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d’intention
Chambre
des représentants de Belgique
Séance du lundi 3 février 1840
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre (notamment pétition relative aux droits
d’entrée sur les pipes de terre (Scheyven))
2) Présentation de projets de loi de transfert de crédits
3) Rapport de la commission des pétitions relatif à l’industrie linière (Van Cutsem, Pirmez, Dumortier, de Theux, Van Cutsem, Mast de Vries)
4) Rapport de la commission des pétitions relatif à la circulation des
monnaies françaises de billon (Van Cutsem)
5) Rapport de la commission de vérification des pouvoirs (Delfosse)
6) Projet de loi portant le budget de l’intérieur pour l’exercice 1840.
Vote définitif. Fêtes nationales (de Theux), subside à
la province du Brabant pour construction d’une caserne de gendarmerie (de Man d’Attenrode, de Theux, Dubus (aîné), de Brouckere, F. de Mérode, Dumortier, de Brouckere, Dumortier, de Theux, de Foere, Coghen, Verhaegen, de Theux)
7) Motion d’ordre relative à l’ordre du jour (Loi sur les chemins
vicinaux (Dubus (aîné), de Theux),
loi sur les indemnités (Cogels, de
Brouckere), loi sur les légionnaires (de Puydt),
lois sur la compétence civile, sur les circonscriptions cantonales et sur le
notariat (d’Huart, Raikem, de Brouckere, Raikem, F. de Mérode, Raikem, de Brouckere, Dubus (aîné)))
8) Projet de loi tendant à autoriser la libre réexportation des farines
provenant des froments étrangers. Discussion générale (Donny,
Van Cutsem, Eloy de
Burdinne, Mast de Vries, (+ politique
commerciale du gouvernement) de Foere)
(Moniteur belge
n°35 du 4 février 1840)
(Présidence de M.
Fallon)
M.
Scheyven procède à l’appel nominal une heure un quart ; il donne
lecture du procès-verbal de la séance de vendredi dernier, dont la rédaction
est adoptée ; il fait connaître l’analyse des pétitions suivantes.
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Pierre-Joseph Delguste réclame une
indemnité du chef des pertes que sa propriété a éprouvées par le creusement du
canal de Pommeroeul à Antoing. »
« Des habitants de Renaix demandent qu’il soit
adopté des mesures légales, en vertu de l’article 23 de la constitution, pour
rétablir la langue flamande dans les administrations de certaines parties du
royaume.
« Le sieur Joseph Remy adjudicataire d’une
section de route de Charleroy à Philippeville, demande une indemnité pour les
dégradations extraordinaires survenues par suite de l’arrêté royal en date du 1er
décembre dernier autorisant une majoration sur la charge des voitures. »
« Des habitants des communes de Péruwelz,
Roucourt, etc. demandent que le gouvernement accorde la concession d’un pont
sur le canal de Pommeroeul à Antoing, demandée par le sieur Medol à
Roncourt. »
« L’administration communale de Treignes (Namur),
réclame contre une décision du conseil provincial de Namur, qui mandate d’office
sur la caisse communale en faveur de douaniers, résidant à Treignes, du chef de
leurs parts affouagères. »
- Ces pétitions sont renvoyées à la commission.
____________________
« Le conseil charbonnier du bassin de Charleroy
adresse des observations sur le projet de loi relatif à l’institution d’un
conseil de prud’hommes. »
Renvoi à la section centrale chargée de l’examen du
projet de loi.
_____________________
« Le comité national, pour le progrès de
l'industrie linière du canton de Grammont, propose des modifications aux droits
d’entrée sur les lins. »
La chambre renvoie cette pétition à la commission avec
demande d’un prompt rapport, et en ordonne l’insertion au Moniteur.
_______________________
« Deux fabricants de
pipes de terre à fumer, à Maeseyck, demandent que les pipes de terre venant de
l’étranger, soient prohibées à l’entrée. »
M.
Scheyven – Je demande le renvoi de cette pétition à la
commission d’industrie. L’industrie des fabricants de pipes de terre est en souffrance,
parce que sous l’ancien gouvernement les pipes de terres ont été prohibées à
l’entrée. Depuis la séparation, cette législation a continué d’exister en
Hollande. Par suite de l’exécution du traité, ces fabricants ont perdu leurs
débouchés non seulement en Hollande, mais encore dans la partie cédée du
Limbourg. Ici, au contraire, une modification a été apportée à la loi, en ce
sens qu’il a été établi un droit qui ne permet pas aux fabricants du pays de
soutenir la concurrence avec les fabricants de pipes de
Je demande le renvoi à la commission d’industrie, afin
qu’elle examine s’il convient ou non d’apporter une modification à la loi.
- La pétition est renvoyée à la commission
d’industrie.
____________________________
M. de Potter fait connaître par lettre adressée à M.
le président qu’une indisposition l’empêche de prendre part aux travaux de la
chambre.
Pris pour notification.
PRESENTATION
DE PROJETS DE LOI DE TRANSFERT DE CREDITS
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) présente trois projets de loi de transfert.
La chambre donne acte à M. le ministre des travaux
publics de la présentation de ces projets de loi, et en ordonne l’impression et
la distribution.
M. le président – La chambre a maintenant à statuer sur le renvoi de ces
projets de loi.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Je propose de les renvoyer à la section centrale qui a été chargée de l’examen du budget des travaux publics.
M.
d’Huart – Il me semble que ces
projets de loi devraient plutôt être renvoyés à la commission des finances.
C’est une mesure d’ordre, un changement dans les budgets : diminution d’un
côté et augmentation de l’autre. Je crois que la commission des finances a été
instituée pour examiner les projets de loi de cette nature.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Jusqu’ici les projets de loi de ce genre ont été renvoyés à
la section centrale qui a examiné le budget auquel les transferts ont rapport.
Il ne m’est pas démontré qu’il faille ici déroger à l’usage adopté.
La chambre consultée ordonne le renvoi des projets de
loi à la section centrale du budget des travaux publics, qui sera chargée de
les examiner comme commission.
M. Van Cutsem,
rapporteur de la commission des pétitions – Messieurs, plusieurs habitants
notables de la commune d’Aeltre, province de Flandre orientale, se sont
adressés à la chambre pour lui faire connaître la position malheureuse dans
laquelle se trouvent les tisserands et les fileuses de cette commune, par suite
de la décadence de l'industrie linière, il y a quelques années encore la
ressource de la classe ouvrière des deux Flandres, et pour la prier de venir au
secours de cette classe intéressante de la société : les auteurs de cette
pétition, sans limiter les moyens que la chambre croira devoir employer pour
empêcher l’anéantissement complet de cette industrie, en proposent deux, à
savoir : l’augmentation des droits sur les fils étrangers à leur entrée en
Belgique et la prohibition de l’exportation des lins de
Pour ce qui concerne l’importance de l’industrie
linière en Belgique, la commission des pétitions est convaincue avec les
auteurs de la pétitions que l’industrie linière est une des principales sources
de la richesse de
D’après ce que je viens de vous exposer, l’état de
décadence de l’industrie linière doit, en même temps que son importance, être
évident pour tous ; mais ce qui paraît moins facile à établir, ce sont les
moyens à employer pour secourir cette industrie, pour empêcher sa perte totale.
L’ancienne industrie linière, qui est celle pour
laquelle les pétitionnaires demandent votre appui, se trouve, de l’avis de la
commission des pétitions, dont je suis aujourd’hui l’organe, dans un état de
gêne et de décadence, parce que les fabricants de toile des Flandres, effrayés
du bas prix des toiles de fil mécanique, ont voulu rivaliser de bon marché avec
ces toiles aux dépens de la qualité, parce que les fils et les toiles anglais
leur font une forte concurrence : vous n’aurez pas de peine à admettre
cette dernière raison, quand nous vous dirons que les Anglais ont importé en France,
en 1825 seulement,
Quant aux moyens à employer pour empêcher la mauvaise
fabrication des toiles, la commission pense que le gouvernement peut y aviser
en prescrivant à tous les gouverneurs de province, de rappeler aux autorités
municipales de leur ressort qu’ils ont à faire publier de nouveau le décret
d’Albert et d’Isabelle, rendu le 2 mai 1615 et l’édit de Marie-Thérèse de
juillet 1753 qui, n’ayant été abrogés par aucune loi sont encore en vigueur
aujourd’hui, et en encourageant des associations particulières qui se
chargeraient de surveiller la fabrication des toiles et de donner des primes
d’encouragement à ceux qui fabriquent la meilleure et la plus belle toile,
ainsi qu’à ceux qui la blanchissent le mieux.
Après avoir admis ces mesures pour améliorer la
fabrication des toiles en Belgique, la commission des pétitions a cru qu’il
appartenait aux grands pouvoirs de l’Etat de prendre une résolution pour
empêcher l’étranger de réduire à rien cette intéressante industrie, et que le
pouvoir exécutif devait proposer les moyens à cet effet, mais tout en ayant
cette idée, elle a été d’avis qu’elle devait vous soumettre quelques
considérations qui militent pour ou contre les mesures proposées par les
auteurs de la pétition d’Aeltre.
Les pétitionnaires demandent que les droits perçus sur
les fils étrangers à leur entrée en Belgique soient augmentés ; la
commission des pétitions ayant égard, d’un côté, à ce que le droit perçu
aujourd’hui en Belgique ne s’élève qu’à un demi pour cent et d’un autre côté
que le chiffre des fils introduits, en 1838, en Belgique s’élève à
Le commission croit cependant qu’il est de son
devoir en vous parlant des droits qu’elle vous propose sur les fils étrangers,
de ne pas se taire sur une objection qu’on peut faire sur cette augmentation de
droits et qui est la suivante : On prétend d’abord que les fils
d’Allemagne, du Brunswick sont nécessaires aux fabricants de coutil de
Turnhout, aux tisserands de Zele et de Lokeren pour le tissage des toiles à
carreaux de fils dont les uns et les autres ont besoin, et que les fils de
France sont nécessaires à la confection de la dentelle, et qu’en prélevant de
grands droits sur ces produits, nous nuerions à notre industrie ; d’après
elle, ces observations sont sans fondement, d’abord parce qu’on fait à
Saint-Nicolas du fil qui peut servir à la fabrication des coutils et des tissus
de Zele et de Lokeren, et ensuite parce que rien ne doit empêcher les
industriels de ces localités de se concerter avec d’autres industriels pour
qu’on augmente la fabrication de ce fil en Belgique ; en effet, de cette
manière on gagnera une industrie de plus pour
Pour ce qui regarde les fils de lins pour dentelle,
qui se cotent couramment depuis 60 francs jusqu’à 1,800 francs la livre, quel
que soit le droit à payer, il n’exerce qu’une influence insignifiante sur le
prix du réseau ; de là cette objection ne peut nous arrêter.
Enfin, messieurs, il est évident, pour la commission,
que l’introduction des fils et des toiles de l'étranger soit, en quelque soit,
en gradation que lui trace le tarif, qu’elle diminue au fur et à mesure que les
droits s’élèvent, ce qui lui prouve que là comme ailleurs, dans de certaines
mesures, la supériorité de la fabrication est en raison de la protection que le
législateur lui accorde.
En agissant ainsi, nous ne ferons que ce que fait
La commission pense toutefois que le droit sur les
fils ne devrait pas s’élever à plus de 10 p.c.
La seconde question, celle du droit à prélever sur
l’exportation des lins, a paru d’une difficulté telle à la commission des
pétitions qu’elle se bornera à dire ce qui est en faveur du droit, et ce qui
s’oppose à ce que ce droit soit perçu ; cette difficulté se concevra
facilement quand on voudra prendre attention qu’on ne peut la résoudre sans
sacrifier, au moins en apparence, l’une des deux industries indigènes, l’agriculture
ou la fabrication des toiles à l’autre. Ceux qui veulent imposer les lins à
leur sortie de Belgique s’appuient d’abord sur l’importance relative du
commerce de lin et de la fabrication de toile ; ils soutiennent que
puisque nous exportons annuellement pour environ vingt-huit millions de toile
et seulement pour huit millions de lins, que puisque la main-d’œuvre est
beaucoup plus considérablement sur un produit que sur l’autre, il est hors de
doute que la fabrication de toile doit l’emporter sur le commerce de lin, et
que s’il faut prendre quelque chose à une industrie pour le donner à l’autre,
il fait prendre à l’industrie du marchand de lin pour le donner au fabricant de
toile ; ils ajoutent encore à cette considération, que s’il est vrai que
l’économie politique ne doit pas toujours être en Belgique ce qu’elle est en
Angleterre, où on lui a donné une physionomie et une tendance exclusivement
industrielles, où on veut que l’économie politique ne soit que la source des
richesses sans avoir aucun égard au bien-être des travailleurs, mais qu’elle
doit encore, comme nous l’enseignent les économistes italiens, s’occupent de
bien-être général et avoir en vue l’intérêt moral et politique et faire de
l'homme l’objet perpétuel de leur sollicitude et de leur étude, alors il faut
encore que les producteurs de lin cèdent une partie de leur bénéfice à une
classe industrielle de cinq ou six mille individus qui ne peuvent vivre sans ce
sacrifice.
