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d’intention
Chambre
des représentants de Belgique
Séance du vendredi 21 février 1840
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi de crédit supplémentaire de 100,000 francs pour
l’érection du petit séminaire de Saint-Trond. Discussion générale (de Mérode). Motivation du subside demandé, traité des 24
articles, hégémonie supposée de l’influence catholique dans l’enseignement et
intervention épiscopale lors des élections (Scheyven, Simons, Verhaegen, de Theux, Delfosse, (+affaire de Tilff),
F. de Mérode, Dumortier, Verhaegen, Delfosse).
Discussion de l’article unique (Lys, Devaux,
Liedts, Fleussu, de Theux, Fleussu, d’Huart, de Theux, Devaux, David, d’Huart,
Dubois, Liedts)
(Moniteur belge
n°53 du 22 février 1840)
(Présidence de M.
Fallon)
M.
Lejeune fait l’appel nominal à une heure.
M. Mast de Vries lit le procès-verbal de la
séance précédente; la rédaction en est adoptée.
M.
Lejeune présente l’analyse des pièces adressées à la chambre :
PIECES ADRESSEES A
« L’administration communale de Wilmarsdonck (province d’Anvers) demande une loi qui l’indemnise des pertes essuyées par suite de l’inondation des polders. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif aux indemnités.
_____________________
« L’administration communale de Waerschoot (Flandre orientale) adresse des observations sur le projet de loi relatif à la répression de la fraude en matière de douane. »
- Renvoi à la section centrale chargée de l’examen du projet de loi sur la matière.
_____________________
« Des habitants de Gand, St-Joris, Nevele, Exaerde, Hulst, Arendonck et Eecke, demandent une loi qui rétablisse l’usage de la langue flamande dans certaines provinces, pour les affaires de la commune et de la province. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
_____________________
« Le J.-J. Steyaert, instituteur en chef de l’école communale gratuite
à Gand, fait hommage à la chambre de deux exemplaires de sa brochure,
intitulée : « Verhandeling over de noodzakelijkheid van eene wet op
het onderwys en het gebruik van de vlaemische tael in onze scholen. »
- Dépôt à la bibliothèque.
____________________
M. le président tire au sort les sections du mois de février.
____________________
M Delfosse – Messieurs, j’ai voté hier pour la motion d’ajournement qui avait été prononcée par l’honorable M. Milcamps. Je crois que dans le Moniteur on me fait voter à la fois pour et contre. Si la même erreur existe dans le procès-verbal, je demande qu’on en fasse la rectification.
M. le président – L’erreur ne se trouve pas dans le procès-verbal ; quant au Moniteur, je ferai observer à l’honorable membre qu’il est dans les attributions de MM. les questeurs.
PROJET DE LOI DE CREDIT SUPPLEMENTAIRE DE
100,000 FRANCS POUR L’ERECTION DU PETIT SEMINAIRE DE SAINT-TROND.
Discussion générale
M. le président – La parole est à M. de Mérode.
M. F. de Mérode – Messieurs, hier, j’avais l’intention de prendre la parole, parce qu’on avait attaqué une personne qui ne fait pas partie de la chambre, et que je désirais la défendre. Mais cette tâche ayant déjà été remplie, je ne pense pas qu’il faille de nouveau occuper l’assemblée d’une question incidente, je pense qu’il faut bien plutôt se livrer à l’examen de la question principale. Comme je n’ai aucune considération nouvelle à présenter sur cette question principale, je renonce à la parole pour le moment.
M. Scheyven – Messieurs, pour justifier l’opinion de la section centrale, qui s’est prononcée en faveur du subside pétitionné, ma tâche sera très facile, après tout ce que nous avons entendu, après tous les arguments que l’on a fait valoir à l’appui de la proposition du gouvernement. Aussi je ne dirai que peu de mots.
La seule question à examiner
était celle de savoir s’il convenait, eu égard aux circonstances, d’allouer un
subside à titre d’équité, pour l’érection du petit séminaire de Saint-Trond en
remplacement de celui de Rolduc situé sur le territoire cédé à
Personne ne peut tirer en doute que la translation de cet établissement porte un préjudice notable, occasionne des pertes considérables au diocèse de Liége ; les renseignements qui nous ont été fournis et qui se trouvent consignés dans le rapport que vous avez sous les yeux, vous en donnent une idée.
Dans mon opinion l’évaluation de ces pertes est de beaucoup inférieure à la réalité, je mets en fait que l’on veut avoir à Saint-Trond l’équivalent en bâtiments et église, qui existent à Rolduc, et appropriés à l’établissement du petit séminaire, il faudrait faire au moins une dépense de 800,000 francs. Car je suis certain qu’il n’existe point d’établissement d’enseignement dans tout le pays, dont les bâtiments soient aussi vastes et aussi solides que ceux-ci ; et vous le comprendrez facilement quand vous saurez que c’était une abbaye, qui était sinon la plus riche, au moins une des plus riches du pays.
Ce n’est point que je veuille prétendre qu’il est nécessaire de dépenser une pareille somme pour avoir un petit séminaire. Je crois qu’au moyen d’une dépense de 500 et quelques mille francs, on peut avoir des bâtiments convenables pour l’objet auquel on les destine.
Cependant si on voulait vendre ce
bâtiment ainsi qu’on en a le projet, il est presque certains qu’on n’en aura
pas 100,000 francs ; mais cela tient principalement à la situation isolée
et sur l’extrême frontière, qui séparer
Cette translation, comme vous le savez, messieurs, n’est due à d’autre cause qu’à l’exécution du traité du 19 avril dernier.
Or, je vous le demande,
messieurs, l’équité, je dirai même l’honneur national, n’exige-t-il pas
qu’alors que ce traité que vous avez voté a assuré à
Quelques orateurs ont paru craindre les conséquences que pourrait entraîner le vote du subside, et ont cru y trouver un motif de le refuser. Mais remarquez bien que nous ne reconnaissons pas à ceux dont les intérêts sont froissés le droit d’exiger une indemnité. Mais supposons que l’allocation de ce subside pourrait être pour ceux-ci un titre pour venir réclamer, à leur tour, un dédommagement ou un secours pour les pertes essuyées par suite de ce traité. Il ne faut pas de ce vote pour leur donner ce titre. Déjà vous avez accordé, par une loi dont l’adoption a suivi immédiatement le traité, un dédommagement de ce chef aux industries du Luxembourg. Vous avez voté une loi pour indemniser le commerce du droit de péage sur l’Escaut, lois qui ont toute mon approbation. Alors on ne s’est pas élevé contre les conséquences que l’on semble craindre aujourd’hui. Mais, disons-le franchement, là c’était une question purement d’industrie et de commerce, et ici c’est une question dans laquelle on a cru voir les intérêts d’un évêque. Voilà toute la différence.
Soyons juste avant tout, et ne refusons pas aux uns ce que nous avons accordé aux autres, alors que les motifs sont au moins aussi plausibles pour le dernier que pour le premier cas.
Malheureusement, la discussion
n’est pas restée sur ce terrain, qui était le seul sur lequel elle aurait dû
être placée. On a cru voir dans l’allocation de ce subside une atteinte au
principe de la liberté d’enseignement ; on est allé jusqu’à en faire une
question de personne ; eh bien, messieurs, on a combattu un fantôme, il ne
s’agit ni de l’un ni de l’autre. En effet, est-ce une faveur que l’on accorde
au petit séminaire, et que l’on refuse aux autres établissements
d’enseignement ? Evidemment non. Le subside pétitionné a une autre cause,
c’est un secours en considération des pertes que la translation, nécessitée par
l’exécution du traité, lui occasionne ; et quoi que l’on en ait dit, on
n’aura pas à Saint-Trond l’équivalent de ce qui se trouve à Rolduc. Loin de
porter une atteinte au principe de la liberté d’enseignement, le subside n’est
qu’une réparation équitable du préjudice que les événements politiques qui ont
assuré l’existence de
Si dans cette circonstance le gouvernement venait nous demander une somme quelconque en faveur des petits séminaires, l’on serait peut-être fondé à nous faire une semblable objection ; mais en présence des motifs qui sont la base de la proposition, elle n’a pas l’ombre de fondement.
L’on a aussi voulu faire considérer le subside comme un don fait à monseigneur l’évêque de Liége. Il n’en est rien, messieurs ; les petits séminaires sont d’une utilité incontestable pour la généralité du pays. Le pays a intérêt à ce que les jeunes gens qui se destinent à l’état ecclésiastique reçoivent une éducation et une instruction conformes aux principes de la religion. Le pays a intérêt que ceux qui ont mission d’enseigner un jour aux autres les devoirs religieux qu’ils ont à remplir, soient bien élevés et instruits ; ce n’est donc point le chef du diocèse seul, mais le pays tout entier qui est intéressé à ces établissements.
L’on a dit encore qu’au petit séminaire de Rolduc on admettait tous les jeunes gens, quelle que soit leur destination pour la suite. C’est une erreur. Je puis affirmer parce que je le sais de science certaine, que les supérieurs de l’établissement exigent pour première condition de ceux qui se présentent, qu’ils déclarent vouloir se vouer à l’état ecclésiastique ; je sais qu’il y a eu des jeunes élèves qui ont été refusés sur leur déclaration qu’ils se destinaient à la médecine. Ce n’est point que je veuille dire que tous ceux qui y sont reçus deviennent prêtres, car il arrive, ainsi qu’on le conçoit facilement, qu’un jeune homme, qui se croit une vocation pour cet état en entrant, change de résolution au bout de quelques années. Ceci a été vu non seulement dans le petit séminaire de Rolduc, mais également dans le grand séminaire. J’affirme du reste que tous ceux qui sont sortis jusqu’ici du petit séminaire de Rolduc, au moins les 7/8, sont devenus prêtres.
Remarquez, messieurs, que je ne parle que de Rolduc, j’ignore s’il en est ainsi dans les autres petits séminaires du pays.
Je n’ajouterai rien aux considérations consignées dans le rapport de la section centrale pour combattre l’amendement proposé par l’honorable M. Lys.
Cet amendement qui avait été proposé la section centrale y a été rejeté, et je me plais à croire qu’il aura le même sort dans la chambre.
M. Simons – Messieurs, la question qui agite si péniblement la chambre, depuis trois jours, est extrêmement simple ; en la laissant sur son véritable terrain, elle ne comporte pas même une discussion tant soit peu sérieuse.
Plusieurs membres pensent qu’elle a quelque connexité, quelque similitude avec la grande question des indemnités ; il n’en est absolument rien. Celle-là est une question des plus graves ; c’est une question de principe d’une portée immense ; celle-ci est tout simplement une question de subside extraordinaire, qui, se bornant pour un cas tout exceptionnel, ne peut tirer à aucune conséquence pour l’avenir.
Pour y donner une solution, nous n’avons qu’à jeter un regard impartial derrière nous ; nous n’avons qu’à nous reporter à une époque tristement mémorable. Rappelons-nous les accents de la plus vive douleur, les expressions de la sympathie la plus cordiale, les promesses les plus brillantes de ceux qu’alors ont cru devoir prononcer le fatal oui.
Je vous le demande, à vous tous, messieurs, si, à l’époque à laquelle je fais allusion, quelqu’un de nous vous eût fait la proposition qui fait aujourd’hui le sujet de nos débats, ne l’auriez-vous pas, d’une voix unanime, accueillie par acclamation ? Oui, sans doute. J’en appelle à votre cœur, j’en appelle aux sentiments intimes qui alors vous animaient. Consultez vos souvenirs, faites un retour sur le passé, et prononcez.
La proposition ne vous a point été soumise alors ; vous n’avez pas été dans le cas d’y répondre d’une manière expresse, il est vrai, mais l’engagement explicite ne résulte pas moins de tous vos discours, qui, dans leur ensemble, se trouvent résumés dans une phrase remarquable prononcée dans cette enceinte par un membre du cabinet, quelques moments avant l’heure fatale qui a décidé du sort des deux malheureuses provinces.
« La conférence, disait cet honorable membre, nous a laissé les parties les moins fertiles du M. le ministre de la guerre et surtout du Luxembourg. Il y va de son honneur, etc. etc., veuillez bien peser ces paroles, il y va de son honneur à ce que le Luxembourg belge et le Limbourg belge n’envient jamais le sort du Luxembourg germanique et du Limbourg hollando-germanique. »
Voilà l’idée qui dominait tous les honorables membres qui, à cette époque, ont cru devoir faire le sacrifice des deux provinces dans l’intérêt général du pays. Voilà le résumé fidèle de tous les discours, qu’à l’appui de leur opinion, ils ont prononcés dans cette enceinte pour exprimer leur sympathie envers ces populations. Personne ne s’est levé pour contredire les paroles de celui qui, alors, exprimait d’une manière si vraie les sentiments du cœur ; au contraire, ceux qui ont pris la parole après cet honorable membre, les ont confirmées dans des termes non moins exprès ; tous enfin y ont donné leur adhésion pleine et entière de la manière même la moins équivoque.
Un seul membre de l'opposition d’alors avait des prévisions sinistres sur toutes ces belles promesses. Dans des paroles pleines de dignité, et avec l’accent déchirant de la douleur, faisant allusion à tout ce qui avait été répété à satiété pour adoucir l’amertume de l’arrêt fatal qui allait se prononcer, ce membre, s’adressant une dernière fois à ses commettants, leur dit :
« On vous offre à vous, compromis par votre dévouement, à notre révolution, des dédommagements pécuniaires, etc., etc., Séparez-vous de nous sans haine et sans esprit de retour, garde ceux qui ont été ingrats, une fois, on doit les plaindre, et ne plus les solliciter. »
Pour ma part, messieurs, je vous l’avoue franchement, je n’ai pas partagé ces craintes sinistres ; j’ai et foi pleine et entière dans les paroles de mes honorables collègues, mes adversaires politiques d’alors. La perfidie individuelle, l’esprit fallacieux de quelques individus, je le conçois ; mais quand une nation toute entière a parlé par la bouche sacrée de sa représentation nationale, la mauvaise foi dans un pareil langage solennel est pour moi, jusqu’à ce jour, chose incompréhensible.
Aujourd’hui, pour la première fois quant au Limbourg, vous êtes appelés à faire application des paroles que nous, de bonne foi, avons pris pour une vérité. Aujourd’hui se vérifiera qui, dans un zèle sans doute des plus louables, a eu une prévision peu en harmonie avec l’honneur belge quant à ces promesses, ou de moi qui ai cru devoir y ajouter foi pleine et entière.
Replaçons la question sur son véritable terrain. Est-il équitable, n’est-il pas de la plus haute inconvenance, qu’eu égard à cette position exceptionnelle, le trésor vienne au secours de cet établissement et supporte une partie des frais de la translation ?
Voilà la question dans toute sa nudité.
Détachée ainsi de ses mille et une considérations, dont on a trouvé expédient de l’entourer, la solution ne présente pas la moindre difficulté.
Pour guider notre conviction, nous ne devons pas chercher des dispositions légales. S’il en existe, elles sont faites pour les cas ordinaires, et ne peuvent en conséquence recevoir aucune application dans l’espèce toute particulière qui nous occupe.
Inutile aussi de compulser tout le fatras d’ouvrages des auteurs et des légistes, ils ne vous apprendront rien qui soit applicable à la question, et par suite toute leur érudition ne fera qu’embrouiller la question sans utilité quelconque.
C’est un autre livre que nous devons ouvrir dans cette circonstance. Consultons notre cœur. Demandons-nous quels sont les engagements que nous avons pris tacitement, il est vrai, mais pour cela pas moins obligatoires dans le for intérieur, dans un moment solennel qui n’est guère éloigné de nous.
