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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mercredi 13
décembre 1837
Sommaire
1) Pièces adressées à
la chambre, notamment pétitions relatives à la construction de routes dans le
Luxembourg (de Puydt)
2) Projet de loi
portant le budget du département de l’intérieur pour l’exercice 1838.
Discussion des articles. Bibliothèque nationale (+bibliothèque Van Hulthem et
bibliothèque de l’université de Louvain) (Lejeune, Desmet, Verhaegen, Verdussen, de Jaegher, Verhaegen, Pirmez)
3) Fixation de
l’ordre des travaux de la chambre. Budget des travaux publics et budget des
voies et moyens (Nothomb, Desmanet
de Biesme, de Theux, de
Muelenaere, Ernst, Desmanet de
Biesme)
4) Projet de loi portant
le budget du département de l’intérieur pour l’exercice 1838. Discussion des
articles. Bibliothèque nationale (Rogier, de Theux, Verdussen, Desmet, Gendebien, Verdussen, Rogier, de Theux, Desmet, Gendebien, Dumortier, Rogier), subsides aux villes pour la conservation des
monuments (notamment hôtel-de-ville d’Audenaerde) (Verdussen,
de Jaegher, de Theux, Liedts, de Man d’Attenrode, Verdussen, Dumortier, de Theux, Scheyven, Desmanet de Biesme), archives du royaume (notamment porte
de Hal) (Dumortier, de Theux,
Dumortier, Desmanet de Biesme,
Rogier, de Theux, Dumortier, de Theux, Desmet), sûreté de l’Etat et arrestations d’étrangers (Dumortier, de Theux, Liedts, Dumortier, Gendebien, de Theux, de Brouckere, de Theux, F. de Mérode, Dumortier), frais
d’administration des provinces (Gendebien, de Theux, Gendebien, de Theux, Dolez, de Theux)
(Moniteur belge
n°348, du 14 décembre 1837 et Moniteur belge n°349, du 15 décembre 1837)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à une heure.
M. Kervyn lit le procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est
adoptée.
M. de Renesse fait connaître l’objet des pièces suivantes adressées
à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA
CHAMBRE
« Les
administrations communales et les habitants propriétaires des communes de
Blargnies et Dour (Hainaut) réclament contre les pétitions tendant à obtenir
l’entrée des houilles étrangères. »
_________________
« Le sieur Léon Heldenbergh, marchand de boissons
distillées à Courtray, propose des modifications à la loi sur les
distilleries.»
_________________
« Des négociants détaillants de Châtelet et
communes environnantes demandent qu’il soit pris des mesures pour empêcher les
ventes à l’encan. »
_________________
- La pétition concernant les houilles sera renvoyée
aux ministres de l’intérieur et des travaux publics, comme on l’a fait à
l’égard d’autres pétitions sur le même objet.
Les autres pétitions sont renvoyées à la commission
chargée d’en faire le rapport.
M. de Puydt. - Je dépose sur le bureau de la chambre diverses
pétitions pour obtenir l’établissement de routes :
1° Quatre pétitions de Stavelot, Profondris, Wilverwilt
et Hosinghen, réclament l’exécution de la route de Stavelot à Diekirch.
2° Quatre pétitions de Wardin, Vinseler, Goesdorff et
Atcheid, demandent que la route de Bastogne vers Ettelbruck soit dirigee par
Wiltz.
Désirant appuyer ces pétitions lors de la discussion
du budget des travaux publics, je prie la chambre d’inviter la commission à
faire son rapport avant la discussion de ce budget.
- La proposition de M. de Puydt est adoptée.
_________________
M. Beerenbroeck. - Messieurs, la commission de finances nommée au
commencement de la session ne s’est pas encore assemblée, elle a des pièces
concernant le budget de la guerre dont je désire avoir connaissance.
M. Angillis. - Effectivement la commission de finances ne s’est
pas encore constituée ; nous attendons la présence de MM. Fallon et Dubus.
Aussitôt qu’ils seront arrivés, je m’occuperai de constituer la commission, et
nous ferons la besogne dont nous sommes chargés.
