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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 28 janvier 1841

(Moniteur belge n°29 du 29 janvier 1841)

(Présidence de M. Fallon)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Lejeune fait l’appel nominal à midi et quart, et donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse présente l’analyse des pièces de la correspondance.

« Le sieur Falon, employé au commissariat de l’arrondissement de Gans, demande que cette catégorie d’employés soit comprise dans la loi des pensions. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion de la loi sur les pensions.


« Des brasseurs des communes du canton de Boussu adressent des observations contre le projet de loi relatif aux céréales. »

- Renvoi à la section centrale chargée de l’examen de cette loi.


« Des marchands détaillants de la ville de Namur demandent que la chambre adopte le projet de loi interprétatif de la loi sur les ventes à l’encan. »

- Renvoi à la section centrale chargée de l’examen du projet de loi sur les ventes à l’encan.


« Douze détenus pour contrainte en recouvrement de frais de justice demandent qu’on mette fin à leur détention et qu’on leur accorde des latitudes pour s’acquitter envers le fisc. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


M. Dechamps informe la chambre qu’une indisposition l’empêche d’assister aux séances.

M. de Villegas s’excuse de ne pouvoir assister à la séance.

- Pris pour notification.

Projet de loi sur les pensions

Discussion des articles

Titre II. Conditions de l’admission à la retraite et mode de liquidation des pensions

Chapitre premier. Pensions des ministres
Article 6

M. le président – L’ordre du jour appelle la suite de la discussion sur l’article 6 du projet des pensions. Je ferai observer que M. le ministre s’étant rallié au projet de la section centrale, l’article proposé par le gouvernement n’est pas considéré comme amendement ; personne ne l’a proposé.

M. Zoude, rapporteur – Messieurs, ayant la parole, j’en profiterai pour dire quelques mots sur la discussion qui occupe la chambre depuis trois jours et sur les attaques dont la section centrale a été l’objet.

La critique a toujours été facile, il suffit pour s’y livrer, de suivre un sentier, qui à force d’être battu depuis longtemps, est devenu un grand et large chemin.

On se récrie contre le projet comme fait à la légère pour ne pas dire plus, mais ce projet avait déjà été présenté en 1834 par l’honorable M. Duvivier, il a été renouvelé avec quelques changements par M. d’Huart en 1838, il a été élaboré la même année dans les sections, et la section centrale avait fait un travail soigné qu’elle a communiqué au gouvernement en 1839, qui l’a retourné avec quelques observations, et la section centrale s’en est occupée de nouveau en 1840, et après l’avoir examiné sous toutes ses faces et s’en être occupée avec toute l’attention dont elle était capable, elle vous l’a présenté avec quelques modifications, dans le but de l’améliorer.

Tous les honorables membres qui sont venus nous inonder de leurs critiques, ont donc eu le temps de méditer le projet qui vous est soumis, ils ont eu assez de loisir pour nous éclairer de leurs lumières ; s’ils ne l’ont pas fait, à eux le reproche.

Quant à nous, si nos efforts n’ont pas obtenu l’assentiment de la majorité, ce que le vote seul démontrera, devons-nous être accusés de légèreté, d’inconséquence dans nos vues ? Sont-ce bien là les encouragements que l’on doit aux commissions qui opèrent consciencieusement et laborieusement ? Ne devrait-on pas au moins tenir compte des intentions ?

Et pour ces attaques qui, de la part de quelques-uns, ont été assez inconvenantes, nous ne savons trop si elles ont été bien fondées, nous avons entendu beaucoup de paroles, mais nous n’avons pas toujours entendu beaucoup de solidité dans les arguments ; plusieurs ont été réfutés et d’autres le seront encore.

Est-ce trop dire que nous avons vu des articles critiqués par des orateurs qui ne les avaient pas même lus ?

En continuant ainsi, vous ferez déserter les sections par les hommes courageux, et déjà, grâce à la tiédeur de plusieurs membres, elles ne sont pas trop suivies ; on fuira plus encore les fonctions de rapporteur.

Quant à moi, messieurs, j’avais remercié la section centrale de l’honneur d’être ici son organe, j’avais insisté sur la démission que je lui offrais, non pas que je craignais ce qui arrive aujourd’hui, mais pour des raisons particulières que je lui avais fait connaître ; elle a persisté, j’ai obéi.

Mais, je le répète, mes collègues et moi nous avons travaillé avec ardeur et conscience, nous avons voulu ménager les intérêts du trésor et les concilier avec les égards et la reconnaissance que l’on doit aux services rendus à l’Etat.

Nous n’avons pas voulu être prodigue des deniers des contribuables comme quelques-uns nous en ont adressé le reproche. Nous n’avons pas voulu davantage récompenser des services éminents par des « habits pelés », comme l’a dit un orateur.

Nous avons voulu proportionner les dépenses à l’état de nos ressources.

En définitive, le projet actuel n’est guère que la reproduction des dispositions maintenant en vigueur. Sauf en ce qui concerne les veuves et les orphelins des fonctionnaires de l’ordre judiciaire et administratif ; et pour les pensions, le projet accorde en compensation au trésor une retenue de 3 p.c. sur tous les fonctionnaires indistinctement, la fixation d’un maximum très modéré, qui est aujourd’hui sans borne, et finalement tous les autres avantages que l’article 3 fait à l’Etat.

M. le président – La section centrale propose, par amendement, d’ajouter à l’article 7 ces mots : « sans toutefois que le traitement de ministre puisse entrer en compte pour fixer le taux de la pension. »

M. Wallaert – Je dois certifier que tout ce que vient de dire M. le rapporteur est exact. J’ai pris des notes, ces notes sont sûres.

D’abord la section centrale s’est posé cette question : Lorsqu’un ministre aura été moins de deux ans aux affaires, ajoutera-t-on ces années aux services antérieurs ? Cette question a été résolue affirmativement à l’unanimité, excepté deux membres qui se sont abstenus.

On s’est ensuite posé cette question : la pension sera-t-elle liquidée sur le traitement antérieur ? Résolue aussi à l’unanimité.

Voilà ce qui s’est passé. Je n’ai pas fait hier cette observation, parce que je n’avais pas mes notes. Cela est, du reste, conforme à ce que vous ont dit MM. de Behr et Zoude.

M. de Mérode – Je demanderais à dire encore quelques mots relativement à mon amendement. Hier, dans les développements que je lui ai donnés, j’ai indiqué les motifs pour lesquels je le proposais, et j’ai dit qu’en principe, j’admettais le système de MM. Delfosse et Doignon.

Maintenant, messieurs, d’après les réflexions que j’ai faites depuis hier, et que d’autres personnes m’ont aussi suggérées, il me semblerait préférable de maintenir à un ministre qui quitte son portefeuille, six mois de son traitement au moment où il cesse ses fonctions que de lui accorder une pension quelconque.

Ce serait là ce que je préférerais à mon amendement, d’après les observations qui m’ont été communiquées et que je partage.

M. le président – Je vais mettre aux voix les divers amendements.

M. Dumortier – Il me semble qu’il faut procéder méthodiquement et mettre d’abord aux voix la question : « Accordera-t-on ou non une pension aux ministres ? » C’est là la première question à résoudre, parce que c’est elle qui décidera notre marche pour la suite. Il faut savoir si notre intention est de donner une pension, avant d’en régler le taux. C’est après avoir décidé cette question, qu’il s’agira de mettre successivement aux voix les divers amendements suivant qu’ils s’écartent le plus de la proposition du gouvernement.

Mais je ferai remarquer une chose étrange : c’est que la proposition du gouvernement n’est pas même complète.

M. le président – La proposition du gouvernement n’est plus en cause ; M. le ministre s’est rallié au projet de la section centrale.

M. Dumortier – C’est ce que je ne savais pas. Il me paraissait que le gouvernement ne devait pas ainsi abandonner sa première proposition.

M. de Behr – Je ne vois pas la nécessité de procéder autrement que par le vote successif des amendements. Ceux qui ne veulent pas accorder de pension aux ministres n’auront qu’à voter contre tous les amendements.

M. Dubus (aîné) – Comme personne n’a proposé que l’on fût exclu du droit à la pension par cela seul qu’on aurait été ministre, il me paraît qu’il n’y a pas sur ce point de question à poser.

Les dispositions de la section centrale déterminent les conditions auxquelles on aurait une pension alors qu’on aurait été ministre. Il y a eu des amendements qui ont enchéri sur ces dispositions. On mettra aux voix ces amendements et la proposition de la section centrale. Si une de ces dispositions est adoptée, on aura admis un régime exceptionnel pour les ministres. Si au contraire on n’adopte aucune des propositions, ils rentreront dans le droit commun. Mais, je le répète, personne n’a proposé de refuser la pension à ceux qui auront été ministres.

M. Dumortier – Messieurs, il s’agit de savoir si on accordera une pension aux ministres pour l’exercice de leurs fonctions de ministres. Je dis que c’est là une question de principe à décider d’abord.

Quand vous avez trois ou quatre systèmes en présence, il faut savoir avant tout si vous voulez adopter le principe sur lequel reposent ces systèmes ; autrement que feraient ceux qui ne veulent pas accorder de pension ; devraient-ils rejeter toutes les propositions ?

Il me paraît plus logique de procéder comme dans la section centrale, de décider d’abord si on veut donner, oui ou non, une pensions aux ministres, du chef de leurs fonctions de ministres. Ce serait plus rationnel. Mais il ne faut pas mettre ceux qui ne voudraient pas donner de pension dans la nécessité de rejeter tous les amendements.

M. de Behr – L’inconvénient que vient de signaler l’honorable préopinant n’existe pas. Tous les amendements enchérissent sur la proposition de la section centrale, à laquelle le gouvernement s’est rallié. Or, ceux qui ne veulent pas accorder de pension, voteront contre tous les amendements et contre la proposition de la section centrale qui est la moins favorable.

M. Dumortier – Si la chambre décide que les ministres auront une pension, j’entends voter pour le système qui se rapporte le plus de mon opinion. C’est ce que je ne puis pas faire si on ne décide pas d’abord la question de principe.

M. le président – La question de principe est résolue par l’amendement de M. Vandenbossche, qui propose de n’accorder de pensions aux ministres que par des lois spéciales.

M. Vandenbossche – Je ne pense pas que la proposition de M. Dumortier ait la même portée que mon amendement. Mon amendement préjuge que les ministres auront tôt ou tard une pension, si la chambre l’accorde. Décider qu’on ne donnera pas aux ministres une pension pour leurs services en cette qualité, serait dire en quelque sorte que la chambre ne sera plus appelée à leur en accorder une.

On a critiqué la rédaction de mon amendement, parce que j’ai dit : « Tout ministre qui aurait exercé des fonctions ministérielles, » on a trouvé que mon amendement serait mieux rédigé en disant : « Tour ministre qui aura exercé les fonctions de son département. » Mais je dois déclarer que j’ai présenté mon amendement sauf rédaction.

M. Dumortier – J’insiste pour qu’on mette d’abord aux voix la question de principe.

M. Dubus (aîné) – Messieurs, la question de principe n’existe réellement pas. Si on posait une question, elle devrait être ainsi conçue : Y aura-t-il un régime exceptionnel pour les ministres ? Or, celui qui ne veut pas de régime exceptionnel n’a qu’à rejeter tous les amendements et la proposition de la section centrale.

M. Dumortier – Je ne conçois pas l’obstination que l’on met à nous empêcher de voter comme nous croyons devoir le faire. C’est irrationnel, c’est vraiment un peu despotique. Je n’empêche personne de voter, mais je demande qu’on me laisse la même liberté.

M. le président – Je vais consulter la chambre sur votre proposition : Procédera-t-on par question de principe ?

- Cette proposition n’est pas adoptée.

L’amendement de M. Vandenbossche est ensuite mis aux voix et n’est pas adopté.

M. le président – Nous avons maintenant à voter sur les amendements de MM. Devaux et de Mérode. Si on ne s’y oppose pas, je mettrai d’abord aux voix l’amendement de M. Devaux comme ayant été proposé en premier lieu. M. Cools a demandé, par sous-amendement, le retranchement des mots : « à la cessation de ses fonctions. »

M. Devaux – Je me rallie à cette proposition.

M. le président – L’amendement de M. Devaux reste donc ainsi conçu :

« Le ministre qui aura été, pendant deux années au moins, à la tête d’un ou plusieurs départements, aura droit au maximum de la pension de retraite. »

Cet amendement est mis aux voix par appel nominal ; voilà le résultat du vote :

64 membres sont présents.

5 (MM. Lebeau, Liedts, Rogier, Mercier et Lys) s’abstiennent.

59 prennent part au vote.

13 votent pour l’adoption.

46 votent contre.

La chambre n’adopte pas.

Ont voté pour l’adoption : MM. Cools, Coppieters, David, de Puydt, Devaux, Dubois, Dumont, Dumortier, Duvivier, Fallon, Lange, Sigart, Vandenhove.

Ont voté contre : MM. Brabant, de Behr, Dedecker, de Florisone, de Foere, de Garcia de la Vega, de Langhe, Delehaye, Delfosse, de Mérode, Demonceau, de Nef, de Perceval, de Potter, de Renesse, de Roo, de Sécus, de Terbecq, d’Hoffschmidt, Doignon, Donny, Dubus (aîné), B. Dubus, Eloy de Burdinne, Hye-Hoys, Jadot, Kervyn, Lebeau, Mast de Vries, Milcamps, Morel-Danheel, Pirmez, Pirson, Raikem, Raymaeckers, Rodenbach, Scheyven, Simons, Thienpont, Troye, Ullens, Van Cutsem, Vandenbossche, Vandensteen, Wallaert et Zoude.

M. le président – Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Comme nous nous sommes ralliés au projet de la section centrale, et que la proposition de mon honorable ami, M. Devaux, paraît à quelques membres contenir un avantage plus grand, par cette considération et par un sentiment de répugnance, que la chambre comprendra facilement, j’ai cru devoir m’abstenir.

M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts), M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) et M. le ministre des finances (M. Mercier) déclarent s’être abstenus par le même motif.

M. Lys – Comme le mot « consécutivement » ne se trouvait pas dans l’amendement, je n’ai pu l’adopter. Je suis resté dans le doute. J’ai donc cru devoir m’abstenir.

M. le président – Je mettrai maintenant aux voix l’amendement de M. de Mérode, il est ainsi conçu :

« Le ministre qui aura été, deux années au moins, à la tête d’un département, aura droit à une pension de retraite de 4,000 francs, à la cessation de ses fonctions, s’il n’a pas droit à une pension de valeur égale par suite de services précédents.

« Ces services seront censés avoir continué pendant toute la durée des fonctions de ministre, pour fixer le taux de la pension résultante du chef desdits services. »

Plusieurs membres – L’appel nominal.

M. de Behr – J’ai une explication à demander à l’honorable auteur de l’amendement. Si cet amendement est adopté, accordera-t-on un temps triple pour les fonctions ministérielles dans le calcul de la pension ?

M. de Mérode – Non.

M. d’Hoffschmidt – Je viens de déposer un amendement à l’article 8. Je demanderai à la chambre qu’elle veuille bien permettre qu’il en soit donné lecture avant le vote qui va être émis sur l’amendement de M. de Mérode. Je pense que cela pourra avoir quelque influence sur ce vote.