Les partisans de la même opinion disent que le
sacrifice qu’on demande des producteurs et marchand de lin n’est qu’apparent,
parce qu’en sacrifiant une partie du prix élevé, auquel ils vendent aujourd’hui
leur lin, ils perdent seulement une partie de ce prix qu’ils auraient perçu
encore trois ou quatre ans, tandis que maintenant ce prix élevé d’aujourd’hui,
ils perdront beaucoup davantage plus tard, parce qu’une fois que le dehors
aurait anéanti leur industrie linière, qui n’aurait pu faire concurrence sur
les marchés de lin aux étrangers, le prix du lin aurait considérablement
baissé, et qu’alors les fermiers auraient cessé de faire l’énorme bénéfice
qu’ils obtiennent aujourd’hui, ceux qui professent toujours l’opinion que les
lins doivent être imposés à leur sortie, disent encore que le fermier ne
perdrait rien à la baisse des lins, parce que si ces prix baissent, ils
n’auront plus à nourrir les fileuses et tisserands qui sont aujourd’hui sans
ouvrage et qui leur enlèvent une partie de leur bénéfice.
Ils disent encore que le travail de trente journées de
tisserands, qui s’occupent aussi à la terre, en même temps qu’ils s’adonnent à
la fabrication de la toile, ne pouvant plus les nourrir que pendant quinze
jours, ceux-ci seront obligés de quitter la campagne, de chercher une existence
ailleurs, de laisser l’agriculture, qui a besoin de tant de bras, et que cette
émigration diminuant les nombreuses populations des Flandres, rendrait son
agriculture impossible.
Les partisans des droits à prélever sur l’exportation des
lins pensent aussi que ces droits devraient être établis d’après la valeur du
lin et d’après le plus ou moins de travail qu’il aurait subi, de telle manière
que le lin vert serait le plus fortement imposé et à peu près sur la base
suivante : les lins verts d’un droit de 4 francs par
A présent, ceux qui s’opposent à ce que les lins
soient imposés à leur sortie de Belgique, disent que nous enlevons à
l’agriculture un bénéfice certain qu’elle fait aujourd’hui sur l’exportation
des lins, qu’en faisant tort au fermier nous ne sommes pas certains d’améliorer
le sort du tisserand, puisque la matière première n’entre que pour un cinquième
dans le produit de la toile, que si les nations qui viennent chez nous à un
prix qui leur permettre de les y prendre, ils pourront les trouver en Russie,
et l’Angleterre s’approvisionne, depuis plusieurs années, d’environ 90,000,000
de kilogrammes par an, en Zélande, en Frise, dans le pays de Groningue, dans
La commission des pétitions, après avoir mûrement
examiné et la position de l’industrie linière et les moyens qu’on pourrait
employer pour la secourir, est d’avis que, sans rien préjuger sur ces moyens,
il y a lieu de transmettre la pétition des habitants de la commune d’Aeltre à
MM. les ministres de l’intérieur et des finances, avec invitation à ces hauts
fonctionnaires de s’occuper immédiatement de la position malheureuse de
l’industrie linière, et de soumettre à l’appréciation de la législature, dans
un projet de loi, les moyens qu’elle propose ou tous autres qui seraient de
nature à porter remède aux maux d’une population de cinq ou six mille âmes,
menacée de succomber sous le poids de la misère qui l’accable.
M. le président – La commission propose le
renvoi de la pétition à MM. les ministres de l'intérieur et des finances ?
M.
Devaux – S’agit-il d’un renvoi pur
et simple ?
M.
Pirmez – Nous avons entendu que la
commission des pétitions invitait le ministère à présenter un projet de loi
d’après des bases qu’elle indique. Nous voudrions savoir s’il en est ainsi.
M. Van Cutsem, rapporteur – La commission propose le renvoi de la pétition à MM. Les
ministres de l’intérieur et des finances, avec invitation de s’occuper
immédiatement de la position malheureuse de l’industrie linière, et de
soumettre à l’appréciation de la législature, dans un projet de loi, les moyens
qu’elle propose ou tous autres qui seraient de nature à porter remède aux maux
d’une population de 5 ou 6 cent mille âmes, menacée de succomber sous le poids
de la misère qui l’accable.
M. Dumortier – S’il s’agit de renvoyer
purement et simplement la pétition aux ministres de l’intérieur et des
finances, je suis de l'avis de la commission. Si elle veut attirer sur cette
pétition l’attention du ministère, je suis encore de son avis. Mais la demande
d’inviter le ministère à présenter un projet de loi, d’après des bases indiquées
ne me paraît pas admissible.
Si quelques membres jugent à propos de présenter un
projet de loi, ils peuvent le faire, en vertu de leur droit d’initiative. Mais
on ne peut demander au ministère de présenter un projet de loi, d’après des
bases données. Ce ne serait pas convenable, ni constitutionnel ; car il
faut laisser à cet égard toute latitude au ministère.
Je pense donc que cette partie des conclusions ne peut
pas être adoptée.
M. le président – J’avais cru entendre que la commission invitait messieurs
les ministres de l’intérieur et des finances à présenter un projet de loi, s’il
y a lieu.
M. Van Cutsem, rapporteur – La commission a entendu que messieurs les ministres
proposeraient soit les moyens qu’elle a indiqués, soit tous autres qu’elle
jugerait à propos.
M. de Brouckere – Je demande le renvoi pur et
simple de la pétition. (Appuyé !
appuyé !)
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – Je crois que l’on est
d’accord pour demander le renvoi pur et simple de la pétition, et cela
suffira ; car on attirerait l’attention du gouvernement sur cette
pétition ; ce qui est sans doute le but que la commission s’est proposé.
M. Van Cutsem – Le but de la commission a été d’attirer l’attention du
ministère sur les moyens énoncés dans le rapport ; et de l’engager à
présenter un projet de loi, s’il y a lieu.
M. Mast de
Vries – Les moyens seraient d’établir un droit sur les lins, et un
droit de 25 p.c. ; sur les étoupes. Si les conclusions de la commission
étaient adoptées, une loi serait présentée, pour imposer les lins à la sortie.
Je crois qu’il faut s’en tenir à la proposition de l'honorable M. de Brouckere
et ordonner le renvoi pur et simple de la pétition.
M. Van Cutsem, rapporteur – Le rapport dit que la question des droits à percevoir à la
sortie des lins est difficile à résoudre, et il ne la résout pas. Mais la
commission demande que son rapport et la pétition soient renvoyés à MM. les
ministres de l’intérieur et des finances, et que ces ministres soient invités à
présenter un projet de loi à la législature, s’ils le jugent convenable.
M.
Liedts – Je demande la division de
la question.
- La chambre consultée ordonne le renvoi pur et simple
de la pétition à MM. les ministres de l’intérieur et des finances.
M. Van Cutsem, rapporteur – Messieurs, plusieurs négociants et boutiquiers de la ville
de Renaix se sont adressés à vous pour vous apprendre que les mesures prises
jusqu’à ce jour, par le gouvernement belge, n’empêchent pas la circulation des
monnaies françaises de billon dans ce pays, et pour vous faire connaître que
des spéculateurs avides, profitant de la position malheureuse dans laquelle se
trouvent nos industries linière et cotonnière, forcent nos ouvriers et nos
petits fabricants à recevoir cette monnaie étrangère, pour sa valeur nominale,
en paiement de leurs produits, les mêmes pétitionnaires assurent aussi que, si
des mesures promptes et efficaces ne sont prises pour empêcher ces spéculations
illicites, le pays sera bientôt inondé de monnaies étrangères, et qu’il en
résultera une grande perte pour ses habitants.
Pour empêcher la circulation de cette monnaie de billon,
les pétitionnaires vous prient de porter une loi, qui fasse payer un droit de
33 p.c. sur l’importation de ces monnaies en Belgique.
La commission des pétitions appelée à émettre son avis
sur cette supplique, et sur la mesure à prendre pour empêcher la circulation
d’une monnaie qui porte préjudice à un grand nombre d’industriels de
Ayant égard et à la perte que le commerce fait par
l’interdiction des monnaies françaises en Belgique, et aux inconvénients qui
résulteraient de la mesure proposée par les pétitionnaires, la commission,
après avoir mûrement délibéré, est d’avis que le meilleur moyen à adopter pour
obvier à cette circulation de monnaie étrangère serait de renouveler avec la
plus grande publicité possible les avis déjà donnés dans le temps par le
gouvernement aux parties intéressées pour leur faire connaître que les monnaies
de billon étrangères à
Mue par ces différentes considérations, la commission
prie la chambre de renvoyer la présente pétition à MM. les ministres de l’intérieur
et des finances, avec invitation de prendre le plus tôt possible les mesures
que la commission juge nécessaires pour empêcher le mal dont les pétitionnaires
se plaignent, et toutes autres que ces hauts fonctionnaires croiront utiles
pour obtenir la cessation d’un mal dont les impétrants se plaignent à si juste
titre.
M. de Brouckere – C’est la même chose que
tout à l’heure. La chambre doit prononcer le renvoi pur et simple.
M. Van Cutsem, rapporteur – La commission des pétitions s’est réunie aujourd’hui et a
adopté, à la majorité, les conclusions que j’ai eu l’honneur d’indiquer.
M. de Langhe – La chambre peut les rejeter.
M. Van Cutsem, rapporteur – Je ne le conteste pas.
- La chambre consultée, ordonne le renvoi pur et
simple de la pétition à MM. les ministres de l’intérieur et des finances.
COMMISSION DE VERIFICATION DE POUVOIRS (DELFOSSE)
M. Milcamps, rapporteur de la
commission de vérification de pouvoirs –
Messieurs, dans votre séance du 31 janvier dernier, vous avez chargé une
commission de vérifier les pouvoirs de l’élu dans l’assemble électorale tenue à
Liége, le 27 du même mois, pour le remplacement de feu M. Lesoinne, membre de
la chambre des représentants, notre estimable collègue ; je viens vous
rendre compte du résultat de l’examen que votre commission a fait de cette
opération électorale.
L’arrondissement de Liége compte 2,332 électeurs.
D’après les procès-verbaux de cette élection, le
nombre total des électeurs qui se sont présentés pour exercer leur droit
électoral a été de 1854.
Ils ont été divisés en sept sections.
On a trouvé dans les urnes destinées à recevoir les
suffrages :
Bulletins : 1,855.
Sept bulletins ont été annulés : 7.
Le nombre des votes valables a été de 1,848.
La majorité absolue est donc de 925.
M. Auguste Delfosse a obtenu 1,032 voix.
M Hanquet a obtenu 814 voix.
M. Delfosse ayant obtenu plus que la majorité absolue
des suffrages, a été proclamé membre de la chambre des représentants.
Votre commission, messieurs, s’est assurée que les
opérations électorales ont été régulières, qu’aucune réclamation contre ne
s’est élevée ; en conséquence elle m’a chargé de vous proposer l’admission
de M. Auguste Delfosse en qualité de membre de la chambre des représentants.
- Les conclusions de la commission sont
adoptées ; en conséquence, M. Delfosse est proclamé membre de la chambre
des représentants.
Vote définitif
M. le président – Deux amendements ont été introduits dans ce budget : le
premier sur la proposition de la section centrale, consiste à réduire de 50,000
francs à 30,000 francs le crédit relatif aux fêtes nationales.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M.
de Theux) – Je ne chercherai pas à
faire revenir la chambre sur son premier vote, parce que je prendrai les 10,000
francs nécessaires pour les courses de chevaux sur le chapitre de
l’agriculture.
- L’amendement est définitivement adopté.
M. le président – Le second amendement qui a
été introduit dans le projet consiste dans la suppression du crédit de 30,000
francs qui étaient destinés à la province de Brabant pour couvrir une partie de
la dépense de la construction d’une caserne de gendarmerie.
