Accueil Séances plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Bibliographie et
liens Note d’intention
Séance précédente Séance suivante
Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 1 mai 1838
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment
lettre en relation avec le vote de l’adresse au Roi (Pirson)
2) Projet de loi relatif aux droits d’entrée sur
les bois (F. de Mérode, de Langhe,
Desmanet de Biesme, Pirmez, F. de Mérode, Desmet, Mercier, Pirmez, Desmanet de Biesme, Mercier, Desmet, Mercier, F. de Mérode, Brabant, Angillis, d’Huart, de Langhe, Desmet, Andries, Dumortier, Dubus (aîné), Mercier, Dumortier, Pirmez, Dubus (aîné), Gendebien, d’Huart, de Langhe, Andries, Brabant, Andries)
3) Projet de loi portant un crédit
supplémentaire pour créances arriérées au budget du département des travaux
publics (Nothomb)
(Moniteur belge, n°132, du 2 mai 1838)
(Présidence
de M. Raikem.)
M.
de Renesse fait l’appel nominal à une heure.
M.
Kervyn lit le procès-verbal de la séance précédente ; la
rédaction en est adoptée.
M.
de Renesse fait connaître l’analyse de la pièce suivante
adressée à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Les
conseils communaux et un grand nombre d’habitants des communes de Kehlen, Bertrange
et Mamers, protestent contre tout morcellement du territoire dans le traité à
intervenir avec la Hollande. »
-
Renvoyé à la commission des pétitions.
________________
M. Eloy de Burdinne écrit à la chambre pour
demander un congé.
-
Accordé.
________________
M. Pirson
adresse la lettre suivante à la chambre :
« Messieurs
les président et membres de la chambre des représentants.
«
Messieurs,
« La
nouvelle d’un attentat à l’honneur national est arrivée comme une bombe à la
séance de samedi 28 de ce mois. A cette occasion il a été proposé un projet
d’adresse au Roi, dont le but est la manifestation des sentiments qu’éprouve la
chambre d’après les bruits qui annoncent la reprise prochaine des négociations
relatives à notre séparation de la Hollande.
« Nous
ne voulons plus du traité des 24 articles, en ce qui concerne, entre autres
choses, l’abandon d’une partie du territoire belge, dont les habitants ont
conquis avec nous l’intégrité.
«
C’est aujourd’hui que cette nouvelle me parvient, c’est aujourd’hui que vous
adopterez cette adresse à l’unanimité, et je ne pourrai arriver à temps ! Vous
apprécierez tous mes regrets : vous vous rappellerez, j’espère, l’énergie toute
particulière avec laquelle je me suis opposé à l’acceptation des 24 articles.
Mes principes ne sont point changés. Je consens d’avance à tous les sacrifices
pour en assurer le triomphe.
« J’ai
été retenu ici par suite d’un dérangement de plusieurs jours, et puis la
régence de Dinant est maintenant occupée de travaux, pour lesquels elle a
réclamé ma présence. Je ne tarderai point à me rendre à mon poste à la chambre.
« Recevez,
je vous prie. l’assurance des sentiments affectueux de votre collègue.
« Pirson. »
Discussion générale
M. F. de Mérode. - Messieurs, je suis venu plaider encore en
faveur du trésor public, selon mon habitude, parce qu’on voudrait toujours beaucoup
lui demander et très peu lui fournir, ce qui est impossible. Dans une de vos
dernières séances on vous a réclamé une forte augmentation de personnel aux
tribunaux de première instance. Probablement on a l’intention de payer aussi
ces juges nouveaux, et ce ne sera certes point par souscriptions volontaires.
On a voté récemment une loi sur les pensions militaires, on vient d’accorder
les pensions des ecclésiastiques qui ont droit à la retraite ; il est inutile
de répéter qu’on ne paye qu’avec les revenus de l’Etat, les charges de l’Etat.
Et cependant, lorsqu’il existe des moyens faciles d’alimenter le trésor
national sans formes vexatoires, on les néglige tantôt sous un prétexte, tantôt
sous un autre. J’ai proposé d’appliquer le droit très modéré de 6 p. c. au bois
de toute nature venant de l’étranger et servant aux constructions civiles ; on
oppose à cette demande que je fais dans l’intérêt de nos finances, qu’il faut
encourager les constructions. Or. messieurs, est-il bien vrai que la bâtisse
soit en souffrance chez nous ? Au contraire elle est en grande activité, et
j’ose dire hardiment qu’un droit de 6 p. c. sur les bois venant de l’étranger,
ne peut la ralentir. Ce droit ne sera point un aliment pour la contrebande et
ne tourmentera personne. Je conviens qu’il serait plus commode de ne pas le
payer, mais le contribuable pauvre sur lequel le percepteur exerce le droit de
contrainte, est plus à ménager encore que celui qui achète librement une
marchandise un vingtième de plus que sa valeur intrinsèque. Si vous voulez
encourager les constructions, vous pourriez supprimer le droit de barrières
pour les matériaux destinés à la bâtisse, supprimer les droits de navigation
pour les bateaux transportant la chaux de Tournay, rembourser aux constructeurs
de maisons, la valeur de l’impôt payé par les bois indigènes. Vous prendriez là
des mesures non moins favorables à ses intérêts et plus nationales que la
dispense de solder un droit modique sur un produit étranger ; veuillez ne pas
oublier qu’en France et en Angleterre on retire d’immense revenus pour le
trésor de l’Etat, du sucre, du café et du tabac qui ne rapportent à notre
trésor public qu’un très faible tribut : et cela parce que l’on veut user chez
nous de tous les égards imaginables pour le commerce ; parce que d’autre part
notre territoire est restreint et difficile à préserver de la contrebande.
Cependant nous avons une armée nécessaire dans notre position politique, nous
voulons des améliorations intérieures, routes, canaux, chemins de fer,
transportant les voyageurs presque gratis.
Nous voulons des tribunaux au complet, un
système d’instruction publique large et plus cher qu’ailleurs, à cause de son
grand jury d’examen. Ainsi donc, messieurs, si j’insiste sur ma motion
financière, c’est uniquement pour satisfaire à nos besoins sociaux qui
réclament des voies et moyens équitablement répartis sur tous les objets
imposables intérieurs et extérieurs ; 6 p. c. perçus sur les bois venant du
Nord, avec exception pour les constructions navales seulement, puisqu’on a jugé
à propos de leur accorder une prime, ne feront pas augmenter les arbres de nos
forêts ; car malgré cette légère taxe, les poutres de sapin de Norwège seront
encore d’un usage infiniment plus économique que les chênes du pays ; et
puisque ceux-ci, produit indigène, sont imposés au profit du trésor belge par
l’intermédiaire du sol soumis à la contribution foncière, les autres, produit
étranger, doivent apporter leur quote-part au fisc, et ce n’est pas les
surcharger que de leur demander 6 p. c.
Je
me suis acquitté consciencieusement du devoir qui incombe à chaque membre de
cette chambre, de procurer à l’Etat les revenus qui lui sotn nécessaires. Je ne
faillirai jamais à ce devoir, parce qu’il est trop souvent perdu de vue.
M. de Langhe.
- Messieurs, l’autre jour l’honorable comte de Mérode a provoqué l’hilarité de
l’assemblée en prétendant que mon intention était d’empêcher la culture du
houblon en France. en coupant aux Français les perches sous les pieds ;
l’honorable membre doit m’avoir bien mal compris, ou bien il doit avoir voulu
placer un bon mot ; je n’ai nullement eu l’intention d’empêcher la culture du
houblon en France, car je sais fort bien que cela n’est pas en notre pouvoir ;
je ne veux pas même empêcher les cultivateurs français de couper nos perches ;
je demande seulement que ces perches leur reviennent un peu plus cher, et c’est
pour cela que j’ai proposé un léger droit de sortie. Veut-on savoir à combien
ce droit s’élèverait ? La valeur des perches est de 25 à 35 fr. les 100 ; on ne
déclarera certainement pas plus de 25 fr. ; eh bien, messieurs, alors le droit
sera de 1 fr. 25 c., ou 1 fr. 57 c. avec les additionnels. Je vous demande,
messieurs, si un semblable droit est tellement fort qu’il puisse engager les
cultivateurs de houblon à faire venir leurs perches de pays éloignés ? Au
surplus, j’ai fait ma proposition parce que je la crois utile ; j’ai fait mon
devoir, l’assemblée décidera.
Quant
à l’amendement de l’honorable M. de Mérode, je pense comme cet honorable membre
qu’il n’y a pas lieu à faire une exception pour les bois de construction
civile, d’autant plus que très souvent ils sont très difficiles à distinguer
d’autres espèces de bois. J’adopterai donc l’amendement.
M. Desmanet de Biesme.
- Messieurs, un honorable membre qui n’est pas aujourd’hui présent à la séance,
et qui, dans une séance précédente, avait demandé la parole pour dire quelques
mots sur l’amendement de l’honorable M. de Mérode, m’a prié de vous soumettre
les observations qu’il voulait faire à la chambre : comme je les crois juste,
je me charge avec plaisir de vous les soumettre.
Jusqu’à
présent le droit sur les bois de construction venant du Nord a été perçu à la
valeur, et il n’y avait à cela aucun inconvénient parce que le droit était très
minime ; mais si l’amendement de l’honorable M. de Mérode était adopté, alors,
le bois de construction se trouvant frappé d’un droit élevé, ce droit devrait
être perçu à la dimension ; chacun sait qu’il y a une grande différence entre
la valeur des diverses espèces de bois ; il est donc à craindre que si vous
percevez un droit élevé à la valeur, on n’importe plus dans le pays que les
plus mauvais bois. C’est cette considération qui a déterminé l’Angleterre à remplacer
le droit à la valeur par un droit à la dimension. Vous voyez, messieurs, que
ces observations ne s’appliquent qu’au cas où l’amendement de M. de Mérode
serait adopté ; s’il l’était, je crois qu’il y aurait lieu de soumettre à la
chambre une proposition tendant à établir le droit à la dimension.
M.
Pirmez. - Je pense, messieurs, qu’il faut rejeter et
l’amendement de M. de Mérode et la loi tout entière. L’honorable M. de Mérode
présente la loi comme devant procurer des ressources au trésor ; mais c’est là
une erreur ; du moins M. le ministre des finances ne considère pas la loi comme
fiscale, il nous la propose uniquement comme une loi de protection ; il s’agit
donc tout bonnement d’une loi destinée à avantager certains individus au
détriment d’autres individus.
L’honorable
M. de Mérode veut que le bois servant aux constructions civiles soit imposé,
tandis que M. le ministre des finances, d’après les explications dans lesquelles
il est entré, ne veut pas que ce bois soit frappé du droit. Je ne comprends pas
trop ce qu’on entend par bois de construction civile et navale ; ce sont sans
doute les sommiers, les planches, les gîtes, les poutres, etc. ; mais les bois
qui servent à faire des meubles ne sont-ce pas aussi des bois de construction ?
Je ne vois pas quel motif il y a d’imposer plutôt les uns que les autres ; si
la nation a besoin de ces différentes sortes de bois, peu importe que ce soient
celles-ci ou celles-là qu’on impose.
