord, messieurs, s’entendre sur ce mot : « recettes du chemin de fer. » Qu’entend-on par les recettes du chemin de fer ? Il me semble que les honorables membres ne se sont pas rendu compte de la véritable signification de ce mot, puisqu’ils ont pensé que la dépense de 760,000 francs qui figure à l’article 3 du chapitre du chemin de fer, est exclusivement consacrée à la recette prise dans le sens le plus restreint.

C’est une erreur : le mot « perception », tel qu’il figure en face de la somme de 760,000 francs, ce mot doit être pris dans un sens beaucoup plus général ; il comprend non seulement les recettes proprement dires, c’est-à-dire l’encaissement des fonds, mais aussi la police des stations, les gardes des stations et une partie du service de l’exploitation.

Ainsi ce ne sont pas seulement les receveurs et leurs commis qui sont payés sur le troisième article du chapitre du chemin de fer ; voici quels sont les fonctionnaires et employés rétribués sur le chapitre III (Dépenses de perception du chemin de fer) :

Le directeur de l’administration des chemins de fer en exploitation ;

Les 2 inspecteurs ;

Les contrôleurs ;

Chefs de stations ;

Receveurs ;

Les commis et adjoints-commis ;

Les gardes-convois ;

Les officiers de police ;

Les peseurs ;

Les messagers ;

Les portiers et un concierge ;

Les garçons de bureau :

Un timbreur ;

De plus :

Les ouvriers aux bagages ;

Les ouvriers aux marchandises ;

Le camionnage ;

Les facteurs.

Une voix – Il y a donc confusion ?

M. Nothomb – Non, messieurs, il n’y a pas confusion, parce que tous les services réunis ne forment qu’un ensemble ; mais il y aurait confusion si, par exemple, on allait imputer le camionnage sur un autre article.

Du reste, messieurs, qu’il y ait confusion ou qu’il n’y ait pas confusion, ce qu’il ne s’agit pas d’examiner maintenant, il me suffit d’établir que les honorables membres qui sont venus dire hier qu’il était étonnant que l’on dépensât 760,000 francs pour faire la recette du chemin de fer, tandis que ce qu’on appelle recettes au ministère des finances s’opère pour un tantième beaucoup moindre ; il me suffit, dis-je, de démontrer que ces honorables membres sont dans l’erreur, puisqu’il y a ici plus que des recettes, qu’il y a aussi une grande partie du service de l’exploitation, de l’administration et de la police.

Ainsi, messieurs, si le gouvernement décidait qu’il faut attribuer les recettes du chemin de fer au ministère des finances, ne croyez pas, comme vous auriez pu le supposer hier en entendant les honorables membres auxquels je réponds, que l’on transférerait 760,000 francs au ministère des finances. Non, messieurs, on transférerait une somme beaucoup moindre, peut-être 200,000 francs ; le reste de la somme resterait au ministère des travaux publics pour faire les services dont j’ai parlé tout à l’heure.

Il fut un temps, messieurs, où la centralisation qui existe maintenant au chemin de fer n’existait pas ; ce temps a été une époque de grands embarras et nous en avons fort heureusement tous perdu le souvenir. Cependant il ne serait pas inutile de se le rappeler pour apprécier les effets de cette centralisation. Autrefois il y avait deux administrations pour le chemin de fer ; la partie technique, le matériel et l’exploitation ; ensuite l’administration proprement dite. Eh bien, messieurs, il en résultait des conflits continuels dans chaque station, des conflits entre tous les agents, conflits que l’on n’a pu faire cesser qu’en centralisant, qu’en créant autant que possible des agents mixtes. Ces agents mixtes se trouvent surtout dans les stations secondaires. Les receveurs des stations secondaires ne sont pas seulement chargés de la recette, ils sont aussi chargés de la surveillance de l’ensemble de l’exploitation, ils seront même quelquefois chargés, comme je l’ai dit tout à l’heure, de la poste aux lettres, ils sont à la fois receveurs, surveillants quant à la police, chargés de la poste aux lettres ; en un mot, ils sont chargés de tous les services lorsque les localités et la besogne s’y prêtent.

Que résulterait-il donc de la séparation proposée ? Vous instituerez deux ou trois agents là où aujourd’hui il ne s’en trouve qu’un. Ce n’est pas tout : non seulement vous tomberiez dans un système beaucoup plus coûteux puisque vous multiplieriez les agents, mais vous tomberiez aussi dans un système qui n’offrira pas la force que l’on trouve aujourd’hui dans le système de centralisation. En multipliant les agents, en en plaçant deux ou trois l’un à côté de l’autre, là où il n’y en a qu’un, vous auriez, comme autrefois, des conflits perpétuels.

Dans les grandes stations, ces agents mixtes ne se trouvent pas en si grand nombre cependant, dans les grandes stations comme dans les petites, il y a un agent qui porte le titre de chef de la station, qui est responsable de l’ensemble de l’administration de cette station, qui est seul en rapport avec l’administration supérieure, qui transmet les ordres de cette administration, et qui en surveille l’exécution. Dans ces grandes stations, que pourrait-on faire ? ce serait d’y établir un caissier et rien de plus. Tout se bornerait donc à la présence d’un agent du ministère des finances, appelé caissier dans les grandes stations. Il me semble que l’établissement d’un semblable agent dans les grandes stations, alors qu’il y a impossibilité d’en établir également dans les autres, ce serait une réforme bien insignifiante, ce serait même une anomalie.

Je crois donc qu’il faut maintenir la centralisation du service telle qu’elle existe aujourd’hui, je crois même qu’avec le temps on sera conduit plus loin.

Je crois, messieurs, que l’on a cité hier des exemples dont je pourrais me prévaloir contre l’opinion de ceux qui ont invoqué ces exemples. On a parlé des canaux ; eh bien, messieurs, il ne m’est pas démontré qu’il ne vaudrait pas mieux que la recette des canaux fût aussi dans les attributions du ministère des travaux publics ; alors les receveurs des canaux seraient aussi des agents mixtes chargés en même temps de la police ; ils pourraient même être chargés quelquefois des écluses. Je vais, messieurs, jusqu’à dire (et je puis le dire aujourd’hui dans ma position de simple député) que ce serait une question à examiner, si l’on n’arriverait pas à une administration meilleure et moins coûteuse en mettant la recette des canaux dans les attributions du ministère des travaux publics qui est chargé de la surveillance et de l’entretien des canaux.

M. Desmet – Sans contrôle.

M. Nothomb – Je ne vois pas, messieurs, pourquoi il n’y aurait pas de contrôle au ministère des travaux publics, tandis qu’il y aurait inévitablement contrôle au ministère des finances. Le ministère des travaux publics ne peut-il pas établir des contrôleurs chargés de vérifier les livres, de les parapher, chargés en un mot de faire tout ce qui se fait sous ce rapport au ministère des finances ? C’est ce qui existe pour le chemin de fer. J’entends dire constamment qu’il n’y a pas de contrôle au chemin de fer ; ceux qui allèguent cela n’ont sans doute pas lu le règlement général du chemin de fer, qui a cependant été distribué aux membres de la chambre. On voit dans ce règlement que, pour le chemin de fer, le contrôle est poussé plus loin qu’il ne l’a jamais pour une administration financière quelconque. Ainsi, par exemple, les versements sont quotidiens, les fonds encaissés la veille doivent être versés le lendemain matin ; bonne mesure, messieurs, parce que les hommes chargés de cette responsabilité se trouvent en présence d’un trop petit bénéfice, pour qu’ils soient tentés d’exposer leur existence tout entière en commettant une infidélité. Aussi, messieurs, jusqu’à ce jour il n’y a pas eu au chemin de fer une seule disparition de caisse.

Ensuite, messieurs, on examine tous les dix jours si les sommes versées sont en rapport avec les billets qui ont été confiés aux receveurs, aux agents chargés de la recette dans les stations. C’est une chose extrêmement simple : l’administration délivre des billets à souche ; il faut qu’on représente ou les billets avec les souches ou bien, à côté de chaque souche, l’argent équivalent du billet qui a disparu. Ainsi, il y a un moyen de vérification infaillible, et je ne vois pas pourquoi ce contrôle ne pourrait pas exister au chemin de fer, uniquement parce que cette administration est réunie au ministère des travaux publics.

Si ce contrôle n’était pas assez bien organisé, la seule question consisterait alors, non pas à attribuer la recette au département des finances, mais à augmenter les moyens de contrôle et de surveillance : c’est ce qui est toujours possible.

Je conclus de toutes ces observations qu’il faut maintenir la centralisation des services du chemin de fer.

M. Lejeune – Messieurs, au milieu des préoccupations qu’inspire notre état financier, au milieu des idées d’économie qui se manifestent de toutes parts, il se produit un fait remarquable que j’aime à constater : c’est l’accord parfait entre le gouvernement et la section centrale pour ce qui concerne l’amélioration du régime des canaux et des rivières.

Le gouvernement propose plusieurs crédits pour améliorer les grandes voies de navigation que possède la Belgique.

La section centrale, qui a examiné le budget avec beaucoup de sévérité, à ce qu’elle dit elle-même, répond à cette proposition par cette phrase :

« Si, pour les canaux, nous nous sommes montrés moins sévères ou plus généreux, c’est que nous avons cru qu’après avoir dépensé tant de millions pour la construction des chemins de fer, destinés à favoriser l’industrie et le commerce, la justice distributive réclamait quelque chose pour les voies navigables, plus spécialement destinées favoriser l’agriculture et à répandre le bien-être dans les localités peu ou point favorisées par nos railways. Nous y avons été d’autant plus portés, que nous avons trouvé des dispositions favorables à cet égard dans votre adresse en réponse au discours du trône. »

Cette unité de vue suffirait seule à démontrer de quelle haute importance doivent être pour le pays les améliorations fluviales.

Oui, messieurs, ces améliorations, ainsi que les routes pavées, outre les avantages qu’elles présentent sont une compensation, une indemnité à donner aux parties du pays qui ne profitent pas du chemin de fer ou qui y perdent.

Le régime des rivières et de canaux, tant sous le rapport de l’écoulement des eaux que sous celui de la navigation, n’a pas été compris jusqu’ici dans le développement admirable qu’on a imprimé aux travaux publics. Sous le rapport de l’écoulement des eaux, surtout, on n’y a presque pas songé. Les changements que des canaux ont quelquefois subis dans l’intérêt de la construction d’une route, ont été souvent des obstacles, plutôt que des améliorations pour l’écoulement des eaux.

Lorsqu’on avait à faire traverser un canal, on ne s’est presque jamais demandé si ce canal, tel qu’il existait, si la section de ce canal était suffisante pour répondre à sa destination ; si peut-être il ne fallait pas élargir le canal ; si, en conséquence, il ne fallait pas faire des ponts plus larges que la section du canal. On s’est toujours contenter de maintenir le statu quo.

Messieurs, ceci est si vrai qu’aujourd’hui même nous voyons qu’au budget on demande des crédits pour élargir, sur quelques routes, des ponts, à l’effet d’obvier aux inondations de la vallée de la Senne. Peut-être même devra-t-on changer des travaux plus récents encore, des travaux exécutés sur la ligne du chemin de fer.

On s’est donc toujours contenté, quand il s’agissait de construire un pont dans l’intérêt d’une route, de maintenir le statu quo, sans examiner s’il était bon ou mauvais.

Il est à désirer qu’un bon système pour l’écoulement des eaux dans tout le pays, pour l’assèchement du territoire, soit placé au rang que son importance lui assigne dans toutes les améliorations que le pays réclame encore.

La nature nous a prodigué ses faveurs, elle nous a mis à même d’établir un des plus beaux système de navigation, surtout dans les Flandres, un système d’évacuation des eaux aussi parfait qu’aucun pays puisse le désirer.

Mais, messieurs, on a trop abandonné la nature à elle-même. La Meuse, la Lys, l’Escaut attendent une main habile et de généreux sacrifices, qui en doubleront les avantages.

Dans les Flandres, nous touchons à la mer du Nord, il dépend de nous d’y verser la surabondance des eaux qui nous arrivent de la France, et qui s’écoulent de notre propre territoire. Nous n’avons qu’à régulariser, activer, perfectionner le cours des rivières, et à mettre les bassins d’inondation en communication plus directe avec la mer.

Le gouvernement a préludé à ces améliorations par la reprise de quelques canaux et de quelques rivières. Je dirai en passant que, pour compléter ce système, pour compléter son action, il doit reprendre encore les canaux de Gand à Bruges, et de Bruges à Ostende.

Je considère la reprise des rivières et canaux, résolue, je crois, en 1839, comme le principe fondamental de toute amélioration fluviale. L’exécution ne doit plus être qu’une question de temps, une application d’un principe admis dans la discussion du budget précédent.

Entre les mains des provinces, les canaux et les rivières n’ont été malheureusement qu’un objet de spéculation ; on a considéré les péages comme une des branches des revenus provinciaux, au lieu de les appliquer avant tout à des ouvrages d’améliorations indispensables.

Pour ce qui concerne l’Escaut, par exemple, le redressement des nombreuses sinuosités de cette rivière, les améliorations que l’état du fleuve réclame en général, doivent faire l’objet de toute la sollicitude du gouvernement ; ces améliorations occasionneront pendant quelques années des dépenses qui sont au-dessus des forces des provinces.

Je ne traiterai pas spécialement la question de navigation, je ne vous entretiendrai pas des avantages que l’amélioration du régime des rivières et de canaux présenterait à la navigation. Je me bornerai à parler de l’évacuation des eaux.

