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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 5 janvier 1838

(Moniteur belge n°8, du 8 janvier 1838)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à 11 heures et demie.

M. Kervyn lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre :

« Des habitants cultivateurs, rouliers, négociants, etc., de la ville de Lessines, demandent que la chambre adopte une mesure qui autorise l’augmentation de la charge des voitures sur les routes. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le major Page adresse à la chambre de nouvelles pièces à l’appui de sa pétition en date du 8 décembre 1836, tendant à obtenir une augmentation de sa pension. »

M. Dumortier. - Parmi les pétitions qui viennent d’être analysées se trouve celle du major Page qui sollicite une décision de la chambre sur la pétition qu’il lui a adressée le 8 décembre 18356. Comme cette affaire est relative au budget de la guerre, je demande que la pétition reste déposée sur le bureau pendant la discussion, et que la commission des pétitions soit invitée à faire un prompt rapport. Il se plaint de ne recevoir que la pension de sous-lieutenant, grade qu’il avait avant la révolution, au lieu de la pension de major. Il me semble qu’il est nécessaire d’examiner cette affaire. J’invite M. le président de la commission des pétitions à faire en sorte que ce rapport soit présenté à la chambre le plus tôt possible.

M. Zoude. - J’ai l’honneur de faire observer que le rapport sur la pétition du major Page a été fait il y a plus d’un an. Les conclusions étaient le renvoi au ministre de la guerre avec demande d’explications.

M. le président. - Si ce sont de nouvelles pièces que le major adresse à la chambre, elles seront renvoyées à la commission des pétitions pour avoir un rapport supplémentaire.

La pétition sera déposée sur le bureau pendant la discussion, et la commission sera invitée à faire un prompt rapport.

Projet de loi portant le budget du ministère de la guerre de l'exercice 1836

Second vote

Chapitre II. Soldes et masses de l’armée, frais divers des corps

Section I. Soldes des états-majors
Article 2

M. le président. - Il n’y a pas eu d’amendement sur le chapitre premier ni sur l’article premier du chapitre 2. A l’article 2 : « Indemnité de représentation, » la chambre a adopté le chiffre de 66,300 fr. au lieu de celui de 86,300 fr., proposé par le ministre.

Elle a de plus adopté le libellé suivant, sauf rédaction :

« Indemnité de représentation aux généraux qui commandent les troupes campées, au gouverneur de la résidence, aux généraux commandants supérieurs des troupes stationnées dans les provinces d’Anvers et des deux Flandres, et aux chefs de corps. »

M. F. de Mérode. - Je répète donc qu’un honorable membre, dont j’estime beaucoup le caractère et dont j’apprécie le zèle pour les contribuables, s’est figuré, sans doute faute d’examen suffisant de mes idées sur les finances et l’administration publique, que j’étais atteint d’une sorte de fièvre dépensière telle qu’elle me faisait courir sur tous les bancs de la chambre, dans le but d’obtenir des votes favorables à un système de profusions. Que dirait l’honorable représentant si je lui faisais observer que j’agis précisément comme ces cultivateurs, objet principal de sa sollicitude spéciale, qui n’épargnent ni engrais ni semences pour recueillir de bonnes récoltes, et se privent de leur plus beau grain, qu’ils jettent en terre, afin de trouver d’abondantes moissons ?

En fait d’armée, personne ne l’ignore, ce n’est pas exclusivement le nombre qui fait pencher la balance des succès et des revers, mais l’esprit qui anime les troupes et surtout les chefs qui les commandent. Présenter la carrière militaire comme une carrière ingrate, même pour ceux qui parviennent aux plus hauts grades, c’est semer le découragement et l’indifférence à l’égard d’un métier périlleux quelquefois, assujettissant toujours, et qui, bien ou mal exercé, élève ou abaisse les nations, agrandit ou restreint leur territoire ; nous en savons quelque chose par expérience.

Le proverbe qui dit qu’en toutes choses il faut considérer la fin, m’a persuadé et me persuade encore que toutes les rognures sur l’état-major de l’armée ne sont point économiques ; d’abord parce qu’elles ne méritent pas le nom d’économie, mais bien le nom dont je les gratifie à juste titre ; ensuite parce qu’elles pourront être ruineuses à l’avenir et même produire la honte, pire encore que les pertes matérielles.

Je le répète, messieurs, je ne demande rien de magnifique pour les généraux belges en activité de service sur pied de guerre ou de rassemblement. Je demande qu’on les indemnise de frais extraordinaires, inévitables dans cet état de choses pour ceux qui veulent remplir leur devoir. Je ne règle pas ma mesure sur ceux qui ne le rempliraient pas ; je ne suis pas chargé de savoir s’ils ont plusieurs bons chevaux prêts à mettre en campagne ; je sais qu’ils ont besoin de ces chevaux et de leurs palefreniers, et je sais que c’est cher. Je ne suis pas chargé davantage de me faire rendre compte des rapports de société qu’entretiennent les chefs avec leurs officiers, je sais que ces rapports sont considérés partout comme inséparables de l’emploi de général en activité de service sur pied de rassemblement et dans les camps. Je ne suis pas inspecteur des cuisines, je ne suis ni panetier ni sommelier, visiteur, censeur, espion des caves et des garde-manger. Je me contente d’apprécier les frais auxquels chacun est astreint dans le poste qu’il occupe, et je me détermine en raison des convenances, abstraction faite des personnes qu’elles regardent. Le ministre de la guerre, comme tout autre ministre, doit bien choisir le personnel qu’il lui est permis de choisir ; ce n’est pas mon affaire, c’est la sienne.

Messieurs, aucune réplique acceptable n’a été faite à mes plaintes trop justes sur la différence que l’on veut maintenir dans les traitements supplémentaires des généraux belges, comparés aux subventions analogues accordées aux généraux des pays voisins ; je ne me sers pas du terme « frais de représentation » qui a quelque chose de ridicule ; car il implique dans sa signification rigoureuse l’idée de réunions gastronomiques splendides, ou de scènes théâtrales offertes gratis aux officiers par les chefs supérieurs. Les adversaires des indemnités équitables que nous postulons ont constamment abusé de ces mots « frais de représentation, » qui doivent se traduire par les expressions plus vraies « traitement subsidiaire pour commandement de troupes sur pied de guerre ou de rassemblement. »

On vous a dit que les employés de l’ordre civil étaient moins avantageusement rétribués en Belgique qu’en France, qu’ainsi les militaires belges devaient subir les mêmes différences ; d’abord je ne puis admettre ce genre de comparaison, j’ai déjà déclaré pourquoi. Ensuite il ne s’agit pas d’augmenter le moins du monde le traitement des généraux sur pied de paix, position qui seule offre quelque assimilation possible entre les fonctionnaires civils et les militaires. Mais il est ici question d’indemnités pour les généraux placés dans une position spéciale transitoire : car enfin nous ne sommes pas dans l’état normal d’un état de paix ; les généraux qui sont forcés de subir les frais extraordinaires du commandement sur pied de guerre doivent donc obtenir une compensation suffisante de ces frais, compensation reconnue nécessaire partout.

L’année dernière l’on a opposé à ma demande qu’elle était faite par un membre de la chambre et non par le ministre compétent. Cette raison tombe entièrement maintenant, car le ministre a proposé lui-même, et conformément à l’opinion qu’il avait d’ailleurs énoncée précédemment, le chiffre dont j’ai réclamé l’adoption.

Il s’agit de 20,000 francs, c’est-à-dire de la deux millième partie du budget de la guerre. Faut-il que le trésor public supporte la dépense de cette modique somme, ou faut-il la faire peser sur quelques hommes destinés à être, dans l’occasion, le plus ferme appui du pays ?

M. Eloy de Burdinne. - J’aime autant la prospérité de mon pays que ceux qui ne partagent pas toujours mon opinion ; je veux que notre armée soit mise sur un pied respectable, je veux qu’elle soit en état de faire face à l’ennemi, si on en a besoin. Je désire qu’elle soit bien traitée, mais je ne veux pas qu’on y mette d’exagération. Si elle était bien traitée en 1836, pourquoi veut-on changer sa position sous le rapport des frais de représentation ? La manière dont nous marchons nous conduira je ne sais où ; je crains qu’elle ne nous mène à des désastres.

Je me rappelle ce qui s’est passé en France avant 90, on a imposé le peuple à outrance ; aux observations qu’on faisait on répondait : Le peuple chante-t-il ? Si le peuple chante, le peuple paiera. Le peuple chantait, mais après cela le peuple n’a plus chanté. On a continué à l’imposer à outrance. Quelles furent les réponses qu’on fit à ceux qui venaient se plaindre ? La voici : Les peuples sont comme les ânes, plus on les charge, plus ils marchent ; vous savez où ils ont marché.

M. Pirmez. - Lors de la première discussion du budget de la guerre, j’ai prononcé un discours sur la question dont il s’agit. J’ai appris que mes intentions avaient été mal comprises, que certaines personnes se croyaient injuriées par ce que j’avais dit. Comme je n’avais pas écrit mon discours, j’ai pris le Moniteur que j’ai lu avec attention, et j’ai trouvé qu’il rendait bien exactement les paroles sorties de ma bouche ; mais je n’ai pas vu une seule phrase qui dans ses termes ou son esprit puisse être considérée comme injurieuse par qui que ce soit.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je ne me proposais pas de revenir sur le discours de l’honorable M. Pirmez ; l’observation qu’il vient de faire me décide à prendre la parole. L’honorable membre a dit que si on accordait les frais de représentation, ce serait marcher en tournant le dos au but qu’on se propose, parce qu’en général les supérieurs ne gagnaient pas à être connus, qu’il y avait danger à mettre en contact trop intime les supérieurs avec les inférieurs.

Vous n’avez vu là qu’une boutade satirique à laquelle je n’avais pas attaché d’autre importance. Seulement, comme il est de la plus haute importance de maintenir le respect des inférieurs vis-à-vis de leurs supérieurs, j’ai trouvé qu’il y avait danger à dire que ces derniers ne gagnaient pas à être connus. Cependant je ne pense pas que l’intention de l’honorable membre ait été de faire des applications ; c’est le motif pour lequel je n’avais pas pris la parole. Je crois d’ailleurs que la déclaration qu’il vient de faire doit satisfaire toutes les susceptibilités.

M. Pirmez. - Je n’ai pas dit que les supérieurs seulement ne gagnaient pars à être connus, mais que les hommes en général ne gagnaient pas à être vus de près ; c’est une pensée qui est en quelque sorte triviale.

M. Dumortier. - Je suis contraire à l’argumentation de l’honorable M. de Mérode. Je pense que, sur l’article en discussion, la chambre reviendra au chiffre proposé par la section centrale. Je ne pense pas que le dévouement des chefs de notre armée puisse être en raison des frais le représentation qu’on leur donnera. Je crois que des sentiments plus nobles les animent. Ils en ont donné des preuves à l’époque de la révolution et dans beaucoup de circonstances. C’est même faire injure à l’armée que de prétendre, comme le préopinant, que le courage n’est chez elle qu’en proportion des traitements.

Je pense qu’il ne s’agit pas ici de rognures puisque le crédit que l’on demande n’a pas été voté au précédent budget. Je veux le maintien du chiffre de la section centrale qui admet déjà des frais de représentation considérables. Veuillez remarquer que nos colonels ont un traitement fixe, supérieur de 2,400 fr. à celui des colonels de France ; je ne vois pas la nécessité de frais de représentation en pareil cas. Les prestations additionnelles que touchent les colonels français ne portent le total de leurs recettes qu’au taux des traitements fixes de nos colonels. Il n’y a donc pas lieu d’y ajouter des frais de représentation ; ce n’est pas dans un moment où il est question d’imposer des centimes additionnels qu’il convient d’augmenter les gros traitements. Je ne veux pas sanctionner par mon vote une mesure dont le résultat serait l’imposition de centimes additionnels que le pays repousse unanimement. Par ces considérations je voterai le chiffre la section centrale.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je dois rectifier un fait.

L’honorable préopinant émet toujours des assertions contraires à ce qui a été établi dix fois sans contestation. J’ai démontré à toute évidence qu’un colonel français sur le pied de paix touche 500 fr. de plus qu’un colonel belge sur le pied de guerre.

L’honorable membre parle de gros traitements. Je ne crois pas qu’il s’agisse ici de gros traitements, lorsqu’un colonel a de la peine en dépensant son traitement, à être au niveau de ses dépenses forcées, et lorsque, en dépensant la totalité de son traitement, c’est tout au plus s’il vient à bout de se tenir au niveau de sa situation.

Puisque j’ai la parole, je répondrai à l’honorable M. Eloy de Burdinne que l’année dernière on n’a pas reconnu que les traitements fussent suffisants ; on a déclaré, au contraire, qu’on se bornait à demander ce que l’on regardait comme rigoureusement indispensable, pour ne pas revenir sur une question mal accueillie par la chambre.

M. Brabant. - Puisqu’on veut établir une comparaison entre le traitement des colonels français et celui des colonels belges, je donnerai à la chambre, d’après des pièces officielles, le détail de ce que reçoit un colonel français, et l’on verra si, en définitive, si le traitement d’un colonel belge n’est pas plus élevé.

En France, d’après le tableau n° 26, un colonel a une solde de présence de 5,000 fr. D’après le tableau n°55, il a une indemnité de logement, 600 fr. ; une indemnité d’ameublement, 200 fr. Je ne retrouve pas les autres tableaux ; mais j’ai la certitude que les colonels français ont en outre, pour frais de bureau, de tournées et de représentation, une indemnité s’élevant à 1,800 fr. Total, 7,600 fr.

En Belgique, un colonel à 7,400 fr. de traitement fixe ; mais si vous considérez qu’il a une indemnité pour frais de bureau, qui était sous l’ancien gouvernement de 300 florins et qui est maintenant (je ne connais pas le chiffre exact) d’une somme à peu près équivalente, vous reconnaîtrez que le traitement d’un colonel belge est supérieur à celui d’un colonel français.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Voici le détail de ce que touche un colonel français :

Traitement fixe., 5,000 fr. ; frais de représentation, 1,800 fr. ; indemnité de logement, 600 fr. ; indemnité d’ameublement, 200fr. Total, 7,600 fr. D’où à déduire, retenue de 2 p. c. pour les invalides, 152 fr. Reste 7,448 fr.

Un colonel belge a un traitement fixe de 7,400 fr. D’où à déduire, retenue pour la caisse des veuves et orphelins, pour les médicaments et pour les musiciens, 503 fr. Il reste au colonel belge 6,897 fr.

Le colonel français a 7,448 fr.

Différence, 551 fr.

Je puis ajouter ici pour l’indemnité de route au moins, 50 fr.

Différence, 601 fr.

Comment entend-on combler cette différence ? Est-ce qu’on peut tenir compte des frais de bureau que l’on reçoit d’une main pour payer de l’autre ? Dans aucun pays on n’a jamais envisagé les frais de bureau comme un supplément de solde. Voilà des détails exacts, ils sont extraits de l’ouvrage même qu’invoque le préopinant.

M. Mast de Vries. - Je ferai remarquer que M. le ministre de la guerre comprend dans le calcul du traitement du colonel français les 1.800 fr. de frais de représentation ; or, cette somme ne lui est donnée que pour représenter et ne doit pas par conséquent être envisagée comme faisant partie du traitement.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Ce n’est pas ainsi qu’il faut l’entendre. Ces frais de représentation constituent un véritable supplément de solde ; l’honorable M. F. de Mérode l’a dit, l’indemnité de représentation est la restitution d’une dépense exigée des chefs dans l’intérêt du service. Ce n’est pas autre chose.

Quant à la France, il est positif que cette indemnité accorde aux généraux et à tous les chefs de corps est une véritable augmentation de solde.

Du reste, je n’avais pas l’intention de proposer à la chambre de revenir sur son premier vote quant aux frais de représentation. Il y a des choses plus importantes sur lesquelles je me réserve de lui proposer de revenir. Je voulais seulement dans l’intérêt du service et de la discipline, faire la seule observation que j’ai faite, en réponse à l’honorable M. Pirmez .

M. Dumortier. - Je n’imiterai pas M. le ministre de la guerre, qui dit que j’émets sans cesse des assertions dont il a cent fois prouvé la fausseté. Vous avez entendu l’honorable M. Brabant, et vous avez pu voir combien mes observations étaient fondées. Pour moi, je dirai à M. le ministre de la guerre que je lui reconnais beaucoup de talent et de mérite, qu’il est un très bon ministre de la guerre ; seulement qu’il veut faire payer un peu trop cher les services que son administration rend au pays. Je voudrais qu’il continuât de rendre service au pays, mais en faisant en sorte que son administration lui coûtât moins. Je crois que ce compliment vaut un peu mieux que celui que M. le ministre de la guerre m’a adressé.

Vous remarquerez que dans la somme de 1.800 fr., allouée aux colonels français à titre de frais de représentation, est comprise dans l’indemnité de frais de bureau et de tournées ; car le tableau officiel contient la note suivante :

Les frais de bureau et de tournées sont compris pour 1/5 dans l’indemnité de représentation.