M. le président – S’il n’y a pas d’opposition, il sera donné lecture de l’amendement.

Il est donné lecture de l’amendement de M. d’Hoffschmidt. Il est ainsi conçu :

« Je propose de remplacer le 2e paragraphe de l’article 8 par la disposition suivante :

« Néanmoins chaque année de fonctions ministérielles comptera pour cinq ans dans la liquidation des pensions. »

Il est procédé à l’appel nominal sur l’amendement de M. de Mérode ; voici le résultat du vote :

67 membres sont présents.

56 rejettent.

1 adopte.

10 s’abstiennent.

En conséquence l’amendement n’est pas adopté.

Ont voté le rejet : MM. Brabant, Cogels, Cools, Coppieters, David, de Behr, Dedecker, de Florisone, de Foere, de Langhe, Delehaye, Delfosse, Demonceau, de Nef, de Perceval, de Potter, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmet, de Terbecq, Devaux, d’Hoffschmidt, Doignon, Donny, Dubois, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumont, Duvivier, Hye-Hoys, Jadot, Kervyn, Lange, Lejeune, Mast de Vries, Milcamps, Morel-Danheel, Pirmez, Pirson, Raikem, Raymaeckers, Rodenbach, Scheyven, Sigart, Simons, Thienpont, Troye, Ullens, Van Cutsem, Vandenbossche, Vandenhove, Vandensteen, Wallaert, Zoude et Fallon.

M. de Garcia a voté l’adoption.

Se sont abstenus : MM. de Mérode, de Puydt, Dumortier, Eloy de Burdinne, Lebeau, Leclercq, Liedts, Lys, Mercier et Rogier.

M. le président – Les membres qui se sont abstenus sont appelés à donner les motifs de leur abstention.

M. de Mérode – j’ai dit que par suite d’observations qui m’avaient été faites, je préférerais à mon amendement la disposition suivante :

« Six mois de traitement seront accordés au ministre après la cessation de ses fonctions » parce que le véritable but que je me propose est d’affranchir le ministre sortant de la dépendance immédiate de ses successeurs, et rien de plus. Or, avec six mois de traitement tout ministre pourra gagner le temps nécessaire pour reprendre une position et aucun gouvernement ne refusera de lui fournir à ces égard des facilités dans un certain délai.

M. de Puydt – Les explications presque contradictoires que l’honorable auteur de l’amendement a données hier et aujourd’hui à l’appui de cet amendement m’avaient jeté dans l’incertitude sur sa portée ; la résolution qu’il a prise de s’abstenir a tellement bouleversé mes idées que j’ai dû m’abstenir également.

M. Dumortier – Dès l’origine de la discussion, j’ai déclaré que la chambre adoptait le système de donner une pension aux ministres, il fallait leur donner une pension fixe, sauf à majorer cette pension en raison des autres fonctions qu’ils auraient remplies. J’ai combattu la proposition de la section centrale, et je la trouve encore très mauvaise. J’aurais donc voté pour l’amendement de M. le comte de Mérode, mais quand j’ai vu qu’il l’abandonnait lui-même, j’ai dû renoncer aussi à l’adopter.

M. Eloy de Burdinne – L’auteur de l’amendement s’étant abstenu, je cru bien faire en m’abstenant aussi ; d’ailleurs, je n’appréciai pas exactement les conséquences que cet amendement pourrait avoir, soit en bien, soit en mal.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Je me suis abstenu par des motifs à peu près semblables à ceux que j’ai fait connaître tout à l’heure.

M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Messieurs, quoique je ne puisse rien voir de personnel dans le vote d’une disposition qui concerne la première autorité constituée dans le pays, après le Roi, il serait pourtant possible qu’on y vît quelque chose de personnel ; j’ai cru en conséquence que la délicatesse me défendait de voter.

Je ne me serais pas abstenu s’il avait été question d’agir ici comme ministre ; mais comme ce n’est pas en ma qualité de ministre que je vote, j’ai cru que l’abstention n’était permise.

M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts), M. le ministre des finances (M. Mercier) et M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) déclarent s’être abstenus par les motifs qu’ils ont énoncés tout à l’heure.

M. Lys déclare s’être abstenu parce qu’il avait des doutes provoqués par l’abstention de l’auteur de l’amendement.

- L’article 6 (projet de la section centrale) est ensuite mis aux voix et adopté.

Article 7

« Art. 7. Le ministre sortant avant deux années pourra joindre ses services en cette qualité aux années de services antérieurs ou à ceux qu’il rendrait postérieurement par l’exercice d’autres fonctions. »

Vient ici l’addition proposée par la section centrale et annoncée au commencement de la séance :

« Sans que toutefois le traitement de ministre puisse entrer en ligne de compte pour fixer le taux de la pension. »

M. Dumortier – Il me semble que cette addition prouve que l’article ne vaut rien, car cette addition détruit radicalement l’article. Que dit l’article ? Que le ministre sortant avant deux années pourra joindre ses services en cette qualité aux années de services antérieurs ou à ceux qu’il rendait postérieurement pour l’exercice d’autres fonctions, que lui servira de joindre ses services en qualité de ministre, si on ne lui permet pas de tenir compte de son traitement de ministre ?

J’entends qu’on me dit qu’une année de service comme ministre comptera pour 3 ans à joindre aux années de services antérieurs. Eh bien, cela seul me prouve combien la disposition est injuste ; vous accordez un privilège à un ministre qui a été fonctionnaire avant d’être au ministère, tandis que vous n’accordez rien à celui qui n’a pas été fonctionnaire public.

M. de Behr – Messieurs, voici ce que la section centrale a voulu dire : On a supposé que le ministre sortît des affaires, après avoir été moins de deux années à la tête d’un département, et l’on n’a pas voulu que ce service fût pour lui entièrement perdu. On s’est dit qu’il serait très possible que le ministre, avant d’entrer aux affaires, ait déjà rempli des fonctions ; eh bien, dans ce cas, pour que ses services comme ministre ne fussent pas perdus pour lui, il pourra joindre ses années de service, comme ministre, à ses années de service comme fonctionnaire. C’est un avantage, et cet avantage est d’autant plus grand que chaque année de ministre comptera pour trois.

Maintenant la section centrale s’était aperçue, dans le cours de la discussion, que, suivant l’opinion de quelques honorables membres, le traitement du ministre entrerait en compte dans le calcul de la pension. Telle n’a jamais été l’intention de la section centrale ; elle a toujours entendu que la pension serait liquidée d’après le traitement attribué aux fonctions antérieures, et c’est pour lever tout doute à cet égard qu’elle a proposé l’amendement qui est déposé sur le bureau.

M. Demonceau – S’il y a privilège, il ne se trouve pas dans l’article 7, et l’honorable M. Dumortier est, à cet égard, dans l’erreur ; s’il y avait privilège, il serait plutôt dans l’article 8. Mais ici il ne s’agit que d’une règle générale. Voici comment je comprends la loi.

Si une personne a été fonctionnaire public avant d’être ministre, elle joindra ses années de service, en qualité de fonctionnaire public, à ses années de service comme ministre, c’est-à-dire que si vous adoptez l’article 8, on comptera pour trois ans chaque année de service du ministre ou plutôt l’année de service comme ministre, puisqu’il ne s’agit ici que du cas où la personne n’aurait été ministre que pendant un an.

Prenons un exemple. Je suppose que le ministre sortant était gouverneur avant d’entrer au ministère ; on lu comptera trois années de plus, à raison de son traitement de gouverneur. Voilà comment je comprends la proposition de la section centrale.

Maintenant, si un ministre sortant exerce des fonctions administratives, après avoir quitté le ministère, on lui comptera 3 années de service, comme ministre, à ajouter à ses années de service postérieur pour la liquidation de sa pension.

La disposition dont il s’agit est donc très claire : elle ne consacre aucun privilège.

M. Lejeune – Messieurs, par suite de l’addition que la section centrale a proposée à l’article 7, il me restait un doute sur la question de savoir si un ministre qui n’a pas été pendant deux ans à la tête d’un département ministériel pouvait compter triple le temps qu’il avait passé au ministère. Les explications qui viennent d’être données ont levé ce doute. Il paraît que l’on est d’accord que, dans tous les cas, quelle que soit la durée du temps passé au ministère, ce temps sera compté triple.

Mais je ne pourrai pas adopter l’addition de la section centrale à l’article 7, telle qu’elle est présentée. Voici pourquoi :

L’addition dont il s’agit porte : « Sans toutefois que le traitement de ministre puisse entrer en compte pour fixer le taux de la pension. »

Je pense qu’il n’est entré dans l’idée de personne de vouloir changer le droit commun au préjudice des ministres. Un ministre est sans doute un fonctionnaire public : si vous ne voulez pas l’exclure du droit commun, il faudra que, par suite de l’article 7, mis en rapport avec l’article 12, le traitement de ministre entre en ligne de compte dans la liquidation de la pension du ministre.

Ainsi, dans l’article 12, on dit que la pension sera liquidée, à raison d’une année moyenne de traitement, calculée sur le traitement dont un fonctionnaire a joui pendant ses trois dernières années d’exercice. Je suppose qu’un ministre a été ministre pendant une seule année, son traitement est de 21,000 francs ; je suppose ensuite qu’avant d’être ministre, il a été fonctionnaire public, et qu’en cette dernière qualité, il a joui d’un traitement de 6,000 francs pendant les deux dernières années qui précèdent son entrée dans le cabinet, il faudra prendre deux fois 6,000 francs et une fois 21,000 francs pour avoir les trois années de traitement ; et prendre ensuite le tiers de ces sommes réunies pour avoir le terme moyen du traitement pendant ses trois dernières années de service, et liquider la pension d’après cette moyenne.

Si vous n’agissez pas ainsi, vous mettez les ministres hors du droit commun, vous portez une disposition moins favorable pour un ministre que pour un autre fonctionnaire.

J’ai compris les motifs pour lesquels on pouvait adopter une disposition exceptionnelle en faveur des fonctions ministérielles, mais je ne comprendrai jamais les motifs qui porteraient à changer le droit commun au préjudice des ministres.

Il me paraît donc que la rédaction devrait être comprise ainsi : que lorsqu’un ministre n’a été qu’une seule année au ministère, on ne comptera pas les trois années de traitement, mais on comptera trois années de service en comptant une année de traitement de ministre.

M. de Behr – Je dois convenir que d’après le droit commun, le traitement de ministre devrait entrer en compte, pour fixer la pension, parce qu’il fait prendre la moyenne des trois dernières années de traitement, à laquelle appartient nécessairement le traitement de ministre ; mais nous nous sommes écartés du droit commun, nous avons dispensé le fonctionnaire public, qui a été ministre, des conditions d’âge et de durée de service.

En nous livrant à des calculs dans le sein de la section centrale nous avons reconnu que le fonctionnaire public qui sera appelé au ministère et qui y resterait moins de deux ans, aurait, en lui tenant compte de ses années de services antérieurs, une pension plus forte que celui qui aurait été ministre pendant deux ans. Voilà pourquoi la section centrale a cru devoir exclure du calcul de la pension le traitement de ministre.

M. Dumortier – Il est facile de démontrer qu’il y a privilège dans les propositions de la section centrale.

La chose n’est pas douteuse. Un exemple va vous le prouver.

Je suppose qu’un commissaire de district, ou un juge, ou un fonctionnaire quelconque ayant trois mille francs de traitement devienne ministre en même temps qu’une personne qui n’a pas rempli de fonctions publiques, et que ce fonctionnaire ait dix années de services. Si, au bout de ses dix années il s’était retiré, d’après le droit commun, le taux moyen de ses années de service étant 3,000 francs, ce qui fait pour chaque soixantième 50 francs, ou pour ses dix années de service une pension de 500 francs. Voilà ce qu’il aurait s’il n’avait pas été ministre. Mais s’il se retire après avoir été vingt mois ministre, comme il n’aura pas atteint les droits fixés par l’article 6, il devra compter ses années de service de telle manière qu’il aura une année de trois mille francs, et que pour ses deux années ministérielles environ 36,000 francs, ce qui fera 39,000 francs, ou année moyenne, 13,000 francs, c e qui joint aux années triples qu’on lui compte, lui donnera une pension de 3,000 francs.

Ainsi le fonctionnaire public à 3,000 francs de traitement, et qui n’aurait droit qu’à cinq cents francs de pension, aura, parce qu’il aura été vingt mois ministre, une pension de trois mille francs, tandis que son collègue qui n’aura pas été dans les fonctions publiques aura zéro.

Il y a là privilège en faveur des fonctionnaires. Si vous voulez établir ce privilège, dites-le, mais ne venez pas dénier qu’il y a ici privilège en faveur des fonctionnaires.

On me répond : C’est dans l’article suivant – Non ; c’est dans la corrélation des deux articles, dans le principe que vous posez, que se trouve le privilège.

Il ne fait pas se le dissimuler : le système de la section centrale a pour but de faire nommer ministres les fonctionnaires. Le privilège qu’elle crée va rapidement pousser au ministère juges et procureurs-généraux qui, dans leur carrière ayant leur bâton de maréchal, seront engagés à en sortir par les grosses pensions qu’ils auront en perspective ; et bientôt la chambre sera peuplée de fonctionnaires aspirants-ministres. Voilà les conséquences du système de la section centrale. C’est pourquoi je n’en veux à aucun prix.

M. Delfosse – J’ai démontré hier que l’on arriverait à des résultats étranges, en prenant le traitement de ministre pour base de la pension à accorder au fonctionnaire qui aurait été ministre moins de deux ans ; la section centrale vient de reconnaître, par l’organe de son honorable président, la vérité de mes observations, et l’amendement qu’elle présente y fait en partie droit. La section centrale vous dit qu’il n’a jamais été dans ses intentions de prendre le traitement de ministre pour base de la pension ; cela est possible, mais il n’y avait dans le rapport imprimé aucune trace des intentions de la section centrale de l’avoir modifié sur ce point ; néanmoins, bien que l’article 7 se trouve par là considérablement amélioré, je ne pourrai y donner mon assentiment, parce qu’il fait partie d’un ensemble que je considère comme défectueux.

M. Lejeune – Je ne regrette pas d’avoir fait mon observation, parce que je puis maintenant apprécier les motifs de la disposition présentée par la section centrale. Je ne les avais pas saisis, je n’avais pas connaissance des calculs qu’elle avait faits. Je trouve que ce système est bon et qu’il peut être adopté. Mais je crois qu’il y a une chance de plus pour faire adopter un amendement dans le sens de celui proposé par M. d’Hoffschmidt. Quand le traitement de ministre n’entre pas en ligne de compte, je crois qu’il y a lieu de compter pour une année de plus le temps passé dans ces fonctions. La section centrale propose de tripler le temps passé au ministère. Pour qu’on puisse voter sur les différentes propositions, je proposerai, par sous-amendement, de le compter quadruple. Et je demanderai à la chambre de commencer par voter sur l’amendement de M. d’Hoffschmidt, qui propose de compter chaque années pour cinq ans, ensuite sur le mien qui propose quatre ans, et enfin sur celui de la section centrale, si ces deux amendements sont rejetés.

De cette manière on pourra voter sur les différentes propositions.

Ces amendements sont relatifs à l’article 8.