La grande majorité de la chambre se le rappellera, j’en ai la conviction intime, et se prononcera avec nous en faveur du crédit pétitionné par le gouvernement, pour aider le diocèse de Liége à faire face aux dépenses que nécessitera la translation projetée.
C’est sur ce terrain qu’on aurait dû laisser cette question, et un moment de réflexion aurait amené une solution conformé à la dignité du pays, une solution qui répond parfaitement aux dispositions dans lesquelles tous vous vous trouviez au moment que le trop fatal oui a été prononcé.
Mais on a voulu de l’éclat dans cette discussion. D’une question peu importante de subside, on a fait une question de finances. On a traîné devant la barre de la chambre un haut personnage, qui inspire par ses éminentes qualités le respect, et cela uniquement pour avoir le plaisir de déverser sur sa personne, à pleines mains, le blâme, pour le vouer, si possible à l’animadversion du public, et pour le rendre même odieux aux yeux des gouvernements amis qui nous entourent.
En effet, messieurs, qu’a de commun la personne de ce prélat avec le subside demandé ? Rien, absolument rien. Personnellement, il ne demande rien, et il ne profitera de rien. Il est le chef temporel de l’établissement, auquel le subside est destiné, et voilà tout.
Qu’auriez-vous dit si, à l’occasion du subside important que la province et la capitale ont demandé et obtenu de la législature pour la construction du palais de justice à Bruxelles, quelqu’un de nous vous eût opposé la fortune personnelle et du gouverneur de la province et du bourgmestre de la ville (le cas est absolument identique) ? Vous n’auriez sans doute pas épargné les épithètes les plus énergiques contre des arguments aussi absurdes que ridicules. Vous auriez eu parfaitement raison. Eh bien, je serais plus généreux, je n’y répondrai pas et me bornerai à vous envoyer à votre propre conscience qui vous donnera une réponse plus tranchante que les convenances parlementaires ne comportent.
On ne s’est pas borné là, la constitution même a été mise en jeu.
« Vous voulez que l’instruction moyenne soit entre les mains du clergé. C’est la destruction de la libre concurrence de l’enseignement que l’on veut, s’est-on écrié. Une de nos libertés les plus précieuses est en danger. »
Des exagérations de cette espèce, à propos d’un subside qui n’a pour but que de faciliter et rendre possible la translation dont il s’agit, se réfutent d’elles-mêmes.
Je n’y répondrai pas ; mais je dois une réponse à la fausse déduction que l’honorable M. Verhaegen a tirée de quelques-unes des paroles que j’ai prononcées dans une précédente séance.
Pour faire sentir combien cet établissement intéresse en particulier la province du Limbourg, surtout en ce qui regarde l’école normale qui y est attachée pour la formation des jeunes gens qui se vouent à l’instruction primaire, j’ai mis en fait que cette province avait perdu, en outre, l’athénée de Maestricht et quelques autres établissements d’instruction moyenne.
Cette considération purement secondaire, que j’ai fait valoir, a donné lieu de la part de l’honorable M. Verhaegen, à des observations qui tendent à faire croire que, si, d’après moi, ce petit séminaire doit remplacer dans la province l’athénée de Maestricht et les autres établissements d’instruction moyenne qu’elle vient de perdre.
Telle n’a pas été et n’a pu être mon intention, et ce que j’ai dit, ne comporte en aucune manière l’interprétation forcée que l’honorable membre a bien voulu prêter à ma parole pour donner pleine carrière à une idée fixe qui paraît le dominer tout entier.
La destination de cet établissement comme petit séminaire n’a pas été constamment et ne continuera d’être qu’un établissement d’instruction exclusivement ecclésiastique. On n’y reçoit que des jeunes gens qui annoncent des dispositions pour les fonctions ecclésiastiques. Sous ce rapport donc il n’a nullement la destination qu’on lui suppose, de faire concurrence et d’être hostile aux autres établissements d’instruction moyenne.
Je ne conçois donc réellement pas la déduction toute gratuite que l’honorable membre a tiré de mes paroles ; comme si je voulais que « l’instruction moyenne fût exclusivement entre les mains du clergé. »
Je ne veux rien d’absolu, rien d’exclusif à cet égard. En fait d’instruction, je ne veux que ce que veut d’une manière large et libérale la constitution que la nation belge s’est donnée : la liberté pour tous, sans la moindre restriction ni réserve. Telle sera toujours ma devise, et je ne pense pas qu’une phrase, qu’une seule phrase me soit échappée d’où l’on puisse raisonnablement conclure le contraire. Je proteste du reste contre toute autre interprétation que l’on a pu y donner.
M. Verhaegen – Messieurs, mon discours a été l’objet de nombreuses attaques, mais je ne répondrai qu’à celles qui sont dignes de la gravité des questions que nous traitons ; je ne m’occuperai donc que du discours de l’honorable M. de Foere et de celui de M. le ministre de l'intérieur ; je me garderai bien de répondre à l’honorable M. Dumortier qui a parlé de choses auxquelles il est tout à fait étranger, alors qu’il n’a rien dit sur la question qui nous occupe. Ce serait prendre inutilement les moments de la chambre.
Messieurs, comme l’a observé l’honorable M. de Foere, le cercle de la discussion s’est beaucoup agrandi ; il ne s’agit pas, ainsi que nous le disions dans notre premier discours, d’une simple question d’urgence, il s’agit d’une question de principe dont la demande de subside n’est que la conséquence, il s’agit d’une des questions les plus importantes qui puissent s’agiter dans cette chambre ; il s’agit, en un mot, de la liberté d’enseignement ; et à cette liberté d’enseignement, selon la manière dont la chose a été entendue, vient se joindre la liberté électorale.
L’honorable M. de Foere l’a fort bien compris ; en effet, si le peuple est laissé dans l’ignorance, il ne peut pas distinguer les abus d’autorité d’avec les conseils dont l’honorable M. de Foere a parlé ; si on le laisse dans l’ignorance, et si on a intérêt à l’y laisser sous prétexte de conseils, on use d’autorité, et l’on envahir une autre liberté non moins précieuse que la liberté de l’enseignement.
Voilà comment la liberté d’enseignement touche de près la liberté électorale.
Au reste, on a avancé dans cette circonstance des principes qu’il nous est impossible de laisser sans réponse. Nous suivrons pas à pas l’honorable M. de Foere. Nous aussi, nous dirons que nous savons gré à l’honorable membre de sa franchise ; car il nous importe de savoir ce que veulent nos adversaires. S’il a pu y avoir du doute jusqu’à présent, le doute disparaît, et tout le monde aujourd’hui peut se former une opinion des exagérations et des empiètements de certain parti. (Murmures sur quelques bancs).
Si cela excite des murmures, ce n’est pas ma faute ; on s’est placé sur un terrain sur lequel on devait bien s’attendre que nous aurions suivi ceux qui nous y ont attirés.
Messieurs, l’honorable M. de Foere vous a dit qu’il venait défendre son ami l’évêque de Liège. Je ne trouve pas mauvais que l’honorable membre ait pris la défense de monseigneur l’évêque de Liége. Moi-même je n’en aurais pas parlé, si je n’avais été sûr d’avance que ce prélat dût rencontrer des défenseurs parmi les membres de la représentation nationale, indépendamment des défenseurs qu’il rencontre nécessairement dans le ministère. La partie était donc bien égale.
J’ai dû traiter les questions de personnes, parce que ces questions de personnes se rattachaient aux questions de choses. D’ailleurs, messieurs, cette question qu’on considère comme insignifiante, a, pour ceux qui réclament le subside, la plus grande importance. L’évêque de Liège a ses représentants hors de cette enceinte, et nos débats sont suivis par eux avec zèle et avec activité.
Il importe donc que nous disions toute notre pensée sur les principes que l’honorable M. de Foere a émis dans cette circonstance, que nous considérons comme solennelle.
Voici comment notre honorable collègue s’est exprimé, je cite textuellement le Moniteur :
« Mais notre honorable collègue semble croire aussi que
les évêques n’ont pas le droit d’intervenir dans les élections et que, s’ils
interviennent, ils commettent un abus d’autorité. Je partage parfaitement
l’opinion de mon honorable adversaire, s’il parvient à prouver que c’est par
voie d’autorité que l’évêque de Liége exerce son droit incontestable d’influencer
les élections ; mais, comme j’ai affaire à un bon jurisconsulte, il
comprendra bientôt que son objection repose sur un abus de mots ou sur une
confusion de principes.
« Le pouvoir des évêques est limité aux
commandements de Dieu, aux commandements de l’Eglise et aux lois canoniques. En
dehors de ces lois, ils n’exercent plus aucune autorité, aucun pouvoir. C’est
par ces lois que le clergé et les fidèles connaissent leurs devoirs et les
évêques leur pouvoir. S’il n’en était pas ainsi, toutes les actions humaines,
même les plus indifférentes, seraient livrées à l’arbitraire et à la confusion
les plus épouvantables. Dans l’ordre ecclésiastique, comme dans l’ordre civil,
ce sont les lois qui établissent les droits et les devoirs. Or, il n’existe
aucune loi ecclésiastique qui attribue aux évêques d’intervenir, par voie
d’autorité, dans les élections, ni aucune loi qui ordonne aux curés et aux
fidèles de suivre à cet égard les prescriptions des évêques. La conséquence
directe en est que les curés et les fidèles ne sont pas obligés d’obéir à leurs
évêques si, par voie d’autorité, ils leur ordonnaient de choisir tel candidat
plutôt que tel autre. Ce serait un véritable abus d’autorité.
« Mais, dira peut-être l’honorable membre, les
fidèles ignorent leurs droits ; ils confondent les conseils avec les
préceptes. Dans ce cas, est-il juste que leur évêque porte le blâme de leur
ignorance ? Que ces familles s’instruisent dans leurs droits et dans leurs
devoirs ; qu’elles jouissent des uns et pratiquent les autres et tout rentrera
dans l’ordre. Il sera mis un terme à leurs plaintes et à leurs gémissements.
Qu’elles prennent le premier catéchisme qui tombera entre leurs mains, il les
instruira de leurs devoirs, et en dehors de ces devoirs, elle jouissait d’une
liberté complète. »
Voilà l’opinion de l’honorable M. de Foere. Nous
aussi, comme je le disais tout à l’heure, nous lui savons gré de ses
franchises, et ses mémorables paroles auront de l’écho en Belgique. Ces
principes dont il ne s’agit plus que de déterminer l’application, ne
conviendront peut-être pas à ceux au nom desquels on semble les avoir
proclamés.
L’honorable membre prévoit une objection qui va vous
prouver que le présent incident qui, au premier abord, semblerait être tout à fait
hors de la question, y rentre directement ; l’honorable membre prévoit
l’objection que si les fidèles ignorent leurs droits, ils pourront confondre
les conseils avec les préceptes, et il répond qu’il n’est pas juste que
l’évêque porte le blâme de leur ignorance. Que les fidèles s’instruisent,
dit-il, qu’ils apprennent à connaître leurs droits, etc.
Mais pour que la lumière succède à l’ignorance il faut
une instruction indépendante, libre, à la portée de tous. Si l’instruction est
abandonnée exclusivement au clergé, si l’instruction primaire moyenne est
dirigée par lui, habitué aussi à diriger les élections dans le sens qui lui
convient, vous voyez que son but est atteint, et par suite il est évident que
tout ce qui tient à la liberté de l’instruction tient essentiellement à la
liberté des élections. L’honorable M. de Foere l’a fort bien senti en répondant
d’avance à une objection qu’il prévoyait devoir lui être faite.
Sur le système principal, nous serons bien d’accord,
si l’on veut admettre l’application des principes qui lui servent de base.
Il n’est jamais entré dans notre manière de voir, il
n’entrera jamais dans notre pensée de contester aux évêques, aux membres du
clergé leurs droits de citoyens. Car les évêques, les membres du clergé ont
comme nous les droits qu’ils puisent dans la grande famille ; ils ont même
comme nous le droit d’user dans les élections de leur influence comme individu,
de faire tout ce qu’ils peuvent faire pour faire prévaloir un système. Tant
qu’ils restent dans les bornes que leur assigne leur qualité privée de
citoyens, il n’y a rien à leur objecter ; mais lorsque les évêques ou les
membres du clergé veulent, comme évêques ou comme membres du clergé, imposer
aux électeurs les candidats de leur choix, alors ils sortent des justes
limites, alors ils commettent un abus d’autorité. C’est l’honorable M. de Foere
lui-même qui le leur apprend.
Quand donc y aura-t-il abus d’autorité ? Voilà où
gît toute la question. Certes, on n’entend pas parler d’une autre autorité que
de l’autorité morale ; car les évêques, les membres du clergé n’ont et ne
peuvent avoir sur les fidèles qu’une autorité morale, qu’une autorité de
persuasion et de conseil.
C’est de cette autorité qu’ils abusent, alors que,
parlant comme évêques, comme membres du clergé, ils imposent aux fidèles des
candidats de leur choix. Nous rentrons alors dans l’applications des principes
évoqués par l’honorable M. de Foere.
Ainsi des évêques dans un mandement, dans une lettre
pastorale, ou du haut de la chaire de vérité, de membres du clergé, dans le
prêche ou dans le confessionnal, imposent aux fidèles par forme de conseils et
de persuasion un candidat de leur choix. En agissant ainsi, ils abusent de leur
autorité, comme évêques ou comme membres du clergé.
M.
Simons – Nous savons tous cela.
M.
Verhaegen – Oui, ce que je dis est
incontestable. Le pays au reste en jugera ; car il est temps, une fois
pour toutes, de protester contre des exagérations de toute espèce qui ne
peuvent prévaloir, quoi qu’on veuille et quoi qu’on dise.
Je suis d’accord sur certains points avec l’honorable
M. de Foere. Ses principes fondamentaux sont les nôtres ; il ne s’agit que
de les appliquer. Et ces distinctions que nous faisons entre l’évêque citoyen
et l’évêque chef du diocèse, entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel,
sont de tous les temps, et je ne pense pas que la révolution de 1830 les ait
mises de côté.
Je dirai, avec la commission qui a présenté la loi
organique du concordat, qu’il ne faut pas confondre la religion avec
l’Etat : « La religion, disait-elle, est la société de l’homme avec
Dieu ; l’Etat est la société des hommes entre eux. »
Et, en effet, on ne peut confondre le caractère
spirituel des évêques avec leur caractère de citoyen. Les évêques, les membres
du clergé exercent une influence légale dans tout ce qui concerne la religion,
c’est-à-dire la société de l’homme avec Dieu. Mais lorsqu’il s’agit de la
société des hommes ente eux, en un mot, de l’Etat, ils ne sont plus que des
individus ordinaires, et leur influence spirituelle cesse ; ils exercent
alors des droits communs à tous les autres citoyens, et ils n’ont aucun
privilège à faire valoir.
Si l’on n’admet pas ces principes qui sont
incontestables, je voudrais bien savoir comment on appliquera jamais le système
professé par M. de Foere ? Cet honorable membre nous a dit qu’il ne veut
pas d’ « abus d’autorité » ; il a même avoué que lui-même,
disposé dans toute circonstance à obéir à son évêque, ne lui obéirait pas s’il
voulait lui imposer dans les élections le choix d’un candidat qui ne serait pas
le sien. Eh bien, n’est-il pas évident que s’il y a abus d’autorité, c’est dans
les conseils, et dans la persuasion, qu’on le rencontre, puisque ces conseils,
et cette persuasion sont la suite de cette autorité qui ne peut être autre que
l’autorité morale. Et ces abus d’autorité d’ailleurs sont de nature à faire
tort à notre religion à laquelle je tiens autant que qui que ce soit !