Il est évident d’après cela que le traitement réel d’un colonel français est moins élevé que celui d’un colonel belge ; vous ne pouvez donc admettre d’autre chiffre que celui proposé par la section centrale ; ce n’est pas dans un moment où il est question des centimes additionnels qu’il convient d’admettre un système de profusion.

M. de Puydt. - Il faut remarquer qu’en France les officiers de tous grades ont une indemnité de route et une indemnité de séjour pendant la route. Pour un colonel l’indemnité de route est de 5 fr. par jour ; l’indemnité de séjour, également de 5 fr. par jour. Pour peu qu’un colonel voyage, il a bientôt droit à une indemnité de 5 ou 6 cents francs ; ces 5 ou 6 cents francs, un colonel belge le dépense sans indemnité.

Il est à remarquer encore que les officiers en France ont une indemnité d’entrée en campagne que n’ont pas les officiers belges ; ils ont en outre une indemnité pour perte d’effets, perte de chevaux en campagne, toutes indemnités que n’ont pas les officiers belges. En résumé, si on tient compte de toutes ces différences, on trouvera qu’un colonel belge est dans une position inférieure à celle d’un colonel français.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je ferai la rectification que j’avais prié l’honorable M. Dumortier de faire lui-même. La note relative aux frais de tournées et de bureau qu’il a citée, s’adresse aux généraux : en effet, les colonels ne sont chargés en France d’aucune dépense de bureau.

- La chambre consultée décide qu’il y a lieu d’accorder la parole une troisième fois à M. Dumortier .

M. Dumortier. - J’ai peu de chose à dire après les explications données par M. le ministre de la guerre. Ce que je faisais observer tout à l’heure ne devait s’appliquer qu’aux maréchaux de camp, c’est-à-dire que les frais de bureau n’étaient que pour eux seulement égaux au cinquième des indemnités accordées. Si dans ces indemnités on ne dit pas que les colonels ont des frais de bureau, c’est qu’ils n’ont pas de frais de bureau particuliers.

M. F. de Mérode. - J’ai demandé que l’article fût autrement intitulé et qu’on mît : « Indemnité extraordinaires pour causes extraordinaires. » On repousse le chiffre de cet article à cause des centimes additionnels ; mais ce chiffre ne fait pas la deux millième partie du budget de la guerre. Dernièrement, quand M. Dumortier a demandé 10,000 fr. pour la veuve d’un professeur, il n’a pas pensé aux centimes additionnels, et nous ne les avons pas opposés. Les généraux seraient plus heureux avec le traitement de paix, si la paix existait réellement, que d’avoir des augmentations et d’être sur le pied de guerre : quel est leur avantage en temps de guerre ? De se faire tuer ; et parce qu’ils sont exposés se faire tuer, doivent-ils être en plus mauvaise position qu’en temps de paix ? Cela serait incompréhensible.

M. le président. - Le chiffre demandé par M. le ministre est de 86,300 fr. ; celui qui a été voté est de 66,300 fr.

- Le chiffre le plus élevé, mis aux voix le premier, est rejeté.

Après deux épreuves douteuses par assis et levé, on procède à l’appel nominal sur le chiffre de 66,300 fr.

77 membres sont présents.

39 votent l’adoption.

38 votent le rejet.

En conséquence le chiffre de 66,300 fr. est définitivement adopté.

Ont voté l’adoption : MM. Berger, Coghen, Corneli, de Longrée, F. de Mérode, W. de Mérode, de Puydt, Dequesne, de Renesse, de Sécus, Desmaisières, de Terbecq, de Theux, d’Huart, Dolez, Donny, Duvivier, Ernst, Hye-Hoys, Lardinois, Lebeau, Lecreps, Meeus, Mercier, Milcamps, Morel-Danheel, Raymaeckers, C. Rodenbach, Rogier, Smits, Thienpont, Trentesaux, Ullens, Vandenhove, Van Volxem, Verdussen, Vilain XIIII, Willmar, et Zoude.

Ont voté le rejet : MM. Andries, Bekaert, Brabant, de Florisone, de Meer de Moorsel, Demonceau, de Nef, de Perceval, de Roo, Desmanet de Biesme, Desmet, d’Hoffschmidt, Doignon, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumortier, Eloy de Burdinne, Heptia, Kervyn, Lejeune, Liedts, Manilius, Mast de Vries, Metz, Peeters, Pirmez, Polfvliet, Raikem, A. Rodenbach, Simons, Stas de Volder, Thienpont, Troye, Vandenbossche, Van Hoobrouck, Vergauwen et Wallaert.

Section II. Soldes des troupes
Article premier

Le ministre a demandé 11,403,668 fr. ; au premier vote il a été accordé 10,757,194 fr.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Messieurs, je tâcherai d’être court, et de ne pas rentrer dans toutes les observations qui ont été faites.

Il y a dans cet article deux choses auxquelles je ne puis me rallier. La première, c’est le refus de laisser réunir la réserve de l’infanterie tout entière pendant dix jours seulement. Je me bornerai à faire remarquer que ce chiffre de dix jours est le minimum, indiqué par l’expérience, du temps nécessaire pour que les hommes arrivent au point de réunion, qu’ils soient incorporés, qu’ils fassent quelques exercices, qu’ils remettent leurs armes, et retournent chez eux. L’objection faite contre les réunions intégrales de la réserve en 1838, c’est qu’on n’a réuni que la moitié de la réserve en 1837, d’où on infère qu’il n’a pas été jugé utile d’en réunir davantage ; mais si on n’a réuni que la moitié de la réserve, c’est qu’on n’a pas pu faire autrement.

D’un autre côté, on a dit qu’il n’y avait aucune nécessité à réunir des hommes qui devaient être licenciés à la fin de l’année ; mais j’ai démontré ce qu’il y avait d’utilité à réunir en juillet des hommes dont on pourrait avoir besoin en septembre, en octobre et même en novembre, puisque des attaques pourraient avoir lieu dans le courant de ces mois. Je maintiens que d’après nos informations, que d’après les détails de la conduite de notre adversaire, relativement aux hommes qui sont dans la même position que les nôtres ; que, d’après le soin qu’il prend de les passer en revue, de les exercer, nous sommes dans l’obligation morale, sous peine d’être considérés comme nous abandonnant nous-mêmes, de prendre des de mesures au moins égales à celles de notre ennemi. Il est donc indispensable que nous puissions réunir la réserve entière pendant le temps strictement nécessaire, et de bien s’assurer que les hommes qui la composent sont en état de marcher.

Je viens maintenant au second point de la question : Je dis que retrancher les 3,000 hommes de l’infanterie, c’est nous ramener au point où nous étions en 1836. En 1837, lorsque vous avez adopté le budget, vous avez reconnu, après de longues discussions, que la situation militaire du pays ne présentait pas de garantie suffisante contre l’effet d’une première attaque ; vous avez reconnu qu’on n’avait pas assez fait attention à la concentration et à l’attitude de l’armée de notre ennemi ; vous avez reconnu que le gouvernement hollandais ne pouvait persévérer d’imposer des charges si accablantes que celles de l’entretien d’une telle armée sur le pied de guerre, sans avoir un but, sans avoir une arrière-pensée qui lui rendait utile d’avoir de semblables forces en main.

Je vous ai rappelé ce qui s’est passé assez récemment, dans les états-généraux, tous les discours ont roulé sur les incertitudes de la politique, et on a fait envisager le budget de la guerre que l’on présentait comme un budget provisoire qui devrait être modifié, si les circonstances venaient à changer.

Eh bien, messieurs, aucune circonstance n’est changée depuis l’année dernière ; des incidents qui sont survenus ont au contraire fait sentir à tout le monde la possibilité de troubles quelconques dans la situation politique. Ce n’est pas dans cet état de choses qu’on peut diminuer notre attitude militaire. L’attitude militaire que nous avons adoptée l’année dernière est identiquement celle nous avons prise pour base du budget de 1838 ; il s’agissait d’avoir en main une force suffisante pour être certain qu’une première attaque serait repoussée comme l’honneur du pays l’exige ; il n’a rien été fait de plus, et la preuve, chacun de nous doit la posséder, c’est que toutes les villes de garnisons élèvent des réclamations pour obtenir des augmentations dans le nombre des troupes casernées ; si l’on avait assez de troupes, il n’existerait pas de réclamations de ce genre. Nous n’avons donc que les troupes nécessaires pour opposer à l’armée hollandaise, qui se trouve à la frontière du Brabant septentrional, des masses relativement égales.

A l’objection qui a été faite, que, d’après les forces tenues sous les armes en 1837, il n’est pas nécessaire d’avoir l’effectif total demandé au budget, je répondrai que le calculs au moyen desquels on a cherché à établir quel avait été le nombre d’hommes sous les armes en 1837, n’ont pas été faits avec une exactitude suffisante. Pour établir les calculs dont il s’agit, on a pris la situation du premier jour des neuf premiers mois de l’année, on en a déduit une moyenne d’après laquelle on a calculé la force tenue sous les armes en 1837.

Je dis, messieurs, que les bases de ce calcul manquent d’une exactitude suffisante ; il est évident qu’on ne peut pas trouver la moyenne exacte de 365 jours en ne calculant que sur les premiers jours de chacun des 9 premiers mois de l’année ; mais il y a deux faits particuliers que j’ai cités dans la discussion générale et qui démontrent que ces chiffres ne peuvent pas donner une moyenne exacte : du 1er au 15 mars 3,400 hommes de plus ont dû recevoir la solde, il en résulte que la moyenne des hommes sous les armes pendant le mois de mars est plus élevée que le chiffre des hommes sous les armes au 1er de ce mois ; dans le courant du mois de juillet 11,000 hommes ont été appelés sous les armes, et par conséquent le chiffre de la moyenne de ce mois est beaucoup plus élevé que le chiffre qui a été pris pour base des calculs dont il s’agit. Si je voulais suivre mois par mois la situation de l’armée, je trouverais partout des différences, mais pas aussi grandes que celles que je viens de signaler, mais des différences réelles et presque toujours des différences en plus. Les bases des calculs qu’on nous oppose sont donc vicieuses, et pour s’en convaincre, il suffit de consulter la situation du budget de 1837, car si les choses s’étaient passées comme on le dit, il devrait rester des sommes disponibles, ce qui n’est pas.

Dans cet état de choses, voulant diminuer moi-même les dépenses autant que possible, j’ai pris le chiffre moyen des hommes manquants, tels que les hommes qui sont en état de désertion, les hommes qui sont traduits devant les conseils de guerre, ceux qui sont détenus, enfin, ceux qui sont ce qu’on appelle « en petite permission » ; cela forme une masse flottante que je crois pouvoir évaluer à un millier d’hommes ; j’ai en conséquence consenti au retranchement de la solde et des masses d’un millier d’hommes ; mais en faisant cela j’accorde tout ce qu’il est possible d’accorder, et je m’expose peut-être au danger d’être obligé dans les derniers mois de l’année de réduire plus que je n’aurais voulu le nombre des hommes sous les armes, afin de niveler la dépense avec le crédit que je demande en ce moment dans l’impossibilité d’en obtenir un plus élevé.

Je pense, messieurs, qu’il est inutile de m’engager davantage dans cette discussion. J’insiste sur la nécessité de voter la somme que je demande, et je parle au nom de la sûreté du pays, au nom de la dignité de la nation et de son honneur militaire, qui exigent que nous n’abandonnions pas l’attitude que nous avons prise et qui a simplement pour objet de nous garantir contre les attaques de l’ennemi, de mettre le pays en état de se suffire à lui-même sans devoir, en cas d’une attaque imprévue, recourir à des secours étrangers. Il me semble que quand on veut être une nation, la première chose c’est de pouvoir se défendre soi-même.

M. Desmet. - Je ne sais, messieurs, si depuis deux jours il est survenu des changements dans notre situation politique, s’il y a aujourd’hui plus d’apparence de guerre que quand nous avons discuté la première fois du budget de la guerre ; mais lors de cette première discussion il n’y avait au banc des ministres que le seul ministre de la guerre, et aujourd’hui ce banc est au grand complet. Je fais cette remarque parce qu’il me semble qu’elle doit faire quelque impression sur le vote que nous allons émettre, vu l’importance qu’aujourd’hui paraît mettre tout le cabinet à ce qu’il soit résolu dans un sens affirmatif.

Dans la question importante qui nous occupe en ce moment, la section centrale est d’accord avec M. le ministre de la guerre sur le nombre d’hommes qu’il convient de tenir sous les armes ; il n’y a de divergence que sur les moyens d’exécution. M. le ministre de la guerre dit qu’il peut tenir 2,000 hommes de plus sous les armes, tandis que la section centrale soutient qu’on ne l’a pas fait l’année dernière, et qu’il n’y a pas possibilité de le faire. J’attends à cet égard la réplique de l’honorable rapporteur pour émettre mon vote.

L’an dernier, la chambre a reconnus la nécessité de tenir au complet l’effectif de l’armée ; je ne pense point qu’en ce moment il y a moins de raison pour le conserver sur le même pied ; au contraire, on pourrait soupçonner que les motifs sont plus forts et que la prudence ordonne que nous soyons encore plus sur nos gardes contre un ennemi qui se tient continuellement en hostilité et qui a un camp tout armé à nos frontières.

Je dois dire, messieurs, que je ne pense pas que quand nous voterions le budget demandé par M. le ministre de la guerre, il faudrait pour cela établir des centimes additionnels ; je crois qu’il est d’autres moyens de faire face à nos dépenses. Je déclare, du reste, messieurs, que si la nécessité du crédit demandé est bien établie, je ne veux pas prendre la responsabilité des conséquences qui pourraient résulter pour le pays d’un vote négatif. Ce n’est pas pour une économie de quelques mille francs que je voudrais exposer la Belgique à ne pas être en état de repousser victorieusement les attaques dont elle pourrait être l’objet. Je remarque que le ministre de la guerre et même tout le cabinet y tient fortement ; il me semble que le gouvernement doit avoir ses raisons ; je vous le demande donc, pour une somme que j’appelle minime, et comme elle l’est réellement, car elle ne présente que la quatre-vingt-quatrième partie du total du budget de la guerre, je ne voudrais pas refuser au ministre ce qu’il vous déclare positivement avoir besoin pour la sécurité du pays. Ce ne sera jamais pour, une si légère somme que je voudrais compromettre ma responsabilité ni la sûreté et la tranquillité de la Belgique.

M. Brabant. - Il est incontestable, messieurs, qu’en cas de guerre, le contingent porté au budget serait insuffisant. Nous avons eu à nous prononcer sur le nombre d’hommes nécessaires pour donner à l’infanterie une consistance suffisante pour l’état de paix dans lequel nous nous trouvons ; nous avons demandé à M. le ministre de la guerre des renseignements sur l’effectif de 1837 ; M. le ministre de la guerre nous a priés de ne pas rendre publics les tableaux qu’il nous a communiqués à cet égard ; nous ne les avons pas rendus publics, et je ne les rendrai pas publics, malgré toute la force que je pourrais en tirer ; mais je dirai à M. le ministre de la guerre qu’il n’a pas satisfait complétement à la demande de la section centrale, car nous lui avions demandé le chiffre moyen de l’effectif, mois par mois, ce qu’il ne nous a pas communiqué.

Maintenant, messieurs, si je suis lié à la discrétion à l’égard des renseignements qui nous ont été communiqués de bonne foi par M. le ministre, et que nous avons acceptés de bonne foi avec les conditions qu’il a mises à cette communication, je ne suis pas lié à l’égard des renseignements que je me suis procurés ailleurs ; je garderai cependant une certaine mesure, je ne dirai que ce qui peut sans inconvénient être su.

Nous avons, messiers, douze régiments d’infanterie de ligne, trois régiments de chasseurs à pied, un bataillon de l’Escaut, trois compagnies sédentaires, deux compagnies de discipline et un dépôt de déserteurs. Je reconnais que les trois compagnies sédentaires, les deux compagnies de discipline et le dépôt de déserteurs ne peuvent entrer en ligne de compte ; aussi ai-je eu soin, dans les calculs que j’ai faits, de les déduire de l’effectif : cet effectif est de 28,000 hommes.

Les corps dont il s’agit s’élèvent ensemble à 1,009 hommes ; je ne tiens pas compte des 9 et je soustrais 1,000. Reste 27,000 hommes.

Or, les douze régiments d’infanterie de ligne forment ensemble 312 compagnies, trois régiments de chasseurs à pied se composent de 26 compagnies, les deux autres ont ensemble 40 compagnies, le bataillon de l’Escaut contient 6 compagnies. Total 384 compagnies.

Eh bien, les 27,000 hommes à 384 nous donnent encore 70 hommes par compagnie.

Il y a un régiment à 64 hommes par compagnie, et le ministre ne nous demande que 85 hommes par compagnie pour un régiment qui a un service très dur. Nous, nous nous sommes arrêtés au chiffre de 70 ; eh bien, si 70 n’est pas précisément la moyenne entre 64 et 85, je crois qu’on peut l’adopter en sûreté de conscience, aussi longtemps que nous n’aurons pas nous mesurer avec l’ennemi.