- L’article 7 est mis aux voix et adopté avec l’addition proposée par la section centrale.

Article 8

« Art. 8. Les pensions à accorder, en vertu des deux articles précédents, seront réglés d’après les mêmes bases que celles établies pour les autres fonctionnaires, sauf les conditions d’âge et de durée de service auxquelles elles ne seront pas soumises.

« Néanmoins, chaque année de fonctions ministérielles comptera pour trois dans la liquidation des pensions.

« Dans aucun cas, ces pensions ne pourront excéder, séparément ou cumulativement, le maximum fixé par la loi. »

M. d’Hoffschmidt – J’ai repoussé tout à l’heure l’amendement proposé par l’honorable M. Devaux, parce que, selon moi, il consacrerait différentes anomalies que je n’ai pas cru pouvoir admettre. L’honorable M. de Behr en a signalé plusieurs hier, je ne pense pas devoir y revenir, mais une autre qui m’a également frappé, c’est la différence qu’on établirait entre le ministre qui serait resté au pouvoir par exemple un an et demi, et celui qui y serait resté pendant deux ans. Ce dernier obtiendrait d’emblée une pension de 6 mille francs, tandis que celui qui serait resté un an et demi au pouvoir n’aurait qu’une très faible pension, ou n’en aurait même point du tout. Outre cette anomalie, je pourrais en signaler plusieurs autres, et c’est ce qui m’a engagé, je le répète, à repousser l’amendement de M. Devaux. Je préfère le système de la section centrale ; mais je trouve que dans ce système la valeur du nombre d’années pendant lesquelles on a exercé les fonctions de ministre n’est pas assez élevée. Hier déjà, plusieurs orateurs se sont élevés contre la modicité de la pension qui serait accordée à un ministre après deux années d’exercice ; cette pension, en effet, ne serait que de 2,100 francs, d’après le projet de la section centrale. Or, je crois que, pour parer à cet inconvénient, on doit donner plus de valeur au temps passé dans les fonctions pénibles du ministère qui, par les désagréments qu’elles entraînent, ne peuvent être comparées aux autres fonctions de l’Etat. En effet, quelle différence n’y a-t-il pas entre des fonctions remplies avec facilité, qui ne sont entourées d’aucune tracasserie, où il ne s’agit que de remplir des devoirs faciles, et les fonctions du ministère dont nous connaissons tous les désagréments et le travail pénible. Je trouve que c’est trop peu de compter pour triple le temps passé dans ces fonctions, je voudrais que chaque année fût comptée pour cinq.

D’un autre côté, je crois qu’il n’y aurait pas lieu de s’effrayer des conséquences que cette proposition entraînera sous le rapport financier. Deux années passées au pouvoir donneront droit à une pension de 3,500 francs. Personne ne trouvera que 3,500 francs soient une pension trop forte pour un ministre resté deux ans au pouvoir. Trois ans donneront droit au maximum de la pension. Pour celui qui a rempli pendant quatre ans les fonctions ministérielles, il me semble que le maximum n’est pas trop élevé. D’un autre côté, pour celui qui est resté ministre pendant une année, il y aurait au moins un droit à la pension assez notable. Les services ministériels seraient ainsi comptés d’une manière plus notable que d’après le système de la section centrale. La section centrale propose d’ajouter le temps passé comme ministre aux autres services. Ce serait 5 ans au lieu de 3 qu’on ajouterait pour chaque année passée au ministre. Dans aucun cas, il n’y a lieu de s’effrayer des pensions qu’on aurait à accorder, d’après mon amendement, à ceux qui auraient été deux ou trois ans ministres, en raison de leurs fonctions précédentes et de leurs fonctions de ministre.

M. Cogels – Je crois avoir remarqué dans l’article 8 une contradiction sur laquelle je veux appeler l’attention de la chambre. Cet article dit : « Les pensions à accorder, en vertu des deux articles précédents, seront réglées d’après les mêmes base que celles établies pour les autres fonctionnaires, sauf les conditions d’âge et de durée de service, auxquelles elles ne seront pas soumises. »

Si j’ai bien compris les deux articles précédents, l’article 6 établit une exception formelle en faveur des ministres ; c’est en qualité de ministres, quel que soit leur âge, quelle que soit leur carrière antérieure, quelle que soit la quotité de leurs années de service, qu’ils ont droit à la pension. D’après l’article 7, au contraire, c’est en leur qualité de fonctionnaires et pour services antérieurs à leur entrée au ministère ou pour services à rendre postérieurement que la pension est accordée. On veut seulement qu’il soit tenu compte du laps de temps passé au ministère ; que ce temps ne soit pas perdu ; ainsi, pour la pension accordée en vertu de l’article 7, les conditions d’âge et d’années de service seraient encore exigées. Supposons un employé ou fonctionnaire public n’ayant pas dix années de service, qui passe six mois au ministère et se retire ensuite, il n’aurait droit à aucune pension, l’exemption relative aux conditions précitées ne pourrait être invoquée.

D’après l’article 6 au contraire, quelle qu’eût été votre carrière antérieure, après avoir passé deux années consécutives au ministère, vous rentriez dans la carrière industrielle ou commerciale, vous auriez droit en tous cas à la pension.

L’exception formulée par l’article 8 ne me paraît donc pas applicable à l’article 7 comme à l’article 6. Par l’article 7, vous ne placez les fonctions ministérielles que sous un point de vue secondaire ; vous voulez seulement que le temps passe au ministère ne soit pas tout à fait perdu pour le fonctionnaire public que la confiance du souverain ou de la nation n’y aurait pas maintenu plus de deux années. Voilà la seule faveur que vous semblez vouloir leur accorder.

M. de Behr – Il suffit de lire l’article pour qu’il ne puisse rester aucun doute.

Premier paragraphe de l’article 8 :

« Art. 8 Les pensions à accorder, en vertu des deux articles précédents, seront réglés d’après les mêmes bases que celles établies pour les autres fonctionnaires, sauf les conditions d’âge et de durée de service auxquelles elles ne seront pas soumises. »

Ainsi, soit que l’on accorde la pension en qualité de ministre, soit qu’on la réclame pour services antérieurs, dans aucun cas on ne doit remplir les conditions d’âge et de services.

C’est une faveur qu’on a voulu accorder au ministre pour ne pas l’obliger à rentrer dans les fonctions publiques, lorsque le cabinet qui lui succède a des principes, un système qui ne lui convienne pas. On n’a pas voulu que le fonctionnaire public qui a été déplacé pour venir aux affaires, fût obligé de reprendre ses fonctions, afin de ne pas perdre ses services antérieurs. C’est par ce motif que la section centrale le dispense des conditions d’âge et de durée de services.

M. de Mérode – A 25 ans on peut parvenir aux chambres, ainsi dont avant trente ans, et avec de la facilité de parole on peut arriver au ministère, ensuite d’un bouleversement ministériel qui amènera souvent une difficulté de remplacement.

Or, après avoir été deux ans au ministère on obtiendrait ainsi 3,500 francs pendant toute sa vie ; c’est vraiment là une prime dangereuse accordée à la convoitise des portefeuilles que l’on doit exciter le moins possible.

Par ces motifs, je voterai contre les amendements de MM. d’Hoffschmidt et Lejeune.

M. Devaux – Il me semble, que, malgré les explications de l’honorable M. de Behr, l’intention qu’a eue la section centrale dans l’article 8 reste toujours douteuse. Veut-elle que le ministre qui n’a pas deux ans de service, mais qui était fonctionnaire avant d’être ministre, soit admis à la pension, sans être soumis aux conditions d’âge et de durée de service.

M. de Behr – Oui.

M. Devaux – Je ne l’avais pas compris jusqu’à présent. Je ne vois pas alors pourquoi l’on a fait une distinction entre les articles 6 et 7.

Je croyais que la pensée de la section centrale étant que le ministre qui n’aurait pas deux ans de service n’eût pas, parce qu’il aurait été au ministère, de droits à la pension. Il paraît au contraire que l’intention de la section centrale est que le ministre qui est resté moins de deux ans en fonctions, mais qui a des services antérieurs, soit admis à la pension, sans être soumis aux conditions d’âge et de durée de service. Ainsi, je suppose aux conditions après avoir été fonctionnaire pendant deux ans, fasse partie du ministère pendant une année, s’il se retire, aura-t-il droit à la pension ?

M. de Behr – Oui.

D’autres membres – Non.

M. Devaux – Un membre de la section centrale dit oui. D’autres disent non. Vous voyez que cela n’est pas clair.

M. Lejeune – J’ai demandé la parole pour une observation très simple.

L’honorable M. de Mérode vous a dit qu’il ne pouvait adopter mon amendement, parce qu’un ministre, après avoir été deux ans à la tête d’un département ministériel, aurait droit à une pension de 3,500 francs. Je ferai seulement remarquer que l’honorable membre avait proposé un amendement qui tendait à accorder aux ministres une pension de 4,000 francs. C’est une contradiction que je ne puis comprendre.

Je sais que l’honorable M. de Mérode a retiré son amendement. Mais enfin, il avait proposé d’accorder aux ministres une pension de 4,000 francs ; et il repousse mon amendement, qui tend à leur accorder une pension de 3,500 francs, parce qu’il trouve cette somme trop élevée.

M. de Mérode (pour un fait personnel) – Il me semble que j’ai parfaitement expliqué pourquoi j’ai renoncé à mon amendement. Mon amendement ayant été imprimé, chacun en ayant pris connaissance, plusieurs membres de la chambre pouvaient l’adopter, bien que je ne jugeasse pas à propos de le maintenir. C’est pour cela que je ne l’ai pas retiré. Il arrive souvent qu’un membre reprenne un amendement auquel celui qui l’a présenté à renoncer. J’ai indiqué suffisamment que mon désir était qu’on accordât aux ministres sortant six mois de traitement. C’est la seule chose que je considère comme bien entendue.

M. Lejeune – La chambre voudra bien remarquer qu’il n’y a rien de personnel dans ce que je viens de dire. C’est une simple observation sur un amendement qui appartenait à la discussion. Je ne sais ce qu’il y avait là de personnel.

M. Simons – Aux termes de l’article 9, deux conditions sont exigées pour qu’on puisse réclamer une pension ; trente ans de services et soixante ans d’âge. Mais on a cru devoir poser une exception en faveur des fonctionnaires publics qui pendant un certain temps ont été investis de fonctions ministérielles. Pourquoi ? Parce qu’on n’a pas voulu qu’un homme qui avait exercé pendant un temps quel qu’il soit des fonctions aussi élevées que celles de ministre ne fût pas obligé de reprendre des fonctions minimes, comme celles de commissaire de district ou autres. C’est l’objet de l’article 8 de la section centrale. D’après cet article, celui qui n’aura été ministre que six mois, mais qui pourra accoler à ses services des services antérieurs aura droit à la pension. La durée de ses fonctions de ministre comptera triple dans la durée de ses fonctions ordinaires.

Voilà l’intention de la section centrale. Elle est exprimée si clairement dans l’article 8, que je ne conçois pas qu’il y ait de doute à cet égard.

M. Cogels – D’après les explications qui viennent d’être données, je vois que je m’étais trompé sur l’intention de la section centrale ; mais la chambre me pardonnera cette erreur, si elle veut lire les articles 6 et 7, qui n’auraient dû en former qu’un seul. En effet, on établir une distinction qu’on n’aurait pas dû établir. L’article 6 admet le ministre à la pension, en sa qualité de ministre, et indépendamment de ses fonctions antérieures. D’après l’article 7, on liquide la pension du ministre, abstraction faite de cette qualité, et seulement eu égard à ces fonctions antérieures ; c’est pourquoi, on ne lui tient pas compte de son traitement de ministre, mais seulement du traitement attaché à ses fonctions antérieures ; ce n’est donc plus en sa qualité de ministre que vous lui accordez la faveur, lorsqu’il ne serait pas resté à la tête de son département pendant deux ans.

S’il en était autrement, si vous lui accordiez la faveur pour ses fonctions ministérielles, vous devriez l’accorder également à un homme qui n’aurait jamais rempli un emploi public, et qui entrerait dans la carrière ministérielle. Car ce dernier fera peut-être un sacrifice bien plus grand que celui qui a rempli des fonctions administratives, et cependant, s’il n’occupe le ministère que 18 ou 22 mois, vous ne lui accordez rien.

Il y a donc bien, comme l’a dit l’honorable M. Dumortier, un énorme privilège en faveur des fonctionnaires publics. Votre loi est défavorable à toute autre personne qui arriverait au ministère, et qui cependant, je le répète, aurait fait des sacrifices beaucoup plus grands. Ainsi, l’homme qui abandonne la carrière commerciale ou industrielle, pour entrer au ministère, ne peut plus espérer, lorsqu’il quitte le portefeuille, de retrouver une position aussi favorable que celle qu’il aurait quittée, tandis que le fonctionnaire public voit souvent cette position améliorée.

M. Simons – Messieurs, on vous dit qu’il y a privilège en faveur du fonctionnaire public, qui pendant quelques temps a été ministre, privilège au détriment de ceux qui auront des portefeuilles et qui n’auront pas rempli de fonctions publiques.

Mais ce privilège est-il donc si grand, que la chambre doive reculer devant cette considération ? Non, messieurs ; car en faisant le calcul, ce privilège est véritablement insignifiant.

Et pour vous le démontrer, je suppose qu’un fonctionnaire public qui a rempli pendant 20 années des fonctions ordinaires et qui a un traitement de 6,000 francs soit ministre pendant un an. Quelle sera sa position ? Il aura d’abord droit, pour ses 20 années de service, à raison d’un traitement de 6,000 francs, à une pension de 2,000 francs.

Voilà sa position normale, indépendante de la qualité de ministre, dont il aura été revêtu pendant un an. Maintenant pour cette année qu’il a passée comme ministre, vous ne pourrez pas lui refuser de lui compter au moins une année de service ; car, s’il avait continué son emploi comme fonctionnaire ordinaire, naturellement, au lieu de 20 ans, on en compterait 21 pour liquider la pension, de manière qu’il aurait alors droit à 2,100 francs.

Eh bien, voyons maintenant ce grand privilège qu’on fait sonner si haut ! Parce qu’il aura été pendant une année à la tête des affaires, il recevra 200 francs de plus. Voilà, messieurs, le privilège dont on parle tant.

Je prends ici un exemple, et si vous voulez l’appliquer à tous les cas qui pourront se présenter, vous verrez que ce grand privilège qu’on fait sonner si haut, se réduira toujours à quelques misérables francs. Car, comme je viens de vous le démontrer, pour des services très longs et pour des appointements de 6,000 francs, appointements qui sont déjà très élevés, cela se réduit à 200 francs.

Messieurs, un homme qui n’a pas rempli de fonctions antérieures, reprend, en quittant le ministère, la position qu’il avait auparavant, à moins qu’il n’ait cessé, ce qui ne peut être adis, un commerce pour prendre un portefeuille. Mais un fonctionnaire public, il est presque impossible qu’après avoir été ministre, il reprenne ses fonctions antérieures, si ces fonctions sont d’une classe inférieure. Ainsi un commissaire de district, un receveur ne peut reprendre ses fonctions en quittant un portefeuille. Voilà donc un sacrifice que fait cet homme, puisqu’il quitte ses fonctions qu’il aurait peut-être pu remplir encore pendant 20 ans, et il recevra en compensation de ce sacrifice une misérable somme de 200 francs.