Discussion des
articles
Chapitre VII. - Lettres, sciences et arts ;
fonds provenant des brevets ; service de santé
M. le président. - Vous avez à décider comment sera nommée la
commission dont le principe a été adopté dans la séance d’hier.
Plusieurs voix.
- Par le bureau, par le bureau !
M. Lejeune. - J’entends dire que cette commission soit nommée par le bureau ; je
pense que la question sur laquelle vous avez décidé hier ayant donné lieu à une
discussion plus ou moins irritante, et tous les membres s’étant prononcés pour
un appel nominal, il serait plus convenable que la commission fût nommée par la
chambre ; j’en fais la proposition formelle.
M. Desmet. - Je propose de ne statuer sur la nomination de la
commission qu’après le vote définitif du budget de l’intérieur. Vous avez
adopté un amendement, et son importance est telle que vous ne pourrez vous
dispenser de le soumettre à un second vote.
Il sera assez tôt de nommer la commission si le
premier vote est confirmé. Nous avons été plus ou moins surpris par la motion
d’ordre qui a été adoptée : je ne veux pas incriminer, mais personne ne savait
qu’une proposition aussi importante aurait été faite. Certainement tout le
monde aurait été à son poste. Je ne rentrerai pas dans le fonds de la question,
cependant j’aurais quelque chose à dire. Une proposition aussi importante devra
être soumise à un second vote. Je demande qu’on attende ce second vote pour
s’occuper de la nomination de la commission.
M. Verhaegen. - Quant à nous, nous pensons qu’il ne faut pas
s’écarter du principe reçu dans cette assemblée. C’est parce que la discussion
a été irritante qu’il faut maintenir ce qui a eu lieu jusqu’à présent, en
pareil cas. Nous avons pleine confiance dans le bureau ; nous nous réunissons à
ceux qui ont demandé qu’on lui abandonnât la nomination de la commission.
M. Verdussen. - En lisant la rédaction de M. le ministre de
l’intérieur qui a été adoptée hier, il me semble qu’il est possible de laisser
au gouvernement la nomination de la commission. Il a été dit qu’une commission
sera nommée afin de présenter un rapport à la chambre. J’ai voté contre la
proposition, parce que je pensais qu’il était plutôt dans les attributions du
gouvernement de faire cette enquête que dans les attributions de la chambre. La
rédaction du ministre admet la possibilité que la nomination de la commission
soit confiée au gouvernement. Je désire qu’il en soit ainsi. La chambre désire
être éclairée, elle pourrait l’être par la commission qui serait nommée par le
gouvernement. Le vote de la chambre aurait pour effet d’imposer au gouvernement
l’obligation de nommer une commission pour rechercher le véritable propriétaire
des objets dont il s’agissait.
M. de Jaegher. - J’appuie la proposition de M. Desmet. Il faut que
le budget de l’intérieur soit soumis à un second vote ; en attendant, il est
inutile de nous arrêter à une discussion qui pourrait empêcher de terminer la
discussion du budget de l’intérieur. Quant à la proposition de M. Verdussen, je
ne pense pas qu’elle puisse être admise. La chambre ne peut pas appeler le
gouvernement à nommer la commission dont il s’agit. D’abord le gouvernement
serait de cette manière rendu juge dans sa propre cause, il serait juge et
partie. Il s’agit de voir jusqu’à quel point le gouvernement a droit sur une
propriété qui peut-être serait contestée ; ce
serait le gouvernement lui-même qui nommerait les personnes chargées
d’examiner ses droits, il préjugerait en quelque sorte la question.
(Erratum inséré
au Moniteur belge n°349, du 15 décembre 1837) M. Verhaegen. - Je demande la parole
sur la question d’ajournement ; j’ai dit toute ma pensée sur la manière de
nommer la commission, je persiste à demander que cette nomination soit faite
par le bureau dans lequel nous plaçons notre confiance. Quant à l’ajournement,
je dois le combattre, parce que je ne puis pas admettre la conséquence ; il ne
s’agit pas d’amendement, il ne peut pas être question de second vote. Il y a eu
tout simplement une motion d’ordre ; cela est si vrai que j’aurais pu la faire
après le vote du budget, sans qu’il dût pour cela être soumis à un second vote,
car le chiffre est resté le même ; il n’a pas été amendé, il ne peut pas être
question de second vote.