Maintenant, en ce qui concerne l’armée de réserve, M. le ministre de la guerre a déjà consenti à une réduction de 3,000 hommes ; il resterait donc 20,000 hommes dont il y a encore à soustraire, à cause des positions très particulières dans lesquelles peuvent se trouver les soldats qui sont sous les drapeaux depuis 9 à 10 ans. Le contingent de l’armée se compose de dix classes de milice ; le maximum de chaque classe est de 12.000 hommes. Le contingent de l’armée n’était pas aussi fort avant la révolution. Ce sont les hommes appelés avant la révolution qui font aujourd’hui partie de la réserve. Aujourd’hui ce sont les deux dernières classes qu’on tient sous les drapeaux ; chaque année, on libère la dixième classe, la classe la plus ancienne. A quoi bon rappeler cette dixième classe ? Je suppose que le prochain appel ait lieu au mois d’avril, serait-il nécessaire de rappeler alors des hommes que dans neuf mois vous devrez libérer ?

Messieurs, en pareil cas, on juge un peu par conjectures. M. le ministre de la guerre nous a fait l’éloge du zèle, de la promptitude avec lesquels il était parvenu en 1837 à rassembler les hommes de la réserve. Eh bien, messieurs, vous pouvez compter que vous aurez le même zèle, que vous aurez même un zèle bien supérieur, quand il s’agira, non plus de faire des exercices assez insignifiants, mais de défendre la liberté et l’indépendance du pays. (Marques d’assentiment.)

M. de Puydt. - Messieurs, tous les détails dans lesquels l’honorable préopinant vient d’entrer nous importent fort peu ; il serait d’ailleurs difficile de le suivre dans ces détails, parce qu’au milieu des réticences qu’il a employées comme argument d’un nouveau genre, il ne m’a pas été aisé de comprendre de quoi il s’agit. il n’y a qu’une seule question qui nous intéresse, c’est une question de forces, c’est celle de savoir si nous avons en ce moment, avec l’allocation proposée au budget, une armée suffisante, non pas pour faire une guerre durable à la Hollande, mais pour résister au premier choc d’une attaque de l’armée hollandaise, en attendant le rassemblement complet de nos soldats, attaque que chacun de nous reconnaît possible et reconnaît d’autant plus possible que l’armée hollandaise est toujours prête à l’entreprendre.

C’est donc la seule et unique question à laquelle nous devons nous borner. Eh bien, M. le ministre de la guerre déclare que si vous opérez une réduction de 3,000 hommes sur l’effectif de l’armée, cette question devient douteuse.

Je déclare que, pour ma part, je ne veux pas accepter, comme membre de la chambre, la responsabilité des conséquences qui peuvent résulter du refus d’allouer tout le crédit ; je voterai, en conséquence, pour l’intégralité de l’allocation.

M. Desmaisières, rapporteur. - Messieurs, on parte toujours, au sujet de la question qui nous occupe, de sécurité du pays, de responsabilité du ministre. Si la sécurité du pays et la responsabilité du ministre étaient ici le moins du monde en jeu, je n’hésiterais pas à accorder toute l’allocation qui nous est demandée par le ministre ; mais je vais vous démontrer que les motifs qu’on fait valoir n’ont aucun fondement.

M. le ministre de la guerre nous a présenté un budget pour une armée dont l’effectif est de 52,000 hommes, officiers, sous-officiers et soldais compris ; mais ce n’est pas l’effectif général, ce n’est qu’un effectif moyen. Ainsi, qu’on veuille bien le remarquer, il y a une très grande différence à faire entre l’effectif général de l’armée et le chiffre moyen des hommes à tenir sous les armes ; c’est là que gît toute la question.

M. le ministre de la guerre a borné sa demande à un effectif moyen à tenir sous les armes de 52,000 hommes ; mais il n’en a pas moins porté, comme il le devait, dans les développements du budget,, environ 25 à 26 mille hommes à tenir en congé pendant toute l’année. Si donc vous ajoutez ces 25 à 26 mille hommes au chiffre de 52,000, et qu’ensuite vous teniez compte des 25,000 hommes de réserve qui sont aussi en congé, vous aurez une armée qui se rapprochera de très près du contingent général que vous avez voté et qui, par conséquent, peut nous offrir toute sécurité, toute garantie contre une attaque de notre ennemi. Ces hommes, tenus en congé, font toujours partie de l’armée ; à certaines époques de l’année, ils sont, à tour de rôle, appelés sous les armes ; leur instruction militaire se conserve de cette manière, et ils n’oublient pas le métier des armes.

Le ministre ayant concédé 1,000 hommes, la seule différence qu’il y a aujourd’hui entre ses demandes et les propositions de la section centrale, c’est que celle-ci demande une réduction de 2,000 hommes sur l’effectif moyen à tenir sous les armes, pendant l’année 1838. Mais les 100,000 hommes dont se compose en général l’armée seront tous, chacun à leur tour, tenus sous les armes pendant une certain partie de l’année. Ainsi, en présence d’une armée de 100,000 hommes, tellement organisée et prête à marcher aux frontières, si notre ennemi songeait à nous attaquer, je ne vois pas que la sécurité du pays soit le moins du monde en jeu, pas plus que la responsabilité du ministre qui ne peut ici porter que sur cette sécurité.

L’honorable M. Brabant s’étant expliqué relativement à l’armée de réserve et aux objections qu’avait faite M. le ministre de la guerre au sujet de l’effectif moyen qui a été tenu sous les armes pendant l’année 1837, lequel, il faut bien le remarquer, n’a pas été aussi fort que celui que nous proposons pour 1838, je crois ne devoir rien ajouter aux observations de mon honorable collègue, d’autant plus qu’il n’y a pas encore été répondu.

M. de Brouckere. - Messieurs, l’honorable préopinant vient de faire remarquer à la chambre que l’on parlait toujours, dans la question qui nous occupe, de défense du pays et de responsabilité du ministre, et il a paru s’en étonner. Il me semble cependant qu’à propos d’une semblable question, c’est précisément le langage qu’il faut tenir, et le seul même qu’on puisse tenir.

En effet, je vous le demande, n’est-ce pas dans l’intérêt de la défense du pays, n’est-ce pas pour couvrir la responsabilité qui pèse sur le gouvernement, que le ministre a sollicité un chiffre plus élevé que celui que la section centrale propose ? Je me permettrai de le dire, je ne comprends pas comment la chambre pourrait refuser ce que M. le ministre de la guerre lui demande « pour couvrir sa responsabilité ; » je me sers de l’expression même du ministre, qui a ajouté que ce n’est qu’en obtenant ce qu’il postule qu’il peut garantir la sécurité du pays.

Je dis, messieurs, que je ne comprends pas comment la chambre pourrait accueillir la demande du ministre par un refus ; car le meilleur juge de ce qui est nécessaire pour défendre le pays, c’est assurément le ministre de la guerre, qu’un de ses adversaires vient de proclamer lui-même être un très bon ministre de la guerre. Moi, je pense, messieurs, que si l’on persistait dans le premier vote, et que plus tard il arrivât des événements malheureux, le gouvernement serait en droit de rejeter en partie sur nous la responsabilité qui doit peser exclusivement sur lui. Je dirai, avec l’honorable M. de Puydt, que, quant à moi, je répudie d’avance toute espèce de reproche à cet égard ; que ceux qui veulent assumer cette responsabilité l’assume ; mais assurément je ne m’associerai pas à eux.

Un honorable préopinant a dit qu’il ne fallait pas tant s’alarmer, et qu’on ne devait rien craindre en votant le chiffre de la section centrale, parce que, si on avait la guerre, le chiffre demandé par M. le ministre de la guerre ne suffirait pas. Cela est vrai ; je sais très bien que si nous étions en état de guerre, il faudrait compléter l’armée, la porter à son plus haut chiffre ; mais il faut que nous soyons continuellement en état de supporter un premier choc, et pour que nous soyons à même de supporter un premier choc, il faut que le chiffre de notre armée réponde au chiffre de l’armée hollandaise.

Eh bien, c’est là tout ce que demande le gouvernement ; c’est en s’appuyant sur ce qui se passe en Hollande que le ministre sollicite une augmentation dans le chiffre de cette armée. Quant à moi, je la voterai cette augmentation, et j’espère que la chambre la votera aussi ; s’il en était autrement, je déclare répudier la responsabilité qui pèserait sur l’assemblée.

M. d’Hoffschmidt. - L’argument principal, l’argument reproduit sans cesse pour soutenir l’allocation réclamée par le ministre de la guerre, c’est que sa responsabilité seule est engagée lorsqu’il s’agit de la défense du pays ; mais, messieurs, il me semble que s’appuyer uniquement sur la responsabilité qui pèse sur ce ministre, c’est faire le procès à sa manière d’agir de l’année dernière, et à la conduite des ministres qui l’ont précédé. En effet, pour réclamer un surcroît de forces, quels sont les motifs existant aujourd’hui qui n’existaient pas l’année dernière ? Qu’y a-t-il qui nous menace ? Il me semble que les apparences de guerre étaient bien aussi fortes les années précédentes qu’à présent, que les Hollandais désirent vivement un arrangement avec nous, sans qu’il y ait la moindre apparence d’hostilités de leur part ; ils se garderont toujours bien d’entamer ces hostilités pendant que la Prusse a bien assez de ses propres embarras. Et c’est dans ce moment que l’on nous présente la responsabilité du ministre comme gravement compromise, malgré la force qu’a actuellement notre armée ! C’est dans ce moment que l’on voudrait nous faire craindre celle qui pèserait sur nous si nous ne consentons pas à faire de nouveaux sacrifices, qu’on n’a pas même demandés lorsqu’on nous entretenait d’un corps d’armée campé près de nos frontières et prêt à fondre sur nous ! Mais, messieurs, quelles sont donc ces craintes ? Vous vous faites, je pense, un fantôme de l’armée hollandaise, de cette armée d’une nation de deux millions d’habitants, qui ne peut guère entretenir une force d’au-delà 40 mille hommes sur pied ; et cette armée vous fait peur ! Mais ne vous rappelez-vous donc pas qu’en 1830 nos braves volontaires au nombre de quelques milliers, l’ont refoulée jusqu’au Moerdyk ?

Je ne sais en vérité ce que peut craindre une nation de quatre millions d’hommes qui peut doubler ses forces à volonté, en présence d’une poignée de Hollandais fatigués de faire des sacrifices ? L’on dirait vraiment que vous tremblez déjà parce que cette faible nation est en guerre avec nous !

Quant à moi, messieurs, je n’ai pas du tout les mêmes craintes ; notre armée telle qu’elle est organisée, avec la force qu’elle a, suffit, j’en suis convaincu, pour maintenir notre indépendance envers la Hollande ; j’ai une entière confiance en cette armée, et j’accepte volontiers ma part de la responsabilité dont l’on veut nous effrayer ici ; je refuserai donc le crédit demandé comme je l’ai déjà fait lors du premier vote.

Pour soutenir ce crédit, l’on a dit aussi : « Vous avez un très bon ministre, faites donc en sorte de le garder. » Moi aussi, messieurs, je suis persuadé que nous avons un bon ministre de la guerre ; je crois qu’il est parfaitement à sa place, et si j’ai voté contre quelques chiffres de son budget, ce n’est pas par défaut de confiance en lui, mais parce qu’il paraît s’être fait une idée exagérée de la force armée de nos ennemis et cela peut-être par un excès de prudence.

M. de Brouckere. - L’honorable préopinant se trompe s’il croit que la peur nous domine. Je crois, pour ma part, n’avoir jamais donné lieu à un semblable reproche. Si vous suiviez le raisonnement de l’honorable membre, vous pourriez licencier votre armée, car il vous dit : Nous sommes une nation de quatre millions d’hommes, la Hollande n’en compte que deux ; il n’y a pas lieu d’avoir peur, qu’on soit tranquille. Je n’ai pas peur ; mais je ne serai tranquille qu’autant que nous aurons une armée proportionné à notre population, surtout à l’armée de notre ennemi. Il ne suffit pas d’être une nation de quatre millions d’habitants et d’avoir affaire à une nation de deux millions d’habitants pour pouvoir nous passer d’armée et pour que nous ne devions rien craindre. Je ne crains rien, je n’ai jamais rien craint, mais pour autant que nous mettions en œuvre les moyens de défense dont nous pouvons disposer, et suivant ce que commande notre position ; alors nous n’aurions rien à craindre ; mais si nous négligeons de faire ce que commandent les circonstances, en nous reposant trop sur notre force, nous devons avoir des craintes. C’est pour que nous n’ayons pas lieu d’en avoir que je demande qu’on vote les crédits réclamés par le ministre pour mettre notre armée en mesure de résister à l’armée hollandaise. Voilà ce que demande le gouvernement ; on ne peut pas le lui refuser.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je suis de l’avis de l’honorable M. Desmaisières ; la proposition faite par le ministre pour obtenir les forces dont il croit avoir besoin n’étant pas adoptée, sa responsabilité est satisfaite, elle n’est plus engagée, elle passe du ministre sur la chambre.

Il n’y a pas au budget de 1838 d’augmentation réelle demandée dans le chiffre de l’effectif de armée. Si le chiffre est plus élevé, cela provient de ce que l’année dernière les mesures relatives à l’augmentation de l’armée n’ont été prises qu’au mois d’avril et non en janvier. Le budget de 1838 est calculé sur celui de 1837. L’honorable M. Desmaisières a dit que vous deviez être en pleine sécurité parce que vous aviez une armée de 100 mille hommes dont 25 mille sont dans la réserve et 26 mille en congé.

En effet, vous avez là 50,000 hommes qui sont occupés à cultiver leurs champs, des arts ou des métiers, qui viendront 15 jours après que vous les aurez appelés ; mais avant qu’ils ne soient venus, je vous demande quels secours vous attendrez de ces hommes. Je vais tâcher d’expliquer de la manière la plus simple comment doit être et a été calculée cette moyenne de l’armée. Quand il a été question de changer le système militaire et que des augmentations ont été proposées au budget de 1837, une étude approfondie a été faite par le chef d’état-major et moi sur la situation de l’armée hollandaise, et celle qu’il convenait de donner à la nôtre. Nous avons adopté un chiffre minimum qui a servi de base à mes propositions.

J’éprouve ici le besoin de relever les inexactitudes d’un honorable membre. Je ferai remarquer qu’à côté de l’armée active, il y a des dépôts dont il n’a pas tenu compte. Les besoins de l’armée ont été calculés au plus bas, pour qu’en tout état de choses, si nous étions attaqués par toutes les forces disponibles de la Hollande, nous fussions à même de les recevoir comme il nous convient, sans dégarnir les points importants des Flandres, de la province d’Anvers et de Venloo.

Maintenant vous avez apprécié l’importance de réunir une partie de l’armée dans des camps. Vous avez reconnu la nécessité de réunir ainsi 15,000 hommes pendant trois mois de l’année, vous ne pouvez pas pendant ce temps retirer des villes toutes les garnisons chargées de la garde du matériel. Il faut donc que pendant ce temps le chiffre de l’armée soit augmenté. Voilà pourquoi ce minimum dont.je viens de parler ne peut pas être conservé.

En troisième lieu vous avez admis qu’une levée nouvelle de milice ne pouvait pas être comprise dans l’effectif de l’armée aussi longtemps qu’elle n’avait pas reçu quelques mois d’instruction. Cette levée doit donc, pendant un certain temps, compter au-dessus de l’effectif. Si vous remarquez que la levée doit avoir lieu au moment où l’armée est au chiffre le plus élevé, c’est-à-dire pendant le temps où les autres troupes sont au camp, vous concevrez le maximum très fort auquel on arrive comparativement au minimum calculé sur la nécessité incontestable de recevoir comme il convient un choc de l’armée hollandaise, sur la nécessité de mettre nos bataillons de guerre en état de faire toute résistance en attendant que les permissionnaires aient rejoint.

Vous avez senti vous-mêmes que vous ne pouviez pas faire un fond bien grand sur ces permissionnaires puisque vous avez établi, pour abréger le chemin qu’ils ont à faire, des lieux de rassemblement où sont établis des magasins, où ils tiennent leurs armes et leur équipement. Pour être à l’abri d’un affront militaire, je regarde comme essentiel (et à cet égard je repousse toute responsabilité, en ce qui concerne le secours qu’on pourrait fonder sur la rentrée des permissionnaires), je regarde, dis-je, comme essentiel que l’armée atteigne le minimum ; et elle devrait être portée au maximum dans les circonstances que j’ai indiquées.