Déjà, précédemment, j’ai fait ma profession de foi sur
ce point ; je l’ai dit et je le répète, je veux la religion catholique
dans toute sa splendeur et avec toutes ses prérogatives, mais je ne veux pas
que le pouvoir spirituel soit confondu avec le pouvoir temporel, qu’il y ait
empiètement de l’un sur l’autre. C’est faire tort à la religion que d’admettre
les abus d’autorité de la part des supérieurs ecclésiastiques. En effet, quelle
est donc la base de cette religion ? la base en est toute morale. Le
ministère des évêques, des membres du clergé est un ministère de paix et de
conciliation. Si les évêques, les membres du clergé, devaient prendre la
défense de tel parti plutôt que de tel autre, que diraient-ils, dans l’exercice
de leur saint ministère, à ceux qui leur demanderaient conseil, alors qu’ils ne
partageraient pas leur opinion ? Ces vérités sont de tous les temps. On ne
permettra jamais que le pouvoir spirituel soit confondu avec le pouvoir
temporel dans un état bien organisé.
Si vous voulez lire des vérités qui viennent encore à
propos aujourd’hui, lisez le discours de la commission qui a présenté les
dispositions organiques du concordat, et vous verrez que les précautions que
(Ici l’orateur donne lecture du document cité plus
haut.)
Notre pacte constitutionnel a porté à la loi, qui a
été la suite de ce rapport quelques changements. Les ministres du culte ont
acquis une liberté qu’ils n’avaient pas avant 1830 ; et il n’y a sans
doute pas de pays,
Mais si à cet état de choses, il fallait ajouter tout
ce qu’on veut aujourd’hui, disons-le franchement, tous les partis
disparaîtraient, il n’y en aurait plus qu’un seul. Il n’y aurait à l’avenir de
liberté que pour ceux qui depuis longtemps cherchent à s’arroger tous les
pouvoirs et à ne rien laisser pour les autres. Le but de notre opposition est
de parer à ces inconvénients.
Au reste, maintenant que je vous ai exposé mes
principes, qui ne sont guère différents au fond de ceux de M. de Foere, je
dirai que la franchise de cet honorable membre portera au moins ses fruits.
Dans les grandes villes, et en général pour tous les hommes éclairés, nous
n’avions pas besoin de sa déclaration ; pour quiconque connaît ses droits
et sa dignité, l’influence du clergé, j’en conviens, n’est pas à craindre. Mais
il est autrement pour les campagnes dont les habitants sont laissés dans une
ignorance profonde, et on conçoit qu’on a des raisons pour retarder la loi sur
l’instruction primaire et moyenne : on ne veut pas que le cultivateur, que
le bas peuple s’instruise. C’est l’ignorance qu’il faut et que l’on veut
maintenir pour mieux atteindre le but qu’on se propose.
Je dis que les principes professés par l’honorable M.
de Foere porteront leurs fruits, et je ne craindrais pas de les faire traduire
en langue flamande, pour nos campagnes et de les faire imprimer à plusieurs
milliers d’exemplaires ; nos cultivateurs sauraient au moins ce qu’ils
ignorent aujourd’hui qu’ils ne font pas mal alors qu’ils désobéissent à leur
évêque dans le choix d’un candidat qu’il leur impose, ils apprendraient que si
les évêques peuvent, par voie de persuasion et de conseil, chercher à
influencer les élections, il ne leur appartient pas de commander aux électeurs
et de prescrire la conduite qu’ils doivent tenir ; que leur autorité est
insignifiante en pareille matière ; ils apprendraient de la bouche de M.
de Foere que « M. de Foere désobéirait à son évêque, s’il lui arrivait de
lui dire que tel candidat doit être le sien. »
Voilà de la franchise dont je prends acte. J’en sais
gré à l’honorable membre ; et il nous sera toujours fort agréable de
l’avoir pour adversaire.
L’honorable M. de Foere, après avoir exposé ses
théories, en est venu aux faits ; après avoir condamné l’abus d’autorité
en principe il a dit pour justifier son ami, l’évêque de Liége, que les faits
signalés comme abus d’autorité n’existaient pas.
Comme nous avons été obligés, malgré nous, en acquit
de notre devoir, d’ajouter à une question de choses une question de personne,
car les choses se rapportent aux personnes il importe d’établir, en réponse au
discours de M. de Foere, que tout ce que nous avons dit est conforme à la
vérité la plus stricte.
Nous avons déjà dit qu’il y avait eu abus d’autorité,
nous l’avons prouvé. Nous avons parlé d’une circulaire adressée aux curés, qui
émanait de l’évêque, signée par mandement, par son secrétaire et dans laquelle
l’évêque s’adresse à ses subalternes dans sa qualité spirituelle, comme chef du
diocèse.
Comme je le disais tantôt, je ne dispute pas le moins
du monde à l’évêque de Liége le droit de faire, comme tous les autres citoyens,
ce qu’il juge à propos dans l’exercice de ses droits électoraux. Mais ce que je
lui dispute, c'est le droit de se servir de sa qualité d’évêque, à l’effet de
signaler aux fidèles un candidat de son choix, en opposition avec d’autres
candidats recommandés aux électeurs.
La circulaire que j’ai citée, il importe que vous la
connaissiez et que le public entier la connaisse.
« Monsieur le curé,
« J’ai
l’honneur de vous informer qu’une réunion nombreuse d’électeurs a choisi hier,
à l’hôtel d’Outremont, M. Nicolas Hanquet, conseiller communal et membre de la
chambre de commerce, candidat à la chambre des représentants à l’unanimité des
suffrages, et cela en opposition avec M. Delfosse. Veuillez, M. le curé, faire
tous vos efforts, afin de le faire porter par tous les électeurs ci-après
désignés ; engagez-les avec instance à se trouver le 23 courant, à 9
heures, et à ne pas partir sans connaître le résultat. Il est inutile, M. le
curé, de vous faire remarquer que cette affaire est pour les catholiques une
affaires d’honneur et d’un intérêt immense ; aussi, je vous prie, M. le
curé, de ne rien négliger pour faire triompher notre juste cause, qui doit être
celle de tous les hommes de bien.
« Recevez, etc.
« Beckers, secrétaire. »
Et on prétend qu’il use là uniquement de ses droits de
citoyen, que le caractère d’évêque est étranger à cette pièce ; ce n’est
pas dans le caractère spirituel qu’il s’adresse aux curés ; il ne se borne
pas à dire : « Faites tout ce qui est en votre pouvoir pour faire
réussir telle candidature » ; mais il ajoute : « Il y va de
l’honneur du catholicisme, il faut réussir cette fois. »
Après cela, les curé n’ont-ils pas la chaire de
vérité, le confessionnel et toutes les ressources qu’ils leur prêtent pour
décider le mères de famille à imposer à leurs maris ou à leurs fils le choix de
tel candidat ?
Est-ce là user des droits de citoyens ? ne
sont-ce pas des influences que M. de Foere lui-même condamnerait ?
Répondre par des arguments de cette espèce, permettez-moi de le dire, c’est
tourner la question. (Murmures.)
Répondre par des murmures ce n’est pas répondre du tout.
Cette circulaire mérite de fixer sérieusement notre
attention comme déjà elle a fixé l’attention du public ; l’honorable M.
Delfosse n’appartenait à aucune société secrète, l’honorable M. Jamme, qui
était à la tête du comité électoral, n’appartenait non plus à aucune société
secrète, et quand on est venu parle de choses qu’on ne connaissait pas, on a
tâché de détourner votre attention du véritable point qui devait nous occuper.
J’entends parler de l’honorable M. Dumortier.
M.
Dumortier – Je vous répondrai.
M.
Verhaegen – J’ai déjà dit que je ne jugeais
pas à propos de répondre à votre discours.
M.
Dumortier – Moi je vous répondrai.
M.
Verhaegen – Le comité électoral de
Liége à la tête duquel se trouvait l’honorable M. Jamme, qui pas plus que
l’honorable M. Delfosse n’appartenait à une société secrète quelconque, ce
comité n’a fait autre chose qu’user d’un droit, de celui de légitime défense.
On connaissait depuis longtemps les menées du pari auquel le comité électoral
de Liége est venu opposer une barrière.
Fallait-il par hasard rester dans l’inaction ?
Fallait-il laisser les choses dans l’état où elles s’étaient trouvées jusque
là ? Mais s’il faut succomber, et ici mon opinion, je pense, sera partagée
par plusieurs de mes collègues qui m’entendent, si, dis-je, il faut succomber,
que ce ne soit qu’à la dernière extrémité. Nous avons le droit au moins de
faire entendre nos plaintes, nous avons le droit de nous défendre.
C’est la conduite que j’ai tenue et que je tiendrai
toujours ; car alors que je ne puis pas atteindre un résultat, j’ai au
moins la satisfaction de dire toute ma pensée, de faire entendre aussi haut que
je le puis mes doléances, de protester contre la violence et de la repousser,
si possible. Le comité de Liége n’a pas fait autre chose ; il a usé d’un
droit de légitime défense. Contre qui avait-il à se défendre ? Contre le
pouvoir « clérico-ministériel. » Et c’est le ministre de l’intérieur
qui nous l’a appris.
M. le ministre de l'intérieur nous l’a appris, car il
vous a dit qu’il fallait bien contrebalancer les influences du comité électoral
de Liége. Il est de notoriété que des circulaires ont été adressées par le
ministère aux fonctionnaires publics à l’effet de faire ce que la circulaire de
l’évêque de Liége recommandait aux curés et aux fidèles. C’est une corrélation
qui ne vous échappera pas ; c’est le pouvoir clérico-ministériel qui
voulait imposer son candidat. Si vous voulez appeler un parti les électeurs qui
avaient leur comité, ce parti était dans son droit, il ne faisait que repousser
le fait par le fait.
Et la providence a voulu qu’il réussît cette fois,
elle a voulu que le candidat libéral fût élu à une immense majorité ; et
nous avons le bonheur de le voir siéger parmi nous.
Le crime qu’on lui reprochait était ce qu’on lui
attribuait dans les affaires de Tilff dont je vous ai parlé déjà et dont notre
honorable M. Delfosse vous entretiendra ultérieurement lui-même. Cette partie
de mon discours, je la lui abandonne.
Messieurs, pour vous donner la conviction que tout ce
que nous avons dit à l’égard des abus d’autorité est conforme la vérité, je vous signalerai des faits
nouveaux, et je suis fâché que l’honorable M. de Foere ne soit pas ici, car sa
franchise que je ne saurais assez louer, me ferait des concessions nouvelles.
Ces abus d’autorité n’ont pas existé seulement dans le diocèse de Liége. N’en
a-t-on pas des exemples et des exemples frappant dans le diocèse de Gand ?
Les candidats présentés par l’évêque de Gand avaient été indiqués dans une
lettre commençant par ces mots : « mandate eposcopi. » Est-ce
clair ? Cette lettre est adressée à tous les curés.
C’était donc par ordre de l’évêque que les curés
devaient user de leur influence et que les fidèles étaient appelés à donner
leur voix aux candidats qui leur étaient indiqués. Un journal, le Journal des
Flandres, a été mis à l’index par l’évêque de Gand : les curés ne peuvent
le lire sous peine de pécher.
Dans une retraite à laquelle assistaient tous les
curés de Gand, un missionnaire a déclaré en présence de l’évêque que la
constitution devait être envisagée comme un fait et non comme un
principe : est-ce clair, et les tendances e sont-elles pas
évidentes ? Le fait a été contesté, mais il a été établi.
M.
Desmet – Non !
M.
Verhaegen – On me conteste le troisième
fait, on m’accorde donc les deux premiers.
M.
Desmet – Non !
M.
Verhaegen – Puisqu’on dénie les trois
faits c’est qu’on les trouve blâmables ; et comme le public en a la
preuve, le public les trouvera également blâmables.
Y a-t-il abus d’autorité ? M. de Foere doit donc
déclarer ces faits, les qualifier d’abus d’autorité et déclarer aux diocésains
de Gand qu’ils ne doivent pas obéissance à monseigneur dans ces circonstances.
M. de Foere doit dire aux diocésains, qu’ils ont le droit de lire le Journal
des Flandres, quoique mis à l’index ; il doit dire à tous les fidèles de
Gand que, malgré l’ordre exprès de l’évêque, de voter pour tel candidat, ils ne
lui doivent aucune obéissance à cet égard ; il doit dire que lorsque les
missionnaires viendront prêcher que la constitution est un fait et non un
principe, c’est prêcher des doctrines subversives de l’ordre social. Et voilà
où conduisent les missions ! Nos curés et nos vicaires, et nous en avons
de très capables et de très instruits, n’ont pas besoin qu’on vienne faire à
leur côté ce qui rentre dans leur attribution ; et je dirai à la tribune
nationale, que les missions, au lieu d’être un bien sont une calamité.
Voilà, messieurs, de quelle manière, j’ai cru devoir
rencontrer les deux premières objections de l’honorable M. de Foere ; les
autres faits que j’ai signalés à votre attention sont restés dans leur
entier ; et ni M. de Foere ni M. le ministre de l'intérieur ne les ont
détruits.
J’ai parlé, messieurs, du trop fameux mandement de
l’évêque de Liége, qui avait attiré l’attention du gouvernement prussien ;
ce point tenait encore directement à la question ; vous l’avez
senti ; et quiconque m’entend le sentira.
L’évêque de Liége vient réclamer, les uns disent un
secours, d’autres disent une indemnité, d’autres encore disent une faveur,
parce que le traité des 24 articles lui enlève une partie de sa
propriété ; et l’on vient, à l’égard de ce malheureux traité, renouveler
toutes les plaintes qui ont été faites antérieurement, et à juste titre, j’en
conviens ; mais tout cela est inopportun aujourd’hui. Et si nous avons
répondu aux observations que l’on a puisées dans ce traité, c’était pour dire
que ceux qui venaient argumenter de ses dispositions à l’effet de demander un
secours, avaient été ceux qui s’étaient montrés les premiers partisans, et qui,
par leur conduite l’avaient rendu indispensable ou inévitable, ce que nous
avons dit à cet égard, nous le maintenons.
Le mandement dont nous avons parlé avait certainement
la portée que nous lui avons donnée. Le gouvernement prussien avait fixé son
attention sur la conduite que tenait le clergé belge dans les circonstances
spéciales dans lesquelles il était placé. Le mandement de l’évêque est venu
ajouter à toutes les craintes du gouvernement prussien, et ce mandement n’a pas
peu contribué à nous rendre
J’ai parlé d’un quatrième fait auquel personne n’a
répondu et qui tient encore directement à l’objet qui nous occupe. Quand j’ai
dit, messieurs, que la question que nous discutons n’est pas une question
d’argent, mais une question de principes, une question constitutionnelle, une
question de liberté d’enseignement, j’ai appuyé mes observations sur la conduite
même de celui qui fait la demande. Qui de nous n’a pas lu les brochures de
monseigneur de Liége ? Qui de nous ne sait pas quelle est l’opinion de ce
prélat sur l’influence ecclésiastique que le clergé doit exercer sur
l’instruction ? Le gouvernement, selon monseigneur, n’a rien à faire
relativement à l’instruction, parce que la religion est la base de toute
instruction ; et, pour soutenir de telles prétentions, on donne aux
dispositions constitutionnelles un sens qu’elles ne comportent pas.