M. de Man d’Attenrode – Messieurs, vous avez rejeté, lors du premier vote du budget,
l’allocation de 30,000 francs proposée par le gouvernement, pour aider la
province de Brabant à construire une caserne de gendarmerie. Vous me
pardonnerez de venir appeler encore votre attention sur cette demande de
subsides. Vous me le pardonnerez, j’espère, d’autant plus volontiers que je
prends rarement la parole, et que je ne suis porté à en user que lorsque ma
conscience de député semble m’obliger à vous signaler quelqu’intérêt froissé.
Vous avez cru devoir rejeter cette allocation, parce
qu’il a semblé tout simple de laisser à la province une dépense que le
paragraphe 21 de l’article 69 de la loi provinciale met à sa charge. Ce
paragraphe est ainsi conçu :
« Le conseil provincial est tenu de porter à son
budget : les frais de casernement de la gendarmerie. »
Toute la question consiste à savoir si ce paragraphe
est applicable, et rigoureusement applicable dans cette circonstance. C’est ce
que je vais me permettre d’examiner.
La loi charge la province des frais de casernement de
la gendarmerie, cela est incontestable ; mais, quant à moi, j’entends que
les frais que la loi met à charge de la province sont les frais du casernement
des gendarmes nécessaires au service de la province ; or, le personnel de
la gendarmerie, tel qu’il a été jusqu’à présent pour le Brabant, et
proportionné au service des autres provinces, a suffi et le local qui sert
jusqu’à présent est également suffisant.
Mais qu’est-il arrivé ? La position du chef-lieu
de la province, qui est devenu le centre politique permanent du pays, a fait
sentir la nécessité d’augmenter le personnel de la gendarmerie. Le
gouvernement, le pouvoir central, a senti cette nécessité qui paraissait
incontestable. L’autorité provinciale, au lieu de chercher à contester ce
besoin, s’est mis à chercher les moyens de pourvoir à ces nouveaux besoins. Le
conseil provincial a voté généreusement des sommes considérables ; le
conseil municipal de Bruxelles, de son côté, a consenti à y contribuer, bien
que la loi ne l’y obligeait pas rigoureusement. Maintenant la chambre se
montrera-t-elle moins généreuse pour un service qui est tout d’intérêt
général ? Maintiendra-t-elle son refus d’y contribuer pour la somme de
30,000 francs, peu considérable en comparaison des subsides votés par la
province et par la commune ? j’ai trop de foi en votre justice pour que ma
réclamation n’ait pas le résultat que j’en espère.
Mais supposons, à présent, que la province, moins bien
disposée par votre vote défavorable, retire ses propositions et déclare que le
service suffit à ses administrés, qu’en adviendra-t-il ? un préjudice
incalculable à la sécurité publique, à la sécurité du pays tout entier. Qui
d’entre nous voudrait se charger d’une responsabilité pareille ? Cependant,
je le déclare, je croirais l’administration provinciale fondée à en agir ainsi,
fondée à rejeter des dépenses, qui ne sont que d’un intérêt très secondaire
pour la plupart de ses administrés, et cela est incontestable pour toutes les
villes et commines du Brabant à l’exception de la capitale. J’aime donc à
compter sur la justice de la chambre ; elle consentira à ce que l’Etat
contribue à une dépense toute d’intérêt général, et que le paragraphe invoqué
de la loi ne peut mettre rigoureusement à la charge de la province.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – Dans la dernière séance,
messieurs, j’ai soutenu la demande du crédit de 30,000 francs pour aider la
province de Brabant dans la construction d’une caserne de gendarmerie. Je ne
rentrerais pas dans les considérations que j’ai fait valoir alors, mais je dois
déclarer que je ne puis admettre la doctrine qu’en cas de rejet du subside par
la chambre, la province serait autorisée à refuser les fonds nécessaires pour
pourvoir au logement de la gendarmerie ; nous devons protester contre
cette doctrine, nous avons toujours soutenu que la dépense du casernement de la
gendarmerie est obligatoire pour les provinces. Nous avons simplement fait
valoir des considérations d’équité qui nous semblaient suffisantes pour engager
la chambre à accorder le subside extraordinaire que nous demandions.
M. Dubus (aîné) – Je crois, messieurs, devoir répondre à un argument qu’on a
fait valoir pour engager la chambre à revenir sur son vote. On a prétendu
considérer, par exception, la dépense dont il s’agit comme étant ici d’intérêt
général, parce que, a-t-on dit, la loi provinciale n’a eu en vue que le
casernement des gendarmes nécessaires pour le service de la province ;
mais, messieurs, les gendarmes ne font nulle part le service de la province,
ils font le service dans la province. Or, il s’agit ici du casernement des
gendarmes nécessaires au besoin du service dans la province du Brabant tout
comme il s’agit ailleurs du casernement des gendarmes nécessaires au besoin du
service dans telle ou telle autre province. Si l’on dit maintenant que le
service est ici d’intérêt général, il faudrait en conclure précisément qu’il
est partout d’intérêt général, et alors, messieurs, que faut-il faire ?
Alors il faut revenir sur le vote émis en 1834, lorsque la question a été
agitée, lorsque, dans l’intérêt de toutes les provinces, on avait soutenu que
la dépense dont il s’agit devait être mise à la charge de l'Etat. La chambre a
alors décidé le contraire et sa résolution est passée dans la loi provinciale.
Eh bien, qu’on exécute cette loi, ou, si l’on veut y déroger, qu’on y déroge
pour tout le monde, qu’on y déroge pour toutes les provinces, mais non pas pour
une seule. Il me semble que cela est extrêmement simple. Si l’on juge qu’il
convient que l’Etat intervienne dans ces dépenses, que l’on vote une
disposition dans ce sens, mais que la disposition soit générale et non pas, je
le répète, exceptionnelle ; qu’on n’établisse pas un privilège.
M. de Brouckere – Malgré ce que vient de dire l’honorable préopinant, je
persiste à croire, messieurs, qu’il y a des raisons spéciales pour engager la
chambre à voter le subside demandé pour la province de Brabant ; ces
raisons, que nous avons fait valoir ne peuvent s’appliquer à aucune autre
province. L’administration de la sûreté publique est établie à Bruxelles ;
cette administration est bien plus dans l’intérêt général du pays que dans
l’intérêt de la province de Brabant. Il est donc juste que le pays vienne en
aide à la province alors qu’il s’agit de loger des gendarmes chargés du service
général, en dehors du service de la province. Je crois, messieurs, que c’est là
une raison déterminante, surtout lorsque vous considérez que la somme demandée
est extrêmement minime en comparaison de ce que dépense la province. Il s’agit,
en effet, pour la province, d’une dépense de 170,000 francs, tandis que l’on ne
demande à l’Etat que 30,000 francs.
M. F. de Mérode – J’appuie les observations de l'honorable M. de Brouckere. Il
me semble, messieurs, que la province de Brabant et surtout la ville de Bruxelles
sont dans une position toute particulièrement, et que, lorsque la province fait
un sacrifice aussi considérable que celui qui vient d’être indiqué, il ne faut
pas compromettre un travail comme celui que l’on réclame par le refus d’une
somme de 30,000 francs.
M. Dumortier – Je ferai remarquer à
l’honorable comte de Mérode, que toutes les provinces pourraient invoquer leur
position particulière, que toutes sont plus ou moins gênées dans leurs
finances. Dans la loi provinciale qui nous régit, nous avons, après une longue
discussion sur cette question, admis le principe que le casernement de la
gendarmerie serait à la charge des provinces. Eh bien, messieurs, soyons
conséquents avec nous-mêmes ; ne donnons pas l’exemple de la violation
d’une loi que nous avons votée.
M. de Brouckere – Il n’est pas le moins du monde question de violer la
loi ; dans beaucoup de cas, on a fait une chose absolument identique en
venant au secours, soit de provinces, soit de villes, soit même
d’établissements particuliers : pour cela, on n’a pas violé la loi.
L’honorable M. Dumortier soutiendra-t-il, par exemple, que la loi ait été
violée parce que la ville de Bruxelles, sans y être tenue en rien, a cédé gratuitement
le terrain sur lequel la caserne doit être construite ? Eh bien, il n’y
aura pas davantage violation de la loi si l’Etat, de son côté, intervient pour
quelque chose dans la construction dont il s’agit.
M. Dumortier – Je ne prétendrai
certainement pas que la loi ait été violée, parce que la ville de Bruxelles a
donné le terrain nécessaire pour la construction de la caserne dont il s’agit,
mais l’honorable membre ne prétendra pas non plus qu’il y ait eu violation de
la loi lorsque le gouvernement a payé la compagnie des gardes de sûreté, qui
devait être à la charge de la ville de Bruxelles. Je ferai remarquer que,
lorsque la ville de Bruxelles a cédé le terrain nécessaire pour la caserne,
elle n’a fait que donner en quelque sorte une compensation des frais que l’Etat
a supportés pour elle en payant les grades de sûreté.
Qui qu’il en soit, messieurs, je crois qu’il faut
rester dans les termes de la loi. L’honorable préopinant a beau dire que la
province est ici dans une position spéciale ; au moyen de pareils
arguments, on pourrait bouleverser tout le système de notre législation ;
car chaque province qui demanderait un subside pourrait toujours dire qu’elle
est dans une position spéciale. Ce que nous avons de mieux à faire, c’est de
laisser à chacun la part qui lui incombe ; alors tout ira bien, tandis
que, dans le cas contraire, il n’y aurait pas de raison qu’on ne mette pas
successivement à la charge de l'Etat toutes les dépenses locales.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – Je dois dire, messieurs,
que depuis 5 ou 6 ans le gouvernement ne paie plus les gardes de sûreté.
M. de Foere – Le gouvernement nous propose, messieurs, de déroger par voie
de budget aux lois existantes. Je ne sais où nous conduirait ce système. Je
soutiens qu’il est du devoir du gouvernement et de la chambre de se conformer
aux lois établies. Il est extrêmement dangereux de poser de semblables
antécédents. Ils conduisent à de nombreux abus qui, après, sont invoqués comme
des exemples.
L’honorable député de Bruxelles a dit qu’il existait
des raisons spéciales pour accorder le subside dont il s’agit à la province de
Brabant ; mais dans la discussion qui a eu lieu lors du premier vote, on a
prouvé que la province du Brabant et spécialement la ville de Bruxelles étaient
compensées par des avantages que leur situation particulière leur offrait. Il
est de principe que celui qui jouit des avantages d’une position doit aussi en
supporter les désavantages.
Comme l’honorable M. Dubus l’a très bien fait
remarquer, le service de la gendarmerie se fait partout dans l’intérêt de
l’Etat ; les autres provinces sont sous ce rapport dans la même situation
que celle du Brabant.
L’honorable député de Bruxelles a dit encore que déjà
des exceptions sous ce rapport avaient été établies. Il a été encore prouvé,
messieurs, que ces exceptions n’étaient pas identiques. Elles n’ont point été
faites contre des lois existantes ; et quand bien même quelques-unes
auraient été faites contrairement aux lois établies, il ne s’ensuivrait pas
qu’il fallût le continuer. D’ailleurs on n’argumente pas d’abus. C’est un
principe généralement reçu.
Si donc un abus a été commis, ce n’est pas un motif
pour en commettre d’autres. Avec un pareil système on marche d’abus en abus.
M. Coghen – Je réclame, messieurs, le maintien du subside que le
gouvernement a demandé pour aider la province dans la construction d’une
caserne de gendarmerie. La ville de Bruxelles donne gratuitement
Quant à la compagnie de sûreté, la ville de Bruxelles
l’a prise à sa charge ; elle porte, de ce chef, à son budget, une somme de
70,000 francs, quoique cette dépense incombe çà l’Etat.
L’honorable M. de Foere dit qu’il ne faut pas déroger
aux lois, que si l’on n’observait pas les lois on marcherait d’abus en abus. Je
ne comprends pas le système de l'honorable membre ; nous sommes appelés
ici à faire les lois, et quand nous y dérogeons, c’est que nous faisons une loi
nouvelle, parce que nous jugeons que l’équité le réclame, qu’il est de notre
devoir d’en agir ainsi.
Il est évident, messieurs, que la capitale a besoin
d’une surveillance plus grande, d’une force armée plus grande que les autres
localités, car c’est dans la capitale que toutes les passions viennent
ordinairement se réunir et tâchent d’opérer des mouvements que nous avons tous
intérêt à éviter.
J’appuie de toutes mes forces l’allocation demandée
par le gouvernement.