Je ne croirais pas nécessaire de rentrer davantage dans la discussion, si d’autres inexactitudes n’avaient pas été avancées, dans un discours prononcé dans la discussion générale, et qui a été déterminé par l’annonce d’un vote négatif. J’ai répondu sur-le-champ à un certain nombre des objections, mais il en est quelques-unes qui m’ont échappé et dont je suis bien aise de faire voir l’inexactitude à la chambre. Le fait le plus grave qu’il m’ait reproché, est qu’on négligerait d’exercer les troupes au tir à la cible. Ce fait aurait été révélé parce que, dans les troupes envoyées dans le Luxembourg, il s’en serait trouvé qui n’auraient pas tiré à la cible. Le fait a ou n’a pas une grande importance ; s’il a une grande importance, c’était un devoir impérieux pour un honorable membre de cette chambre, qui se trouve tous les jours auprès du ministre de la guerre, de lui dire : Telle chose se passe, il faut la changer. Si, au contraire, ce fait n’a pas d’importance, il n’y avait pas lieu d’en faire le texte d’une véritable philippique contre le ministre de la guerre.

Je reviens à ce que j’ai dit, et j’affirme, en contradiction avec un honorable membre, que tous les ans les troupes sont exercées au tir à la cible, et que, par circulaire du 21 juin dernier, ordre a été donné de faire faire ce tir, non seulement aux camps, aux bataillons de guerre, mais même dans tous les dépôts.

Un deuxième fait mis en avant a été qu’une batterie d’artillerie n’aurait tiré le canon qu’à la naissance des princes et à l’arrivée du Roi dans la ville de Namur. Ce fait est complétement inexact. La compagnie d’artillerie de siège de Namur a été au camp de Braesschaet en 1835, et pendant le camp de Castiaux des détachements assez nombreux de cette compagnie y ont été faire le tir.

Ainsi l’assertion est complétement inexacte, erronée ; car dans deux circonstances, dans l’une la compagnie entière, et dans l’autre des fractions, ont été exercées au tir. Il est vrai que des compagnies en garnison du côté de la frontière de France ne sont pas exercées ; mais c’est par deux raisons dont l’une sera facilement appréciée de vous. Ces compagnies sont employées à des travaux les plus importants de l’artillerie, la manutention de la poudre et l’entretien du matériel ; elles sont chargées de donner à ce matériel les soins qu’exige une bonne conservation.

Ensuite j’ai dit que toutes les villes ne fournissaient pas l’emplacement nécessaire pour établir un tir au polygone. La ville de Namur est de ce nombre, et la compagnie qui y est en garnison aurait dû aller au camp de Braesschaet ou au camp de Beverloo, mais il aurait fallu la remplacer par de nouveaux détachements qui auraient entraîné de nouveaux logements, chose contre laquelle on s’élève si fort qu’on le fait souvent à contre-raison.

Un autre fait articulé il y a quelques jours a dû vous paraître fort extraordinaire. Un honorable membre a vu dans les états du matériel que nous avions une seule pièce de 3, et que nous avions des boulets de 3 en grand nombre ; et supposant que les boulets étaient faits pour la pièce, il a rendu le gouvernement actuel responsable de la disproportion qu’il a trouvée. C’est contre lui qu’il a dirigé sa philippique, il l’a rendu responsable de ces deux faits mis en regard. Si l’honorable membre avait pris une communication plus complète de l’inventaire de notre matériel, il aurait vu que le gouvernement actuel est entièrement étranger à ces faits. La pièce de 3 unique est une pièce ancienne, et les boulets de 3 ont tous été fondus en 1809 ou 1810 ; on les a trouvés dans le matériel existant.

Ils n’avaient pas été mis sur le premier état, parce que les inventaires successifs n’ont pas toujours été faits avec une exactitude suffisante et qu’il est difficile de faire des états exacts des boulets, surtout pour les petits calibres. Je le répète, ces boulets de 3, nous les avons trouvés dans les approvisionnements existants au moment de la révolution. Je ne veux pas dire à quoi ces boulets peuvent être employés ; il n’entre pas dans mon intention de donner de leçons à personne, quoiqu’on ait eu l’air de vouloir m’en adresser. Je repousse donc la responsabilité qu’on voudrait faire peser de ce chef sur le gouvernement, qui n’y est pour rien. Si c’est par de pareils motifs qu’on prétend repousser les propositions du gouvernement, je ne les combattrai point ; ils peuvent servir à montrer la valeur de certains votes négatifs quand même. La chambre et le pays sauront les apprécier à leur juste valeur.

M. d’Hoffschmidt. - A en juger d’après la réponse que vient de me faire M. de Brouckere, il semblerait qu’il a pris pour un fait personnel ce que j’ai dit de la peur qui paraît dominer quelques membres de cette chambre, mais je ne sais en vérité comment il a pu se tromper ainsi ; on connaît trop la bravoure et l’énergie de M. de Brouckere pour lui supposer de la peur. (On rit.)

Lorsque l’honorable membre a dit que si l’on suivait mon raisonnement, l’on devrait renvoyer toute l’armée, puisque je l’appuie sur ce que notre nation a quatre millions d’habitants, tandis que la population de la Hollande n’est que de deux millions. Il a dénaturé ce que j’ai dit pour avoir le plaisir de me répondre d’une manière piquante ; mais voici ce que j’ai dit : J’ai énoncé l’opinion que notre armée telle qu’elle est organisée aujourd’hui peut résister avec avantage à l’armée d’une nation qui n’a que deux millions d’habitants, voulant vous faire comprendre par là que la Hollande ne peut guère entretenir une armée aussi forte que l’est actuellement la nôtre, et que nous pourrions encore renforcer si nos ennemis voulaient renforcer la leur.

Je le répète encore, je regrette que M. de Brouckere ait cru que j’ai fait allusion à lui lorsque j’ai parlé de crainte et de peur.

M. Dumortier. - Je n’entends jamais avec plaisir rejeter la responsabilité sur la chambre, surtout avant que les actes soient passés. En 1831, quand le congrès et la chambre des représentants étaient assemblés, ils ont voté tous les fonds nécessaires pour avoir une armée convenable, qui pût satisfaire à tous les besoins de pays. Il y a deux ans, à la séance du 14 janvier 1836, le général Evain, alors ministre de la guerre, assurait que, par suite du vote du congrès et de la chambre des représentants, les corps militaires ont reçu en 1831 plus de fonds qu’ils n’en ont dépensé.

Eh bien, la responsabilité des actes de cette époque a cependant par beaucoup de gens été portée sur le compte du congrès, de ce congrès qui a voté plus de fonds qu’on n’en avait dépensé. Voilà comment beaucoup de gens entendent la responsabilité ; ils la rejettent sur le compte d’autrui, quand par de mauvaises mesures, par des trahisons, on est arrivé à de fâcheux résultats.

Je pense que M. le ministre a tort de parler de responsabilité quand personne ne lui conteste, quand tout le monde est disposé à voter l’effectif de l’année dernière, effectif qui doit être suffisant, car les choses ne sont pas changées.

N’est-ce pas comme quand on venait prétendre que la chambre faisait acte d’inconstitutionnalité, quand elle examinait combien il fallait avoir de généraux ? Tout à l’heure on viendra dire que c’est un abus de prérogatives que de discuter le budget de la guerre. Je dis que quand nous allouons la somme suffisante pour l’effectif de l’année dernière, il n’y a aucune espèce de responsabilité pour vous. Cela est d’autant plus vrai que nous venons de voir révoquer les mesures prises dans un pays voisin qui auraient pu donner lieu à certaines craintes pusillanimes. Nous rentrons dans un état normal, plus normal que jamais.

Dans un pareil état de choses, rejeter sur une législature qui vote un budget plus élevé que l’an dernier, la responsabilité d’événements qui pourraient avoir lieu, c’est manquer à son devoir.

Je viens de vous dire que le budget de cette année était plus élevé que le budget de l’année dernière. Lors de la première discussion, un honorable membre a voulu prétendre le contraire ; je le somme de prendre les deux budgets et de les comparer, il verra que ce que je dis est exact.

S’il veut intercaler les crédits spéciaux votés dans le cours de l’année. je lui ferai observer que nous ne sommes pas encore à la fin de 1838, et que nous ne pouvons pas prévoir si on ne viendra pas demander cette année aussi des crédits particuliers. Mais le budget voté cette année est plus élevé que celui voté l’an passé. Quand la chambre vote une majoration, convient-il de vouloir reporter sur elle une responsabilité qu’elle ne peut en aucune manière assumer ? J’ai eu l’honneur de vous le dire lors du premier vote, et on l’a déjà répété dans cette discussion, le chiffre que nous votons est pour un état provisoire, transitoire.

S’il y avait, non pas guerre, mais apparence de guerre, il serait insuffisant ; il faudrait recourir à de nouvelles dépenses et à un nouveau moyen d’y faire face. En présence de pareils faits, est-il possible d’allouer plus que l’année dernière, alors que, dans tout état de choses le crédit serait insuffisant ? La différence n’entraînera aucun résultat, il ne sera pas nécessaire que le ministre mette un seul homme de moins sous les armes. Ce qu’il pourra faire, ce sera d’accorder un peu plus de congés aux hommes qui connaissent la manœuvre et l’exercice. Par ce moyen, il aura de quoi satisfaire à tous les besoins, puisqu’il y a satisfait l’an dernier avec un semblable crédit. Quand nous votons, je le répète, un crédit semblable à celui employé à l’effectif de l’an dernier, je ne pense pas qu’on puisse rejeter sur nous la responsabilité des événements. Il faut se pénétrer de cette vérité, que ce que nous votons ici, ce sont les centimes additionnels. Si le ministre tenait tant à l’augmentation dont il s’agit en ce moment, il n’avait qu’à ne pas demander des augmentations sur tous les chapitres de son budget, il aurait trouvé une somme équivalente. Des augmentations ont été accordées sur les autres articles, nous ne pouvons pas augmenter les dépenses en tous sens ; car nous serons obligés, pour les couvrir, de voter une augmentation d’impôt de 5 centimes que le pays ne pourrait pas supporter.

Si les trois impôts étaient augmentés de cinq centimes additionnels, il en résulterait un mécontentement à peu près semblable à celui provoqué par l’impôt mouture et l’impôt d’abattage.

Vous avez entendu un ministre d’Etat nous dire que quand les questions de budget étaient débattues dans le conseil, le ministre des finances faisait tous ses efforts pour décider le ministre de la guerre à consentir à des réductions. Nous faisons ici comme le ministre des finances, comme lui nous ne voulons pas d’augmentation d’impôt, comme lui nous ne voulons pas d’exagération dans les dépenses. Quand nous suivons l’exemple d’un ministre en qui nous avons une haute confiance, qui a donné tant de gages de patriotisme, j’espère qu’on ne nous accusera pas de compromettre la sécurité du pays.

M. le président. - Voici le chiffre proposé par M. le ministre de la guerre : « Infanterie, fr. 11,136,104 59 c. »

- On procède à l’appel nominal.

82 membres sont présents.

40 votent l’adoption du chiffre.

42 votent le rejet.

En conséquence le chiffre de 11,403,668 fr. n’est pas adopté.

Ont voté l’adoption : MM. Berger, Coghen, Corneli, de Brouckere, de Jaegher, F. de Mérode, W. de Mérode, de Puydt, Dequesne, de Renesse, de Sécus, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Huart, Dolez, Donny, Duvivier, Ernst, Gendebien, Jadot, Lardinois, Lebeau, Lecreps, Meeus, Mercier, Metz, Milcamps, Nothomb, Raymaeckers, A. Rodenbach, Rogier, Smits, Ullens, Vandenhove, Van Volxem, Verdussen, Vilain XIIII, Willmar.

Ont voté le rejet : MM. Andries, Bekaert, Brabant, Dechamps, de Florisone, de Longrée, de Meer de Moorsel, Demonceau, de Nef, de Perceval, de Roo, Desmaisières, Desmanet de Biesme, d’Hoffschmidt, Doignon, Dubus (aîné), Dubus (B.), Dumortier, Eloy de Burdinne, Heptia, Hye-Hoys, Kervyn, Lejeune, Liedts, Manilius, Mast de Vries, Morel-Danheel, Pirmez, Polfvliet, Raikem, C. Rodenbach, Simons, Stas de Volder, Thienpont. Trentesaux, Troye, Vandenbossche, Van Hoobrouck, Vergauwen, Wallaert, Zoude, Peeters.

Le chiffre 10,757,194 francs mis aux voix est définitivement adopté.

Section III. Masse des corps, frais divers et indemnités

Tous les articles amendés de la seconde section et de la troisième, jusqu’au treizième exclusivement, sont définitivement adoptés sans discussion.

Article 13

« Art. 13. Cantonnements, logement.et nourriture, 1,893,513. »

M. de Brouckere. - A propos de cet article, je rappellerai à la chambre un objet qu’elle a perdu de vue. En 1832, lors du siège d’Anvers, les communes environnantes ont fourni du bois, de la paille ; quelques-unes ont été remboursées ; mais celle de Stabrouck n’a rien reçu. Un projet de loi a été présenté à cet égard et a été renvoyé à la commission des finances ; je demanderai qu’elle fasse son rapport.

M. Dubus (aîné). - Il est vrai que des créances de cette nature ont été comprises dans un projet de loi, dont l’examen a été renvoyé à la commission des finances de la session dernière. Mais le membre qui avait été chargé du travail et des pièces ne fait plus partie de l’assemblée. Des résolutions avaient été prises par la commission, mais il faut choisir un nouveau rapporteur.

M. de Brouckere. - Il me suffit d’avoir attiré l’attention de la commission sur ce point.

M. Dubus (aîné). - Relativement à l’article en lui-même, je crois devoir rappeler qu’au premier vote on a adopté une majoration motivée sur la présence des troupes en campagne dans le Luxembourg, et qu’on avait fait la promesse de présenter aujourd’hui le calcul des réductions à faire sur d’autres articles du budget. Je ne peux les indiquer ; mais je suis convaincu qu’il y a des réductions à faire.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - On a fait observer que les fonds de l’article des cantonnements ne seraient pas dépensés, qu’il serait entendu que les frais de la brigade du Luxembourg seraient prélevés sur les cantonnements, sauf à présenter un projet pour régulariser entièrement cette somme : ainsi on peut se dispenser d’augmenter maintenant le chiffre de cet article, et je me rallie au chiffre primitif.

- Ce chiffre primitif, qui est de 1,789,913 fr. est adopté.

Chapitre IV. Ecole militaire

Article unique

Pour l’école militaire il a été voté 40,000 fr. pour le premier trimestre seulement. Cet article donne lieu à discussion.

M. Verdussen. - Je crois, messieurs, qu’en votant la somme de 40,000 fr., nous voterons un chiffre imaginaire. Ou bien l’école militaire ne sera pas réorganisée en 1838, et alors il faudrait voter la totalité du chiffre de l’année dernière, ou bien l’école militaire sera organisée, et alors il faudrait voter le chiffre de 160,000 fr. ; dans tous les cas on pourrait stipuler que le gouvernement ne pourra faire usage que du quart du crédit pendant les trois premiers mois de l’année ; mais si nous ne votons que le quart de la dépense qu’il faudra faire et que nous mettions le budget des voies et moyens en rapport avec les dépenses votées, il y aura un déficit des trois autres quarts.

M. de Puydt. - Je crois aussi, messieurs, que nous devons voter le chiffre entier. La commission du sénat propose d’introduire des modifications considérables dans la loi, et il est assez probable que ces modifications seront admises par le sénat. S’il en est ainsi, la loi nous reviendra et il n’est aucunement certain que nous puissions la voter dans le cours du premier trimestre ; l’exemple de nos travaux passés, la peine qu’on a eue pour faire mettre cette loi à l’ordre du jour, l’opposition qu’a rencontrée la loi elle-même, tout cela prouve assez que si elle nous revient, elle pourrait bien être ajournée. Je crois donc, messieurs, qu’il faut voter les 160,000 francs ; cela n’offre aucun danger, car si la loi est adoptée, le crédit ne sera employé que conformément aux prescriptions de la loi.

M. Dumortier. - Messieurs, je ne partage pas du tout l’opinion de l’honorable préopinant, lorsqu’il vient nous dire avec assurance que la loi sur l’école militaire sera modifiée par le sénat ; je crois que le sénat ne se laissera pas entraîner par des considérations aussi futiles que celles qui ont été présentées contre le projet que nous avons adopté, aussi futiles que celle-ci, par exemple, que l’une des dispositions que nous avons introduites dans la loi porte atteinte à la prérogative royale ! Mais s’il arrivait même que cette loi fût modifiée, nous aurions encore tout le temps de l’examiner avant la fin du premier semestre de l’année. Dans tous les cas nous devons nous borner, pour le moment, à voter un crédit provisoire. Je rappellerai que lors de la discussion pour la mise à l’ordre du jour du budget de la guerre, M. le ministre de la guerre a dit lui-même que quand on en viendrait à l’article concernant l’école militaire, on pourrait ne voter qu’un crédit provisoire pour cet objet. Je pense donc qu’il faut maintenir la proposition de M. Brabant, d’autant plus qu’il faudra nécessairement revenir sur l’article qui concerne l’école militaire, puisqu’aussitôt que la loi aura reçu l’assentiment des trois branches du pouvoir législatif, il y aura lieu non seulement à fixer la dépense, mais aussi à régler la recette.