Eh bien, nous disons à l’évêque de Liége : Vous
ne voulez pas de l’enseignement primaire et moyen, parce que vous en convoitez
le monopole ; et vous donner des subsides, ce serait vous fournir des
armes contre nous. On n’a pas répondu sur ce point ; M. de Foere n’en a
pas dit un mot, et le ministre de l’intérieur n’en a pas parlé non plus. Le
fait est là, et les brochures se vendent chez tous les libraires.
Quelques mots maintenant sur le point principal de la
question qui s’agite ; c’est surtout le discours du ministre de
l'intérieur que je réfuterai.
J’avais dit que la question principale est celle de
savoir quelle est la nature de l'établissement pour lequel on demande un
subside. Le ministre de l'intérieur a parfaitement compris que j’avais eu raison
de placer le débat sur ce terrain ; aussi a-t-il jugé à propos de me
donner, quant à cela, une réponse qu’il a cru pouvoir baser sur des
dispositions de lois. Avant d’examiner les observations tirées des lois qu’il a
invoquées, il importe, messieurs, de vous rappeler ce que j’ai dit sur la
nature de cet établissement.
Il s’agit non pas d’un petit séminaire ; il
s’agit d’un véritable collège sous la direction de l’évêque de Liége ; et
je le prouve, la constitution et les lois à la main.
Je dirai à mes honorables contradicteurs, MM. Simons
et Scheyven, de ne pas confondre le petit séminaire de Rolduc, hollandais, avec
le petit séminaire tel qu’il existait depuis 1830, et tel qu’il doit exister
aujourd’hui.
Vous savez la différence qu’il y a entre les lois en
vigueur sous le gouvernement hollandais et les lois qui nous régissent
aujourd’hui : Sous le gouvernement hollandais, on ne pouvait ouvrir un
petit séminaire ou un collège sans l’autorisation du gouvernement ; il a
fallu l’autorisation du gouvernement pour l’érection du petit séminaire de
Rolduc ; le gouvernement qui pouvait accorder ou refuser, pouvait mettre
des restrictions à ce qu’il accordait.
Le gouvernement hollandais a dit : vous pouvez
avoir un petit séminaire ; mais il sera exclusivement destiné aux jeunes
gens qui veulent embrasser l’état ecclésiastique ; il n’en est plus de
même aujourd’hui, il ne faut plus d’autorisation du gouvernement pour ouvrir un
collège ; il y a liberté de l’enseignement ; cette liberté vous
voudriez la confisquer à votre profit, monseigneur ; maintenant que vous
n’avez plus besoin de rien demander au gouvernement, vous faites dans votre
petit séminaire ce que vous voulez ; votre petit séminaire n’est pas
destiné aux ecclésiastiques, il n’est à tous ceux qui veulent aller s’y
instruire ; cela résulte de nos institutions, de notre pacte
fondamental ; nous ne voulons pas vous contester un droit
incontestable ; ce que nous exigeons, c’est qu’on reste dans les limites
de la constitution.
Ainsi, ne confondez pas ce qui existait avant 1830
avec ce qui existe actuellement. Il en est du petit séminaire de Rolduc comme
du petit séminaire de Bonne espérance, comme du petit séminaire de Malines, où
des jeunes gens qui ne sont point destinés à l’état ecclésiastique viennent
puiser l’instruction, parce qu’ils croient que l’instruction y est bonne. Nous
n’avons pas à nous occuper de ce point ; il ne s’agit que d’une seule
question, celle de savoir quelle est en effet la nature de l’institution.
Cette institution est donc un collège ; c’en est
un, dans l’opinion de l'honorable M. Simons lui-même, et non seulement un
collège pour les jeunes gens qui se destinent à l’état ecclésiastique, mais un
collège destiné à l’instruction de la généralité. Cet honorable membre a trouvé
mauvais que j’aie cité certains passages de son discours, mais n’a-t-il pas
entendu hier que M. le ministre de l'intérieur lui-même a compris son discours
comme moi je l’avais compris. Pour échapper à l’argumentation que
nécessairement je devais baser sur les paroles de M. Simons, M. le ministre a
dit que les paroles de M. Simons pouvaient laisser supposer une intention qui
n’était point la sienne. Eh bien, les paroles de M. Simons sont là, je les ai
considérées comme tellement importantes que je les ai transcrites, et je dois à
la vérité de déclarer que ce qu’a dit l’honorable membre est littéralement
conforme à ce qui se trouve dans le Moniteur. Voici les paroles de M. Simons.
« Oui, messieurs, la province a un intérêt tout
particulier à la conservation de cet établissement, parce qu’en fait
d’instruction moyenne tout est à créer.
« Elle a perdu son bel athénée de Maestricht, et
plusieurs autres établissements d’instruction moyenne lui ont été enlevés par
le fatal morcellement qu’elle a subi.
« Pour la remettre en possession de
l'établissement de Rolduc, vous ne lui refuserez pas votre concours. »
Ai-je eu raison, mon honorable collègue, lorsque j’ai
argumenté de votre discours ? Je ne vous fais pas un reproche des paroles
que vous avez prononcées ; chacun, dans son opinion, fait ce qu’il juge à
propos pour atteindre son but, mais comme mon but n’est pas le vôtre, vous me
permettrez de ne pas adopter vos moyens. Vous dites que l’athénée de Maestricht
et plusieurs établissements d’instruction moyenne vous ont été enlevés, pourquoi
donc ne venez-vous pas demander un subside pour remplacer l’athénée de
Maestricht et les autres établissements d’instruction moyenne que vous avez
perdus et qui étaient dirigés par des laïques ? Pourquoi bornez-vous votre
demande au collège de Rolduc ? J’ai dû tirer de vos paroles la conséquence
qui en résulte nécessairement et j’ai dû dire que vous voulez pour les
établissements du clergé une faveur que vous refusez aux établissements
laïques. Il me semble qu’en cela je n’ai rien dit de trop.
Depuis que l’honorable M. Simons a parlé, j’ai appris
par M. le ministre de l'intérieur un fait que je ne connaissais pas, et qui est
de nature à fixer non seulement notre attention, mais l’attention de
l’honorable M. Simons lui-même.
« Il existe, nous a-t-on dit, à Saint-Trond, un
superbe collège, un établissement d’instruction moyenne soutenu par l’autorité
communale ; l’instruction y est bonne, les pères de famille donnent à cet
établissement leur confiance ; vous n’avez rien à craindre à cet égard ;
laissez aller le petit séminaire, donnez-lui un subside de 336,000 francs, cela
ne fera rien à la chose ; l’établissement laïque prospérera à côté de
l’établissement ecclésiastique.
Je me permettrai encore ici d’exprimer mon opinion
pour le futur comme je l’ai quelquefois fait dans cette enceinte, alors même
que mes paroles trouvaient peu de sympathie alors même qu’elles étaient
accueillies par des murmures. Le temps a prouvé que j’eus souvent raison. Le
jour où vous aurez accordé au petit séminaire un subside de 336,000 francs
commencera l’agonie du collège de Saint-Trond ; ce jour-là vous aurez
décrété qu’il n’existera à Saint-Trond qu’un seul établissement d’instruction
moyenne, le petit séminaire. Les subsides communaux que touche le collège
actuel, on saura bien les faire retirer, les familles qui ont confiance dans
cet établissement, on tâchera bien de les persuader, et le petit séminaire que
l’on établit à Saint-Trond, en remplacement de celui de Rolduc, engloutira le
collège communal. Je le répète, l’expérience prouvera que j’ai raison ;
c’est là qu’on veut en venir.
Messieurs, nous avons dit dans notre premier discours
que la loi ne reconnaît pas les petits séminaires, elle peut les permettre,
mais elle ne les a jamais protégés, surtout elle ne les a jamais dotés. Nous
avons prouvé par deux lois, l’une de l’an IX, l’autre de l’an XII, qu’il n’y a
par métropole qu’un seul séminaire et que ce séminaire est un établissement
national, c’est-à-dire que si l’Etat vient au secours d’un semblable
établissement, cet établissement est le sien. Mais il ne s’agit pas
présentement d’un séminaire par métropole, il s’agit d’un petit
séminaire ; c’est pour un petit séminaire qu’on demande 336,000 francs, et
ce petit séminaire ne serait pas la propriété de l’Etat, il serait la propriété
de l’évêque ou du diocèse.
M. le ministre de l'intérieur vous a dit, messieurs,
qu’en France on était toujours venu au secours des petits séminaires ;
j’ai nié le fait, et j’étais autorisé à le nier, car aucune disposition
législative n’autorise un semblable secours. Cependant, le ministre a insisté
et il a dit que des dispositions législatives ou ministérielles (je ne sais la
qualité qu’on leur a donnée) dispensaient de la rétribution universitaire, les
élèves des petits séminaires. Mais, messieurs, les dispositions dont on parle
dispensaient aussi de la rétribution universitaire les élèves des
universités ; ceux qui se distinguaient dans les études étaient dispensés
de payer cette rétribution et les dispositions dont il s’agit ne s’appliquaient
pas d’une manière plus particulière aux élèves des petits séminaires qu’aux
élèves des universités et des collèges en général. Les dispositions étaient
générales et dès lors l’argument qu’on en tire ne prouve absolument rien.
Du reste, messieurs, ce qui s’est fait en France, sous
Charles X, ne convient pas à
M. le ministre a dit, messieurs, que nous confondons
les cathédrales, les maisons épiscopales et les séminaires, pour lesquels il y
avait des dispositions toutes spéciales. Eh bien, puisqu’on nous a conduit sur ce terrain, je
citerai à M. le ministre de l'intérieur un décret du 30 décembre 1809, qui va
me fournir un nouveau moyen, et un moyen qui me paraît péremptoire, dans la
même question, non pas des petits séminaires, non pas des collèges que la loi
ne reconnaît pas, qu’elle n’a jamais reconnus, qu’aucune loi ne reconnaîtra
jamais, mais dans la question des séminaires, dont il peut y en avoir un par
métropole, et qui sont les seuls que la loi mette dans les attributions des
évêques et des archevêque. L’article 107 de ce décret, article qui se trouve au
chapitre V, des églises cathédrales, des maisons épiscopales et des séminaires,
porte :
« Lorsqu’il surviendra de grosses réparations ou
des reconstructions à faire aux églises cathédrales, aux palais épiscopaux et
aux séminaires diocésains, l’évêque en donnera l’avis officiel au préfet du
département dans lequel est le chef-lieu de l’évêché ; il donnera de même
un état sommaire des revenus et des dépenses de la fabrique, en faisant sa
déclaration des revenus qui restent libres après les dépenses ordinaires de la
célébration du culte. »
Plus loin se trouvent des dispositions qui établissent
que les divers départements contribueront aux frais de répartitions et de
reconstruction, s’il y a lieu, après que les chefs diocésains auront démontré
par leur budget qu’ils ont besoin qu’on vienne à leur secours. Eh bien
messieurs, s’il en est ainsi pour les réparations et les reconstructions, il
doit en être ainsi à plus forte raison dans l’espèce, où l’on vient dire, sans
le moindre fondement, d’ailleurs, qu’il faudrait même 600,000 francs, que l’on
est excessivement modéré en ne demandant que 336,000 francs ; la première
chose à faire, c’était donc de s’adresser au conseil provincial, de s’adresser
au gouverneur, de suivre la marche tracée par l’article 107 du décret de 1809
que je viens de citer, de mettre l’autorité à même d’apprécier les besoins de l’évêque
et l’utilité de sa demande. Alors que ce sont d’abord les provinces qui doivent
contribuer, si l’on s’était adressé en premier lieu aux provinces que la chose
concerne et que l’on fût venu ensuite demander aussi quelque chose à la
représentation nationale, c’est ce que je pourrais concevoir ; mais on se
garderait bien de s’adresser au conseil provincial de Liége et au conseil
provincial du Limbourg, parce que, sur plusieurs des circonstances que l’on
ferait valoir à l’appui de la demande, on recevrait peut-être un démenti
formel. Il me semble donc, messieurs, que lorsqu’on se présente ici sans aucun
document quelconque, sans avoir rempli aucune formalité, sans avoir constaté le
besoin de ceux qui réclament un secours, on n’est pas même recevable à présenter
une demande de cette nature.
Ce moyen, messieurs, que j’ai eu l’honneur d’ajouter à
ceux que j’ai précédemment fait valoir ne me semble laisser aucun doute sur la
question qui s’agite.
Il est donc évident qu’il n’y a aucun droit, que même
la participation de l'Etat dans la dépense dont il s’agit est formellement
exclue par la loi.
Y a-t-il maintenant convenance ? Et c’est
derrière cette question qu’on se retranche, y a-t-il convenance ? Tout ce
que j’ai déjà dit prouve que, loin qu’il y ait convenance pour accorder, il y a
convenance pour refuser qu’il y avait tout au moins convenance pour ajourner.
L’ajournement a fait l’objet d’un débat auquel on a mis fin hier par le
vote ; je ne reviendrai pas sur ce point, mais je dirai à quelques honorables
collègues dont un même siégeait sur mon banc que je considérais moi et que je
considère encore la présentation du projet actuel isolé des autres projets
concernant la question des indemnités (et j’ai eu soin d’affirmer toujours que
telle était ma pensée) comme un véritable piège, comme un véritable
subterfuge ; en effet, la discussion en a donné la preuve. L’on a craint
qu’en joignant les deux projets de loi, l’un ne fût rejeté avec l’autre.
M. le président – Je ferai observer à l’orateur que la question n’est plus là,
l’ajournement a été écarté.
M.
Verhaegen – Je sais, M. le président,
que la question n’est plus là, je n’entends pas non plus la placer sur ce
terrain, je veux seulement dire que quand on aura, comme il est probable,
accepté le projet de loi tel qu’il est présenté, on invoquera alors
l’antécédent, et le principe qui sert de base à l’adoption de cette loi, on ne
l’admettra pas pour l’autre projet de loi ; nous aurons beau dire alors que
c’est le même principe, que c’est identiquement la même chose ; or, on
sait que la chambre est omnipotente, et que rien ne l’oblige de défaire le
lendemain ce qu’elle a fait la veille.
Maintenant, messieurs, sur la question de convenance
je ne puis que répéter ce que j’ai dit précédemment ; je terminerai par
faire observer à la chambre qu’alors que nous sommes en défaut de pourvoir à
l’instruction primaire et moyenne, il serait plus qu’on convenant d’allouer un
subside de 300,000 francs, pour une partie de cette instruction moyenne et
primaire, ce serait créer un véritable monopole au profit de ceux qui
obtiendraient le secours, et au détriment des individus qui ont droit à
recevoir à recevoir l’enseignement des mains de l’Etat ; car c’est une
obligation pour l’Etat d’avoir un enseignement moyen et primaire, comme il a
son enseignement supérieur. Il est beaucoup de personnes dont la position ne
leur permet pas de puiser leur instruction ailleurs que dans les établissements
de l’Etat.
L’on aura beau dire que la liberté de l’enseignement
va jusqu’à ce point que le gouvernement ne doit point avoir d’établissements
d’instruction ; je dirai, moi, partisan de la liberté d’enseignement
proclamée par la constitution, je suis également artisan de cette autre disposition
de la constitution qui dit que l’enseignement donné aux frais de l’Etat
est réglé par la loi. Le gouvernement ne peut donc pas se dispenser d’avoir son
enseignement moyen et primaire, comme il a son enseignement supérieur ; ne
pas l’accorder au peuple, ce serait lui faire une injustice.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – Messieurs, je n’ai pas
demandé la parole pour répondre à l’honorable préopinant, parce que tout ce que
j’ai dit à l’appui de la proposition que j’ai eu l’honneur de faire, est
demeuré sans réfutation. Je dirai seulement qu’il serait injuste de s’adresser
aux conseils provinciaux du Limbourg et de la province de Liége, parce que ces
conseils n’ont pas voté le traité ; ces deux provinces ont eu à souffrir
elles-mêmes de l’exécution du traité.