Les inondations assez fortes qui ont affligé récemment notre pays dans presque toutes les localités, ne sont pas de celles qui doivent entrer dans nos prévisions ; nous voudrions en vain prévenir de toute espèce d’inondation, nos efforts resteraient impuissants. Il peut toujours arriver des circonstances de force majeure, et alors il ne nous reste qu’à nous résigner.

Mais les ravages que les eaux ont exercés naguère mettent de plus en plus en évidence cette vérité que, même pour les circonstances ordinaires, nous n’avons rien fait.

L’évacuation des eaux est une branche du service public, qui, dans notre pays, laisse encore tout à désirer. Il reste là une belle tâche à remplir, tâche qui est malheureusement sans éclat. Il n’y a pas en effet dans les ouvrages de ce genre le brillant que présentent d’autres grands travaux publics, comme un chemin de fer, ou quelque grand monument.

Mais, messieurs, si cette tâche est sans éclat, elle est du moins féconde en résultats pour le pays ; elle serait productive ; parce qu’elle augmenterait les revenus de l’Etat ; productive, parce qu’elle accroîtrait la fertilité du sol ; avantageuse encore, parce qu’elle opérerait l’assainissement de beaucoup de localité du pays.

Ce n’est pas tout d’apporter de temps en temps quelques améliorations à l’évacuation des eaux, cette branche de l’administration attend une main organisatrice. Il faut l’embrasser dans son ensemble, la réduire en système, la soumettre à des règles fixes. Permettez-moi, messieurs, à l’occasion de la discussion d’un budget auquel cet objet se rattache plus spécialement de présenter quelques observations générales sur les bases de cette organisation.

Je pose en principe que, pour atteindre le but, l’évacuation des eaux, l’assèchement du territoire, il faut le concours de l’Etat et de la propriété, tant sous le rapport financier que sous le rapport de l’action administrative. La première difficulté qui se présente, c’est d’établir la ligne de démarcation entre les obligations de l’Etat et celles des propriétaires. Ces obligations respectives peuvent cependant se déduire assez facilement, me paraît-il de la nature des choses. Je pourrais les caractériser par ces mots : A l’Etat le soin des grandes artères qui communiquent avec la mer ; à la propriété la charge de construction et d’entretien des veines qui viennent se confondre dans les artères.

Il est de l’intérêt bien entendu de l’Etat que le territoire du pays ne soit pas inondé, que les eaux puissent s’écouler vers la mer. Il est du devoir de l’Etat de conduire dans la mer les eaux qu’il est obligé de recevoir des pays étrangers, et à plus forte raison les eaux qui s’écoulent de son territoire. Les rivières naturelles n’ont eu d’autre destination primitive que l’évacuation des eaux. En les faisant servir comme voies navigables, on en a tiré le parti le plus utile, le plus avantageux. Mais en leur donnant cette destination nouvelle de la plus haute importance, on doit leur conserver leur destination primitive et y suppléer au besoin par d’autres ouvrages.

Ainsi, par exemple, au gouvernement, l’obligation de conduire à la mer assez promptement pour obvier aux inondations toutes les eaux que reçoivent la Lys et l’Escaut ; et si les voies actuelles ne suffisent pas pour effectuer cet écoulement en temps utile, d’ouvrir de nouveaux débouchés à la mer.

A la propriété l’obligation d’entretenir les ruisseaux et canaux d’écoulement qui se jettent dans la Lys et dans l’Escaut.

Que l’on ne s’effraie pas de l’obligation que j’imposerais à l’Etat. Elle sera moins lourde qu’on ne pourrait le croire. Et l’accomplissement de cette obligation, ne serait-il pas juste, ne serait-il pas éminemment avantageux et productif pour le pays ?

Nous voulons donc que le gouvernement ouvre la voie pour conduire les eaux à la mer. Cette obligation peut se remplir successivement et partiellement, sans exagérer les dépenses. Le budget qui nous est soumis maintenant et celui de l’année dernière présentent un commencement d’exécution pour ce qui concerne la vallée de l’Escaut.

Après les obligations du gouvernement viennent celles des propriétaires. Ici le gouvernement n’a plus à contribuer dans les dépenses, mais son action administration, son intervention et sa surveillance sont indispensables, je ne dirai pas pour forcer les propriétaires à faire des dépenses malgré eux, quoique selon moi, cela ne fût pas un très grand mal ; mais pour les organiser en association, pour les guider et les mettre en position d’apprécier et de remplir les obligations que leur impose une communauté d’intérêts.

Qu’avons-nous aujourd’hui sur cette matière ? Quelques règlements surannés et tombés en désuétude, des dispositions dont l’exécution exige tant de formalités qu’on les abandonne par désespoir. Il arrive bien souvent que dans une localité où, à peu de frais, on pourrait établir un bon système d’évacuation des eaux, on trouve que depuis 25 ans on n’a touché à aucun fossé, et l’on subit chaque année des dégâts énormes.

Messieurs, pour que les propriétaires soient à même d’exécuter leurs obligations, de soigner de leurs intérêts communs, il faut les constituer en associations de « wateringue ». Ce mot a souvent effrayé, parce que les wateringues ont été connues beaucoup plus par les abus que par les services qu’elles pouvaient rendre. Je voudrais donc poser en principe que le gouvernement eût le droit de constituer en associations de wateringue, toutes les terres dont les eaux s’évacuent par un même débouché. Ainsi, pour donner un exemple : dans la vallée de l’Escaut, toutes les prairies dont les eaux se jettent dans l’Escaut par le même débouché seraient constituées en un arrondissement de wateringue.

Il est à désirer que le gouvernement veuille enfin s’occuper de cet objet, il mérite toute sa sollicitude. Je voudrais qu’il élaborât et présentât un projet de loi bien court qui pose les principes d’organisation de ces associations. Voici selon moi, les principes fondamentaux qui faudrait consacrer : le gouvernement peut déclarer que telle partie du territoire est constituée en associations de wateringue. Il peut, suivant les besoins des localités, en étendre ou en restreindre la circonscription et en ordonner la réorganisation. Il convoque d’office l’assemblée générale de l’association, à l’effet de rédiger un règlement d’administration de l’association. Ce règlement, n’aura d’effet qu’après avoir reçu l’approbation du Roi.

A ces dispositions, il faudrait ajouter seulement trois ou quatre articles concernant la composition des assemblées générales, et le moyen de recouvrement des impositions.

Une pareille loi de principe serait applicable à toutes les localités du pays et les intérêts spéciaux de toutes les localités trouveraient place dans les règlements particuliers.

Je ne serais pas disposé à présenter moi-même un pareil projet du pays, parce qu’une loi d’administration doit venir du gouvernement ; le gouvernement seul possède tous les renseignements et les inconvénients des règles à établir.

Messieurs, pour ne pas reprendre une seconde fois la parole, je demanderai la permission de dire un mot sur quelques-uns des articles du budget qui nous occupe.

Je suis assez disposé à voter le crédit demandé pour les routes tel qu’il a été proposé par le gouvernement. Le motif de ce vote, c’est qu’on n’a pas dépassé jusqu’ici la limite posée pour construction de routes. Les fonds demandés peuvent être imputés jusqu’ici sur l’excédant du produit des barrières. Un autre motif, c’est que le gouvernement doit être mis à même de compléter le système de communications et de dédommager autant que possible, par la construction de routes pavées, par des subsides pour construction de routes, les localités qui non seulement n’ont pas profité du chemin de fer, mais qui ont perdu par l’établissement du chemin de fer.

Je parlerai, quoi qu’on en puisse dire, de l’arrondissement d’Eecloo. Je crois qu’il est permis à un député, qu’il est même de son devoir de parler quelquefois de la localité qui lui a donné son mandat. Et qui donc, bon Dieu, parlerait ici de l’arrondissement d’Eecloo, si moi, son unique représentant, je n’en parlais pas ? Cet arrondissement a été de tout temps oublié. Il faut donc que j’en fasse connaître les besoins. L’arrondissement d’Eecloo est resté longtemps sans aucune route. Les fragments de route qu’il possède aujourd’hui sont le résultat des efforts de la ville et des communes qui le composent. Sans doute, la ville et les communes continueront à faire tous les efforts possibles si elles sont suffisamment secondées par le gouvernement.

Cette année, au moyen d’un subside proportionné à l’insuffisance des ressources des communes, il sera possible de mettre en communication quatre ou cinq lieues de pays. Je ne pense pas qu’on refuse un pareil subside. Mais c’est de la ville d’Eecloo que je doit parler plus spécialement. S’il est une ville qui a perdu par la construction du chemin de fer, c’est bien la ville d’Eecloo.

M. Desmet – Et la ville d’Alost !

M. Lejeune – La ville d’Alost aussi, ce sont peut-être les deux villes qui ont le plus perdu.

Voici la position de la ville d’Eecloo. Les habitants, travailleurs actifs, y vivent de commerce et d’industrie ; la route de Gand à Bruges la traverse ; cette route est entièrement déserte. La ville d’Eecloo subsistait surtout par les relations de commerce et d’industrie qu’elle avait avec la Flandre zélandaise ; elle était assez florissante ; à la révolution, une double ligne de douanes vint se placer entre les vendeurs et les acheteurs. C’était assurément le plus grand mal qui pût lui arriver. Les communications ont été interrompues pendant plusieurs années. Cette partie de la Flandre zélandaise, où il n’y avait ni commerce, ni industrie, qui était dans l’habitude de s’approvisionner à Eecloo ne vient plus maintenant chez nous, et cela se conçoit facilement. Indépendamment des embarras inséparables d’une double ligne de douanes, cette localité n’a plus les mêmes besoins ; la nécessité et la spéculation sont parvenues à établir l’industrie et le commerce dans ces contrées. La ville d’Eecloo a donc extrêmement perdu à la révolution ; elle a reçu un nouveau coup par la construction du chemin de fer. Elle a fait tous ses efforts pour se rattacher au chemin de fer ; elle a épuisé ses ressources, et au-delà, pour obtenir la construction d’une route d’Eecloo à Thielt.

Sans doute le gouvernement doit prendre en considération ces circonstances toutes particulières, qui font qu’une localité du pays éprouve les plus grandes pertes par les mêmes motifs qui procurent, à ses dépens, à d’autres localités des faveurs inespérées.

L’honorable M. d’Hoffschmidt a parlé hier en faveur du Luxembourg ; il a eu raison ; on doit faire quelque chose de plus pour le Luxembourg que pour d’autres provinces. Il a invoqué une loi en faveur du Luxembourg. Je n’hésiterais pas à revenir sur cette loi, si elle n’était basée sur un principe de justice. C’est dans les principes de justice distributive que les réclamations doivent trouver leur principal appui.

Ce principe de justice existe pour l’arrondissement d’Eecloo tout au moins autant que pour le Luxembourg. Je crois donc pouvoir l’invoquer à mon tour. Il y a peut-être cette différence que le Luxembourg n’a rien perdu au chemin de fer, tandis qu’Eecloo y perd beaucoup. L’arrondissement d’Eecloo a été constamment victime des changements politiques, plus ou moins favorables aux autres localités du pays. Il a considérablement perdu par le départ des Français, par la révolution belge, par l’établissement du chemin de fer ; il a des titres tout particuliers à la sollicitude du gouvernement.

Je voterai aussi pour l’augmentation du crédit qui concerne le service de la poste rurale. Lorsqu’on a voulu établir cette nouvelle branche d’administration publique, on n’a pas voulu sans doute rester à moitié chemin. Tant que le service de la poste rurale ne sera pas quotidien, il fera plus de mal que du bien. Je connais une foule de localités, où la poste a supprimé des relations quotidiennes qui n’ont été remplacées que par un service irrégulier et tardif.

Quant au chemin de fer, le crédit n’est pas contesté. Le chemin de fer n’est plus en question. Il s’agit aujourd’hui d’en retirer tous les produits, tous les avantages qu’il peut offrir, de l’exploiter et d’en continuer la construction avec toute l’économie possible ; mais je crois devoir exprimer l’opinion que, pour en retirer tous les produits possibles, il faut qu’on l’achève complètement, j’entends parler de la construction de la deuxième voie. Je pense que pour régulariser le transport des voyageurs de jour et de nuit, la seconde voie est indispensable ; ce n’est que par ce moyen que l’on peut retirer du chemin de fer tous les avantages, tous les bénéfices qu’il peut procurer.

Ainsi, économie dans l’exploitation, économie dans la construction, mais achèvement prompt et complet.

M. de Muelenaere – Je ne ferai aucune récrimination ; je ne reviendrai pas sur une discussion épineuse, sur une contestation jugée contre nous. La demande que je me propose d’adresser à M. le ministre des travaux publics a un sens d’utilité ; c’est ce motif seul qui m’engage à le faire.

Dans une discussion antérieure, dont la chambre n’a pas encore perdu le souvenir, nous avons démontré les avantages qu’aurait eus, pour une grande partie de la Flandre, la construction du canal de Bossuyt et l’important débouché que ce canal aurait ouvert à l’industrie du Hainaut. Ce débouché s’ouvrait ainsi vers une contrée riche et peuplée dont les habitants, par l’éloignement des lieux de production et les frais de transport, sont obligés de se priver des produits du Hainaut ou du moins d’en restreindre considérablement la consommation. Les avantages du canal de Bossuyt n’étaient contestés par personne ; le gouvernement lui-même en reconnaissait la bonne utilité, mais les avantages du canal d’Espierres parurent dominants aux yeux du gouvernement et, à notre grand préjudice, le canal de Bossuyt fut sacrifié au canal d’Espierres.

La concession de ce canal se fit avec une précipitation qui provoqua des protestations de la part du demandeur en concession du canal de Bossuyt. On accusa même le gouvernement d’avoir violé les dispositions de l’arrêté royal du 20 novembre 1836.

