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d’intention
Chambre
des représentants de Belgique
Séance
du mardi 28 avril 1840
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre (notamment demande d’une indemnité (Angillis))
2) Vérification des pouvoirs (Nothomb,
Metz)
3) Rapport sur une pétition relative au remboursement
de frais exposés en 1830
4) Projet de loi tendant à réduire le péage sur
5) Proposition de constitution d’une commission
d’enquête parlementaire. Développements (de Foere, Liedts, Delehaye, Rodenbach, F. de Mérode, de Foere, de Theux, Liedts, Rodenbach (situation de l’industrie
linière), Delehaye, Dechamps,
d’Huart, de Puydt, de Foere, Rogier, de Brouckere, Rodenbach
(situation de l’industrie linière) , de Foere, de Muelenaere (situation de l’industrie linière), Rogier, Dumortier, de Foere)
(Moniteur belge
n°120 du 29 avril 1840)
(Présidence de M.
Fallon)
M. Scheyven fait l’appel nominal à une
heure.
M. B. Dubus lit le procès-verbal de la séance précédente dont la
rédaction est adoptée.
M.
Scheyven présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Henry Hofman, fabricant de grès à
- Renvoyé à la commission des pétitions.
_________________
« Le sieur Antoine, père de famille, militaire
pensionné, demande que sa pension soit portée au taux de la loi du 24 mai
1838. »
- Renvoyé à la section centrale chargée de l’examen du
projet de loi sur les pensions militaires.
_________________
« Le conseil communal
de Kempt demande que cette commune reçoive l’indemnité qui lui revient du chef
des pertes qu’elle a essuyées par l’invasion hollandaise en 1831. »
M.
Angillis – Messieurs, cette pétition
émane de quelques-uns de nos bons amis du Limbourg. Les pétitionnaires
demandent que la chambre prenne des mesures pour qu’ils reçoivent leur part du
fonds que la législature a votés pour secourir les malheureuses victimes de
l’invasion hollandaise.
Je demande qu’il plaise à la chambre de renvoyer cette
requête à la commission des pétitions avec invitation de nous faire un rapport
aussitôt que possible.
- Cette proposition est adoptée.
________________
« Des propriétaires, membres d’administrations
communales, industriels et autres habitants du bassin de Charleroy adressent
des observations sur le projet de loi relatif à la réduction du tarif de
M.
Pirmez – Je demanderai que la
chambre veuille bien autoriser la lecture de cette pétition au commencement de
cette séance, car elle n’aura plus aucun objet après le vote de la loi. La
pétition est extrêmement courte, elle ne contient qu’une page
d’écriture. »
La lecture est autorisée.
________________
« Le général Lecharlier demande que la chambre
fasse régulariser sa position dans l’armée.
Renvoyé à la commission des pétitions.
________________
« Les sieurs E. et A. Desauw, à Lessines,
demandent que l’aliénation des établissements modèles d’Uccle et de
Meslin-l’Evêque ait lieu par adjudication publique. »
Cette pétition sera déposée sur le bureau pendant la
discussion du projet de loi concernant la vente des établissement dont il
s’agit.
________________
« Par divers messages en date du 27 avril, le
sénat annonce à la chambre :
« 1° Qu’il a rejeté la prise en considération de
la demande en grande naturalisation du général Mellinet ;
« 2° Qu’il a pris en considération les demandes de
même nature formées par les sieurs Alexandre-François Vondenbusch,
Pierre-Jean-Louis Vondenbusch, Denis Moles le Bailly d’Hont et Joseph
Zurstrassen. »
Pris pour notification.
M. Raymaeckers monte à la tribune et faire le rapport suivant au nom
de la commission qui a été chargée de vérifier les pouvoirs de M. Nothomb, élu
membre de la chambre par le district d’Arlon - Messieurs, le collège
électoral d’Arlon s’est réuni le 23 de ce mois pour procéder au remplacement de
M. Nothomb nommé ministre plénipotentiaire près de la diète germanique ;
452 électeurs ont pris part au vote du collège qui s’est divisé en deux
sections ; la majorité absolue était donc de 227.
Dans la première section, M. Nothomb a obtenu 133
suffrages. Dans la deuxième section, il en a obtenu 97 ; il a donc réuni
en tout 230 voix.
Quatre billets blancs ont été trouvés dans l’urne.
Les autres voix, au nombre de 218, ont été données à
M. Charles Metz.
Aucune réclamation ne nous est parvenue contre la
validité de l’élection.
En conséquence, messieurs, la commission m’a chargé de
vous proposer l’admission de M. Nothomb.
L’admission est prononcée.
RAPPORT SUR UNE PETITION
M.
de Florisone monte à la tribune et fait, au nom de la commission des pétitions, le
rapport suivant - Messieurs, par une première pétition en date du 27
décembre
Aucun rapport ne fut fait à la chambre sur cette
pétition. M. de Marneffe ayant lui-même retiré les pièces qui y étaient
jointes.
Actuellement, par une nouvelle pétition en date du 13
février 1840, le pétitionnaire réclame contre une décision de M. le ministre de
la guerre, en date du 6 février dernier, lui annonçant qu’il ne peut être donné
suite à sa demande de payement en l’absence de documents qui justifient ses
prétentions à la charge du gouvernement.
Messieurs, le pétitionnaire a fournir plusieurs
certificats qui attestent la part glorieuse qu’il prit aux mémorables journées
de septembre, et de son activité en face de l’ennemi dans le Limbourg, et
plusieurs pièces émanées du gouvernement provisoire, du gouverneur de la
province du Limbourg, du commissaire du gouvernement provisoire dans les
arrondissements de Maestricht et de Hasselt ; qui toutes sont relatives au
corps francs sous ses ordres.
Messieurs, votre commission des pétitions, considérant
que notre nationalité n’existerait pas sans l’intrépidité des défenseurs de la
cause de l’indépendance, vu les réponses et observations du pétitionnaire, à
l’honneur de vous proposer un nouveau renvoi à M. le ministre de la guerre, avec
demande d’explications.
Les conclusions de la commission sont adoptées.
PROJET DE LOI TENDANT A AUTORISER
Discussion générale
M.
Scheyven, conformément à la décision prise par la chambre, donne
lecture de la pétition des habitants du bassin de Charleroy, relative à la
réduction du péage sur
Personne ne demandant la parole pour la discussion
générale, il est passé à la discussion de l’article unique du projet.
Discussion de l’article unique
M. le président donne lecture des
différentes propositions ; elles sont ainsi conçues :
Projet du gouvernement : « Le gouvernement
est autorisé à réduire le tarif de
Projet de la section centrale : « Le
gouvernement est autorisé à apporter au tarif de
Amendement de M. d’Huart : « Le gouvernement est autorisé à réduire
le tarif de
« Il stipulera, du reste, les conditions qu’il
jugera les plus utiles au trésor de l’Etat et à l’industrie du pays en
général. »
Rédaction proposée subsidiairement par M. de
Brouckere : « Le gouvernement est autorisé à réduire le tarif de
M. le président – M. le ministre se rallie-t-il au projet de la section
centrale ?
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Je me suis expliqué hier à cet égard ; j’ai dit,
messieurs, que je ne me montrerais pas plus exigeant que mon
prédécesseur ; je n’ai pas de motifs non plus de me montrer moins exigeant
que la section centrale. Je crois que la proposition de la section centrale
donnerait au gouvernement plus de facilité pour arriver au but utile des
négociations, et dès lors je crois devoir, sous le point de vue gouvernemental,
appuyer cette proposition.
M. Angillis – Je pense, messieurs, que
les deux amendements, proposés par les honorables MM. d’Huart et de Brouckere,
sont également inutiles. En effet, la latitude sans limites que la section
centrale propose de donner au gouvernement, est assez expliquée, assez limitée
en quelque sorte dans le rapport même de cette section, pour que le gouvernement
sache ce qu’il doit faire. Insérer dans la loi que le gouvernement doit user de
la faculté qui lui est accordée de la manière qu’il jugera la plus utile aux
intérêts de l’Etat et de l’industrie, c’est lui apprendre un catéchisme qu’il
n’a jamais pu ignorer ; car ce sont là des règles que tout gouvernement
doit avoir constamment devant les yeux ; jamais un gouvernement ne pourra
se dispenser de suivre ces règles ; si l’on croyait que de semblables
prescriptions dussent être insérées dans une loi, on arriverait à la conclusion
qu’en l’absence de ces prescriptions, le gouvernement ne serait plus tenu à
prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir les intérêts de
l’industrie et du trésor. C’est ce qui serait absurde.
Si le gouvernement voulait abuser de la latitude qu’il
s’agit de lui donner, les amendements ne l’empêcheraient pas de le faire, car
chacun peut comprendre à sa manière les intérêts du trésor et les intérêts de
l’industrie. Dans l’impossibilité de tracer des règles certaines, d’indiquer la
manière précise dont le gouvernement devrait faire usage de la faculté qui lui
est attribuée par le projet, force vous est d’adopter purement et simplement la
proposition de la section centrale. Le gouvernement est instruit par la
discussion, il est instruit par la connaissance de ces devoirs ; il saura
prendre les mesures qu’il jugera convenables, et agir d’après les
circonstances, d’après les dispositions de nos voisins, pour concilier le
double intérêt de l’Etat et de l’industrie.