Maintenant, je dois rétablir le fait, en ce qui
concerne le discours que j’ai prononcé avant-hier. L’honorable préopinant a cru
qu’une partie de ce discours avait été supprimé ; il n’en est rien :
pas un mot n’a été changé à cette partie de mon discours, telle qu’elle a été
recueillie par MM. les sténographes. Voilà comme je me suis exprimé :
« Il ne s’agit pas ici d’accorder une faveur à l’évêque
de Liége, ni au diocèse de Liége ; il ne s’agit absolument que d’une
demande fondée sur les considérations d’équité les plus puissantes. Il n’y a
dans cette question absolument rien de personnel à l’administration du diocèse
de Liége.
« C’est l’intérêt du culte dans le diocèse de
Liége qu’il faut prendre uniquement en considération. C’est donc bien à tort
qu’on a fait mention de certaine circulaire qui paraît avoir été lancée au
sujet des élections. Cette affaire n’a rien de commun avec l’objet en discussion ;
il est d’ailleurs à remarquer que de semblables invitations de la part des
chefs des diocèses n’on pas plus d’influence que celles émanées de certains
comités d’électeurs, qui croient exercer dans le pays une grande influence
morale. Les votes sont libres, ils sont secrets, et à l’abri de tout
contrôle. »
M Delfosse – Messieurs, l’honorable M. Dumortier a dit hier :
« Nous voulons justice pour tous, même pour les évêques. » Belles
paroles qui doivent trouver de l’écho dans tous les cœurs, mais que j’ai peine
à concilier avec les actes.
Si on voulait justice pour tous, ferait-on passer
l’évêque de Liége, solliciteur de fraîche date et abondamment pourvu des biens
de ce monde, avant ces pères de familles que la révolution a jetés dans la plus
affreuse misère, dont les habitations se trouvent sous les eaux, et qui, depuis
des années, attendent avec anxiété la décision de la chambre ?
Si on voulait justice pour tous, se déclarerait-on
prêt à indemniser l’évêque de Liége des pertes que l’exécution du traité des 24
articles lui a fait subir, alors qu’on ne sait, qu’on ne peut savoir si le pays
voudra, s’il pourra surtout cicatriser toutes les plaies ouvertes par ce fatal
traité ?
Mes amis et moi nous voulons justice pour tous, car
nous demandons que l’on s’occupe du principe, nous demandons, s’il est admis,
qu’on l’applique à tous indistinctement, aux évêques comme aux autres, mais
aussi aux autres comme aux évêques ; vous, au contraire, vous demandez une
mesure exceptionnelle, une mesure isolée ; cette mesure nous la
repoussons, non pour elle-même, mais parce qu’elle est isolée, parce qu’elle
est exceptionnelle ; nous la repoussons parce que nous y voyons la preuve
que vous ne voulez pas justice cette fois pour tous, que vos maximes sont sur
vos lèvres mais pas dans votre cœur.
Mais, dit l’honorable M. Dumortier, des mesures
exceptionnelles ont déjà été prises ; on a racheté le péage de l’Escaut on
a assuré le sort des fonctionnaires qui voudraient rester Belges, on a pris des
mesures spéciales pour protéger l’industrie des parties cédées.
Peut-on, messieurs, de bonne foi, comparer ces mesures
avec celles que l’on sollicite de vous en ce moment. N’a-t-on pas dit à satiété
dans cette chambre que le rachat du péage de l’Escaut étant commandé, non
seulement par l’équité, mais par l’intérêt général, qui souffre de toutes les
entraves mises au commerce, ce qui a été fait pour les fonctionnaires et pour
les habitants des parties cédées, n’était-il pas commandé par l’humanité ?
N’était-ce pas là des mesures urgentes, impérieuses, fallait-il laisser
consommer la ruiner de ceux que nous abandonnions ?
Des motifs aussi puissants existent-ils en faveur de
la demande de l’évêque de Liége ? l’intérêt général exige-t-il qu’on
l’examine et qu’on l’accueille avant out autre ? l’humanité parle-t-elle
plus haut pour lui que pour les autres victimes du traité ? Tout homme
impartial, messieurs, répondra non.
On a porté très haut l’utilité du petit séminaire de
Rolduc, j’ai déjà dit que je ne la niais pas ; je reconnais surtout qu’il
sera extrêmement utile à la ville de Saint-Trond, où il va être transféré, et
je conçois l’empressement des représentants du Limbourg à voter immédiatement
l’allocation ; mais quelle que soit cette utilité et quelles que soient
les sympathies du gouvernement, M. le ministre de l'intérieur n’a pas osé
soutenir que l’Etat doive donner des subsides à des établissements de ce
genre ; il a même, sur une interpellation de mon honorable ami, M.
Fleussu, rétracté quelques paroles qui auraient pu faire croire qu’il avait
cette pensée, et il a reconnu que ce n’était qu’à raison de circonstances
extraordinaires qui ne doivent plus se reproduire, que l’allocation était
demandée.
Deux honorables membres de la chambre ont été plus
loin que le ministre. Le noble comte Félix de Mérode, prenant à tâche de se
disculper de vouloir accorder une faveur personnelle à l’évêque de Liège, a dit
que ce n’était pas pour l’évêque, mais pour l’établissement, et en raison de
son utilité qu’il voterait le subside ; de là, messieurs, à accorder des
subside à d’autres petits séminaires, que l’on pourra trouver également utiles,
il n’y a pas loin ; du reste, j’avoue que je ne comprends pas bien cette
distinction entre l’établissement et son chef, je crois, moi, que ce qui est
accordé à l’un profite à l’autre.
L’honorable M. Dumortier, répondant à ceux qui
soutiennent que le subside proposé pour le petit séminaire serait une atteinte
à la liberté d’enseignement, a objecté que l’Etat accorde bien des subsides annuels
à divers établissements d’enseignement moyen dont aucun, a-t-il dit, n’est sous
la direction des évêques ; l’honorable membre a paru croire qu’en
accordant le subside demandé, on ne ferait en quelque sorte que rétablir
l’équilibre entre l’instruction donnée par les laïques et celle donnée par les
ecclésiastiques.
Effectivement, messieurs, une somme de 113,000 francs
figure au budget de l’intérieur pour subsides annuels aux établissements
moyens, mais il est inexact de dire qu’aucun des établissements qui obtiennent
des subsides de l’Etat n’est sous la direction des évêques ; je citerai,
en autres, le collège créé récemment à Herve, dans l’organisation et la
direction duquel le conseil communal a donné une très forte part d’influence à
l’évêque de Liége, je crois même que c’est lui qui nomme les professeurs ;
il est probable, messieurs, que ce qui a lieu dans ma province, a lieu aussi
dans d’autres provinces, où les évêques ne paraissent pas exercer moins
d’influence.
Il est aussi un fait qu’il ne faut pas perdre de vue,
c’est que l’Eglise a un droit de contrôle sur les établissements qu’il
subsidie ; c’est que la plupart sont sous la direction des collèges, des
bourgmestres et échevins nommés par le Roi. Il faut, en outre, remarquer que
les subsides qu’on accorde aux communes pour les établissements d’enseignement
moyen, ne sont qu’une bien faible compensation des charges de tout genre que
l’Etat fait peser sur elles, des dépenses d’intérêt général qui leur incombent
aux termes de la loi.
Nonobstant ces considérations qui militent toutes pour
qu’une allocation plus forte soit portée au budget de l’intérieur, en faveur de
l'instruction moyenne, je crois pouvoir affirmer qu’il n’y a pas dans tout le
royaume, un seul collège pour l’établissement duquel l’Etat ait consenti à
faire l’énorme dépense de 300,000 francs, qu’on vous propose pour le petit
séminaire de Rolduc, sur lequel le gouvernement n’a pas le moindre contrôle, ni
même qu’il ait consenti à faire une dépense, à beaucoup près aussi forte. La
ville de Liége, messieurs, fait en ce moment des dépenses très considérables
pour la construction d’un collège, d’un conservatoire de musique, de serres
pour le jardin botanique ; ces dépenses ne seront guère couvertes par le
produit de la vente des bâtiments et des terrains de l’ancien collège ; et
cependant, si les renseignements que j’ai sont exacts, elle n’a pu obtenir,
pour cet objet, aucun subside de l’Etat.
Quoi qu’il en soit, à part l’opinion quelque peu
excentrique de l’honorable M. Dumortier et de l’honorable comte de Mérode, les
partisans de l’allocation, y compris le ministre, conviennent que ce n’est pas
l’utilité de l’établissement, mais le dommage causé par l’exécution du traité
des 24 articles qui est la raison déterminante de l’allocation demandée ; dès
lors, j’en reviens au principe de justice que j’ai invoqué tantôt : ne
donnez pas l’indemnité à un seul, donnez-la à tous ou ne la donnez à personne.
On pourrait d’ailleurs soutenir que si le petit séminaire de Rolduc est utile
au pays, les établissements d’industrie compromis par le traité ne sont pas non
plus sans utilité, et qu’ils ont tous au moins autant de droit à votre
sollicitude.
Il me reste maintenant, messieurs, à répondre à
quelques attaques dont le passage de mon premier discours, relatif à la
circulaire électorale de l’évêque a été l’objet. M. le ministre de l'intérieur
a demandé ce qu’il y avait de commun entre cette circulaire et la demande de
subside dont nous nous occupons ; ce qu’il y a de commun, je vais le lui
dire. Quand on a des demandes de sommes très fortes à adresser à la chambre,
quand on veut une année 45,000 francs par l’archevêque de Malines, une autre
année 300,000 francs pour un petit séminaire, une autre année peut être encore
autre chose, n’est-il pas bon d’y avoir des amis, n’est-il pas prudent de
s’occuper des élections pour que ces amis y arrivent ? Comprenez-vous
maintenant, M. le ministre, le rapport qu’il y a entre la demande de subside et
la circulaire électorale ? Vous n’êtes pas non plus sans savoir qu’un
évêque n’est pas fâché, de soutenir des ministres qui ne savent rien lui
refuser, qui poussent la complaisance jusqu’à demander 300,000 francs pour un
petit séminaire, alors que le pays fait entendre des cris de détresse, alors
que par mesure d’économie, on réduit les officiers de la réserve à un état
voisin de la misère. Mais pour soutenir ces ministres, il faut envoyer aux
chambres des hommes aussi complaisants qu’eux ; on soutient alors ces
candidats ministériels et on emploie tous les moyens pour les faire réussir ;
comprenez-vous maintenant, M. le ministre, le rapport qu’il y a entre la
demande de subside et la circulaire électorale ? Et puis, avez-vous déjà
oublié que chaque fois que la demande des fonds dont vous croyez avoir besoin
pour toute l’année, on se livre à une investigation de toute votre vie
administrative, investigation qui n’est pas ce qu’il y de plus agréable dans la haute position que
vous occupez…
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M.
de Theux) – M. le président, il
conviendrait d’inviter l’orateur à s’adresser à la chambre ou au président.
M. le président – J’invite l’orateur à s’adresser à l’assemblée ; le
règlement est formel à cet égard.
M Delfosse – Ce n’est que par forme
oratoire que je m’adresse au ministre, mes paroles ne s’adressent qu’à la
chambre ; il est bien certain que je ne parle pas pour le ministre seul,
car mes paroles seraient perdues ; je ne parle que pour l’assemblée.
Avez-vous donc oublié qu’on passe en revue tous vos
actes, même ceux qui n’on qu’un rapport indirect avec le budget ? C’est
que la chambre, avant de vous accorder des fonds, veut savoir si vous en ferez
un bon emploi ; elle veut vous connaître et on ne connaît un homme que par
ses actes ; ce droit dont la chambre use envers vous, lorsque vous lui
demandez des fonds, j’en ai usé envers l’évêque de Liége, qui vous en demande
aussi, mais j’en ai usé bien moins largement que mon honorable ami M. Verhaegen.
J’aurais pu, comme lui, accumuler les griefs, j’aurais
pu présenter l’évêque de Liége en conflit avec toutes les autorités, en conflit
avec le gouverneur, en conflit avec la députation, en conflit avec les conseils
communaux, en conflit même avec les conseils de fabriques ; j’aurais pu
faire voir que dans ces conflits il a toujours obtenu gain de cause auprès du
ministère, mais rarement auprès des tribunaux ; Je n’ai pas voulu
reproduire ces griefs qui ne sont que trop connus dans ma province ; j’ai voulu
me montrer modéré et je n’ai parlé que d’un fait récent, de la circulaire
électorale, non parce que ce fait m’était personnel, mais quoiqu’il me fût
personnel. Malgré ce fait, M. l’évêque de Liége me trouvera toujours disposé à
appuyer ses demandes, lorsqu’elles seront justes, et de louer ses actes,
lorsqu’ils seront empreints de cette esprit de conciliation qui doit animer les membres du clergé, surtout ceux
qui ont une aussi haute position que la sienne. Si j’ai parlé de la circulaire
électorale, c’est parce que je l’ai considérée comme un fait grave de nature à
compromettre la religion et à faire revivre des temps de funeste mémoire ;
parce que j’ai regardé comme un devoir de signaler le mal à sa source dans
l’espoir qu’on pourra en arrêter les progrès.
L’opinion que j’ai émise à ce sujet m’a valu, de la
part de l’honorable M. de Foere une réprimande amicale ; l’honorable
membre est un homme que j’estime et que j’aime déjà beaucoup, quoique je le
connaisse depuis peu. Il est ce que je voudrais que tous les prêtres fussent,
tolérant et éclairé, mais il a un tort, si toutefois on peut appeler cela un
tort, qui tient de la candeur de son âme : il voit les hommes et les
choses, plutôt tels qu’ils devraient être que tels qu’ils sont.
Je suis d’accord avec l’honorable membre sur beaucoup
de points, je pense comme lui qu’un évêque est un citoyen, qu’il peut user des
droits de citoyen, qu’il peut donner des conseils dans l’intérêt de la cause
qu’il croit bonne, mais je dis que la prudence et la dignité de sa haute
fonction exigent qu’il s’abstienne dans les élections, de toute démarche qui
pourrait violenter les électeurs par l’ascendant que son ministère lui donne
sur eux ; je pense surtout qu’il doit s’abstenir de faire transmettre aux
curés des circulaires semblables à celle que j’ai signalée ; l’honorable
membre n’y voit là qu’un conseil, j’y vois, moi, tout autre chose, j’y vois un
ordre. Lorsqu’un évêque dit aux curés par l’organe de son secrétaire :
« Veuillez, messieurs, employer tous vos efforts pour faire porter tel
candidat, c’est pour les catholiques une affaire d’honneur et d’intérêt
immense », croyez-vous que les curés restent bien libres ; ne
savez-vous pas que le bas clergé est aujourd’hui dans une entière dépendance
des évêques ? Alors qu’on a fait des révolutions pour donner des garanties
à tous, eux sont soumis à une autorité plus despotique qu’autrefois, à une
autorité qui devrait toujours être, mais qui n’est pas toujours paternelle. Ne
savez-vous pas qu’à part les curés primaires, les évêques peuvent les révoquer
et les déplacer à volonté ? On vous laisse libre, vous, vous faites de
l’opposition contre un ministère qu’ils soutiennent, vous la faites même assez
rude, mais n’êtes-vous pas dans une position à part ? ne réunissez-vous
pas toutes les conditions qui font l’homme indépendant, et n’avez-vous pas
donner naguère assez de gages à la cause qui a triomphé en 1830, pour qu’on
vous pardonne beaucoup ? Je pourrais vous citer quelques faits qui vous
prouveraient qu’il y a des curés qui repoussent les doctrines de l’évêque et
ses prétentions hautaines, mais qui tremblent qu’on ne le sache. Je pourrais
vous dire qu’un curé, homme éclairé et tolérant comme vous, m’a écrit pour me
féliciter sur le succès que la cause libérale a obtenu à Liége le 27 janvier,
mais il craignait tellement d’être connu, que sa signature n’était pas apposée
au bas de la lettre, mais sur un billet séparé qu’il me priait de brûler, dans
la crainte qu’il ne tombât par hasard en d’autres mains ; mais j’en ai
assez dit sur ce sujet, et je m’adresse maintenant à vous, que je tiens pour
homme sincère et loyal.