M. le président donne lecture du passage du procès-verbal qui constate qu’au premier vote l’amendement de M. Brabant, après deux épreuves douteuses, a été adopté par appel nominal par 36 membres contre 32.

M. Rogier. - Messieurs, quel que soit le sort de la loi sur l’école militaire, un fait est certain, c’est que l’école militaire continuera à exister dans le courant de 1838, soit en vertu des dispositions anciennes, soit en vertu de la loi nouvelle, et que pour qu’elle existe convenablement, il faut la somme demandée par M. le ministre de la guerre. Que gagnerez-vous, messieurs, en votant un crédit provisoire de 40,000 fr. ? Vous y gagnerez la peine d’une nouvelle discussion à la fin du trimestre prochain, sur la demande d’un nouveau crédit, et probablement aussi de nouveaux moyens d’y faire face, car si vous portez seulement 40,000 fr. en dépense, alors qu’il faudra en dépenser au moins 120,000, et si vous réglez votre budget des voies et moyens d’après les dépenses votées, il en résultera une différence de 80,000 fr., différence qu’il faudra combler ensuite. Je ne vois pas, messieurs, ce que, dans aucun système, on peut gagner par le vote d’un crédit provisoire, car, je le répète, que l’école militaire continue d’exister sur le pied actuel ou qu’elle reçoive une nouvelle existence par suite de la loi nouvelle, toujours faut-il bien un crédit qui réponde à l’une ou l’autre existence. Après cela, je ne vois rien d’autre à faire que de voter un crédit annuel.

M. Dubus (aîné). - Messieurs, d’après l’honorable préopinant, vous devez voter un crédit pour l’année entière, parce que sans cela vous serez obligés d’y revenir. Mais c’est précisément parce que vous serez obligés d’y revenir dans tous les cas, que vous ne pouvez convenablement voter qu’un crédit pour trois mois ; la somme portée au budget n’est calculés ni sur l’état actuel de l’école militaire, ni sur la situation dans laquelle elle se trouverait par suite de la loi que nous avons votée ; l’an dernier, le chiffre porté au budget pour l’école militaire était de 120,000 fr., et le chiffre de 160,000 fr., qui est porté au budget de cette année, a été calculé d’après une hypothèse qui ne s’est pas réalisée. Le chiffre pour l’école militaire devra être fixé d’après la loi qui sera définitivement adoptée ; et comme nous ne savons pas encore quelle sera cette loi, il nous est impossible de fixer le chiffre.

« Mais, a-t-on dit, si vous ne portez pas tout le chiffre au budget, vous ne pouvez pas balancer vos recettes avec vos dépenses, ou bien il faudra faire un calcul dans l’imagination. » Ce calcul, messieurs, n’est pas fort compliqué, n’est pas difficile à faire. Nous n’avons en ce moment qu’à pourvoir aux dépenses du premier trimestre, pour le surplus, nous aurons à en fixer le chiffre lorsque le projet relatif à l’école militaire sera converti en loi. Quel sera le chiffre de ce surplus ? Nous ne le savons pas, et les honorables préopinants ne le savent pas mieux que nous ; nous ne le saurons que quand la loi sera définitivement adoptée. Il n’existe donc aucun motif pour revenir sur la disposition que nous avons adoptée au premier vote.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - C’est par erreur, messieurs, qu’on suppose que l’école militaire existe encore sur le même pied qu’en 1837 ; en 1838, il y aura une division de plus, et c’est pour ce motif que nous avons demandé le chiffre de 160,000 fr. Si la loi n’est pas adoptée par le sénat et si vous voulez maintenir l’école militaire sur le pied où vous aviez l’intention de l’avoir lorsque vous avez voté la première somme en 1834, alors vous devez voter le chiffre de 160,000 fr. ; si, au contraire, la loi est adoptée, alors le chiffre sera nécessairement modifié conformément à la loi.

M. Rogier. - Je ne vois pas, messieurs, lorsque nous avons tant de peine à équilibrer nos recettes avec nos dépenses, pourquoi nous irions voter un crédit provisoire ; l’école militaire nécessitera une dépense de 120 et de 160 mille fr. ; si vous n’adoptez que le chiffre de 40,000 fr., il y aura une différence de 80 ou de 120,000 fr. entre vos recettes et vos dépenses ; je ne vois pas comment vous couvririez ce déficit si vous n’y faites point face dans le budget des voies et moyens que vous allez voter. On a beau dire qu’on y ajoutera cette somme : quand il s’agit de fixer le chiffre du budget des voies et moyens, on a sous les yeux le montant des dépenses votées, et l’on fait ses calculs d’après des chiffres réels, mais non pas sur des chiffres purement hypothétiques.

M. Dumortier. - Les observations de l’honorable préopinant ne sont pas exactes : il est vrai que nous ne proposons pas de porter au budget la totalité de la somme que coûtera l’école militaire ; mais d’un autre côté il ne faut pas perdre de vue que le budget des voies et moyens sera aussi augmenté par suite de la pension que paieront les élèves de l’école militaire.

Dès lors il y aura nécessairement une augmentation au budget des voies et moyens ; cette augmentation servira au moins en grande partie à faire face aux besoins de l’école militaire.

Dans toutes les circonstances semblables la chambre a voté un crédit provisoire, sauf à allouer plus tard le chiffre définitif après le vote de la loi ; aussi je voterai en ce moment pour le quart de la somme. (Aux voix ! aux voix !)

M. le président soumet au second vote la proposition, admise au premier vote, tendant à n’allouer qu’un crédit provisoire de 40 mille francs pour le service de l’école militaire pendant le premier trimestre de 1838.

Plusieurs membres. - L’appel nominal !

- Il est procédé au vote par appel nominal.

En voici le résultat :

75 membres y prennent part.

59 répondent oui.

36 répondent non.

En conséquence la proposition tendant à accorder un crédit provisoire de 40,000 fr., pour le service de l’école militaire, pendant le premier trimestre de 1838, est définitivement adoptée.

Le chiffre de 40,000 fr. est également mis aux voix et définitivement adopté.

Chapitre V. Matériel de l’artillerie et du génie

Article 2

M. le président. - La chambre passe au vote définitif de l’article 2 du chapitre V.

« Matériel du génie : fr. 3,435,550. »

M. le ministre de la guerre a présenté, lors du premier vote, les amendement suivants qui, par une décision de la chambre, avaient été ajournés au second vote :

1° Pour frais de location de locaux servant d’annexes à l’école militaire : Bâtiment rue de Ruysbroek, en vertu du bail passé le 25 août 1837, 4,500 fr. ; contributions, 500 fr. ; entretien et réparations, 400 fr. Total : 5,400 fr. Ecuries du palais du prince d’Orange, location pendant 1838 en vertu du procès-verbal de remise des bâtiments, du 14 juillet 1837, 2,000 fr.

2° Du loyer de locaux pour l’établissement des magasins des effets des permissionnaires, dans les places où il n’existe pas de bâtiments de l’Etat dont on puisse disposer : à Malines, 1,200 fr. ; à Termonde, 400 fr.

3° Pour la construction de baraques de soldats au camp d’artillerie de Braesschaet : 40,000 fr.

4° Pour frais de main-d’œuvre pour employer les matériaux, achetés en 1837, pour les constructions au camp de Beverloo, 28,000 fr. ; idem pour main-d’œuvre des réparations des dégâts occasionnés par l’ouragan, 5,000 fr. ; pour construction d’une chapelle, 13,000 fr.

Total de l’augmentation demandée, 95,000 fr.

M. Desmet. - Messieurs, je désire saisir cette occasion pour entretenir M. le ministre de la guerre d’un abus dont l’on voit tous les jours de tristes exemples ; je veux parler du port d’armes hors le temps de service.

Il y a deux jours, un malheureux matelot français à Ostende a été cruellement assassiné par un de nos militaires. Il y a 16 jours, à Gand, un cuirassier désarmé de notre armée a été assassiné par un fantassin qui était armé. Il y a deux jours, en face même de l’hôtel de M. le ministre de la guerre, l’on a vu trois ou quatre militaires tirer leurs armes contre des hommes des femmes et des enfants, et porter le trouble dans le quartier.

Je pense, messieurs, que nous devrions à cet égard imiter l’exemple de l’Angleterre où il est défendu de porter les armes hors du temps de service. Je me flatte que M. le ministre voudra avoir égard à de telles réclamations.

M. Dumortier. - Les observations de l’honorable préopinant sont très justes. J’ai proposé dans le temps un projet de loi sur les faits qu’il a signalés ; ce projet a été renvoyé à une commission qui n’a fait un rapport, ni positif, ni négatif. Je me propose de travailler de nouveau à ce projet, lors de notre rentrée, de concert avec quelques-uns de mes collègues.

M. Desmaisières, rapporteur, monte à la tribune, et au nom de la section centrale, donne lecture du rapport sur l’augmentation de 95,000 fr. demandée par M. le ministre de la guerre. (Le texte de ce rapport, repris à cet endroit du Moniteur, n’est pas repris dans la présente version numérisée en raison de son intérêt relatif. Il se termine par ces mots :)

Vu les détails ci-dessus, nous pensons que la somme pétitionnée par le ministre peut être réduite à 65,000 fr. ; et revu le budget du génie où l’on a porté tous les travaux à faire en 1838 sur le pied des prix d’estimation, et où par conséquent les adjudications paraissent devoir amener des réductions, nous pensons qu’il n’y a pas lieu de majorer le chiffre porté au budget pour le matériel du génie ; car dans notre opinion les nouvelles dépenses pétitionnées, auxquelles nous ne nous opposons pas, du reste, pourront facilement être couvertes par les réductions qu’amèneront les adjudications des travaux du génie.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Messieurs, les motifs pour lesquels le rapport que vous venez d’entendre conclut au rejet de l’allocation que j’ai demandée sont tout à fait hypothétiques ; car la sommé de 20.000 fr. qui a été indiquée comme étant disponible ne l’est pas entièrement. J’ai fait connaître dans la note qui a été adressée à la section centrale, que je ne pouvais avoir la certitude qu’il n’y eût pas des ordres de dépense ou des comptes arriérés. Quant à moi, je suis persuadé que les 20,000 fr. sont plutôt engagés que disponibles.

On suppose que les adjudications pourront procurer un bénéfice : c’est là une éventualité sous l’influence de laquelle l’on ne peut pas voter le budget, parce que les dépenses à faire ne sont pas éventuelles.

L’honorable rapporteur ne s’oppose pas aux dépenses qui doivent être faites très positivement, et ce n’est pas avec des éventualités qu’on peut songer à les couvrir.

Ce que l’honorable rapporteur a dit au sujet des dépenses relatives au génie est absolument de la même catégorie. Ce sont, dit-il, des prix d’évaluation, et les adjudications donneront un rabais ; pour moi, je suis persuadé du contraire, car il est hors de doute qu’il y aura progression croissante dans le prix de toutes chose, dans le prix de la main-d’œuvre et des matériaux ; nous en avons acquis l’expérience, les constructions militaires nous ont coûté davantage d’année en année.

Je persiste donc à demander le nouveau crédit de 95,000 fr., d’autant plus que si je ne l’obtenais pas maintenant, je devrais faire plus tard la demande d’un crédit supplémentaire.

- Personne ne réclamant plus la parole, M. le président met aux voix le chiffre total de 3,530,530 pétitionné pour le matériel du génie.

Ce chiffre est adopté.

Chapitre VI. Dépenses imprévues

La chambre passe au vote définitif du chapitre VI, article unique, « Dépenses imprévues : fr. 131,125 36 c. »

Ce chiffre, avec l’agrément de M. le ministre de la guerre, a été réduit à 100,000 fr., lors du premier vole.

La chambre adopte définitivement la réduction de 31,125 fr. 36 c. ; par conséquent le chiffre des dépenses imprévues est fixé à 100,000 fr.

Chapitre II. Soldes et masses de l’armée, frais divers des corps

Section I. Soldes des états-majors
Article 2

M. le président. - Il reste à mettre aux voix le libellé suivant de l’article 2 du chapitre II avec l’addition des mots « chefs de corps, » qui été décidée lors du premier vote :

« Indemnité de représentation aux généraux qui commandent les troupes campées, au gouverneur de la résidence, aux généraux commandants supérieurs des troupes stationnées dans la province d’Anvers et des deux Flandres, et aux chefs de corps. »

- Ce libellé est adopté.

Vote des articles et de l’ensemble de la loi

Les deux articles composant le texte du projet de loi de budget du département de la guerre pour l’exercice 1838 sont successivement adoptés ; ils sont ainsi conçus :

« Art. 1er. Le budget du département de la guerre est fixé, pour l’exercice 1838, à la somme de 42,078,786 fr. 35 centimes, conformément à l’état ci-annexé. »

« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. »

M. de Puydt. - Il m’est impossible de voter sur le budget de la guerre, à moins d’avoir mes apaisements sur un point. La question est extrêmement grave. Il s’agit de notre indépendance nationale. Mon vote dépendra de la réponse de M. le ministre des affaires étrangères. Je lui demanderai si dans notre situation politique il trouve qu’il est possible et prudent de diminuer de 3,000 hommes l’effectif de l’armée.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Il me sera facile de répondre à l’honorable préopinant si j’avais cru qu’il fût possible et prudent de réduire en ce moment notre armée de 3,000 hommes, j’aurais opiné dans le conseil et voté dans la chambre pour cette réduction. La preuve que j’ai pensé autrement, c’est que j’ai opiné et voté pour le chiffre proposé par M. le ministre de la guerre.

M. Doignon. - Mon intention est de voter contre le budget de la guerre, et je tiens à en dire le motif en deux mots. Je ne veux point sanctionner par mon vote la décision de la chambre relative au service de santé ; je ne veux point passer l’éponge parlementaire, comme on l’a dit, sur les abus qui ont été signalés dans ce service ; à mes yeux, l’instruction de cette affaire est évidemment insuffisante. Je voterai donc contre ce budget.

- La chambre procède au vote par appel nominal sur l’ensemble du budget du département de la guerre.

En voici le résultat :

77 membres sont présents.

1 (M. de Puydt) s’abstient.

76 prennent part au vote.

75 votent pour l’adoption.

1 (M. Doignon) vote contre.

La chambre adopte.

Ont voté pour l’adoption : MM. Andries, Bekaert-Baeckelandt, Berger, Brabant. Coghen, Corneli, de Brouckere, de Florisone, de Jaegher, de Longrée, F. de Mérode, W. de Mérode, Demonceau, de Nef, de Perceval, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmanet de Biesme, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dolez, Donny, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Gendebien, Heptia, Hye-Hoys, Jadot, Kervyn. Lardinois, Lebeau, Lecreps, Lejeune, Manilius, Mast de Vries, Meeus, Mercier, Metz, Milcamps. Nothomb, Pirmez, Polfvliet, Raikem, Raymaeckers, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Rogier, Simons, Smits, Stas de Volder, Thienpont, Trentesaux, Troye, Ullens, Vandenbossche, Vandenhove, Van Hoobrouck, van Volxem, Verdussen, Vergauwen, Vilain XIIII, Wallaert, Willmar, Zoude et Peeters.

M. le président. - M. de Puydt est invité à faire connaître, conformément au règlement, les motifs de son abstention.

M. de Puydt. - Je n’ai pas voulu voter contre le budget, parce que c’eût été désapprouver l’administration du ministre actuel de la guerre, lequel a au contraire ma confiance tout entière, parce que, dans tout état de choses, il nous faut une armée, dût-elle être inférieure en nombre à l’armée hollandaise. Quelle que soit cette armée, elle ne succombera pas sans combattre ; mais c’est là un sort, c’est là une position que comme militaire, je puis et je dois accepter, et que comme représentant je repousse.

Je n’ai pas voulu voter pour le budget, parce que je n’ai pas voulu consacrer un système que, d’après la déclaration donnée il y a quelques instants par le ministre des affaires étrangères, il faut considérer comme impolitique et comme imprudent. Je veux parler de la diminution de l’armée.

M. Dumortier. - Mais on ne diminue pas l’armée !

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Si, on la diminue. En sortant d’ici, je vais donner l’ordre de renvoyer 6 hommes par compagnie. Voilà comment vous ne diminuez pas l’armée !

Projet de loi portant le budget des voies et moyens de l'exercice 1838

Motion d'ordre

M. le président. - La parole est à M. le ministre des finances.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je dois renouveler la motion que j’ai présentée hier, tendant à commencer la discussion par le projet relatif aux abonnements des débitants de boissons distillées ; je vais démontrer clairement qu’il convient de procéder de la sorte.

Le projet de budget des voies et moyens s’élève, ainsi que je l’ai dit hier, à la somme de 96,755,092 fr. ; et les budgets généraux des dépenses, tels qu’ils ont été votés, s’élèvent ensemble à 94,947,052 fr. 10 c. Il y aurait donc ainsi un excédant de recettes de 1,808,039 fr. 90 c.