Mais remarquez, messieurs, dans quelle
contradiction nous allons tomber si nous adoptons la loi : il y a quelques
années, on a proposé à la chambre de frapper toutes les coupes de bois d’un
droit de 2 p. c. ; la chambre a adopté cette mesure, mais le sénat l’a rejetée,
et il a bien fait à mon sens, car il n’y avait pas plus de motifs alors pour
imposer les coupes de bois qu’il n’y en a aujourd’hui pour favoriser les bois ;
quoi qu’il en soit, lorsque la chambre des représentants voulait frapper nos
bois d’un droit de 2 p. c,, le bois était de moitié meilleur marché
qu’aujourd’hui ; cependant, on disait alors que ceux qui possédaient des bois
pouvaient bien payer le droit dont il s’agissait ; aujourd’hui que les bois
valent moitié plus, on vient dire que ceux qui en possèdent doivent avoir un
privilège ! C’est là une étrange inconséquence.
On
a parlé de l’utilité qu’il y aurait à arrêter les coupes de bois ; mais, comme
je l’ai déjà dit, la loi n’aura aucun effet sous ce rapport ; d’ailleurs, je ne
vois pas quel intérêt le pays peut avoir à ce qu’on empêche les coupes de bois
; je crois qu’il faut laisser les propriétaires de bois user de leur propriété
comme ils l’entendent.
M. F. de Mérode. - Je ne sais pas, messieurs, si l’honorable
M. Pirmez s’est donné la peine d’écouter les observations que j’ai eu l’honneur
de présenter à la chambre ; ce qui est certain, c’est qu’il n’a pas répondu à
une seule de ces observations. J’ai fait valoir l’intérêt du trésor ; il me semble
que cet intérêt méritait bien que l’honorable membre s’en occupât, lui qui
insistait, il y a quelques jours, pour obtenir l’augmentation du personnel du
tribunal de Charleroy : s’il faut augmenter le personnel des tribunaux, il faut
en même temps augmenter les ressources du trésor, car les juges qu’on nommera
ne seront sans doute pas payés par le produit de souscriptions volontaires.
L’honorable M. Pirmez parle de privilèges pour les propriétaires de bois ; il
ne s’agit pas de cela : le sol qui porte les bois paie l’impôt comme celui qui
porte du grain ou autre chose ; je vous au contraire qu’il existe maintenant un
privilège en faveur des bois du Nord, qui ne paient rien au trésor, puisqu’ils
ne croissent pas sur le sol belge ; je ne demande pas qu’on les frappe d’un
droit exorbitant, je ne demande pas même qu’on les impose d’un droit équivalent
à la moitié de celui que fournissent les bois indigènes, je demande seulement
qu’ils rapportent aussi quelque chose.
Quand tous ces bois réunis paieraient 150,000
francs, je vous demande si ces 150,000 francs prélevés sur les bois étrangers
destinés aux constitutions entraveraient le moins du monde la bâtisse dans le
pays. Il me semble que cela est impossible.
J’ai
ensuite fait observer que, dans notre pays, le sucre, le café, le tabac, toutes
les substances enfin qui viennent de l’étranger, et qui rapportent énormément
au trésor public dans d’autres pays, en France, en Angleterre, par exemple,
sont d’un produit extrêmement faible chez nous, et cela par suite de circonstances
que j’ai indiquées, et en première ligne desquelles j’ai placé la contrebande
qu’un territoire restreint comme l’est le nôtre rend beaucoup plus facile.
C’est donc là un motif pour chercher à percevoir, au profit du trésor public,
et sans vexations, une légère rétribution sur des matières imposables qu’il est
impossible de frauder. Il me semble que c’est là une considération qui n’est
pas à négliger, et c’est à quoi M. Pirmez n’a pas songé.
M.
Desmet. - Messieurs, si le projet de loi qui nous
occupe a seulement pour objet de majorer nos contributions, comme le suppose
l’honorable M. de Mérode, je dirai alors qu’on ne devait pas se borner aux bois
de construction et aux autres bois dont l’industrie a besoin, mais qu’il fallait
atteindre aussi les bois fins, tels que l’acajou, auxquels on n’a pas songé. Et
vraiment c’est là un bois de luxe dont à la rigueur on peut se passer ; et sans
doute ceux qui l’emploient peuvent très bien payer leur part, pour augmenter
les contributions.
Mais
si le projet de loi est seulement une loi à la protection, soit pour
l’agriculture, soit pour l’industrie, je dois avouer que cette modification au
tarif ferait plus de mal que de bien à nos établissements industriels. Et
pourquoi ? Parce que j’envisage le bois du Nord comme une matière première
indispensable : nous n’avons pas assez de bois de construction dans notre pays.
Cependant, je remarque bien que dans le projet on fait une certaine différence
entre les bois qui viennent par cargaisons fortes et les bois qui arrivent par
petites quantités. Cette différence, à mes yeux, n’est pas assez claire. Je
voudrais savoir si c’est le bois qui nous arrive de la Baltique, ce bois de
sapin que nous recevons scié et non scié, qui pourra entrer comme aujourd’hui,
et que vous ne voulez scié, attendu dans les modifications projetées, les bois
qui pourraient nous arriver de la Hollande ou d’autres pays, venant du
continent et qui pourraient faire du tort à nos scieries ; alors nous pourrions
concevoir cette distinction.
M. le
ministre des finances (M. d’Huart). - C’est cela.
M.
Desmet. - Si vous laissez entrer tous les bois sciés,
je conçois votre projet ; je dis que les Hollandais ne peuvent nous faire du
mal pour l’industrie du sciage. Cependant je crois que nous ne recevrons pas
beaucoup de bois sciés de la Hollande ; je crois que la plus grande partie nous
vient de la Baltique. Nous n’avons pas d’établissements à scier le bois, assez
en nombre pour suffire à nos besoins, et vous le savez, messieurs, nous avons
grandement besoin dans nos constructions et particulièrement dans celles des
établissements industriels des planches de toute espèce de bois sciés, car la
quantité qui entre du nord est très grande, et cependant il est toujours
employé, les magasins sont toujours vides. Je le soutiens donc, aussi longtemps
que nous n’aurons pas plus d’établissements à scier les bois, nous ne pouvons
majorer les droits d’entrée sur les bois sciés du nord. Mais il n’en est pas de
même en ce qui concerne les perches de sapin et les autres produits des
sapinières. A cet égard, j’appuie le projet de loi : c’est une culture qu’il
faut protéger, et vous savez tous que les terres qui sont propres à produire
des sapins, ne sont pas propres à d’autres usages. Vous savez aussi que la
concurrence de nos voisins pour nos sapinières est fort dangereuse ; sous ce
rapport donc il y a lieu d’appuyer le projet de loi qui a été présenté.
L’honorable M. de Langhe a présenté un
amendement en faveur de la culture du houblon. Certes, messieurs, la culture du
houblon a besoin de protection. Mais je crains beaucoup que l’effet de cet
amendement n’aura aucune influence sur la sortie des perches à houblon ; il
n’en sortira ni plus ni moins, quoique ces perches ne soient pas extrêmement
rares ; il est de fait cependant que les cultivateurs du houblon aux environs
d’Alost, doivent chercher leurs perches dans la Campine, qui fournit toutes ces
perches des houblonnières. Mais une chose que les cultivateurs du houblon
réclament avec instance, c’est que notre gouvernement fasse des démarches
auprès du gouvernement français, pour que nos houblons puissent entrer en
France ; l’on sait que la France a besoin de nos houblons, et nous avons besoin
de nous en défaire.
Je
dis donc que si vous laissez entrer les bois du nord de toutes espèces, sciés
ou non sciés, j’appuierai le projet de loi ; mais si vous faites une
distinction entre les blocs et les planches et les madriers, je ne pourrai
voter le projet, car j’augmenterai les droits d’entrée sur une matière première
que nous n’avons pas en quantité suffisante, et dont nous avons un
indispensable besoin.
M.
Mercier. - Messieurs, pour apprécier l’amendement
proposé par l’honorable comte de Mérode, il ne faut pas l’envisager isolément.
On ne peut pas se borner à rechercher s’il y a de l’inconvénient à imposer le
bois étranger ; si les propriétaires des forêts ont droit à de plus grands
bénéfices.
Il
faut, sous les différents rapports économiques et financiers, comparer les bois
à d’autres objets de consommation indigène qui sont frappes de droits plus ou
moins élevés.
La
houille n’est-elle pas sous tous les rapports un objet bien plus nécessaire à
notre industrie que le bois de construction ? Son prix élevé n’est-il pas en
outre accablant pour le pauvre ?
Les
cotons, les étoffes de laine ne sont-ils pas indispensables à nos vêtements, et
les droits qui les frappent n’ont-ils pas pour effet d’augmenter leur prix ? Il
est bien d’autres objets encore, indispensables à notre consommation, qui sont
frappés de droits élevés à l’entrée uniquement parce qu’ils font concurrence
avec la production ou l’industrie indigène.
Les
produits de notre propre sol se trouvent aussi imposés par suite de la nécessité
de satisfaire aux dépenses publiques.
Ainsi,
non seulement une forte contribution foncière frappe la production du grain ;
mais ce grain, lorsqu’il est transformé en bière, cette boisson si nécessaire à
la classe ouvrière, est encore soumise à un impôt élevé.
Le
sel, quoique moins imposé chez nous que chez la plupart des autres nations, est
cependant une charge qui pèse encore fortement sur la classe pauvre.
Les
droits imposés à l’entrée d’un produit quelconque, dans un pays, peuvent être
divisés en trois catégories :
Ils
sont élevés ou modérés, ou bien ils ne sont que la compensation d’un droit
équivalent qui frappe le produit similaire dans l’intérieur du pays.
Les
partisans de la liberté commerciale la plus illimitée ne peuvent certes aller
au-delà de ce dernier système.
Eh
bien, messieurs, si l’on comparaît le droit de 6 p. c. à la contribution
foncière payée pendant le temps nécessaire à la croissance d’un arbre jusqu’au
moment où il peut être abattu pour construction civile, : je vous le demande,
le montant de cette contribution ne s’élèverait-il pas à bien plus de 8 p. c. à
la valeur ? Admettre des produits étrangers, soit agricoles, soit
manufacturiers, à un droit inférieur à celui qui pèse sur nos produits de même
qualité, ce serait allouer une prime à l’industrie étrangère pour renverser
l’industrie du pays.
On
dit que les bois se vendent aujourd’hui à des prix élevés : cela est vrai ;
mais ne voyons-nous pas défricher la majeure partie de nos forêts ?
Est-ce
seulement le présent qu’il faut considérer dans une loi qui doit exercer son
influence sur l’existence et la continuation de nos plantations ? Ne doit-on
pas, au contraire, porter ses regards vers l’avenir ? Une forêt ne croît pas en
une année comme une plante dans nos jardins ; ne se confectionne pas comme une
pièce de drap, comme un verre de cristal : il faut cent ans pour produire ce
qui est abattu en une heure.