Croyez-vous, dites-le moi en âme et conscience, qu’un
curé sert les intérêts de la religion lorsqu’il se jette dans les luttes
électorales, lorsqu’il a fait tous ses efforts, lorsqu’il emploie tous les
moyens pour le succès d’un candidat ? Croyez-vous que la lutte qui s’ouvre
alors entre lui et une partie du troupeau confié à ses soins n’est pas de
nature à altérer la confiance dont il a besoin pour l’accomplissement de sa noble
mission ? Dites, l’évêque n’abuse-t-il pas de son influence lorsqu’il
l’invite à s’engager dans cette voie périlleuse ?
Répondez, mais l’évêque de Liége a déjà répondu pour
vous : cette réponse, je la trouve dans l’ordre donné aux curés de
remettre l’original de la circulaire à leur doyen pour le samedi 8 février
1840. Quand on fait une chose que l’on croit licite, que l’on croit bonne, on
ne cherche pas à en faire disparaître les traces, on ne s’entoure pas d’autant
de précautions.
Je ne veux pas terminer, messieurs, sans dire un mot
de l’affaire de Tilff, dont l’honorable M. Verhaegen vous a entretenu, et dont
M. le ministre de l'intérieur vous a aussi parlé. Mon intention n’est pas de
soulever ici cette question qui est immense et qui touche aux bases de l’ordre
social ; je ferai seulement remarquer que M. le ministre de l'intérieur a
mis dans cette affaire une brutale inconvenance.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M.
de Theux) – Cette expression est
contraire à toutes les convenances.
M Delfosse – Ces mots sont l’expression
de ma pensée, l’expression d’une conviction profonde.
Il est d’usage, messieurs, (Erratum, Moniteur du 23
février 1840 :) lorsqu’un gouverneur se pourvoit contre une résolution
prise, soit par un conseil communal soit
par une députation permanente, (Erratum au Moniteur du 25 février 1840 :)
avant que le corps, dont il s’agit d’annuler la résolution, soit entendu, afin
que le gouvernement ne statue qu’en connaissance de cause ; cet usage, que
l’on suit dans les petites affaires, qui est indiqué par la raison et les
convenances, a été méconnu dans une des affaires les plus importantes qui se
présenteront jamais à la décision d’un ministre ; à peine le pourvoi du
gouverneur était-il arrivé à Bruxelles que les ordonnances du conseil communal
de Tilff, approuvées par la députation permanente, étaient annulées ; cela
peut s’expliquer par les menaces de l’évêque, dont M. Verhaegen vous a parlé, mais cela ne justifie guère ce que
le ministre vous a dit qu’il a été dans cette affaire libre de toute influence.
Non, le ministre n’a pas été libre de toute influence.
Il a été tout au moins sous l’influence de ses préjugés ; (Erratum, Moniteur
du 23 février 1840 :) ils l’ont jeté dans l’aberration la plus déplorable.
Je suis profondément convaincu, messieurs, que dans cette circonstance la
constitution a été violée, et que M. le ministre de l'intérieur a arraché à
l’autorité civile une arme dont elle aura plus d’une fois besoin pour le
maintien de l’ordre public.
M. F. de Mérode – Messieurs, cette tribune n’est pas une chaire dévolue aux
censeurs et aux panégyristes de noms propres. Mais puisqu’un de premiers
pasteurs de nos églises a été aujourd’hui encore l’objet de vives attaques dans
cette enceinte même, destinée à un genre de discussions plus relevée, la
justice exige qu’il y soit itérativement défendu. Cette tâche, d’ailleurs, ne
sera ni longue ni difficile à remplir.
L’honorable M. Verhaegen qui a voté pour l’acceptation
du traité, par suite duquel le diocèse est privée d’une partie notable de sa
circonscription et de son petit séminaire, a essayé de vous persuader que
peut-être un mandement épiscopal relatif aux vexations exercées contre le
clergé catholique d’un pays voisin nous avait valu la défaveur de la conférence
et l’animadversion de
En vérité, messieurs, ce genre de tache sera
reprochable à vous-mêmes, reprochable à presque tous les Belges ; car les
libertés essentielles inscrites dans notre constitution avaient depuis
longtemps dû faire naître l’animadversion de plus d’une puissance représentée à
Londres. Elle n’a pas dû attendre, pour se produire, le mandement auquel on
attribuerait de si funestes et si spéciales conséquences. Lorsqu’avec
l’assentiment public le gouvernement admettait dans notre armée quelques nobles
débris de l’armée polonaise, il n’était ni humble ni courtois envers le
gouvernement russe représentée à la conférence de Londres.
Lorsque les amis des droits nationaux, que nous avons
revendiqués pour nous-mêmes, et que
Je passe au second grief imputé au premier pasteur du
diocèse de Liége. Quels sont, s’est écrié M. Verhaegen, ses droits à votre
bienveillance ? Serait-ce la conduite qu’il a tenue peut de temps avant la
révolution, dont il n’a pas dépendu de lui d’arrêter la marche ? Mais, je
le demanderai à l’honorable membre, eût-il vu avec tant de regret cette marche
arrêtée alors, si une révolution lui paraissait dangereuse ; et à cet
égard je crois ne pas me tromper ; je suis prêt toutefois à rectifier mon
erreur, si je me trompe ; si, dis-je, une révolution paraissait dangereuse
et inopportune à l’honorable M. Verhaegen, avant septembre 1830, pourquoi
n’eût-elle pas paru telle à monseigneur l’évêque de Liége ? a-t-il eu trop
de franchise en exprimant tout haut sa pensée ? je suppose qu’on puisse le
dire, eh bien que résulterait-il d’une telle supposition sur une franchise trop
explicite ? rien qui vaille la peine d’appeler les réminiscences de la
chambre sur une pensée politique et morale, émise il y a dix ans ; et si
le diocèse perd maintenant son petit séminaire et une demi-province, c’est là
une suite malheureuse de la révolution que craignait, non sans motif
monseigneur l’évêque de Liége, qui, d’ailleurs, n’a jamais cherché à entraver
dans sa marche cette révolution, lorsque toute conciliation entre les provinces
néerlandaises et belges eût été rendue impossible.
Vient l’arrogance montrée par monseigneur l’évêque de
Liége dans l’affaire de Tilff. Une administration communale empêche une
cérémonie religieuse, consistant dans la plantation de la croix, non pas sur
une place publique, comme après les missions de France, sous la restauration,
mais sur le cimetière ; et monseigneur l’évêque de Liége annonce qu’il ira
la planter lui-même. Placer une croix sur l’asile des morts, dans un pays
chrétien, quelle arrogance vraiment ! jusqu’ici les cimetières ont été
considérés, au moins dans les campagnes, comme des lieux consacrés par la
religion. Serait-ce un progrès d’en faire l’asile administratif du néant ?
Ne sommes-nous pas suffisamment affligés par la plaie sociale aujourd’hui si
fréquente de suicide, c’est-à-dire du désespoir ? Quoi qu’il en soit,
lorsqu’une administration communale se montre hostile à la plantation d’une
croix sur un cimetière et qu’un évêque peut, à cette occasion être taxé
d’arrogance par un représentant qui d’ailleurs se distingue par des formes
polies, mieux vaut, selon moi, et je ne donne pas ici mon opinion comme
irréfragable, mieux vaut attendre pur cette commune des jours plus calmes.
Le même représentant a reproché à monseigneur l’évêque
de Liége sa conduite dans les élections et sa circulaire adressée aux curés de
son diocèse. Cette circulaire, signée Becker, n’impose rien, elle donne un mot
d’ordre pour agir avec ensemble, elle ne contient pas de personnalité,
seulement elle indique que d’un côté c’est la juste cause, la cause de
« tous les hommes de bien ». Ces derniers mots pouvaient froisser
indirectement les personnes appartenant à l’opinion adverse et sous ce rapport
un autre choix d’expressions eût peut-être été préférable.
Mais remarquez, messieurs, que parmi ceux qui, à
Liége, crient si haut contre une semblable circulaire, plusieurs appartiennent
au parti qui ne se contente pas toujours de procéder par des voies aussi
bénignes, mais qui, un jour, recourir à des voies de fait et en dépit de
l’autorité nationale du Roi, du sénat et de cette chambre (voir le rapport de
M. Liedts) expulsa du conseil communal de la ville un représentant, un conseiller
que vous aviez déclaré n’être pas révocable par ses collègues. Que dirai-je des
chicanes suscitées à monseigneur l’évêque de Liége, tantôt sur sa signature
conforme à celle de tous les évêques du monde, tantôt sur d’autres formalités
toujours et partout admises précédemment ? Et certes, si nous comparons
les actes de tracasserie ou de violence aux griefs imputés au prélat qu’on a
ici mis en cause, on jugera sans peine de quel côté se trouve la modération.
Messieurs, pour être libéral dans un sens conforme à
la véritable acception du mot, il faut être juste, et quand on accuse,
apprécier les circonstances. Si je rappelle, messieurs, des faits passés, ce
n’est point par envie de récriminer, j’aimerais bien mieux m’occuper des moyens
de procurer du soulagement aux misères d’un grand nombre de mes
compatriotes ; et les personnalités, les récriminations ne serviront les
intérêts ni des Liégeois, ni des Wallons, ni des Flamands. Quant à la brochure
de monseigneur l’évêque de Liége récemment publiée sur l’enseignement, j’engage
tous les hommes sérieux, les pères de famille, les amis consciencieux des
lumières et du véritable progrès social à la lire et à la méditer
attentivement.
Si l’honorable M. Verhaegen, dont je me plais à
reconnaître la facilité pour le travail,
trouve dans l’œuvre importante de monseigneur l’évêque de Liége, des
principes nuisibles à la bonne éducation, plus nécessaire encore au bonheur de
l’homme riche ou pauvre, qu’un habile enseignement, je l’engage à publier son
système à cet égard, et je promets de l’étudier avec toute la bonne foi qu’il
mettra sans doute lui-même dans la réfutation d’une doctrine qu’il jugerait
utile de combattre. Mais je ne puis accepter un genre de contradiction aussi
leste que celui dont mon oreille a été frappée. Une question grave ne se
tranche point en quatre mots lancés du haut des banquettes où nous siégeons.
Du reste, messieurs, il est bien étonnant qu’il ait
fallu à M. Verhaegen, homme attaché à l’église catholique et trop instruit dès
lors, vu l’éducation qu’il a reçue, pour ignorer les principes du catéchisme,
qu’il lui ait fallu, dis-je, les explications de M. de Foere pour apprendre
qu’un évêque ne peut ordonner une élection en vertu de son autorité épiscopale,
et qu’il n’a qu’un droit de conseil. Quant à la censure ecclésiastique d’un
livre ou d’un journal, elle lui appartient certainement, surtout lorsque tel
livre ou tel journal se donne une couleur religieuse, catholique. Enfin,
messieurs, l’honorable M. Verhaegen fait à cette chambre probablement un grief
de ne pas discuter la loi sur l’instruction primaire et secondaire ; mais
comment arriver jamais à la discussion de cette loi, lorsque les moindres
occasions d’écarter la chambre de l’objet direct d’une discussion, et de
l’étendre à toute espèce de sujets qui s’y rattachent de près ou de loin, sont
saisis avec un extrême empressement.
A propos d’un subside pour faciliter la translation
d’un petit séminaire perdu par le diocèse de Liége en vertu de l’exécution du
traité du 15 novembre, l’honorable M. Verhaegen a mis en cause devant vous un
nom propre, a disserté sur la liberté de l’enseignement et sur son application
en Belgique, sur la confession, sur les missions, que sais-je ? sur ce qui
ferait matière d’un gros volume. Je ne crains pas de le dire, avec un tel
système, avec une telle confusion dans nos travaux, ils demeureront à peu près
stériles, et ce sera avec justice que je dirai à l’honorable M.
Verhaegen : les débats sans termes dans lesquels vous nous entraînez trop
souvent éloigneront encore de plusieurs années peut-être la possibilité de tout
vote sur une loi relative à l’enseignement et sur bien d’autres lois d’intérêt
essentiel dans le pays.
M. Dumortier – Messieurs, dans la séance
d’hier, j’ai eu l’honneur d’exprimer ma pensée relativement aux élections, et
de vous dire que j’ai toujours cru qu’il était à désirer que les élections
fussent exemptes de toute espèce d’influences hiérarchisées. J’ai toujours cru
que dans l’intérêt bien entendu de la représentation nationale et du pays, il
serait vivement à souhaiter que les influences pures et simples de chaque
personne, de chaque individu qui est appelé à en exercer, fussent en jeu dans
le grand jour des élections. C’est surtout comme catholique que j’ai toujours
aimé cette pensée, convaincu que je suis qu’il serait fort désirable que
l’intervention du clergé ne fût pas une nécessité en matière d’élections.
Mais lorsque je vois que de toutes parts des sociétés,
des journaux, des comités s’organisent pour introduire dans l’assemblée des
élus de la nation, des hommes qui ont inscrit sur leur bannière :
exclusion absolue de tous les catholiques, haine à la religion, je dis
qu’alors, c’est une nécessité irrésistible pour le clergé de prendre une part
dans les élections, et que s’il renonçait un seul instant à cette part
d’intervention, il ne tarderait pas à être entièrement sacrifié.
Comment ! Vous ne voulez pas de l’intervention
des évêques, et vous organisez des moyens secrets, des moyens puissants contre
leurs partisans, contre leurs amis ! Vous ne voulez pas de l’intervention
des évêques, et vous voulez peupler la chambre de leurs ennemis, la peupler
d’hommes qui ont mission de persécuter le clergé ! Evidemment,
l’abstention des évêques dans les élections aurait bientôt pour résultat de
sacrifier le principe catholique, ce principe qui est un des éléments
indispensables de l’Etat, surtout en Belgique ou le principe catholique est
séparé de l’Etat.
Le clergé est donc dans le cas de la légitime défense
quand il prend sa part dans les élections, alors que de tous côtés on organise
contre lui et une presse puissante, et des sociétés secrètes puissances, et des
comités électoraux.
L’honorable député de Bruxelles s’est plaint beaucoup
de l’intervention des évêques. Il a parlé des missionnaires, il a parlé du
confessionnal, il a parlé enfin de tout ce qui se rapporte à l’opinion
catholique. Moi, je lui dirai : N’avez-vous pas aussi vos moyens
d’action ? N’avez-vous pas vos missionnaires ? il est vrai que vous
ne faites pas de circulaires ; vous êtes trop adroits pour lancer des
circulaires. Mais vous avez d’autres moyens.