D’après l’article 13 du cahier des charges, le canal d’Espierres et ses dépendances devraient être complètement achevés et livrés à la navigation dans un délai de 18 mois, prenant cours à la date de l’approbation des plans par le ministre des travaux publics. Or ce délai, si je ne me trompe, expire au mois de mai prochain. Je ne demanderai pas si le canal, à cette époque, sera livré à la navigation, conformément au cahier des charges. Ce serait une sorte de plaisanterie, car les travaux ont à peine reçu un commencement d’exécution. Je me bornerai donc à prier M. le ministre des travaux publics de me dire quelles sont les intentions du gouvernement à l’égard du concessionnaire de ce canal. Ma demande, je le répète, a un but que je vais vous faire connaître. Le canal de Bossuyt présente un caractère si prononcé d’utilité publique, que je ne désespère pas de le voir en exécution dans un avenir peu éloigné, soit qu’on achève le canal d’Espierres, soit qu’on abandonne ce projet. Mais comme le canal de Bossuyt ne pourra peut-être se faire qu’à l’aide d’un subside et que ce subside devra être plus élevé si le canal d’Espierres veut faire concurrence au canal de Bossuyt, nous ne pourrons nous occuper sérieusement de cet important objet que lorsque nous saurons les intentions définitives du gouvernement à l’égard du concessionnaire du canal d’Espierres.

M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Les concessionnaires du canal d’Espierres se sont adressés au gouvernement, le 15 janvier dernier, pour obtenir de loi une prolongation de délai pour l’exécution du canal dont ils ont été déclarés concessionnaires. Les pétitionnaires ont fait valoir des motifs qui ont déterminé le gouvernement à user de l’indulgence que vient de lui conseiller l’honorable préopinant, et par une décision toute récente, les concessionnaires ont été autorisés à proroger l’époque où le canal doit être terminé, du 4 janvier 1842 au 4 novembre de la même année. Car, contrairement à ce que vous a dit l’honorable préopinant, la fin des travaux n’était pas prochaine, puisqu’elle devait avoir lieu seulement, au terme du cahier des charges, le 4 janvier 1842, c’est-à-dire, 18 mois après l’approbation des plans. Or les plans n’ont été adoptés qu’au mois de juillet 1840.

Du reste, les concessionnaires sont les premiers intéressés à terminer le plus tôt possible ses travaux, attendu qu’ils sont concessionnaires à la fois de la partie belge et de la partie française, et que depuis plusieurs années, des capitaux considérables sont engagés dans la partie française, sans que cette partie soit exploitée. De telle manière qu’on peut compter ici sur l’intérêt des concessionnaires pour espérer que l’achèvement des travaux s’obtiendra le plus promptement possible.

Ils ont donné pour motifs du délai la difficulté des emprises de terrain en Belgique et la difficulté de réunir des capitaux en France. D’autres motifs encore ont déterminé le gouvernement à leur accorder un délai, qui, je le répète, offre d’autant moins d’inconvénients que les concessionnaires sont les premiers intéressés à le rendre le plus court possible.

M. de Langhe – J’ai renoncé hier à vous soumettre mes observations, parce que je croyais qu’on allait clore la discussion générale, et que je ne voulais pas la prolonger. Mais puisqu’elle continue, j’ai jugé à propos de redemander la parole. J’y ai été d’autant plus déterminé que MM. les ministres à la fin de la séance ont fait un appel à leurs contradicteurs. Cet appel, je n’hésite pas à y répondre.

Messieurs, de tous les budgets présentés, aucun n’offre de majorations plus nombreuses et plus considérables que celui des travaux publics. Dans la tendance du ministère, je reconnais le cachet particulier de M. le ministre des travaux publics.

Les pensées de cet honorable ministre son des pensées grandes, généreuses. Je ne suis pas le dernier à rendre justice à ce qu’il y de beau, à ce qu’il y a de noble dans son caractère. Mais ces qualités portées à l’excès deviennent des défauts, surtout dans notre situation financière ; situation qui, selon moi, doit toujours aller en empirant, jusqu’à ce qu’à la fin la force des choses nous oblige à en revenir à une réforme générale.

La plupart des dépenses portées au budget des travaux publics sont des dépenses utiles ; je dirai qu’elles sont presque toutes utiles ; mais il y a à mes yeux une utilité relative, une utilité qui doit être en corrélation avec le plus ou moins de difficulté de trouver les moyens de couvrir ces dépenses. Or, je vous le demande, cette difficulté n’existe-t-elle pas ? je crois que tout le pays répondra : oui.

Il y a donc, selon moi, des dépenses nécessaires qu’on ne pouvait se dispenser de faire ; mais il y a aussi beaucoup de dépenses qu’on pourrait remettre puisqu’on les a remises depuis si longtemps.

A cet égard je trouve que la section centrale a agi fort sagement en proposant de remettre à des temps meilleurs, au moment où notre équilibre financier sera établi d’une manière stable, la confection de beaucoup de travaux utiles.

Tout doit-il se faire dans la même année ? Je ne le crois pas. D’ailleurs, le moment est bien mal choisi pour faire des dépenses extraordinaires.

Je trouve que sous ce rapport la section centrale n’a pas été aussi loin qu’elle pouvait aller. M. le ministre s’est plaint de sa sévérité ; moi je me plains de son trop peu de sévérité.

Mais, dira-t-on, si vous croyez devoir proposer d’autres diminutions, faites-le, et la chambre jugera. Le ministère et la chambre ne demandent pas mieux que de faire des économies.

A cela je répondrai qu’il est très difficile à un membre isolé de proposer des réductions. Car je suppose qu’il en propose une sur tel ou tel article. Aussitôt l’un ou l’autre de MM. les ministre se lèvera et dira : Nous avons proposé justement ce qui est nécessaire ; même, dans notre esprit d’économie, esprit que nous partageons tous, nous sommes restés au-dessous de la vérité. Nous n’avons qu’un reproche à nous faire, c’est de ne pas avoir demandé davantage.

Je vous demande comment un membre isolé peut répondre à ces raisons ; il lui faudrait des preuves convaincantes, qui ne pourrait se procurer que dans des documents qu’il n’a pas.

Alors, qu’arrivera-t-il ? La chambre dira : le ministre insiste fortement ; il faut qu’il ait besoin du crédit demandé, et on l’allouera. C’est ce qui se passe tous les jours, vous en êtes tous témoins.

Je dis que jamais de fortes réductions ne pourront provenir de cette chambre ; il faut que l’initiative soit prise par le ministère. La chambre n’aura qu’un moyen de faire des réductions. Ce serait d’imposer aux ministres un budget de telle ou telle somme et de leur dire : Vous n’irez pas au-delà. Mais c’est là un moyen violent et arbitraire qui ne peut être employé qu’à la dernière extrémité.

Messieurs, on vous a dit que la plupart des dépenses proposées étaient des dépenses productives en ce sens que ce que nous dépensions d’un côté, nous le recevions de l’autre. Je dirai d’abord que presque toutes les dépenses en travaux publics ne sont pas matériellement productives. Quant aux routes, quant aux canaux, tout le monde sait que la plupart ne produisent pas, outre les frais d’entretien, l’intérêt des capitaux employés à leur construction.

Quant au chemin de fer, M. le ministre nous dit que cet intérêt sera produit. J’aime à le croire, mais je n’ose me livrer à des espérances à cet égard ; je crains de cruelles déceptions. Au surplus, je désire, en cela comme en beaucoup d’autres choses, me tromper.

Mais il est vrai qu’avec les dépenses directes, il y a des dépenses indirectes produites par l’amélioration des communications. Les améliorations de communication vivifient tout un pays et font produire indirectement au trésor beaucoup d’impôts qui ne sont pas directement payés par les routes, par les canaux.

Je veux donc convenir que les routes, les canaux puissent être productifs de ce qu’ils coûtent. Mais encore, faut-il que l’Etat fasse des avances considérables pour leur construction. Ces dépenses, pouvons-nous les faire ? C’est un placement avantageux, si vous le voulez, mais sommes-nous en mesure de placer nos fonds ? Je ne crois pas que nous ayons cet embarras.

Messieurs, ma conclusion, qui sera le résumé de mon discours, consiste à dire qu’il ne faut faire en ce moment que les dépenses nécessaires et qu’il faut remettre à des temps meilleurs des dépenses utiles, j’en conviens, mais qui sont susceptibles d’être ajournées ;

Voilà les conclusions générales que j’ai cru devoir vous soumettre. Je ferai dans le cours de la discussion telles observations que je jugerai convenables.

(Moniteur belge n°51 du 20 février 1841) M. Desmet – Quand l’honorable M. Nothomb a parlé pour défendre la centralisation dans le ministère des travaux publics, la partie de recette de la poste et du chemin de fer, j’ai été étonné qu’il se fût borné à ce point dans la discussion générale, et qu’il n’eût pas voulu faire connaître son opinion et donner son assentiment sur l’important objet qu’a traité hier l’honorable M. de Puydt, quand il a reproduit la proposition faite dans son temps, pour obtenir que le gouvernement garantît l’intérêt même des capitaux qui seraient employés dans la construction des travaux publics qui seraient exécutés par concession ; j’en suis surtout étonné, parce que, connaissant la justice de son esprit, il n’aurait pu qu’approuver cette proposition, et même je crois pouvoir dire qu’il s’est déjà déclaré en faveur de la proposition.

Je viens fortement appuyer cette proposition, car il faut de la justice en tout. Elle a été présentée dans le temps par l’honorable M. Seron, ainsi que par M. Puissant et un troisième membre dont je ne me rappelle pas le nom. Quoique nous ayons eu le malheur de perdre M. Seron, il y a encore deux membres signataires qui sont dans la chambre, et cela doit suffire pour donner suite à une proposition dont la chambre appréciera tout l’à-propos. Et je proposerai formellement qu’elle soit envoyée à l’examen des sections.

Vous savez que les sommes qu’on dépense au chemin de fer sont énormes. Tout le pays doit contribuer dans les capitaux qu’on y dépense, et cependant combien n’y a-t-il pas de contrées qui perdent tout, qui sont éliminées par le chemin de fer et pour lesquelles on ne fait rien ? Quand on emploie tout son argent à un seul objet, il faut bien négliger les autres.

Il faut donc chercher les moyens de remédier à un tel état de choses ; il faut cependant que ceux qui payent pour un ouvrage qui leur est ruineux, aient quelque chose en compensation. Ce qu’on demande n’est qu’une fiche de consolation, consolation bien légère que vous donnerez aux contrées lésées ; elles veulent faire tout par elles-mêmes, sans les capitaux du gouvernement ; elles ne demandent qu’une garantie qui ne peut porter aucune charge au trésor, car elle sera illusoire dans l’usage qu’on en fera.

Parmi ces dernières, on a cité Eecloo ; mais je pourrais citer toutes les villes, depuis Mons jusqu’à Lens, Ath, Lessines, Chièvre-Grammont, Ninove, Alost, qui perdent tout, et cependant ces contrées payent de fortes contributions pour exécuter les travaux gigantesques du chemin de fer.

J’espère donc que la chambre ne refusera pas d’envoyer aux sections la juste proposition dont je vous ai parlé, et qui tend à accorder quelques avantages aux contrées qui perdent par la construction du chemin de fer.

Je crois maintenant devoir répondre deux mots à l’honorable M. Nothomb, en ce qui concerne la centralisation dans un seul département de tout ce qui est relatif aux recettes. Il nous a fort bien développé la nécessité de conserver au ministère des travaux publics la réunion de la poste et de la comptabilité et des recettes du chemin de fer. On doit le reconnaître, mais ce qu’on doit reconnaître aussi, c’est qu’il existe un département particulier pour tout ce qui concerne les recettes de l’Etat ; c’est celui des finances. Or je ne vois pas pourquoi il faut dévier de la règle générale pour le chemin de fer, et surtout pour une administration où tout se fait en régie et où il y a tant de branches délicates de recettes et de dépenses. Savez-vous ce que vous allez faire du chemin de fer ? Vous en allez faire un véritable syndicat, et un syndicat aussi secret que le syndicat hollandais ; on voudrait un petit gouvernement dans l’Etat ce serait celui du chemin de fer, et un gouvernement qui aurait une législation particulière, ou qui serait sans lois.

Si, messieurs, on veut persister dans cette voie, il faut nécessairement que le budget des recettes soit présenté par deux ministres ; il faut que le ministre des travaux publics s’adjoignent au ministre des finances pour présenter le budget des recettes. Je demande dans quel pays cela se fait. Nulle part, messieurs.

Croyez-moi ; laissez entrer les recettes du chemin de fer dans l’administration des finances. Au moins vous aurez une garantie ; il y aura contrôle, et maintenant il n’y en a pas !

Vous me permettrez maintenant de dire un mot sur un objet important qu’a traité l’honorable M. Lejeune. Il est certain que, pour les pays comme le nôtre, il faut profiter du voisinage de la mer pour l’évacuation des eaux. Je ne dirai pas combien, en quelques années, il y a eu de digues rompues, et cependant nous avons des moyens de faire évacuer les eaux.

L’honorable M. Lejeune nous a parlé des lois et règlements anciens. Je ne crois pas que ces règlement soient surannés ; je les ai toujours regardés au contraire comme de véritables chefs-d’œuvre, applicables aussi bien à l’époque actuelle qu’à celle pour laquelle ils ont été faits.

L’honorable M. Nothomb, lorsqu’il était ministre des travaux publics, a tellement bien compris l’importance de ces anciens règlements ; le travail qui a été présenté par l’inspecteur Vifquin est tellement bien fait, que si on voulait l’exécuter, nous ne serions jamais inondés.