M. Verhaegen – Je ne pense pas, messieurs, que nous dérogerions à une loi
en accordant un subside pour l’établissement d’une nouvelle caserne de
gendarmerie : J’appuie toutes les observations faites par l’honorable orateur
qui a parlé le premier sur cet objet. D’après la loi, les frais de casernement
de la gendarmerie sont à la charge des provinces, nous le reconnaissons ; mais
il s’agit aujourd’hui d’augmenter de 26 le nombre des gendarmes qu’il y avait à
Bruxelles, et il s’agit d’augmenter ce nombre en raison de circonstances
spéciales dans lesquelles se trouve la province du Brabant et surtout la ville
de Bruxelles qui est le siège du gouvernement, qui est, si je puis m’exprimer
ainsi, le véritable théâtre de la politique. Maintenant, la province a voté une
somme pour bâtir une caserne qui n’est nécessaire qu’en raison de
l’augmentation extraordinaire du nombre d’hommes dont le gouvernement pense
avoir besoin dans la province de Brabant ; l’honorable M. de Man a fait voir
qu’il résulterait un grand inconvénient du refus du subside demandé par le
gouvernement, parce que la province, à son tour, pourrait retirer les fonds
qu’elle avait destinés à cette construction ; quoique M. le ministre de
l'intérieur ait protesté contre cette opinion, il me semble que l’honorable
membre avait raison ; le Brabant, comme les autres provinces, est obliger
de subvenir aux frais de casernement, mais aux frais de casernement ordinaire.
Alors qu’il plaît au gouvernement de faire des dépenses extraordinaires, en
augmentant le nombre d’hommes, par suite de circonstances spéciales dans
lesquelles le gouvernement se trouve, le Brabant pourrait dire :
« J’ai une caserne, je ne suis pas obligé d’en faire une autre ; elle
a suffi jusqu’à présent pour le service ordinaire ; le gouvernement
demande autre chose ; à raison de circonstances spéciales, il fait en
sorte que cette caserne ne soit pas assez grande. Si le gouvernement qui sent
ce besoin, ne contribue pas dans les nouvelles constructions à faire, la
province de son côté n’y contribuera pas non plus. » C’est ainsi que
l’honorable M. de Man a raisonné, et cela me paraît assez logique.
Il y a une autre observation à faire. C’est que chaque
fois qu’il s’agit d’accorder quelque chose au Brabant ou à la ville de
Bruxelles, on se récrie : chaque fois qu’il s’agit de la capitale, on fait
de l'opposition : on ne veut pas de capitale, mais quand il s’agit de
charges, on les fait peser sur la capitale. Ainsi, dans l’espèce, alors que le
gouvernement croit avoir besoin d’un plus grand nombre de gendarmes, à raison
de la position spéciale de Bruxelles et du Brabant, tout est bien ; il
faut augmenter le personnel de la gendarmerie ; mais quand il s’agit de
subvenir à une partie de la dépense, il n’y a plus rien.
J’espère que la chambre appréciera les circonstances
extraordinaires dans lesquelles le Brabant se trouve, et qu’elle accordera le
crédit ; je le répète, elle ne dérogera nullement par là à une loi
antérieure.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – Messieurs, je demande la
parole pour persister dans la protestation que j’ai faite, qu’au gouvernement
appartient le droit de fixer le nombre des gendarmes, qu’il considère comme
nécessaire pour le maintien de la sûreté publique, et qu’il lui appartient
aussi de fixer la résidence de la gendarmerie. Ce sont des principes que nous
avons constamment soutenus, et dans lesquels nous devons persister parce que ce
sont des principes conservateurs de l’ordre public ; mais tout en
insistant sur ces principes, cela n’empêche pas que nous n’appuyions, comme
nous avons déjà appuyé, la demande d’un subside extraordinaire pour la dépense
dont il s’agit.
- La suppression
du crédit de 30,000 francs est mise aux voix ; après une double
épreuve, elle est définitivement adoptée.
Vote sur
l’ensemble de la loi
M. le président – Voici les deux articles du projet de loi.
« Art. 1er. Le budget du département de
l’intérieur pour l’exercice 1840 est fixé à la somme de 8,513,496 francs 20
centimes , conformément au tableau annexé à la présent loi. »
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le
lendemain de sa promulgation. »
Ces deux articles sont successivement adoptés.
En voici le résultat :
73 membres y prennent part.
63 répondent oui ;
9 répondent non.
1 membre (M. Lys) s’abstient.
En conséquence, le budget de l'intérieur pour 1840 est
adopté ; il sera transmis au sénat.
Ont répondu oui : MM. Berger, Brabant, Coghen, Coppieters, de Behr, de Brouckere,
de Florisone, de Garcia de
Ont répondu non : MM. de Foere, de Langhe,
Delehaye, Doignon, Dumortier, Manilius, Puissant, Verhaegen et Dedecker.
M.
Dubus (aîné) – Messieurs, une loi qui est
attendue par le pays avec impatience est la loi sur les chemins vicinaux. J’ai
eu dernièrement occasion d’appeler l’attention de la chambre sur ce point.
Beaucoup de membres se rappelleront dans quelles circonstances la discussion de
cette loi a été interrompue ; on en avait voté une partie, et on avait
renvoyé divers amendements à la section centrale, lorsqu’un membre a fait observer
que dans l’état de préoccupation politique du moment, la chambre ne pouvait
donner à cette loi importante toute l’attention qu’elle méritait ; on en a
proposé alors l’ajournement qui a été adopté.
Maintenant, il me semble que la chambre doit reprendre
cette discussion. Dans la matinée d’hier, on a distribué à ceux des membres qui
ne faisaient pas partie de la chambre la réimpression des différentes pièces
relatives à ce projet, et on y ajouté pour tout le monde un tableau des
amendements qui ont été introduits par la chambre dans les articles qu’elle a
déjà discutés et votés.
Je désirerais donc que la chambre fût consultée sur le
point de savoir s’il ne conviendrait pas de mettre la loi dont il s’agit à
l’ordre du jour après les objets qui y sont déjà actuellement.
M. le président – Je me proposais d’appeler l’attention de la chambre sur les
projets de loi qui pourraient être mis à l’ordre du jour. Indépendamment des
projets de loi qui y sont déjà, voici les objets dont la chambre me paraît
pouvoir s’occuper immédiatement. Vient en premier lieu la loi sur les bois
étrangers, cette loi probablement ne prendra pas beaucoup de temps ; vient
ensuite la proposition concernant les notaires de Neufchâteau ; d’après le
rapport qui a été fait sur cette proposition, il ne s’agirait que de statuer
sur la demande d’ajournement. Nous avons en troisième lieu la loi sur les
chemins vicinaux, puis le projet de loi sur le duel qui nous a été renvoyé par
le sénat, ensuite le projet de loi sur la compétence civile, et enfin les
traités de commerce avec
M. Cogels – Messieurs, dans la séance du 18 janvier dernier, l’honorable
M. Rogier a proposé de mettre à l’ordre du jour la question des indemnités,
qui, je crois, a tous les titres qui réclament la priorité. D’abord, c’est le
projet de loi le plus ancien, il a été proposé en 1833, et la commission a fait
son rapport au mois de février 1836 ; depuis lors, la discussion en a
toujours été suspendue. L’honorable M. Rogier vous a démontré alors toute
l’urgence de ce projet, vous a fait voir tout l’intérêt qu’il y avait à arriver
enfin à une solution.
Vous avez cru cependant devoir en voter l’ajournement,
parce que la section centrale n’était plus complète et que le rapporteur ne
faisait plus partie de la chambre. On a résolu que la section centrale serait
complétée, qu’un nouveau rapporteur serait nommé et que les documents
concernant cet objet seraient distribués aux membres qui ne faisaient pas partie
de la chambre lorsque le projet de loi lui a été soumis. Maintenant que toutes
les formalités ont été remplies, que les documents ont été distribués, que la
section centrale a été complétée, le rapport a été nommé. C’est l’honorable M.
F. de Mérode, qui a dit ne pas devoir faire de nouveau rapport, rien ne
s’oppose à ce qu’on aborde la discussion d’un objet d’un aussi haut intérêt. Je
demande qu’on fixe la discussion après le vote du budget de la guerre.
M. de Puydt – Puisqu’on est occupé à
discuter la fixation de l'ordre du jour, je rappellerai à l’attention de la
chambre la proposition de M. Corbisier relative aux légionnaires. Cette
proposition date de huit ans, le rapport est fait ; le moment est venu de
le discuter. La chambre se rappellera que l’année dernière, au moment où l’on
croyait que l’on allait entrer en guerre, on a fait réimprimer toutes les
pièces relatives à cette proposition, avec l’intention de la mettre en
discussion. Qu’il ne soit pas dit qu’on ne se souvient des anciens militaires
que quand on croit avoir besoin des services des nouveaux. C’est pour cela que
je demande que cette discussion soit mise à l’ordre du jour après le budget de
la guerre.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M.
de Theux) – Après la loi sur les
indemnités.
M.
de Puydt – Oui ; j’y consens.
M.
Dubus (aîné) – Je crois devoir insister d’autant
plus sur la proposition que j’ai faite, que la chambre a en quelque sorte
décidé la question l’an dernier. Elle a décidé que ce qu’il y avait de plus
urgent, c’était de s’occuper de l’importante loi des chemins vicinaux ;
elle en a commencé la discussion, malgré les circonstances dans lesquelles nous
nous trouvions, et l’ajourna ensuite à cause de ces circonstances. Maintenant
que ces circonstances ont cessé, nous devons lever l’ajournement et reprendre
la discussion.
M. de Brouckere – Je suis loin de méconnaître
l’importance de la loi concernant les chemins vicinaux ; mais celle dont
vient de parler M. Cogels a plus d’importance encore : elle présent un
caractère spécial d’urgence que n’a pas l’autre. J’appuie en conséquence la
proposition de M Cogels de mettre à l’ordre du jour la loi sur les indemnités.
Au surplus, la chambre peut mettre l’un et l’autre projet à l’ordre du jour,
sauf à décider plus tard auquel des deux elle donnera la priorité.
M. le président – M. Cogels a demandé que le projet de loi sur les indemnités
fût mis à l’ordre du jour après le budget de la guerre. Comme il se passera
deux ou trois semaines avant la discussion de ce budget, il y a lieu de régler
l’ordre du jour pendant cet intervalle.
M. de Brouckere – Je modifie la proposition de M. Cogels en ce sens que le
projet de loi sur les indemnités soit mis à l’ordre du jour dès aujourd’hui.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – M’en tenant à la
proposition de M. Cogels, j’aurais insisté pour qu’on mît immédiatement en
discussion le projet de loi sur les chemins vicinaux, prévoyant qu’il pourrait
être voté avant le budget de la guerre. Il serait convenable, comme il est
probable que les lois qui sont à l’ordre du jour ne nous tiendront pas
longtemps, qu’on sût pas quoi on commencera quand on les aura votées.
M. de Brouckere – Je consens à ce que la
chambre commence par la loi sur les chemins vicinaux, si seulement on veut
décider qu’on mettra à l’ordre du jour la loi sur les indemnités.
- La proposition de M. Dubus est mis aux voix et
adoptée.
En conséquence, le projet de loi concernant les
chemins vicinaux est mis à l’ordre du jour après les objets qui y sont déjà,
sans prélude de la discussion du budget de la guerre si elle pouvait avoir
lieu.
La loi sur les indemnités est également mise à l’ordre
du jour.
M. d’Huart – Je ne viens pas proposer de
mettre immédiatement d’autres objets à l’ordre du jour ; avec ceux qu’on
vient d’y porter nous avons de quoi employer plusieurs semaines ; mais je
demande que les rapports sur les circonscriptions cantonales, comme on l’a fait
pour le projet de loi concernant les chemins vicinaux soient réimprimés et
distribués aux différents membres qui ne faisaient pas partie de la chambre
quand ces rapports lui ont été soumis.
C’est un objet très urgent que cette loi de la circonscription
judiciaire, et qu’il serait d’autant plus désirable de pouvoir discuter dans la
session actuelle, que plusieurs projets importants qui en sont la conséquence
ne peuvent être mis en délibération avant que celui-là ne soit voté. Au nombre
de ces projets est la révision de la loi sur le notariat, révision extrêmement
urgente, si l’on considère que bien des localités souffrent de l'état de choses
actuel. Je pourrais citer tels cantons où le nombre des notaires est évidemment
insuffisant pour les besoins du public, et pour lesquels le ministre de la
justice se trouve en quelque sorte arrêté dans la nomination de nouveaux
notaires, parce que l’ancienne loi française, en déterminant un nombre de
notaires relativement à la population, a fait surgir des doutes sur la
légalités de nouvelles nominations.