Je pense donc, messieurs, que les deux amendements
sont inutiles, et je les repoussera par mon vote.
M. d’Huart – L’honorable préopinant
trouve qu’il va de soi que le gouvernement, en abaissant le tarif de
Mais je prierai l’honorable membre de faire attention
que la rédaction de la section centrale peut être considérée comme dérogeant à
ce qu’il regarde comme un axiome, comme un principe dont on ne saurait
s’écarter ; en effet, donner au gouvernement la faculté de réduire le tarif
au taux qu’il jugera convenable, sans lui indiquer aucune condition de cette
réduction, qui pourrait même s’étendre jusqu’à la suppression de tous droits,
ce serait l’affranchir de l’obligation de tenir constamment compte des
exigences du trésor et de l’industrie. Or, je demande, moi (et je crois que
nous devons être tous d’accord sur ce point), je demande que le trésor ne soit
point lésé par les mesures qui seront prises ; je demande que
l’abaissement du droit soit calculé de telle manière que le trésor récupère par
l’augmentation de la quantité des objets exportés ce qu’il perdra par la
réduction du droit, c’est-à-dire, qu’en définitive, la perception soit au moins
équivalente à ce qu’elle est aujourd’hui.
En ce qui concerne l’industrie, je m’en suis expliqué
en donnant les motifs de ma proposition ; selon moi, il fait
nécessairement régler les choses de manière à satisfaire les intérêts de
Charleroy sans léser ceux de Mons.
C’est pour fixer l’attention du gouvernement sur ces deux
points, que j’ai cru devoir les mentionner spécialement dans le deuxième
paragraphe de ma proposition, laquelle ne m’a été inspirée par aucune espèce de
défiance envers le gouvernement ; je n’ai d’autre but que de faire
expliquer clairement par la législature ce qu’elle veut ; je demande qu’il
soit dit positivement qu’en permettant au gouvernement d’abaisser le tarif,
nous entendons que cet abaissement soit combiné avec les intérêts du trésor et
avec ceux de l’industrie en général.
Il n’y a donc rien de fondé dans le reproche qui m’a
été adressé, de vouloir enseigner au ministère un catéchisme, qu’il doit
nécessairement avoir constamment devant les yeux, et je suis persuadé que le
gouvernement ne peut voir dans les termes de ma proposition une défiance que je
déclare d’ailleurs n’exister aucunement dans mes intentions.
M. de Brouckere, rapporteur – Je persiste à croire, messieurs, que ma rédaction la plus
convenable est celle qui est présentée par la section centrale ; cette
rédaction ne lie le gouvernement en aucune manière ; elle le laisse libre
dans son action ; si elle ne parle point des intérêts du trésor, c’est
parce que le ministre des finances, qui sera chargé de l’exécution de la loi,
est le défenseur né des intérêts du trésor. Nous avons cru qu’il était
complètement inutile de dire à celui qui est le véritable curateur du
trésor : « dans les mesures que vous prendrez, n’oubliez pas celui
dont vous êtes chargé de ménager les intérêts. »
Voilà pourquoi nous n’avons pas parlé du trésor
public, et qu’il nous a paru inutile aussi de parler de l’industrie.
Cependant, puisque des scrupules se sont élevés,
puisqu’il s’est trouvé dans la chambre quelques membres qui ont cru qu’il était
bon de rappeler au gouvernement des devoirs que, quant à moi, je crois
impossible qu’il perde de vue, je n’ai pas vu un grand inconvénient à ce qu’on
parlât dans la loi du trésor public et de l’industrie ; c’était pour cela
que j’avais substitué à la rédaction proposée par l’honorable M. d’Huart une
autre rédaction qui, sans lier le gouvernement d’une manière précise, lui
rappelât cependant les intérêts que je vient d’indiquer.
Voici quelle était ma rédaction :
« Le gouvernement est autorisé à réduire le tarif
de
Je dois toutefois rappeler à la chambre qu’au moment
où j’ai soumis cette rédaction, il se trouvait dans l’amendement de l’honorable
M. d’Huart un mot qui m’avait quelque peu effrayé, et que l’honorable M.
d’Huart a consenti lui-même à faire disparaître : c’est le mot « successivement ».
C’est déjà, à mes yeux, une très grande amélioration.
J’ajouterai que l’honorable M. d’Huart a expliqué
comment il entend le mot « analogues », qui, dans son opinion, n’a
pas ici le même sens qu’aurait le mot « proportionnel ». L’amendement
ainsi modifié, ainsi interprété par son honorable auteur, ne présente plus à
mes yeux de grands inconvénients.
Je persiste dans mon opinion, je crois que la
meilleure rédaction est celle de la section centrale ; mais
subsidiairement, et alors que la chambre préférerait la rédaction de
l'honorable M. d’Huart, je crois que le gouvernement serait à même de faire
tout le bien que nous désirons voir s’opérer, par suite de la loi que nous
allons voter.
Messieurs, il me reste à examiner dans quel ordre la
chambre devrait voter les divers amendements ; je crois que, pour mettre
tout le monde à l’aise, il faudrait agir comme nous le faisons lorsque nous
discutons les budgets : il faudrait commencer par mettre aux voix celle
des quatre rédactions qui donne le droit le plus étendu au gouvernement ;
ce serait donc celle de la section centrale ; si elle n’était pas adoptée,
on mettrait alors aux voix la rédaction que j’ai présentée
subsidiairement ; en troisième lieu viendrait l’amendement de l’honorable
M. d’Huart, auquel, en cas de rejet, succéderait enfin la proposition du
gouvernement, qui est la plus restrictive des quatre.
M. Coghen – Messieurs, je suis charmé de voir qu’aucune voix ne s’est
élevée contre le projet qui nous occupe. Nous avons à nous prononcer sur deux
amendements. J’avoue que celui de l’honorable M. d’Huart, modifié déjà par le
retranchement du mot « successivement », me conviendrait, avec la
suppression d’un autre mot, le mot « analogues » ; me
conviendrait, dis-je, tout autant que celui de l'honorable M. de Brouckere, ou
la proposition de la section centrale.
Je désire qu’on abandonne au gouvernement, dans cette
question, tous les intérêts du pays, les intérêts vitaux du commerce et du
trésor : le gouvernement est le défenseur de ces intérêts ; c’est à
lui à apprécier à quel point il peut, en ménageant les uns, sacrifier les
autres.
Je crois qu’il conviendrait de mettre d’abord aux voix
l’amendement de la section centrale ; s’il n’est pas accepté, on pourrait
voter alors celui de l’honorable M. d’Huart, qui me convient, pourvu qu’on
admette la suppression du mot « analogues », parce que ce mot, bien
qu’expliqué par l’honorable membre, pourrait peut-être causer des embarras au
gouvernement.
Pour le cas où cet amendement serait mis aux voix, je
proposerai le retranchement du mot « analogues. »
M. Dumortier – Messieurs, je ne pense pas
que la proposition de l’honorable préopinant ait beaucoup d’écho dans cette
chambre ; je ne pense pas qu’il convienne à personne d’entre nous qu’on
supprime le mot « analogues » dans l’amendement de l’honorable M.
d’Huart, mot qui, à mon avis, est la seule sanction que l’on puisse introduire
dans la loi.
En effet, du moment que le mot « analogues »
ne se trouvera pas dans la loi, comme je le disais hier, les ministres et le
trésor seront à ma merci des sociétés françaises, possesseurs des canaux de
jonction, sociétés qui opéreront les moindres réductions possibles, attendu
qu’elles les laisseront tout faire par le gouvernement belge. Pour ces
sociétés, il importera fort peu que le gouvernement belge reçoive ou ne reçoive
pas.
Je ne pense donc pas que nous puissions supprimer dans
la loi le mot « analogues » ; il n’y a pour nous qu’une seule
garantie possible, elle consiste dans l’analogie réciproque des réductions. A
la vérité, le mot « analogues » ne peut pas s’entendre d’une
réciprocité rigoureusement exacte, et c’est pour cela que l’honorable M.
d’Huart a bien fait de se servir de l’expression « analogues ». Une
réciprocité rigoureusement exacte, serait d’une difficulté inextricable dans
l’exécution mais il n’en est pas moins vrai que le mot « analogues »
a un sens dans la loi, c’est-à-dire qu’il y aura dans les deux pays analogie
proportionnelle dans les réductions. Si vous n’avez pas cette stipulation, vous
n’avez rien dans la loi ; le gouvernement se trouvera à la merci des
sociétés voisines, et il pourra être tellement circonvenu qu’il aura peut-être
plus tard une grande responsabilité à assumer dans cette assemblée.
Avec l’analogie, vous assurez au trésor public la
garantie de l’intérêt privé. Quelle est cette garantie de l’intérêt
privé ? C’est d’obtenir le plus de bénéfices possible. Nous ne devons pas
vouloir faire toutes les réductions, tandis que l’intérêt privé ne les ferait
pas.
Toute la sanction de la loi se trouve donc dans le mot
« analogues », il y a donc lieu de le conserver dans la loi.
Quant à l’ordre de la discussion, je pense que
l’amendement de l’honorable M. d’Huart doit avoir la priorité ; et la
raison en est toute simple, c’est que cette proposition est un véritable
amendement, tandis que l’autre amendement ne consiste que dans la suppression
d’une phrase.