Vous voyez donc que, quand on en vient à l’application, ce grand privilège dont on parle, n’est rien du tout.

M. de Behr – Il m’avait paru que l’honorable député d’Anvers avait d’abord élevé des doutes sur le texte même de l’article, mais cet article est très clair, qu’on l’applique aux ministres ou aux fonctionnaires qui n’ont pas eu de portefeuilles.

On vous a parlé d’industriels, de commerçants qui deviendraient ministres, et on vous a dit que le projet établit un privilège pour les fonctionnaires, en ce qu’on leur accorde des droits à la pension pour les services antérieurs. Il n’y a pas de privilège et voici comment :

Il est certain que le fonctionnaire public, aux termes de la législation existante, a le droit de faire entrer dans la liquidation de la pension un soixantième de son traitement pour chaque année de service. C’est ainsi que le décide l’arrêté-loi de 1814. Eh bien, qu’accordons-nous à ce fonctionnaire, s’il sort des affaires ? Nous lui accordons le droit de demander un soixantième pour chaque année où il aura exercé les fonctions publiques. Seulement pour le ministre qui quitte son portefeuille, on n’exige pas la condition d’âge et de durée du service. Mais aussi, dans la liquidation de la pension, on ne calcule que le temps de service ; c’est-à-dire, que pour cinq années de fonctions, il recevra cinq soixantième de son traitement.

M. Dumortier – Messieurs, c’est une chose fort curieuse de voir parmi ceux qui défendent les propositions de la section centrale, les uns venir vous dire qu’il n’y a pas privilège, les autres qu’il y a un privilège de 200 francs. Je voudrais que ces honorables membres tombassent d’accord. Car s’il n’y a pas de privilège, il n’y a pas de privilège de 200 francs, et s’il y a un privilège de 200 francs, c’est qu’il y a un privilège.

Mais le fait est qu’il y a privilège. Ce n‘est pas sur la question de chiffre que je veux discuter, car je pourrais dire à l’honorable M. Simons que pour un gouverneur, par exemple, le privilège ne serait pas de 200 francs, mais de 500 francs, ce qui fait au-delà du quart de la pension. Mais je voudrais savoir pourquoi on veut accorder un privilège aux fonctionnaires sur ceux qui ne l’ont pas été.

Un membre – Parce qu’ils ont rendu des services.

M. Dumortier – Parce qu’ils ont rendu des services ? S’ils ont rendu des services, donnez-leur ce à quoi ils ont droit en vertu de ces services. Mais vous leur donnez plus que ce à quoi ils ont droit, puisque vous leur comptez pour triples les années qu’ils auront passées au ministère, tandis qu’à ceux qui n’ont pas été fonctionnaires, vous leur comptez ces années pour zéro, attendu que ceux qui n’auront pas été ministres pendant deux ans, n’auront pas droit à la pension. Voilà où est le privilège.

Messieurs, remarquez-le bien cependant ; ainsi que vous l’avez fort bien dit M. Cogels et M. Devaux dans la séance d’hier, l’industriel qui accepte les fonctions de ministre, l’avocat, le notaire, le médecin qui deviennent ministres, font un sacrifice bien plus grand qu’un fonctionnaire. Car celui-ci ne fait qu’améliorer son sort. Ainsi un commissaire de district devient ministre ; eh bien, au sortir du ministère, il deviendra gouverneur de province ; un secrétaire général devient ministre ; il deviendra ensuite ambassadeur, et ainsi des autres. Voilà, j’espère, une ealle carrière qu’on a remplie en devenant ministre, et certes je ne puis la blâmer.

Mais, voyons ce qui arrive pour un industriel, un avocat, un notaire. En devenant ministre, il devra renoncer à son état, et cependant, quand il quitte son portefeuille, vous ne lui donnez rien.

Ainsi vous accordez un privilège à celui qui améliore sa position, et vous n’accordez rien à celui qui fait de très grands sacrifices.

Messieurs, ce n’est pas ainsi que l’on procède dans d’autres pays.

En Angleterre, un lord chancelier a une pension de cent mille francs. Et pourquoi ? Parce qu’un lord chancelier doit être avocat ; et comme, lorsqu’il quitte le ministère, il ne peut plus reprendre ses fonctions d’avocat, on lui donne une pension pour l’indemniser.

Ce n’est pas ainsi que vous agissez. Je le répète, vous établissez un privilège en faveur d’hommes qui améliorent leur position, puisque vous comptez pour triples les années qu’ils passent au ministère, tandis que, pour celui qui perd sa position, vous n’accordez rien. Voilà ce que je ne puis admettre.

Que ce privilège soit grand ou petit, ce n’est pas là la question. Mais vous ne pouvez le consacrer par votre vote.

Et quel sera le résultat d’une telle mesure ? C’est que vous verrez les fonctionnaires affluer sur les bancs de cette chambre. C’est ce qu’on ne voit pas en France et en Angleterre. En Angleterre, les fonctions amovibles ne peuvent prendre place au parlement. En France, celui qui exerce un emploi amovible ne peut être élu dans le ressort de ses fonctions. Ainsi, un procureur-général ne peut être élu dans l’endroit où il exerce ses fonctions de procureur-général ; un préfet ne peut être élu dans sa préfecture ; un gouverneur militaire dans son gouvernement militaire.

Ici aucune réserve n’est apportée. Qu’en résulte-t-il ? que les fonctionnaires, très âpres à la curée, s’emparent d’une grande partie des sièges de cette chambre ; et que cela arrivera de plus en plus par suite du privilège que vous établissez en leur faveur. Je ne veux pas de cet abus, et c’est pourquoi je voterai contre cette disposition.

M. Devaux – On a répondu aux explications que j’avais demandées et maintenant les intentions de la section centrale sont très claires. Tout homme qui aura été ministre, du moment qu’il aura été fonctionnaire public, aura droit à une pension. Telle est l’intention bien claire de la section centrale.

Je ne m’y oppose pas ; seulement je suis d’avis, avec l’honorable M. Dumortier, que cette disposition, qui est peut-être la conséquence plus ou moins directe de celle qui a été adoptée à l’article 6, a été conçue dans un esprit de partialité, involontaire si l’on veut, en faveur des fonctionnaires.

On a oublié qu’il pouvait y avoir des ministres qui quittent une position autre qu’une position administrative. Si vous voulez une preuve, prenez un exemple.

Un homme a été ministre pendant dix-huit mois, sans avoir appartenu à l’administration ; il se retire et n’a aucun droit à la pension.

Un autre a été ministre six mois, et il avait été auparavant commissaire de district pendant autant de temps. En se retirant, il obtiendra une pension. Ainsi l’on aura été dix-huit mois dans un rang élevé, l’autre aura été six mois dans un rang inférieur, et six mois dans un rang égal, et ce dernier aura des droits à la pension, tandis que le premier n’en aura aucun.

C’est là, je le répète, une anomalie. Je ne m’y oppose pas, parce que c’est une conséquence plus ou moins directe de l’article 6. Vous avez créé un privilège, une partialité légale en faveur des ministres fonctionnaires. C’est une chose fâcheuse mais il faut sortir de cette loi ; je ne veux pas prolonger la discussion ; j’adopte le système de la section centrale.

Je ne vois qu’un moyen de pallier un peu le mal, c’est d’adopter l’amendement de M. d’Hoffschmidt. D’après cet amendement le ministre qui aura été deux ans en fonction, aura, je crois, 3,500 francs, qu’il ait appartenu ou non à l’administration. C’est là un moyen de pallier un peu les conséquences de ce que vous avez décidé antérieurement.

M. le président – Je vais mettre aux voix l’amendement de M. d’Hoffschmidt, qui tend à faire compter chaque année de fonctions ministérielles pour 3 ans.

Plusieurs membres – L’appel nominal.

Il est procédé au vote par appel nominal ; en voici le résultat :

64 membres sont présents.

16 adoptent.

43 rejettent.

5 s’abstiennent.

En conséquence l’amendement n’est pas adopté.

Ont voté pour l’adoption : MM. Cools, David, de Puydt, Desmet, Devaux, d’Hoffschmidt, Dumont, Duvivier, Fleussu, Lange, Lys, Pirmez, Puissant, Raikem, Sigart, Troye et Fallon.

Ont voté le rejet : MM. Brabant, Cogels, Coppieters, de Behr, Dedecker, de Foere, de Garcia de la Vega, de Langhe, Delehaye, Delfosse, de Mérode, Demonceau, de Nef, de Perceval, de Potter, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmaisières, de Terbecq, Doignon, Donny, Dubus (aîné), B. Dubus, Eloy de Burdinne, Hye-Hoys, Jadot, Kervyn, Lejeune, Mast de Vries, Milcamps, Morel-Danheel, Pirson, Raymaeckers, Rodenbach, Scheyven, Simons, Thienpont, Ullens, Van Cutsem, Vandenbossche, Vandensteen, Wallaert et Zoude.

Se sont abstenus :

MM. Dumortier, Lebeau, Liedts, Mercier, Rogier.

M. le président – Les membres qui se sont abstenus sont invités à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Dumortier – J’aurais voté pour l’amendement, attendu qu’il tendait à réparer en quelque sorte une injustice que j’ai signalée, mais comme il appartenait à un système que je ne puis apprécier, j’ai dû m’abstenir.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau), M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts), M. le ministre des finances (M. Mercier) et M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) déclarent s’être abstenus par les motifs qu’ils ont déjà fait connaître précédemment.

- L’amendement de M. Lejeune tendant à faire compter chaque année de fonctions ministérielles pour 4 ans est mis aux voix ; il n’est pas adopté.

La proposition de la section centrale est ensuite adoptée.

Chapitre II. Pensions des magistrats, fonctionnaires et employés
Article 9

« Art. 9. Les magistrats, fonctionnaires et employés faisant partie de l’administration générale, et payés sur le budget de l’Etat, seront admis à faire valoir leurs droits à la retraite à 60 ans, et après 30 années de service pour lesquelles ils seront ou auront été assujettis à la retenue au profit du trésor public ou des caisses de retraite supprimées. »

M. Kervyn – Messieurs, j’ai demandé la parole pour demander une explication à M. le rapporteur de la section centrale.

Dans les observations accompagnant l’article 9 de la section centrale on a généralisé l’application de la pension, en l’étendant aux membres de la cour des comptes. Une omission, qui avait frappé beaucoup de personnes, se trouve ainsi réparée, et l’article 9 reconnaît les droits à la pension des membres de la cour des comptes.

Mais il y a une autre difficulté sur laquelle j’aimerais d’avoir des apaisements.

L’article 9 exige 60 ans d’âge et 30 ans de service.

Je suppose qu’un membre de la cour des comptes reçoive son mandat à l’âge de 30 ans et qu’après quatre termes il ne soit pas réélu ; il n’aura que 54 années d’âge et 24 années de services. Il n’aira donc aucun droit à la pension ; cependant des retenues auront été fates sur son traitement. Sa position serait donc extrêmement défavorable.

En attendant ces explications, j’ose soumettre à la chambre l’amendement suivant :

« Dans le cas où un membre de la cour des comptes, qui aurait reçu deux mandats consécutifs de la chambre, ne serait plus réélu chaque année de ses fonctions comptera pour deux ans dans la liquidation de la pension. »

- Cet amendement est appuyé.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, la pension des membres de la cour des comptes avait déjà fixé l’attention du gouvernement ; nous avons pensé devoir assimiler les membres de la cour des comptes aux fonctionnaires qui, après dix années de service, se trouveront dans l’impossibilité de continuer l’exercice de leurs fonctions. L’intention du gouvernement est donc de proposer un amendement d’après lequel les membres de la cour des comptes obtiendront une pension après dix années de service dans le cas de non réélection.

M. le président – Voici l’amendement de M. le ministre des finances :

« Le membre de la cour des comptes qui a au moins dix années de services publics peut faire valoir ses droits à la pension, s’il cesse de faire partie de ce corps par suite de non réélection.

M. de Garcia – Remarquez, messieurs, que l’inconvénient qui a été signalé, et qui vient de faire l’objet d’un amendement s’applique non seulement aux membres de la cour des comptes, mas à tous les fonctionnaires révocables, il s’applique aux membres des députations permanentes qui sont aussi soumis à une réélection, il s’applique aux procureurs du Roi, en un mot, à tous les fonctionnaires amovibles. Dès lors, je ne conçois pas comment l’on veut introduire une exception exclusive en faveur des membres de la cour des comptes.

Voyons donc ce qu’il peut advenir aux fonctionnaires amovibles, à un procureur du Roi, à un procureur-général. Par exemple, arrivé au terme de leurs fonctions, arrivés près du moment où leur âge et leurs services vont leur donner droit à la pension, ils se trouveront dans une position de dépendance complète et dans la position la plus pénible, puisque le gouvernement pourra, s’il le juge convenable, leur imposer toutes ses volontés, sous peine de les révoquer avant qu’ils aient rempli les conditions d’âge et de durée de service nécessaire pour avoir droit à la pension. Il en serait de même de tous les fonctionnaires nommés et révocables par le gouvernement.

Supposons, messieurs, qu’on puisse m’objecter quelque chose en ce qui concerne les fonctionnaires nommés par le gouvernement, mon observation restera au moins entièrement juste en ce qui concerne les membres des députations provinciales. En effet, d’après la rédaction de la section centrale, il est évident que les membres des députations provinciales auront droit à la pension ; je suppose qu’un de ces fonctionnaires, après 25 ou 28 ans de service, ne soit plus réélu, dans ce cas, il n’aura pas droit à la pension. Les membres des députations permanentes sont donc absolument dans le même cas que les membres de la cour des comptes, et je crois que si l’on fait une exception pour les uns, il faut aussi en faire pour les autres ; je crois même que si l’on entre dans cette voie, il faut agir de la même manière envers tous les fonctionnaires amovibles ; or, si vous prenez une semblable mesure, le chiffre qu’il faudra porter annuellement au budget pour payer ses pensions sera immense, et vous ouvrirez ainsi un nouveau gouffre où s’engloutiront nos finances.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Il peut y avoir, en effet, quelque analogie entre les fonctions de membres de la députation permanente d’un conseil provincial et celles de membre de la cour des comptes, puisque ce sont deux catégories de fonctionnaires soumis à une réélection, mais il n’en est pas de même des fonctionnaires amovibles ; un fonctionnaire électif peut n’être pas réélu sans avoir en aucune manière démérité, les fonctionnaires nommés par le gouvernement ne sont en général révoqués que lorsqu’ils ont réellement perdu, par leur inconduite, la confiance du gouvernement.

On ne doit pas craindre, messieurs, que l’amendement que je viens de proposer entraîne une charge notable pour le trésor, puisque d’après cet amendement, il faut dix années de services, et qu’il est assez probable qu’un membre de la cour des comptes qui se trouvera dans cette position continuera à rester faire partie de ce corps ; ce ne sera que dans des cas fort rares qu’il en sera autrement.

Si l’on juge convenable de proposer de semblables dispositions en faveur des membres des députations permanentes des conseils provinciaux, et qu’un amendement soit présenté à cette fin, on examinera avec plus d’attention si, en effet, il n’y a pas de motifs particuliers qui militent en faveur des membres de la cour des comptes, et qui n’existent pas à l’égard des membres des députations permanentes.