Cet état d’incertitude, nuisible au public, doit être
modifié par une loi qui a été présentée par le gouvernement dès 1834. je
voudrais donc qu’on pût aborder la loi des circonscriptions cantonales, pour
arriver de suite, par une sorte de conséquence, à celle du notariat. Et si
l’état de choses actuel devait durer encore au-delà de la présente session, je
n’hésiterais pas à engager M. le ministre de la justice à compléter le nombre
des notaires là où il le reconnaîtrait insuffisant, sans attendre plus
longtemps que cette insuffisance soit reconnue par le vote même de la loi
présentée ; en agissant ainsi, il ne ferait, du reste, que ce qu’a fait un
de ses prédécesseurs, qui a tranché le doute au profit du public.
Pour le moment, je demande la réimpression des
rapports sur les circonscriptions cantonales, afin que les nouveaux membres de
la chambre puissent en recevoir un exemplaire, et se préparer à la discussion
que je me réserve de provoquer ultérieurement.
M. le président – Plusieurs fois on a demandé que la loi sur les
circonscriptions cantonales fût mise à l’ordre du jour, mais on ne l’a pas
fait, parce qu’on devait d’abord s’occuper de la loi sur la compétence civile
qui doit exercer une grande influence sur la circonscription des cantons. Si on
imprimait maintenant les pièces relatives à la loi de circonscriptions
cantonales, il faudrait les réimprimer plus tard ; d’ailleurs, les
rapports devront être renvoyés à la commission qui aura besoin de revoir son
travail après le vote de la loi sur la compétence civile, pour le mettre en
rapport avec cette loi.
M.
d’Huart – Je demande que la loi sur
la compétence civile soit mise à l’ordre du jour, afin que tout le monde soi à
même d’aborder cette loi quand tous es objets qui sont à l’ordre du jour seront
épuisés.
M. le ministre de la justice (M. Raikem) – La loi relative à la compétence civile doit être votée avant
qu’on n’aborde celle concernant la circonscription cantonale. Je ne vois pas
d’inconvénient à ce qu’on mette ce projet de loi à l’ordre du jour quand la
chambre le jugera convenable. Mais je ferai observer qu’au nombre des projets
de loi rappelés, se trouve celui relatif au duel, je crois que le rapport sur
cette loi est plus ancien que celui sur la compétence. Il me semble qu’on
pourrait s’occuper de ce projet et mettre à l’ordre du jour celui relatif à la
compétence civile après la loi sur le duel.
Une observation a été faite sur l’insuffisance du
nombre des notaires dans certaines localités. Une loi du 25 ventôse an XI fixe
le nombre des notaires dans les cantons. Et il est vrai que certains cantons
ont subi des modifications desquelles est résultée l’augmentation du nombre des
notaires, parce que les cantons ont été augmentés depuis la loi du 25 ventôse
an XI. Là se présente la question de savoir si dans ces cantons, où il s’est
trouvé un plus grand nombre de notaires, par suite de l’étendue de leur
ressort, on doit les restreindre à celui fixé par la loi du 25 ventôse, soit
d’après la population soit d’après la circonscription cantonale. Quant à moi,
je pense que, dès qu’on ne fait que remplacer des notaires préexistants, qui
ont eu leur résidence fixée ensuite de cette loi et qui avaient cette résidence
dans telle localité qui a changé de cantons, il n’y a pas de motif pour ne pas
pourvoir à ce remplacement, car c’est toujours suivre l’esprit de la loi du 25
ventôse an XI.
Quant à d’autres localités le nombre de notaires a été
dépassé. C’est un état préexistant, ; mais ce point mérite un examen plus
spécial que celui que je viens de mentionner. Je pourrai examiner la question à
l’égard de ce dernier cas, mais si on ne peut pas venir à la discussion d’un
nouveau projet sur le notariat, dont on a également demandé la mise à l’ordre
du jour, je crois que je pourrai pourvoir au remplacement de ceux qui sont dans
la première des catégories dont je me suis occupé. Je crois pouvoir borner là
mes observations sur les difficultés soulevées par l’honorable membre.
M. de Brouckere – L’honorable ministre de la justice vient de traiter
plusieurs questions, et il en a tranché une qui mérite un examen plus
approfondi que celui auquel il s’est livré. Selon le ministre, il y a
aujourd’hui plus de notaires que ne le permet la loi du 25 ventôse, et il croit
pouvoir perpétuer cet état de choses. C’est une question des plus graves, et
c’est parce que je n’entends pas adhérer à cette opinion que j’ai pris la
parole ; cependant je ne veux pas la combattre non plus, la question
n’étant pas à l’ordre du jour. Le silence de la chambre pouvant être pris pour
un assentiment, je tenais à dire que je ne donnais pas le mien.
M. le ministre de la justice (M. Raikem) – J’ai fait une distinction à l’égard des cantons qui avaient
reçu une augmentation d’étendue de ressort, et où, par suite de cette étendue
de ressort, le nombre des notaires était augmenté par canton, dans qu’il y ait,
en réalité, augmentation du nombre des notaires existants ; à cet égard,
on a suivi un ordre de choses préexistant, établi en vertu de la loi du 25
ventôse an XI. J’ai dit qu’à l’égard de ces notaires, on pourrait suivre l’état
de choses préexistant et continuer à exécuter la loi dans le sens que j’ai
indiqué. Mais, d’un autre côté, j’ai dit qu’il y avait lieu à un examen plus
approfondi à l’égard des localités, où il n’a été introduit aucun changement
dans l’étendue du ressort. Cependant le gouvernement, sans augmenter le nombre
des notaires, a pu continuer à suivre l’état de choses établi depuis lors, et à
faire les nominations au fut et à mesure des vacatures.
M. de Brouckere – J’avais très bien compris
la distinction que vient de répéter M. le ministre de la justice. Mais, selon
moi, la première question qu’il tranche mérite un examen aussi approfondi que
la seconde. Sur cette première question, je déclare que je ne puis adhérer à
son opinion.
M. F. de Mérode – Il est cependant nécessaire qu’on pourvoie aux services
publics. Si M. le ministre de la justice trouve un moyen de mettre le nombre
des notaires au niveau des besoins, il doit en faire usage. On parle sans cesse
de lois dans cette enceinte, mais ces lois ne peuvent être faites à la fois, et
je suis persuadé que nous ne pourrons, dans cette session, nous occuper de la
loi relative aux notaires.
Je n’ai qu’un mot à ajouter relativement à une petite
loi que j’ai présentée, d’accord avec mon honorable collègue, M. d’Hoffschmidt.
Cette proposition est urgente et n’est pas de nature à entraîner de longues
discussions. Je demanderai que M. le président la fasse examiner dans les
sections et qu’au premier moment libre elle soit discutée dans la chambre.
- M. le président invite MM. les présidents des
sections à les convoquer pour qu’elles s’occupent du projet indiqué par M F. de
Mérode.
M. le ministre de la justice (M. Raikem) – J’ai exposé quel est mon système, en présentant une
distinction ; et en énonçant mon avis à la chambre, je l’ai fondé sur ce
qu’en maintenant ce qui a existé en vertu de la loi du 25 ventôse an XI, on ne
fera que continuer l’exécution de cette loi.
Si l’on admettait le doute élevé par l’honorable
député de Bruxelles, il s’ensuivrait que, dans certaines villes, on ne pourrait
nommer qu’un nombre de notaires très restreint. Dans certaines villes, on a
réuni plusieurs justices de paix, on a investi un juge de paix du droit de
connaître des affaires de deux cantons. On devrait donc restreindre le nombre
des notaires et le réduire de moitié. Ainsi, l’on diminuerait encore le nombre
de notaires si l’on n’exécute pas la loi du 25 ventôse dans le sens et de la
manière que j’ai indiquée. Et c’est de cette manière que je continuerai
d’exécuter la loi.
Je ne crois pas qu’on doive s’arrêter à un simple
doute émis dans cette chambre. Vous concevez aisément que s’il en était ainsi,
si sur un doute de cette nature un ministre ne pouvait agir, il serait
impossible d’exécuter la loi et de marcher dans l’administration.
M. de Brouckere – Jamais il ne m’est entré dans la tête d’empêcher M. le
ministre de marcher. Qu’il marche, personne ne l’en empêche. J’ai seulement dit
qu’il avait tranché légèrement une question qui devait être examinée, et tant
que je ne l’aurai pas examinée, je ne pouvais adhérer à la solution qu’il en
avait donnée. Du reste, qu’il marche. Ma conclusion tend simplement à ce qu’on
mette en discussion le projet de loi relatif aux notaires que l’on chercher
toujours à ajourner, et que l’on devrait discuter immédiatement.
M.
le ministre de la justice (M. Raikem) – L’honorable préopinant dit que j’ai décidé la question trop
légèrement ; je puis dire à cet égard que même avant mon entrée au
ministère, j’avais fait une étude approfondie de cette question. Je n’ai fait
qu’indiquer sommairement à la chambre le résultat de l'étude que j’ai faire et
l’opinion qui en est résultée. J’espère que le préopinant me permettra d’avoir
une opinion aussi bien que lui.
M. de Brouckere – Je n’ai pas d’opinion à cet égard, je n’ai émis qu’un doute.
M.
le ministre de la justice (M. Raikem) – Mais alors pourquoi le préopinant a-t-il avancé que j’avais
tranché la question bien légèrement, si ce n’est parce que je n’ai pas énoncé
très longuement mon opinion ? Je ne sais pas si la légèreté d’une opinion
dépend de la brièveté de ses motifs et si la profondeur d’une opinion dépend de
la longueur du discours dans lequel on la développe.
Quant à moi je suis persuadé que, dans l’opinion que
j’ai émise, la chambre n’aura vu ni de la légèreté ni un ton tranchant qui n’a
jamais été dans mes habitudes.
M. le président – Par suite de la proposition de M. de Puydt, la chambre a
maintenant à décider quel rang elle veut donner dans son ordre du jour au
projet de loi relatif aux légionnaires.
M. Dubus (aîné) – J’insiste pour qu’après les objets à l’ordre du jour la
chambre mette les lois sur la compétence civile et sur le duel.
M. le président – Cela est réglé.
M.
Dubus (aîné) – Je ferai remarquer que la
première de ces lois est la plus urgente, car d’elle dépendent d’autres lois.
Il faut que cette loi soit faite pour que l’on s’occupe de la circonscription
cantonale ; il faut que la circonscription cantonale soit réglée pour qu’en
exécution de la loi sur l’organisation judiciaire, on puisse donner
l’institution royale et l’inamovibilité aux juges de paix, car, dans l’état
présent, nous manquons encore de la garantie constitutionnelle.
M.
de Puydt – Je demanderai simplement
que le projet de loi relatif aux légionnaires soit mis à l’ordre du jour, la
chambre fixera ultérieurement l’ordre de la discussion.
M.
Demonceau – Je demande que le bureau
fasse distribuer aux nouveaux membres de la chambre les rapports relatifs à la
compétence civile et au duel.
M. le président – J’ai demandé que la chambre fixât son ordre du jour afin que
le bureau pût faire compléter les impressions de la chambre si elles ne sont pas
en nombre suffisant pour être distribuées aux nouveaux membres.
- La proposition de M. de Puydt est mise aux voix et
adoptée ; en conséquence le projet de loi relatif aux légionnaires est mis
à l’ordre du jour.
PROJET DE LOI TENDANT A AUTORISER
Discussion
générale
M. le président – La discussion est ouverte sur l’ensemble du projet de loi.
La parole est à M. Donny.
M. Donny – Le but de la loi est
excellent ; ce but est triple : on veut favoriser le commerce des
céréales ; on veut favoriser en même temps la fabrication de la
farine ; on veut enfin donner plus de développement à nos relations avec
les contrées tropicales, plus de facilités à l’exportation de nos
produits ; en d’autres termes, on veut donner plus d’activité au commerce
direct. Ce dernier but est, à mes yeux, le plus important de ceux auxquels la
loi veut atteindre, c’est le seul dont je vais vous entretenir.
Quand on fait tant que de proposer une mesure
législative pour établir un commerce direct entre
Pour qu’il en soit ainsi, il faut nécessairement deux
choses : il faut que la marine belge puisse exporter avec avantage les
produits du pays ; il faut ensuite qu’elle puisse importer avec bénéfice
les produits des tropiques dans nos ports. Si l’une et l’autre de ces
conditions manque, il est impossible de lutter contre la marine étrangère,
parce que celle-ci jouit du double avantage des importations et des
exportations.