Le
prix de location des terres labourables et des prairies a fortement augmenté
depuis quelques années : elles rapportent un revenu considérable au
propriétaire. Celui-ci, consultant son intérêt, continuera, au moins, à mesure
des coupes, à défricher ses forêts pour les convertir en terres labourables,
s’il ne voit pas que la législation lui assure dans l’avenir des avantages à peu
près équivalents à ceux qu’il retirerait de toute autre culture.
Ainsi,
la question n’est pas de savoir s’il convient d’assurer de plus grands
avantages aux propriétaires des forêts, mais bien s’il n’est pas nécessaire de prévenir
l’entière disparition des forêts de notre sol ; et, pour atteindre ce but, ce
n’est pas un droit protecteur élevé ou modéré qui est proposé ; mais on demande
purement et simplement de rapprocher du droit qui frappe les bois indigènes
celui qui sera perçu sur les bois étrangers.
Si
vous n’en agissez pas ainsi, messieurs, la Belgique se verra successivement
dégarnie de toutes ses forêts. Arrive alors une guerre, une interruption dans
la navigation, elle se trouvera sans ressources pour ses constructions civiles
et maritimes, ses fortifications et ses établissements industriels. Je crois
donc que, sous le rapport politique, il est sage, il est prudent de faire en
sorte que les bois indigènes jouissent au moins de la même faveur que les bois
étrangers.
Comment,
messieurs, on veut des droits prohibitifs sur les draps, sur la bonneterie, sur
la verrerie, sur les tissus de coton, sur le bétail, ainsi que sur bien
d’autres objets, et l’on refuserait sur les bois une simple compensation du
droit payé en Belgique ! Cela est-il conséquent ? On conçoit difficilement que
ceux-là s’opposent à un tel droit, qui ont réclamé des protections démesurées,
soit pour la draperie, soit pour la bonneterie, soit pour le raffinage du
sucre, ou pour toute autre industrie, c’est ce qu’il me paraît impossible de
concilier avec leurs opinions précédentes.
Mais,
messieurs, à quoi se réduit après tout ce droit sur les bois servant aux
constructions civiles ?
Une
habitation de 40 à 50 mille fr. exigera environ pour 8,000 fr. de bois matière
brute.
J’admets
que la moitié des bois employés dans nos constructions consiste en bois
étranger. Le droit de 6 p. c. sur une valeur de 4,000 fr. s’élèvera, avec les
centimes additionnels, à 271 fr. 20 c.
C’est
là une fraction imperceptible de la valeur de l’habitation.
Voilà,
messieurs, les considérations qui me font désirer qu’il soit établi un droit
convenable à l’importation des bois servant aux constructions civiles : mais
comme le bois n’arrive pas façonné en Belgique, il est impossible de distinguer
cette qualité de bois de celle qui est employée pour les constructions navales
: il faut donc nécessairement la soumettre au même droit, et je vais déposer un
amendement à cette fin. Mais comme je veux avoir égard aux motifs puissants qui
ont été allégués en faveur des constructions navales, et que ma proposition, en
ce qui les concerne, n’est appuyée que sur l’impossibilité d’établir une
distinction entre des bois qui sont de même espèce à leur entrée dans le pays,
je demande que la prime accordée pour construction de navires soit augmentée de
tout le montant de la majoration du droit. Il sera très facile au gouvernement
d’établir une base de prime équivalente à cette restitution de droit, et au
besoin je prends l’engagement formel de soumettre cette mesure à la chambre si,
contre mon attente, le gouvernement ne prenait pas l’initiative. C’est là,
messieurs, une disposition bien simple et de facile exécution.
Je
n’ai entendu parler, messieurs, que des bois de construction civile et navale
arrivant de la Norwége, de la Baltique et de la Russie, par cargaisons
complètes, parce qu’en effet, la question n’a d’importance qu’à l’égard de ces
bois : les importations d’autres provenances sont tellement insignifiantes, que
j’attache un bien faible prix à l’adoption ou au rejet d’une loi qui ne les
concerne pas.
De
nombreuses réclamations ont été formées par les propriétaires des scieries de
bois, et souvent j’ai entendu dans cette chambre professer le principe qu’il
faut encourager la main-d’œuvre dans le pays : ce principe, je l’admets aussi
quand il est bien entendu, et qu’il n’est pas poussé jusqu’à l’exagération ; je
voudrais donc qu’un faible avantage fût offert aux scieries indigènes, et que
le droit sur les bois sciés fût augmenté de 2 p. c. Ainsi le droit serait de 6
p. c. sur le bois non scié, et de 8 p. c. sur le bois scié.
Mais,
messieurs, les bois du Nord arrivant en fortes parties et pour des valeurs
considérables, il serait impossible aux employés des douanes de faire usage du
droit de préemption : le droit serait donc illusoire, s’il n’était établi à la
mesure. Dans l’amendement que j’ai l’honneur de soumettre à la chambre, j’ai
suivi ce mode de tarification : j’ai aussi maintenu dans une moindre proportion
le droit différentiel qui existe actuellement en frappant d’un droit moins
élevé, les bois qui arrivent directement du Nord.
M. le président. - Voici
l’amendement de M. Mercier :
« Toute
espèce de bois propre à la construction civile et navale, arrivant de la
Norwége, de la Baltique et de la Russie, par cargaisons complètes :
« Le
mètre cube : brut, équarri ou scié, de plus de 8 centimètres d’épaisseur, fr. 2
50 ; scié, de moins de 8 centimètres d’épaisseur, fr. 3 50.
«
Importé en détail, soit par mer, par rivière ou par terre ;
«
Brut, équarri ou scié, de plus de 8 centimètres d’épaisseur, 8 p. c. ;
« Scié,
de moins de 8 centimètres d’épaisseur, 10 p. c. (Le reste, comme au projet du
gouvernement.) »
M.
Pirmez. - Il paraît que l’on s’obstine à présenter la
loi actuelle comme une loi fiscale. Je dois répéter pour la troisième fois que
ce n’en est pas une. Si le projet avait été une loi destinée à procurer des
ressources au trésor, le ministre aurait dit : Cela doit rapporter autant ; et
la discussion se serait établie là-dessus. Mais ce n’est pas là une ressource
fiscale, c’est une mesure de protection.
L’honorable
M. Mercier a comparé la loi sur les bois avec les lois d’accise.
M.
Mercier. - Et avec les lois de douane.
M.
Pirmez. - Soit ; si c’est une loi de douane, si vous
voulez en faire une ressource pour le trésor, vous devez dire au moins combien
cela produira ; c’est alors là-dessus que la discussion s’établira. Mais il
n’en est rien ; tout prouve que la loi qui nous occupe est purement une loi
protectrice.
L’honorable
M. Mercier a mis les industries qui sont protégées en regard avec les bois ;
puisque les industries sont protégés, les lois méritent aussi protection.
L’honorable membre a cité et les draperies et les bonneteries, et une infinité
d’autres industries ; il vous a dit : Ce sont des industries qu’on protège, par
conséquent il faut aussi protéger les bois.
Mais,
messieurs, nous avons toujours fait la part des droits acquis à ces industries,
quand nous les avons protégées, et nous avons eu égard aux circonstances dans
lesquelles ces industries se trouvaient, lorsque nous avons voulu les protéger.
Mais n’est-ce pas un véritable abus de mots que d’appeler la croissance des
bois une industrie ? Car la croissance des bois n’est-ce pas ce qu’il y a de
plus contraire au travail ?
L’honorable
M. Mercier a dit que nos forêts s’anéantiraient si l’on ne s’y opposait. J’ai
déjà répondu à cette observation ; j’ai dit que nous ne devions pas, dans
l’intérêt du trésor, pousser à planter des bois, et qu’on trouvera moins
d’avantage à planter du bois qu’à semer autre chose ; car le bois est le
produit agricole qui rapporte le moins. Ainsi, lorsqu’un pays est réduit à
planter du bois, c’est un pays misérable. Les pays les plus pauvres du monde
sont couverts de bois ; de manière que chercher à faire couvrir un pays de
bois, c’est vouloir absolument que ce pays se fasse pauvre.
Je
crois que l’honorable M. Mercier a dit que nous risquions de n’avoir pas de
bois pour notre navigation. Mais les peuples les plus navigateurs n’ont pas de
bois. L’Angleterre avec ses mille vaisseaux n’a pas de bois. La Hollande, à
l’époque la plus prospère de sa navigation n’avait pas de bois.
Ainsi
pourquoi voudriez-vous faire pousser du bois sur votre territoire pour protéger
votre navigation ?
On a dit aussi que le bois étranger ne payait
pas d’impôt. Mais quand vous avez construit une maison avec du bois tiré de l’étranger,
est-ce que cette maison ne paie pas d’impôt ? Lorsque du bois étranger entre
dans la construction d’une maison et que cette maison donne huit à dix p. c.
d’impôt, croyez-vous que ce bois ne supporte pas une partie de l’impôt foncier
et de l’impôt sur le mobilier à la confection duquel il a servi ? Ne dites pas
que vous favorisez le trésor par votre élévation de droit, car, au contraire,
en facilitant la bâtisse des maisons et des objets mobiliers, le trésor
percevrait dix fois plus qu’en faisant pousser des forêts au milieu de la
Belgique.
Je
ne sais si M. Mercier n’a pas dit qu’il voulait, en augmentant le droit sur les
bois étrangers, augmenter les primes pour construction de navires. Mais alors
vous vous appauvririez de deux manières ; d’abord en augmentant la prime pour
la construction de navires : cela a été prouvé dans la discussion de la loi
concernant cette prime ; et en second lieu vous vous appauvrissez de tout
l’enchérissement donné au bois par l’augmentation du droit. Je ne conçois pas
un pareil système.
M. Desmanet de Biesme..
- Si, dans les amendements proposés, le but est d’augmenter le revenu du
trésor, je le conçois. Si on veut également favoriser les propriétaires de
bois, je le conçois encore. Mais qu’on vienne dire que cela empêchera le
défrichement de nos forêts, je ne l’admets pas. La conservation de nos forêts
est une chose intéressante : je crois à cet égard devoir émettre quelques idées
autres que celles énoncées par les préopinants.
Le
défrichement de nos forêts est un malheur, mais il ne vient pas du bas prix de
la futaie, car il va tous les ans en augmentant. Depuis 25 ans, j’assiste à des
ventes de bois, et tous les ans il a subi des augmentations. Cette différence
est telle que les petits particuliers ont assez de peine pour se procurer le
bois dont ils ont besoin pour construire leurs habitations. La cause du
défrichement est tout autre que celle qu’on a avancée.
Sous
l’ancien gouvernement autrichien, il y aurait eu une tendance à défricher, si
la conservation des forêts n’avait pas été favorisée ; les bois payaient un
impôt très minime, ce qui engageait à les conserver. Le gouvernement pensait
qu’il était avantageux à un pays d’avoir des bois, et il employait les moyens
nécessaires pour les faire conserver. Le gouvernement français interdisait le
défrichement des forêts. Sous ce gouvernement on n’a pas défriché. Sous le
gouvernement hollandais, on exigeait une autorisation pour les défrichements.