On nous a dit qu’en ce qui concerne les mesures à prendre pour l’écoulement des eaux, il y a deux parties, la partie gouvernementale et la partie qui regarde le propriétaire ; j’établis une autre division ; je dis qu’il faut distinguer les eaux en aval de Gand des eaux en amont de cette ville ; en aval de Gand, les eaux n’ont pas d’écoulement, et c’est là le grand vice ; toutes les eaux qui arrivent de France, du Hainaut et des deux Flandres doivent s’arrêter à Gand, parce que depuis Gand jusqu’à la mer il n’y a pas de canal d’écoulement.

A toutes les époques on a compris la nécessité d’avoir des canaux spéciaux d’écoulement vers la mer. Avant l’ensablement du port de Dam, la Lys était un fleuve qui ne se perdait pas dans l’Escaut mais qui se jetait dans la mer, et on sait que ce sont les eaux de la Lys qui retardent souvent l’écoulement des eaux de l’Escaut ; depuis que le port de Dam a été ensablé on a fait un grand canal, qui se dirigera de Gand vers Dam, c’est le canal qui se joignait à la Lieve, qui a été creusé dans le 16e siècle et a porté le nom de canal d’Arteveldt.

Ce port a encore été ensablé, et alors on a fait le canal du Sas, mais depuis que le sas est au pouvoir de la Hollande, nous ne devons plus compter sur ce canal.

Il y a maintenant nécessité de faire un canal qui soit à nous, et par lequel les eaux puissent s’écouler dans la mer.

On a bien senti le besoin du canal de Zelzate. Mais il faut bien distinguer les canaux de navigation des canaux d’écoulement et pour établir une bonne voie d’écoulement, il faut nécessairement qu’il ne serve qu’à l’écoulement et non pas à la navigation, c’est ce qui n’existe pas aujourd’hui ; il faut chasser les eaux sauvages par des voies de navigation, ce qui entrave la navigation.

Quand on a dit que le gouvernement doit reprendre le canal de Bruges, le canal de Nieuport et les autres qui existent dans la Flandre occidentale, je suis étonné que l’honorable M. de Muelenaere, qui est gouverneur de la province, n’ait pas dit un mot à cet égard, il aurait pu vous dire ce qu’il pensait à ce sujet et quel était l’intérêt de sa province. Je crois, moi, qu’il serait profitable à la province que les canaux soient remis au gouvernement, et je crois aussi que ce serait dans l’intérêt du public ; mais je pense, d’un autre côté, que la province devrait conserver un œil de surveillance sur les voies d’écoulement des eaux, qui est un point très important pour la Flandre occidentale.

Messieurs, en ce qui concerne la partie en amont de Gand, si je voyais exécuter le projet de l’honorable M. Nothomb, je serais parfaitement rassuré ; car, si ce projet est exécuté, on pourrait toujours se rendre maître des eaux ; il n’y a qu’à exécuter ce projet, mais l’exécuter en son entier ; M. Nothomb a très bien compris le mécanisme de l’écoulement des eaux au long du haut Escaut et des moyens d’irrigation pour l’engrais des prairies riveraines ; mais, je le répète, il faut que l’exécution suive, et pour cela, il faut allouer de l’argent au budget ; mais quand on considère tout le tort qui arrive annuellement aux belles propriétés autour de l’Escaut, à cause du séjour des eaux sauvages hors de la saison propice, un gouvernement bien entendu ne tarderait à pétitionner aux chambres les sommes nécessaires.

Je pense, messieurs, que l’on va mal appliquer les fonds demandés au budget ; je ne critique point ceux destinés au dévasement du canal d’Eyne ; car c’est un travail de première importance et nécessité, et le bien qu’il en résultera pour l’écoulement des eaux sera immense ; mais on doit prolonger ce canal de rigoles jusque dans les prairies de Mooreghem et de Peteghem, et aussi faire une ouverture analogue dans les fossés de fortifications de la ville d’Audenaerde ; mais au lieu de continuer alors les travaux de dévasement et de restauration dans la continuation des prairies qui succèdent à la rigole d’Eyne, et sur la descente jusque près de la ville, on va faire un travail à Seeverghem et à Zwynarde, et on néglige la belle rigole d’écoulement de Synghem, Asper, Gavre et d’Eck, qu’on travaille aux deux bouts et qu’on néglige l’intermédiaire. On sent donc que les dépenses vers Gand, faites avant qu’on travaille aux canaux intermédiaires, seront presque faites sans fruits, car l’envasement aura lieu avant que dévasement aura lieu dans les rigoles qui sont entre le canal et les communes de Seeverghem et Zwynarde.

Je dis, messieurs, que nos anciens règlements sont suffisants. Le gouvernement français a si bien compris la bonté de notre ancienne législation. Malheureusement les lois dont il s’agit ne sont pas exécutées. Depuis l’organisation communale on s’en occupe si peu que cette partie de la petite voirie est entièrement abandonnée et sans aucune surveillance, et cela au détriment des belles propriétés qui en souffrent presque tous les ans considérablement.

Il ne faut pas seulement que le gouvernement s’occupe des wateringues, il faut nécessairement qu’il fasse exécuter les travaux dans la rivière, qui ont été projetés par M. Nothomb, car les wateringues ne pourront agir pour l’écoulement des eaux de l’intérieur, quand il n’y a pas de moyen d’écoulement dans la rivière et que les coupures et les barrages ne soient exécutés ; c’est là le principal objet sur lequel j’appelle l’attention du gouvernement.

D’ailleurs le projet des wateringues a été proposé par la commission ad hoc, qui a été nommée il y a deux ou trois années, et qui a fait un rapport très détaillé sur cet objet, la commission a approuvé entièrement le projet de travaux à faire dans la rivière, tels qu’ils avaient été proposés par le ministre d’alors ; la commission a surtout émis le vœu que nos anciens règlements sur les eaux, ceux de 1740 et 1741, soient ponctuellement exécutés et à présenter un projet de création de wateringues.

Comme j’ai la parole, messieurs, je dirai deux mots relativement au chemin de fer. J’ai entendu faire l’éloge du chemin de fer, mais je crois qu’on ne l’a envisagé que sous un seul point de vue.

Sous celui de la vitesse qu’on parcourt des distances, sans envisager l’autre côté et sans voir les énormes dépenses où il entraîne le pays et sans apprécier l’intérêt qu’en retire le commerce et les divers branches d’industries, qui sont en grande souffrance et qu’on laisse en souffrance, desquelles on n’a pas le même soin que pour le chemin de fer.

Je demanderai à l’honorable député de Verviers, qui a dit tant de bien du chemin de fer, ce que l’industrie et le commerce de Verviers et des environs ont gagné à cette création ? Pense-t-il que l’industrie drapière obtiendra de nouveaux débouchés vers l’étranger par tous les chemins de fer du pays, pense-t-il que les fabriques de Verviers iront mieux ? Pense-t-il que le chemin de fer portera plus d’aisance chez les ouvriers de Verviers, pour ma part, je crains que non.

Je crois qu’il vaudrait beaucoup mieux faire de bons tarifs et conclure des traités avantageux. Quant aux chemins de fer qui a coûté tant de millions, je crains fortement qu’il ne sera en définitive qu’un objet de luxe qui ne procurera aucune avantage à l’industrie et au commerce.

Comme on l’a dit tout à l’heure, messieurs, le chemin de fer est un véritable syndicat ; le chemin de fer est tout à fait en dehors de la loi ; il ne respecte rien, il passe sur tout ; une fois qu’il s’agit du chemin de fer, on marche en avant sans le moindre égard aux lois. S’agit-il par exemple de travaux à exécuter, alors que dans d’autres branches du service on fait des adjudications pour la moindre construction, pour un objet qui doit coûter 500 francs, par exemple, on dépense un demi-million pour le chemin de fer, sans la moindre publicité. Je vous prie, messieurs, de voir à cet égard ce que porte la page 39 des observations de la cour des comptes.

Sous le gouvernement de Guillaume, tout ce qui dépassait une somme de 500 florins était l’objet d’une adjudication publique. Aujourd’hui, messieurs, on adjuge sans la moindre publicité des travaux considérables pour le chemin de fer, qui absorbent des millions, qui est la seule cause de notre dette publique.

On a dit hier, à propos de la proposition des honorable députés du Luxembourg et des ouvrages à exécuter dans la Campine, que certainement ceux qui ne jouissent pas du chemin de fer doivent avoir une compensation.

Personne, plus que moi, messieurs, n’est disposé à consentir à l’établissement de routes et de canaux dans le Luxembourg et dans la Campine. Cependant il faudrait aussi que d’autres localités qui non seulement ne profitent pas du chemin de fer, mais pour lesquelles le chemin de fer est la cause de pertes considérables, il faudrait aussi que ces autres localités reçussent une compensation. Eh bien, messieurs, il est un moyen bien simple d’indemniser toutes ces localités sans donner lieu à des abus ni à des dépenses. M. de Puydt a indiqué hier ce moyen par lequel on éviterai cette faute immense que l’on a commise en faisant construire le chemin de fer en régie. Si l’on adoptait la proposition dont M. de Puydt a parlé, il n’y aurait pas de régie et l’on amènerait la construction de travaux considérables d’utilité publique.

(Moniteur belge n°50 du 19 février 1841) – M. de Mérode – Lorsque nous avons traité, dans les budgets votés précédemment, les questions d’économie, j’ai dit, messieurs, que les seuls budgets sur lesquels on pourrait faire des économies notables, étaient les budgets de la guerre et des travaux publics. Je n’ai pas affirmé que ces économies, possibles à la rigueur, seraient bien entendues ; mais j’ai dit que, sans bouleverser l’ordre intérieur, on a la faculté de réduire sur ces budgets des sommes considérables. En effet, se présente-t-il un empêchement absolu de remettre à une époque plus éloignée l’achèvement de certains chemins de fer de secondaire utilité ? ne peut-on pas se contenter d’achever les routes commencées et renoncer provisoirement à de nouvelles entreprises ?

Evidemment, la Belgique peut exister l’année prochaine et les années suivantes avec les moyens de communication qu’elle possède maintenant. La Belgique peut aussi exister provisoirement avec une armée très restreinte, servant d’auxiliaire à la gendarmerie et n’ayant, du reste, que peu ou point d’importance militaire quant à l’extérieur. Avec ce système on payerait peu d’impôts, mais il serait loisible d’inscrire sur les frontières belges : « pays à occuper et à tondre par le premier venu. »

Assurément, ce n’est pas moi qui appuierai ce système économique. J’ai toujours professé l’opinion, et je la maintiens encore, que le suprême bonheur social n’est pas de payer un dixième de contributions en moins lorsque les besoins sociaux réclament l’emploi judicieux de ce dixième. Mais si je regrette beaucoup l’immense développement donné aux chemins de fer, c’est qu’à mes yeux, dans ce développement exagéré ne se trouve point le meilleur usage des ressources du trésor et du crédit publics. Malheureusement cette fausse application de nos moyens a été le résultat de l’esprit local. Chacun a voulu son chemin de fer, et la complaisance ministérielle, qui cherche à capter la bienveillance de tous, est venue en aide aux prétentions nuisibles à la généralité ; car créer des choses d’utilité secondaire, au préjudice d’objets plus profitables, c’est évidemment agir au détriment de l’Etat.

Que l’on ajoute au désir des ministres de se concilier beaucoup de voix, l’envie de faire parler d’eux, de s’entendre proclamer créateur de tel ouvrage colossal dont ils récoltent les honneurs, tandis que les frais de construction ne leur coûtent rien, et vous connaîtrez la cause de ces travaux commencés de toute part ; tandis que la prudence et l’économie commandaient de ne les entreprendre que successivement.

Je dois dire en passant, toutefois, que si l’honneur appartient à quelqu’un dans l’introduction des rails ways en Belgique, c’est d’abord au Roi, puis à M. de Theux, que la caricature représentait avec son chemin de fer en projet sur le dos remplacé maintenant en réalité par le trésor public, puis à M. Rogier qui a commencé l’exécution, puis à M. Nothomb qui l’a considérablement élargi et lancé en tous sens, enfin aux divers ingénieurs, lesquels méritent sans doute d’en recueillir une bonne partie ; et l’on doit convenir que la manière dont cette grande exploitation est dirigée dans son ensemble, est digne d’éloges et sert de modèle aux étrangers.