M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, il est assez indifférent pour le gouvernement de
voir adopter par la chambre la proposition de la section centrale, ou
l’amendement de l’honorable M. d’Huart. Si la chambre donnait son assentiment
au projet de la section centrale, l’intention du gouvernement serait d’exécuter
la loi précisément dans le sens indiqué dans l’amendement de l’honorable M.
d’Huart. Nous n’exprimons donc aucune préférence pour l’une ou l’autre dans
deux propositions.
M. Rodenbach – M. le ministre des finances vient de dire que le
gouvernement se conformera, dans l’exécution de la loi, aux dispositions de
l’amendement de l’honorable M. d’Huart ; eh bien, si telle est son
intention, pourquoi adopterions-nous le projet de la section centrale ?
Nous devons nous en tenir à l’amendement de M. d’Huart, puisque le gouvernement
déclare vouloir le suivre.
M. Dubus (aîné) – Messieurs, l’amendement de la section centrale, qu’on a
vanté sous le rapport de la rédaction, me paraît présenter au contraire une
rédaction très vicieuse. C’est une disposition qui, dans des circonstances
données, peut avoir une portée tout autre que celle qui est avouée et dans
l’exposé des motifs du gouvernement et dans le rapport même de la section
centrale.
En effet, la rédaction de la section centrale
autoriserait à jamais tout espèce de modification qu’un ministère présent ou
futur pourrait désirer apporter dans le tarif de
Voilà la portée de la proposition de la section
centrale d’après ses termes, je dis d’après ces termes, car il n’en est pas
ainsi d’après les motifs de la section centrale. Je pense que la rédaction
d’un projet doit être mis en harmonie avec les motifs de la loi, et ne
doit pas être conçue en termes tellement larges qu’un ministère futur puisse en
abuser dans des vues entièrement opposées à celles qui ont présidé à la
rédaction du projet de loi.
Je crois que c’est commettre une des fautes les plus
graves que de rédiger une loi de cette portée ; je m’oppose donc à cette
rédaction ; et quant à la question de savoir quelle est la proposition qui
doit être mise la première aux voix, puisque la rédaction de la section
centrale, si j’ai bien compris M. le ministre des finances est devenue la
proposition principale, le règlement s’oppose à ce qu’on la mette la première
aux voix. Remarquez qu’il ne s’agit pas de chiffres ; quand il s’agit de
chiffres, d’après les précédents de la chambre, c’est le chiffre le plus élevé
qui est mis le premier aux voix ; mais quand il s’agit d’un texte, on doit
mettre aux voix l’amendement avant la proposition principale et en commençant
par celui qui s’écarte le plus de cette proposition. On doit donc suivre un
ordre inverse de celui qui est proposé.
Quant à la comparaison à faire entre l’amendement de
M. d’Huart et celui de M. de Brouckere, je déclare que je préfère de beaucoup
l’amendement de M. d’Huart, qui est plus explicite et tout à fait en harmonie
avec les motifs qui ont déterminé le gouvernement et la section centrale. Je
ferai porter la comparaison sur un point. La proposition de M. d’Huart fait une
loi au gouvernement de n’accorder de réduction sur la partie belge de
Voici quelle est la rédaction :
« … et sauf à lui à exiger que des réductions ont
lieu simultanément dans le tarif du cours de la même voie navigable entre les
frontières belges et Paris. »
Cette expression : « sauf » emporte
seulement que le gouvernement pourra exiger, s’il le juge à propos, des
réductions sans
« Enfin, messieurs, la réduction ne peut être
accordée en Belgique que pour autant que les droits soient simultanément
abaissés en France dans une juste proportion : j’ajouterai même qu’il y
aurait imprudence de la part du gouvernement belge à la consentir avant d’avoir
obtenu à cet égard des garanties pour l’avenir. »
Vous voyez que la section centrale entend que le
gouvernement s’impose l’obligation de ne réduire les droits en Belgique
qu’autant qu’ils soient simultanément réduits en France. Il est naturel que
cela soit inséré dans le projet de loi.
M. de Brouckere – Afin de faire cesser toute espèce de désaccord dans la
chambre, et d’après les explications données par M. le ministre des finances,
je déclare retirer ma rédaction et je déclare de plus ne pas m’opposer à ce que
l’amendement de M. d’Huart soit mis le premier aux voix.
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – D’après les explications données par l’auteur de
l’amendement, le gouvernement ne voit aucune difficulté à s’y rallier, car cet
amendement n’est que la reproduction commentée, expliquée de la proposition de
la section centrale, et je n’y voix ni plus ni moins que ce que dit cette
proposition. Du reste, l’auteur de l’amendement a fort bien compris les
intentions qui ont dicté le projet, intentions qui sont résumées dans le
rapport de mon honorable prédécesseur :
« La réduction y est-il dit, doit se faire dans
des proportions telles que Mons ne soit point exclu du marché destiné à être
désormais commun.
« La réduction ne peut être accorée en Belgique
que si les droits sont réduits en France dans une juste proportion.
« Enfin la réduction doit être telle que le
trésor public n’en soit point lésé. »
Ce sont là autant de vérités incontestables. Ces
observations se trouvent reproduites dans l’amendement qui devient le projet de
loi. Nous n’avons donc aucun motif de nous y opposer.
M. Coghen – Je n’ai plus de motif pour demander la suppression du mot
« analogues ». D’après la manière dont cette expression a été expliquée,
et le gouvernement l’acceptant, je n’ai aucune observation à faire. Je dirai
seulement que la chambre ne doit avoir aucune crainte sur ce qui se fera en
France. On y a dépensé au-delà de 15 millions pour établir cette grande
communication qui lie l’Escaut à Paris. Aujourd’hui, il est impossible d’en
user, à cause de la cherté du péage. Le gouvernement belge réduirait la
totalité du droit, que la position resterait la même, si les concessionnaires
du canal de jonction de Sambre et Oise ne consentaient pas à faire une
réduction. Leur résistance serait opposée à leurs intérêts.
Vote sur l’article et sur l’ensemble du projet de loi
L’amendement de M. d’Huart est mis aux voix. Il est
ainsi conçu :
« Article unique. Le gouvernement est autorisé à
réduire le tarif de
« Il stipulera, du reste, les conditions qu’il
jugera les plus utiles au trésor de l’Etat et à l’industrie du pays en
général. »
Adopté.
On procède à l’appel nominal sur l’ensemble du projet.
Il est adopté à l’unanimité des 59 membres qui ont répondu à l’appel.
Ce sont : MM. Angillis, Brabant, Coghen, de Brouckere, Dechamps, de
Florisone, de Foere, de Garcia de
Développements
Cette proposition est ainsi conçue :
« Je propose qu’il soit nommé une commission
chargée :
« 1° De rechercher les causes qui ont produit la
situation fâcheuse dans laquelle se trouvent l’industrie te le commerce
extérieur du pays ;
« 2° D’assigner les moyens les plus propres à
remédier au mal qui, de tous les points de
« 3° De
présenter à la chambre les bases du système commercial et naval qu’il
conviendrait, dans l’intérêt de l’industrie du pays, d’établir.
« La commission sera composée de sept membres,
nommés par la chambre et pris dans son sein. »
M.
de Foere – Avant de passer aux
développements de ma proposition, je ne crois pas inutile d’adresser au
ministère une question, à laquelle je subordonne ma persistance dans ma
proposition.
Ce qui a donné lieu à la proposition d’enquête
commerciale que j’ai l’honneur de faire à la chambre, c’est la circulaire,
accompagnée d’une lettre de notre ministre plénipotentiaire près la cour de
Londres, qui a été envoyée par l’administration précédente, à nos chambres de
commerce.
Il y avait progrès dans ce document. On y
reconnaissait la cause du mal qui rongeait le pays. On avouait que le commerce
du pays se livrait presque exclusivement à un commerce de commission. Ce fait
avait été longtemps nié. Dans mon opinion, aussi longtemps que le pays
n’exercerait qu’un commerce de commission, il aurait été impossible de
développer notre industrie par le commerce extérieur.
Dans ce même document, des mesures étaient proposées
aux négociants pour sortir de notre malaise commerciale et pour imprimer au
commerce du pays plus d’activité. Mais ces mesures ne me semblaient pas de
nature à atteindre le but. C’est la raison pour laquelle j’ai proposé de nommer
une commission d’enquête, afin de mettre un terme aux hésitations et aux
incertitudes continuelles dans lesquelles le pays était traîné depuis la
révolution en ce qui concerne son industrie d’exportation et son commerce
extérieur, et afin de rechercher les moyens d’éclairer le gouvernement et la
chambre sur le système commercial qu’il conviendrait aux intérêts du pays de
suivre.
Le ministère actuel a prononcé, dans son programme,
quelques paroles vagues, générales, sous le rapport de la protection dont le
commerce et l’industrie du pays éprouvent le besoin. Si le nouveau cabinet
déclare qu’il entend protéger le commerce maritime du pays, par les mêmes
moyens par lesquels toutes les autres nations, sans exception aucune, protègent
leur commerce dans l’intérêt de l’exportation de leur industrie, je renonce à
ma proposition d’enquête ; alors, dans mon opinion, elle devient inutile.