M. Pirmez. - Je ne vois pas ce que l’ajournement amènerait s’il ne doit pas y
avoir de second vote, et si on est résolu à déléguer au bureau le soin de
nommer la commission, à moins qu’on ne veuille lui donner le temps de
réfléchir.
La chambre consultée décide qu’il sera statué sur le
mode de nomination de la commission après le vote définitif du budget de
l’intérieur.
PROJET DE LOI FIXANT
LE CONTINGENT DE L’ARMEE POUR L’ANNEE 1838
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - M. le ministre de la guerre étant indisposé m’a
chargé de présenter le projet de loi sur le contingent de l’armée.
_ M. le ministre dépose ce projet.
Il est donné acte à M. le ministre de la présentation
dudit projet. Il sera imprimé et distribué aux membres.
La chambre en ordonne ensuite le renvoi à la section
centrale du budget de la guerre, constituée en commission spéciale.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Messieurs, je propose à la chambre de mettre à
l’ordre du jour le budget des travaux publics après le vote du budget des voies
et moyens. Car s’il était impossible de voter le budget régulier avant le 1er
janvier, je serais forcé de demander des crédits provisoires. J’ai pris des
renseignements, ils m’ont convaincu qu’à moins de m’exposer à de grandes
irrégularités, il me sera impossible de me passer de crédits provisoires si mon
budget n’est pas voté.
M. Desmanet de Biesme. - La chambre a mis le budget des voies et moyens
après celui de l’intérieur. La chambre avait décidé précédemment que ce budget
serait discuté le dernier. M. le ministre, en présentant ce budget, a cru, et
devait croire, que deux mois et demi suffiraient pour voter les budgets, et
qu’on ne serait pas forcé de revenir aux errements des années précédentes. Je
suis forcé de demander une explication à M. le ministre. Il est impossible de
voter le budget des voies et moyens tel qu’il a été présenté.
En effet, les augmentations demandées sont
principalement relatives au budget de la guerre. La section centrale a demandé
des réductions très fortes qui, peut-être, pourraient rendre inutile le vote
des centimes additionnels demandés par différentes lois qui se rapportent au
budget, l’abonnement pour les boissons distillées, le timbre des journaux, la
loi sur les sucres. On supposait que ces lois seraient votées quand on
s’occuperait du budget des voies et moyens. Nous ne pouvons pas agir comme si
ces lois étaient votées, nous devons voter le budget comme les années
précédentes d’après les ressources votées, et si on n’adopte pas les réductions
proposées sur le budget de la guerre, on votera un budget supplémentaire quand
les lois qui se rattachent au budget des voies et moyens seront votées.
Je demande si c’est dans ce sens que le gouvernement
entend qu’on discute le budget des voies et moyens.
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, la motion de M. Desmanet est
prématurée. M. le ministre des finances donnera à la chambre toutes les
explications désirables, quand nous en serons à la discussion du budget des
voies et moyens ; mais je pense dès maintenant que la motion de l’honorable
membre ne peut être accueillie. Il est possible qu’il y ait quelques
modifications à introduire dans le budget des voies et moyens, à raison de
quelques lois sur le vote desquelles on avait compté avant la discussion de ce
budget ; ce sera une explication à donner par M. le ministre des finances ;
mais quant au principe, je le répète, il y a lieu de maintenir le budget des
voies et moyens tel qu’il a été présenté.
M. de Muelenaere. - Messieurs, je pense qu’il faut attendre la
présence de M. le ministre des finances, avant de prendre une résolution sur la
motion qui a été faite par l’honorable M. Desmanet ; je ferai néanmoins
remarquer qu’un budget supplémentaire de voies et moyens offrirait de graves
inconvénients, et je ne pense pas que le gouvernement puisse adopter cette
mesure. S’il y a quelques modifications à apporter dans le budget des voies et
moyens, tel qu’il a été présenté, il faudra prendre, avant le 1er janvier, une
résolution définitive, relativement à l’impôt supplémentaire qu’on pourrait
faire percevoir pour l’exercice prochain.