M. d’Hoffschmidt – J’ai été frappé, messieurs, de ce qu’a dit l’honorable M. de Garcia, relativement à l’analogie qu’il y a entre les fonctions de député des états et celles de membre de la cour des comptes. Il est certain que si vous adoptez l’amendement proposé par M. le ministre des finances, en ce qui concerne les conseillers de la cour des comptes, vous devez prendre une disposition analogue pour les membres des députations provinciales ; car les mêmes motifs existent pour les uns comme pour les autres. Les membres des députations permanentes peuvent aussi bien que les conseillers de la cour des comptes, avoir rendu de grands services et n’être plus réélus, sans avoir en aucune manière démérité.

Quant aux fonctionnaires nommés par le gouvernement, je partage entièrement l’opinion de M. le ministre des finances, que ceux-là ne sont pas dans la même position ; ils peuvent être révoqués, c’est vrai, mais nous savons tous que le gouvernement n’en vient pas à cette extrémité sans qu’il y ait des motifs extrêmement graves.

Je crois donc, messieurs, que l’amendement est fondé quant aux membres de la cour des comptes et qu’il doit être étendu aux membres des députations des conseils provinciaux.

M. Desmet – Messieurs, les observations qui viennent d’être présentées ne font que raffermir ma conviction que si la loi est votée, il en résultera la nécessité d’un deuxième budget pour les fonctionnaires de l’administration générale, car la loi que vous discutez contient des éléments que vous formez pour ce deuxième budget et dont vous ne savez pas mesurer toute l’élévation du chiffre. Cependant, lorsqu’on veut accorder des pensions aux fonctionnaires et même à ceux qui sont encore aptes à remplir leurs fonctions, il faut être juste pour tout le monde.

On nous a signalé, messieurs, les membres des conseils provinciaux, les membres des députations provinciales ; il y a bien des personnes qui ont rendu des services à l’Etat et qui n’ont aucune pension. J’ai connu tel administrateur qui a servi le pays pendant 35 ou 38 ans dans une place élevée ; eh bien, messieurs, il a été destitué et n’a point reçu de pension. Il faut, messieurs, qu’il n’y ait point de privilège.

Quoi qu’il en soit, messieurs, la loi est mauvaise, et je la repousserai par mon vote. Si tout à l’heure j’ai voté pour la proposition qui tendait à faire compter les années de fonctions ministérielles pour 5 ans, c’est par erreur, parce que j’étais occupé d’autre chose, et c’est pour faire cette remarque que j’ai principalement demandé la parole, car mon intention est de voter contre la loi, parce que j’y vois la nécessité d’un second budget.

Veuillez, messieurs, penser à la position du pays et à la misère qui y règne ; vous créez tous les jours de nouvelles dépenses, et vous les créez particulièrement en faveur de ceux qui sont dans l’aisance, et vous ne songez pas que ce sont les classes peu aisées qui doivent contribuer le plus à couvrir toutes ces dépenses ; je crois donc qu’il faut repousser la loi que nous discutons, et au lieu de soigner continuellement les traitements des fonctionnaires, et de soigner à leur procurer de grandes pensions, que vous accordez à des fonctionnaires qui sont encore très en état de remplir leurs fonctions, et que vous accordez aussi aux veuves et aux enfants, veuillez songer un peu à la classe pauvre des artisans et des ouvriers qui sont actuellement dans la plus profonde misère !

M. le ministre des finances (M. Mercier) – J’ai proposé cet amendement dès à présent parce que l’honorable M. Kervyn avait entretenu la chambre de ce qui concerne la cour des comptes ; mais je ne pense pas qu’on doive en aborder immédiatement la discussion ; il me semble au contraire qu’il y a lieu de la renvoyer à l’examen de la section centrale. Du reste ce n’est pas ici le moment de s’en occuper puisque nous en sommes à l’article 9 et que la disposition que j’ai proposée devra trouver sa place entre les articles 12 et 13.

M. de Behr – L’honorable M. Desmet dit que la loi en discussion donnera lieu à la création d’un nouveau budget, en faveur des fonctionnaires publics. Mais je ferai remarquer à l’honorable membre que tous les fonctionnaires publics désirent le maintien de la législation actuelle. Ainsi, les professeurs des universités demandent qu’on leur applique le règlement existant, les employés des finances demandent le maintien du règlement de 1822.

L’arrêté-loi de 1814, messieurs, accorde des pensions infiniment plus fortes que celles qui seraient accordées en vertu du projet dont nous nous occupons. Je voudrais donc bien que l’on me dît en quoi ce projet favorise les fonctionnaires.

M. de Garcia – J’ai peu de mots à répondre relativement à la différence que l’on prétend exister entre les fonctionnaires élus et les fonctionnaires amovibles. Cette différence n’existe pas selon moi, et si elle existe, en fait, cela ne suffit pas ; il faut que le fonctionnaire amovible trouve dans la loi la même garantie qu’on doit donner aux fonctionnaires élus.

Je commence par dire que je suis convaincu que le ministère actuel n’abusera jamais de ses pouvoirs, qu’il n’écartera jamais arbitrairement un fonctionnaire.

Mais quand on fait une loi, il faut prévoir tout ; rien ne nous assure que dans la suite un ministère exigeant, voulant subordonner ses employés d’une manière trop absolue, n’abusera parfois de son pouvoir. Or, la loi doit toujours prévoir les abus qui peuvent surgir. Dès lors, je voudrais que si vous adoptez une exception en faveur de l’employé qui doit son emploi à l’élection, cette exception s’étendît aux fonctionnaires amovibles qui peuvent être exposés à être renvoyés par un caprice d’un cabinet. Le jugement des électeurs, à mes yeux, est aussi sûr que celui des gouvernants, et les fonctionnaires qui seront renvoyés par les uns ou non-réélus par les autres, ils le devront à ce qu’ils n’auront pas bien rempli leurs obligations. Au surplus, d’après ma manière de voir il ne faut apporter dans la loi aucune exception en faveur des fonctionnaires d’aucune espèce et ce n’est que pour écarter la proposition qui est faite que je me suis attaché à démontrer que les fonctionnaires élus et les fonctionnaires amovibles étaient sur la même ligne.

M. B. Dubus – Messieurs, je lis dans le rapport de la section centrale, page 4, ce qui suit :

« Art. 8 ancien, 9 nouveau. Le projet, tel qu’il est rédigé, a été l’objet d’une critique bien légitime ; en effet, il semblait exclure les fonctionnaires qui n’avaient pas été commissionnés par le gouvernement ; il rendait au moins leur position équivoque ; c’est ainsi que les conseillers de la cour des comptes, qui tiennent leur mandat de la représentation nationale, n’auraient été admis à la pension que par une espèce d’interprétation de la loi ; il en eût été de même des greffiers et employés des chambres législatives, etc. »

Messieurs, l’on peut considérer parmi les employés de la chambre, trois catégories d’employés, eu égard à leur mode de nomination. Les uns sont nommés par la chambre ; d’autres, par le bureau ; d’autres, par la questure.

Il me paraît que les employés que le bureau ou la questure nomme, par une délégation de la chambre, doivent être rangés absolument dans la même catégorie que les employés qui tiennent leur nomination de la chambre elle-même. Cependant, comme il pourrait y avoir des doutes à cet égard, je serais charmé de connaître l’opinion de M. le ministre des finances, et même de l’honorable rapporteur de la section centrale, qui a rédigé les lignes que je viens de lire.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, je pense qu’on ne doit pas faire de distinction entre les employés de la chambre. Qu’ils soient nommés par la questure ou par le bureau, il faut considérer leur nomination comme émanant de la même autorité, et les ranger tous dans la catégorie d’employés de la chambre.

M. Zoude, rapporteur – La section centrale, en parlant des employés de la chambre, a entendu désigner tous les employés de la chambre, qu’ils aient été nommés par la chambre elle-même, par le bureau ou par la questure.

M. Desmet – Je répondrai à l’honorable M. de Behr, en ce qui concerne l’arrêté-loi de 1814, que j’ai toujours prétendu que l’application de cet arrêté était illégale. J’ai constamment soutenu qu’en appliquant cet arrêté, on commettait un abus. Quand j’ai voté au congrès l’article de la constitution concernant les pensions, j’ai pensé que toute pension devait être accordée par une loi spéciale, nous avons toujours protesté contre l’usage qu’on faisait de l’arrêté. Vois connaissez l’origine de cet arrêté. Il a été pris en 1814, lors de l’arrivée des alliés et de la chute des Français ; on a voulu par là fermer la bouche aux réclamations des anciens fonctionnaires en exercice sous le régime autrichien ; on a voulu leur donner une fiche de consolation, en leur promettant une pension. Mais aucune des personnes qu’on avait en vue d’avantager n’a profité de l’arrêté, on ne pourrait pas me citer un seul fonctionnaire en exercice sous le régime autrichien, à qui ont ait accordé une pension. Après 1830, tout le monde s’est raccroché à cet arrêté-loi ; on a, il est vrai, modifiée l’article 7, qui donnait un grand arbitraire au chef de l’Etat ; mais ce n’était qu’un arrêté, et on lui a donné force de loi.

M. Doignon – Messieurs, je regrette qu’on n’ait pas adopté un tout autre plan pour le titre que nous discutons en ce moment. Selon moi, l’on aurait dû faire des catégories, tandis que le projet qu’on nous présente passe le niveau sur tous les fonctionnaires indistinctement ; l’on confond toutes les positions. De là des difficultés ; de là des injustices. Je ne puis donc admettre le système de la section centrale. Mais puisqu’on est arrivé à cet article, j’aurai à faire quelques observations.

Le gouvernement s’est rallié à la proposition de la section centrale ; mais avez-vous bien remarqué la grande différence qui existe entre les deux dispositions ? Voici celle qu’a proposée le gouvernement.

« Tous les fonctionnaires, magistrats et employés… pourront être admis à faire valoir leurs droits à la pension. »

La section centrale vous propose au contraire ceci :

« Les magistrats, fonctionnaires, employés, seront admis à faire valoir leurs droits à la retraite. »

Il résulterait de ce changement de rédaction, que le gouvernement n’aurait plus la faculté d’accorder ou de refuser les pensions, mais il serait tenu d’en accorder dans tous les cas.

Je ne puis admettre une disposition aussi absolue. La pension, ainsi que je l’ai dit, est d’abord une récompense de bons et loyaux services ; or, dans le système de la section centrale, cette récompense serait accordée, quelle qu’eût été la conduite du fonctionnaire.

On accorderait donc la pension au fonctionnaire qui aurait malversé, prévariqué, qui aurait laissé des déficits dans sa caisse.

La section centrale croit avoir prévu le cas dans l’article 19 du projet en discussion. Mais, d’après cet article même, lorsque le fonctionnaire ne réunit les conditions voulues par l’article 9, on ne peut lui refuser la pension, de sorte que l’inconvénient existe dans toute sa force.

Je ferai observer en outre qu’on propose de donner la pension, dans tous les cas, aux titulaires âgés de 60 ans. Or, à cet âge, vous rencontrez un grand nombre de fonctionnaires qui sont encore fort capables de remplir leurs fonctions. Si donc vous conservez cet âge de 60 ans, vous allez avoir des rentiers de l’Etat ; ce qui ne peut entrer dans les intentions de la législature. L’âge doit donc, selon moi, être élevé, si l’Etat est obligé de donner des pensions.

J’ai aussi fait remarquer dans la discussion générale qu’il ne convenait pas de donner une pension à des fonctionnaires opulents, qui vivent dans une grande aisance. Je maintiens mon opinion. Il est exorbitant, d’après moi, de donner des pensions à ceux qui n’en ont aucun besoin. Je conçois qu’on leur accorde des récompenses honorifiques, et l’on devrait s’en tenir à ces récompenses ; mais, donner de l’argent à ceux qui n’en ont pas besoin, c’est là un abus, c’est vouloir créer des rentiers.

D’après ces observations, je voterai contre l’article, comme je voterai probablement contre la loi.

M. Vandenbossche – Messieurs, j’appuie l’opinion de l’honorable M. Doignon. Moi aussi, je préfère la proposition du gouvernement, qui laisse à celui-ci la faculté d’accorder des pensions, et je lui recommanderai de ne jamais abuser de cette faculté pour donner des pensions à ceux qui n’en ont pas besoin.

M. Dumortier – Messieurs, j’appuie aussi l’opinion de mon honorable ami M. Doignon. La différence entre la faculté d’accorder une pension et l’obligation d’en allouer est tout à fait radicale dans la loi. Qu’arrivera-t-il quand un fonctionnaire public aura, par exemple, prévariqué ? C’est qu’il aura un droit acquis à la retraite. On me dira : Mettez-le en jugement. Mais c’est là une extrémité à laquelle un ministère ne se porte pas toujours, pressé qu’il est par les sollicitations de parents puissants et influents.

Ainsi, nous savons tous très bien qu’un fonctionnaire public a laissé, il y a quelques années, un déficit de 428,000 francs dans sa caisse ; eh bien, ce fonctionnaire n’a pas été poursuivi.

Un membre – Il a été condamné par contumace…

M. Dumortier – C’est possible, mais j’en connais d’autres qui n’ont pas été poursuivis pour le même fait ; n’ayant pas été poursuivis, ils auraient donc droit à la pension. Voilà une des conséquences de la disposition.

Encore une fois, l’on a eu en vue l’intérêt des fonctionnaires, l’on a voulu leur faire des droits là où ils n’avaient qu’à attendre des faveurs.

Cette loi aura d’ailleurs de grandes difficultés d’exécution. D’abord, comme j’ai déjà eu l’honneur de le dire, l’article en discussion établit une inégalité choquante de droit entre les diverses administrations.

Ainsi, pour devenir membre de l’ordre judiciaire, il faut d’abord se livrer à de longues et fortes études, il faut avoir été reçu docteur en droit, il faut avoir fait un stage, il faut enfin avoir dépensé beaucoup d’argent, et généralement on ne peut entrer dans l’ordre judiciaire qu’à 30 ans.

Au contraire, dans l’administration des finances, l’on devient surnuméraire à l’âge de 16 ans et même de 15 ans (il y a des exemples de cela). Ainsi à l’âge où la personne qui se destine à la magistrature commence seulement à espérer d’entrer dans l’ordre judiciaire, l’employé des finances, dont je parle, a déjà peut-être 15 à 20 années de service ; et cependant vous placez ces deux hommes sur la même ligne.

En passant le niveau sur toutes les catégories de fonctions, vous commettez donc une inégalité choquante en fait.

Dans ma manière de voir, il faudrait établir des dispositions pour les employés de l’ordre des finances, et ne compter, par exemple, leurs années de service qu’à un âge déterminé, à l’âge de 25 ans. Alors du moins vous rétablirez un peu l’équilibre que la section centrale a vivement froissé dans son projet de loi.

C’est un privilège, dites-vous. Mais c’est votre loi qui consacre un privilège, en mettant sur la même ligne des fonctionnaires qui ont déjà 30 ans de service à 45 ans, âge auquel d’autres ne font qu’entrer en fonctions.

Voilà le privilège qu’il est important de faire disparaître.