La loi qui nous est soumise tend à remplir la première
de ces conditions, l’exportation de nos produit ; mais comment
emploiera-t-on la deuxième condition, l’importation,, avec bénéfice, des
tropiques dans nos ports ?
Le sucre de
Le sucre du Brésil présente moins d’avantages
pour l’importation que le sucre de
Le café serait encore un article extrêmement utile, pour former les cargaisons de retour de notre marine, si l’importation de ce café, sous le pavillon belge, était protégée par des droits différentiels, ; mais comme il n’en est pas ainsi, il est à croire qu’après le vote de la loi comme avant, Rotterdam continuera à nous expédier du café, qu’avec l’existence d’un droit différentiel nous irions nous-mêmes chercher au Brésil.
Je crains donc, messieurs, que la loi ne produira pas, pour notre navigation nationale, les bons effets qu’elle aurait pu produire avec un autre système. Malgré cela, je voterai en faveur du projet.
M. Van Cutsem
– Messieurs, je ne puis donner mon assentiment au projet de loi que le
gouvernement nous présente pour obtenir la libre exportation des farines
provenant de grains étrangers, parce que, de la manière dont il est conçu, il
ma paraît de nature à nuire aux intérêts généraux de l’agriculture et aux
intérêts particuliers des meuniers et des fabricants de farine de
Le projet de loi rend la fraude
facile, ai-je dit, en même temps qu’il n’est ni juste ni équitable ; en
effet, il n’y est pas dit quelle espèce de grains on prendra en entrepôt pour
faire, de la farine blutée pour l’exportation, et cette énonciation était indispensable.
Et vous le comprendrez facilement comme moi, messieurs, quand vous saurez que
les blés d’Italie, de Naples, des Deux-Siciles, de
D’après ceci, il me paraît évident, messieurs, que le gouvernement, avant de présenter son projet de loi, aurait dû faire fier par une commission d’hommes expérimentés dans la matière des grains le rendement des différents grains, pour classer dans son projet de loi ces mêmes rendements à peu près de la manière suivante : 1° rendement de la mouture de grains tendres non étuvés ; 2° de la mouture de grains étuvés ; 3° de la mouture des grains durs de leur essence ; 4° de la mouture des grains non étuvés, mais dont les farines sont étuvées.
Si le projet de loi déterminait ces
différentes catégories de grains, il serait peut-être possible d’empêcher la
fraude tout en étant juste et équitable ; si au contraire on néglige
d’introduire dans la loi la distinction que je voudrais y voir, le commerce des
grains et de farines de
Le pays sera encombré de son, parce que cet objet est de trop peu de valeur pour supporter des frais de transport ; on encombrera le pays de résidus, qui, après avoir payé les droits, seront encore à plus bas prix que les résidus indigènes, puisqu’ils seront le produit de blé de moindre prix que les nôtres, et les fermiers belges, déjà encombrés de résidus dont ils ne savent que faire, seront forcés de fermer leurs usines.
D’après la loi céréale, du 31
juillet 1834, le son paye 15 francs les
Pour rétablir l’équilibre, il
faudrait que le droit sur le son provenant de la mouture de blés en entrepôt
fût porté de 1 franc 75 à 2 francs les
Le projet de loi aurait dû encore, pour empêcher le mélange de matières hétérogènes ou de farines provenant d’autres grains à celles déclarées à l’exportation, dire que les grains à exporter devaient être conformes à des échantillons à déposer à l’entrepôt, échantillons qui seraient comparés aux farines à exporter par des experts entendus.
Vous voyez, messieurs, que le projet de loi tel qu’il vous est proposé nuira à nos industries, à notre agriculture, et qu’il ouvre une large porté à la fraude ; il me reste à présent à vous démontrer encore qu’il ne sera pas même utile au commerce maritime, car il est bien évident que si ce commerce réclame les exportations de nos fabricats et de nos produits, il ne demande que les exportations qui peuvent lui donner du bénéfice ; pour les autres, il n’en a que faire.
Ce transport de farines ne sera pas utile à notre commerce maritime, parce qu’il est impossible que notre commerce d’Anvers lutte pour l’exportation de ces produits avec l’Amérique du nord, qui connaît toujours avant nous, et qui peut fournir avant nous aux besoins des colonies qui consomment les farines que nous voulons y importer. S’il en est ainsi, il est évident que nous ne vendrons nos produits qu’avec perte dans les pays d’outre-mer, et qu’il ne nous restera plus que l’approvisionnement de l’Espagne et du Portugal, en concurrence avec l’Angleterre, lorsque ces pays manqueront de grains.
Que l’industrie pour laquelle on vous propose une loi s’organise en Belgique, lorsqu’elle aura fait des pertes sur ses exportations d’Amérique, et qu’elle n’aura plus qu’à approvisionner l’Espagne et le Portugal, elle fera des efforts pour prolonger son existence, et elle ne vivra alors qu’en exportant ou en important des grains en Belgique ou hors de Belgique d’après les mercuriales.
Le gouvernement, en autorisant
l’établissement des sociétés anonymes, pour exercer l’industrie à la mouture
des grains, a fait une grande faute d’après moi, il a cru, parce que
l’Angleterre a de pareils établissements, que
La faute est faite ; on veut l’atténuer, en vous proposant une loi qui soutiendra pendant quelque temps des établissements qui ne peuvent échapper à une ruine certaine pour les motifs que je viens d’énoncer, pour moi, je crois ne pas pouvoir prêter mon concours à une pareille loi, parce que, à la perte déjà faite par les actionnaires, je donnerais des moyens de l’augmenter encore à l’avenir et de la faire partager par une partie du commerce ; c’est ce que je veux éviter et c’est pour ce motif que je voterai contre la loi.
M. Eloy de Burdinne – Messieurs, la loi qui vous est préposée ne viendrait-elle pas paralyser les effets bienveillants de la loi sur les céréales du 31 juillet 1834 ?
C’est ce que nous avons à examiner.
Dans mon opinion comme dans celle de presque toutes les commissions d’agriculture, et de plusieurs chambres de commerce du royaume, si la loi est adoptée telle qu’elle nous est soumise, c’est le retrait de la loi de 1834, qui a été conçue et provoquée autant dans l’intérêt du consommateur que dans celui du producteur, je dirai plus, dont les effets ont pour résultat d’être toujours à l’avantage de l’industrie, du commerce et du trésor, tandis qu’elle n’est avantageuse à l’agriculture que lorsque les céréales sont à bas prix.
Je m’abstiendrai, pour le moment, de
vous démontrer l’exactitude ce que j’avance ici ; chacun de vous sait que,
quand les agriculteurs sont dans un état d’aisance, ils consomment les produits
de l’industrie, et que, lorsqu’ils sont dans la gêne, ils ne consomment presque
rien. Alors, il en résulte gêne dans l’industrie qui fabrique pour la
consommation intérieure, ainsi qu’au commerce ;
La loi du 31 juillet 1834 n’est pas sans quelques inconvénients et ce n’est pas mon fait. Je crois que ce qui gêne le commerce, c’est la prohibition qui y fut introduite contre le gré de son auteur.
Une échelle graduée comme la loi française l’établit aurait été plus favorable au commerce et à l’industrie.
Si, comme je le crois, la moitié de la nation est intéressée à la prospérité de l'agriculture, elle doit mériter, et elle a droit à notre sollicitude. Un devoir nous est imposé et nous le remplirons ; nous examinerons attentivement si, en favorisant une industrie qui cherche à s’implanter en Belgique, nous ne nuisons pas à l’agriculture, source de toute prospérité de notre pays, en un mot comme en cent, si nous ne nuisons pas aux trois quarts de la population pour favoriser tout au plus le quatrième quart, résultat qui doit être le fruit de la loi sur les farines d’après l’opinion des commissions d’agriculture et de plusieurs chambres de commerce du royaume, comme on peut le voir dans leurs rapports mis à notre disposition. Si je devais vous donner la preuve de ce que j’avance ici, je devrais employer un temps trop long et qui excéderait les bornes d’un discours ; je me bornerai à vous faire remarquer que le salaire du cultivateur comme celui de l’ouvrier d’agriculture (là où il est payé en nature) est proportionné au prix des grains.
Je vous ferai aussi remarquer que le prix assez élevé des céréales est le résultat d’un déficit dans les récoltes de 1837, 1838 et 1839, et que les cultivateurs auraient eu plus de produits en obtenant une récolte ordinaire et en vendant ses grains, taux moyen à 15 francs, qu’en les vendant à 20 francs, aussi taux moyen, en ne récoltant que 2 tiers de récolte, comme cela a eu lieu presque généralement en Belgique en 1838 et 1839.
Si, dans l’intérêt de la cause que je défends, il est nécessaire de vous démontrer par des chiffres ce que je viens de vous avancer, je le ferai.
Messieurs, la question qui nous est soumise mérite, selon moi, toute notre attention ; plus on l’étudie et plus on en reconnaît les dangers, tant pour le pays que dans l’intérêt des industriels, qui se proposent de se livrer à cette industrie. A la vérité, la loi qui nous est proposée n’est qu’une loi d’essai, puisqu’elle doit n’avoir vie que pour un an, si elle n’est pas prorogée par la législature.
Ne perdons pas de vue, messieurs,
que
Dans ces localités, l’hectolitre de
froment ne revient pas à neuf francs, tandis qu’en Belgique il revient au
producteur à plus de treize francs, pouvant se procurer le grain à meilleur
compte que nos industriels en farine ; il en résultera que nous ne
pourrons soutenir la concurrence avec ces nations, et vous savez sans doute
aussi bien que moi que
Je viens de dire qu’en Russie ce genre d’industrie y est établi.
Voici ce qui en démontre la preuve :
On mande de Saint-Pétersbourg le 3 octobre 1839.
Le ministre des finances publie une ordonnance par laquelle S.M. l’empereur accorde pendant un espace de 7 ans, non seulement l’exportation libre d’impôt de la farine de froment et du biscuit de la farine de froment ; mais encore une prime d’exportation sur ces articles, qui sera, pour les 4 premières années, de 30 copecks d’argent ; pour la cinquième de 20, pour la sixième de 15, et pour la septième de 10 copecks d’argent par tonneau, du poids de 5 à 6 puds. Je crois que cette ordonnance doit donner matière à réflexion ; évitons, surtout en votant cette loi, que l’on ne vienne, et cela dans un temps bien rapproché nous demander des encouragements en faveur des fariniers à l’américaine, ou que le gouvernement procure des débouchés pour le placement du trop plein.
Messieurs, j’aborderai la question sur un autre terrain, et je vous dirai que j’ai pour opinion que toute industrie (morale bien entendu) doit être protégée, mais que nulle ne doit l’être au préjudice de l’autre, à moins qu’elle ne soit considérée comme étant d’un intérêt plus général.
Pour vous démontrer que mes actes correspondent à mes paroles, et malgré les dangers que je prévois pour l’industrie agricole, en admettant la loi sur les farines, même après y avoir introduit les modifications que je crois devoir réclamer, je déclare que j’y donnerai mon assentiment si les modifications que je vais proposer obtiennent l’assentiment de la chambre.
Pour activer la solution de cette question, je commencerai par vous soumettre un amendement qui, selon moi, doit satisfaire les partisans de l’industrie des farines à l’américaine.
J’ai dit que j’y donnerai mon assentiment, pour autant cependant qu’on introduise dans la loi quelques dispositions nouvelles qui soient de nature à donner l’espoir que la fraude sera fort difficile. La rendre impossible n’est pas dans le pouvoir humain, comme le fit très bien observer la grande partie des chambres de commerce et des commissions d’agriculture qui ont été consultées sur ce projet de loi.
Da mihi legem, dabo tibi fraudem, dit un vieux proverbe. Lorsque nous serons aux articles, je proposerai de faire quelques ajoutes.
Voici mon amendement :
Je voudrais qu’à la suite de l’article 4 il soit ajouté la phrase suivante : lorsque le prix de l’hectolitre de froment sera coté à 24 francs et au-dessus.