Toutefois, je le répète, il n’y a aucune décision à
prendre, avant que la chambre ait entendu M. le ministre des finances.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Je me permettrai d’engager l’honorable M. Desmanet
à retirer sa motion, qu’il pourra reproduire peut-être aujourd’hui même. Nous
sommes à la veille de la discussion du budget des voies et moyens ; quand elle
commencera, M. le ministre des finances sera ici pour donner toutes les
explications désirables.
M. Desmanet de Biesme. - Je n’avais pas remarqué que M. le ministre des
finances ne se trouvait pas à la séance. Je retire donc ma motion, me réservant
de la reproduire quand arrivera la discussion du budget des voies et moyens.
PROJET DE LOI PORTANT
LE BUDGET DU DEPARTEMENT DE L’INTERIEUR POUR L’EXERCICE 1838
Discussion des
articles
Chapitre VII. - Lettres, sciences et arts ;
fonds provenant des brevets ; service de santé
M. le président. - La chambre en est restée à l’article premier du
chapitre VII.
« M. Ecole de gravure, 20,000 fr. »
- Adopté.
M. le président. - Je vais mettre aux voix l’ensemble de l’article
premier.
M. Rogier. - Je demande la parole.
Messieurs, je pense que l’intention de plusieurs
membres de cette chambre a été hier, en votant le chiffre de la bibliothèque
nationale, d’en faire un article séparé. (Non
! non !) Je ferai alors la proposition de faire du littera consacré à la
bibliothèque un article spécial, vu l’importance de l’institution en elle-même.
De cette manière, la somme de 60,000 fr. qu’on a votée pour la bibliothèque,
lui sera bien acquise.
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, je ne pense qu’il soit nécessaire de
faire un article sépare du chiffre de 60,000 fr., pour que ce chiffre demeure
acquis à la bibliothèque. Il me semble que j’ai mis assez d’empressement pour
la formation de cette bibliothèque, pour qu’on n’ait aucun motif de douter que
les 60,000 fr. seront employés à cette destination. Je ne vois aucune espèce
d’utilité à créer un article spécial pour la bibliothèque. Ce que la chambre a
voulu hier, c’était simplement de réunir deux litteras en un seul. Je demande
que l’on demeure dans les termes de la décision d’hier.
M. Verdussen. - Je demande la parole pour savoir comment sera
libellé l’article de la bibliothèque dont les deux chiffres ont été réunis en
un seul. Je désirerais que la désignation de bibliothèque des ducs de Bourgogne
fût conservée, parce que c’est là une institution qui a une réputation
européenne. Quant à moi, je pense que l’on pourrait conserver les deux libellés
et dire : « Bibliothèque nationale, et bibliothèque des manuscrits de
l’Etat dits des ducs de Bourgogne. »
M. Desmet. - Messieurs, je ne pense pas qu’on puisse admettre
le libellé proposé par M. Verdussen, car ce serait remettre en question ce qui
a été décidé hier par la chambre. Sur la proposition de l’honorable M. Gendebien,
il a été résolu qu’il n’y aurait qu’une seule bibliothèque nationale.
M. Gendebien. - Si j’ai bien compris l’honorable préopinant, je
crois que nous sommes d’accord. Il demande qu’il n’y ait qu’un seul intitulé,
celui de bibliothèque nationale, qui comprendra tout naturellement aussi la
bibliothèque des ducs de Bourgogne : qu’on appelle simplement notre
bibliothèque, bibliothèque nationale, cela me paraît fort rationnel.
M. Verdussen. - Si on l’entend de cette manière, ce que j’ai
craint doit arriver ; vous supprimez dès lors le nom de Bibliothèque des ducs
de Bourgogne qui, est aujourd’hui attaché à la bibliothèque des manuscrits, et
comme je l’ai dit tout à l’heure, je tiens beaucoup à ce que ce nom soit
conservé dans nos budgets ; c’est dans cette intention que je voulais proposer
de réunir les deux libellés en un seul. Je sais fort bien que la bibliothèque
de Bourgogne sera la bibliothèque nationale tout comme l’autre. Mais comment
parvenir au but que je désire, si l’on n’admet pas la rédaction que j’ai
proposée ? Voulez-vous dire : Bibliothèque des imprimés, et bibliothèque des
manuscrits des ducs de Bourgogne ? Je ne sais si cette rédaction serait bien
convenable. Je pense donc qu’il y a lieu d’admettre la rédaction que j’ai déjà
indiquée.