Messieurs, dans la loi en discussion, il existe un système tout nouveau qu’on introduit. Je prie la chambre de prêter attention à ce que je vais avoir l’honneur de lui dire. Ce système est celui qui a pour but d’accorder des pensions aux veuves et aux orphelins des fonctionnaires publics. Jusqu’aujourd’hui, ni les veuves ni les orphelins n’ont droit à la pension, excepté dans l’administration financière et dans l’armée. Et même dans cette administration les pensions que touchent les veuves et les orphelins sont payées par des caisses spéciales, au moyen de retenues. Il n’est pas question de l’ordre judiciaire.

Nous n’avons à nous occuper que de l’ordre administratif. Dans ma manière de voir, et je la crois partagée par un grand nombre de membres, quand nous en viendrons à la question de la caisse des veuves, il serait préférable d’adopter une disposition portant que les fonctionnaires publics formeront entre eux une caisse des veuves, au moyen d’une retenue quelconque sur leur traitement, mais que cette caisse sera constituée de manière telle que le trésor public ne puisse jamais être lésé. Vous pouvez arriver à ce but au moyen d’une tontine. Tous les ans, vous partagerez entre les veuves et les orphelins, au prorata de l’encaisse, quand la somme des retenus n’arrivera pas au niveau de l’intégralité des pensions des veuves et des orphelins. Si la somme des retenues dépasse le montant des pensions. C’est ainsi qu’on faisait sous le royaume des Pays-Bas ; il doit même y avoir un reste considérable de cette caisse, que nous recevrons lors de la liquidation avec la Hollande.

Voilà le système que je proposerai quand le moment viendra ; je pense que la chambre l’adoptera ; car il n’entre, je pense, dans l’intention de personne de créer une nouvelle charge pour le trésor. Mais si ce système est adopté, comment la section centrale entend-t-elle gérer ce qui concerne la caisse de retraite ? Vous allez mettre les pensions de la caisse de retraite à la charge de l’Etat. Dès lors vous grevez l’Etat d’un million de pensions qu’il ne paye pas aujourd’hui. A la vérité, vous mettez une retenue sur les fonctionnaires des finances, et vous la porterez en recette. Mais quelle sera la retenue que vous établirez pour leurs veuves ?

Dans l’hypothèse où la chambre se déciderait pour une tontine pour les veuves, comment entend-t-on gérer la caisse de retraire de l’administration des finances ? Voilà une question grave sur laquelle je prierai la section centrale de nous donner des éclaircissements.

Nous n’y sommes pas, me dit-on : c’est vrai ; mais comme c’est une question de principe, nous devons décider si nous voulons mettre à la charge de l’Etat les pensions des veuves et des orphelins. Je suis persuadé que la chambre admettra un système de partage et de tontine entre les veuves et les orphelins des fonctionnaires publics, un système comme celui qui existe dans l’armée. Voilà comment il faut procéder ; sans cela, vous devrez mettre les pensions des veuves à la charge du trésor et y verser les retenus. Si vous voulez être conséquents avec vous-mêmes, vous établirez un fonds spécial qui sera sous la surveillance du gouvernement, sans pouvoir cependant jamais devenir une charge pour le trésor.

Le principe admis nous verrons comment nous devons agir en ce qui concerne la caisse des veuves des employés des finances.

Si l’intention de beaucoup de membres est d’admettre le système du gouvernement des Pays-Bas pour la caisse des veuves, c’est par là qu’il faut commencer. Mais il ne faut pas trancher une question avant d’avoir posé les principes.

M. Zoude, rapporteur – Je répondrai d’abord à M. Doignon, qui trouve qu’on a mal fait de substituer les mots « pourront être », à celui, « seront ». Il me suffira pour cela de lire le passage du rapport qui justifie ce changement.

« En faisant ce changement, la section ne s’est pas dissimulée que le droit accordé au fonctionnaire d’exiger sa pension lorsqu’il a rempli toutes les conditions prescrites par la loi, pourrait parfois donner lieu à quelque inconvénient, mais elle a considéré que le traitement d’activité étant presque toujours supérieur au taux de la pension, le titulaire aurait intérêt à rester en place le plus longtemps possible, qu’il serait d’ailleurs fâcheux de l’exposer à l’arbitraire d’un chef qui pourrait être peu bienveillant à son égard.

« Au moyen de ces changements l’article est adopté. »

On a dit ensuite que le système de la section centrale consacrait des prodigalités, qu’il admettait des droits au profit de ceux qui étaient encore sur les bancs de l’école. Je pense qu’on veut parler des surnuméraires. Mais encore, si le ministre admettait comme tels des jeunes gens qui seraient encore sur les bancs de l’école, il y aurait là lieu à accusation grave contre ceux qui les admettent. On a dit aussi que le projet de la section centrale allait jusqu’à pensionner ceux qui auraient prévariqué. Mais l’article 45 ne dit-il pas qu’une condamnation à une peine infamante emporte la privation de la pension, ou du droit à l’obtenir et il ajoute qu’elle ne sera rendue qu’en cas de réhabilitation. Nous avons été plus sévères que la loi ancienne qui rend la pension à l’expiration de la peine. Nous avons exigé la réhabilitation.

Quant aux coupables qui n’auraient pas été poursuivis, c’est là une accusation grave contre les ministres. Je crois moi qu’ils font leur devoir, que tout prévaricateur est frappé par la loi, qu’on provoque l’exécution de la loi à son égard.

M. Vandenbossche a reproduit l’observation qui tend à diviser les fonctionnaires en riches et pauvres. Il ne voit donc pas que par la déclaration de pauvreté il livre une partie des fonctionnaires au mépris. Car le pauvre n’est pas considéré ; sans doute si le vulgaire s’élevait à la hauteur de ses idées philosophiques, il trouverait que l’homme pauvre est aussi respectable que le riche. Mais il faut prendre la société comme elle est. Or, on voit toujours le pauvre de mauvais œil. D’un autre côté, comme je l’ai déjà dit, son système aurait pour effet de récompenser la prodigalité et de punir l’esprit d’ordre et d’économie. Ensuite, celui qui est pauvre, quand on veut lui accorder la pension, peut faire une succession et devenir riche ; reviendrez-vous sur la pension que vous lui aurez accordée. Celui qui est riche peut aussi devenir pauvre. Reviendrez-vous encore sur la décision prise ? Je ne sais, en vérité, où conduirait un pareil système.

M. Dubus (aîné) – Je pense que l’article en discussion implique la décision de plusieurs questions importantes qui n’ont pas été décidées.

Quand je lis la dernière partie de l’article, je vois qu’elle suppose la retenue au profit du trésor public et la suppression des caisses de retraite. Or, nous avons ajourné la décision de ces questions. Voici comment se termine l’article : « et après 30 années de services pour lesquelles ils seront ou auront été assujettis à la retenue au profit du trésor public ou des caisses de retraite supprimées. » On suppose qu’ils seront assujettis à une retenue, et cette expression des caisses de retraire supprimées suppose encore l’adoption de l’article qui supprime les caisses de retraite, et qu’on fait passer l’actif et le passif de ces caisses à la charge et au profit du trésor public. On a parlé de ces questions au commencement de la discussion, on a jugé à propos de les ajourner, il ne faut pas les trancher ici incidemment.

D’autres questions, encore, seraient résolues implicitement par l’adoption de l’article dont il s’agit. Cet article est général et confond dans une seule catégorie tous les fonctionnaires de l’Etat, à quelque corps qu’ils appartiennent. Or, une proposition avait été faite de distinguer entre les diverses catégories de fonctionnaires de l’Etat. Il est possible qu’il y ait des raisons très puissantes pour faire cette distinction. Ce serait, selon moi, le seul moyen d’être juste à l’égard de tous, le seul moyen qu’il y ait une justice distributive. Car la justice de l’article 9 n’est qu’apparente. Car, s’il y a des fonctions essentiellement différentes pour les différentes catégories de fonctionnaires, exiger, pour accorder la pension à tous, 60 ans d’âge et 30 années de service, c’est introduire des conditions essentiellement différentes, d’après les conditions particulières exigées pour l’exercice des différentes fonctions. Votre article, dès lors, est injuste, quoiqu’il paraisse juste, en ce sens qu’il met tout le monde sous le même niveau.

A-t-on fourni quelques renseignements qui nous permettent d’apprécier la conséquence de notre vote pour le trésor public ? Nous sommes dans la même position qu’il y a trois jours. Nous n’avons pas plus de renseignements qu’alors. Sur les autres questions qui intéressent la chambre, on obtient des détails statistiques. Je pense que ces détails n’ont jamais été plus nécessaires que pour la question actuelle et nous n’en avons obtenu aucun. Pour les différentes catégories de fonctionnaires, quel était le chiffre des pensions, il y a dix ans ? Quel en a été le chiffre successivement pour chacune des années qui se sont écoulées depuis lors.

Quel a été le chiffre successif des extinctions ?

Voilà ce que nous devrions savoir. Voilà ce que nous ne savons pas.

Il n’y a que deux grandes divisions que j’ai pu faire d’après les chiffres du budget : 1° pensions de retraite ; 2° pensions civiles, qui comprennent les pensions d’ordre judiciaire et diverses autres catégories d’employés.

Toutes ces pensions ont dû éprouver une augmentation notable, par suite des nombreuses mises à la retraite qui ont été la conséquence de la révolution. Pour l’ordre judiciaire notamment, il y a eu une première réorganisation par le gouvernement provisoire et une organisation définitive en 1832. Dans l’administration, beaucoup de fonctionnaires ont été mis à la retraite, et on a été obligé de liquider les pensions. Le chiffre des pensions a donc ainsi augmenté, par suite de l’événement de la révolution. Le chiffre des pensions de retraite a augmenté par suite du même événement. Mais il y a une grande différence entre ces deux grandes divisions de pensionnaires. Après être arrivé à un certain taux, le chiffre des pensions civiles a commencé à diminuer ; il diminuera de même chaque année, jusqu’à ce qu’il ait atteint un taux normal, tandis que le chiffre des pensions de retraite n’a pas cessé d’augmenter, de sorte que l’année où il est le plus élevé est la dernière année écoulée, l’année 1840.

Il serait utile de rechercher les causes de cette différence. Lorsque ces causes auront été convenablement appréciées, on pourra déterminer les conditions d’admission pour chaque catégorie de fonctionnaires. Les uns pensent que l’une des causes de cette augmentation du chiffre des pensions de la caisse des retraites, c’est qu’on fait compter comme années de service les années de surnumérariat, de manière que les fils, les neveux, les cousins des employés des finances sont inscrits comme surnuméraires longtemps avant leur majorité et font leur apprentissage en gagnant des années se service. Quand ils ont atteint l’âge de trente ans, ils ont déjà douze ou quinze ans de services ; et à peine majeurs (car, avant leur majorité, on ne peut leur confier des fonctions publiques), ils obtiennent des fonctions publiques, d’abord très modestes, mais avec un avancement qui ne cesse pas jusqu’à l’époque de la mise à la retraite ; et trois ans avant l’époque de la mise à la retraite, on ne manque pas de leur donner une place à gros traitement ou à grosse remise, pour que la moyenne du traitement des trois dernières années donne droit à une grosse pension. Tel est le sort des employés des finances.

Cette manière d’assurer aux employés des finances des pensions souvent exagérées est-elle corrigée de tout point par les dispositions de la loi en discussion ? A quel âge compteront les années de services ?

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Cela est prévu par la loi.

M. Dubus (aîné) – Le dernier alinéa de l’article 15 est ainsi conçu :

« Les services ne seront comptés que de la date du premier traitement d’activité à partir de l’âge de dix-huit ans accomplis, sauf pour le surnumérariat dûment commissionné qui ne sera pas soumis à ces deux conditions. »

D’où il résulte manifestement que les années de service commencent à quinze ans pour ceux qui sont nommés surnuméraires à cet âge, ce sera le même abus, et il aura les mêmes conséquences, si c’était là la cause de cette progression continuelle du chiffre des pensions de la caisse des retraites, depuis la révolution jusqu’aujourd’hui.

On me fait observer qu’on pourra modifier l’article 15 ; mais, en réponse, je ferai observer que si l’on ne fait pas ressortir les abus de la loi, il sera impossible de la modifier.

Quant à moi, je pense que les années de surnumérariat ne devraient pas compter dans les années de service. Dans d’autres professions, on doit faire des études dispendieuses et on est encore soumis à un stage avant d’entrer dans les fonctions publiques ; et dans les emplois des finances, le surnumérariat compte dans les années de service. Un autre motif pour qu’il n’en soit plus ainsi, c’est qu’un mineur est incapable de remplir des fonctions publiques. Il est donc impossible qu’on lui compte des années de surnumérariat, comme s’il remplissait des fonctions publiques.

Si nous obtenons une statistique spéciale, en ce qui concerne les pensions de chaque catégorie de fonctionnaires depuis 10 ans, nous serions à même de prendre des dispositions sages, équitables pour chaque catégorie de fonctionnaires, tandis qu’avec une mesure générale comme celle proposée, nous serons manifestement injustes.

Je suppose, par exemple, qu’une retenue d’un pour cent sur les traitements des fonctionnaires de l’ordre judiciaire produise une somme suffisante pour les pensions des veuves et des orphelins de l’ordre judiciaire. N’est-il pas de l’iniquité la plus révoltante de porter alors la retenue à 3 p.c., afin de trouver une somme suffisante pour les pensions des veuves et orphelins, des employés des finances. Or, voilà l’injustice que vous êtes exposés à faire, parce qu’on ne vous a présenté aucune statistique, aucun chiffre. Il y a pour environ deux millions de traitements dans l’ordre judiciaire. Cela met la retenue à 60,000 francs sur les traitements seulement. Je vous laisse à penser s’il faut 60,000 francs par an pour les pensions des veuves et orphelins de l’ordre judiciaire.

J’ai entendu quelquefois signaler comme une autre caisse de la progression du chiffre des pensions de la caisse des retraites, la faculté accordée au gouvernement, de mettre à la retraite avec pension, un fonctionnaire valide. Il me paraît que la rédaction de la section centrale maintient cet état de choses ; car, au lieu de l’expression « pourront être admis à la retraite », qui laissait tout au moins la faculté de maintenir dans leur fonctions, ceux qui seraient encore en état de les remplir, l’expression « seront admis » oblige à donner la pension de retraite à ceux même qui sont valides.

Maintenant s’il est vrai qu’une des causes de l’augmentation successive du chiffre des pensions était précisément l’abus d’accorder des pensions de retraite à ceux qui étaient en état de faire un service actif, faut-il modifier en ce sens l’article 8 du projet du gouvernement ? Ne faudrait-il pas, au contraire, le modifier en sens inverse, et poser la règle qu’on n’admettra pas à la pension celui qui sera encore en état de remplir ses fonctions.