Quand le prix du froment est à 4
francs, je ne vois pas d’inconvénient de voir laisser dans le pays 22 p.c., en
d’autres termes, je crois qu’on peut autoriser la sortie de
Il est reconnu que 100 hectolitres
de froment germé ne contiennent pas la matière nutritive que renferment 70
hectolitres de froment non germé. Lorsque le froment est coté de 20 à 24
francs, au terme de la loi du 31 juillet 1824, les grains et farines étant
libres à l’entrée et à la sortie, je ne crois pas qu’il soit nécessaire de
prendre des mesures en semblable circonstance. Mais lorsque le prix du froment
est coté en dessous de 20 francs l’hectolitre, aux termes de la loi précitée,
En adoptant l’article 4 tel qu’il
nous est présenté, qui accorde sur
Si on ne modifie pas l’article 4, il
en résultera un déficit de 36 francs 50 centimes, par
On nous assure que de
D’ailleurs, il y a un autre moyen, et que je considère comme juste et très équitable, s’il ne veut pas réintroduire en entrepôt la quantité exigée alors qu’il paie l’impôt voulu par la loi sur le déficit ; on ne peut s’en dispenser sans être taxé d’accorder un privilège aux commerçants de farines à l’américaine. Si vous accordez cette faveur à une industrie, vous finirez par l’accorder aux autres, et il en résultera le retrait de la loi du 31 juillet 1834 sur les céréales, et pour mon compte, j’ai la certitude que le projet de loi qui vous est soumis aura ce résultat.
Je ferai remarquer que, par mon amendement, j’évite qu’il reste de la grosse farine en Belgique en franchise de droit, quand les grains sont à bas prix, et cela au détriment du trésor et de l’agriculture ; que je laisse une libre circulation à ces farines quand le grain est au taux de libre entrée et de sortie, et que, dans l’intérêt du consommateur lorsque le grain est à un taux élevé, il en restera 20 p.c. environ en Belgique en franchise de droit.
En un mot, messieurs, je voudrais que la loi sur les farines fût en rapport avec la loi du 31 juillet 1834. S’il en est autrement, messieurs, la loi qui vous est soumise est le retrait de la législation sur les céréales à laquelle le consommateur belge doit l’avantage d’avoir mangé le pain à meilleur compte qu’on ne l’a mangé en Angleterre et en France depuis 18 mois environ.
Si mon amendement était adopté, on concilierait autant qu’il est moralement possible les intérêts de l'industrie avec ceux de l’agriculture et du trésor.
Je dois aussi faire remarquer que ma proposition est d’accord avec ce que demande la chambre de commerce d’Anvers, qui propose que, pour l’excédant restant dans le pays, il soit payé un droit proportionnel de douanes seulement aux termes de la loi du 31 juillet 1834, cette loi protectrice de l’agriculture, à la vérité, mais bien modérée, si on la compare à la loi française, comme je vais vous le démontrer, qui ne serait plus qu’un simulacre de protection, si vous adoptez la loi qui vous est soumise et dont les effets sont suspendus par les dispositions que vous avez prises l’année dernière et au commencement de cette session : modifications qui n’ont pas été apportées à la loi française par la législature de France, quoique le prix du blé soit plus élevé qu’en Belgique.
On nous parle souvent des encouragements accordés en Belgique en faveur de l’agriculture ; je vais vous mettre à même de juger combien peu l’agriculture est encouragée en Belgique, comparativement à ce qu’on fait en sa faveur en France.
Je vais vous donner lecture d’un tableau comparatif du droit d’entrée sur les céréales en France et en Belgique
Etat comparatif du tarif des douanes belges avec le tarif français
(par ligne, successivement ; prix du froment par hectolitre ; tarif belge, droit d’entrée ; tarif français, droit d’entrée par navire étranger ; tarif français, droit d’entrée par navire français :
12 francs : fr. 6 00 ; fr. 18 00 ; fr 16 78
13 francs : fr. 6 00 ; fr. 16 50 ; fr. 15 25
14 francs : fr. 6 00 ; fr. 15 00 ; fr. 13 75
15 francs : fr. 3 00 ; fr. 13 50 ; fr. 12 25
16 francs : fr. 3 00 ; fr. 12 00 ; fr. 10 75
17 francs : fr. 3 00 ; fr. 10 50 ; fr. 9 25
18 francs : fr. 3 00 ; fr. 9 00 ; fr. 7 75
19 francs : fr. 3 00 ; fr. 7 50 ; fr. 6 25
20 francs : libre à l’entrée ; fr. 6 00 ; fr. 4 75
21 francs : idem ; fr. 4 50 ; fr. 3 25
22 francs : idem ; fr. 3 50 ; fr. 2 25
23 francs : idem ; fr. 2 50 ; fr. 1 25
24 francs : libre à l’entrée et prohibé à la sortie ; ; fr 0 25.
N.B. L’hectolitre de froment coté à 24 francs en France peut entrer en payant 25 centimes de droit ; il peut sortir en payant un droit de 4 francs.
M. Mast de Vries – Messieurs, parmi les projets qui sont soumis à la chambre, il en est peu, je pense, qui aient subi un examen plus rigoureux que celui dont nous nous occupons en ce moment. Le gouvernement a voulu s’entourer de toutes les lumières, et pour cela il s’est adressé, à la fin de 1837, aux commissions d’agriculture et aux chambres de commerce pour les consulter sur un projet dont je vais vous faire connaître quelques dispositions que je ne retrouve plus dans le projet actuel.
D’abord le projet soumis aux
commissions d’agriculture et aux chambres de commerce exigeait que l’on
réintégrât dans les entrepôts
Dans le premier projet, le terme
fixé pour la réintégration des
Quelques chambres de commerce avaient demandé que le son fût imposé comme le serait le grain à l’entrée dans le pays ; c’est probablement pour satisfaire à cette observation que le gouvernement a fixé le rendement à 78 p.c.
Eh bien, messieurs, malgré ces observations qu’elles faisaient contre le projet primitif du gouvernement, la grande majorité des commissions d’agriculture et des chambres de commerce n’en ont pas moins approuvé le projet, parce qu’elles le considéraient comme éminemment utile au pays. Sur huit commissions d’agriculture, quatre ont approuvé le projet, mais parmi les quatre qui ont émis un avis défavorable, il en est deux qui n’ont émis un semblable avis que parce qu’elles croyaient qu’il s’agissait de restituer les droits.
Sur 13 chambres de commerce, 10 ont approuvé le projet, et parmi les 3 qui ont voté dans un autre sens, il y en avait une encore qui croyait que le gouvernement voulait faire la restitution du droit.
Ainsi, messieurs, sur 21 avis, il n’y en a eu que 7 qui fussent favorables au projet primitif, et dans ces 7, il y en a 3 qui ne sont défavorables que parce que les corps qui les ont émis avaient mal saisi le sens du projet, de sorte que l’on peut dire que, sur les 21 commissions d’agriculture et chambres de commerce qui ont été consultées, 17 sont favorables au projet qui leur a été soumis et qui fixait le rendement à 75 p.c. en accordant un délai de six mois pour réintégrer ce rendement dans les entrepôts.
Pour comprendre toute l’importance
du projet sous un autre rapport, il faut remarquer, messieurs, que
Nous avons, messieurs, trois établissements qui font de la farine ; si ces trois établissements peuvent prendre l’essor que nous devons désirer de leur voir prendre, ils pourront fournir annuellement la cargaison d’encombrement de cent à cent cinquante navires de deux cents tonneaux. J’entends toujours parler de droits différentiels pour favoriser notre navigation.
Eh bien, messieurs, ce qu’il faut faire avant tout pour notre navigation, c’est de lui procurer des chargements, car sans cela les navires belges qui voudraient aller dans les ports lointains auraient des frais doubles ; les marchandises qu’ils nous amèneraient devraient supporter les frais de venue et les frais de retour. Je n’hésite pas à dire, messieurs, que l’adoption de la loi donnant aux navires belges 150 charges par an, ce serait le plus grand avantage que vous puissiez procurer à notre navigation. On a semblé croire, messieurs, que le projet serait défavorable à l’agriculture ; je ne puis nullement partager cette manière de voir. Je pense, au contraire, que le projet aura de bons effets pour les intérêts agricoles du pays, et en cela, je suis d’accord, je puis le dire, avec la majorité des commissions d’agriculture. Voici, en effet, le résumé que M. le ministre nous a donné des avis de ces commissions.
La commission d’agriculture d’Anvers
est favorable au projet ; celle du Brabant est défavorable au projet, parce
qu’elle croit qu’il s’agit de la restitution du droit d’entrée ; la
commission d’agriculture de
M. Eloy de Burdinne – C’est une erreur.
M. Mast de Vries – Mais, messieurs, voici ce que porte l’avis de la commission d’agriculture de Liége. (Ici, l’orateur lit un passage du résumé fourni par le ministère de l’intérieur sur l’avis de la commission d’agriculture, d’où il résulte qu’elle est favorable au projet.)
Les deux autres commissions d’agriculture son défavorables ; mais l’une d’elles a cru, comme celle du Brabant, qu’il s’agissait de restituer le droit.
Ainsi, messieurs, quatre commissions d’agriculture sont favorables au projet, deux sont défavorables, mais seulement parce qu’elles ont cru qu’il s’agissait de faire la restitution du droit, et il n’y en a que deux qui soient défavorables au projet en lui-même. Quant aux chambres de commerce, deux sont favorables au projet et trois seulement y sont contraires. Veuillez ne pas perdre de vue, messieurs, que ces avis ont été donnés dans la supposition que le rendement serait fixé à 75 pour cent, et qu’il serait accordé un délai de six mois pour le réintégrer dans les entrepôts, or, d’après le projet actuel le rendement sera de 78 et le délai ne sera que de deux mois.
Les considérations que je viens de faire valoir m’autoriseraient peut-être à soutenir que si le projet actuel était soumis aux commissions qui lui on été contraires, il recevrait leur assentiment, il y aurait ainsi unanimité pour son adoption.
Maintenant, messieurs, voici pourquoi je dis que le projet sera avantageux à l’agriculture. Je suppose qu’il vienne un moment où le grain se trouve dans les conditions où il se trouvait en 1833, lorsqu’il était à très bas prix. Eh bien, messieurs, si vous ne favorisez pas l’exportation des farines, il arriverait alors que vous n’auriez pas un seul débouché pour vos grains, tandis que si vous avez une industrie qui change les grains en farine, vous trouverez toujours à les exporter dans cet état ; le projet de loi tend donc à créer des débouchés pour les produits de notre agriculture elle-même. Je défendrai toujours les intérêts agricoles autant que l’honorable membre auquel je succède, mais je ne puis nullement partager sa manière de voir dans cette occasion.
Supposons maintenant, messieurs, que
les trois établissements qui font de la farine acquièrent une prospérité telle
qu’ils puissent consommer chacun 70,000 hectolitres de grain par an, ce serait
210,000 hectolitres pour les trois, soit
La reproduction dans l’entrepôt à
raison de 78 p.c., au vœu de la loi, et la déduction de 4 p.c. pour freinte et
élavage déduit, il resterait dans le pays environ
(Moniteur belge n°36 du 5 février 1840) M. de Foere – Messieurs, si l’un des membres du cabinet est dans l’intention de parler sur la question importante qui a été soulevée par l’honorable M. Donny, je désirerais qu’il parlât avant moi ; afin de ne pas prolonger inutilement la discussion, je me réserverais la tâche de lui répliquer.
M. le président – M. Donny n’a pas présenté d’amendement, il a déclaré qui voterait pour la loi.
M. de Foere – L’honorable membre a prouvé que le projet de loi n’atteindrait pas le but principal qu’on en attend. Si les motifs qu’il a allégués pour établir son opinion étaient attaqués, je me propose de les justifier et de les corroborer.
M. Donny – Messieurs, le but de mon discours a été de démontrer que la loi ne produirait pas l’effet utile qu’elle pourrait produire avec un autre système ; mais j’ai déclaré, en finissant, que toutefois, je voterais pour la loi.
M. de Foere – Messieurs, si le gouvernement et la section centrale rattachaient le projet de loi en discussion à un système commercial tout autre que celui que le ministère tend à imposer au pays, ce projet faciliterait beaucoup son industrie, son commerce et sa navigation.
Dans une session précédente, j’ai moi-même provoqué ce projet de loi ; mais c’était dans l’intention de le combiner avec le système de l'importation des provenances directes. Alors ce projet pourrait atteindre le but principal qui lui est assigné par l’exposé des motifs du gouvernement, et par le rapport de la section centrale. Tel qu’il nous est présenté, sans être lié avec la politique commerciale établie chez toutes les autres nations, le projet ne peut produire aucun des résultats dans l’extension dans laquelle les auteurs du projet nous font espérer. Si le projet de loi faisait partie d’une législation commerciale, qui tend au même but, il produirait le principal résultat qui lui est attribué, et les deux autres qui lui sont supposés, suivraient le premier dans la même proportion. Je vais tâcher de prouver l’une et l’autre assertion.