M. Rogier. - Messieurs, la bibliothèque nationale est
maintenant une institution nouvelle qui ne se trouverait pas consacrée dans le
budget, si on la plaçait seulement dans un littera, attendu que les litteras ne
font pas partie du budget, mais sont relégués dans les développements. Je ne
comprends donc pas dans quel but M. le ministre s’oppose à ce qu’on donne une
place dans le budget à cette nouvelle institution nationale, qui ne peut que
faire honneur à M. le ministre de l’intérieur. Il n’est nullement entré dans
mes intentions de critiquer M. le ministre, et de lui reprocher un manque de
zèle en ce qui concerne cet établissement.
J’ai dit qu’il était désirable que le chiffre restât
acquis à la bibliothèque nationale ; ce chiffre me paraît convenable et de
nature à rendre cette institution florissante. Ce chiffre sera acquis à la
bibliothèque, non seulement vis-à-vis du ministre de l’intérieur et de ses
successeurs, mais encore vis-à-vis de la chambre elle-même. C’est la
considération du chiffre de 60,000 fr. qu’il me semble utile de maintenir et de
faire ressortir en lui donnant une mention spéciale au budget. Si cependant M.
le ministre de l’intérieur voit des inconvénients à ma motion, je la retirerai.
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, je ne vois aucune utilité dans la
proposition de l’honorable M. Rogier. Pourquoi faire un article spécial pour la
bibliothèque, alors que les académies et toutes les autres institutions
littéraires sont comprises dans l’article en discussion ?
Je ne vois pas non plus une grande utilité à discuter
sur le titre à donner à la bibliothèque. Qu’on l’appelle simplement
bibliothèque nationale, comme l’a proposé l’honorable M. Gendebien, et il sera
entendu qu’elle comprend les livres et les manuscrits.
M. Desmet. - Messieurs, je tiens beaucoup a ce que l’on
conserve à la bibliothèque le nom national de Bibliothèque des ducs de
Bourgogne. L’on se trompe fortement lorsque l’on croit que la bibliothèque de
Bourgogne ne comprend que des manuscrits, mais elle contient aussi des livres
imprimés.
Je fais donc la proposition formelle pour que l’on
conserve le nom de bibliothèque des ducs de Bourgogne.
M. Gendebien. - Messieurs, je n’ai rien proposé ; seulement j’ai
dit que j’adhérerais aux propositions qui seraient présentées, afin de finir
cette discussion sans nouvelle perte de temps. Je demanderai donc, pour
terminer promptement, qu’on libelle l’article ainsi qu’il suit :
« Bibliothèque nationale et manuscrits de l’Etat dits des ducs de
Bourgogne. » (Adhésion.)
M. Dumortier. - Messieurs, je partage l’opinion qui a d’abord été
émise par l’honorable M. Gendebien, de se borner au mot bibliothèque nationale
; mais il a été admis hier qu’il n’y aurait qu’une seule bibliothèque ; eh
bien, il faut subir les conséquences de cette décision, en n’admettant qu’un
seul titre pour la bibliothèque.
Quant au mot de bibliothèque de Bourgogne, dont
quelques honorables préopinants paraissent si charmés, je vous avoue que ce mot
n’excite pas chez moi le même enthousiasme. Le règne des ducs de Bourgogne n’a jamais
été assez favorable à la Belgique. (Interruption.)
Si je parle des ducs de Bourgogne, c’est comme un homme qui sait ce qu’ils ont
fait, qui n’ignore pas que ce sont ces ducs qui ont renversé les libertés
communales et tous les pouvoirs constitutionnels en Belgique. Sous les comtes
de Flandre, les ducs de Brabant, la Belgique jouissait d’une véritable liberté,
la Belgique était heureuse et libre. C’est cette liberté, cette prospérité que
la maison de Bourgogne est venue nous ravir. Je ne pense pas qu’on doive se
glorifier de cela, et pour ma part, j’aime beaucoup plus une bibliothèque
nationale que toutes les bibliothèques de Bourgogne possibles.