Aujourd’hui qu’un nouveau mode de fabrication du fer est intervenu, c’est le
peu de valeur de la raspe qui fait qu’on défriche. On a de beaux chênes qui
sont un capital à réaliser, et comme dans ce siècle on est pressé de jouir, on
calcule que la croissance de ces chênes ne peut pas donner un intérêt aussi
haut que tout autre placement, et on les abat. Voilà pourquoi on défriche les
forêts. Vous auriez beau augmenter le prix de la futaie, qu’on ne défricherait
pas moins ; car c’est au bas prix de la raspe que cela tient ; il en résulte
qu’actuellement il ne peut plus y avoir de bois que dans les très mauvais
terrains, non susceptibles de donner d’autres produits agricoles.
Les grandes sociétés seules et quelques riches
particuliers, pour leur agrément personnel, pourront conserver des forêts. Les
sociétés, je ne crois pas qu’elles aient le droit de défricher comme elles
l’entendent. Comme une autorisation était nécessaire pour défricher, je suis
tenté de croire que quand on a concédé les forêts à ces sociétés, c’était avec
l’intention qu’elles fussent conservées et non défrichées. Mais dans la
situation actuelle, pour augmenter le prix du bois, c’est à vous de voir si
vous voulez favoriser les propriétaires ou augmenter les produits du trésor ;
mais vous n’arrêterez pas le défrichement. C’est ce que pourront certifier les
personnes habitant les pays où il reste encore des forêts.
J’appuierai
l’amendement de M. Mercier, en ce qui concerne la substitution de la dimension
à la valeur, pour la base de la perception ; mais je ne pense pas qu’il faille augmenter
le droit sur le bois étranger parce que nous sommes au moment de ne pouvoir pas
nous en passer et que c’est un objet de première nécessité.
M.
Mercier. - On s’est plaint souvent des vices de notre
système de finances ; mais, avant de supprimer des ressources que nous
considérons comme trop onéreuses pour les contribuables, il faut en créer
d’autres. Si on veut des réductions sur certains objets, il faut augmenter
l’impôt sur d’autres qui sont plus susceptibles de le supporter. Je n’ai pas
comparé les droits sur les bois à des droits d’accises seulement, ainsi que le
suppose un honorable orateur, mais aussi à des droits de douane ; j’ai envisagé
la question sous le rapport économique et sous le rapport financier. Sous le rapport
économique, j’ai cité des objets plus essentiels à l’industrie que le bois et
sur lesquels on a établi des droits, j’ai cité entre autres la houille qui est
frappée de droits élevés. S’il fallait choisir, il vaudrait mieux imposer le
bois à construire que la houille.
J’ai
dit ensuite que ce n’était pas un droit que nous proposions d’établir sur le
bois, et ceci mérite d’être pris en sérieuse considération, mais qu’il ne
s’agissait que de la cessation d’une prime accordée à un produit étranger, au
préjudice d’un produit indigène. Nos bois sont soumis à la contribution
foncière ; les partisans les plus exagérés de la liberté commerciale devraient
se rallier à un amendement qui a pour objet d’imposer un produit étranger à
l’égal d’un produit similaire indigène. On ne dévierait pas des principes les
plus absolus de liberté commerciale en adoptant un semblable amendement.
Quant
à la majoration des primes pour constructions navales, elle serait la
conséquence de l’augmentation du droit que j’admets sur les bois servant aux
constructions maritimes comme pour les bois destinés aux constructions civiles,
parce qu’il serait impossible de distinguer les uns des autres au moment de
leur importation. Cette impossibilité entraîne donc la nécessité de les frapper
d’un même droit. Mais pour laisser les choses dans leur position actuelle, il
faut augmenter la prime pour les constructions navales de tout le montant du
droit perçu. Il sera facile au gouvernement de proposer un projet de loi pour
régler cette prime dans le sens que je viens d’indiquer.
Le
droit proposé sera de 300 fr. au plus sur une maison de 40 mille fr. environ,
cela n’est pas de nature à arrêter l’élan des constructions civiles...
J’entends que ces calculs sont contestés ; je déclare qu’ils reposent sur des
données positives dont il résulte que, dans une maison de 40 mille francs
environ, il entre pour 8 mille francs de bois brut. J’ai eu aussi sous les yeux
des états publiés par le préfet du département de la Seine en France, qui
renseignent que dans les constructions d’habitations d’une valeur de 40 à
60,000 francs, le bois brut n’entre que dans la proportion d’un sixième ou d’un
septième. Voilà des proportions qui se rapprochent et se justifient
réciproquement.
Remarquez que je ne parle que de la valeur du
bois brut, car le bois travaillé acquiert une bien plus grande valeur.
L’honorable
M. Desmanet de Biesme a fait observer que le prix de la futaie va toujours en
augmentant. J’objecterai que le prix de location des terres labourables va
aussi en augmentant et dans une bien plus forte proportion. Si nous voulons
conserver les bois de haute futaie, comme les autres bois, il faut assurer
quelque avantage aux propriétaires de forêts ; s’ils trouvent plus de bénéfice
à les convertir en terres labourables, ils les défricheront, c’est ce qui
arrive encore tous les jours ; car, nous voyons les hautes futaies coupées
avant d’être arrivées à leur croissance, et vendues comme bois à brûler.
M.
Desmet. - On ne veut pas comprendre qu’en ce moment,
en Belgique, le bois de construction du Nord est une matière indispensable. On
veut frapper d’impôt une matière première qui manque dans le pays. Je parle ici
en faveur de l’industrie. Quand on voit la quantité énorme de bois étranger qui
entre dans le pays et qu’on emploie dans les établissements industriels, on
peut dire qu’il en manque. J’ai pris des renseignements dans des magasins de
Bruxelles, pour savoir si on pouvait modifier le tarif ; on m’a répondu que
non, et on m’a cité un exempte. On voulait avoir quelques pieds de chêne sec,
on n’a pas pu s’en procurer 400 pieds ; A combien Presque à un franc le pied.
Le
bois de chêne de construction est plus cher aujourd’hui que l’acajou commun, et
quelquefois le double ; c’est pour cela que je crois qu’il faudrait modifier le
tarif à cet égard puisqu’il s’agit d’une matière première indispensable.
Je
demanderai à M. le ministre des finances s’il compte remplacer tout le tarif
par les deux disposition proposées.
M. le
ministre des finances (M. d’Huart). - Non, sans doute ;
le dernier article porte le contraire.
M.
Desmet. - C’est ainsi que je l’entendais ; je ferai
remarquer qu’il y a une modification qui concerne le bois de hêtre dont on a besoin
dans le pays, non seulement pour les constructions, mais encore pour
l’ébénisterie.
Relativement
à la proposition de M. Mercier, je dirai que personne plus que moi n’aime à
favoriser le système de la perception du droit au poids quand il est nécessaire,
quand je crois qu’en percevant à la valeur on pourrait diminuer le droit établi
par la loi ; mais ici ce n’est pas le cas ; rien n’est plus facile que
d’évaluer les bois qui entrent dans le pays : tous ces bois se vendent
publiquement, on en connaît le prix, et il est impossible de frauder les bois.
Si la disposition était admise, les bois recherchés qui n’entrent pas en grande
quantité, les bois qu’emploie le riche, paieraient de faibles droits, et on
ferait payer les bois gros qui sont plus communément employés et qu’emploie le
pauvre.
M. Mercier devrait indiquer le tantième du droit
qui résulterait de sa proposition ; je demande qu’il veuille bien nous dire
quel droit à la valeur résulterait de cette même proposition. Je crois que dans
tous les cas il n’y a pas lieu d’établir le mode de la perception au poids,
puisque tout le monde connaît la valeur du bois, et que rien n’est plus facile
que de l’établir ; car le droit ne doit être établi au poids que quand on ne
peut établir la valeur et diminuer les quantités.
Revenant
sur la proposition, je dis que nous devons être assez prudents pour ne pas
augmenter les droits d’entrée sur une matière aussi nécessaire que les bois de
constructions venant de la Belgique.
M. Mercier.
- Je ferai observer à l’honorable M. Desmet que la presque totalité des bois
introduits dans le pays consiste en bois de sapin. Le droit résultant de ma
proposition serait de 6 p. c. à la valeur sur le bois non scié, et de 8 p. c.
sur le bois scié. Voilà les renseignements que désirait M. Desmet . Cet
honorable membre désirerait que le droit fût établi à la valeur, mais j’ai
expliqué pourquoi ce serait impossible. Quand on introduit en un seul jour
100,000 fr. de bois par un seul bureau de douane, on ne peut croire que les
employés préempteront une valeur aussi considérable ; il est donc nécessaire
que les droits soient établis d’après la mesure métrique, et non à la valeur.
M. F. de Mérode. - On vient toujours vous dire qu’il faut favoriser
l’industrie ; certes, je suis du même avis que ceux qui veulent que l’industrie
soit protégée. Dans tous les pays on veut que l’industrie soit favorisée ; en
Angleterre, il en est ainsi : dans ce pays où il y a autant d’industrie qu’en
Belgique et où il n’y a pas autant de bois, on impose cependant les bois
étrangers, on pense qu’ils doivent payer au trésor comme tout autre objet ;
mais si vous voulez favoriser toutes les industries, supprimez toutes
contributions ; alors l’industrie sera plus favorisée, mais alors aussi vous
vivrez comme vous pourrez comme société.
Je ne parle pas dans l’intérêt des propriétaires
de bois, car pour moi je voudrais qu’on n’eût plus la liberté de défricher les
bois. Dans quelques années, on ne trouvera plus de bois pour les cuves des
houillères. On vous a dit que le gouvernement autrichien exemptait les bois de
construction de toute contribution ; que, sous le gouvernement français, on ne
pouvait pas défricher ; que, sous le gouvernement hollandais, il y avait une restriction,
puisqu’il fallait une autorisation pour défricher ; aujourd’hui on a supprimé
tout cela, on laisse toute liberté aux propriétaires de bois.
Les
bois sont extrêmement chers, et il est probable que cette cherté ira
croissante. Ce n’est donc pas dans l’intérêt des propriétaires de bois que je
demande qu’on impose les bois étrangers, c’est pour qu’ils rapportent au trésor
comme tout autre objet. Quand je demande par quel impôt on remplacerait
celui-là, on ne me répond rien. On demande toujours des dégrèvements, et jamais
on ne songe à rien produire au trésor public. Si c’est ainsi qu’on veut mener
les affaires financières du pays, on en est libre ; quant à moi je n’admettrai
jamais un tel système.
M.
Brabant. - L’auteur de l’amendement qui a donné lieu à
cette discussion laisse subsister le taux actuel du droit existant sur les bois
servant aux constructions navales, parce qu’il ne veut pas supprimer la faveur
accordée à ces constructions par une loi de l’année dernière. Mais s’il s’était
reporté un peu plus loin, il aurait vu que l’augmentation de droit sur les bois
servant aux constructions civiles détruisait, non l’ouvrage de l’an dernier,
mais l’effet d’une loi portée dans un temps où on avait besoin d’argent, en
1826, loi qui exemptait de contributions pour 6 ou 8 ans les maisons
nouvellement construites.
M.