En examinant le rapport de la section centrale, on voit qu’elle ne retranche rien sur les dépenses des chemins de fer, elle a donc trouvé que toutes les dépenses étaient urgentes, doubles voies stations, etc., elle réduit les fonds demandés pour d’autres routes, de 200 mille francs ; c’est là, selon moi, un triste résultat économique, et je ne conçois pas qu’il ne soit mieux entendu de retrancher certaines parties des doubles voies de fer, que les 200 mille francs. Quant aux tarifs, la section n’en dit mot. C’est cependant une question essentiellement liée aux dépenses, puisque par les tarifs seuls on peut obtenir la compensation des dépenses. Ce sont deux idées connexes assurément que celles des dépenses et des recettes. Quant à moi, je le déclare de nouveau, à tout ministre des travaux publics quel qu’il soit, si le gouvernement n’est pas décidé, dans l’état actuel du trésor, à titre du chemin de fer le revenu net le plus clair, et à renoncer à l’absurde popularité qui résulte du bon marché des places, soit dans les diligences, soit dans les chars-à-banc, soit dans les wagons, je voterai contre le budget des travaux publics ; lorsque je suis prêt à adopter toutes les augmentations que le ministre des finances a demandées en ce qui concerne les voies et moyens. Lorsque je pense qu’on doit prendre davantage aux contribuables, je ne voterai pas les cadeaux ou remises pour services rendus que fera l’Etat à une classe de voyageurs privilégiés, à ceux qui sont à portée des chemins de fer et s’en servent habituellement

Nous avons appris qu’à Thielt récemment encore, les malheureux fileurs privés de lin, sont dans un état déplorable, que près de Rouleurs des manœuvres transportaient naguère des brouettes chargées de briques, à une lieue de distance ; les plus vigoureux faisaient 3 fois par jour le voyage pour la somme de 35 centimes, l’Etat ne donne à ces pauvres voyageurs aucun secours ! Puis il fait des cadeaux à ceux qui roulent en voiture sur les chemins de fer, car pour les populations nombreuses écartées de ces chemins, elles n’ont que le droit de contribuer à la générosité de l’Etat envers les autres. Elles paient des droits sur la bière, le sel, l’air et le jour qui entre dans leur demeure, par les portes et fenêtres, et peuvent ensuite voyager soit à pied, soit dans les diligences, où l’on paie 30 centimes par lieue aux entrepreneurs, en mettant 3 quarts d’heure pour la parcourir comme en venant de Wavre, de Jenappe, ou de Nivelles à Bruxelles.

Pendant que l’Etat renonce à une partie de la rétribution que mérite le transport des voyageurs par locomotives, on refuse au Luxembourg, faute d’argent, les compensations qu’on lui a promises : est-ce là de la justice distributive ? Mais non seulement on favorise au détriment général une classe de voyageurs, mais à force de raffinements pour la distribution des lettres circulant par le chemin de fer, on réduit le revenu net de la poste. Et les cabinets ambulants entre Bruxelles et Anvers augmentent les dépenses de 28,000 francs et en rapportent seulement 2 ou 300.

Une chose qui mérite encore l’attention publique, c’est la dégradation du sol par les travaux publics. Les ingénieurs coupent souvent les terrains les plus précieux qu’il serait possible de ménager, créent des remblais monstres, comme à Braine-le-Château, là où un tracé bien conçu éviterait et des frais énormes et l’enlaidissement de la contrée où l’on élève les hideuses accumulations, et l’inconvénient grave qui en résulte pour les champs, les chemins ou les habitations voisines. L’ingénieur vraiment capable n’est pas l’ingénieur magnifique, l’ingénieur à ligne droite, l’ingénieur à remblais, à déblais coûte que coûte, mais celui qui travaille pour l’utile avec des fonds sagement ménagés.

M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Messieurs, je répondrai d’abord à quelques-unes des assertions du dernier préopinant. Il a désapprouvé la section centrale de ce qu’en retranchant 200,000 francs du crédit demandé pour les routes en pierre, elle ne propose aucun réduction sur le crédit demandé pour la route en fer. Il a trouvé mauvais que la section centrale ait accordé les crédits prétendument destinés aux doubles voies, aux stations, et qu’elle ait porté les réductions sur d’autres chapitres qui, suivant lui, auraient dû rester dans leur intégralité.

Messieurs ; il y a injuste et erreur dans ce reproche, il y a injustice en ce que la section centrale, tenant compte de la réduction considérable proposée par le ministre lui-même, s’est assurée que la somme définitivement proposée, était, à l’époque, où la section centrale a examiné le budget, indispensable. Les reproches de l’honorable membre reposent ensuite sur une erreur, en ce que les sommes demandées pour le chemin de fer ne sont nullement destinées au doublement de voies ni aux stations.

C’est par la loi de l’emprunt, messieurs, que vous aurez assuré les crédits nécessaires pour l’exécution des doubles voies et des travaux de stations ; les sommes portées annuellement au budget ne sont destinées qu’à l’exploitation, c’est-à-dire à couvrir les frais d’entretien de la route, les dépenses du matériel, les frais de locomotion, les frais de perception. Pour ces dépenses ressortissant de trois services différents, nous avons demandé cette année 3,750,000 francs, c’est-à-dire 650,000 francs de plus que l’année dernière, mais par contre nous avons porté au budget des voies et moyens une somme de 1,200,000 francs de plus que ce qui y avait été porté l’année dernière. De sorte qu’au moyen d’une augmentation de dépenses de 660,000 francs, nous espérons faire produire au chemin de fer 1,200,000 francs de plus que ce qu’il a produit en 1840.

L’honorable préopinant s’est élevé en second lieu contre la réduction introduite dans le tarif du chemin de fer et contre l’ « absurde popularité » que nous voulons retirer, suivant lui, de la facilité des transports par cette voie nationale ; il voudrait que les tarifs actuels fussent augmentés afin d’apporter des ressources nouvelles au trésor public.

Jusqu’ici, messieurs, les tarifs du chemin de fer, en ce qui concerne les voyageurs, n’ont subi, de ma part, aucune espèce de modification. J’avais eu autrefois occasion de m’expliquer sur les effets désavantageux que j’attribuais à l’augmentation des tarifs du chemin de fer ; augmentations qui avaient eu lieu, je le reconnais, dans des intentions louables, dans le but de procurer plus de ressources au trésor, augmentation toutefois qui, suivant moi, n’a pas obtenu le résultat qu’on s’en était promis.

Je prie l’honorable préopinant de vouloir bien lire avec attention et avec impartialité le rapport sur le chemin de fer pour l’année 1840 ; s’il veut bien lire ce rapport avec attention et impartialité, il se convaincra qu’il ne suffit pas d’augmenter le tarif du chemin de fer pour augmenter les produits, mais qu’il s’agit de proportionner les prix du tarif à la fortune et aux habitudes des voyageurs, et qu’il peut arriver que cette augmentation, si minime qu’elle paraisse au premier abord, entraîne non seulement une perte de voyageurs, ce qui pour moi sera toujours sensible, mais aussi une perte de revenus, ce qui doit être sensible pour tout le monde.

Il résulte des renseignements que j’ai recueillis, que sous l’empire des tarifs augmentés, il y a eu perte pour le trésor et perte pour le chemin de fer, en ce sens qu’un très grand nombre de voyageurs ont cessé de circuler sur cette route.

L’honorable préopinant ne l’a pas dit aujourd’hui, mais il s’est élevé dans d’autres circonstances contre la trop grande facilité accordée aux habitants de la campagne et à la classe ouvrière, pour circuler sur le chemin de fer. Eh bien, il faut nous entendre : s’il s’agit de provoquer des déplacements de populations considérables, d’un point du royaume à l’autre, je suis d’avis avec l’honorable membre, qu’il ne faut pas provoquer, outre mesure, de pareils déplacements ; mais vous aurez beau réduire ou augmenter le tarif, vous ne provoquerez ni n’arrêterez de semblables déplacements ; car quelque réduction que vous apportiez au tarif, jamais vous ne le réduirez assez, pour que les voyages de Liége à Bruxelles, de Bruges à Bruxelles, de Gand à Liége, soient accessibles aux classes pauvres, aux classes agricoles, aux classes ouvrières.

Mais les voyages que vous devez favorisez et que l’augmentation de tarif a singulièrement restreints, pour ne pas dire supprimer, ce sont les voyages à courtes distances, les voyages du village voisin, les voyages de Duffel à Malines, de Malines à Vilvorde, de Vilvorde à Bruxelles. Je ne pense pas qu’il y ait dans cette chambre un seul membre qui puise redouter les effets de semblables voyages sur les populations ; ces voyages sont tout à fait dans l’intérêt de la classe ouvrière, de la classe agricole. Eh bien, je le répète, l’augmentation du tarif, contrairement sans doute aux vues de son auteur, a singulièrement restreint ces voyages si utiles aux deux classes dont je viens de parler.

M. de Mérode – Je demande la parole.

M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Il y a donc eu perte de voyageurs et perte de produits. Je n’ai pas besoin d’ajouter que dans tout ce que je dis ici, il n’y a rien qui porte le caractère de récrimination contre mon honorable prédécesseur. Je sais tout le zèle qu’il a apporté dans l’exercice de ses fonctions ; je sais avec quelle sollicitude il s’est sans cesse occupé de toutes les améliorations susceptibles d’être introduites dans le chemin de fer, et je suis convaincu que les résultats qui ont été amenés par les modifications apportées au tarif, lui auraient donné l’opinion que j’avais alors et que j’ai encore aujourd’hui, à savoir que cette augmentation avait manqué entièrement son but. Du reste, messieurs, les modifications ont été reconnues impuissantes et mercenaires par celui-là même qui les avait proposées ; puisque peu de temps après, on a rétabli pour certaines classes de voyages, pour certains convois, le prix primitif du tarif.

Messieurs, j’ignore où l’honorable comte de Mérode a puisé les renseignements relativement aux frais des bureaux ambulants ; je crois qu’il a fixé le montant à 28,000 francs, tandis que la recette ne s’élèverait qu’à 200 francs. Je dois déclarer que l’honorable préopinant est sur ce dernier point beaucoup plus instruit que moi : il me serait très difficile d’apprécier exactement l’influence des bureaux ambulants, sur les recettes ; mais je puis dire que l’honorable membre a été mal renseigné, s’il pense que le service de ces bureaux a donné lieu à une dépense de 28,000 francs ; ce chiffre est singulièrement exagéré, et j’engage l’honorable préopinant à recourir à des sources plus sincères.

Un autre honorable orateur qui, relativement au chemin de fer, marche à peu près sous la même bannière que l’honorable comte de Mérode, l’honorable M. Desmet, fidèle à ses antécédents, est revenu répéter à la chambre les assertions auxquelles on a répondu depuis longtemps.

Aujourd’hui cependant, il a peut-être été encore plus loin que de coutume, bien que l’expérience, bien que les faits soient venus donner un démenti complet à plusieurs de ses assertions. Ainsi, selon l’honorable député, le chemin de fer serait en quelque sorte la cause de la ruine du pays ; le chemin de fer sera l’origine de toutes les dépenses, l’origine de tous les emprunts, le chemin de fer aurait été préjudiciable à tous les genres d’industrie, le chemin de fer serait un syndicat qui engloutirait toutes les ressources du royaume, sans qu’il fût possible d’y voir clair.

Eh bien, messieurs, le chemin de fer n’est rien de tout cela, n’a rien fait de tout cela. Le chemin de fer a, il est vrai, provoqué des emprunts que la chambre a complétés par sa dernière loi, mais en même temps il a rapporté ce que ne font pas la plupart des autres emprunts ; de telle sorte qu’aujourd’hui l’on peut dire qu’il se suffit à lui-même ; que si le chemin de fer était mis dans la même position que le syndicat d’amortissement pour les routes, c’est-à-dire que si on le laissait maître de ses recettes et de ses dépenses, il n’aurait rien à demander au trésor ; il couvrirait les intérêts des emprunts ; et ce qu’il fait aujourd’hui, il le fera avec une bien plus grande facilité encore dans quelques mois.

Messieurs, l’on a dit que le chemin de fer avait été fatal à toutes nos industries. Je suis charmé que cette accusation, que certes je n’avais pas pu prévoir, me donne l’occasion d’affirmer à la chambre comment, au contraire, le chemin de fer a été de la plus haute utilité pour la plupart de nos grandes industries, des industries-mères. Il n’y a pas d’exagération à dire que le railway belge a été le soutien de nos industries-mères pendant les années les plus difficiles.

Veut-on savoir ce que le chemin de fer a rapporté directement à l’industrie des fers ? Et l’on ne comptera sans doute pas pour peu de chose l’industrie métallurgique en Belgique ; eh bien, plus de 40 millions de kilog. de fer ont été fournis pour le chemin de fer, et cela pour une somme de 17,314,000 francs. Voilà, messieurs, dans l’état actuel du chemin de fer, ce que déjà l’industrie du fer lui doit.

Si nous voulions passer à l’industrie de cette classe ouvrière dont se préoccupe l’honorable député, nous verrions que le chemin de fer a fourni également jusqu’ici à cette classe pour 24,000,000 de travaux, consistant en travaux de terrassement, ouvrages d’art, pose et fondation du railway. Pour le matériel du chemin de fer, locomotives, voitures, wagons, le chemin de fer a fourni du travail à une foule d’industries, jusqu’à concurrence de 11,758,000 francs. Enfin, il n’est pas jusqu’au bois qui, avant l’introduction du railway, se trouvait pour ainsi dire, sans valeur et sans emploi, et qui figure dans les sommes dépensées jusqu’ici pour 2,723,000 francs.

Ces détails sont consignés à la page 4 du rapport qui vient d’être distribué.

Ce que je viens de dire se rapporte à l’utilité directe du chemin de fer pour un très grand nombre d’industries. Je ne parle pas des services journaliers qu’il leur rend et qu’il est appelé à leur rendre ; il n’est pas possible d’apprécier ces services, mais je puis dire qu’ils sont incalculables.

Suivant l’honorable préopinant, il paraîtrait qu’au chemin de fer on violerait impunément toutes les lois, les lois de comptabilité, les lois d’adjudications, que des travaux considérables seraient construits sans adjudication publique.

L’honorable préopinant a invoqué l’autorité de la cour des comptes pour soutenir cette assertion. Eh bien, l’autorité de la cour des comptes a été mal invoquée. Si l’honorable député avait lu tout le rapport de la cour des comptes, il aurait remarqué que, loin de blâmer le ministère, cette cour des comptes a reconnu, au contraire, qu’on avait fait, sous ce rapport, de très grands progrès tant sous l’administration actuelle que sous l’administration précédente. On a successivement appliqué le mode d’adjudication publique à toutes les fournitures, sauf pour quelques-unes qui ne sont pas susceptibles d’être livrées par cette voie, par exemple, les locomotives ; mais à part un petit nombre d’exceptions, tout le reste est fourni aujourd’hui par adjudication publique.