Mais remarquez que dans cette somme sont compris les abonnements des débitants de boissons distillées, pour 900,000 fr., et les 5 centimes additionnels extraordinaires, pour 1,298,767 fr, soit au total 2,198,767 fr.

De manière que si vous diminuez cette somme, il y aura un déficit de 390,727 fr. 10 c.

Et ce déficit s’élève à 500,000 avec les dépenses de l’école militaire, qui devront nécessairement être votées d’une manière ou de l’autre ; donc un demi-million de déficit.

On ne peut donc raisonnablement supprimer à la fois le droit d’abonnement et les centimes additionnels.

Si on veut voter immédiatement les 5 c. additionnels, je le veux bien ; mais on a fait opposition à ces 5 p. c., il faudrait donc avant tout être fixé sur l’article des débitants de boissons distillées, et si cet article était admis, il serait possible qu’on n’eût pas besoin des 5 c. additionnels et qu’on pût se borner à 3 ou même 2. C’est donc par les abonnements qu’il faut commencer.

M. Dubus (aîné). - Je viens m’opposer à cette motion. On veut nous faire entrer dans un système de discussion qu’il me paraît impossible d’adopter ; on veut nous faire discuter un projet de loi organique d’un nouvel impôt qui nous occuperait fort longtemps. Il nous faudrait examiner chacune de ses dispositions une à une avec beaucoup de soin ; car lorsqu’il s’agit d’organiser la perception d’un nouvel impôt, il y a une foule de choses à prévoir. Nous devons nous assurer que tout a été prévu aussi bien dans l’intérêt du contribuable que dans l’intérêt du trésor ; or c’est un travail complétement à faire, car la section centrale, ayant rejeté le projet, présenté, n’en a pas examiné les détails. Il est impossible de voter ce projet de loi s’il n’a pas été préalablement examiné par une commission. Nous ne pouvons faire qu’une chose : décréter le nouvel impôt et charger une commission ou la section centrale d’examiner le projet de loi. Ainsi je ne puis pas admettre la proposition de M. le ministre des finances.

D’ailleurs il me paraît qu’il y a erreur dans le chiffre que l’on a indiqué comme le montant du budget des voies et moyens. Le montant total des dépenses votées est de 94,950,000 fr., d’après le relevé qu’en a fait M. le ministre des finances. D’après le projet de la section centrale, le montant du budget des voies et moyens est de 94,821,676 fr. ; mais il faut, je pense, y ajouter une somme de 34,650 fr. omise dans l’addition de la première page, et qui provient de ce que le produit de la redevance des mines, évalué d’abord par le gouvernement à 80,850 fr., a été évalué par la section centrale à 115,500 fr. Ainsi cela fait 94,850,000 fr. : vous voyez donc qu’en retranchant les centimes additionnels contestés et les 900,000 fr., produit supposé du nouvel impôt, il y a moins de 100.000 fr. de déficit. Maintenant est-ce donc chose monstrueuse que de voter un budget des voies et moyens concordant à 100,000 fr. près avec le budget de dépenses ! Il y a plus, c’est que nous avons en perspective des valeurs dont nous avons le droit de tenir compte, puisqu’elles ne sont pas portées en ligne de compte dans le budget des voies et moyens ; je veux parler des millions dus par la société générale. Je sais qu’on ne peut pas les porter dans le budget parce qu’il y a une convention sur les conditions de laquelle on n’est pas d’accord ; mais cela n’empêche pas qu’il est évident pour tout le monde que plusieurs millions sont dus, et nous pouvons prendre cette circonstance en considération pour laisser subsister entre le budget des recettes et celui des dépenses une différence aussi faible que celle dont il s’agit.

Je suis donc disposé à adopter le budget des voies et moyens tel que le propose la section centrale, sauf à discuter après notre retour, et lorsqu’une commission aura fait son rapport, le projet de loi relatif au nouvel impôt. Je ne me prononce pas sur ce projet de loi ; je déclare qu’il m’est impossible de le faire sans un examen, sans un travail préparatoire.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - L’honorable préopinant a commis une erreur que je dois relever. Il n’a pas tenu compte de 300,000 fr. pour le chemin de fer, lesquels ayant été déduits du budget des dépenses doivent l’être actuellement du budget des recettes. Donc, en définitive, la suppression de l’impôt sur les boissons distillées et des 5 centimes additionnels amènerait, comme je l’ai dit, un déficit de 500,000 fr.

Maintenant on voudrait se borner à porter la somme de 900,000 fr. en principe, sauf à régler ultérieurement le mode de perception du droit d’abonnement. On dit que la section centrale n’a pas examiné le projet de loi relatif à cet abonnement des débitants de boissons distillées. Elle aurait dû examiner le projet, elle aurait dû considérer comme chose possible que la chambre n’adoptât pas son opinion ; mais ce n’est pas ma faute si la section centrale n’a pas examiné le projet de loi soumis à son examen ; ce n’est pas la faute du pays qui ne doit pas en souffrir. Entreprenons la discussion des articles, et nous vous donnerons toutes les explications que vous pouvez désirer ; nous vous ferons voir qu’il ne s’agit pas dans ce projet de mesures vexatoires et fiscales, ainsi que le prétend la section centrale.

C’est bien l’ajournement de cette loi que l’on veut ; mais dans ce cas, peut-être, elle ne pourra être votée que dans 3 ou 4 mois ; il faudra donc renoncer en 1838 à ses effets.

M. Gendebien. - Je suis d’accord avec l’honorable M. Dubus ; je pense que, dans l’état actuel des choses, il est impossible de discuter le projet de loi relatif aux abonnements des débitants de boissons distillées, non seulement parce que ce projet n’est pas arrivé à un degré de maturité convenable, mais encore parce qu’un grand nombre de membres fatigués ne veulent plus de discussion, et, désirant en finir, voteraient contre ce projet de loi. Pour moi je voterais aussi contre, parce que ce projet greffé sur une idée que j’ai émise dans une précédente session, n’est plus en rapport avec les développements que je lui ai donnés.

L’année dernière on avait senti la nécessité d’augmenter le prix du genièvre sans augmenter l’impôt payé à la fabrication, dans la crainte de voir recommencer la fraude. J’ai indiqué comme moyen d’arriver à ce résultat une patente pour tous les débitants de genièvre, une patente pour les distillateurs. Au lieu de cela, on propose un abonnement par catégorie de villes et communes, système dans lequel il y aurait inégalité et injustice.

Toutefois, je n’adopte pas les idées de la section centrale qui s’est donné la peine de créer des fantômes pour se donner le facile plaisir de les combattre. Qu’elle en soit persuadée ; ni moi, ni le ministre des finances ne voulons les droits réunis. Le ministre des finances ne voudrait pas se charger de la responsabilité du rétablissement des odieux exercices ; à plus forte raison je ne voudrais pas moi, représentant, me charger de cette responsabilité. Il n’est nullement question ni dans ma pensée, ni dans cette du ministre des finances, de rétablir les anciens exercices.

Mais il faut remarquer que la section centrale a jugé à propos de ne pas examiner les articles du projet de loi et qu’elle l’a rejeté en masse ; nous sommes donc privés de tout travail préparatoire ; il résulterait de là, si nous discutions maintenant, une confusion, une prolixité qui prolongerait la discussion pendant 10 jours de plus, si l’on pouvait retenir la chambre autant de temps. Je crois donc que pour ne pas compromettre le principe de la loi, il est prudent d’en ajourner la discussion.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je dois reconnaître, malgré ce que j’ai dit tout à l’heure, qu’il y a quelque chose de très vrai dans ce que vient de dire l’honorable préopinant. La chambre est fatiguée et désire prendre quelques jours de repos ; je suis loin de critiquer cette disposition toute naturelle après 4 mois de travail non interrompu.

Je demanderai pour en finir, ainsi que l’a, je crois, proposé l’honorable M. Dubus aîné que l’on admette dans la loi le principe de l’impôt de l’abonnement des débitants de boissons distillées, sauf à renvoyer à une commission nouvelle l’examen des dispositions organiques de mon projet.

M. Gendebien. - Ce serait compromettre le principe.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Si on adoptait le principe, on ne le compromettrait pas.

M. Gendebien. - La section centrale s’est trompée sur le principe de la loi ; il y aurait à discuter quel est le véritable principe de cette loi ; mais il vaudrait mieux ajourner cette discussion ; on pourrait aussi renvoyer la loi à une nouvelle commission, ou à la même commission, pour établir une discussion sur les articles.

M. Demonceau. - Pour attaquer directement le rapport que j’ai fait au nom de la section centrale, on a eu l’air de dire qu’elle s’était créé des fantômes pour repousser la loi : messieurs, en présence d’une proposition d’abonnement qui reproduit le système odieux français, on peut se créer des fantômes. Toutefois, que la chambre lise mon rapport, et elle verra qu’une grande exagération à assurer que la loi renfermait une fiscalité effrayante dans le moment même où l’on voulait faire une morale. Si la loi était basée sur le principe proposé par M. Gendebien, pour moi, je ne serais pas éloigné de l’adopter ; mais je soutiendrai toujours que la loi telle qu’on nous l’a soumise n’établit pas réellement un droit de consommation.

Le ministre a soulevé lui-même la question de savoir si la loi qu’il a présentée porterait atteinte à la loi électorale ; mais si le gouvernement est convaincu que le droit d’abonnement n’est pas une patente indirecte qu’il nous présente…

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - C’est le fond.

M. Demonceau. - On a attaqué le rapport sur le fond, il faut bien que je réponde sur le fond.

La loi est résumée dans mon rapport. Nous l’avons examinée sous trois aspects : Etablit-elle un droit d’abonnement ? Sera-t-elle efficace ou diminuera-t-elle la consommation des boissons ? Peut-on adopter le système présenté pour l’exécution de cette loi ? Voilà les questions qui ont été l’objet de notre examen.

M. de Brouckere. - On est généralement d’avis de ne pas discuter la loi aujourd’hui ; reste à savoir si, conformément à ce que demande le ministre, on doit adopter le principe de la loi, sauf à en régler ultérieurement les articles. Messieurs un budget des voies et moyens est une loi d’une espèce particulière, dans laquelle ne doit point entrer de principes ; le budget est une loi d’application et non une loi de principes ; c’est un chiffre qui doit figurer dans le budget des voies et moyens, et non un principe ; je ne sais ce que produirait un principe sans le chiffre ; au reste, quelque principe que nous adoptions, nous pourrons toujours le changer. Nous n’avons qu’une chose à faire, c’est de voter le budget des voies et moyens, abstraction faite de la loi, et en nous engageant de nous occuper de la loi sur les boissons spiritueuses à la rentrée, après nos vacances. Je ferai observer que nous savons que nous allons voter un budget des voies et moyens insuffisant. Et que nous devrons voter une loi supplémentaire à notre rentrée.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je crois que la motion du ministre des finances n’était pas tellement limitative qu’il fût indispensable de mettre le principe dans le budget. Ce que le ministre des finances a besoin de savoir, c’est s’il peut compter sur l’adoption de la loi qu’il a proposée. On ne peut discuter maintenant la loi, parce que la section centrale n’en a pas examiné les détails ; mais cette objection, faite, aujourd’hui, se renouvellera à toutes les époques où l’on proposera d’aborder la discussion ; il faudrait donc que l’on adoptât le principe, sauf à renvoyer l’examen des détails, soit à la même section centrale, soit à une commission spéciale. Sans le principe, on n’aura aucune certitude que la loi entrera dans le budget des voies et moyens, et l’on votera par conséquent un budget insuffisant ; mais s’il est impossible d’admettre le principe, ainsi qu’on vient de le dire, il faut adopter les centimes additionnels : cette alternative me paraît impérieuse.

M. A. Rodenbach. - En ma qualité de membre de la section centrale, je dois déclarer ici que nous aurions pu nous livrer à l’examen des articles de la loi, et même les amender, et que c’est une déclaration faite par le ministre des finances qui nous en a empêchés : il nous a dit que si la chambre considérait la loi comme établissant un impôt direct qui devrait compter dans le cens électoral, il la retirerait ; et que si la chambre la considérait comme établissant un impôt indirect, l’on discuterait la loi. Dans cette circonstance, nous nous sommes abstenus d’examiner la loi, parce que nous étions surchargés de travail, et qu’il était inutile d’en faire un qui pourrait ne servir à rien.

Il me semble, messieurs, que la chambre devrait aujourd’hui discuter le principe de savoir si la loi établit un impôt direct ou indirect ; cette discussion ne pourrait être très longue.

M. Desmet. - J’appuie la proposition que vous a faite l’honorable M. Gendebien d’ajourner la discussion de tout le projet de loi jusqu’après les vacances ; il est indubitable que la mesure que propose le projet est la seule qui puisse avoir un résultat efficace pour diminuer les abus de l’usage des boissons spiritueuses ; mais comme il y a beaucoup de membres qui paraissent pressés, il est possible qu’elle ne serait pas bien appréciée, et que dans l’empressement on pourrait repousser un bon projet.

Je pense donc que la prudence ordonne d’ajourner la discussion jusqu’à notre retour.

M. Dumortier. - Je veux faire remarquer au ministre de l’intérieur que si nous nous livrons aujourd’hui à une discussion d’ensemble ou de principe, nous serons obligés de la recommencer quand viendra la discussion de la loi elle-même ; ainsi une discussion de principe est inutile ; et voter un principe sans voter un chiffre, c’est ne rien faire. Il vaut donc mieux ajourner la loi, et j’appuie la proposition faite par M. de Brouckere. Je demande qu’on passe au vote du budget des voies et moyens.

M. le président. - Je vais mettre aux voix l’ajournement, savoir si la chambre à s’occuper immédiatement après sa rentrée de la loi sur les spiritueux.

- Cette proposition est adoptée.

M. Gendebien. - Je demande que l’on règle l’ordre du jour de la première séance de la rentrée. Je voudrais qu’alors on s’occupe des pétitions. Je voudrais aussi que le Moniteur, à la rentrée, indiquât les membres absents : une trentaine de membres sont constamment présent, le reste est une espèce de population flottante, qui se renouvelle à chaque semaine ; il faut constater quels sont ceux qui ne sont ici qu’incidemment.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Le moment de régler l’ordre du jour de la rentrée n’est pas venu ; c’est quand nous aurons voté le budget des voies et moyens, que nous déterminerons cet ordre du jour. Alors il sera utile de mettre quelque chose à l’ordre du jour pour la rentrée, car sans cela nous risquerions de n’être pas en nombre.

Discussion du tableau des recettes (titre I. Impôts)

Impôts

Contributions directes, cadastre, douanes et accises, etc.
Foncier

M. le président. - La discussion est ouverte sur les articles qui concerne l’impôt foncier, savoir :

« Principal : 15,879,327 fr.

« 5 centimes additionnels ordinaires, dont deux pour non valeurs : 793,967 fr. »

- Ces deux articles sont adoptés.

« 15 centimes additionnels extraordinaires : 2,381,898 fr. »

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, le budget des voies et moyens, tel que j’ai eu l’honneur de le proposer à la chambre, en en défalquant les 300,000 fr. qu’il y a à déduire des produits du chemin de fer, sera de 96,755,092 fr. Si vous en retranchez 900,000 fr. qui forment le montant du droit d’abonnement des débitants de boissons distillées et les 1,298,767 fr. qui doivent provenir des 5 centimes additionnels extraordinaires que j’ai demandés, nos recettes se trouveront réduites à 94,556,225 fr. Comme j’ai eu l’honneur de le dire tantôt, le total des dépenses que vous avez votées s’élève à 94,947,052 fr. 10 c., d’où il suit que si n’adoptez pas une partie des centimes additionnels extraordinaires, nous aurons un déficit de 390,727 fr. 10 c. Peut-être mon devoir me commanderait-il d’insister pour obtenir la totalité des centimes additionnels que j’ai demandés, c’est-à-dire 5 centimes additionnels extraordinaires sur lesquels seulement il peut y avoir contestation ; mais comme la majorité paraît être bien décidée à ne pas adopter cette proposition, et pour ne pas prendre inutilement le temps de la chambre qui est pressée d’en finir, je me rapprocherai autant que possible du chiffre rigoureusement nécessaire, et consentirai à réduire les 5 centimes extraordinaires à 2 ; ces 2 centimes produiront sur les trois impôts directs 519,727 fr. Or, je viens de démontrer que sans les centimes additionnels extraordinaires il y aurait un déficit de 390,727 fr. ; ainsi, par l’adoption de la proposition que je fais en ce moment, il y aurait un excédant en recettes d’environ 100,000 fr. qui pourrait servir à couvrir le reste de la dépense de l’école militaire dont le quart seulement a été voté. Je crois, messieurs, que s’il y a ici un reproche à me faire, c’est de ne pas avoir insisté davantage pour obtenir les 5 centimes additionnels extraordinaires ; mais je le répète, je veux d’avance me conformer autant que possible au désir manifesté par la majorité de la chambre.