Mercier vous disait tout à l’heure que dans une construction de 40,000 fr., les
bois n’entrent guère que pour 8,000 fr., c’est-à-dire pour un cinquième. J’ai quelque
expérience des constructions ; je me suis trouvé très souvent avec des
architectes et des ingénieurs ; mon expérience et celle de mes amis, encore
plus au courant que moi des constructions, m’ont appris que le bois chez nous,
où il est moins cher que dans d’autres parties du pays, entre dans les
constructions de maisons pour un tiers des sommes qu’elles coûtent.
Je
suppose qu’on construise une maison coûtant 21,000 fr. ; elle ne sera ni bien
grande, ni bien belle ; eh bien il y entrera pour 7,000 fr. de bois. Le droit
sur ce bois, à raison de 6 p. c., sera de 420 fr. Le revenu de cette maison
sera évalué par le cadastre à 300 fr. environ. La contribution foncière, en
supposant qu’elle soit de 10 p. c. du revenu net, sera de 30 fr. ; supposez
l’exemption de contributions de 8 années, ce qui est le plus long terme, cela
donnera une somme de 240 fr. Eh bien, maintenant on paierait presque le double
de cette somme par suite de l’augmentation des droits que l’on voudrait établir
sur la matière première.
Nous
devons encore chercher à arriver au but qu’on se proposait en 1826, car c’est
un malheur dans un grand nombre de nos villes que la disette des maisons, la
difficulté qu’ont les ouvriers à se loger, et le haut prix auquel ils sont
obligés de payer de misérables tanières.
Les lois de douane, comme on les envisage
généralement, c’est-à-dire comme lois de protection, doivent être des lois
d’expédients ; il est inutile de venir en aide à ceux qui sont fort à l’aise ;
les propriétaires de bois de construction n’ont jamais été dans une position
aussi favorable. J’ai des relations avec beaucoup de personnes qui font le
commerce des bois ; il y en a de fort âgées qui m’ont affirmé que jamais le
bois de chêne de construction n’a été aussi cher qu’aujourd’hui. C’est à tel
point que nous qui sommes situés dans des pays de bois, nous sommes obligés de
faire venir du sapin malgré le haut prix de voiture qu’il nous coûte. Il faut
songer en outre que ce bois de sapin qu’on veut fortement imposer devient
nécessaire dans une industrie très importante pour la Belgique, qui commence à
exporter considérablement et qui exporte précisément dans les pays d’où nous
tirons le bois : je veux parler de l’industrie des machines. Le bois de sapin
est fortement demandé pour les modèles. Je sais tel établissement où dans une
année il en a été consommé pour 500,000 fr. Ainsi, il est évident que le droit
de 5 p. c., qui est peu de chose en apparence, serait sensible pour cette
industrie. Cette industrie est dans des conditions prospères, il est probable
qu’elle consommera chaque année une plus grande quantité de bois de sapin ;
vous allez donc lui faire porter un très lourd fardeau.
M.
Angillis. - Messieurs, j’ai entendu dire que la loi que nous
discutons était une loi de protection ; si on l’envisage sous ce rapport, il
faut la rejeter ; et je dirai pourquoi.
En
général, on fait passer toutes les lois de douane pour des mesures de
protection ; et le fisc se fait payer largement cette prétendue protection qui
rapporte des millions au trésor.
M. le
ministre des finances (M. d’Huart). - Ce n’est pas le
cas ici.
M.
Angillis. - J’ai dit que vous devez rejeter la loi si
vous l’envisagez commue protectrice. En effet, les propriétaires de bois n’ont
pas besoin de protection ; jamais, à aucune époque de ma vie, je n’ai vu les
bois de construction à un prix aussi élevé : il est tellement élevé que nous ne
pourrions nous passer des bois étrangers.
A
l’appui de la loi, on a cité les houilles qu’on impose à l’entrée : mais
pourquoi les impose-t-on ? C’est parce que nous en avons assez, si même nous
n’en avons pas de trop ; il n’en est pas ainsi pour les bois.
On
a cité d’autres marchandises : Mais si on les frappe de droits, c’est que nous
trouvons assez de marchandises similaires dans nos fabriques, et que pour
encourager notre industrie nous devons rendre la concurrence étrangère moins
nuisible. Il n’y a pas de motifs semblables pour les bois ; je ne saurais trop
le répéter.
M. de Langhe voudrait faire augmenter le droit à
la sortie sur les perches et le bois qui servent à la culture du houblon : je
m’opposerai à son amendement. On ne peut vendre les perches chez nous ; on nous
en offre actuellement un tiers moins qu’il y a deux ans ; est-ce là le cas
d’empêcher leur exportation ?
Non
seulement je rejette l’amendement de M. de Langhe ; mais je rejetterai la loi
entière.
M. le
ministre des finances (M. d’Huart). - Je m’aperçois que
plusieurs membres ne comprennent pas bien la portée du projet, car ils semblent
croire qu’il va imposer considérablement les bois destinés aux constructions ;
or, c’est là une erreur que je vais tâcher de rectifier.
Veuillez
faire attention, messieurs, que d’après le projet :
« Toute
espèce de bois, soit en grume, soit non scié, autre toutefois que les bois de
construction civile et navale, que le tarif actuelle admet au droit de 25 cents
par tonneau de mer, et à l’exception des merrains, mâts, espars et rames »
paierait 6 p. c. à l’entrée » ; et quels sont ces « autres bois
? » Ce sont à peu près tous les bois de construction importés en Belgique.
Cela est prouvé par les chiffres des importations présentés à l’appui du projet
de loi, lesquels démontrent que tous les bois propres aux constructions navales
et civiles, arrivent de la Norwège, de la Baltique et de la Russie, par
cargaison complète, et par conséquent ne seront pas soumis à des droits plus
élevés que par le passé.
Nous
avons reconnu, en combinant la loi en discussion, que le prix des bois, en
Belgique, était assez élevé en ce moment ; nous avons reconnu en outre que les
constructions prenaient, au grand avantage du pays, un développement qu’il
importait de ne pas entraver, que dès lors il était utile de faire exception
dans l’augmentation du tarif, en faveur des bois nécessaires aux constructions
civiles et navales. C’est aussi ce que nous vous demandons. On a donc tort de
prétendre que nous voulons augmenter l’impôt sur cette sorte de bois. A la
vérité, plusieurs membres de cette chambre ont pu être induits en erreur, parce
que dans le second numéro du projet, il est dit :
« Planches,
solives, poutres, madriers et tout autre espèce de bois scié, entièrement coupé
ou non, et autres, » mais il y est ajouté : « autres toutefois que
les bois de constructions compris dans l’exception ci-dessus et que les bois
feuillards. »
Il
ne s’agit donc d’imposer plus fortement qu’aujourd’hui que les planches,
solives, etc., qui arrivent d’autres pays que la Russie, la Norwège ou la
Baltique. Ces planches, solives, du reste, sont distinguées dans le tarif
actuel ; nous maintenons cette distinction, en proposant de les assujettir à 10
p. c. au lieu de 6 p. c. de la valeur.
Le
troisième article concerne les gaules, perches et lattes de sapin ; il est le
but principal de la loi ; et je suis surpris que M. Angillis n’ait pas appuyé
le projet d’après les prémisses qu’il a posées.
La
Campine et d’autres portions de notre territoire sont improductives, si ce
n’est pour les plantations de sapin, qui semblent destinées à faire des
progrès, surtout si l’on stimule quelque peu ce genre de culture. C’est là le
but de notre projet et non un but fiscal.
Nous
avons déjà plus de perches qu’il ne nous en faut, a dit l’honorable M.
Angillis, on ne sait où les vendre ; il aurait donc dû conclure avec nous qu’il
convient d’entraver les importations de cette sorte de bois.
Vient
un quatrième article, qui maintient le tarif actuel pour toutes les autres
espèces de bois ; cet article porte :
«
Bois pour caisses à sucre, bois de chauffage, bois feuillard, osiers, saules,
cercles, cerceaux, douves et autres subséquemment désignés au tarif général
comme au tarif actuel. »
Cette
disposition comprend les bois d’ébénisterie, l’acajou, le cèdre, et les autres
bois que notre sol ne produit pas.
Vous
le voyez, messieurs, on s’est exagéré la portée du projet ; nous avons fait une
exception toute spéciale en faveur des constructions civiles et navales, et
nous laissons imposés de faibles droits qui existent actuellement, tous les
bois qui sont en réalité matière première.
M.
le comte de Mérode demande un droit de 6 p. c. à la valeur sur les bois de
construction civile, et un autre membre demande que ce même droit soit établi à
la mesure ; si la chambre admettait cette majoration, je donnerais la
préférence au mode de la mesure, attendu que les importateurs pourraient
impunément faire de fausses déclarations à la valeur, parce que la préemption
deviendrait impossible pour les employés, lorsqu’il s’agirait de fortes
cargaisons. Ce n’est pas, cependant, que le mode de perception au cube ne
présente des inconvénients ; le droit reste ainsi toujours le même sur des bois
différents entre eux ; il y a des sapins qui valent beaucoup plus que d’autres
; mais cet inconvénient me paraîtrait moindre que celui qu’entraînerait la
perception d’un droit important à la valeur qui ne reposerait sur aucune
sanction réelle.
L’honorable M. Mercier propose du reste de distinguer
les bois en grume ou en grosses pièces, des bois sciés, et de frapper plus
fortement les derniers ; ceci est rationnel, car ils ont plus de valeur ; et en
outre, il convient de protéger la main-d’œuvre du sciage en Belgique.
Pour
me prononcer sur l’amendement dont il s’agit, je dirai que si les bois de haute
futaie n’avaient pas actuellement une aussi grande valeur et que si les
constructions entreprises ne s’étaient pas autant multipliées, j’adopterais la
proposition de MM. de Mérode et Mercier, parce qu’il ne faut pas manquer
l’occasion d’augmenter les revenus du trésor quand on rencontre des matières
imposables, non sujettes à la fraude ; par conséquent, sans combattre, en
principe, cette proposition, je crois que pour le moment, il ne faut pas
l’admettre.
M. de Langhe. - Je dois répondre
un mot à l’honorable M. Desmet, qui dit que le droit de sortie proposé sur les
perches à houblon n’aura aucune influence sensible sur le prix de ces perches ;
je pense aussi, messieurs, que mon amendement n’aura pas pour effet d’augmenter
notablement le prix des perches, et c’est précisément pour cela que je le
propose, car je n’ai jamais eu l’intention de sacrifier une culture à une autre
; seulement je désire que nos perches soient un peu plus cher pour les Français
que pour les cultivateurs indigènes, et que la différence ne soit pas assez
grande pour empêcher qu’on n’achète les perches en Belgique plutôt que de les
faire venir de pays éloignés ; ce but sera parfaitement atteint par un
amendement, car les frais de transport sont beaucoup plus élevés que le droit
que je propose.
L’honorable
M. Angillis dit que nous avons plus de perches à houblon que nous ne pouvons en
consommer ; cela est possible pour la localité qu’il habite, mais dans beaucoup
d’autres localités ; il est certain que les perches ne sont pas en abondance.
M.