Si, au contraire, le cabinet persiste dans une opinion
de liberté commerciale ou dans un système de commerce fondé sur le transit, je
crois qu’il est dans l’intérêt du pays d’adopter ma proposition d’enquête.
Plusieurs systèmes de commerce sont en présence. Tel système peut donner au
pays quelque prospérité, tandis que tel autre lui interdirait tout commerce
extérieur et, par conséquent, toute industrie d’exportation. Le pays souffre
d’ailleurs de cet état d’hésitation et d’incertitude dans lequel il est
maintenant depuis longtemps. Il est urgent qu’il soit fixé sur les moyens
d’établir des échanges à l’extérieur.
Je demande donc au ministère de donner un sens plus
déterminé aux paroles vagues qu’il a prononcées dans son programme, et quels
sont les moyens qu’il se propose d’employer pour donner à l’industrie les
débouchés dont elle a besoin et qu’il lui a promis d’ouvrir.
M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts) – Puisque l’honorable préopinant subordonne la proposition
qu’il veut soumettre à la chambre à l’interpellation qu’il vient de me faire,
je crois devoir lui répondre deux mots.
L’honorable préopinant demande au gouvernement quel
système d’économie sociale il se propose de suivre. Ma réponse est que, dans
une matière de cette nature, où il s’agit de concilier tant d’intérêts
divergents, il est impossible au gouvernement d’indiquer un système exclusif et
invariable, un système dont il ne doive jamais dévier. Ce qui le prouve, c’est
que l’honorable préopinant, qui veut que le gouvernement formule un système
commercial et des règles dont il ne doive pas s’écarter, n’est pas d’accord
avec un honorable sénateur qui a dirigé toutes ses études sur cet objet.
Les soins du gouvernement tendront constamment à
examiner chaque cas spécial, et à chercher de bonne foi les moyens les plus
propres à concilier les intérêts du commerce et de l’industrie. Il m’est
impossible, comme il le serait à toute autre personne chargée de cette branche
de l’administration d’indiquer dès à présent les moyens de protection à
employer à l’égard de chaque espèce d’industrie. Tout ce que je puis promettre,
c’est que je donnerai tous mes soins aux branches d’activité, qui paraissent en
souffrance et que je m’appliquerai à leur rendre les éléments de prospérité qui
leur manquent, d’après l’honorable préopinant.
Est-ce à dire que nous suivrons de point et point la
marche adoptée par le cabinet qui se retire ? Nullement.
Je crois que l’ancien gouvernement avait les
intentions les plus droites, les vues les plus utiles. Mais le ministre, chargé
de cette partie de l’administration, ayant dans es seules mains plus que les
attributions de deux ministères, était dans l’impossibilité de donner au
commerce et à l’industrie tous les soins qu’il réclament.
Aujourd’hui que la séparation des deux ministères a eu
lieu, je promets à la chambre et au pays de diriger tous mes soins vers les
investigations relatives aux moyens de protection à employer à l’égard du commerce
et de l’industrie. Quels sont ces moyens ? Il m’est impossible, comme il
le serait à ceux qui seraient à ma place d’indiquer ces moyens lorsqu’à peine
on a pris place au banc des ministres ?
M. Delehaye – Je pense que, dans l’intérêt de notre honorable collègue, M.
de Foere, il ne s’agit pas pour le gouvernement de faire connaître toutes les
mesures qu’il compte prendre, mais seulement quel système commercial il doit
suivre. Je pense que tel est l’esprit de sa proposition. C’est dans cet esprit
que je me permettrai d’adresser une interpellation à MM. les ministres.
Si j’ai fait de l'opposition à l’ancien gouvernement,
c’est entre autres pour le motif qu’il n’avait aucun système commercial, et que
plusieurs branches d’industrie en souffraient. Je ne veux pas récriminer contre
l’ancien ministère ; car je n’ai pas l’habitude de m’attaquer aux
personnes qui ne sont plus. Si l’ancien ministère avait accordé une protection
efficace au commerce et à l’industrie, il aurait eu mon assentiment sur
plusieurs points, et le nouveau ministère l’aura, je le déclare, s’il leur
accorde cette protection.
Je pense que, dans l’intérêt du ministère, puisque son
avènement a été considéré comme un bonheur pour
L’ancien ministère avait présenté un projet de loi
pour empêcher la fraude. Je demanderai au nouveau ministère s’il compte prendre
des mesures dans ce but. Quant à moi, je suis convaincu que, quelques moyens
qu’on emploie, on ne réussira pas à la prévenir à moins qu’on n’ait recours à
l’estampille.
Je demande au ministère des explications à cet égard.
Je viens de la province qui m’a député dans cette enceinte, et j’ai la
conviction que si le ministère se prononçait en faveur de l’industrie, il
serait béni par toutes les localités du pays.
M. Rodenbach – Je désirerais savoir si l’honorable député de Thielt
persiste à demander la commission d’enquête, après la réponse que vient de lui
faire l’honorable ministre de l’intérieur. Dans le cas de l’affirmative, je me
réserve de prendre la parole après lui pour appuyer sa proposition.
M. de Brouckere – Mais la proposition n’est
pas développée.
M.
Rodenbach – Je croyais qu’elle l’avait
été dans une précédente séance.
M. le président – La proposition de M. de Foere n’a pas encore été développée.
M.
Rodenbach – Alors, je l’appuierai quand
elle aura été développée.
M. F. de Mérode – Le meilleur moyen de soulager l’industrie cotonnière de Gand
et des autres villes de
Maintenant que toute notre session est perdue, cette
discussion ne viendra pas dans cette session. Je ne connais pas ce que le
préopinant pourrait obtenir du ministère actuel ; il ne peut répondre
actuellement et je ne sais comment il pourrait formuler le système réclamé par
l’honorable M. de Foere. Au reste, je ne crois pas que l’industrie soit ni
mieux ni plus mal traitée par les nouveaux ministres que par leurs
prédécesseurs. Je crois que le nouveau cabinet mettra à soutenir l’industrie le
même zèle que celui qui l’a précédé, mais il ne pourra empêcher que les retards
occasionnés par les derniers événements ne nuisent à un projet qui pouvait amener
des résultats favorables à l’industrie.
M. de Foere – L’honorable ministre de l'intérieur n’a encore articulé que
des paroles vagues et générales sans rien préciser. Je ne lui avais pas demandé
qu’il fixât son système commercial d’une manière invariable dans toutes ses
applications secondaires. Certes, dans l’application de tous les détails, cette
fixité de principes n’est pas possible. Mais dans tous les pays il existe un
système commercial déterminé qui sert de règle générale et pour le gouvernement
et pour le pays. C’est ce système que je demande à M. le ministre de
l'intérieur de vouloir bien définir.
Je ne sais à quel propos M. le ministre de l'intérieur
me reproche de n’être pas d’accord avec un honorable sénateur. Cette conformité
d’opinion entre lui et moi existe ou non, je ne découvre pas le rapport de
cette observation avec ma proposition d’enquête.
Le fait est cependant que je suis parfaitement
d’accord avec l’honorable M. Cassiers sur les principes généraux. Quant à leur
application aux questions de détail et de circonstance, nous en avons toujours
ajourné l’examen.
Je ne conçois pas non plus la raison pour laquelle M.
le ministre de l'intérieur, qui est membre de la chambre depuis le congrès, ne
peut indiquer les moyens par lesquels il compte protéger le commerce et
l’industrie. Ces moyens ont été tant de fois discutés dans cette chambre et par
la presse qu’il est difficile de comprendre que l’honorable ministre n’a, à cet
égard, aucune opinion arrêtée. Nous ne lui demandons qu’un aperçu des mesures
que, dans son programme, il s’est proposé de prendre en faveur du commerce et
de l’industrie et surtout en faveur de l’industrie d’exportation.
Si le ministère veut consentir à établir dans cette
chambre une discussion sur les différents systèmes de commerce qui sont en
présence. Je renoncerai encore à ma proposition d’enquête. Cette discussion ne
serait pas sans utilité pour le pays. Il serait éclairé par les discussions des
chambres et par les comparaisons qui s’établiraient entre tel et tel système.
Je demande que nous discutions à fond la question. Jamais le gouvernement n’a
sollicité d’avis des chambres de commerce ; jamais il n’y a eu d’enquête
sur le système commercial. La chambre et le pays se trouvent dans la plus déplorable
confusion d’opinions sur le système de commerce qu’il convient de suivre.
Si donc le ministère voulait consentir à ce qu’il
s’établisse une discussion générale sur un système commercial à suivre, je ne
persisterais pas dans mon proposition d’enquête. Je préférerais que la chambre
s’éclairât elle-même.
M. de Theux – Messieurs, je ne veux pas
prendre part au débat sur la nécessité d’une enquête ; mais je veux répondre
au ministre de l'intérieur qui a dit que c’étaient les travaux multipliés des
départements que nous avions l’honneur de diriger qui nous aurait empêcher de
proposer les mesures utiles au commerce qu’il se réserve de présenter lui-même,
lorsqu’il aura étudie les intérêts du commerce.