Ainsi, par exemple, je puis citer un fait qui s’est
passé à Tournay, à pareille époque, il y a un an, et qui prouve qu’il n’y a pas
de secret que l’on veut cacher qui ne finisse pas venir au jour. Il existe à
Tournay une société secrète qui est très bien connue de l’honorable député de
Bruxelles, et dans laquelle j’ai l’honneur de compter plusieurs amis ; eh
bien il y a un an, à pareille époque, l’on installa dans cette société ce qu’on
appelle un nouveau temple. Un député de Bruxelles intervint dans cette
installation. Que fit ce député de Bruxelles ? il proclama qu’il était
nécessaire d’écarter de la législature trois membres de la députation de
Tournay. Et quel était le missionnaire qui venait ainsi proclamer qu’il était
nécessaire de purifier les élections ? C’était le représentant du
sérénissime grand-maître, c’était l’honorable député de Bruxelles. Voilà
comment les choses se sont passées, mais j’ai de bons amis qui n’ont pas voulu
écouter les conseils du missionnaire.
Ainsi, messieurs, on voudrait dépouiller les évêques
de leurs moyens d’action, alors que dans l’ombre et dans les ténèbres, leurs
adversaires ont recours aux moyens les moins loyaux.
Il est donc d’une impérieuse nécessité de laisser à
chacun sa part d’influence. Exercer la vôtre, je ne vous en blâme pas,
combattez en faveur de vos convictions, je vous approuve, combattez l’élection
de députés qui ne partagent pas vos opinions, je vous approuve encore, mais ne
trouvez pas mauvais non plus que vos adversaires usent de leurs moyens
légitimes d’influence, alors qu’ils ne vous contestent pas ceux dont vous usez.
Voyez, messieurs, combien est singulière la
contradiction. On ne veut pas, dit l’honorable député de Bruxelles, que le bas
peuple soit instruit ; c’est l’ignorance qu’on veut faire prévaloir. Et à
propos de quoi, messieurs, prononce-t-on ces déclamations ? A propos d’un
crédit qui est précisément destiné à répandre les lumières en Belgique. Si
c’était donc l’ignorance qu’on voulût faire prévaloir, viendrait-on demander
des subsides pour des établissements d’instruction ? on voit donc combien
ce reproche est mal fondé, mais tous les moyens sont bons, quand il s’agit de
reconquérir une popularité qu’un vote malheureux a gravement compromis ;
tous les moyens sont bons, quand il s’agit d’attaquer le clergé, en excitant
contre lui les passions haineuses.
L’honorable préopinant a encore fait allusion à ce
qu’ont pu dire des missionnaires dans le diocèse de Gand. Pour mon compte, je
déclare que si des missionnaires, des hommes quels qu’ils soient, ont prêché la
désobéissance à la constitution, je déclare, dans les termes les plus exprès,
que je désavoue, je blâme, je flétris leur conduite. Mais l’honorable membre a
tort de se plaindre de ce qu’il reproche aux missionnaires de Gand ; car
il a fait, dans le discours qu’il vient de prononcer, ce qu’il avait combattu.
En effet, quand il a parlé de l’indépendance du clergé, il s’est écrié, c’est
une chose que nous devons subir. Cette indépendance, consacrée par la
constitution, n’est donc pas pour vous un principe, mais un fait, puisque vous
dites que vous le subissez. Comment pouvez-vous attaquer les missionnaires,
pour avoir tenir un langage semblable à celui que vous avez tenu dans le
discours même où vous avez prétendu les flétrir ?
Messieurs, je ne veux pas de grands électeurs ;
je ne désire pas que les évêques soient les grands électeurs de leur diocèse,
mais aussi longtemps que des personnes se poseront non pas de grands électeurs
du diocèse, mais du pays tout entier, il faudra bien subir les conséquences de
cet état de choses et laisser aux évêques employer leur influence dont je
regrette de les voir user, mais cela est indispensable, par suite de la
doctrine de leurs adversaires. Mon intention n’est pas de prolonger beaucoup
cette discussion que je trouve éminemment fâcheuse. Mais on a voulu du
scandale, j’ai dû répondre au scandale.
Je vais aborder la discussion au fond.
L’honorable M. Delfosse prétend que nous demandons une
mesure exceptionnelle, une mesure isolée. Vous voulez, dites-vous, justice pour
tous ; mais cette maxime est sur vos lèvres et non au fond de votre cœur.
Il sied bien à l’honorable membre de peser les maximes
que nous pouvons avoir dans le cœur. Qu’il juge ce que nous avons fait lors du
vote du traité des 24 articles. Nous avons pris l’engagement de voter toutes
les mesures réparatrices de cet acte déplorable. N’avons-nous pas tout fait
pour cicatriser les palies que ce fatal traité avait faites ? Si au jour
du vote des 24 articles, un membre était venu demander un crédit pour
transférer le petit séminaire situé sur le territoire abandonné à
Je dis que les vérités sont toujours les mêmes. Quand
vous avez promis de fermer, par des actes réparateurs, toutes les plaies que le
traité a faites à
Messieurs, je le répète, si une demande de subside
nous était faite dans des circonstances ordinaires en faveur d’un établissement
ecclésiastique pour la construction d’un petit séminaire, je la repousserais. Mais,
par le traité des 24 articles, vous avez privé le diocèse de Liége d’un
établissement public utile à la population entière, vous ne pouvez pas sans une
criante injustice lui refuser une indemnité. Vous l’avez exproprié d’après la
constitution, vous devez lui donner l’indemnité à laquelle il a droit.
Je pourrais prolonger cette discussion, mais je crois
que la chambre est fatiguée ; je regrette qu’on soit sorti de la
discussion de l’objet qui nous est soumis pour entrer dans des questions de
personnes ; mais je ne pouvais, par mon silence, paraître admettre des
doctrines émises que je regarde comme contraire à tout principe de liberté et
comme subversives du grand mot dont vous vous parez, du grand titre de libéral.
M. Verhaegen – A la violence de l’attaque, je répondrai par le calme. Il y
a des faits qu’il est impossible de ne pas rencontrer. Les accusations ont été
trop graves pour que je ne sente pas l’indispensable nécessité d’y répondre.
A en croire l’honorable comte de Mérode et le
préopinant M. Dumortier, je serais l’ennemi juré de la religion catholique.
M.
F. de Mérode – Je n’ai pas dit cela.
M.
Verhaegen – Je poursuivrais les évêques
par suite d’une idée fixe.
Si M. de Mérode se rétracte, c’est à M. Dumortier seul
que je m’adresse, M. de Mérode parlait si bas que j’ai pu ne pas bien
comprendre.
M.
Dumortier – Je n’ai rien dit de tout
cela.
M.
Verhaegen – Je soutiens le
contraire ; j’en appelle à toute la chambre. Je vous en dirai davantage
ailleurs, ici je conserve mon calme.
On a voulu faire passer mon discours comme une attaque
contre le clergé. Je dois pour toute réponse rappeler ce que j’ai eu l’honneur
de dire dans une circonstance pareille. Je vous ai fait naguère ma profession
de foi. Cette profession de foi sera la réponse à l’attaque de M. Dumortier. Je
suis plus que qui que ce soit attaché à la religion catholique, qui est la religion
de mes pères, et qui sera toujours la mienne ; mais je ne veux pas
d’exagération, je ne veux pas que le pouvoir spirituel s’empare du pouvoir
temporel. Je n’ai jamais attaqué les évêques, je n’ai fait que soutenir les
droits du faible contre le fort ; et ceux qui prennent aujourd’hui à tort
le parti des princes de l’église devraient se rappeler qu’à une certaine
époque, j’ai été leur plus zélé défenseur. Alors ils étaient opprimés. C’est
moi qui ai défendu l’évêque de Gand et les vicaires généraux, et je les ai
défendus avez zèle et chaleur, aux dépens de ma profession, car j’ai manqué
d’être suspendu de mes fonctions. Ce qu’on appelait la bonne cause a
triomphé ; on me portait aux nues à cette époque, les journaux du
gouvernement me traitement alors de jésuite !
Voilà comment les temps changent ! mais nous,
nous sommes resté le même. Nous avons fait notre devoir et loin de nous en
repentir, aujourd’hui nous nous en glorifions. 1830 est arrivé ; je
n’avais pas pris part à la révolution, j’étais à la campagne, j’y suis resté,
je n’avais aucune obligation à remplir ; je n’ai rien fait pour la
révolution ; je n’ai rien fait contre. On s’est présenté chez moi, on est
venu me dire que j’étais l’homme du clergé, que je devais revenir à Bruxelles,
que je serais porté au faîte des emplois. J’ai refusé parce que je pensais, à
cette époque, et l’expérience a prouvé depuis que je n’avais pas tort, je
pensais, dis-je, que ceux qui avaient été opprimés sous le gouvernement
hollandais deviendraient bientôt oppresseurs. Je n’approuvais pas une union
composée d’éléments hétérogènes, je n’ai pas donné mon assentiment à ce qui
s’est passé à cette époque. Nommé membre du congrès, je n’acceptai pas ;
je suis resté étranger aux affaires. Quand ensuite mes concitoyens m’ont honoré
d’un mandat dans cette chambre, la révolution étant un fait accompli, j’ai
accepté toutes les conséquences produites par la révolution. Je crois avoir
donné des preuves que j’ai rempli avec zèle et honneur le mandat que mes
concitoyens m’ont confié ; on avait attaqué ma conduite, je tenais à
l’expliquer.
Si la position du clergé venait à changer de face,
s’il se retrouvait encore sous une oppression nouvelle, je redeviendrai son
défenseur comme je l’ai été avant 1830.
Mon système est et sera toujours de défendre le faible
contre le fort. Aujourd’hui je n’ai pas à défendre le clergé, mais bien le
faible contre les empiètements du clergé.
Ce que j’entrevoyais au moment de la révolution,
l’expérience est venu le confirmer. Je ne suis pas l’ennemi de la religion
catholique, religion de pure morale nécessaire au bien-être de la société. Loin
de moi la pensée d’y porter la moindre atteinte. Ce que je ne veux pas, c’est
l’exagération, c’est l’autocratie. Voilà la profession de foi que j’ai faite
dans une autre circonstance solennelle.
Il me reste à dire un mot à l’honorable M. Dumortier.
A son premier discours, je n’ai pas répondu ; au
second, je ne répondrai pas non plus. Ce n’est qu’à deux allégations que je
dois un mot. Il vous a dit que, l’année dernière, à pareille époque, je me
trouvais à Tournay. Je ne sais si je dois rendre compte de mes voyages à M.
Dumortier ; mais cependant je n’y vois pas d’inconvénient. Je dirai donc
qu’en effet je me suis trouvé à Tournay et que j’ai assisté à la fête dont il
vous a parlé. Il vous a rendu compte d’un événement dont des amis indiscrets
lui auraient rapporté certaines circonstances ; il aurait pu vous dire
avec autant de raison qu’il s’y trouvait lui-même et que ces détails il les a
entendus. (Hilarité générale et prolongée.)
M.
Dumortier – Je demande la parole.
M.
Verhaegen – Je n’ai pas fini.
Maintenant, pour parler de la réunion à laquelle on a
fait allusion, M. Dumortier vous a dit qu’on aurait voulu exclure trois députés
de Tournay de la représentation nationale, je suis obligé de lui donner sur ce
point (je ne sortirai pas des formes parlementaires) le démenti le plus formel.
Hors de cette enceinte je me permettrai de lui renouveler ce démenti en termes
plus explicites. (Réclamations.)
M. le président – J’invite l’orateur à modérer ses expressions.
M.
Verhaegen – J’ai dit que dans cette
enceinte, je conserverais le calme, et je tiens parole.
Plusieurs
membres – Et ailleurs aussi !
M.
Verhaegen – Messieurs, on trouve
volontiers chez les autres les défauts qu’on a soi-même. Je puis répondre à M.
Dumortier qu’il a écrit à Diekirch pour engager les électeurs à refuser
l’entrée de la représentation nationale à notre honorable collègue M. de Puydt.
Sa lettre existe encore.
M.
Dumortier – Il paraît que la mémoire du
préopinant n’est pas très fidèle.
M.
Verhaegen – Vous avez écrit !
M.
Dumortier – Il a dit que j’étais présent
à une réunion à Tournay. Cela n’est pas exact. D’après ce qui en est de ce
premier fait, jugez de l’exactitude du second.
Quant à ce qu’il a dit de notre honorable collègue
M . de Puydt, il est vrai que j’ai usé de mon influence pour faire réussir
la candidature de mon honorable ami M. Watlet. Mais je crois que dans ma
lettre, je n’ai pas écrit un mot qui fût personnel à l’honorable M. de Puydt.
M Delfosse – L’honorable M. Dumortier a parlé tantôt d’hommes qui
voudraient proscrire la religion, le clergé, et des hommes qu’on aurait voulu
faire entrer dans cette enceinte. Sur l’interpellation de l’honorable M.
Verhaegen, il a déclaré que ce n’était pas à lui qu’il s’adressait. Je lui
demanderai, à mon tour, si ce n’était pas à moi qu’il s’adressait.
M.
Dumortier – Je n’ai pas à répondre à
cela.
M Delfosse – Si c’était à moi que ces
paroles s’adressaient, je lui dirai avec modération que c’est une insigne
calomnie. Je défie l’honorable M. Dumortier de citer un seul acte, une seule
parole de loi, où je me sois montré l’ennemi de la religion du clergé. Comme
l’honorable M. Verhaegen, je veux que le clergé reste dans de justes limites.
Que le clergé se tienne dans de justes limites et je serai le premier à le
défendre, comme je l’ai défendu avant la révolution, lorsqu’il était persécuté.
- La chambre clôt la discussion générale et passe à la
discussion de l’amendement et de l’article unique du projet de loi
M. Lys – J’ai déjà répondu, messieurs, à l’argumentation de M. le
ministre sur l’inutilité de mon amendement ; mon amendement na été attaqué
que par des considérations motivées par ceux qui ne veulent accorder aucun
subside.
Je ne répéterai point ce que j’ai dit, mais je vous
prie de remarquer que si vous rejetez mon amendement, l’on se servira l’année
prochaine de votre décision comme d’un précédent pour vous demander un nouveau
subside.
On vous opposera que la chambre de 1839 savait
parfaitement que M. l’évêque de Liége ne demandait pas seulement cent mille
francs, mais qu’il se réservait d’en demander deux fois plus aux budgets
suivants ; qu’ayant voté cent mille francs sans réserve, elle avait
positivement reconnu qu’il y avait lieu d’accorder d’autres subsides à
l’avenir.
L’on se servira de votre décision, messieurs, comme un
précédent ; on vous dira : Vous avez donné à M. l’évêque de Liége
tout ce qu’il vous a demandé ; Vous avez été généreux envers M. l’évêque
de Liége ; vous avez donné à celui qui n’avait pas besoin, à celui qui
avait des ressources pour former son établissement. Si vous êtes justes, si
l’équité est la base de vos décisions, vous serez donc aussi généreux envers
les incendiés d’Anvers, envers les inondés des polders, envers les personnes
dont les propriétés ont été détruites par les Hollandais ; aux villes
enfin accablées, par suite des pillages, d’un passif immense, car toutes les
personnes qui ont fait des pertes et que je viens d’indiquer ont besoin de
secours.