Non pas que je veuille dire que ce soit toujours le mode le plus prudent, le plus sage, le plus économique. Mais, il faut bien l’avouer, il s’attache à tout ce qui concerne le chemin de fer une telle défiance, des accusations tellement multipliées ; tant de jalousies, tant de passions ont été éveillées, que l’administration a été en quelque sorte entraînée, malgré elle, à donner de la publicité à toutes ses opérations, publicité qui est poussée jusqu’au luxe, jusqu’à l’exagération ; en telle manière qu’il ne se passe pas un marché par adjudication publique ou par soumission, qui ne reçoive les honneurs de l’impression. Les conditions sont imprimées et distribuées à un grand nombre d’exemplaires, et distribuées à profusion dans tout le royaume. Je dis donc que, pour la publicité des opérations du chemin de fer, il y a luxe et exagération.

Messieurs, l’honorable député d’Ypres a exprimé le regret que la section centrale ne se fût pas montrée plus sévère dans l’appréciation des dépenses proposées par le ministère. Il aurait voulu voir repousser toutes les dépenses susceptibles d’ajournement, toutes les dépenses qui n’étaient pas nécessaires. Mais, messieurs, je crois que ce travail a été fait très consciencieusement par la section centrale. La section centrale a recherché avec beaucoup de soin, avec sévérité et a repoussé toutes les dépenses qui ne lui ont pas paru porter ce caractère de nécessité ; et toutes celles qui lui ont paru susceptibles d’ajournement, elle les a ajournées. La dépense en ce qui concerne l’instruction publique, les lettres, sciences et arts, lui a paru susceptible d’ajournement, elle a tout ajourné sans demander d’explications, sans donner de motif.

Il ne faut pas croire que le ministre soit venu à la légère, sans réflexion, présenter ses propositions. Il savait fort bien que le moment n’était pas venu de proposer des dépenses susceptibles d’ajournement quand il devait demander des augmentations d’impôt. C’était une pensée qui devait se présenter naturellement à l’esprit du ministre au moment de rédiger son budget, que celle de modérer ses demandes en présence des augmentations d’impôt qu’il allait aussi demander. Aussi s’est-il borné à demander le strict nécessaire, et n’a-t-il rien proposé qui portât le caractère d’exagération.

Pour les routes, peut-on dire qu’il y a exagération quand on se contente d’un million pour toutes les routes du royaume, lorsque nous voyons de toutes les provinces et d’un grand nombre de communes surgir des demandes de subsides ? La dotation d’un million, c’est la somme nécessaire pour faire dix lieues de route, une lieue par province. Peut-on dire qu’il y a là exagération. Voilà pourtant une dépense sur laquelle la section centrale a fait peser sa sévérité, sur laquelle elle a proposé une augmentation de 486,000 francs. Eh bien, cette augmentation n’a pas été jugée susceptible de réduction par la section centrale, parce que les motifs donnés à l’appui de la proposition, par le ministre, ont démontré l’utilité d’une telle somme.

Depuis que le gouvernement a retiré à lui l’administration des fleuves et rivières le devoir lui incombe de les entretenir. Tant que ces voies navigables ont été à la disposition des provinces, elles sont restées dans un état déplorable, dans un état désastreux, à l’état sauvage, à l’état de nature. Maintenant qu’elles sont reprises par le gouvernement, et nous devons en savoir gré à mon prédécesseur, aujourd’hui, dis-je, qu’elles sont rentrées dans les mains du domaine, il faut que le domaine administre cette partie de la richesse publique, avec le même soin que les autres parties qui lui sont confiées.

Une autre augmentation est celle qui est proposée pour la poste rurale. Elle est de 70 mille francs, pour rendre quotidien le service de la poste rurale. Un honorable préopinant vient de dire qu’aussi longtemps que ce service ne sera pas quotidien, il y aura plutôt perte que bénéfice à le continuer, qu’il en résulte surtout un grand désavantage pour les communes qui, d’après l’ancien système, avaient un service quotidien préférable au transport alterné qu’elles ont aujourd’hui. Cette somme de 70 mille francs a également été reconnue utile par la section centrale. Ainsi donc, à part la réduction que la section centrale a fait subir à la partie du budget qui concerne l’instruction publique, les lettres, sciences et arts toutes ces réductions, je ne parle pas de réductions minimes que nous examineront à chacun des articles qu’elles concernent, toutes ces réductions n’ont porté que sur le fonds des routes qu’elle propose de réduire de 200,000 francs.

J’ai déjà dit que sans doute je ne défendrai pas à toute extrémité toutes les augmentations que j’ai proposées, mais je pose en fait que si je passais facilement condamnation sur cette réduction de 200,000 francs, beaucoup de membres me sauraient mauvais gré de l’accepter. J’en suis convaincu, chacun des membres sent la nécessité de cette dépense. Mon opinion est que le ministre ne pourrait pas, dans que sa conduite fût mal appréciée par la généralité, consentir à la réduction proposée. La section centrale ne l’a faite qu’avec une espèce de regret. En lisant son rapport, je vois bien qu’elle laisse ouverture au rétablissement de la somme d’un million.

Je crois utile d’entrer dans ces détails pour enlever au budget du département des travaux publics le caractère d’exagération que quelques membres, qui ne l’ont peut-être pas étudié assez attentivement, ont voulu lui assigner dès le principe. J’ai toujours dit que, quand nous en viendrions à l’examen des articles, tous ces reproches d’exagération viendraient à tomber. Ils ne sont pas encore entièrement tombés, mais ils sont singulièrement amoindris. J’espère que la discussion prouvera que nous avons procédé avec circonspection, et que dans les propositions que nous avons faites, nous avons tenu compte, non pas de l’état désastreux de nos finances, car nous trouvons que l’état de nos finances, loin d’être désastreux, est très bon ; mais de l’obligation où nous étions de venir demander l’augmentation de quelques impôts, augmentation qui, d’ailleurs, n’a pas produit dans le pays une impulsion aussi fâcheuse qu’on le suppose, qui a été reconnue utile et nécessaire et qui ne portera préjudice à aucun intérêt sérieux. Quoi qu’il en soit, en supposant que la chambre admît toutes les réductions proposées, ce serait une somme de 424,000 francs dont elle dégrèverait le trésor ; cela ne nous ferait pas échapper l’obligation impérieuse de mettre nos ressources au niveau de nos besoins. Ce n’est pas en diminuant le budget des travaux publics de 424,000 francs que vous créerez ce miracle. Force sera donc encore de voter une augmentation d’impôt pour couvrir le déficit.

M. Pirmez – A propos de la discussion générale, je me permettrai de demander à quoi en sont les travaux du chemin de fer de Braine-le-Comte à Charleroy. Je ne crois pas qu’il ait été fait jusqu’ici le moindre travail. Je désire savoir si on se mettra bientôt à l’œuvre. Je ne pense pas que l’argent manque, et le travail est assez beau pour qu’on puisse commencer à travailler.

M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Les études du chemin de Charleroy sont entièrement terminées, ainsi que les tracés ; ils ont été soumis au conseil des inspecteurs et ingénieurs ; le rapport vient de nous arriver il y a trois jours. Incessamment, je ferai procéder à l’adjudication des travaux.

M. Jadot – Messieurs, le canal de Meuse et Moselle est acquis au Luxembourg, en vertu d’un contrat passé entre le gouvernement et une société qui en a obtenu la concession.

La canalisation (Erratum inséré dans le Moniteur du 21 février 1841: ) de l’Ourthe, qui devait être achevée en 1831, ne l’est pas encore aujourd’hui, et au lieu de s’améliorer, la navigation de cette rivière devient de jour en jour plus difficile.

Les pertes immenses qu’un retard de 10 ans a fait éprouver au Luxembourg, et celles qu’il éprouvera encore jusqu’à l’achèvement des travaux, sans l’effet de la révolution, le pays tout entier en est solidaire.

Les événements de 1830 ont pu justifier la société concessionnaire du reproche de n’avoir pas rempli ses engagements dans le délai fixé par le contrat, mais ils n’autorisent pas le gouvernement à permettre que cette société suspende indéfiniment ses travaux.

Victime de cet état de choses, les habitants du Luxembourg ont élevé de justes plaintes.

Le gouvernement avait d’abord paru disposé à y faire droit, en accueillant les propositions de la société concessionnaire qui consentait à reprendre ses travaux, sous certaines conditions ; et je tiens d’un employé supérieur des ponts et chaussée, que ces conditions étant de nature à être acceptées, le gouvernement n’en a pas voulu, et lorsque de nouvelles plaintes sont venues rappeler cet objet à son attention, il s’est retranché derrière un procès qui dure depuis plus de trois ans et qui ne semble pas destiné à finir de sitôt.

Ce canal, alors même qu’il ne serait exécuté que depuis la Meuse jusqu’à La Roche, serait un bienfait inappréciable pour le Luxembourg auquel il rendrait possible le transport de ceux de ses produits dont le volume et le poids ne permettent pas le déplacement par les voies de terre, à cause des frais de barrières qui absorberaient presqu’entièrement la valeur ; il lui permettrait d’ailleurs de se procurer à meilleur marché la houille et la chaux dont il besoin pour le défrichement de son sol.

Le précédent gouvernement, qui avait su en apprécier tous les avantages, s’est appliqué à les réaliser ; le gouvernement actuel semble au contraire avoir tout fait pour l’en priver : Le Luxembourg devait être sacrifié en tout, il l’a été.

On lui a promis un embranchement du chemin de fer, mais les frais de sa construction devant être immenses et son produit nul ou à peu près, on a pensé que dans l’intérêt du trésor, il fallait y renoncer, sauf à accorder à cette province, en compensation, quelques routes dont elle a le plus grand besoin ; en conséquence, des députés dont je fais partie, ont demandé qu’un crédit de deux millions fût ouvert pour la construction de ces routes.

Cette proposition a été renvoyée aux sections pour y être examinée en même temps que le budget des travaux publics.

On devait donc s’attendre à ce que section centrale s’en expliquerait, mais son rapport sur ce budget n’en fait mention que pour dire que si le gouvernement, d’accord avec la province, renonce à la continuation de cet embranchement, il pourra, lorsque le moment lui paraîtra favorable, présenter d’autres projets plus utiles pour cette province. Je crains bien que ce moment ne se fasse attendre aussi longtemps que la reprise des travaux du canal. Le moment de soulager n’est-il donc pas celui où l’on souffre ?

On me dira peut-être que l’on a fait une large part au Luxembourg dans les emprunts de six et deux millions et dans l’excédant du produit des barrières, mais cette large part a une bien faible importance si on la compare à ce qui revenait au Luxembourg dans les 125 millions empruntés pour des chemins de fer à exécuter ailleurs que sur son territoire qui en sera entièrement privé.

La position excentrique du Luxembourg ne lui permet pas de profiter des avantages que procurent au reste du pays les énormes sacrifices et le tribut pour la liberté de l’Escaut imposé au trésor et dont toutefois il supporte sa part. Ainsi, pour le Luxembourg, point de chemin de fer, point de canaux, peu de routes, point d’établissements aux frais de l’Etat, point d’établissements militaires, point de ces travaux extraordinaires qui font refluer dans les autres provinces une partie des contributions qu’elles versent au trésor ; les dépenses qui se font dans le Luxembourg se bornent à peu près aux traitements des fonctionnaires et à ceux des curés et vicaires dont le nombre est d’ailleurs insuffisant pour les besoins des églises et des chapelles, ce qui oblige un grand nombre d’habitants à parcourir de grandes distances pour remplir leurs devoirs religieux, et tandis que l’on contracte des emprunts ruineux dans l’intérêt du reste du pays, on dépense à peine dans le Luxembourg la moitié de ce qu’il rapporte au trésor. Ainsi la pauvre province secoure les riches au lieu d’en être secourue. Cet état de choses est d’autant plus affligeant que rien n’en fait entrevoir le terme.

Dans sa réponse au discours de l’honorable M. d’Hoffschmidt, M. le ministre des travaux publics manifeste des intentions bienveillantes envers le Luxembourg. Je crois à sa loyauté, je crois à la sincérité de ses promesses, mais les intentions, les promesses seront stériles sans le concours des chambres, c’est pourquoi j’ai cru devoir rappeler à celle où j’ai l’honneur de siéger ce que le Luxembourg a perdu par la révolution, afin que le gouvernement né de cette révolution vienne à son secours.

M. Demonceau – La discussion du budget des travaux publics est certainement une des plus importantes qui auront lieu pendant cette session. Chaque chapitre de ce budget pourrait donner en quelque sorte lieu à une discussion générale. Je me restreindrai donc, autant que possible, dans ce que l’on peut envisager comme acte d’administration générale, pour l’abréger le plus que je pourrai. Je commencerai par examiner la question qui a été soulevée dans une séance précédente et qui a été reproduite dans celle-ci. Cette question est celle de savoir si les recettes du chemin de fer devraient être données à l’administration des finances. Cette question a été soulevée plus d’une fois, et chaque fois que, pour mon compte, je me suis mis en relation avec l’administration du chemin de fer et l’administration des finances, je suis resté convaincu que dans l’état actuel des choses, il n’y avait guère possibilité de transférer les recettes du chemin de fer au département des finances. Je me suis assuré que le contrôle qui s’exerce avec le système adopté à l’administration du chemin de fer était plus certain que d’autres contrôles qui existent dans l’administration des finances. J’ai trouvé cette certitude dans les registres à souche tenus dans l’administration du chemin de fer. Je sais que la comptabilité du chemin de fer échappe à l’examen de la cour des comptes. Mais ce n’est pas la seule branche de notre administration qui échappe à l’examen positif de la cour des comptes.