Je demanderai quelle est la question commerciale
agitée et susceptible d’une solution immédiate devant laquelle nous avons
reculé : ce n’est pas devant la question des droits différentiels ;
la chambre elle-même a reconnu que le moment opportun n’était pas arrivé avant
le traité du 19 avril pour en faire l’objet d’un acte législatif ; et
depuis nous avons déclaré que nous étions prêts à discuter le traité de
navigation avec
Ce n’est pas devant la question linière qui a vivement
préoccupé le pays pendant cette année : vous vous rappellerez
qu’anciennement plusieurs motions ont été faites par des membres de cette
chambre pour la résoudre et que la chambre a reculé devant les moyens proposés.
Relativement à l’entrée des fils de lins, la chambre s’est bornée à adopter un
droit plus protecteur, et ce projet de loi a été renvoyé au sénat qui en est
encore saisi.
Nous avons institué une commission d’enquête pour
examiner ce qui se rattache à l’industrie linière, et en particulier à la
sortie des lins de même qu’à l’industrie agricole qui lui est connexe. La
commission n’a pas encore fait son rapport, mais je ne doute pas que, d’après
le personnel qui la compose, elle ne présente un travail intéressant et qui
mettra la législature en état de prendre une décision.
Une troisième question très grave, qui a préoccupé une
partie du pays, était relative à l’industrie cotonnière ; mais vous vous
rappellerez qu’elle fut agitée en 1835 ; qu’à la suite d’un long débat la
chambre rejeta le système de recherche et d’estampille réclamé principalement
par les industriels de Gand. Depuis lors M. Desmaisières avait institué une
commission chargé de rechercher les moyens les plus efficaces pour protéger
cette industrie de même que d’autres industries contre les effets fâcheux de la
fraude. Un projet de loi a été présenté à la chambre, mais il n’a pu être
discuté.
Voilà les trois objets principaux qui divisaient les
opinions.
Quant aux autres objets, la plupart ont reçu une
décision. Ainsi le tarif des douanes a été presque entièrement révisé pendant
notre administration. En 1834, sous le ministère qui nous avait précédé, la
chambre avait pris l’initiative relativement à deux lois très
importantes ; il s’agit des lois sur les toiles étrangères et sur les
céréales étrangères ; et une résolution fut prise à cet égard.
J’oubliais une loi de transit que nous avons présentée
et que la chambre a accueillie.
Vous voyez donc que notre ministère, non plus que les
chambres, ne sont pas restés inactifs en ce qui concerne les intérêts du
commerce et de l’industrie.
Il est vrai que trois questions restent à
résoudre ; celles concernent les droits différentiels, l’industrie linière
et la répression de la fraude.
Il est certain que des plaintes ont été formulées
surtout depuis une année ; mais ces plaintes résultent d’une position qui
est la conséquence des circonstances générales, car dans d’autres pays des plaintes
fort vives se sont aussi fait entendre.
Je tenais à rappeler ces faits et ces circonstances.
Il est très important pour les intérêts du pays que la question des droits
différentiels soit discutée à fond ; que la question linière le soit
également, ainsi que la loi relative à la fraude ; ce sera le moyen le
plus efficace de mettre un terme à la division des opinions sur ces importantes
matières.
M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts) – Il a été loin de ma pensée de vouloir rien dire qui puisse
inculper le ministère qui m’a précédé ; mais tout le monde comprendra, et l’honorable
préopinant lui-même avouera qu’un administrateur qui réunit deux portefeuilles
ne peut donner à chaque administration qu’il dirige ni le même temps, ni les
mêmes soins que si elles étaient séparées. Voilà ce que j’ai dit ; et tout
en rendant hommage à ses talents, je crois que j’ai pu le dire sans encourir le
reproche d’avoir voulu l’inculper en quoi que ce soit.
Quant à l’honorable membre qui, depuis plusieurs
années, fait entendre ses doléances relativement au système commercial que
Dans le commerce, il y a bien deux systèmes
absolus : la liberté sans restriction, et le système prohibitif ;
c’est entre ces deux systèmes que se trouve la vérité. Dire d’avance quel sera
le système mixte que nous adopterons, cela nous est impossible ; tout ce
que nous pouvons dire, c’est que nous examinerons les faits, c’est que nous
tiendrons compte des circonstances, et que nous nous efforcerons d’en faire
surgir les mesures les plus utiles au commerce et à l’industrie belges. Je ne
recule pas devant une discussion générale, si l’honorable membre y tient, mais
je demande qu’elle ait lieu à l’occasion du traité de commerce entre
M. Rodenbach – En France le ministère acquiesce à ce qu’on nomme des
commissions d’enquête ; pourquoi le ministère belge ne consentirait-il pas
à ce que de pareilles commissions soient formées ?
M. de Brouckere – Mais la proposition de M.
de Foere n’est pas développée.
M.
Rodenbach – Il y a une crise flagrante
en Belgique ; dans les Flandres les ouvriers sont sans ouvrage, ou leur
labeur n’y reçoit pas le salaire convenable, et cette situation est déplorable.
Si un bon rapport était fait par une commission d’enquête, ou bien si un
conseil commercial, établi près d’un ministère, se chargeait spécialement
d’examiner les causes de nos crises industrielles qui ruinent le pays,
probablement on trouverait les moyens de remédier au mal. On ne doit pas
craindre les lumières ; des hommes spéciaux, des hommes pratiques
pourraient en donner aux ministres présents, comme ils auraient pu en donner
aux ministres passés. Que le député de Thielt persiste dans sa proposition et
il aura ma voix, car la misère est à son comble dans les Flandres.
Plusieurs
membres – Vous exagérez !
M. Delehaye – Quoique les dernières
paroles de l’honorable membre aient paru exciter des murmures, je dirai
cependant comme lui, que la misère est à son comble dans certaines parties des
Flandres.
M.
d’Huart – Cela ne peut pas être.
M. Delehaye – Mais je ne dirai pas que
Je ne demande pas que le ministre de l’intérieur dise
maintenant s’il adoptera un système prohibitif ou un système de liberté ;
mais je demande qu’il adopte, comme en France et en Angleterre, un système
protecteur. Sans doute qu’il ne faut pas des prohibitions absolues, ou une
liberté illimitée, mais il faut des mesures qui permettent à l’industrie du
pays de marche.
PRESTATION DE SERMENT
M. Nothomb entre en séance et est
admis à prêter serment
PROPOSITION DE CONSTITUTION D’UNE COMMISSION D’ENQUETE
PARLEMENTAIRE
M. Dechamps – Messieurs, qu’il y ait malaise et souffrance dans notre
industrie, que
Sans doute, il ne faut rien exagérer, mais à ceux qui
nient l’état de souffrance de l'industrie, je demanderai quelle est
l’industrie, sinon celle de l'agriculture, qui, à l’heure qu’il est, soit
encore debout ? Il y a quelques mois, une seule de nos grandes industries
avait encore quelque apparence de prospérité, c’est l’industrie
houillère ; aujourd’hui, la crise l’a atteinte comme les hauts-fourneaux
et la forgerie, comme l’industrie linière, l’industrie cotonnière, et la
draperie.
J’aurais voulu que M. le
ministre eût fait entendre des paroles plus précises, plus positivement
rassurantes, parce que l’industrie en Belgique, a besoin d’espérer, et les
paroles de M. le ministre de l’intérieur n’ont pas eu un sens assez net, assez
clair pour lui donner cette espérance dont elle a besoin. Je comprends très bien
que le ministère ne peut pas formuler un système commerciale à
l’improviste ; je comprends très bien qu’il ne peut pas déclarer s’il est
prohibitionniste, ou s’il est libéral ; ce sont là des mots vagues qui ne
recouvrent, pour ainsi dire, aucun sens pratique ; mais on n’ignore pas
que dans la chambre, depuis plusieurs années, deux systèmes se trouvent en
présence, non pas sous le rapport d’une protection douanière, plus ou moins
large, mais sous le rapport du système d’exportation. L’ancien ministère, et
c’est là un des motifs de l’opposition que lui ont faite plusieurs membres qui,
sous d’autres rapports, étaient d’accord avec lui, l’ancien ministère avait
adopté relativement au commerce d’exportation des principes de laisser faire et
de laisser aller.
Le système commercial de l’ancien cabinet était, comme
on l’a dit souvent, le système de 1822, c’est-à-dire un système créé pour un
pays soumis à un régime colonial et que l’on a eu le tort d’appliquer à un pays n’ayant plus de colonies. Ce système
consistait à attendre le commerce direct, des événements sans le provoquer par
aucuns moyens. Dans l’opinion de l'ancien ministère, le commerce d’exportation
se serait établi par la force même des choses, par suite de l’établissement de
la ligne de transit, le chemin de fer ; tandis que nous soutenions qu’il
fallait recourir à des mesures que l’expérience a dictées à toutes les nations
commerciales, pour hâter le moment où le commerce direct s’établirait dans le
pays. C’est ainsi que la question a été posée.
Cette question a été longtemps peu comprise, mais elle
a considérablement grandi, et il faut avouer que la persistance, la ténacité de
l'honorable auteur de la proposition ont été pour beaucoup dans le progrès qu’a
fait l’opinion que je défends ; des préventions l’accueillirent longtemps,
maintenant la chambre l’écoute, elle commence à comprendre, et elle ne tardera
pas à être convaincue de l’importance, pour les intérêts belges, de s’occuper
sérieusement de ces importantes questions.