Le premier but, qui est le plus important, que le gouvernement et la section centrale attribuent au projet de loi, est celui d’encourager la navigation lointaine du pays, en lui fournissant un article d’encombrement destiné à faciliter la sortie de nos navires et à combiner ces cargaisons de sortie avec des opérations extérieures auxquelles le commerce maritime voudrait se livrer.
Il importe d’abord de bien comprendre ce que c’est qu’un article d’encombrement. Ce n’est pas une marchandise destinée à former une cargaison entière, ce n’est qu’un moyen de compléter un chargement. Lorsque vous envoyez dans une contrée lointaine un navire chargé d’objets provenant de l’industrie nationale, tels que verreries, draps, toiles, etc., et que la cargaison du navire n’est pas complète au moyen de ces objets, vous prenez un ou plusieurs articles d’encouragement pour charger le navire au complet et lui faire produire la totalité de son fret.
Il importe ensuite de remarquer que la navigation n’est pas praticable, si elle a seulement des cargaisons de sortie ; il lui faut encore des cargaisons de retour. Les faits commerciaux maritimes ont prouvé ce principe ; il est généralement admis dans tous les pays.
Eh bien, le gouvernement, tout en voulant protéger la sortie de nos navires par un article d’encombrement, établit le système des provenances indirectes qui met obstacle à leurs cargaisons de retour. Avec ce système, le commerce du pays ne peut combiner avec certitude, ni même avec probabilité de succès, des opérations commerciales régulières. Afin de mieux faire passer ma conviction dans vos esprits, permettez-moi, messieurs, que je vous donne la définition des importations de provenances directes, et ensuite celle des importations de provenances indirectes.
Les produits d’un pays importés par les navires du même pays dans un autre sont des provenances directes. Si la nation chez laquelle ces produits sont ainsi importés jouit de la même faculté à l’égard de l’autre, le système des provenances directes est établi réciproquement entre les deux pays. L’une nation doit néanmoins se conformer au tarif de douanes de l’autre, et vice versa.
C’est ainsi que, dans tous les traités de commerce et de navigation, le système d’importation des provenances directes est établi. C’est en ce sens qu’il est entendu dans les discours et les documents de tous les parlements, ainsi que dans les écrits des auteurs qui ont traité cette matière importante.
C’est ainsi que le principe
d’importation des provenances directes est établi dans les traités de commerce
entre
Le système des provenances directes établi sur le droit et sur le fait, m’amène à redresser une erreur grave dans laquelle l’honorable ministre de l'intérieur est tombé, dans une séance précédente, en répondant à l’honorable M. Dumortier.
M. le ministre, saisissant mieux aujourd’hui toute l’importance du système des provenances directes, a essayé, dans cette séance, de prouver que l’importation des provenances directes, avait fait chez nous des progrès remarquables. Il a produit des chiffres ; or ces chiffres s’appliquaient presque tous à des provenances indirectes. C’étaient des articles importés chez nous par des navires étrangers qui n’appartiennent pas aux pays d’où ces articles étaient importés dans nos ports. Pour démontrer mieux l’erreur du ministre, j’éclaircirai le fait par un exemple. Les navires américains quittent leurs ports avec un chargement de farines et d’autres articles qu’il importent dans le Brésil ; ils sortent des ports du Brésil avec une cargaison de café, de sucre ou de cuirs, qu’ils viennent déverser dans nos ports. Ce sont ces importations indirectes que l’honorable ministre a confondues avec des importations directes. Ces importations auraient été directes, si des navires du Brésil, conformément au traité de commerce et de navigation qui existe entre ce pays et le nôtre, avaient importé chez nous lesdits articles.
Nous pourrions, au besoin, prouver par des chiffres que les importations de provenance directe n’ont fait chez nous aucun progrès. Mais il serait inutile de produire ces chiffres, attendu que, par la faute du gouvernement, notre marine marchande n’a fait aucun progrès et que ce progrès aurait dû nécessairement précéder, comme moyen, le progrès de l’importation des provenances directes.
Le système des provenances indirectes est défini et appliqué en ce sens qu’un pays donne la faculté à tous les autres pays maritimes d’importer dans ses ports, non pas seulement les produits de leur propre sol et de leur propre industrie, mais même les produits de toutes les autres contrées du monde. Tel est le système des importations de provenance indirecte.
C’est ce déplorable système qui est
adopté chez nous et qui ne l’est nulle part ailleurs, ce système qui vous
empêche d’échanger fréquemment vos produits contre les produits étrangers, et
qui, par conséquent, s’oppose à leur exportation ; c’est encore ce système
auquel le ministère veut donner une extension beaucoup plus considérable ;
c’est ce système qui est ouvertement consacré par le traité de commerce et de
navigation avec
Voyons maintenant quels sont les résultats de ces deux systèmes. Voyons comment ils opèrent sur l’exportation de nos produits ou sur notre commerce d’échanges.
Le résultat est immense pour l’industrie et le commerce du pays, si vous consacrez le premier système, celui des provenances directes ; voici comment il opère par le développement des faits commerciaux mêmes.
L’Angleterre importe, chaque année et terme moyen, au Brésil pour 40,000,000 de cotonnades ; ses navires prennent au Brésil en échange, des sucres, des cafés, des cuirs, etc. Ils transportent ces articles, soit dans ses propres ports, soit dans les ports étrangers. Les Américains, de leur côté, importent au Brésil les produits de leur sol et de leur industrie, et viennent ensuite avec des cafés et d’autres articles approvisionner nos marchés.
Maintenant, de tous les côtés de la chambre, du côté du ministre, comme de celui de tous les députés, on demande sans cesse des débouchés pour notre industrie d’exportation. Or, si vous adoptiez le système de provenances directes, vous prendriez au Brésil une grande part dans l’importation des cotonnades anglaises, des farines américains et de tous articles que vous produisez concurremment avec toutes les nations industrielles. Ce système ne s’applique pas seulement au Brésil ; mais à tous les pays lointains qui, remarquez-le bien, sont les seuls débouchés nouveaux que vous puissiez encore ouvrir à votre industrie d’exportation. Alors les échanges commerciaux seraient possibles dans toute leur extension, parce que vous vous assureriez des cargaisons de sortie et de retour, sans lesquelles la navigation comme moyen indispensable du commerce extérieur est impraticable. Vous importeriez dans les pays lointains ce que ces pays ne produisent pas, et vous en rapporteriez, pour votre propre consommation, et pour votre propre commerce, les articles que vous, de votre côté, vous ne pouvez pas produire et dont vous éprouvez un besoin impérieux.
Avec le système des provenances indirectes, les échanges commerciaux, considérés comme commerce régulier et fréquent, sont impossibles.
La navigation étrangère, tout en exportant d’abord les produits de son industrie, vient déverser en masse dans vos ports et sur vos marchés les produits des contrées lointaines. Plus les autres nations industrielles et maritimes qui nous environnent trouvent des ports ouverts pour leurs importations indirectes plus aussi ils y trouvent de moyens d’exporter les articles de leur propre industrie, parce qu’elles ont toujours des cargaisons de sortie et de retour. Or, lorsque nos entrepôts et nos marchés sont abondamment approvisionnés par le commerce et la navigation de l’étranger, quelle marge reste-t-il à nos négociations pour s’assurer un bon placement de leurs cargaisons de retour ? C’est la raison pour laquelle, comme je ne cesse de vous le répéter, vous n’aurez jamais d’exportation régulière et fréquente de vos produits.
Messieurs, les pays lointains sont les seuls débouchés que vous avez ; vous ne pouvez pas compter sur un placement de vos articles sur les marchés du continent, sur les marchés des pays voisins. Vous avez beau contracter des traités de réciprocité, des traités de commerce et de navigation, vous n’en tirerez aucun avantage, car vous avez, à côté de ces traités les tarifs de douanes qui sont prohibitifs par les termes, ou prohibitifs par les droits.
Les nations qui nous avoisinent ne prennent chez nous que les articles dont elles éprouvent un besoin indispensable. Les seuls débouchés que vous puissiez encore ouvrir sont donc la consommation des populations lointaines chez qui vous pourrez non seulement importer vos farines, mais encore les autres articles de votre industrie.
Il est donc évident que toute votre industrie est directement intéressée à l’établissement du système d’importation de provenances directes comme seul moyen d’opérer des échanges commerciaux.
Le système du transit que vous prétendez ériger en base du système commercial du pays et auquel vous rattachez, comme moyen d’atteindre ce but, le système des provenances indirectes, ne peut être avantageux au pays. Il n’est profitable qu’à la seule localité d’Anvers où il put produire les misérables bénéfices de la commission et quelques autres, de peu d’importance, qui s’y rattachent.
Au surplus, messieurs, veuillez remarquer que, si vous établissez le système de provenances directes, ce système ne peut être en rien nuisible au commerce de transit de ce pays. La raison est que les provenances directes importées pour la consommation intérieure n’empêchent pas la navigation étrangère d’arriver dans nos ports avec des marchandises à transiter. Ces marchandises ne paient d’autres droits que les droits de balance, d’entreposage, et le péage sur vos routes et sur le chemin de fer. Vous voyez que ces marchandises à transiter ne peuvent souffrir en rien du système de provenance directe. Mais le gouvernement veut que ces marchandises étrangères, importées en transit, puissent se replier sur la consommation intérieure et viennent lutter contre les produits de votre propre pays et de votre propre commerce, sur les marchés intérieurs. Ce système, comme je crois l’avoir prouvé, serait contraire aux véritables intérêts de votre industrie, de votre commerce extérieur et de votre navigation, qui est le moyen le plus puissant d’exporter au loin les produits de votre industrie. Cette dernière assertion est prouvée par le mouvement de vos ports. Presque tous les navires étrangers qui fréquentent vos ports partent sur lest.
On nous dit que la navigation du Nord, qui vous apporte des bois, exporte quelques articles du pays par leurs retours. Mais ces exportations minimes ne peuvent entrer en ligne de compte avec les grandes exportations que vous feriez avec un autres système de commerce. Il est vrai, la navigation du Nord nous prend quelquefois du savon, du sucre, des verreries, des poteries, mais en très petite quantité. Ce sont des approvisionnements de ménage. Elle charge aussi des tuiles et de briques. Examinez la somme de ces exportations, et vous verrez qu’elles se réduisent presque à rien. Ces navires d’une contenance d’environ 200 à 300 tonneaux ne prennent, en retournant chez eux qu’un chargement de 3 à 4 tonneaux.
Messieurs, afin de protéger l’exportation des produits du pays par des cargaisons de retour, l’Angleterre réserve à sa navigation l’importation exclusive, non pas d’un seul article d’encombrement, mais de vingt-huit qui sont énumérés dans ses lois. A l’exception des navires qui appartiennent aux ports dont ces articles sont la provenance ou aux ports où ils auraient été une première fois déchargés, c’est la navigation anglaise qui jouit du monopole de leur importation.
Tels sont les moyens par lesquels les pays étrangers favorisent l’exportation de leurs produits, en combinant les sorties avec les retours.
Je m’arrêterai pour le moment à ces considérations que j’ai présentées, pour prouver que le principal but du projet de loi ne peut être atteint.
Quant au deuxième but qui est attribué au projet de loi et qui est celui de ramener chez nous le commerce des céréales que la loi du 31 juillet 1834 avait éloigné du pays, ce but sera atteint bien moins encore ; car le commerce général des céréales ne peut consister dans l’importation de grains qui convertis en farines, seront réexportés. Au surplus, je vous ai déjà signalé les conditions restrictives auxquelles l’exportation des farines sera assujettie et comme article d’encombrement et comme liée au système des provenances indirectes.
En ce qui concerne le troisième but du projet de loi, il ne peut être obtenu non plus. Ce but consiste à donner, par le projet de loi, d’immenses développements à nos nouveaux établissements de farines. Les considérations que j’ai eu l’honneur de vous présenter, vous prouvent assez que l’exportation de nos farines subira les entraves que nous impose pour les retours de notre navigation le système de l'importation des produits de provenance indirecte. Les farines n’étant qu’un article d’encombrement, c’est une autre restriction que leur exportation doit rencontrer. Il est d’ailleurs impossible ou très difficile d’en former un article de cargaison complète ; le prix des grains sur nos marchés et sur les marchés étrangers, et celui des farines sur les marchés lointains, sont assujettis à des fluctuations trop fréquentes et trop fortes.
Messieurs, je crois avoir prouvé que le projet de loi ne produira pas les résultats que le gouvernement et la section centrale en attendent ; cependant je voterai pour le projet ; il ne fera aucun mal. Il est d’ailleurs possible que la chambre établisse le système des provennaces directes, et alors la loi produira des résultats très favorables.
- La séance est levée à 5 heures.