Il existe au ministère des finances des recettes que la cour des comptes ne peut pas vérifier. Au moins au ministère des travaux publics on peut vérifier.

Je vais vous citer une des recettes qui se font au ministère des finances que la cour des comptes ne peut vérifier : c’est le produit des droits de barrières ; tandis que les baux dont la cour des comptes est en possession élèvent les recettes à une somme de tant, les bordereaux de recettes envoyés à la cour établissent une somme inférieure. D’où provient cet inconvénient ? Je l’ignore. Mais j’appelle sur ce point l’attention du gouvernement.

Il existe au ministère des finances une autre administration qui échappe en quelque sorte constamment au contrôle de la cour des comptes. C’est l’administration de l’enregistrement et des domaines. La cour des comptes se plaint avec raison, selon moi, qu’elle est réduite à se contenter des bordereaux qui lui sont remis par l’administration de l’enregistrement et des domaines. Quant à la vérification dans le but de savoir si les recettes portées dans ces bordereaux sont conformes à l’avoir du domaine, la cour des comptes n’a aucun moyen de la faire. Cela tient à ce que nous sommes toujours en retard de régler notre comptabilité en relation avec la cour des comptes ainsi que la constitution l’a établi.

Mais sous un autre point de vue, l’administration du chemin de fer ne donne pas à l’Etat les mêmes garanties que l’administration des finances, en ce que les comptables du chemin de fer ne sont pas assujettis à un cautionnement. Il me semble qu’ils devraient y être assujettis.

Tout l’inconvénient qu’on pourrait signaler à laisser à l’administration du chemin de fer la perception de ses produits, c’est que cette administration fait plutôt du chemin de fer un objet de luxe (qu’on me passe l’expression) qu’un objet financier. Il pourrait se faire que le ministre de finances, qui doit, par la nature de ses fonctions, percevoir ou fournir tous les fonds nécessaires à l’administration du pays, trouvât des revenus où l’administration du chemin de fer n’en trouverait pas dans la crainte de compromettre la réputation du chemin de fer. Sous ce rapport, il serait peut-être utile que le ministre des finances eût dans ses attributions le règlement du tarif. Je ne prétends pas pour cela que l’augmentation du tarif puisse augmenter les recettes actuelles du chemin de fer. Mais je me permettrai d’émettre une opinion qui est chez moi une convention, et dont on fera du reste ce qu’on voudra. Il y aurait moyen, non pas d’augmenter les produits du chemin de fer, mais d’en diminuer les dépenses : ce serait de diminuer le nombre des départs autant qu’on pourrait le faire sans nuire au service. Plus vous diminuez les départs, plus vous diminuez la dépense du combustible, et moins vous usez le matériel.

Je passe à un autre ordre d’idées qui m’est suggéré par la discussion. Les uns pensent qu’on pourrait sans inconvénient se borner aux dépenses nécessaires et ajourner les dépenses simplement utiles. Je vous avoue que je suis de ce nombre. Je voudrais, sans contester en aucune manière l’utilité de dépenses proposées par M. le ministre des travaux publics, qu’il fût possible d’en ajourner quelques-unes, parce que toutes ne sont pas pour le moment d’une nécessité absolue. D’autres pensent qu’il ne faut pas s’arrêter dans les dépenses. D’autres enfin croient que le chemin de fer nous a ruinés. Ainsi, d’après les uns, on a trop fait, d’après les autres, on n’a pas fait assez. Il faudrait, selon eux, que l’Etat garantît encore un intérêt quelconque à des entreprises dont la dépense est évaluée à 100 millions au moins. Pour moi, je pense qu’il faut borner, autant que possible, nos dépenses en les comparant avec nos ressources du moment.

Quant à la construction du chemin de fer, elle est aujourd’hui garantie. Vous n’avez plus à vous occuper des dépenses de construction. Vous avez à voter une loi, qui probablement a reçu aujourd’hui son exécution complète, pour la réalisation des fonds nécessaires à son achèvement. Vous avez été informés de tout ce que coûtera le chemin de fer par le rapport qui a été fait sur le projet de loi d’emprunt. Je reconnais qu’il en aura coûté beaucoup au pays pour le construire ; mais je pense aussi que , sous le rapport moral et politique, comme sous le rapport financier, le pays peut espérer beaucoup du chemin de fer.

Je ne dis pas que, pour le moment, le chemin de fer produit, ainsi que l’a dit M. le ministre des travaux publics, 4 p.c. du capital dépensé. Je crois qu’il y aurait de la témérité à avancer qu’il produit 4 p.c. Mais ce que j’ai dit dans d’autres circonstances, je le dirai encore dans ce moment : le chemin de fer se suffira à lui-même, mais quand il sera complètement achevé ; pour cela il faut que les frais d’administration soient restreints autant que le comporte l’intérêt du trésor combiné avec l’intérêt de ceux qui parcourent le chemin de fer ; alors il produira, je pense, les fonds nécessaires non seulement pour payer l’intérêt du capital dépensé, mais encore pour amortir ce capital.

Mais pour calculer le prix du chemin de fer, je ne pense pas qu’il faille se borner, comme l’a fait M. le ministre des travaux publics, à tenir compte des fonds déboursés pour le construire. Il faut y joindre les sommes qu’il a fallu dépenser pour obtenir ce capital et les intérêts qui ont été perdus pendant que le chemin de fer ne produisait pas. Sous ce rapport, je suis parfaitement d’accord avec M. le ministre des finances lui-même ; car lorsqu’il a présenté le projet de loi d’emprunt, c’est ainsi qu’il a opéré. Il suffit, pour s’en convaincre de jeter les yeux sur l’exposé des motifs à l’appui de ce projet de loi.

Je ne sais s’il est nécessaire de répondre à un honorable préopinant qui a cru que le chemin de fer n’était pas nécessaire à certaines localités qu’il traverse. Je crois que nous nous en sommes expliqué assez longuement dans d’autres circonstances.

Je me bornerai à assurer à cet honorable préopinant, que si je n’étais pas certain que le chemin de fer fût utile non seulement à la localité qui m’a délégué dans cette enceinte, mais encore au pays tout entier, il n’obtiendrait pas mon assentiment.

Je n’ai plus qu’un mot à dire ; c’est pour tâcher de m’expliquer sur quelques-unes des objections faites par l’honorable M. Nothomb contre les observations faites hier par les honorables MM. Lys et Van Cutsem. Ces honorables membres n’insisteraient pas, je crois, pour que l’administration des recettes du chemin de fer passât au département des finances, si cette administration offrait les avantages qu’ils demandent, c’est-à-dire, si les comptables du chemin de fer étaient soumis à un cautionnement, et si la perception par cette administration n’était pas plus coûteuse qu’elle ne le serait, selon eux, par l’administration des finances. Vous savez que les rentrées faites par le département des travaux publics coûtent 10 p.c. ; au moins, tandis que celles opérées par le département des finances et même des postes coûtent 5 p.c. au plus. Cela nous conduit à cette conséquence que les employés du chemin de fer sont trop bien payés, ou qu’ils sont mieux payés que les employés des finances.

M. de Mérode – Messieurs, je me suis tenu dans la question économique, dans la question financière. Je n’ai point attaqué l’introduction des chemins de fer en Belgique, je l’a approuvée. J’ai dit seulement que ces chemins avaient été trop multipliés.

Mais comme tout regret exprimé sur des effets accomplis est inutile s’il n’amène pas un résultat pratique, j’ai fait observer à M. le ministre des travaux publics comme à ses collègues et à la chambre entière, que puisque nous manquons de voies et moyens, il faut d’abord demander à ceux à qui on donne quelque chose, avant de prendre davantage à ceux à qui on prend déjà sans rien leur donner. Si l’augmentation des places devait diminuer le revenu et des chemins de fer, il faudrait se garder d’y recourir, mais je demande que le gouvernement suive, à cet égard, l’exemple des entrepreneurs de diligences. Qu’il ne s’occupe pas seulement d’attirer des quantités de voyageurs mais qu’il cherche à en avoir le nombre qui fournit la recette la plus profitable. Je ne veux empêcher personne de voyager, mais je ne veux pas non plus que l’Etat paie tout ou partie des voyages. Que font les particuliers placés dans certaines situations déjà suffisamment privilégiés ? Si le trésor public possédait un excédant, il devrait l’employer d’abord à soulager les misères les plus graves, et jusqu’à présent les vêtements, la nourriture ont été considérés comme les plus puissants besoins.

Je m’oppose donc à ce que l’on soit large pour des besoins bien moins urgents quand on ne peut rien faire pour les autres. Que dis-je ? quand on est forcé de prélever des droits sur l’air et le sel. Lorsque M. le ministre des travaux publics me prouvera qu’il s’occupe, avant tout, des intérêts du trésor dans la fixation du prix des places et du nombre des convois, je serai satisfait ; sinon, il me sera impossible d’accorder au même trésor un accroissement de contributions que je suis disposé à voter, puisque nos finances les demandent et d’adopter le budget des travaux publics.

A l’égard de la poste aux lettres, je demande aussi que tout raffinement trop coûteux soit écarté les cabinets ambulants amènent à leur suite des distributions trop fréquentes dont la multiplicité augmente les frais sans augmenter les recettes en proportion. Au surplus, nous verrons comment le ministère parviendra à balancer les recettes et les dépenses, si on s’écarte des principes que je cherche à faire prévaloir.

(Moniteur belge n°51 du 20 février 1841) M. Duvivier – Messieurs, dans la séance d’hier, notre honorable collègue, M. Desmaisières, a prononcé un discours fort étendu ; il est une censure quelque peu sévère de tout ce qui s’est fait en matière de finances avant l’avènement de son auteur au ministère, notamment de 1832 à1834, époque où j’avais l’honneur de faire partie du ministère.

Ce n’était pas peut-être à l’occasion du budget des travaux publics qu’un pareil discours eût dû être prononcé ; mais enfin, il l’a été et la preuve que ce n’était ni le temps, ni le lieu, c’est qu’aucun article particulier du budget qui nous occupe ne permettra d’y faire une réponse, si toutefois il est reconnu utile d’en faire une.

Je ne puis, messieurs, dès à présent, me prononcer à cet égard, puisqu’un document dont ce discours doit être appuyé n’a pas paru encore dans le journal officiel. Force est donc d’attendre, mais je viens prier la chambre de me permettre d’espérer qu’elle ne trouvera pas mauvais que je réclame la parole, avant le vote du budget, si je le crois nécessaire, pour répondre à l’honorable M. Desmaisières.

M. Desmet – M. le ministre des travaux publics, en me répondant, vous a dit que je suivais la même marche que l’honorable comte de Mérode en ce qui concerne le chemin de fer. Je me félicite, messieurs, de marcher sous un bannière aussi respectable, sous une bannière aussi honorable que celle de l’honorable comte.

M. le ministre vous a dit d’une manière assez peu parlementaire que je recevais des démentis à tout ce que j’avais avancé. Eh bien je vais vous prouver que je n’ai pas reçu de démenti à ce que j’ai avancé.

D’abord, je demanderai si ce n’est pas le chemin de fer qui est cause que la Belgique a une dette publique aussi forte. Je vous ai dit que depuis que la Belgique était Belgique, jamais elle n’avait eu de dettes aussi fortes ; qu’on se reporte aux époques où elle était sous le régime autrichien, sous le régime français ou sous le régime hollandais.

D’ailleurs, je ne suis pas le seul qui le dise. Vous avez entendu tout à l’heure l’honorable M. Jadot. Il vous a parlé aussi des emprunts ruineux qu’on a dû faire et qui imposent de très fortes charges au Luxembourg, sans rien recevoir en compensation. Ce sont les chemins de fer seuls qui sont la cause de ces emprunts.

M. de Mérode – Pas seuls.

M. Desmet – A peu près seuls !

On vous a dit que si l’industrie souffrait, la construction des chemins de fer était une source de revenus pour les ouvriers. Mais on ne sait pas toujours ce qui se passe dans son propre ministère. Est-ce que vous croyez que toute la dépense que vous faites pour la construction des chemins de fer va dans la poche de l’ouvrier ? Je connais une entreprise de 117,000 francs qui n’a profité aux ouvriers que pour 20,000 francs.

On a dit aussi qu’on dépensait de l’argent dans l’intérieur du pays pour les fers. C’est dire que sans le chemin de fer il n’y aurait plus d’industrie dans le pays ; mais c’est ici qu’on reconnaît toute la misère qui existe dans le pays, qu’on doit faire travailler pour consommer nos propres produits, qu’on ne sait les placer à l’étranger ; mais, messieurs, songez-y bien, c’est la taxe des pauvres masquée.

J’aurais voulu que le gouvernement fît autant de dépenses en faveur de l’industrie du lin et des toiles ; nous ne verrions pas autant de misère ni d’ouvriers sans pain ; qu’on aille dans les Flandres, combien y est grande la misère.

En second lieu on a cité les bois. Je dirai que c’est probablement pour multiplier la dépense qu’on a employé le bois tendre. Jamais on n’a vu de pareil abus, que de mettre sous terre du bois blanc. Je le répète, si on l’a fait en vue de multiplier les dépenses, on n’aurait pu mieux réussir. On aurait dû faire comme en Allemagne, épargner les dépenses du pays et employer du bon bois de chêne. C’est ce qu’avait commencé à faire l’honorable M. Nothomb. D’ailleurs on sait fort bien que le bois est devenu un besoin pour le pays ; on doit faire venir des sapins du Nord, c’est une matière première qu’on doit laisser entrer de l’étranger.