Messieurs, la position de
Vous savez, messieurs, que
Je dis donc, messieurs, que la question soulevée par
l’honorable M. de Foere est la plus importante de toutes celles qui pourront
être posées de longtemps, et j’aurais voulu, pour cela, que le gouvernement se
fût dessiné un peu plus qu’il ne l’a fait.
J’appuie, messieurs, un système commercial qui peut
amener le commerce direct dans le pays, et j’appuie précisément un semblable
système, parce que j’ai des opinions libérales et fait de commerce. Nos
adversaires seront forcés, malgré eux, à adopter un système restrictif de
douanes, précisément parce qu’ils n’auront pas voulu prendre des mesures
propres à assurer à notre industrie des débouchés à l’extérieur. Ces débouchés
sont le seul moyen d’avoir un système douanier libéral, car de deux choses
l’une : ou l’industrie belge aura des débouchés à l’extérieur, et alors
elle pourra admettre au partage de son marché intérieur les nations voisines,
et alors elle devra forcément adopter un système prohibitif, afin de s’assurer
au moins son marché intérieur. Ce sera là un triste remède, mais ce sera le
seul qui nous restera, et nos adversaires y seront amenés malgré eux, si nous
ne pouvons pas nous procurer des débouchés par un bon système d’exportation.
Je désire, messieurs, que le ministère s’explique sur
les points que je vais lui soumettre. Je ne demande pas qu’il fasse des
professions de foi sur un système général de commerce mais je voudrais savoir
si le ministère est dans l’intention de suivre, à l’égard de l’établissement de
relations directes, le système de laisser-aller qui a été reproché à l’ancien
cabinet ; je voudrais savoir s’il partage l’opinion professée par ce
cabinet, et qui consiste à soutenir qu’il n’est nécessaire de prendre aucune
mesure pour amener le commerce direct dans le pays, mais que ce commerce direct
doit d’établir par la seule force des choses, et par le seul achèvement de nos
lignes de transit ?
M. d’Huart – L’ordre du jour, messieurs,
appelait les développements de la proposition de M. de Foere. L’honorable
membre a trouvé bon de faire précéder ces développements d’interpellations
qu’il a adressées au ministère, et il a annoncé que, d’après les réponses qui
seraient faites à ces interpellations, il se déciderait, soit à retirer sa
proposition, soit à la développer. Le ministre a déjà répondu deux fois, et il
me paraît que l’honorable membre doit dire maintenant s’il persiste à
développer sa proposition, car s’il ne la retire pas, nous sommes en droit de
le prier de passer à la tribune et de nous en donner les développements.
En ce moment on ne sait ce que nous discutons. Les uns
parlent de commerce et de navigation, les autres critiquent les errements
suivis par des ministères précédents ; une semblable marche est insolite,
et je demande que nous passions à l’objet de l’ordre du jour, c’est-à-dire aux
développements de la proposition de l’honorable M. de Foere, à moins que cette
proposition ne soit retirée.
M. de Puydt – La motion que vient de
faire l’honorable M. d’Huart est extrêmement juste. L’honorable M. de Foere a
adressé au ministère une question, celle de savoir quel est le système
commercial que le gouvernement compte suivre. Le gouvernement a répondu à cela
la seule chose qu’il pouvait répondre, parce qu’en fait de systèmes
commerciaux, il n’y en a que deux qui soient absolus, qui soient définis, le
système prohibitif et le système de liberté ; il n’y a que ces deux
systèmes sur lesquels on puisse se prononcer d’une manière positive, à l’égard
desquels on puisse dire : J’adopterai celui-ci ou celui-là ; tous les
autres sont mixtes, tous les autres tiennent de ces deux-là à la fois. Si vous
voulez donc que l’on réponde à l’égard d’un système qui se trouve entre les
deux extrêmes que je viens d’indiquer, il faut que vous précisiez vous-même le
système à l’égard duquel vous demandez des explications, et c’est là le but que
vous pouvez atteindre en développant votre proposition. Faites une proposition,
développez-là, et alors le gouvernement pourra vous donner des explications
ultérieures, mais jusque là il est impossible qu’il réponde autrement qu’il ne
l’a fait.
M. de Foere – J’avais posé au ministère une deuxième question à la
solution de laquelle je subordonnais le retrait de ma proposition. M. le
ministre de l'intérieur m’a répondu que la discussion générale du système de
commerce extérieur qui convient aux intérêts de
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Messieurs, je répondrai d’abord à la dernière interpellation
de l’honorable M. de Foere, bien qu’elle ait été adressée à M. le ministre de
l'intérieur. Le ministère étant tombé d’accord sur le point en discussion comme
sur les points principaux qui doivent fixer sa politique, en répondant en mon
nom, je crois répondre aussi au nom du cabinet.
L’honorable préopinant a demandé si le ministère
soutiendrait le traité de navigation conclu avec
Quand le moment de la discussion sera arrivé, nous
serons préparés et nous nous en expliquerons avec franchise. Nous pourrons
d’autant mieux le faire que le traité dont il s’agit est le résultat, un peu
tardif à la vérité, mais toujours le résultat de négociations qui avaient été
entamées avec
Parmi les mesures d’intérêt commercial que l’honorable
M. de Theux a bien voulu rappeler comme ayant été prises sous notre ministère,
il a oublié d’en mentionner quelques-unes, et notamment la nomination de la
commission spéciale qui a été chargée, en 1833 et 1834, d’établir des relations
commerciales avec
Un honorable député, tout en protestant de son amour
pour le système de liberté commerciale, nous a adressé une autre
interpellation. Il nous a demandé si nous étions partisans du commerce direct,
il désire que nous nous expliquions franchement sur ce point ; suivant
lui, les opinions dans la chambre seraient partagées sur cette question.
Messieurs, je n’ai jamais entendu dire que les opinions
ne fussent pas unanimes sur les avantages que procure le commerce direct ;
tout le monde est parfaitement d’accord sur la question de savoir s’il est plus
avantageux de recevoir, d’expédier directement les marchandises, que de les
recevoir et de les expédier par votre intermédiaire ou de seconde main.
Mais, dira-t-on, quels sont les moyens que vous vous
proposez d’employer pour attirer dans le pays le commerce direct ?
Ici, messieurs, commencent les difficultés qu’on n’a
pu résoudre jusqu’ici d’une manière satisfaisante. Mais je dois faire observer
qu’aucun membre de cette chambre n’a non plus indiqué jusqu’à présent les
moyens d’y parvenir. L’honorable M. de Foere qui, je pense, n’est pas
parfaitement d’accord avec l’honorable M. Dechamps, s’est tu jusqu’ici sur ces
moyens, bien qu’on l’ait provoqué plusieurs fois à formuler son système projet
de loi.
Je ferai la même prière au préopinant. Je lui
demanderai de vouloir bien indiquer aussi quels sont les moyens les plus
propres, selon lui, à assurer au pays les avantages du commerce direct.
Il est toujours plus ou moins dangereux pour le
gouvernement de se prononcer a priori dans les questions de ce genre. Nous
devons donc nous borner à dire que nous chercherons avec soin, avec zèle,
quelles sont les mesures les plus efficaces à employer dans cette circonstance,
et que nous ferons tous nos efforts pour les réaliser, et pour les appliquer de
la manière la plus utile aux intérêts généraux du pays.
Mais ce n’est pas alors que nous sommes arrivés depuis
huit jours à peine aux affaires, et que nous y sommes arrivés par une
circonstance imprévue et que nous n’avions nullement provoquée ; ce n’est
pas de cet instant, dis-je, qu’on doit attendre de nous des miracles. Nous
n’avons pas, d’ailleurs, la prétention d’apporter au pays des miracles.
Il n’est pas besoin de répéter périodiquement, tous
les mois, tous les huit jours, que la misère est à son comble, que l’industrie
est arrivée au dernier état de souffrance ; il n’est pas besoin de
recourir à ces exagérations, pour exciter le zèle du gouvernement. Je crois
qu’il y a un grand mal dans ces plaintes qui nous reviennent périodiquement. La
mal existât-il au degré d’intensité où on le dépeint, il faudrait plutôt avoir
soin de le voiler aux yeux de la nation, aux yeux de l’étranger, que d’étaler
constamment les plaies du pays. D’ailleurs le pays est riche, le pays a de
grandes ressources, au lieu de lui inspirer de la défiance pour lui-même, c’est
la confiance qu’il faut lui rendre. Encouragez l’esprit de commerce ;
encouragez les entreprises utiles ; aidez le gouvernement dans les mesures
qu’il se propose de prendre, et vous donnerez, messieurs, à l’industrie et au
commerce la confiance qui lui manque. C’est le rôle auquel je convie la
chambre, et je pense que le conseil que je lui donne sera compris par elle. Je
crois que les honorables membres, aux intentions desquels je rends d’ailleurs
hommage, modèreront, dans l’intérêt même de l’industrie, ces plaintes
incessantes qu’ils font retentir en son nom.
M. de Brouckere – Messieurs, j’ai demandé la parole parce que l’honorable
orateur qui vient de parler est rentré dans une discussion que je regarde comme
prématurée. Je voulais rappeler à la chambre la motion pleine de justesse et
d’à-propos, qui a été faite par l’honorable M. d’Huart.