Cette même considération me fait trouver beaucoup d’inconvénients sous le point de vue des intérêts du trésor, à la disposition annoncée par certains honorables membres, d’après laquelle un fonctionnaire qui serait démissionné avant d’avoir le temps de service fixé par le projet de loi aurait néanmoins droit à la pension. Il faut convenir que ce serait là une porte très large ouverte à l’augmentation indéfinie du chiffre des pensions. Nous devons y prendre garde ; car, si de la loi devait résulter cette conséquence, que malgré le nombre habituel d’extinctions chaque année, il y aura d’année en année une augmentation, on finirait par arriver à un chiffre d’une hauteur intolérable, et par être obligé d’augmenter les contributions pour pourvoir au payement des pensions. Or, vous ne pouvez admettre un tel système ; à tout prix vous devez éviter d’y entrer ; vous devez examiner si l’ensemble des dispositions de la loi ne vous fait pas entrer dans un pareil système. Car plutôt que d’entrer dans un système pareil, vous devriez vous renfermer dans les limites de la plus rigoureuse justice.

Or, dans les limites de la plus rigoureuse justice, vous ne devez pas de pension à tous les fonctionnaires qui ont rendu des services à l’Etat. Vous n’en devez, comme des préopinants l’ont fait observer avec beaucoup de raisons, vous n’en devez qu’à ceux qui, après de longs services, se trouveraient dans un état de fortune tel que la pension leur serait indispensablement nécessaire ; mais aux autres vous ne la devriez pas. Vous ne devez donc l’accorder aux autres qu’avec des conditions telles que le résultat ne puisse pas vous amener, dans un avenir plus ou moins rapproché, à la nécessité d’augmenter les charges des contribuables pour payer les pensions. Car il serait réellement intolérable que l’on dût augmenter les contributions du laboureur, du petit industriel, du boutiquier, et cela pour payer des pensions à des personnes qui se trouveraient dans l’aisance. Vous ne devez, je le répète, entrer à aucun prix dans un pareil système.

Messieurs, je désirerais avoir des renseignements qui, pour que je puisse voter en conscience, me paraissent manquer dans l’exposé des motifs que nous avons sous les yeux. Je voudrais avoir la statistique des pensions, depuis dix ans, par catégories de fonctionnaires. Je crois que M. le ministre dit être à même de nous fournir cette statistique. Car il me paraît impossible qu’il ne l’ait pas fait faire pour sa propre satisfaction, et afin d’être à même de calculer le résultat des dispositions du projet.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, je vois avec un extrême regret que quelques orateurs persistent à engager une nouvelle discussion générale à propos de chaque article. Cette manière de procéder nous fait perdre un temps très précieux et que nous pourrions beaucoup mieux employer, en agissant avec un peu plus de méthode.

Ainsi, l’honorable M. Dubus est revenu assez longuement sur la question des retenues, tandis que cette question a été ajournée par la chambre, et qu’à cette occasion j’ai promis que je présenterais à la chambre quelques détails statistiques. Je me propose en effet de les donner lorsque nous en viendrons aux articles auxquels ils se rapportent ; mais parce qu’à propos d’un article spécial il entre dans l’esprit d’un membre d’entamer une nouvelle discussion générale, ce n’est point un motif pour que je soumette à l’instant des renseignements qui n’ont aucun rapport à l’article à discuter ; je le répète, si nous procédons de la sorte, je ne puis prévoir quand finira la discussion.

On s’est étendu sur ce qui concerne les surnuméraires. Mais il y a dans la loi un article spécial pour les surnuméraires. Quand nous en viendrons à cet article, l’occasion s’offrira naturellement d’exposer les motifs qui militent pour le faire rejeter ou adopter, de proposer, s’il y a lieu, des mesures restrictives, quant à l’admission des années de service en cette qualité ; mais si à chaque article nous discutons toute la loi, il deviendra impossible de s’entendre.

Je conviens du reste qu’il y a à l’article 9 une disposition qui préjugerait la question de suppression des caisses de retraite. Nous pourrions voter cet article quant à son dispositif, moins le dernier membre de la phrase ; il faudrait s’arrêter aux mots : « … seront admis à faire valoir leurs droits à la retraite à 60 ans d’âge et après 30 années de services, » sauf à revenir plus tard, après la discussion du titre premier, à la rédaction entière, au moins on se sera occupé de l’objet essentiel de cet article.

Messieurs, je pourrais répondre à quelques observations qui ont été faites ; mais comme ces observations me paraissent inopportunes, je crois devoir ajourner ma réponse jusqu’au moment où il s’agira de discuter les articles auxquels elles se rapportent. Il me sera facile de démontrer alors, entre autres, que ce n’est pas à 16, 18 et même 20 ans que l’on entre ordinairement dans les emplois du département des finances.

J’ajouterai qu’il me semble, en effet, que les mots « seront admis » sont un peu trop absolus, et qu’il serait préférable, dans l’intérêt du trésor, d’adopter la rédaction primitive du gouvernement et de substituer aux mots : « seront admis », ceux : « pourront être admis. »

M. le président – M. Dumortier vient de faire parvenir au bureau un amendement à l’article 9. Voici comment il est conçu :

« Amendement à l’article 9.

« Il sera créé au profit des veuves et des orphelins des départements de l’administration civile, et au profit de celles des ministres des cultes qui admettent le mariage pour leurs ministres, une caisse ou fonds de pension au moyen d’une retenue sur le traitement des fonctionnaires de ces administrations.

« Lorsque la somme des pensions susdites n’atteindra pas le chiffre des revenus de la caisse, l’excédant de ces revenus sera capitalisé au profit de cette caisse.

« Si ces pensions s’élèvent à un taux supérieur aux revenus de la caisse, ce revenu sera partagé au prorata des pensions des titulaires, sans que, dans aucun cas et à aucune époque, il puisse être alloué, à quelque titre que ce soit, des secours ou subventions à la caisse dont la formation est prescrite ci-dessus. »

« Art… Les fonds à rembourser par le gouvernement des Pays-Bas du chef de la caisse des veuves du Royaume-Uni des Pays-Bas seront versés pour ce qui s’y rapporte dans la caisse civile des veuves »

« Art… Les opérations de la caisse des veuves seront confiées à la cour des comptes. »

M. Dumortier – Messieurs, j’ai tout à l’heure développé l’amendement que je viens d’avoir l’honneur de vous présenter. Je dirai encore quelques mots.

Le but de mon amendement, c’est que les caisses des veuves et des orphelins ne puissent jamais, dans aucun cas, être une charge pour le trésor public, pas plus que n’en est une la caisse de l’armée, la caisse de retraite des employés des travaux publics. Le but de mon amendement est que vous décidiez dès maintenant si mon système sera ou non admis. Si vous admettez dès maintenant qu’il y aura une caisse des veuves et des orphelins pour chaque département, il vous restera à voir ce que vous ferez pour les fonctionnaires du département des finances.

Si vous créez une retenue de 3 p.c. sur les appointements des fonctionnaires, pour la caisse des veuves et des orphelins, et que vous mettiez à la charge du trésor public les pensions des fonctionnaires du département des finances, je vous demanderai, d’un autre côté, quelle sera la compensation que trouvera le trésor public ?

Messieurs, l’amendement que je vous propose se trouve dans le projet présenté à la législature par le gouvernement français. Voici comment s’exprime l’article 25 de ce projet :

« En aucun cas et à aucune époque il ne pourra être alloué, à quelque titre que ce soit, de secours ou subvention aux caisses ou fonds de retraite, dont la formation est prescrite par l’article précédent. »

C’est donc le gouvernement lui-même qui a reconnu l’inconvénient de créer des pensions sur la caisse de l’Etat.

M. Vandenbossche – Messieurs, l’honorable rapporteur de la section centrale persiste à vouloir admettre tous les fonctionnaires à la pension. Il avoue pourtant, avec moi, que ce n’est pas une honte d’avoir besoin d’une pension. Car, dans mon opinion, la pension ne pourra avoir rien de déshonorant ; elle démontrera en tous cas que celui qui la reçoit a servi honorablement sa patrie. Mais pour un homme riche qui a servi son pays pendant une longue suite d’années dans des fonctions rétribuées, je trouve que c’est une honte de vouloir vivre encore aux dépens du budget.

L’honorable rapporteur dit que l’homme n’aime pas d’avouer sa détresse et ses besoins. Mais, messieurs, pourquoi pas ? Si c’est un homme qui a famille, aime-t-il mieux se priver des moyens de pouvoir avantageusement la placer et faire croire à une fortune que réellement il n’a pas ?

Je persiste donc à croire qu’il doit y avoir une différence entre les fonctionnaires selon leur fortune. Au moyen de l’amendement que propose M. le ministre des finances, le gouvernement pourra établir cette différence.

Et ne croyez pas, messieurs, que tous les fonctionnaires aspirent à la pension. Hier encore, un respectable magistrat m’a dit que l’on ne devait pas accorder de pensions à des personnes moyennées ; et lui-même se trouve dans ce cas. Il me disait que c’était une honte que d’accorder des pensions à des hommes riches qui n’en avaient aucunement besoin. En effet, messieurs, j’en ai connu qui avaient des pensions aux dépens du budget, et qui jouissaient cependant de 40,000 livres de rente. Dans ce cas, je dis que c’est une honte de vivre aux dépens de l’Etat, lorsqu’on ne peut plus desservir activement les fonctions qu’on a remplies.

On parle de retenues…

M. le président – On ne s’en occupe pas dans ce moment.

M. Vandenbossche – Eh bien, je m’opposerai aussi aux retenues.

M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Messieurs, l’article 9 en discussion ne soulève pas, surtout quand on en retranche la dernière partie, les diverses questions qu’on a discutées à cette occasion.

L’article 9 pose certaines conditions à remplir par le fonctionnaire de l’Etat pour obtenir des droits à la retraite.

Il faut avoir 60 ans d’âge et 30 années de service. Voilà, messieurs, les deux conditions imposées par l’article 9 et celles que, suivant moi, il y avait à discuter. Maintenant, trouve-t-on que ces conditions ne sont pas admissibles ? Trouve-t-on que 60 ans d’âge ne suffisent pas ; elle sera discutée. Trouve-t-on que 30 années de service ne sont pas suffisantes pour donner droit à la retraite ; qu’on le dise, qu’on discute ce point, puis ensuite que l’on passe au vote. Si la chambre tient à faire une loi et à ne pas perdre son temps dans des discussions sans but et sans termes, c’est de cette manière, ce me semble, qu’elle doit procéder. Il faut prendre chaque article, examiner chacune des dispositions, puis enfin passer au vote. Voilà 5 jours que nous avons abordé la discussion de la loi sur les pensions, et nous avons voté 3 articles ; si vous continuez ainsi, il faudrait 15 jours encore avant d’arriver au vote de la loi.

Je crois donc, messieurs, pour ma part, engager les orateurs qui s’occupent le plus spécialement de cette loi à se renfermer, autant que possible, dans chacune des dispositions que nous discutons.

Il me semble que le gouvernement vient de faciliter singulièrement l’adoption de l’article en reprenant la disposition que le cabinet précédent avait proposée, et qui rend la collation des pensions facultative au lieu d’obligatoire, comme le proposait la section centrale. Le gouvernement reprend la disposition présentée par le cabinet précédent, qui disait : « pourront être admis. » La section centrale, dans un intérêt tout particulier pour les fonctionnaires, leur accordait un droit absolu à la pension, en disant : « seront admis » ; à cette disposition absolue, le gouvernement consent à substituer la disposition facultative de l’ancien article 8 composée par le ministère précédent. Voilà, messieurs, le point le plus important de la discussion, mais après tout ce qui a été dit, il me semble que la chambre doit être assez éclairée pour passer au vote de l’article.

M. de Behr – M. le rapporteur vous a déjà fait connaître, messieurs, les motifs qui ont porté la section centrale à substituer aux mots « pourront être », ceux de « seront. » Ce changement, messieurs, me paraît ressortir de la nature même des choses. Il est, par exemple, une classe de fonctionnaires, les magistrats, qui sont déclarés inamovibles ; eh bien, laisserez-vous leur sort à la disposition du gouvernement ? Donnerez-vous au gouvernement ce moyen d’influence sur les magistrats ? Croyez-vous que les plaideurs seront bien rassurées quand ils auront des juges qui seront en instance auprès du gouvernement pour obtenir une pension ? Vous voyez donc, messieurs, que la section centrale a été à même par la force des choses de vous proposer le changement qu’elle vous propose.

M. de Garcia – Comme l’a fort bien dit M. le ministre des travaux publics, au train dont nous allons, je crois que nous aurons bien de la peine à en venir au vote de la loi, même dans quinze jours. Je ne partage pas cependant son opinion qu’il faille examiner spécialement et isolément chaque article ; je crois qu’on ne peut faire une loi qu’en examinant chaque article dans ses rapports avec les autres articles de la loi. Comment voulez-vous, par exemple, examiner l’article qui nous occupe en ce moment sans avoir égard à l’amendement proposé par l’honorable M. Dumortier, et qui, si je ne me trompe, détruit toute l’économie de la loi. En effet, que résulte-t-il de cet amendement, si je l’ai bien saisi à la simple lecture ? Il en résulte que la retenue établie par le projet de loi pour assurer une pension aux veuves et orphelins d’employés, disparaît complètement. Cette retenue se confond avec toutes les autres, et les retenues doivent faire la base de toutes les pensions.

Or, ce principe domine toute la loi, notamment les premiers articles du projet qui, quoique ajournés, n’en font pas moins une partie intégrante. Si vous adoptez le système proposé par M. Dumortier, il est évident que vous bouleversez toute l’économie du projet, et autant vaudrait la rejeter pour la représenter sous de nouvelles bases et de nouveaux principes.

M. Desmet – Tout à l’heure M. le ministre des travaux publics a demandé qu’on allât de suite au vote ; ce n’est pas de la faute de la chambre qu’on ne puisse pas aller au vote ; la faute en est à ceux qui ne nous donnent pas les renseignements dont nous avons besoin.

Je demande que le gouvernement soit invité à nous fournir les renseignements qui ont été demandés par M. Dubus (aîné).

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Veuillez remarquer, messieurs, que le projet de loi a été présenté en 1838, il était accompagné de quelques données statistiques ; depuis, la section centrale s’est occupée de cet objet, et tous les renseignements demandés lui ont été fournis. Le gouvernement n’a pas été à même de donner d’autres renseignements, mais je ferai remarquer à l’honorable préopinant que, répondant à l’honorable M. Dubus, dans la discussion de l’article 1er, j’ai annoncé que je fournira quelques données statistiques ; on fait en ce moment les recherches nécessaires pour les réunir. Quant à l’article 9 avec la modification qui y a été introduite par le gouvernement, il me semble qu’il peut être voté sans qu’il soit nécessaire d’avoir aucun autre renseignement statistique que ceux que l’on connaît déjà. Si l’on substitue les mots : « pourront être admis » à ceux « seront admis », il est évident que l’on évite les abus que l’on a signalés, comme pouvant résulter de la rédaction de la section centrale. Une conséquence de cette modification sera que le gouvernement ne mettra à la retraite, après 60 ans d’âge et 30 années de service, que les fonctionnaires devenus réellement incapables de rendre encore des services à l’Etat.

M. le président – Voici la proposition de M. Dubus :

« Je demande qu’avant de passer au voter sur l’article 9, la chambre demande au gouvernement une statistique des pensions qui indique pour chaque catégorie d’employés le chiffre actuel des pensions et les variations de ce chiffre pour chaque année depuis 10 ans, en mentionnant le montant annuel, tant des extinctions que des nouvelles pensions accordées, ainsi que les causes de l’augmentation progressive du chiffre total, d’année en année, pour les catégories qui sont dans ce cas. »

- La proposition est appuyée.