Desmet. - Messieurs, d’après la déclaration que vient
de faire M. le ministre des finances, il paraît qu’il ne veut pas modifier le tarif
en ce qui concerne les bois venant du nord, soit sciés, soit non sciés, ils
peuvent entrer sur le pied du tarif actuel ; alors je ne m’opposerai pas au
projet ; mais aussi, je ne vois de quelle utilité peut être le projet, pour les
bois de construction, car je ne sache point qu’il nous arrive d’autres bois de
cette espèce, que ceux que nous recevons de la Baltique ; il est vrai, nous
recevons bien quelque bois de chêne du Rhin, mais c’est bien peu, et nous
pouvons dire que tout nous arrive du nord.
L’honorable
M. Mercier voudrait établir la perception à la dimension ; je suis partisan du
mode de perception à la douane au poids et à la mesure quand il y en a besoin,
quand on ne peut pas apprécier la valeur d’un produit ; mais ici, ce n’est pas
le cas, il n’y a rien de plus connu que la valeur des bois du nord, c’est une
évaluation qui est très facile, et d’ailleurs il y a 9 ou 10 espèces différente
de bois de sapin, les prix en varient depuis 5 jusqu’à 50 centimes le pied
carré, et quand l’honorable membre dit qu’il n’y a que des bois de sapin qui
entrent, ne sait-il donc pas que ces bois ont beaucoup de variétés d’espèces :
vous avez le sapin roux, le sapin blanc, ceux de Riga, ceux de Memel ; et comme
je vous le dis, ils diffèrent beaucoup de qualité.
Si vous adoptez le système de M. Mercier, vous
allez imposer le sapin qui sert à l’industrie, tandis que vous n’imposez pas
celui qui est employé par les riches, car il m’étonne qu’on ne sache point que
le bon bois de sapin rouge de Riga est tellement élevé en prix qu’il y a
impossibilité de l’employer dans nos constructions des établissements
industriels. C’est un bois dont on ne fait usage que pour les planchers des
maisons et des châteaux des riches, et les bois ne seraient pas imposés ou de
bien peu de chose, tandis que vous ferez payer tout le droit par ceux qui ont
besoin d’employer des bois communs et particulièrement pour les constructions
industrielles ; et quand il vous dit qu’on ne pourra préempter une cargaison de
bois trop bas déclaré, mais c’est encore là une erreur grave, car s’il y a un
objet facile à préempter et dont la douane pourra toujours se défaire, ce sera
des bois fins du nord qui seraient déclarés trop ; d’ailleurs, messieurs, on ne
risque jamais de faire sa déclaration trop basse, car les prix sont trop bien
connus !
M.
Andries. - Remarquez, messieurs, que l’amendement de
l’honorable M. de Langhe serait surtout favorable à la culture du houblon, qui
a fait longtemps la richesse des Flandres ; maintenant le houblon se cultive
aussi dans le département du Nord, et le gouvernement français a regardé cette
culture, qui n’existe que dans un seul département, comme assez importante pour
mériter une grande protection ; il a frappé nos houblons d’un droit de 6 fr. par
100 kil.
Une
voix. - C’est 100 p. c.
M. Andries.
- Oui, c’est 100 p. c. ; et il est bien naturel qu’un droit aussi énorme engage
les habitants du département du Nord à cultiver le houblon ; aussi cet état de choses
fait beaucoup de tort à nos cultivateurs, qui sont encore condamnés à voir les
Français enlever chez nous les perches qui sont indispensables à la culture
dont il s’agit.
L’amendement
de M. de Langhe aurait pour effet de protéger tant soit peu les cultivateurs
indigènes et de favoriser même dans la suite les producteurs de perches ; car
si l’on cultive plus de houblon, les perches seront plus recherchées, et par
conséquent on en obtiendra un meilleur prix.
Je
sais bien que cet amendement n’aura pas un effet bien considérable, mais il
produira toujours quelque bien, et ce bien il ne faut pas le repousser ;
espérons qu’ensuite, dans les négociations qui auront lieu entre la France et
la Belgique, nous parviendrons à déterminer cette première puissance à réduire
le droit dont elle frappe nos houblons ; si ce droit pouvait être baissé
jusqu’à 60 fr. au lieu de 65, ce serait là pour nos cultivateurs un
encouragement beaucoup plus efficace que l’amendement de M. de Langhe ;
néanmoins, puisque cet amendement peut produire quelque bien et qu’il ne fera
certainement aucun mal, je pense que la chambre doit l’adopter ; puisqu’en
France, où la population est de près de 34 millions d’âmes, on a bien, dans
l’intérêt d’un seul département, frappé nos houblons d’un droit de 100 p. c. il
me semble qu’il ne serait pas non plus contre la dignité de la chambre de
s’occuper tant soit peu des intérêts de plusieurs localités très importantes.
M.
Dumortier. - Il me paraît, messieurs, qu’il faut absolument
adopter une disposition telle que tous les bois étrangers, quel que soit
l’usage auquel ils sont destinés, soient imposés ; si vous n’agissez pas de la
sorte, vous frapperez les bois qu’on emploie dans telle province et vous ne
frapperez pas ceux qu’on emploie dans telle autre province ; ce serait là une
mesure injuste, inique. Ce motif m’encouragera à adopter les amendements de M.
de Mérode et de M. Mercier.
Toutes
les industries nationales méritent protection, et la plantation des bois doit
trouver autant d’appui dans cette enceinte que les industries manufacturières :
je ne sois pas pourquoi l’on refuserait aux cultivateurs de bois un
encouragement qu’on accorde aux fabricants de toiles, de coton et de toutes
autres marchandises.
Maintenant,
messieurs, si vous n’adoptez pas l’amendement de M. de Mérode et celui de M.
Mercier, certaines provinces seront frappées par la loi, tandis que d’autres ne
le seront pas ; le Hainaut, par exemple, devra payer des droits élevés pour les
bois dont il fait usage, tandis qu’au contraire ceux qu’on emploie dans les
Flandres et dans la province d’Anvers ne seront pas imposés. Est-ce là de la
justice distributive ? Est-ce là de l’égalité de tous devant la loi ?
D’ailleurs,
messieurs, ce que nous ne devons pas non plus perdre de vue, c’est l’intérêt du
trésor, et je le demande, y a-t-il au monde un droit plus modéré, plus facile à
percevoir qu’un droit de 6 p. c. sur le bois de construction ?
Remarquez
en outre que ceux qui exploitent des forêts paient un droit bien considérable,
l’impôt foncier ; faudra-t-il que le bois étranger qui n’a rien payé à l’Etat
vienne concourir avec les bois indigènes en franchise de toute espèce de droit
? En vérité, messieurs, ce serait se jouer des intérêts du trésor et des
intérêts de l’industrie nationale.
Je ne puis partager en aucune manière l’opinion
de l’honorable député de Charleroy, qui pense que les bois ne sont pas utiles à
un pays ; je sais qu’il est des circonstances où la culture des bois est moins
productive que telle autre, mais il est aussi des circonstances où la culture
des bois est très avantageuse. Dans tous les cas un pays doit toujours
conserver une certaine quantité de bois, pour tout événement, et cela et
tellement vrai qu’en Angleterre, où certes on entend bien l’économie politique,
après avoir supprimé la plupart des forêts, on a distribué des médailles d’or à
ceux qui semaient du gland. Partout on reconnaît la nécessité d’avoir des
forêts ; je ne prétends pas qu’il faille les conserver toutes ; il ne faut pas
tomber dans les extrêmes ; mais il faut accorder aux personnes qui désirent
conserver leurs bois, la protection à laquelle elles ont droit d’après les
principes que nous avons admis dans toutes les lois relatives aux intérêts
matériels. Vous accordez à toutes les industries des droits protecteurs, vous
devez agir de la même manière envers ceux qui exploitent des forêts ; vous ne
pouvez pas avoir deux poids et deux mesures.
M.
Dubus (aîné). - Messieurs, le projet de loi, tel qu’il a été
présenté par le gouvernement, n’a pas, selon moi, une très grande portée,
puisqu’il maintient les dispositions actuelles quant aux neuf-dixièmes
peut-être des importations qui se font en fait de bois étrangers. Mais il n’en
est pas de même de l’amendement qui a été déposé par l’honorable M. de Mérode,
et sous-amendé, je pense, par l’honorable M. Mercier.
Là,
l’exception disparaît, et réellement le projet acquiert une très grande
importance ; car toutes les importations en bois étrangers sont frappées ; dans
ce système le droit qui est minime devient réellement considérable.
Messieurs,
je ne partage pas l’opinion de mon honorable ami qui a parlé avant moi, et je
me prononcerai contre les amendements de MM. de Mérode et Mercier.
Avant
d’adopter une modification aussi grave dans le tarif, il faut, me paraît-il, en
justifier la nécessité. On ne doit pas, sans une nécessité bien prouvée,
modifier, et modifier d’une manière notable, le tarif qui est actuellement en
vigueur. Quels sont donc les motifs de la modification réclamée par MM. de
Mérode et Mercier ? On en allègue deux. On a dit, d’une part, qu’il fallait
protéger la production indigène contre l’importation étrangère ; d’autre part,
qu’il fallait saisir l’occasion de faire entrer de l’argent dans le trésor
public.
Eh
bien, il me paraît résulter de la discussion que l’un et l’autre motif viennent
à manquer au cas actuel ; que le premier motif est aussi mal fondé que l’autre.
On a démontré, par des raisons qui n’ont pas été réfutées, que la production
indigène n’a pas besoin maintenant de protection. Le droit à l’importation
étrangère a été minime pendant le temps où les bois étaient à bas prix, la
production indigène pouvait souffrir. Mais à l’heure qu’il est, par cela même
que le prix du bois est élevé, la production indigène ne souffre en aucune
manière ; et c’est lorsque la production indigène n’est nullement en
souffrance, que vous voulez appliquer le remède. Mais c’est de la déraison,
c’est plus que de l’absurdité.
Les
bois sont une matière première pour les constructions civiles et navales. Cette
matière première est à très haut prix, et c’est ce moment que vous voulez
choisir pour l’augmenter encore, pour accroître en quelque sorte un mal : ce
qui, je le répète, me paraît déraisonnable.
Ainsi,
dans mon opinion, la production indigène n’a actuellement besoin d’aucune
protection, et les amendements qui ont été proposés sont tout au moins
inopportuns ; mais maintenant apprécions l’autre motif : il a été réfuté d’une
manière qui m’a frappé bien plus encore. On a dit : Vous voulez faire entrer de
l’argent dans le trésor ; mais des lois fiscales qui ont été faites pour
procurer de l’argent au trésor, ont précisément créé une exception pour les
constructions civiles, et ces constructions donnent lieu à exemption de
contribution. On a reconnu qu’elles avaient besoin d’être protégées, de sorte
que vous allez contrarier par la loi actuelle ce qui est établi par d’autres
lois actuellement en vigueur.
Quant
aux constructions navales, l’honorable M. Mercier a reconnu lui-même qu’elles
ont besoin de protection ; que le renchérissement du bois étranger irait en
sens inverse de cette protection. Mais, dit-il, si je ne les comprends pas dans
ma proposition, c’est qu’il serait très difficile, si pas impossible,
d’apprécier à l’importation si les bois sont destinés à des constructions
navales ou à des constructions civiles ; mais, ajoute-t-il, j’augmenterai la
prime à la sortie ; le trésor restituera d’une main ce qu’il obtiendra de
l’autre. De sorte qu’en définitive le trésor est destiné à ne rien percevoir de
ce chef.