Messieurs, nous agissons au rebours de ce que nous
devrions faire. L’honorable M. de Foere annonce une proposition à laquelle se
rattachent de graves questions commerciales, et voilà que nous nous mettons à
traiter la question, avant que l’honorable membre ait développé sa
proposition ; l’honorable M. Rodenbach est allé même jusqu’à se prononcer
pour la proposition dont il n’a pas encore entendu les développements.
Je demande donc que cette discussion cesse, et que
l’honorable M. de Foere nous dise s’il veut oui ou non développer sa
proposition.
Quant à moi, j’insiste beaucoup, pour qu’il veuille
bien la développer, parce que je dois déclarer que je suis excessivement
curieux d’entendre ces développements ; il doit s’y trouver quelque chose
de très extraordinaire, car l’honorable M. de Foere en a peur lui-même. (Hilarité.) Oui, messieurs, il en a peur,
il l’a prouvé quelquefois par la fuite, d’autres fois par le silence. Il est
certain que voilà sept ou huit fois que l’honorable M. de Foere a occasion de
développer sa proposition ; la moitié du temps, il s’est retiré de la
séance ; et l’autre moitié, il a allégué des prétextes pour ne pas
présenter ses développements. J’espère que nous serons plus heureux aujourd’hui,
que l’honorable membre nous donnera satisfaction, et qu’il donnera enfin ses
développements, si souvent annoncé et si souvent vainement attendus.
(Moniteur belge n°121 du 30 avril 1840) M. Rodenbach (pour un fait personnel) –
M. le ministre des travaux publics a dit, dans son discours, que les plaintes
que l’on fait entendre ici sur la misère qui règne dans le pays, et notamment
dans les Flandres, sont exagérées. Je soutiens, moi, que je n’ai pas exagéré
quand j’ai parlé de la crise de l’industrie linière et cotonnière dans les
Flandres, ainsi que de la grande misère qui désole ces provinces. Consultez,
messieurs, les députés de ces localités, qui sont présents, et ils vous diront
tous qu’il n’y a pas eu de l’exagération dans mes paroles. J’interpelle même un
magistrat de
Voilà ce que j’avais à répondre à M. le ministre des
travaux publics.
(Moniteur belge
n°120 du 29 avril 1840) M.
de Foere – Messieurs, je regrette que
ma proposition ait jeté de l’ardeur dans la discussion. L’examen d’une question
d’une aussi haute gravité devrait être exempt de toute l’effervescence
parlementaire. Sans avoir peur des développements de ma proposition, comme l’a
prétendu assez ridiculement M. de Brouckere, et sans lui demander conseil sur
les mesures que je crois devoir prendre avant d’entrer dans ces développements,
je me permettrai encore de demander au ministère et à la chambre si le traité
de commerce avec
L’hésitation du nouveau cabinet nous fait espérer
qu’il ne persistera pas dans une politique commerciale que nous considérons
comme désastreuse pour le pays.
Il y a un autre progrès remarquable dans l’opinion du
cabinet actuel. L’honorable ministre des travaux publics a déclaré que personne
ne doute de la supériorité du commerce direct à l’égard de tout autre
système ; or, cette opinion n’a point été toujours professée par
l’honorable ministre, ni par ses amis politiques. Pendant longtemps ils avaient
fondé leur espoir sur l’exportation de notre industrie par la navigation
étrangère.
M. le président – Je ferai observer à l’honorable orateur que ces
considérations sont étrangères à la motion d’ordre qui s’agite en ce moment.
M.
de Foere – Je crois être en droit
d’entrer dans ces considérations pour justifier ma résolution de persister ou
non dans ma proposition.
Je dis donc qu’il y a progrès notable à l’égard de la
grave question que nous discutons. Je demanderai à la chambre si, dans un court
délai, elle veut mettre à l’ordre du jour le projet de traité conclu avec
M. le ministre de l'intérieur ne peut se fixer sur ces
moyens ; cependant ils sont déposés dans tous les traités de réciprocité
conclus entre les nations européennes. Je défie qu’on m’en cite un seul qui ne
soit pas basé sur le système des provenances directes. Il n’est donc pas si
difficile de déclarer s’il entend, ou non, suivre la politique générale des
autres nations, sauf à l’appliquer selon les besoins actuels du pays.
Le sénat, dans une discussion mémorable, qui a eu lieu
dans sa séance du 13 février dernier, a reconnu qu’il existait dans les
chambres et dans le gouvernement une confusion d’opinions déplorables relativement
au système commercial, qui se trouvent en présence. En conséquence l’honorable
sénateur de Verviers a déclaré qu’une enquête commerciale approfondie, forte,
consciencieuse, était nécessaire. Mais l’on consent que la question qui en est
l’objet soit discutée, lorsque le traité conclu avec
M. de Muelenaere – Je n’ai pas demandé la parole pour entrer dans la
discussion, mais pour répondre à une interpellation qui m’a été adressée par
l’honorable M. Rodenbach. Je ne dirai pas avec l’honorable membre que la misère
est à son comble dans le pays. Je craindrais qu’on ne me fît avec raison le
reproche de mettre quelque exagération dans mes paroles. Je dois cependant
déclarer qu’il y a malaise dans les Flandres et que la décadence de l’industrie
linière y cause en ce moment de vives souffrances. Je m’empresse aussi
d’ajouter que le ministère précédent, sur la demande même de l’honorable M.
Rodenbach, avait déjà nommé une commission chargée d’aviser aux moyens de venir
en aide à cette industrie. La nomination de cette commission aura-t-elle des
résultats utiles. Je n’en sais rien. Dans tous les cas, je demanderai que le
gouvernement porte toute son attention sur cette industrie si intéressante pour
notre pays, et que la commission soit invitée à présenter le résultat de ses
investigations dans le plus bref délai possible pour que nous puissions aviser
aux moyens à prendre.
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Je ne sais si je dois expliquer les paroles que j’ai
prononcées tout à l’heure. Je me suis plaint de l’exagération des termes dans
lesquels on peignait la situation du pays, mais je n’ai pas nié qu’il y eût
crise ; j’accepte volontiers l’interprétation donnée par l’honorable
préopinant. Je l’accepte tout entière. Je désire qu’on ne se méprennent pas sur
la portée de mes paroles.
M. Dumortier – Je suis de l’avis de M. de
Muelenaere sur l’état de l’industrie en Belgique. Loin d’être dans un état
prospère, elle est dans un grand malaise, et spécialement l’industrie
linière ; elle mérite toute votre sollicitude. La crise à laquelle elle
est en proie est telle qu’il nous sera bien difficile de l’en tirer, mais nous
devons lui venir en aide jusqu’au dernier moment.
Là n’est pas la question. Dans la position actuelle,
toutes les questions qui se rattachent à l’industrie se pressent autour de
nous. Malheureusement cette chambre compte peu de personnes qui soient bien au
courant des questions commerciales ; engager la discussion des traités de
commerce dans cette situation, alors que la plupart des membres de cette assemblée
n’ont pu s’entourer d’aucune espèce de lumière pour s’éclairer dans cette
discussion, engager aujourd’hui la discussion de questions aussi graves, de la
solution desquelles dépend tout l’avenir de
Nous devons reconnaître que peu de personnes dans
cette chambre, comme je le disais tout à l’heure, sont au courant des grandes
questions industrielles. Pour les mettre au courant de ces questions, il est
nécessaire de faire une enquête où elles soient élaborées, de cette manière ils
pourront émettre un vote consciencieux et éclairé. Si, au contraire, vous
vouliez examiner maintenant les projets de traité et de tarifs avant l’enquête,
et si étant mal éclairés vous posiez de mauvais principes et faisiez de
mauvaises lois, vous mettriez l’industrie dans l’impossibilité de se relever
jamais, vous le frapperiez de mort, vous perdriez l’avenir du pays.
Il ne faut pas entamer légèrement la discussion de
questions dont dépend l’avenir entier du pays et l’entamer surtout alors qu’on
est dépourvu de tout document sur les vices du système qui prévaut.
Il est donc de toute nécessité qu’une enquête ait
lieu, si nous voulons assurer l’avenir de notre industrie. Chacun de nous veut
le bonheur du pays, la prospérité de notre industrie, mais, avant de prendre
sur soi d’adopter une mesure, il faut être à même de connaître ce qu’il
convient de faire. Il n’y a qu’un très petit nombre d’entre nous qui puissent
parler a priori sur ces questions. Quand une enquête aura présenté le fort et
le faible des arguments divers, il sera possible d’examiner la question avec
une maturité digne d’elle et de lui donner une solution favorable, tandis
qu’une discussion prématurée la compromettrait au plus haut degré.
J’invite M de Foere a développer sa proposition.
M. le président – Je prie M. de Foere de déclarer s’il développe sa
proposition ou s’il la retire.
(Moniteur n°126 du 5 mai 1840) M.
de Foere développe sa proposition – Messieurs, la chambre des
représentants a bien voulu accepter les développements dans lesquels je suis
entré, lorsque j’ai eu l’honneur de lui soumettre ma proposition d’enquête
commerciale. Je pourrais donc, à la rigueur, me dispenser de lui en présenter
de nouveaux. Cependant, eu égard à l’importance de la proposition, je
l’appuierai de quelques autres considérations.