M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Je suppose, messieurs, que le but de la demande de renseignements, c’est de s’éclairer sur les charges qui incomberont au trésor public par suite de la loi ; eh bien, ce n’est pas, encore une fois, à l’article 9 qu’il faut soulever cette question, mais à l’article où vous réglerez le quantum de la pension, c’est-à-dire à l’article 17. Que fait en effet l’article 9 ? Il consacre le droit des fonctionnaires et employés de l’Etat à une pension. Eh bien, messieurs, contestez-vous ce droit, ne votez pas l’article 9 ; mais si vous reconnaissez que les fonctions publics ont droit à une pension, votez l’article 9 ; puis, quand vous en viendrez à déterminer le taux des pensions, si vous craignez de créer des charges trop lourdes pour le trésor public, demandez alors tous les renseignements qui vous sembleront désirables et réduisez alors le taux des pensions suivant que la positon du trésor vous semblera l’exiger et suivant, aussi, l’intérêt des fonctionnaires publics.

L’article 9, je le répète, ne fait que reconnaître un droit qui existe actuellement en vertu de l’arrêté-loi, d’après lequel les fonctionnaires obtiennent une pension, lorsqu’ils remplissent deux conditions : 60 ans d’âge et un certain nombre d’années de service ; eh bien, ces deux conditions je ne les ai pas entendu contester, et si vous reconnaissez qu’à ces deux conditions les fonctionnaires publics ont droit à la retraite, admettez la disposition de l’article 9.

Songez, messieurs, que si M. le ministre des finances n’est pas à même de fournir les renseignements qui sont demandés, d’ailleurs d’une manière assez vague, que s’il n’est pas à même de fournir ces renseignements d’ici à demain, vous serez obligés d’ajourner la loi à deux ou trois jours d’ici. Or, vous ne pouvez pas, dans votre intérêt, je dirai presque pour votre dignité, ajourner de jour en jour la discussion d’une loi.

Je ne pense pas que dans aucun pays on consacre à la discussion des lois le tiers du temps que nous y employons. Nous suivons attentivement ce qui se passe en Angleterre et en France ; ces pays ont des lois aussi bonnes que les nôtres, et cependant nous ne voyons jamais qu’on y emploie à la discussion un temps aussi long que celui qui y est consacré chez nous.

Remarquez, messieurs, que la loi qui nous occupe est pour ainsi dire une loi réglementaire. Si vous vous attachez à discuter longuement chacune des dispositions, je vous le dis dans votre intérêt, plus encore que dans le nôtre, vous n’en viendrez pas à bout. Or, messieurs, la chambre qui est ici pour faire des lois ne doit pas proclamer en quelque sorte son incapacité à faire des lois ; elle est nommée pour faire des lois et non pas pour se livrer à des discussions sans fin et sans but.

Quant à nous, les ministres actuels, n’étant pas les auteurs de la loi qui nous occupe, il est naturel que nous ne puissions imprimer aux débats la direction qu’un ministère doit toujours y donner, selon moi, quand il a à défendre son propre ouvrage.

La chambre doit bien se rappeler que la loi est déjà fort ancienne ; c’est là un inconvénient, je le reconnais, mais ce n’est pas un motif pour la chambre de ne pas avancer plus rapidement, qu’il me soit permis de le dire, qu’elle ne l’a fait depuis plusieurs jours.

M. Doignon – Je n’admets pas, messieurs, ce que vient de dire M. le ministre des travaux publics, que nos discussions sont des discussions sans but et sans terme. Nous discutons consciencieusement et utilement.

Je vois avec peine que M. le ministre cherche à jeter quelque déconsidération sur l’assemblée. Chacun de nous remplit ici son devoir de bon et loyal député, et M. le ministre devrait au moins rendre justice à nos intentions.

Messieurs, si la discussion avance peu, je soutiens que la faute en est au gouvernement. Il existe très peu de lois aussi importantes. Eh bien, les renseignements principaux nous manquent : ces renseignements doivent nous servir à apprécier la charge que la loi doit entraîner pour le trésor public. Ce sont ces renseignements qui nous manquent. On veut aujourd’hui vous faire voter un principe que des pensions seront accordées à telle ou telle condition, mais il importe de connaître préalablement la charge qui doit en résulter pour le trésor. Plus la charge serait importante, plus les conditions de la pension devraient être rendues moins faciles, de sorte que la communication des renseignements dont il s’agit doit exercer une influence directe sur la discussion de l’article dont nous nous occupons.

Je maintiens donc qu’avant de discuter l’article, il est nécessaire que nous soyons nantis des renseignements demandés par notre honorable ami M. Dubus.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, je repousse le reproche que l’honorable préopinant adresse au gouvernement de ne pas avoir fourni les renseignements qui ont été demandés ; ces renseignements ont été réclamés à l’instant, il nous a donc été impossible de les fournir avant cette séance.

Du reste, je pense que l’instruction d’une loi doit se faire dans les sections et dans la section centrale, et jamais le gouvernement n’a refusé aux sections, et particulièrement à la section centrale, les renseignements qu’elles ont désiré obtenir.

Du reste, il ne me semble pas que les renseignements réclamés par l’honorable M. Dubus soient nécessaires pour le vote de l’article 9 ; ils pourront être utiles pour la discussion du titre premier de loi. Aussi j’annonce à la chambre que je m’empresserai de recueillir et de fournir ces renseignements ; quant à l’article 9 qui détermine le nombre d’années de service et les conditions d’âge des fonctionnaires pour leur mise à la retraite, je le répète, nous n’avons pas besoin d’aucune donnée statistique pour le discuter et le voter.

Je ne puis pas donner l’assurance à la chambre que ces renseignements seront produits dès demain, mais je les remettrai très probablement à M. le président dans la séance d’après-demain.

M. Dubus (aîné) – Messieurs, les renseignements que j’ai demandés, je les ai réclamés d’abord pour l’apaisement de ma conscience de député ; ils me sont nécessaires pour voter ; si la chambre n’en a pas besoin pour se prononcer, elle passera outre, sans demander ces renseignements ; quant à moi, j’ai satisfait à ma conscience de député en les réclamant.

L’on dit que je n’ai demandé ces renseignements que dans cette séance, et qu’ils ne pouvaient pas être fournis à l’instant même.

Eh bien, messieurs, dans la séance de mardi, j’ai déclaré formellement que, sans de pareils renseignements, il me serait impossible de voter la loi. Ce n’est donc pas d’aujourd’hui seulement que j’ai annoncé cette intention ; j’ai parlé absolument dans le même sens dans la séance de mardi dernier.

Ces renseignements, dit-on, ne sont pas nécessaires pour le vote de l’article 9. Il y a une première question sur laquelle, dans l’état actuel des choses, il me serait impossible de me prononcer ; car de deux choses l’une : ou bien, dans le système de cet article 9, il est possible d’introduire dans la loi des conditions telles qu’on puisse apprécier le sacrifice annuel qui sera le résultat de la loi, et avoir la certitude que ce chiffre n’augmentera pas d’une manière sensible d’année en année ; ou bien on ne peut pas avoir cette certitude. Dans le premier cas, je suis prêt à voter l’article 9 ; mais dans le second cas, je soutiens qu’il est de notre devoir de rentrer dans les limites de ce que réclame la justice la plus rigoureuse, et de n’accorder de pension qu’aux fonctionnaires qui, après de longs services, se trouveraient en avoir besoin ; car pour admettre à la pension tous les fonctionnaires publics, quelle que soit leur fortune, il faut que je sache quelles seront dans les années futures les conséquences d’un pareil vote. Or, sans les renseignements que j’ai demandés, il me serait impossible d’apprécier ces conséquences.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, il est vrai que l’honorable M. Dubus et d’autres orateurs ont manifesté le désir de recevoir quelques renseignements, lorsqu’il s’est agi du titre 1er ; mais les renseignements n’ont pas dû être fournis alors, puisque la chambre a ajourné la discussion du titre 1er. Au surplus, ceux qui ont été demandés concernent plus particulièrement les pensions des veuves et orphelins, à raison desquelles une retenue est proposée sur les traitements des fonctionnaires de l’Etat.

Il n’est pas exact de dire que tous les renseignements qui font l’objet de la proposition de l’honorable M. Dubus aient été demandés. On ne peut d’ailleurs les réunir sans d’assez longues recherches, et l’honorable M. Dubus qui a assisté au travail des sections, aurait pu les réclamer alors ; la discussion ne serait pas entravée, car la chambre se trouverait depuis longtemps en possession de données qui peuvent s’éclairer d’après l’assurance de cet honorable membre.

Quant à la distinction qu’un honorable préopinant voudrait établir entre les fonctionnaires qui ont quelques ressources et ceux qui n’en ont pas, je demanderai à cet honorable membre comment il constatera l’état de fortune des fonctionnaires qui ne pourront plus servir l’Etat ; ce sera une appréciation arbitraire, et qui, dans la plupart des cas, sera impossible. J’ajoute cette observation à la remarque si judicieuse que la section centrale a fait valoir contre une telle disposition.

- La proposition de M. Dubus (aîné) est mise aux voix et adoptée après une double épreuve. En conséquence, la discussion de l’article 9 est ajournée.

Article 10

M. le président – Nous allons passer à l’article 10.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Après le vote que la chambre vient d’émettre, il est impossible de continuer la discussion de la loi.

M. Eloy de Burdinne – Nous pourrions, en attendant, nous occuper de la loi sur les distilleries qui est à l’ordre du jour.

M. le président – La section centrale a terminé son travail, et elle se réunira demain à 11 heures pour arrêter son rapport.

M. Dumortier – Messieurs, l’on peut sans désemparer s’occuper du titre relatif à la caisse des veuves et orphelins. Il s’agit d’une question de théorie, et il me semble qu’on pourrait se livrer à cet examen dans la séance de demain, car les renseignements qui ont été demandés n’ont rien de commun avec cette question.

M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Messieurs, cette proposition ne peut avoir rien de sérieux. La chambre a ajourné le titre relatif à la caisse des veuves et orphelins, par le motif qu’on manquait de renseignements. Eh bien, ces renseignements ont été promis par mon collègue des finances et seront fournis ultérieurement.

Il y aurait contradiction manifeste de la part de la chambre qui vient d’ajourner la loi, parce qu’elle manquait prétendûment de renseignements, si elle abordait demain un titre qu’elle a ajourné, il y a deux jours, par le même motif.

Ainsi, l’on ne peut songer à entamer demain une discussion qui aboutirait probablement au même résultat que celle que vous venez d’abandonner, après quatre jours de débats.

Remarquer, en outre, qu’avant d’examiner le point de savoir si les veuves et orphelins auront droit à la pension, il faut nécessairement que vous décidiez si les fonctionnaires publics eux-mêmes auront ce droit ; il faut d’abord fixer le sort des fonctionnaires, avant de vous occuper de celui de leurs veuves et orphelins. Si vous décidez qu’un fonctionnaire public n’a pas droit à la pension, à plus forte raison sa veuve et ses orphelins n’auront-ils pas ce droit.

Ainsi, je le répète, il n’est pas possible de reprendre demain une discussion qui n’aurait pas plus de résultat que celle que vous venez d’abandonner.

M. Pirmez – Je dois faire remarquer qu’il me paraît impossible que l’on puisse jamais apprécier les résultats de l’adoption de l’article 9. Vous ne pouvez pas connaître ce résultat pour les employés et encore moins pour les veuves et les orphelins. Je prends les chemins de fer. Eh bien, les employés seront soumis à la pension comme tous les autres employés de l’Etat. Vous ne pouvez pas dire quelle sera l’étendue que l’on donnera au chemin de fer. Voilà toute une catégorie d’employés soumis à la pension qui n’existait pas quand la loi a été préparée. Maintenant des employés du chemin de fer conduisent les marchandises à domicile. On étendra encore ce service davantage. Vous ne pouvez donc pas connaître le résultat de la disposition en ce qui concerne ces employés et encore moins en ce qui concerne les veuves et les orphelins de ces employés.

M. le président – M. de Puydt vient de déposer l’amendement suivant :

« Les services ne seront comptés que de la date du premier traitement d’activité, à partir de l’âge de 18 ans accomplis, sauf pour le surnumérariat dûment commissionné, et pour les fonctionnaires auxquels, à titre d’études spéciales, il est accordé par des lois antérieures, un certain nombre d’années en sus du temps de service. »

M. le président – Il faut maintenir fixer l’ordre du jour.

M. Dumortier – Je demande qu’on s’occupe de la caisse des veuves, c’est une question de principe qu’on peut discuter sans les renseignements demandés.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – La discussion ne pourrait s’entamer sur les pensions des veuves et orphelins qu’autant qu’il n’y eût qu’une seule proposition. La proposition de M. Dumortier est, il est vrai, indépendante de la question relative aux pensions des fonctionnaires eux-mêmes ; mais celle du gouvernement dépend de la solution qu’on donnera aux propositions qui leur sont relatives. Il est donc impossible d’entrer en discussion avec quelque fruit sur cet objet avant d’avoir pris une résolution relativement aux articles dont on vient de prononcer l’ajournement.

M. Dumortier – Je pense que personne ne refuse de pension aux fonctionnaires publics. Quant aux veuves, c’est différent, c’est une question de théorie. Faut-il créer une nouvelle charge pour le trésor ou faire une caisse spéciale ? Voilà toute la question.

M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Il me semble incontestable que la condition que vous ferez aux veuves dépendra de la condition que vous ferez aux fonctionnaires en fixant leur pension. Si vous faites aux fonctionnaires une condition médiocre, vous serez disposés à faire une condition meilleure aux veuves. Si au contraire vous faites une condition très avantageuse aux fonctionnaires, vous diminuerez celle des veuves. Il me semble donc que les deux questions sont connexes, que la décision de la question des veuves sera la conséquence de la solution que vous donnerez à celle des fonctionnaires. Il me semble que les questions se lient tellement qu’on ne peut pas aborder celle des veuves avant d’avoir résolu celle des fonctionnaires.

M. Donny – Je pense aussi que ce serait sans fruit qu’on discuterait demain la question de la pension des veuves. Mais il est un autre petit projet qui serait facilement évacué et qu’on pourrait mettre à l’ordre du jour. Je veux parler du projet portant suppression du droit de tonnage extraordinaire qu’on perçoit à Ostende. Le gouvernement a proposé un projet de loi sur lequel la section centrale a fait son rapport, il ne reste plus qu’à le discuter.

M. Doignon – Il me semble que la priorité devrait être accordée aux distilleries.

M. le président – Le rapport sera lu demain à la section centrale. Si la chambre veut se contenter de la lecture qui lui en sera donnée à la séance, on peut le mettre à l’ordre du jour.

M. Demonceau – Je proposerai à la section centrale de se réunir ce soit pour entendre la lecture du rapport de M. Jadot ; comme il doit être très simple, il pourra être distribué ce soir et mis à l’ordre du jour de demain. Il suffira d’une simple lecture pour entamer la discussion. On peut d’ailleurs mettre la séance à deux heures.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je n’ai aucune objection à faire à la proposition de M. Demonceau.

- Cette proposition et celle de M. Donny sont adoptées.

La séance est levée à 4 heures et demie.