Quant
aux constructions civiles, ce sera la même chose. Vous détruisez tout à fait un
encouragement accordé par nos lois actuelles qui ont reconnu la nécessité d’encourager
les constructions civiles. En vertus de ces lois, toute maison nouvellement
construite donne lieu à une exemption de contribution foncière pendant six ou
huit ans. Eh bien tandis que l’exemption est estimée à une somme de 200 fr.,
par exemple, le droit à imposer sur les bois étrangers augmentera peut-être
leur prix de 400 fr. ; de sorte que vous ferez payer au double, à ceux qui
construiraient des maisons, un avantage qui leur a été assuré par cette
exemption de contribution. Mais je ferai cette question : Y a-t-il lieu à
continuer d’encourager les constructions civiles, et à maintenir l’exemption
qui est établie dans la loi sur la contribution foncière ? Si le maintien n’en
est pas nécessaire, le parti que vous avez à prendre, c’est, non pas d’établir
un droit à l’entrée sur les bois étrangers, mais d’abroger l’exemption dont il
s’agit. Mais si vous croyez que cette exemption soit encore nécessaire, vous
allez en ce moment directement contre votre but, en établissant un droit
d’entrée qui augmente la dépense de construction d’une somme double du montant
de cette exemption. Cela me paraît de toute évidence.
Il me semble donc qu’il n’y a rien à répondre
aux réfutations qui ont été produites, et que les amendements qui ont été
présentés ne peuvent réellement pas être acceptés. Le gouvernement ne vous
demande pas ces dispositions ; la section centrale ne vous les demande pas non
plus ; elle a proposé purement et simplement l’adoption du projet de loi. Ce
seraient des amendements, en quelque sorte improvisés, qui amèneraient un
changement très notable dans notre tarif. Je crois que nous devons nous garder
d’entrer dans cette voie.
M.
Mercier. - Messieurs, je m’aperçois que l’amendement
que j’ai eu l’honneur de proposer a peu de chances d’être admis par la chambre.
Cependant j’éprouve le besoin de répondre quelques mots à l’honorable M. Dubus.
D’abord
il ne s’agit pas, comme je l’ai déjà fait remarquer plusieurs fois, d’une
protection à accorder aux propriétaires des forêts ; mais bien de frapper les
bois étrangers d’un droit équivalent à celui qui atteint les bois indigènes. Ce
que je trouve absurde, pour me servir des expressions de l’honorable orateur,
c’est de donner indirectement une prime aux produits étrangers au détriment des
produits indigènes.
C’est
là une absurdité inconcevable consacrée dans notre tarif. Ordinairement on fait
le contraire, ce sont les produits indigènes qui sont gratifiés d’une prime,
système auquel je me suis plusieurs fois opposé. Mais enfin ce sont du moins
des produits indigènes ; mais accorder une prime aux produits étrangers, voilà
une chose qui ne se voit que dans cette circonstance.
On
dit que les bois se vendent bien maintenant ; cela est possible ; mais, en
pareille matière, ce n’est pas le moment actuel qu’il faut considérer, c’est
l’avenir. Il est certain que les propriétaires ne trouvent pas dans la culture
du bois les mêmes revenus que ceux que procurent les terres labourables. S’il
en est ainsi, il faut encourager la culture du bois.
On dit encore que si la loi est destinée à
devenir une ressource fiscale, le but est manqué. Il est évident, messieurs,
qu’il en résultera une augmentation de recette pour le trésor. Je sais bien que
l’exemption de la contribution foncière est acquise pendant un certain nombre
d’années aux maisons nouvellement construites ; mais il entre dans la
construction de ces maisons d’autres matières que le bois.
La
houille frappée d’un droit d’importation élevé n’est-elle un agent
indispensable pour la formation du fer et des briques ? Ces matières ne
sont-elles pas ainsi véritablement soumises à l’impôt ? Sans doute, et cet
impôt existe réellement, tandis qu’en ce qui concerne les bois, il ne s’agit
que de la cessation d’une prime au profit de l’étranger. Qu’on ne s’imagine pas
d’ailleurs que le bois renchérisse du tout le montant du droit, ce serait une
erreur, et l’on doit admettre au contraire que la différence du prix ne sera
que d’environ la moitié de ce droit par suite de la concurrence du bois
indigène qu’on emploiera plus qu’on ne le fait aujourd’hui.
M.
Dumortier. - Messieurs, j’avais demandé la parole pour
faire à peu près les mêmes observations qui viennent d’être faites par
l’honorable M. Mercier, et pour repousser le reproche de déraison et
d’absurdité que mon honorable ami a articulé contre les observations que
j’avais présentées, et que d’autres membres avaient fait valoir comme moi.
Voici
quelle est l’argumentation de mon honorable ami. La production indigène,
dit-il, n’a pas besoin de protection, parce que le prix des bois est
actuellement aussi cher que les propriétaires de bois peuvent le désirer.
La
production indigène n’a pas besoin de protection !... Mais c’est là, me
paraît-il, résoudre singulièrement la question par la question. La production
indigène n’a pas besoin de protection !... Et pourtant il est de fait qu’on
défriche, parce que le bois ne rapporte pas assez. Pourquoi le prix du bois
est-il augmenté ? C’est à cause des nombreux défrichements qui ont eu lieu, et d’où
résulte que ce qui reste de bois ne satisfait pas aux besoins. C’est là
l’unique cause du renchérissement momentané du bois. Si le bois a augmenté de
valeur, c’est uniquement à cause de la détresse réelle dans laquelle se
trouvent les propriétés boisées. Eh bien, s’il y a quelque chose d’absurde,
c’est de considérer ce renchérissement momentané du bois comme un motif de ne
pas accorder de protection à la production indigène. Je le répète, cette
augmentation n’est autre chose que le résultat de la détresse qui existe dans
les propriétés boisées, et qui en a fait détruire une immense partie.
Un
fait que personne ne conteste, c’est que les forêts ne rapportent plus en
proportion des terres labourables, et c’est cette considération qui a provoqué
le défrichement d’une grande partie des forêts du pays.
Il
est donc évident que si une industrie quelconque est réduite à devoir se
supprimer de plus de moitié dans beaucoup de provinces, cette industrie, loin
d’être propice, est dans un état de crise. Il est donc certain que si vous
voulez encourager la production des bois indigènes, vous devez leur accorder un
droit protecteur contre les bois étrangers qui viennent lutter avec eux sur les
marchés intérieurs. Que propose-t-on ? Un droit de 6 p. c. Est-ce là un droit bien
exagéré ? Il s’agit de savoir maintenant si nous élèverons plus ou moins le
droit pour certaines catégories de bois.
Eh
bien, on n’a pas répondu à l’argument que j’ai eu l’honneur de développer :
qu’en frappant les bois qui arrivent par petite quantité, on frappe les
constructions dans certaines provinces, tandis que la forêt de Mormal sera
frappée d’un droit, tandis que dans les Flandres, où l’on fait des planchers de
sapin, on ne paierait pour les bois qu’on emploierait aucun droit, parce que
ces bois arrivent par cargaison pleine. Est-ce là de la justice ? Non ; pour
moi je ne puis voir une bonne justice distributive dans une mesure qui frappe d’un droit élevé
le bois qui entre par petite partie et ne frappe pas celui qui entre par grande
partie, Si certaines catégories de bois doivent être frappées vous devez
étendre la mesure.
Pour repousser le droit proposé sur le bois de
construction, on a invoqué l’exemption d’impôt foncier pendant six années,
qu’on accorde aux constructions nouvelles. Mais je ferai observer que quand
cette disposition a été établie, le trésor n’était pas dans la position où il
est actuellement ; il ne fallait pas constamment rechercher de nouvelles
ressources. Du reste, il y a une grande différence entre un droit une fois payé
et un impôt qui se prélève pendant six années, et il faudrait des exceptions
excessivement rares pour que le droit sur le bois fût plus élevé que
l’exemption d’impôt foncier. D’ailleurs, maintenant nous avons besoin de fonds
pour le trésor public ; tous les ans on parle de déficit ; il faut imposer les
objets de première nécessité, rien de plus rationnel que d’imposer les bois à
bâtir. Que celui qui veut bâtir paie le droit sur la bâtisse. Cela vaut mieux
que les droits sur le sel, et même le café, qui sont des objets de première
nécessité pour les pauvres. Les droits sur les bois de construction frapperont
des personnes riches. Par ces motifs, je voterai pour leur adoption.
M.
Pirmez. - Après ce que vous a dit M. Dubus, je pensais
qu’il n’y avait plus rien à ajouter pour faire repousser les propositions de
MM. Mercier et de Mérode. Cependant on est encore venu les défendre. Voilà la
singulière argumentation qu’on vous a présentée : Nous voulons établir un droit
sur les bois, pour conserver les forêts, parce que sans cela le bois
deviendrait excessivement cher dans l’avenir ; nous voulons, en établissant un
droit, le rendre cher maintenant, dans l’espoir de le faire devenir bon marché
à l’avenir. Nous voulons encourager l’industrie des forêts. Comme si une forêt
était une industrie !
Je
vous demande si on peut accepter de pareils arguments !
Si
on défriche les forêts, c’est parce qu’on a plus d’avantage à cultiver les
terres. Les forêts, on ne les cultive pas, elles croissent naturellement. C’est
le propre des pays sauvages d’avoir des forêts.
On défriche chez nous, parce que nous sommes
civilisés et que nous retirons plus de fruit de la terre en la labourant qu’en
la laissant produire du bois. En remettant les terres labourables en bois, vous
appauvririez de toute la différence entre le produit de la terre labourable et
le produit de la terre boisée.
Comme
je l’ai dit tout à l’heure, c’est le propre d’un pays barbare d’être couvert de
forêts. La Russie est couverte de forêts ; croyez-vous qu’il ne lui serait pas
plus avantageux d’avoir de riches campagnes comme les nôtres ? Si on parvenait
à défricher ces forêts, diriez-vous qu’elles sont dans la détresse ? Oui, les
forêts seraient dans la détresse, mais le pays s’enrichirait. Je suis persuadé
que la Russie, la Suède et la Norwège seraient enchantées de la détresse de
leurs forêts si elles pouvaient les changer en campagnes ; loin de s’en
plaindre, elles s’en applaudiraient.
M.
Dubus (aîné). - Mon honorable ami s’est trompé quand il a
pensé que j’aurais taxé ses observations de déraisonnables et d’absurdes. Je
n’ai pas dit cela ; j’ai dit que ses observations étaient inapplicables à
l’amendement proposé ; mais j’ai dit qu’il était déraisonnable et qu’on pourrait
même ajouter absurde de protéger une industrie qui était en prospérité. Du
reste, si je n’ai pas rencontré toutes les raisons qu’a données mon honorable
ami, c’est que je n’ai pas voulu répéter des arguments qui déjà avaient été
produits, mais j’estime que toutes ces raisons avaient été réfutées d’avance ;
et notamment celle qu’il a tirée de la tendance au défrichement avait été
réfutée par des faits produits par l’honorable député de Namur, M. Desmanet de
Biesme . Il vous a démontré que, quelle que soit la loi que vous adoptiez, vous
n’empêcheriez pas le défrichement ; il vous en a signalé la cause, il vous a
dit qu’un propriétaire ne planterait pas de la haute futaie qui ne donnerait de
produit que dans un siècle, un siècle et demi, et que quant aux taillis qui
donnent des produits annuels, ces produits étaient si faibles qu’on aimait
mieux défricher.