Je demande donc que l’on conserve simplement le mol de
bibliothèque nationale.
M. Rogier. - Je retire la proposition que j’ai faite.
M. le président. - Je mets aux voix le libellé « Bibliothèque
nationale et manuscrits de l’Etat dits des ducs de Bourgogne. »
- Ce libellé est adopté.
L’ensemble de l’article premier est ensuite mis aux
voix et adopté.
Article 2
« Art. 2. Monument de la place des Martyrs : fr.
50,000. »
- Adopté.
La chambre passe à la discussion de l’article 3,
nouveau, proposé par la section centrale, lequel est ainsi conçu :
« Art. 3. Subsides aux villes et communes dont
les ressources sont insuffisantes pour la conservation des monuments : fr.
20,000. »
M. Verdussen. - Je crois devoir m’opposer à l’introduction dans le
budget de l’intérieur, d’un semblable article. Lors de la discussion du budget
de l’exercice courant, nous avons rejeté un article à peu près dans les mêmes
termes. A la vérité, il était plus général, car il était, si ma mémoire est
fidèle, conçu à peu près dans les termes suivants :
« Subsides aux villes et communes dont les
ressources sont insuffisantes. »
Maintenant on spécialise en affectant principalement
le subside à la conservation des monuments. Mais le principe que nous avons
décidé, en rejetant l’article du budget de 1837, milite contre l’adoption d’un
semblable article, quoique réduit aux seuls monuments. Ce qui nous a engagés à
rejeter cet article pour le budget de 1837, c’est qu’il était contraire d’abord
à l’esprit de l’article 108 de la constitution, qui a posé le principe de
« l’attribution aux conseils provinciaux et communaux de tout ce qui est
d’intérêt provincial et communal. »
Ensuite nous nous sommes appuyés en cela sur les lois
provinciale et communale, dont l’esprit est que, s’il y a insuffisance dans les
ressources des communes pour concourir à certaines dépenses, c’est en premier
lieu aux provinces que les communes doivent s’adresser.
En effet, nous trouvons dans l’article 69 de la loi
provinciale :
« Art. 69. Le conseil est tenu de porter
annuellement au budget des dépenses toutes celles que les lois mettent à la
charge de la province, et spécialement les suivantes :
« 18° Les secours à accorder aux communes pour
l’instruction primaire et moyenne, et pour les grosses réparations des édifices
communaux. »
Vous voyez donc qu’en cas d’insuffisance des
ressources communales pour réparation des édifices communaux, les communes
doivent s’adresser d’abord à la province.
L’article 87 de la même loi provinciale porte :
« Art. 87. Si le conseil ne porte point au
budget, en tout ou en partie, les allocations nécessaires pour le paiement des
dépenses obligatoires que les lois mettent à charge de la province, le
gouvernement, la députation du conseil préalablement entendue, y portera ces
allocations dans la proportion des besoins ; si, dans ce cas, les fonds
provinciaux sont insuffisants, il y sera pourvu par une loi.
Si nous adoptons maintenant l’article tel qu’il a été
proposé par la section centrale, nous semblerons trancher une question que je
voudrais laisser intacte ; et je ne voudrais pas admettre que, dans tous les
cas où les communes n’auront pas des ressources suffisantes, elles pourront
s’adresser au gouvernement où à la chambre pour obtenir des subsides.
Le gouvernement, avant d’accorder un subside ou d’en
faire la proposition à la chambre, devra s’assurer que les ressources de la
province sont insuffisantes ; et chaque fois que cette recherche aura été faite
par le gouvernement, l’objet du crédit spécial devra être stipulé spécialement
dans le budget.