On a voulu me donner un démenti à ce que j’avais dit relativement à la cour des comptes. Mais son rapport est clair ; elle vous cite article par article, les dépenses sur lesquelles elle n’exerce pas de contrôle. Elle vous critique amèrement ; elle vous dit que sous le régime hollandais, on observait mieux la loi.

Je suis sûr que la cour des comptes sera bien étonné quand elle saura qu’elle a fait l’éloge de l’administration du chemin de fer et de sa comptabilité.

Messieurs, en vous parlant de vos finances, on vous a dit que la situation était florissante. Mais il faut que le cabinet soit conséquent. Il me semble qu’en entrant aux affaires, il nous a dit que nos finances étaient obérées. Aujourd’hui tout st brillant, tout est clair, tout est beau, et alors tout était noir. On vous a dit que les revenus du chemin de fer couvraient ses dépenses, et même les intérêts des capitaux empruntés, mais ne sait-on pas que pendant six ans il y a eu 5 millions de déficit.

Messieurs, tout à l’heure un membre a prétendu que le chemin de fer était un bien sous le rapport moral. Jusqu’à présent on n’a pas encore discuté ce point. Mais, quant à moi, je ne puis partager l’opinion de l’honorable membre. Je ne vois pas ce que nos campagnes gagnent tant en moralité en venant s’instruire à Bruxelles, et ils y viennent en masse passer le dimanche.

Je ne crois pas qu’en réalité on ait refusé ce que vous ont dit les membres qui, tout en critiquant les grandes dépenses du chemin de fer, demandaient une garantie pour les travaux publics. On a dit : Faites des travaux publics, des travaux utiles, mais laissez aussi faire les sociétés particulières. On a voulu jeter du blâme sur ces députés ; mais ils n’ont pas eu tort de vous dire que vous négligiez le commerce et l’industrie, pour faire des dépenses de luxe. Si donc on demande aux contribuables tant d’argent pour le chemin de fer, faites donc quelque chose pour eux, accordez-leur la garantie qu’on vous demande ! Je le répète, cette garantie coûtera peu au trésor, et j’ose bien dire d’avance quelle sera mille fois plus utile pour le bien-être et la prospérité de votre pays, que tous les capitaux que vous jetez pour le chemin de fer, qu’on appelle le chemin national ; certainement parce que tout le pays y contribue, mais non certainement parce que tout le pays y profite ! J’ai dit !

(Moniteur belge n°50 du 19 février 1841) M. Desmaisières – Messieurs, je regrette que l’honorable M. Duvivier ait pris pour lui ce que j’ai dit hier sur la situation financière. Je me suis borné, en quelque sorte, à faire l’historique de ce qui s’était passé, parce qu’en présence des accusations qu’on prétend ne pas exister, mais que je croyais, moi, avoir été dirigées contre l’ancien ministère, force m’était bien de faire voir par l’historique exact de tout ce qui s’était passé en fait de budget depuis notre régénération, que ces accusations n’étaient pas fondées.

Et, messieurs, si je n’ai pas réclamé la parole pour répliquer aux deux honorables ministres qui m’ont répondu, c’est parce que je dois le dire, à part quelques insinuations peu bienveillantes auxquelles j’ai cru ne pas devoir faire attention, je devais être satisfait de leur déclaration faite tant par l’un que par l’autre de ces ministres, qu’ils n’avaient pas entendu accuser l’ancien ministère.

En ce qui concerne l’honorable M. Duvivier, j’avais pris note de quelques explications que je voulais donner pour faire voir qu’il n’y avait aucun reproche à adresser sous tous les rapports, à cet honorable membre que personne ne respecte plus que moi. J’ai cru que j’avais réparé l’omission que j’avais faite de ces explications par l’interruption que je m’étais permise, quand l’honorable ministre des travaux publics parlait, et qui n’a pas été bien saisie, à ce qu’il paraît.

Messieurs, je dirai encore que l’honorable M. Duvivier a été ministre des finances par intérim sous le ministère de 1832 à 1834, et qu’il lui était impossible, absolument impossible d’aller, pour le budget de 1833 qui présentait un déficit de 47 millions, au-delà des 7 millions de majoration d’impôts qu’il avait proposés. Je dirai que les ministres que j’appellerai ministres des dépenses ; parce qu’en effet ce sont les autres ministres qui sont les ministres des dépenses, le ministre des finances est le ministre des recettes ; que les ministres des dépenses avaient présenté des budgets tellement élevés qu’il lui était impossible, dans la situation où nous nous trouvions en 1833, de couvrir le déficit que présentaient les dépenses sur les recettes autrement que par la majoration d’impôts d’un peu plus de 7 millions qu’il a présentés, et par la création de bons du trésor, en attendant que les circonstances devinssent telles qu’on pût faire un emprunt définitif.

Mais, je le répète, je serais fâché que l’honorable M. Duvivier crût qu’il y avait quelque chose de peu bienveillant envers lui dans ce que j’ai dit ; car personne ne le respecte et ne l’estime plus que moi.

M. Duvivier – Je remercie l’honorable orateur de l’opinion qu’il veut bien avoir de moi ; pendant tout le temps que j’ai été aux affaires, j’ai fait mes efforts pour la mériter.

Mon ministère s’est effectivement composé de deux périodes. Dans la première j’étais ministre ad intérim. Mais j’ai toujours considéré cette qualité d’intérim comme me mettant dans la même responsabilité pour mes actes de ministre des finances, que mes autres collègues du cabinet dont j’avais l’honneur de faire partie.

Pendant la seconde période j’ai été ministre titulaire. Je fais cette distinction, parce que l’honorable M. Desmaisières croit que j’ai toujours été ministre ad intérim, tandis que j’ai été près de la moitié du temps ministre effectif.

Quoi qu’il en soit, dans l’une et l’autre qualité, et c’est l’objet pour lequel j’ai demandé la parole, je n’ai jamais entendu me séparer des honorables collègues avec lesquels j’ai géré les affaires du pays.

C’est pour faire cette déclaration que j’ai cru devoir prendre la parole. Et si, lorsque j’aurai pu recueillir tous les matériaux nécessaires, je crois utile de réfuter quelques-unes des assertions de l’honorable M. Desmaisières, je le ferai avec la prudence et la convenance que j’apporte toujours dans nos débats.

M. Peeters – Messieurs, un honorable député qui a pris la parole dans la discussion d’hier a critiqué les expressions de la section centrale sur la proposition des députés du Luxembourg tendant à donner des routes pavées à cette province en compensation du chemin de fer.

La section centrale se trompe, a dit l’honorable membre, en soutenant que nous voulons employer les sommes nécessaires à l’embranchement du chemin de fer promis à cette province pour la construction de plusieurs routes pavées. Notre proposition n’a pas une semblable portée, nous n’avons demandé que deux millions pour construction de routes pavées, tandis que l’embranchement du chemin de fer promis à cette province aurait coûté vingt à trente millions.

Je commencerai par faire remarquer à l’honorable membre que la section centrale a accueilli la proposition en question plus favorablement que les sections, dont plusieurs l’ont rejetée ; j’ajouterai que cette section n’a pu penser que les chambres ou le gouvernement auraient eu l’intention de dépenser trente millions dans le Luxembourg pour le chemin de fer ; elle a dû croire au contraire qu’en décrétant que le Luxembourg serait rattaché au chemin de fer par un embranchement, l’on a eu l’intention de n’y dépenser qu’une somme à peu près semblable à celle employée à ce sujet dans le Limbourg, province qui avait au moins autant de titres que le Luxembourg, puisqu’elle perdait tout le transit vers l’Allemagne dont elle était en possession avant l’établissement du chemin de fer ; et vous savez, messieurs, que l’embranchement du chemin de fer dans cette province n’a coûté qu’environ douze cent mille francs. Nous persistons donc à croire que les expressions de la section centrale sont fondées ; d’ailleurs, la province de Luxembourg a largement partagé dans la distribution des emprunts de 6 et 2 millions, ce qui doit aussi, suivant moi, entrer en ligne de compte ; d’autres localités, privées également des chemins de fer et où il y a moins de routes que dans le Luxembourg, n’ont pas été traitées sui avantageusement.

L’honorable comte de Mérode, qui a pris la parole aujourd’hui, pense que la section centrale n’a pas engagé le gouvernement pour faire des économies au chemin de fer ; l’honorable comte doit avoir lu, page 17 du rapport, le passage suivant :

« La section centrale engage le gouvernement à diriger, dès à présent, toute son attention sur le moyen à faire produire par le chemin de fer de quoi couvrir les intérêts avec l’amortissement des capitaux employés à cette vaste entreprise ; elle pense que, dans l’état actuel de nos finances, il importe de ne pas étendre les doubles voies au delà des besoins réels. »

La section centrale ne pouvant pas faire davantage, elle n’a pas eu à délibérer sur l’emploi de l’emprunt que la chambre a mis à la disposition du gouvernement pour la construction des chemins de fer, emprunt qui n’a pas eu mon assentiment.

Puisque j’ai la parole comme rapporteur, j’en profiterai pour vous dire quelques mots comme membre de la chambre.

Je viens de lire dans le rapport présenté à la chambre par M. le ministre des travaux publics le 4 de ce mois, pages 7 et 8, que les excédants des produits des barrières sont déjà engagés pour trois ans. Je suis étonné de ne pas trouver un seul mot dans les tableaux joints à ce rapport, ni pour la prolongation de la route de Diest à Turnhout vers Tilbourg, ni pour un embranchement de ladite route vers les importantes communes de Molle et de Meerhout, dont vous a entretenus hier mon honorable ami M. de Nef.

J’ai déjà eu l’honneur de vous faire remarquer, à différentes reprises, que la province d’Anvers, qui a toujours été oubliée sous le gouvernement précédent par rapport aux routes, ne possédait en 1830que vingt-trois lieues de routes pavées faites par l’Etat, tandis que d’autres provinces en avaient quatre-vingt-en-onze lieues, et que la province du Luxembourg même en avait soixante-neuf lieues.

J’avais toujours espéré, depuis notre régénération politique, que la justice distributive qui devait former la base du gouvernement, aurait fait disparaître au moins en partie cette inégalité.

Le contenu du rapport dont je viens de parler est venu me détromper entièrement ; vous y trouverez, page 6, que 135 lieues de routes ont été construites par l’Etat depuis la révolution, et dans ce grand nombre de routes de l’Etat, la province d’Anvers n’a obtenu que huit lieues, savoir la route de Turnhout à Diest, route dont le tracé figure sur des cartes géographiques faites il y a trente ans ; si l’on continuer à procéder de cette manière, bientôt la position de la province d’Anvers, par rapport aux routes, sera beaucoup plus mauvaise que sous le gouvernement précédent, et un partie de cette province sera condamnée à rester dans un état de prospérité inférieur à toutes les autres parties du pays.

Ce qui mérite encore l’attention toute particulière du gouvernement, c’est que la province d’Anvers, qui a dépensé plus d’un million à la canalisation de la petite Néthe, pour laquelle elle n’a rien obtenu du gouvernement, n’a pu employer qu’une somme très minime pour constructions de routes provinciales (voir ledit rapport, page 4), et n’a obtenu par conséquent qu’une faible partie dans les subsides accordés pour pareille construction). Elle aurait eu plus que le double si elle avait pu employer ce million aux construction de routes provinciales. J’engage le gouvernement, de toutes mes forces, à s’occuper à l’avenir, plus activement des travaux à faire dans la Campine ; jusqu’ici on y a travaillé avec une telle lenteur qu’il faudra plus de temps pour construire la route de Turnhout à Diest que pour achever tous nos railways.

M. Lys – Lorsque je suis entré en séance, l’honorable M. Nothomb terminait son discours. J’ai cru entendre qu’il voulait réfuter mes observations. Comme je ne pourrai voir son discours que dans le Moniteur, je me réserve de lui répliquer quand nous en viendrons à l’article relatif aux chemins de fer.

M. d’Hoffschmidt – M. le rapporteur de la section centrale est revenu sur ce que j’ai dit concernant l’erreur que j’ai signalée dans le rapport de la section centrale, relative à la proposition des députés du Luxembourg. Il vous a dit que l’embranchement du chemin de fer qu’avait promis la loi du 27 mai 1837 au Luxembourg n’aurait guère coûté plus de 2 millions.

Mais, messieurs, il suffit de jeter un coup d’œil sur la carte pour reconnaître que si l’on avait dû faire le chemin de fer du Luxembourg, il aurait fallu certainement de 20 à 30 millions pour rattacher l’extrémité de la province à la ville de Namur, où doit, de ce côté, se terminer actuellement le chemin de fer.

Je ne sais si l’on peut dire que la chambre n’y a pas bien réfléchi lorsqu’elle a voté la loi qui nous promettait l’embranchement dont il s’agit ; je crois que la chambre a agi en connaissance de cause, mais, dans tous les cas, la promesse nous a été faite, elle a été formelle, elle a été adoptée par les trois pouvoirs de l’Etat. Cette promesse, si on avait dû la remplir, aurait coûté une somme bien autrement élevée que celle de 2 millions que nous demandons. Il n’est donc pas exact de dire que notre proposition tendait à faire employer à la construction de routes pavées la somme qui aurait été nécessaire pour l’exécution de la loi qui promet au Luxembourg un embranchement du chemin de fer. Cela n’est pas exact, puisque nous nous bornons à demander 2 millions, c’est-à-dire ce que coûte une lieue de chemin de fer entre Ans et la frontière prussienne.

- Personne ne demandant plus la parole dans la discussion générale, cette discussion est close.

La séance est levée à 4 heures et demie.