Voilà
des raisons auxquelles on n’a rien répondu. Ainsi, vous augmenterez le tarif,
qu’on défrichera comme auparavant. Cela sera sans aucun effet sur les prix de
ventes périodiques de taillis ; on n’attendra pas un siècle, un siècle et demi,
pour obtenir un produit en hante futaie.
Du
reste, messieurs, je ferai cette simple question : Pense-t-on que le prix des
bois de construction n’est pas assez élevé ? Tout le monde répondra qu’il est
au contraire plutôt trop élevé. Vous voulez favoriser la production indigène ?
Il faut supposer que les producteurs de bois, en présence de la concurrence
étrangère, ont de la peine à place leurs produits parce que ces produits sont à
trop bas prix.
Tout
le monde vous dira qu’au contraire rien n’est plus facile que de placer à des
prix élevés les bois, soit pour constructions navales, soit pour constructions
civiles.
Encore
une fois, à quoi sert votre loi puisque les bois indigènes peuvent se placer
facilement à des prix élevés ? Vous n’avez donc pas besoin de leur donner de
protection. Je réduis la question à cela. II n’y a rien à répondre.
Mon
honorable ami a dit que l’exception étant restreinte aux importations de bois
du Nord par cargaison complète, il en résulte que les provinces qui
s’approvisionnent par terre ou par cargaison incomplète paient un droit que ne
paient pas les autres provinces.
Je
répondrai qu’elles ont la faculté d’employer les mêmes bois, et que même si cette
raison est bonne, il doit tendre à élargir l’exception ; que ce n’est pas un
motif pour la faire disparaître. Si vous voulez qu’il soit aussi avantageux
d’employer le bois de la forêt de Moumal, qu’on étende l’exception à ce bois,
je ne m’y opposerai pas. Mais vous vouiez supprimer l’exception établie pour
les bois du Nord, quand vous les obligez de reconnaître que les propriétaires
placent constamment leurs produits à des prix très élevés. Quant au trésor, il
n’a aucun intérêt à percevoir un droit plus élevé sur les bois de construction,
alors qu’on est obligé de conserver dans nos lois une exemption d’impôt foncier
pour les constructions civiles.
-
La discussion générale est fermée.
Discussion des articles
« Article
unique. Par modification au tarif des douanes, en ce qui concerne les espèces
de bois étrangers ci-après spécialement désignées, les droits d’entrée et de
sortie sur ces espèces sont fixés comme suit :
«
Les droits auxquels sont actuellement soumises les autres espèces de bois
mentionnés aux tarifs existants, sont maintenus.
« (N°1)
Toute espèce de bois, soit en grume, soit non scié, autre toutefois que les
bois de construction civile et navale, que le tarif actuel admet au droit de 25
cents par tonneau de mer, et à l’exception des merrains, mâts, espars et rames.
A la valeur : droit actuel : à l’entrée, 2 1/2 p. c., à la sortie, 1 p. c. ;
droit proposé : à l’entrée 6 p. c., à la sortie 1 p. c. »
-
L’amendement de M. Mercier est mis aux voix et n’est pas adopté.
Celui
de M. de Mérode est également repoussé.
Le
n°1 du projet est adopté.
_________________
« (N°2)
Planches, solives, poutres, madriers et toute autre espèce de bois scié,
entièrement coupé ou non, et autres, autres toutefois que les bois de construction
compris dans l’exception ci-dessus et que les bois feuillards. A la valeur :
droit actuel : à l’entrée 6 p. c., à la sortie, 1/2 p. c. ; droit proposé : à
l’entrée 10 p. c., à la sortie 1/2 p. c. »
-
Adopté.
« (N°3)
Gaules, perches et lattes de sapin. A la valeur : droit actuel : à l’entrée 2
p. c., à la sortie, 1 p. c. ; droit proposé : à l’entrée 10 p. c., à la sortie
1 p. c.
M. le
président. - M. de Langhe a proposé sur ce paragraphe 3
un amendement par lequel il propose de fixer le droit de sortie à 5 p. c.
M.
Gendebien. - Je crois qu’on ne peut douter que ce
paragraphe 3 s’applique seulement aux perches de sapin ; je prierai cependant
M. le ministre des finances de s’expliquer sur ce point.
M. le
ministre des finances (M. d’Huart). - C’est, en effet,
seulement aux gaules, perches et lattes de sapin que la disposition doit
s’appliquer ; elle a été restreinte ainsi pour ne pas gêner l’importation des
perches d’autres essences dont on a grand besoin pour les houillères dans le
Hainaut.
Puisque
j’ai la parole, je dirai deux mots sur l’amendement de M. de Langhe. Il propose
un droit d’exportation de 5 p. c. sur les perches et gaules par les frontières
de France qui joignent les Flandres ; car c’est à ces gaules-là que son
amendement devrait seulement s’appliquer selon son intention ; il fait cette
proposition pour augmenter indirectement le prix du houblon en France. Je pense
que cette entrave à la sortie d’une production de notre sol tournerait contre
nous ; les Français n’emploieraient plus nos perches, ils en feraient venir par
Dunkerque, de l’intérieur de la France ou d’autres pays, ce qui équivaudrait à
une prohibition de l’exportation des perches de sapin qui, ainsi que l’a dit
l’honorable M. Angillis, sont très abondantes chez nous.
Dans tous les cas, un
fort droit d’importation à côté d’un droit élevé d’exportation constituerait
deux dispositions contraires qui ne sauraient coexister dans un tarif. Mais on
voudrait que le droit de sortie ne s’appliquât qu’aux frontières de France,
joignant les Flandres ; eh bien, ce serait là une disposition exceptionnelle,
hostile, et nous avons admis le principe, récemment encore, qu’il ne faut traiter
aucun pays d’une manière exceptionnelle, parce que de telles mesures sont
toujours mal vues et provoquent des représailles. La disposition ne saurait
donc être que générale, or, elle serait évidemment défavorable à la Campine, à
la province d’Anvers d’où l’on ne pourrait plus exporter le sapin, attendu que
les Hollandais de la frontière auraient avantage à se le procurer dans
l’intérieur du Brabant septentrional.
L’amendement
de M. de Langhe ne me paraît donc point admissible, quelle que soit la forme qu’on
lui donne.
M.
de Langhe. - Je ne comprends pas comment la légère
augmentation du droit de sortie, que je propose sur les gaules, perches et
lattes de sapin, pourrait préjudicier à la Campine qui n’en a pas à exporter.
M. Andries.
- Si la chambre rejetait un amendement qui tend à favoriser l’industrie de la
culture du houblon, cela ferait un singulier contraste avec la conduite de la
chambre française qui a voté un droit énorme pour protéger une industrie qui
n’existait que dans un seul département.
Il
est évident que la disposition proposée protégera indirectement les
propriétaires de perches ; car elle en augmentera le débit, puisqu’elle aura un
effet favorable sur la culture du houblon.
Aujourd’hui,
en transportant quatre cents perches, on paiera 5 fr. ; avec les centimes
additionnels on paiera en tout 6 fr. environ ; cela fera mal au cœur à nos
cultivateurs, qui verront les perches de sapin s’en aller à l’étranger.
M. Brabant.
- La discussion qui se présente nous montre ce que c’est que les droits
protecteurs, L’origine de la proposition qui nous est faite se trouve dans une
pétition des producteurs de houblon d’un certain canton, lesquels se
plaignaient de ce que les cultivateurs français, leurs voisins, faisaient
obstacle au placement de leurs produits : ils demandaient qu’on facilitât
l’exportation du houblon, et en outre qu’on mît des entraves à sa culture en
France, en empêchant la sortie des perches de sapin.
Mais
si le producteur de houblon a droit à la protection, le producteur de perches a
droit aussi à la protection. On espère, en rendant plus difficile l’entrée des
perches en France, y porter obstacle à la culture du houblon, et l’on demande
en même temps des facilités pour exporter nos houblons ; mais les producteurs
français représenteront à la chambre des députés que les Belges ne méritent pas
la protection qu’ils sollicitent.
Si
les producteurs de houblon sont intéressés à le voir hausser de prix, il est
d’autres producteurs qui ne sont pas de cet avis. Les producteurs de bière ne
peuvent appuyer la proposition qui vous est faite. Restons dans les vrais
principes ; accordons la plus grande liberté possible au commerce et à
l’industrie. Je ne réclamerai pas de protection pour mon industrie ; et je
repousserai toute demande de protection qui s’effectuerait par des entraves
apportées à l’industrie des autres.
M.
Andries. - Il est certain que les intérêts des
propriétaires de sapinières sont les mêmes que ceux des cultivateurs de
houblon.
La
proposition de M. de Langhe mise aux voix n’est pas adoptée.
« (N°3)
Gaules, perches, et lattes de sapin, 10 p. c. à l’entrée, 1/2 p. c. à la
sortie. »
-
Adopté.
__________________
« (N°4)
Bois pour caisses à sucre, bois de chauffage, bois feuillard, osiers, saules,
cercles, cerceaux, douves et autres subséquemment désignés au tarif général :
comme au tarif actuel. »
-
Adopté.
Vote sur l’ensemble du projet
Vote
sur l’ensemble du projet
On
procède à l’appel nominal sur l’ensemble de la loi.
58
membres sont présents.
39
votent l’adoption.
19
voient le rejet.
En
conséquence, la loi est adoptée et sera transmise au sénat.
Ont
voté l’adoption : MM. Andries, Coppieters, de Behr, de Florisone, de Langhe, de
Longrée, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, de Nef, de Renesse, Desmanet de
Biesme, Desmet, de Terbecq, d’Huart, Dubus (aîné), Ernst, Fallon, Hye-Hoys,
Keppenne, Kervyn, Lejeune, Metz, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Pollénus,
Raikem, Scheyven, Simons, Trentesaux, Vandenbossche, Vandenhove, Van Hoobrouck,
Vergauwen, Wallaert.
Ont
voté le rejet : MM. Brabant, Corneli, de Brouckere, Demonceau, Dequesne, de
Sécus, Dolez, Dumortier, Gendebien, Lardinois, Maertens, Pirmez, Troye, Van
Volxem, Verdussen, Verhaegen. Vilain XIIII.
PROJET DE LOI PORTANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE
POUR CREANCES ARRIEREES AU BUDGET DU DEPARTEMENT DES TRAVAUX PUBLICS
M. le
ministre des travaux publics (M. Nothomb) dépose sur le bureau
de la chambre un projet de loi portant ouverture d’un crédit de 105 mille
francs pour acquit de diverses dépenses de l’exercice 1835 et années
antérieures.
-
Sur la demande de ce ministre, le projet est renvoyé à la section centrale qui
a été chargée d’examiner le budget des travaux publics, cette section
considérée comme commission spéciale.
La
séance est levée à 4 heures et demie.