Si, par exempte,
M. le ministre de l’intérieur pouvait nous dire que ta province de la Flandre
orientale n’avait pas de fonds pour venir au secours de la ville d’Audenaerde,
pour grosses réparations de sa maison-de-ville, nous pourrions adopter un
article ainsi conçu :
« Subside à la province de la Flandre orientale,
pour subvenir à l’insuffisance des ressources de la commune d’Audenaerde, pour
réparations de sa maison communale. »
Mais mettre un fonds de 20,000 fr. à la disposition du
gouvernement, il me paraît que ce serait admettre ce que nous avons rejeté l’an
passé. Je désire que la chambre ne donne pas le spectacle désagréable de
défaire ce qu’elle a fait l’an passé, et ait une espèce de versatilité, au lieu
de s’en tenir à des principes qui devraient être religieusement conservés. Je
m’oppose donc à l’adoption de l’article. Mais s’il est prouvé plus tard que les
ressources de la province de la Flandre orientale sont insuffisantes pour aider
la ville d’Audenaerde dans les dépenses d’entretien de sa maison-de-ville, alors
que M. le ministre de l’intérieur demande un crédit spécial, je serais loin de
m’y opposer ; car il est loin de ma pensée de laisser dépérir les monuments de
notre ancienne splendeur, et qui excitent l’admiration générale ; comme, par
exemple, le monument de l’hôtel-de-ville d’Audenaerde.
M. de Jaegher. - C’est une requête de la ville d Audenaerde tendant
à obtenir un subside de 12,000 fr. pour réparations à sa maison-de-ville, qui a
donné lieu dans la section centrale à la discussion dont le résultat a été de
proposer un nouvel article au budget.
Il existait antérieurement un article de 21,000 fr. au
budget pour secours à donner aux communes dont les ressources seraient
insuffisantes. Par suite de la suppression de cet article, il n’y a plus de
fonds au budget pour un pareil objet ; néanmoins dans plusieurs circonstances
la chambre a alloué des subsides pour réparations de monuments, notamment pour
la réparation des églises de Ste-Gudule à Bruxelles, et de St-Jacques à Liége.
La question qui se présente ici et celle de savoir si
la maison-de-ville d’Audenaerde doit être envisagée comme un édifice purement
communal, ou comme un des monuments qui font l’admiration des étrangers. Je
crois inutile de démontrer que l’hôtel-de-ville d’Audenaerde doit être rangé
dans cette dernière catégorie.
Un artiste distingué, ayant entrepris la lithographie
de trente principaux monuments de l’Europe, n’a pas hésité à comprendre dans
cette collection l’hôtel-de-ville d’Audenaerde ; c’est même une des premières
lithographies qu’il ait publiées. Il est donc superflu que je vous démontre
ultérieurement que la maison-de-ville d’Audenaerde figure en première ligne au
nombre de nos principaux monuments.
Sur quoi s’est-on fondé lorsque l’on a accordé des
subsides pour réparations des églises de Ste-Gudule à Bruxelles et de
St-Jacques à Liége ? On a dit dans ces deux cas qu’il ne fallait pas que le
pays souffrît que des monuments si remarquables, faisant l’admiration des
étrangers, tombassent en ruines à défaut de ressources suffisantes des
localités. Pourtant il est de fait que l’église de St-Jacques à Liége est loin
de pouvoir figurer comme monument sur la même ligne que la maison-de-ville d
Audenaerde. Les artistes sont compétents en cette matière ; or l’église de
St-Jacques ne figure pas dans la collection des principaux monuments de
l’Europe, tandis que la maison-de-ville d’Audenaerde figure en première ligne
dans cette collection.
Maintenant on dit
que le devis estimatif des réparations à exécuter à la maison-de-ville
d’Audenaerde s’élève à une somme à laquelle ne paraissent devoir contribuer ni
la ville, ni la province. A cet égard il y a lieu d’observer que la ville
d’Audenaerde a fait construire récemment des casernes pour l’armée, qu’elle a
fait pour ces constructions des dépenses considérables et au-delà de ses
ressources ; et aujourd’hui elle a à pâtir de sa trop grande déférence envers
le gouvernement ; elle a à regretter d’être venue à son aide en cette
occurrence.