J’ai présenté mon amendement, messieurs, comme étant
dans l’intérêt du pays, dans l’intérêt des contribuables. Vous vous
rappellerez, messieurs, combien ils sont surchargés, combien il faut éviter
d’augmenter cette charge. M. le ministre ignore, dit-il, l’existence de
l’établissement que j’ai indiqué ; je conçois, messieurs, que M le ministre
puisse ne pas connaître l’établissement de Herve, mais la chambre peut être
convaincue que je n’avancerai jamais pareil fait s’il n’était à ma
connaissance, et je puis en parler de source, puisqu’il est situé dans mon
district. M. le ministre vous a dit qu’il était hors de doute que si l’on avait
pu trouver ailleurs tout ce qui est nécessaire pour l’établissement du petit
séminaire, on se serait épargné une dépense de 200,000 francs, au moins à la
charge du diocèse, et la peine de s’adresser au gouvernement et à la
législature pour obtenir un subside.
Je ne sais pas, messieurs, où M. le ministre a été
puiser sa conviction ; mais, je répète, qu’on trouvait à Herve, la même
étendue de terrain qu’à Saint-Trond, qu’il y avait économie d’y fixer le petit
séminaire, il n’y avait pas de prix d’achat, on épargnait la construction d’une
église : Herve est situé entre Rolduc et Liége, ainsi économie de frais de
transport.
Enfin, la bâtisse aurait coûté moins cher et pour
matériaux et pour main-d’œuvre à Herve qu’à Saint-Trond.
M. Devaux – Je désirerais avoir
quelques éclaircissements sur le chiffre, sur la perte que fait le diocèse de
Liége, et sur les besoins auxquels il s’agit de satisfaire, d’autant plus que
le rapport de la section centrale est à cet égard insuffisant et même obscur.
Il me semble, d’après les calculs de la section centrale que le diocèse de
Liége ne possédait plus actuellement que les bâtiments et les jardins de
Rolduc, évalués à 70,000 francs. Il y a sur ces bâtiments une charge de 40,000
francs. Reste donc une valeur nette de 30,000 francs. Ainsi la perte que va
faire le diocèse est évaluée à 30,000 francs. D’autre part, on dit que, pour
remplacer les mêmes bâtiments, il faudrait une somme de 511,000 francs. Je comprends
bien qu’il y a une différence entre la valeur des bâtiments que l’on perd et de
ceux que l’on va construire. Je comprends bien que l’on ne vendra pas les
bâtiments de Rolduc au même prix que ceux qu’on va construire. Cependant je
trouve une si grande disproportion entre les 30,000 francs et les 511,000
francs qu’on demande, que cela nécessite une explication.
Je demanderai, par exemple, quel est le nombre actuel
des élèves de Rolduc ? On veut construire des bâtiments pour 450
élèves ; est-ce là le nombre des élèves de Rolduc ? On demande une
indemnité pour ce que l’on perd, et non pas pour améliorer l’ancien
établissement.
En second lieu, je crois que dans les constructions
qu’on évalue à 511,000 francs figure une église ; on dit qu’il est
nécessaire que 20 ou 22 professeurs puissent y dire la messe avant l’ouverture
de leurs classes ; que cette église doit avoir au moins sept ou huit
autels ; est-ce là une nécessité absolue ? Une église est très
coûteuse, et plus coûteuse qu’une chapelle qui accompagne ordinairement les
établissements d’instruction.
La commission des monuments a considéré la question de
la construction de l’église sous le point de vue monumental ; elle a dit
qu’à côté de la tour, on ne pouvait pas faire une simple chapelle. Je fais
cette observation parce qu’il faut examiner la position où nous allons nous
placer vis-à-vis des autres diocèses. Il y a de ces diocèses qui ont fait des
dépenses considérables d’agrandissement ; il faut donc voir dans la
proposition ce qui est indemnité et ce qui serait amélioration ou
agrandissement. Dans ce but, je demanderai au ministre de vouloir bien nous
dire ce qu’il faudra prélever sur ces 511,000 francs pour la construction de
l’église ; de nous faire connaître le nombre des élèves de Rolduc, et
d’expliquer la différence qui existe entre la somme de 30,000 francs, valeur
actuelle des bâtiments et les 500,000 francs qu’on demande pour en construire
d’autres.
M. Liedts – J’ai aussi des renseignements
à demander à M. le ministre. Vous allez poser un précédent ; vous allez
accorder une indemnité pour une perte éprouvée par suite de l’exécution du
traité de paix ; il importe de savoir à quoi s’engage la législature en
accordant cette indemnité et si par là elle ne déclare pas implicitement
qu’elle accordera des indemnités pour des cas analogues ; car il en
existe. Je vais en citer un qui est à ma connaissance.
Un père de famille, qui n’a pas peu contribué à faire
tomber Venloo au pouvoir des Belges, possède 150 bonniers de terre autour de
cette place ; à l’époque du traité de paix, il se hâta de prendre des
mesures pour vendre ses terres, bien persuadé que les Hollandais chercheraient
à se venger de celui qui leur avait fait rendre la citadelle de Venloo. Il ne
se trompait pas. N’ayant pu trouver des acquéreurs avant l’exécution du traité,
dès que les Hollandais purent disposer de la place, ils comprirent les terres
de ce père de famille dans le rayon stratégique autour de la forteresse, ce qui
leur a fait perdre, d’après la déclaration des notaires qui lui ont écrit, la
moitié de leur valeur. D’après ces faits, vous voyez que si vous accordez une
indemnité pour la perte du séminaire de Rolduc, vous devez aussi une indemnité
au père de famille dont il s’agit, car l’une et l’autre perte a la même cause.
M.
Dumortier – Le traité des 24 articles
a-t-il exproprié ce père de famille ?
M.
Liedts – Que par suite de
l’exécution du traité on prenne la moitié de la fortune à un citoyen ou que ses
biens perdent la moitié de leur valeur, le résultat est le même pour lui ;
et je ne vois pas qu’une distinction subtile empêche qu’on ne soit juste à
l’égard de l’in comme on veut l’être à l’égard de l’autre.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M.
de Theux) – Si l’on veut voter, je
répondrai aux questions qui m’ont été adressées.
M. Fleussu – Je crois qu’en stricte équité, nous ne devons pour la perte
de Rolduc que les frais d’appropriation qui ont été faits pour le petit
séminaire ; car voilà ce qu’a perdu l’évêque de Liége. Je demanderai au
ministre s’il peut nous donner des renseignements sur le montant de ces frais
d’appropriation.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – Je ne connais à l’égard des
dépenses qui ont été faites pour l’appropriation de l’abbaye de Rolduc, que ce
qui est mentionné dans le rapport de la section centrale. Quant à moi, je
trouve cette question sans portée, parce que ce n’est pas des frais
d’appropriation qu’il s’agit ; le petit séminaire de Rolduc ne peut plus
continuer d’exister, il en faut un autre ; quelle est la dépense
nécessaire à l’établissement de cet autre séminaire ? telle est la
question. C’est aussi celle qu’a posée l’honorable M. Devaux, laquelle est
parfaitement logique.
Cet honorable membre a dit, en outre, que les bâtiments
de Rolduc sont censés valoir 30,000 francs, et il demande des renseignements
sur ce point ; il m’est impossible de m’expliquer à cet égard ; c’est
quand la vente aura été effectuée que j’en saurai le prix, et cette vente sera
plus ou moins favorable selon les circonstances.
Ce qu’il y a de certain, c’est que l’établissement de
Rolduc est complet, et qu’il y a une église qui est celle de l’ancienne abbaye,
qu’ainsi l’établissement transféré à Saint-Trond doit être également complet.
La commission a réduit la dépense à 303,000 francs, et y comprenant les frais
d’appropriation et tous ceux de construction, même ceux de l’église. Cette
église paraît être portée dans le devis pour 100,000 francs.
L’on doit remarquer qu’il existe encore une tour de
l’ancienne abbaye de Saint-Trond ; que les fondations de l’église à
laquelle appartenait cette tour subsistent et pourraient servir de fondations à
l’église qu’on se propose de construire. Dans la section centrale on a fait
observer qu’on pourrait construire un édifice moins grand que l’ancien ;
mais alors il faudra d’autres fondations. De plus, uen petite église accolée à
la tour qui est le plus beau monument de Saint-Trond, serait une chose par trop
choquante, et ferait regretter plus tard d’avoir économisé quelques milles
francs pour ne faire que des constructions contraires à toutes les convenances,
à toutes les règles de l’art et du goût.
Il y a encore une autre considération que je crois ne
pas devoir omettre ; l’église principale de Saint-Trond, Notre-Dame, est
très ancienne ; plus tard il sera indispensable de la reconstruire ;
si on construisait la nouvelle église dans des dimensions convenables, elle
pourrait peut-être servir à l’usage du public et remplacer l’ancienne.
En ce qui concerne la question adressée par M. Lys,
savoir si la législature, par son premier vote, s’engagera à voter
ultérieurement 100,000 francs, d’année en année, c’est-à-dire en 1841 et en
1842, j’ai déjà répondu, d’accord avec votre section centrale, que le premier
vote des 100,000 francs ne liait pas la législature, et que ce doute serait un
avis à l’administration du séminaire, et à l’évêque d’aviser à toute l’économie
possible. L’honorable M. Liedts s’est enquis d’une demande adressée au
gouvernement par un militaire qui possède une propriété près de Venloo ;
cette demande nous a été faite peu après l’exécution du traité ; nous
avons répondu que, dans l’état actuel des choses, il nous était impossible de
prononcer à cet égard, parce qu’il faudrait voir quelle serait la valeur ultérieure
de la propriété, quelle serait la perte.
M. Fleussu – Je renoncerai à la parole parce que je vois que l’on est
pressé d’en finir. Cependant, je ferai une seule observation. Il me semble
qu’on exploite la circonstance pour restaurer un ancien édifice. Or, ce serait
là une dépense qui n’aurait rien de commun avec la question de l’indemnité
qu’il s’agit d’accorder à l’évêque de Liége. Je pense donc qu’il est
indispensable d’adopter l’amendement de M. Lys.
M. d’Huart – Je désirerais, messieurs,
qu’il me fût permis, avant de prononcer la clôture, de demander une explication
sur le point de savoir si en adoptant, par exemple, la rédaction de la section
centrale, nous ne nous engagerions pas d’une manière implicite pour l’avenir.
Moi, qui veut accorder la somme de 100,000 francs, je veux cependant aussi
faire des réserves telles que plus tard nous ayons notre entière liberté, quand
aux nouveaux subsides que l’on viendrait réclamer pour le même objet. C’est
ainsi que M. le ministre de l'intérieur a d’ailleurs déclaré en dernier lieu
l’entendre lui-même ; mais le rapport de la section centrale pourrait
autoriser plus tard des prétentions contraires au-devant desquelles la prudence
commande de se prémunir.
Je demande donc que la discussion continue encore
pendant quelques minutes et que la parole me soit accordée sur l’article.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – Messieurs, la section
centrale a déclaré formellement dans son rapport qu’elle n’entendait en aucune
manière préjuger l’allocation d’un subside ultérieur. Je me suis expliqué de la
même manière.
Si cependant on croyait que la rédaction proposée peut
laisser quelques doutes, on pourrait y ajouter : « sans rien préjuger
pour l’avenir. » Dans tous les cas cela est de droit d’après le rapport de
la section centrale et d’après les explications que j’ai données sur le sens
dans lequel il faut entendre l’article.
M. Devaux – M. le ministre a oublié de
répondre à une observation que j’ai faite relativement au nombre des élèves du
petit séminaire de Rolduc. Je lui avait demandé s’il y a à Rolduc 450 élèves,
nombre qui a servi de base aux évaluation relatives au collège de Saint-Trond.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M.
de Theux) – J’avais en effet oublié de
répondre sur ce point à l’honorable membre. Voici les renseignements que j’ai reçus
à cet égard : le nombre actuel des élèves est de 375 ; le nombre des
professeurs est de 22, le nombre des gens de service habitant la maison est de
30. Il y a en outre 45 élèves de l’école normale, mais comme on l’a dit, il
n’est pas question de cela dans le projet.
Des
membres – Aux voix ! aux
voix !
D’autres
membres – A demain ! à
demain !
M.
Verhaegen – Tous les bancs sont
dégarnis ; tout le monde est parti, il sera facile, de cette manière, d’en
finir.
- La discussion est close.
L’amendement de M. Lys est mis aux voix ; il
n’est pas adopté.
On procède à l’appel nominal sur l’article unique du
projet :
61 membres sont présents :
4 s’abstiennent ;
43 adoptent ;
12 rejettent.
En conséquence le projet est adopté.
Ont voté l’adoption : MM. Brabant, Coghen, Cools,
Coppieters, de Florisone, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, W. de Mérode, Demonceau, de Nef, de Potter, de
Renesse, de Roo, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux,
d’Hoffschmidt, B. Dubus, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fallon, Hye-Hoys, Kervyn,
Lejeune, Maertens, Mast de Vries, Meeus, Morel-Danheel, Nothomb, Polfvliet,
Raikem, Scheyven, Simons, Smits, Ullens, Van Cutsem, Vandenhove, Vandensteen,
Vanderbelen, Wallaert, Willmar, Zoude et Dedecker.
Ont voté le rejet : MM. de Langhe, de Puydt, de Villegas, Dolez, Dumont, Fleussu, Lys, Pirmez, Sigart, Troye et Verhaegen.
M. le président – Les membres qui se sont abstenus sont invités, aux termes du règlement, de faire connaître les motifs de leur abstention.
M. David – Messieurs, je ne suis pas personnellement hostile à la demande relative à la translation du petit séminaire à Rolduc adressé par M. l’évêque de Liége à la chambre, mais j’ai trouvé si sensé et si consciencieux l’amendement présenté par l’honorable M. Milcamps, que j’ai préféré m’abstenir ; quoi qu’on en dise, messieurs, je vois la question des indemnités prématurément entamée, j’aurais voulu qu’elle se présentât devant nous avec tous ses éléments ; que si l’esprit de parti, dont souvent à l’extérieur on accuse cette chambre, existe, les intérêts confondus se fussent au moins présentés solidaires les uns des autres. Il ne fallait point atténuer l’importance de la question des indemnités ; en l’atténuant nous la renvoyons à une époque indéterminée. Nous exposons ainsi le pays à de sévères représailles de la part de l’étranger, et nous frappons d’un véritable déni de justice nos propres concitoyens.
M. d’Huart – Je voulais, messieurs, voter le subside de 100,000 francs destiné à l’érection du petit séminaire de Saint-Trond, mais je ne voulais point m’engager par là à voter nécessairement d’autres crédits à l’avenir pour le même objet ; je voulais réserver à la chambre la faculté d’examiner librement les motifs que l’on pourrait faire valoir ultérieurement pour nous déterminer à augmenter au besoin le subside. On en m’a pas permis de m’expliquer à cet égard ; on ne m’a pas permis de vous démontrer la convenance d’ajouter dans la rédaction des réserves suffisantes sur ce point ; de présenter, en un mot, une rédaction telle qu’on ne puisse venir l’année prochaine prétendre nous imposer l’autorité de la chose jugée. Dans cette position, n’étant pas suffisamment rassuré sur la portée de mon vote, j’ai dû m’abstenir.
M. Dubois – Je me suis abstenu pour les mêmes motifs que l’honorable M. d’Huart.
M. Liedts – J’aurais voté pour le chiffre si l’on avait voulu en faire une question de principe ; mais comme j’ai vu par les discours de plusieurs orateurs de la majorité, que leur intention est de ne pas être aussi juste envers tout le monde qu’on l’a été envers le diocèse de Liége, je me suis abstenu pour ne rien préjuger sur la question des indemnités.
- La séance est levée à 5 heures et ¼.