Vous ne contesterez pas, messieurs, que le commerce
extérieur doive être dirigé par un système de législation, puisé dans les
intérêts du pays et fondé sur ses véritables besoins. Aussi toutes les parties
de cette législation doivent se coordonner entre elles, tendre au même but et
présenter les moyens efficaces de l’atteindre. Telle est la marche suivie par
toutes les nations.
Le but spécial du commerce extérieur est, dans tous
les pays, l’exportation des produits de l’industrie nationale. A ce titre, il
mérite, à un haut degré, votre attention. Comme député du pays, vous devez à ce
commerce une sollicitude toute particulière. Partout ailleurs il est soumis à
une action protectrice, sûre et régulière. Sans point d’appui, sans moyens de
développement, sans règle de conduite, position dans laquelle il se trouve chez
nous, le commerce extérieur est livré, sans défense, à lui-même, arrêté par ses
propres hésitations, entravé dans tous ses mouvements, et exploité par
l’étranger. L’industrie, liée aux destinés du commerce extérieur, suit
nécessairement ses phases de prospérité ou de décadence.
Notre séparation de
Jamais, pendant cette période, les chambres de
commerce n’ont été consultées sur le système maritime qui convenait à la
nouvelle position et aux intérêts du pays. Malgré tous les efforts qui, depuis
la révolution, ont été faits pour soumettre aux délibérations de la législature
une proposition de cette importance, le pouvoir dirigeant s’y est constamment
opposé. Aucune enquête n’a été instituée dans le but de rassembler les éléments
de ce système. L’industrie d’exportation est aujourd’hui acculée aux dernières
limites de sa perdition. Son unique moteur, le commerce, est réduit aux
misérables affaires de commission. Le fait est encore avoué. Il a fallu que
cette coupable incurie produisît l’effet du mal pour que la chambre eût recours
à un moyen extrême d’y remédier. Ce moyen , c’est l’enquête commerciale.
La législature, n’étant pas dirigée par un système
national de commerce, élabora, en outre, péniblement ses lois commerciales d’un
ordre secondaire. Il n’en pouvait être autrement. Des principes contradictoires
furent constamment en présence. Là où il n’y a ni ordre, ni harmonie, il y a
conflit et anarchie. L’hésitation et l’inertie en sont le résultat.
Cependant il est juste de tenir compte de toutes les
opinions. Un orateur ministériel nous avait souvent révélé, dans ses discours
et dans les « Motifs du projet de loi sur le transit », que le
système commercial du pays était fondé sur le transit. L’honorable membre
devait en savoir quelque chose, puisque, depuis plusieurs années, il avait
dirigé le bureau du commerce. Mais, dans la séance du 28 janvier dernier il
présenta à la chambre une autre version du système gouvernemental. Selon lui,
nous avons un système commercial, « un système, a-t-il dit, qu’il n’est
pas nouveau, qui est ancien, qui a été créé par une loi de 1816, et qui a été
amélioré par une loi de 1822. » Quoique la révolution eût renversé les
bases sur lesquelles ce système de 1816 et de 1822 avait été fondé, quoique
tous les rapports commerciaux, que ce système avait établis en Belgique,
eussent été brisés en 1830 selon l’honorable député d’Anvers, ce même système
conviendrait encore aujourd’hui à la position et aux intérêts du pays ?
Cependant l’opposition que
Je conçois que ce système convient encore à certains
intérêts d’Anvers qui sont ailleurs qu’en Belgique et qui, au dépens du pays,
cherchent à ériger cette ville en port anséatique. Dans la même séance du 28
janvier, M. Smits lui-même découvrit une parfaite similarité de position et
d’intérêt entre les villes anséantiques et
Il est vrai, l’opposition belge à la législation de
1816 et 1822 se relâcha ; mais il n’y a, dans tout le pays, aucun homme
versé dans la politique commerciale qui n’ait la profonde conviction que cette
législation eût été non seulement stérile, mais très nuisible pour
Ces étranges révélations, concernant le système
commercial du pays, produisirent sur le sénat la même impression. Sa séance du
13 février fut, sous ce rapport, très remarquable. Plusieurs membres
prononcèrent des discours que cette noble assemblée accueillit avec une faveur
qui lui attira l’attention et les remerciements des hommes politiques du pays.
Dans cette séance, l’honorable sénateur de Tournay soutient que nous n’avons
pas de système commercial. « Nous n’avons pas, dit-il, de marche tracée ;
nous vivons au jour le jour. Si un système a prévalu parfois, c’est le système
anversois, système de transit et de commission. » Il en signale les suites
funestes pour le pays. Il soutient, en outre, que déjà le gouvernement a
compromis de graves intérêts en concluant avec
Dans la même séance, l’honorable sénateur de Verviers
fait peser l’autorité de sa parole sur les insoutenables assertions du gouvernement.
« Quoi qu’on ait pu dire, dit-il, nous n’avons pas de système général de
commerce, d’industrie et de navigation. » Il prouve son assertion, et, à
son tour, il fait ressortir, à grands traits, les conséquences déplorables de
la confusion de nos lois commerciales. Il qualifie la plupart des modifications
qui ont été apportées la législation de
1816 et 1822 « d’espèce de pillage où le plus adroit ou le plus osé
l’emportait sur les autres. »
Après avoir sondé toute la profondeur de la plaie que
l’absence d’un système commercial a ouverte, l’honorable sénateur de Verviers
déclare que, « pour parvenir à poser des principes généraux de politique
commerciale, il faut entendre tous les intérêts. » Ceux qui croient que
c’est une « bonne tactique parlementaire » de révoquer en doute tout
ce que leurs adversaires affirment pourraient contester que ces dernières
paroles de M. Biolley n’établissent pas la nécessité d’une enquête commerciale.
Mais l’honorable sénateur leur a enlevé d’avance cette petite ressource. Il a
ajouté : « Une enquête forte, consciencieuse, approfondie, me paraît
indispensable. »
Dans la séance suivante, l’honorable sénateur de
St-Nicolas entre dans l’arène. Ni les orgueilleux dédains d’une aveugle
présomption, ni les railleries de l’esprit de parti n’ont pu abattre son
courage. Il se présente avec cette intelligente persévérance qui décèle une
conviction profonde et sans laquelle la vie parlementaire, engagée dans les
grands débats, n’est qu’une grande niaiserie. Il prouve à l’évidence la
nécessité de changer de législation commerciale ; car il démontre, par des
faits incontestables, que celui de 1816 et 1822 n’est qu’un énorme
anachronisme.
La très grande majorité du sénat a appuyé, par un
assentiment bien prononcé, la nécessité de l'enquête. J’appelle, messieurs,
votre attention sur cette conformité de conviction qui existe entre cette noble
assemblée et cette fraction de la chambre qui voit, avec des regrets
indicibles, l’état de dépérissement auquel des doctrines absurdes et des théories
impuissances ont réduit l’industrie et le commerce du pays.
Afin d’établir plus clairement le besoin d’instituer
une enquête commerciale, nous constaterons l’opinion du pays par celle des
chambres de commerce. Celle d’Anvers n’a cessé de réclamer le statu quo. Elle
est allée plus loin, elle a répudié la navigation nationale. L’Angleterre,
Mais rien ne prouve mieux, messieurs, la nécessité de
la mesure que je propose que vos propres hésitations, vos propres incertitudes
dans lesquelles vous vous débattez, sans résultats, depuis la révolution. Vous
reconnaissez les besoins du pays ; vous avouez le dépérissement progressif
de sa prospérité matérielle ; vous n’avez cessé de demander, de toutes
parts de la chambre, des débouchés, et jamais vous n’avez pu tomber d’accord
sur les moyens de les atteindre. Vos perplexités vous ont fait même toujours
reculer devant la discussion de ces moyens. Je sais bien que la proposition
appartenait au pouvoir dirigeant, et à vous la coopération ; mais les
incertitudes et l’impuissance de la chambre sont toujours là devant des
questions vitales auxquelles le pays demande, avec autant d’anxiété que
d’urgence, une prompte solution.
Enfin, les plus simples notions de la raison humaine
nous autorisent à croire que la promesse d’atteindre un but implique nécessairement
la connaissance des moyens. Or, dans son programme, le cabinet nouveau promet à
l’industrie du pays des débouchés, et lorsque des interpellations lui sont
adressées sur les moyens par lesquels il se propose de les ouvrir, il répond
qu’il ne connaît pas encore ces moyens ! J’abandonne à l’esprit
d’interprétation le soin d’expliquer ce singulier phénomène
parlementaire ; mais si, après dix ans d’hésitations continuelles devant
une question aussi vitale, le pouvoir, à qui appartient la direction des affaires,
déclare ignorer encore les moyens de résoudre cette question, je vous le
demande, messieurs, peut-il exister un motif plus puissant d’instituer une
enquête qui a pour but :
1° De rechercher les causes qui ont produit la
situation fâcheuse dans laquelle se trouvent l’industrie et le commerce
extérieur du pays :
2° D’assigner les moyens les plus propres de remédier
au mal qui, de tous les points de
3° De présenter à la chambre les bases du système
commercial et naval qu’il conviendrait, dans l’intérêt de l’industrie du pays,
d’établir.
J’ai dit.
- La proposition de M. de Foere est appuyée.
La chambre en ordonne l’impression et renvoie à demain
la discussion de la prise en considération.
La séance est levée à 4 heures ¼.