Je proposerai donc 12 centimes additionnels extraordinaires, au lieu de 15, ce qui fait sur le foncier 1,905,519 fr., sur le personnel 902,400 fr., et sur les patentes, 309,120 fr. Il résultera de là, je le répète, qu’une augmentation de 519,506 fr. sur ce qui a été perçu en 1837.

M. Dumortier. - Messieurs, malgré tout mon désir de me rallier à la proposition de M. le ministre des finances, il m’est impossible de le faire ; par suite de la péréquation cadastrale il est de toute impossibilité d’augmenter l’impôt foncier ; si les provinces qui ont éprouvé un dégrèvement par suite de cette mesure n’y ont vu qu’un acte de justice envers elles, cela n’empêche pas les fermiers des autres provinces de payer une augmentation considérable. Vous comprenez, messieurs, que dans cet état de choses il serait vraiment trop dur d’ajouter encore des centimes additionnels au résultat de la péréquation.

Je ferai d’ailleurs remarquer, messieurs, qu’il faut réserver l’impôt foncier pour des circonstances extraordinaires ; lorsqu’en 1831 il a fallu faire un emprunt forcé de 12 millions de florins, qui est ce qui a payé cet emprunt ? C’est la propriété foncière. Il en a été de même de l’emprunt forcé de 10 millions de florins. Il faut donc ménager l’impôt foncier afin que dans des circonstances graves on puisse y avoir recours.

Depuis la révolution, messieurs, nous avons suivi, à mon avis, une marche extraordinairement fausse : le gouvernement provisoire et le congrès avaient aboli certains impôts odieux aux populations, et ils avaient bien fait ; mais depuis lors on a continuellement réduit les impôts indirects et augmenté les impôts directs ; il en est résulté un vide dans le trésor public, qu’on aurait pu éviter si l’on avait suivi une marche inverse. Je ne prétends pas qu’on aurait dû maintenir des mesures odieuses ; loin de moi cette pensée ! Mais il me semble qu’on aurait dû conserver d’autres impôts qui étaient très productifs, comme, par exemple, l’impôt sur les distilleries, à l’égard desquelles on a fort à tort adopté un nouveau système. Je désire vivement que la chambre, qui paraît maintenant convaincue de la fausseté des mesures qui ont été prises, relativement à cette industrie, revienne à la législation précédente, et que l’impôt des distilleries soit rétabli tel qu’il était par le passé : il vaut mieux, s’il le faut, déplaire à six ou huit cents distillateurs que de frapper deux oui trois cent mille détaillants de boissons. De même il ne faut pas priver le trésor de revenus considérables dans la crainte de déplaire à une centaine de raffineurs de sucre exotique. C’est ce système, messieurs, qui a amené les choses au point où elles en sont aujourd’hui.

Je pense donc que nous ne pouvons point adopter la proposition de M. le ministre des finances ; s’il y a un déficit, il faut trouver d’autres moyens de le combler. Je demanderai, par exemple, que la commission qui a été chargée d’examiner le projet de loi relatif aux eaux-de-vie étrangères fasse enfin son rapport : l’an dernier, quand nous discutions le budget des voies et moyens, j’ai présenté un amendement concernant les eaux-de-vie étrangères, qui devrait rapporter plusieurs centaines de mille francs ; cet amendement ne fut pas adopté ; mais, dans le courant de l’année, M. le ministre des finances a présenté un projet de loi qui doit atteindre le même but. Je demanderai que la commission soit invitée à nous présenter un rapport le jour de la rentrée, afin que nous puissions enfin nous occuper de ce projet de loi qui nous procurera deux ou trois cent mille francs, car il est un fait incontestable, c’est que tout ce qui se consomme en esprits étrangers entre presque en totalité par la fraude. Si vous réduisez les droits, comme les distillateurs eux-mêmes le demande, il n’y aura plus de fraude, et le trésor percevra l’impôt.

Comme je l’ai dit tout à l’heure, messieurs, nous avons toujours la convention avec la banque à examiner, et j’espère bien que les besoins du trésor engageront la chambre à s’occuper sans retard de cet examen, qui, quel qu’il soit, aura toujours pour résultat de faire verser dans les caisses de l’Etat les capitaux que la banque détient et qui appartiennent au trésor public. Que la chambre mette cet objet à l’ordre du jour après les autres lois de finance ; je crois que nous devons nous occuper avant tout de procurer au trésor les ressources dont il a besoin.

Nous avons, messieurs, accordé des budgets au gouvernement, mais cela ne constitue pas pour le gouvernement l’obligation de faire les dépenses qui s’y trouvent ; le gouvernement pourrait bien en suspendre quelques-unes et par exemple la construction du palais de justice. Il sera assez temps de faire des dépenses de cette nature quand on aura les moyens d’y faire face.

D’après toutes ces considérations, je pense, messieurs, que nous devons rejeter la nouvelle proposition de M. le ministre des finances et adopter celle de la section centrale.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je dois, messieurs, relever une inexactitude qui a échappé à l’honorable préopinant. Il a dit qu’on a constamment, depuis 1830, diminué les impôts indirectes et augmenté les impôts directs ; c’est particulièrement de l’impôt foncier qu’il a voulu parler, car il s’est surtout appuyé de ce que cet impôt aurait été constamment augmenté dans certaines provinces par suite de la péréquation cadastrale ; eh bien, messieurs, au lieu d’avoir augmenté l’impôt foncier, nous l’avons au contraire réduit, et avec les additionnels que je propose, le trésor ne récupérerait pas encore pour l’avenir ce qui a été diminué sur le principal ; je rappellerai à la chambre qu’en 1831 et 1832 le principal de la contribution foncière a été réduit dans les provinces d’Anvers et les Flandres d’une somme de 406,967 fr. Maintenant quel serait le produit de deux centimes additionnels sur le foncier ? En tout 317,586 fr., et cependant la perte de 406,967 fr. a été subie par le trésor depuis 5 à 6 ans, et par conséquent ce serait plus de deux millions qu’il serait en droit de réclamer pour les arriérés seulement.

M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, je sais qu’un gouvernement ne peut marcher sans contributions ; mais je demanderai aussi à M. le ministre des finances comment il se fait que ce soit toujours la propriété foncière à laquelle il se prend, lorsqu’il a besoin d’argent. Si le ministre avait proposé des centimes additionnels sur les revenus de l’Etat en général, j’aurais considéré cette proposition comme susceptible d’être examinée ; mais en s’attachant uniquement à l’impôt foncier, je crois que le ministre a commis une grave erreur. Comment ! messieurs, la position de l’agriculture est actuellement telle qu’il paie à l’Etat 33 à 40 p. c. d’impôt. Or, vous savez que la loi a fixé le maximum auquel cet impôt pourrait être porté, c’est-à-dire à 20 p. c. Eh bien, si vous examinez attentivement le prix des grains pendant les cinq dernières années, vous trouverez que le calcul que je viens de vous présenter est exact. La chambre est trop fatiguée pour que je me permette d’entrer dans des détails, je n’y entrerai donc pas.

Mais, messieurs, n’y a-t-il pas d’autre industrie que l’industrie agricole qui puisse être atteinte en ce moment ? Lors de la discussion de la loi sur les sucres, ne vous a-t-on pas dit que les ouvriers de l’industrie buvaient du campagne ? A cela, j’ai répondu que les agriculteurs qui nous procurent la bière et vous fournissent le pain buvaient de l’eau. (Quelques dénégations.) Oh ! messieurs, c’est l’exacte vérité, la plupart des cultivateurs ne boivent que de l’eau.

J’ai déjà indiqué hier les ressources certaines dont, à défaut des nouveaux centimes additionnels, le gouvernement peut disposer, je n’y reviendrai pas ; mais je déclare que je voterai contre la nouvelle proposition ministérielle, parce que l’agriculture est dans une position telle qu’il lui est impossible de subir la plus légère augmentation d’impôt.

M. Verdussen. - Il est reconnu que si nous retranchons du budget des voies et moyens, les cinq centimes extraordinaires, ainsi que l’impôt sur les boissons distillées, nous aurons un déficit d’un demi-million. Le ministre propose de combler immédiatement ce déficit par le vote de deux centimes additionnels, au lieu de cinq. C’est une question de temps, et il me paraît qu’on ne devrait pas songer à combler immédiatement ce déficit ; car cela tendrait indirectement au rejet du projet que le ministre a présenté au sujet des débitants de boissons distillées ; si cette loi est adoptée, nous aurions 900,000 fr. de plus au budget des voies et moyens. Or, je vous le demande, si vous établissez dès à présent l’équilibre entre les voies et moyens, et les dépenses telles que vous les avez votées, sera-t-on porté plus tard à imposer au peuple une charge nouvelle de 900,000 fr. ? Je le répète donc, ce serait voter indirectement contre la proposition ministérielle, si dès ce moment l’équilibre était établi entre les dépenses et les ressources.

Il est certain que cet équilibre doit être établi : qu’on obtienne ce résultat par des centimes additionnels sur le foncier, les patentes et le personnel, ou par un impôt sur les boissons distillées, ou par une décision à prendre sur la question de la banque, peu m’importe ; mais toujours est-il indubitable que si vous comblez aujourd’hui le déficit, on ne songera plus à créer d’autres charges. Je pense donc qu’il serait prudent d’ajourner le vote des deux centimes additionnels, qu’en tout cas on devrait réserver pour des circonstances extraordinaires, et qu’il faudrait chercher dans le courant de l’exercice à combler le déficit, si tant est qu’un déficit soit constaté.

M. F. de Mérode. - Le raisonnement de M. Verdussen tourne, selon moi, au détriment du contribuable ; car si nous refusons chaque année d’ajouter quelque chose aux voies et moyens pour diminuer la dette flottante, ainsi que la dette constituée dont nous payons 6 millions d’intérêt par an, nous n’obtenons pas par là un dégrèvement véritable pour le contribuable.

On nous parle de l’argent que la banque doit à l’Etat ; mais cet argent devrait être appliqué à l’extinction de la dette constituée et de la dette flottante. Plusieurs membres de cette chambre ont proposé des allocations à titre de secours de diverses natures ; d’autres ont demandé l’exécution de travaux publics. Mais comment pourvoir à ces dépenses extraordinaires, si l’on se borne à voter des voies et moyens pour les dépenses courantes ?

M. Peeters. - Messieurs, l’honorable M. Dumortier vient de nous dire qu’il ne peut pas admettre les deux centimes additionnels sur le foncier, parce que le Hainaut a subi une augmentation par suite de la péréquation cadastrale. Quant à moi je ne peux pas admettre ces motifs, je pense au contraire que cette province doit être bien satisfaite de ne pas devoir restituer les millions que nous autres Campinois nous avons payés pour elle avant la péréquation cadastrale.

Mais il y a d’autres motifs qui m’obligeront de voter contre toute majoration.

Depuis que j’ai vu le tableau des routes annexé au rapport fait par l’honorable M. Demonceau au nom de la commission, nommée pour l’examen du projet de loi présenté par M. le ministre des travaux publics, à l’effet d’assimiler, sous le rapport de la police du roulage en temps de dégel, les routes empierrées aux routes pavées ; depuis que j’ai vu ce rapport, dis-je, ma conscience m’obligera à voter contre toute majoration, à moins que M. le ministre des travaux publics ne me donne l’assurance qu’il fera disparaître incessamment en partie cette criante injustice, en nous dotant immédiatement de quelques routes pavées dans la province d’Anvers, notamment la route de Turnhout à Diest, votée il y a quatre ans.

Je savais bien que la province d’Anvers, qui contribue pour une large part dans les charges de l’Etat, et qui avant la péréquation cadastrale a payé plusieurs millions de trop en contributions foncières, avait presque toujours été oubliée dans les répartitions des fonds destinés pour la construction de routes, ainsi que j’ai eu l’honneur de vous le faire remarquer lors de la discussion sur le budget des travaux publics ; mais je ne savais pas, je l’avoue, que la disproportion était si grande.

Jetez les yeux sur ce tableau, messieurs, et vous ne trouverez que 21 lieues de routes pavées faites par l’Etat dans ladite province, tandis que vous en trouverez quatre-vingts à quatre-vingt-huit dans d’autres.

Maintenant je ne suis plus étonné que l’arrondissement de Turnhout, d’une étendue de cent quarante mille hectares et d’une population de 90,000 habitants, n’ait jusqu’à présent qu’une lieue et demie de routes.

Enfin, je voterai contre les deux centimes additionnels, à moins que M. le ministre des travaux publics ne vienne ne donner des assurances satisfaisantes pour la province d’Anvers par rapport aux routes. (Aux voix ! aux voix !)

M. Desmanet de Biesme. - Avant qu’on aille aux voix, je ferai observer qu’il est nécessaire d’opérer la division, en ce qui concerne les deux centimes additionnels extraordinaires ; je puis vouloir des dix centimes additionnels ordinaires, et ne pas vouloir des 12 centimes ; je serais donc forcé de voter contre ce dernier chiffre, si l’on n’opérait pas la division.

M. le président. - La difficulté que signale M. Desmanet de Biesme n’existe pas ; car je mettrai aux voix le chiffre 12, et si ce chiffre n’est pas adopté, je mettrai aux voix le chiffre 10. (Assentiment.)

- Le chiffre proposé par M. le ministre est mis aux voix par appel nominal, dont voici le résultat :

79 membres prennent part au vote.

25 répondent oui.

54 répondent non.

En conséquence le chiffre n’est pas adopté.

Ont répondu oui : MM. Coghen, Corneli, de Brouckere, F. de Merode, W. de Mérode, de Perceval, de Puydt, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Ernst, Jadot, Kervyn, Lebeau, Meeus, Mercier, Milcamps, Nothomb, Rogier, Smits, Ullens, Vandenhove, Willmar.

Ont répondu non : MM. Andries, Bekaert-Baekelandt, Berger, Brabant, Dechamps, de Florisone, de Jaegher, de Longrée, de Meer de Moorsel, Demonceau, de Nef, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmanet de Biesme, Desmet, Doignon, Dolez, Donny, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Gendebien, Heptia, Hye-Hoys, Lardinois, Lecreps, Lejeune, Liedts, Manilius, Mast de Vries, Metz, Morel-Danheel, Pirmez, Polfvliet, Raikem A. Rodenbach, C. Rodenbach, Simons, Stas de Volder. Thienpont, Trentesaux, Troye, Vandenbossche, Van Volxem, Verdussen, Vergauwen, Hippolyte Vilain XIIII, Wallaert, Zoude, Peeters.

Les 10 centimes extraordinaires admis par la section centrale, et s’élevant à 1,587,952 fr., sont mis aux voix et adoptés.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - La chambre n’ayant pas admis l’augmentation sur la contribution foncière, je retire l’amendement sur les autres articles.

- La chambre adopte ensuite successivement et sans discussion les articles suivants :

Personnel

« Principal : fr. 7,520,000.

« 10 centimes additionnels extraordinaires : fr. 752,000.

« Ensemble : fr. 8,272,000. »

Patentes

« Principal : fr. 2,576,000.

« 10 centimes additionnels extraordinaires : fr. 257,600.

« Ensemble : fr. 2,833,600. »

Redevances sur les mines

Redevances sur les mines

« Principal : fr. 100,000.

« 10 centimes ordinaires pour non-valeurs : fr. 10,000.

« 5 centimes sur les deux sommes précédentes pour frais de perception : fr. 5,500.

« Ensemble : fr. 115,500. »

Douanes

« Droits d’entrée (13 centimes additionnels) : fr. 8,000,000.

« Droits de sortie (idem) : fr. 600,000.

« Droits de transit (idem) : fr. 100,000.

« Droits de tonnage (idem) : fr. 265,000.

« Timbre : fr. 35,000.

« Ensemble : fr. 9,000,000. »

Accises

« Abonnement des débitants de boissons distillées : (ajourné)

« Sel (26 centimes additionnels) : fr. 3,700,000.

« Vins étrangers (idem) : fr. 2,800,000.

« Eaux-de-vie étrangères (idem) : fr. 200,000.

« Eaux-de-vie indigènes (sans additionnel) : fr. 3,000,000.

« Bières et vinaigres (26 centimes additionnels- : fr. 7,000,000. »

« Sucres (pour mémoire) : fr. 800,000.

« Timbres sur les quittances : fr. 1,450,000.

« Timbres sur les permis de circulation : fr. 20,000.

« Ensemble : fr. 18,970,000. »

Garantie

« Droits de marque des matières d’or et d’argent : fr. 150,000. »

Recettes diverses

« Droits d’entrepôts : fr. 20,000.

« Recettes extraordinaires et accidentelles : fr. 9,000.

« Ensemble : fr. 29,000. »

Enregistrement, domaines et forêts
Droits, additionnels et amendes y relatives

« Timbre : fr. 2,125,000.

« Enregistrement : fr. 8,550,000.

« Greffe : fr. 200,000.

« Hypothèques : fr. 725,000.

« Successions : fr. 3,200,000.

« 26 centimes additionnels : fr. 3,848,000.

« Amendes : fr. 200,000.

« Ensemble : fr. 18,848,000. »

Recettes diverses

« Passeports et ports d’armes : fr. 200,000.

« Indemnité payée par les miliciens pour remplacement, et pour décharge de responsabilité de remplacement : fr. 65,000.

« Amendes en matière de simple police, civile, correctionnelle, etc. : fr. 150,000.

« Ensemble : fr. 415,000. »

Trésor public

« Produits des examens : fr. 55,000.

« Produits des brevets d’invention : fr. 16,000.

« Produits des diplômes des artistes vétérinaires : fr. 2,000.

« Ensemble : fr. 73,000. »

Péages

Enregistrement, domaines et forêts

« Produits des canaux appartenant au domaine, droits d’écluse, ponts, navigation : fr. 550,000.

« Produits de la Sambre canalisée : fr. 450,000.

« Produits des droits de bacs et passages d’eau : fr. 105,000.

« Produits des barrières sur les routes de première et de deuxième classe : fr. 2,375,000.

« Ensemble : 3,480,000. »

M. Andries. - Je demande la parole pour faire une courte observation. Dans le cahier des charges pour l’adjudication des barrières, on n’a pas osé autoriser le gouvernement à en adjuger le péage pour plus d’une année, parce qu’on regardait cette rétribution comme un impôt de l’Etat auquel s’appliquait l’article 111 de la constitution qui est ainsi conçu :

« Les impôts au profit de l’Etat sont votés annuellement. Les lois qui les renouvellent n’ont de force que pour un an si elles ne sont pas renouvelées. »

Je crois qu’on pourra autoriser le gouvernement à adjuger les barrières pour plus d’une année ; ce serait un moyen d’obtenir de meilleures conditions.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - La première loi qui sera présentée sera celle des barrières. Nous pourrons donc examiner dans une de vos premières séances, après votre retour, la question judicieuse soulevée par l’honorable M. Andries. Vous déciderez si dans l’intérêt de l’Etat il ne conviendrait pas de voter la loi des barrières pour cinq ou trois années, au lieu de la voter tous les ans. Il pourra alors être fait droit en temps utile au désir exprime par l’honorable préopinant.

L’article « Produits des barrières sur les routes de première et deuxième classe, 2,575,000 fr., » est mis aux voix et adopté.

Travaux publics. Postes

« Taxe des lettres et affranchissements : fr. 2,340,000. »

- Adopté.


« Port des journaux : fr. 70,000. »


- Adopté.


« Droits de 5 p. c. sur les articles d’argent : fr. 30,000. »

- Adopté.


« Remboursements d’offices étrangers : fr. 20,000. »

- Adopté.


« Service rural : fr. 140,000.”

- Adopté.

Capitaux et revenus

Travaux publics. Chemin de fer

« Voyageurs : fr. 4,000,000.

« Marchandises : fr. 850,000.

« Total : fr. 4,850,000. »

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Il y a lieu de réduire l’article « Chemin de fer, voyageurs, » de 4 millions à 3,700,000 fr. Vous savez que dans le budget des travaux publics on a réduit 300,000 fr. sur les frais d’exploitation, et qu’il a été entendu qu’on ferait une déduction de pareille somme au budget des voies et moyens.

M. F. de Mérode. - Voici encore une diminution sur une branche du revenu public, le chemin de fer, diminution qui s’élève à 300,000 fr. Ce n’est cependant pas là un impôt vexatoire pour le peuple ; un impôt qui sert à faire faire plus de 10 lieues à l’heure n’est pas sans doute un impôt sur une chose de nécessité première ; rien ne me paraît plus mal trouvé que cette diminution de 300,000 fr. ; on pourra aisément retrouver cette somme en augmentant le prix des places. Je ne comprends pas qu’on diminue le chiffre de cet impôt ; c’est un chiffre qu’on pourrait au contraire augmenter sans aucun inconvénient.

M. Demonceau, rapporteur. - L’honorable préopinant n’a pas bien compris M. le ministre des finances. Cette réduction est une conséquence d’une réduction admise dans les dépenses. Quand on a réduit 300,000 fr. au budget des travaux publics, il en est résulté la nécessité de réduire de 300.000 fr. l’article du budget des recettes qui nous occupe. Je pense que c’est ainsi que la chambre et le ministère l’ont entendu.

M. F. de Mérode. - Mon observation n’en subsiste pas moins.

- La chambre adopte l’article « chemin de fer » avec le chiffre de 4,550,000 fr.

Enregistrement, domaines et forêts

« Rachat et transfert des rentes : fr. 80,000. »

- Adopté.


« Capitaux du fonds de l’industrie : fr. 800.000. »

M. Demonceau, rapporteur. - Il s’agit ici des capitaux du fonds de l’industrie ; mais c’est sans rien préjuger sur les conventions faites avec MM. Mosselman et Cockerill, pour l’examen desquelles des commissions ont été nommées. La section centrale pense que cette réserve doit être insérée dans le budget.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - L’addition des mots « sans rien préjuger » est complétement inutile, car la déclaration faite de part et d’autre que la convention est réservée donne toute garantie ; cependant si l’on tient à cette addition, je ne m’y oppose pas.

M. Demonceau, rapporteur. - Il me semble que nous devons néanmoins insérer la réserve « sans rien préjuger, » car il est possible que la question soit interprétée ailleurs et qu’on infère du vote de la chambre, s’il n’est pas fait de réserve, qu’il y a eu approbation tacite des conventions.

M. Verdussen. - La chambre adopte un chiffre global ; il me paraît impossible d’inférer de ce vote que la chambre aurait entendu approuver les conventions passées avec M. Cockerill et M. Mosselman ; la déclaration faite par la section centrale à laquelle M. le ministre des finances s’est rallié est tout ce qu’il faut.

M. Demonceau, rapporteur. - Je sais que la chambre ne vote que sur un chiffre global ; je crois cependant qu’il y a lieu d’adopter ici une réserve analogue à celle admise par la chambre à l’article « caissier général. » J’ai fait mon observation ; la chambre fera ce qu’elle jugera convenable.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je ne m’oppose pas, je le répète, à l’addition des mots « sans rien préjuger ; » cependant l’observation de l’honorable M. Verdussen est fort juste : M. Cockerill ne peut pas prétendre que la chambre a approuvé la convention qui le concerne, puisqu’elle n’est pas dénommée dans l’article.

M. Rogier. - C’est encore là une de ces dispositions restrictives et suspensives comme le budget n’en renferme que trop. Je pense que l’observation de l’honorable M. Verdussen est de nature à donner satisfaction à tous les scrupules. Il est certain que nous ne préjugeons rien en adoptant un chiffre global ; il est donc inutile d’insérer une réserve dans la loi ; je m’oppose à l’addition de cette mesure restrictive et suspensive.

- La réserve proposée par la section centrale et ainsi conçue : « sans rien préjuger sur les conventions faites avec MM. Cockerill et Mosselman, » est mise aux voix. Deux épreuves sont douteuses. La chambre procède au vote par appel nominal.

En voici le résultat :

75 membres sont présents.

33 votent l’adoption.

42 votent le rejet.

En conséquence, l’article est adopté sans modification dans son libellé.

Ont voté l’adoption de l’amendement proposé par M. Demonceau : MM. Bekaert, Brabant, Corneli, de Longrée, de Meer de Moorsel, Demonceau, de Roo, Desmaisières, Desmanet de Biesme, Desmet, Doignon, Dubus, aîné, Dumortier, Eloy de Burdinne, Thienpont, Trentesaux, Van Volxem, Wallaert, Zoude, Gendebien, Heptia, Hye-Hoys, Jadot, Kervyn, Lecreps, Lejeune, Pirmez, Raikem, Raymaeckers, A. Rodenbach, Simons, Stas de Volder.

Ont voté contre : MM. Berger, Coghen, de Brouckere, de Florisone, F. de Mérode ; W. de Mérode, de Nef, de Perceval, de Puydt, de Renesse, de Sécus, de Terbecq, de Theux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dolez, Donny, B. Dubus. Duvivier, Ernst, Lardinois, Liedts, Mast de Vries, Meeus, Mercier, Metz, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Peeters, Polfvliet, C. Rodenbach, Rogier, Smits, Troye, Ullens, Vandenhove, Verdussen, Vergauwen, Vilain XIIII, Willmar.

« Capitaux du fonds de l’industrie : fr. 800,000 fr.

« Capitaux de créances ordinaires et d’avances pour bâtiments d’écoles : fr. 100,000.

« Prix de vente d’objets mobiliers ; transactions en matières domaniales : dommages et intérêts ; successions en déshérence ; épaves : fr. 300.000.

« Prix de vente de domaines, payés en numéraire en suite de la loi du 28 décembre 1835 (858) : fr. 1,200,000.

« Prix de coupes de bois, d’arbres et de plantations ; vente d’herbes ; extraction de terre et de sable : fr. 530,000.

« Fermages de biens fonds et bâtiments de chasse et de pêche ; arrérages de rentes ; revenus des domaines du département de la guerre : fr. 350,000.

« Produits des houillères domaniales de Kerkraede : fr. 240,000.

« Intérêts des créances du fonds de l’industrie, de créances ordinaires et d’avances faites pour bâtiments d’écoles : fr. 170,000.

« Restitutions et dommages et intérêts en matière forestière : fr. 3,000.

« Restitutions volontaires : fr. 1,000. »

- Tous ces articles sont adoptés sans opposition.

Trésor public

« Produits des divers prisons (pistoles), cantines, vente de vieux effets : fr. 30,000.

« Intérêts de l’encaisse de l’ancien caissier-général, sans préjudice aux droits envers le même caissier, dont il est fait réserve expresse : fr. 670,000.

« Produits de l’emploi des fonds de cautionnements et consignations : fr. 200,000.

« Abonnements au Moniteur et au Bulletin officiel : fr. 53,000.

« Produits des haras : fr. 12,000.

« Produits des établissements-modèles pour la culture du mûrier et l’éducation des vers à soie : fr. 6,000. »

- Ces articles sont également adoptés sans opposition.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je propose d’ajouter à ces articles le suivant :

« Travaux publics. Versement des sommes allouées aux budgets des communes et des provinces pour le transport des dépêches, en vertu de l’article 13 de la loi du 29 décembre 1837, disposition qui est renouvelée pour l’année 1838 : fr. 50,000. »

Dans la loi postale de 1835 il est dit, article 13, que ces sommes seraient versées au trésor public, qui se charge des dépêches ; à la vérité l’article porte qu’il ne sera plus obligatoire postérieurement à 1837 s’il n’est renouvelé ; mais comme vous avez alloué le service rural des postes pour 1838 et qu’il n’y a pas d’apparence qu’on modifie ce service, nous vous proposons seulement pour cette année d’en verser la recette au trésor.

M. le président. - Cette disposition devrait être dans la loi même, et non dans le tableau.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Il faut porter au tableau les 50,000 fr., et la disposition dans les articles de la loi ; c’est ce que je demande.

M. le président. - Je vais mettre la disposition entière aux voix, sauf ensuite à en placer le libellé dans les articles, et le chiffre dans le tableau.

- La chambre adopte la disposition.

Recettes pour ordre

« Produits des amendes, saisies et confiscations opérées par l’administration des contributions : fr. 120,000.

« Cautionnements versés par les comptables de l’Etat : fr. 80,000.

« Cautionnements versés antérieurement à la révolution et dont les fonds sont en Hollande (mémoire)

« Expertise de la contribution personnelle : fr. 30,000.

« Produit d’ouverture des entrepôts : fr. 14,000.

« Ensemble : fr. 244,000. »

- Adopté.

Fonds de dépôts

« Consignations : fr. 30,000. »

- Adopté.

Second vote des articles

M. le président. - Il y a des amendements...

De toutes parts. - Il y a urgence.

- La chambre consultée décide qu’il y a urgence pour passer au vote définitif.

L’article premier de la loi est mis aux voix et adopté avec la suppression de ce qui est relatif aux 5 centimes additionnels extraordinaires et avec un amendement de M. le ministre des finances, concernant la loi du 28 décembre 1837, qui autorise le gouvernement à percevoir les impôts existants en 1837, jusqu’au 1er février 1838.

L’article 2 est ensuite mis aux voix et adopté.

L’article 3 avec la rédaction de la section centrale, a laquelle M. le ministre s’est rallié, est également mis aux voix et adopté.

Les amendements introduits dans le tableau sont ensuite soumis à un second vote et définitivement adoptés.

Ordre des travaux de la chambre

M. Rogier. - Je crois, messieurs, qu’il conviendrait de fixer maintenant le jour de la rentrée et en même temps l’ordre du jour.

M. Dumortier. - Je propose de nous réunir le premier mardi de février.

Plusieurs membres. - C’est trop long.

M. Dumortier. - Messieurs, l’an dernier, la chambre, après avoir travaillé depuis le deuxième mardi de novembre jusqu’au 23 décembre, a pris 25 jours de vacances ; il me semble que maintenant que nous sommes réunis depuis bientôt 4 mois, nous pouvons bien prendre un mois de repos. Quand M. le ministre des finances nous a engagés à rester ici, il nous a dit : « Quand les budgets seront votés on pourra prendre un mois, cinq semaines de vacances. » Maintenant que nous avons fait tout ce qu’il était possible de faire, lorsque depuis quatre mois nous ne sommes pas retournés dans nos familles, je crois que nous pouvons bien nous ajourner jusqu’au premier mardi de février.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - M. Dumortier a fait un appel à ma bonne foi, elle ne lui fera pas faute. En effet, lorsque j’ai demandé avec instance que la chambre votât, sans désemparer, les dernières lois qui viennent d’être adoptées, j’ai dit que dans mon opinion l’on pourrait prendre ensuite un mois et même 5 semaines de vacance. Je ne m’opposerai donc pas à ce que la chambre s’ajourne au premier mardi de février. Toutefois, s’il arrivait ce que nous ne pouvons prévoir, que le sénat modifiât, soit le budget du département de la guerre, soit le budget des voies et moyens, le gouvernement devrait prier M. le président de vous convoquer, et nous sommes convaincus que vous ne manqueriez pas de vous rendre à cet appel, l’intérêt du pays l’exigeant.

De toutes parts. - C’est entendu.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Je crois devoir rappeler à mon tour qu’il reste une loi à voter ; C’est la loi des barrières, loi qui doit être votée à temps, pour qu’elle puisse être discutée par le sénat.

Je me proposais de présenter le projet dans la séance de demain ; comme il n’y en aura pas, je ferai imprimer les tableaux pendant les vacances, et je déposerai le projet de loi immédiatement après votre rentrée.

M. le président. - Je vais mettre aux voix la proposition de M. Dumortier, tendant à ce que la chambre s’ajourne au premier mardi de février.

- Cette proposition est adoptée.

Motion d'ordre

Créances arriérées du ministère de la guerre

M. de Longrée. - Messieurs, le 14 décembre 1836, la commission permanente des finances a bien voulu nous adresser son premier rapport sur le crédit spécial demandé par M. le ministre de la guerre, le 16 avril de la même année, pour pouvoir liquider des créances arriérées à charge de son département. Parmi les différentes réclamations sur lesquelles cette commission était appelée à prendre des décisions, elle en a reconnu quelques-unes incomplètes, en ce que ces réclamations n’étaient pas suffisamment justifiées : parmi ces dernières, j’y vois figurer celles qui ont été adressées au département de la guerre par les communes de Bree, Elicom, Boukholt, Neederweert, Bruggenum et Kessel., toutes communes de l’arrondissement de Ruremonde. Si je suis bien informé, toutes les pièces justificatives des créances réclamées par ces différentes communes doivent maintenant être au département de la guerre ; en conséquence je viens prier les honorables membres de la commission permanente des finances de vouloir bien se réunir le plus tôt possible (j’entends après la vacance que la chambre va prendre), pour pouvoir examiner les réclamations dont je viens d’avoir l’honneur de vous entretenir, et de faire connaître ses conclusions à la chambre.

Messieurs, je suis d’autant plus pressé à prier la commission des finances de vouloir bien s’occuper de cet objet le plus tôt possible qu’il est à ma parfaite connaissance que les autorités des communes que j’ai citées, sont accablées de réclamations réitérées de la part de leurs administrés, qui souvent ne veulent pas admettre les explications qui leur sont données sur les motifs des retards qu’ils éprouvent à recevoir ce qui leur revient.

De toutes parts. - L’on s’occupera de cet objet après les vacances.


Sur la proposition de M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux)., la chambre met à l’ordre du jour pour la prochaine séance le vote définitif du projet de loi apportant des modifications au tarif des douanes.

Projet de loi portant le budget des voies et moyens de l'exercice 1838

Vote sur l'ensemble du projet

Il est ensuite procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble du budget des voies et moyens.

Le budget est adopté à l’unanimité des 69 membres qui ont pris part au vote.

Un membre (M. F. de Mérode) s’est abstenu, parce qu’il trouve que les voies et moyens sont insuffisants.

La séance est levée à 5 heures un quart.