La province, a-t-il été observé, ne devrait-elle pas
préalablement allouer pour cet objet ? Mais nous ne demandons pas qu’un subside
soit accordé par l’Etat sans conditions. Que la chambre accorde un subside en y
mettant les conditions qu’elle jugera convenables. Je suis persuadé que le
conseil provincial comprendra son devoir, qu’il sentira que la province doit
contribuer pour quelque chose à la conservation d’un monument qui attire
l’admiration des étrangers.
J’ai la confiance que la chambre ne voudra pas
prendre, à l’égard de l’hôtel-de-ville d’Audenaerde, une disposition autre que
celle qu’elle a prise au sujet de l’église de St-Jacques à Liége ; car ces deux
monuments ont les mêmes droits à vos subsides, si même la maison-de-ville
d’Audenaerde n’en a pas davantage.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux).
- Jusqu’à présent le conseil provincial n’a pas été appelé à se prononcer sur
cette question ; mais je ne doute pas que si le gouvernement accordait un
subside quelconque à la ville d’Audenaerde pour réparations de son
hôtel-de-ville, la province ne contribuât de son côté à cette dépense.
Je dois faire connaître à la chambre qu’Audenaerde
n’est pas la seule localité qui réclame. La ville de Louvain réclame aussi
comme ayant fait et devant faire encore des dépenses considérables pour la
restauration de son hôtel-de-ville ; elle demande que le gouvernement vienne à
son aide.
Qu’il y ait au budget un fonds quelconque pour la
réparation des monuments en Belgique, certainement nous pourrons en faire un
emploi utile, et ce sera un moyen pour provoquer la générosité des provinces.
Je ne sais jusqu’à quel point les provinces pourraient
ne pas se croire obligées à de semblables dépenses, attendu que dans la loi provinciale on trouve formellement qu’elles
doivent accorder des secours aux communes pour les grosses réparations des
édifices communaux.
Peut-être
pourrait-on objecter que ces mots ne s’appliquent pas aux monuments des arts ;
cependant il a bien été entendu que les monuments devaient être entretenus au
besoin par des subsides des provinces.
Mais je dois convenir que la rédaction laisse à
désirer.
On a fait la comparaison de l’hôtel-de-ville
d’Audenaerde avec l’église St-Jacques à Liége ; ce sont des monuments tout à
fait différents ; toutefois il est incontestable que l’église de St-Jacques est
un des plus beaux du pays.
Constamment, depuis l’époque où l’Etat a supprimé les
dîmes, et s’est approprié les biens des églises, il est venu en aide pour l’entretien
des églises. Jamais il n’y a manqué depuis cette époque. C’est même une des
conditions que l’Etat s’est imposées en s’appropriant les biens des églises.
Je ne m’oppose en aucune manière à l’allocation d’une
somme destinée spécialement à l’entretien des monuments communaux ; je
trouverai facilement moyen d’en faire emploi.
M. Liedts. - Messieurs, quand je n’appartiendrais pas à la ville d’Audenaerde, je
n’en féliciterais pas moins sa régence d’avoir appelé l’attention des chambres
et du gouvernement sur la nécessité de réparer un des plus beaux monuments
gothiques de notre pays. Je n’entreprendrai pas de faire le parallèle entre
l’hôtel-de-ville d’Audenaerde et l’église de St-Jacques à Liége ou tout autre ;
mais toujours est-il que cet hôtel, construit dans le style le plus élégant, et
je dirai presque le plus coquet, fait l’admiration de tous les amateurs des
arts et des antiquités, et que plus d’un touriste a détourné sa route pour le
visiter.
M. le ministre vous l’a fort bien dit, il ne s’agit
pas de grosses réparations, mais de réparations artistiques : il est certain
que la ville d’Audenaerde ne peut les commencer sans l’intervention de la
commission des monuments, à laquelle vous allouez des sommes au budget : en
effet, ce sont des statuettes qui tombent, des galeries qui menacent ruine, des
ornements mutilés par le temps ; ce sont enfin des travaux qui exigent la main
des artistes.
Messieurs, le
ministre sent fort bien qu’on peut faire exception à l’égard de ce monument sans
violer la loi communale ; qui ne voit, en effet, que ce que l’on a fait pour
l’église Saint-Jacques à Liége, on peut le faire pour l’hôtel-de-ville
d’Audenaerde ! Je m’étonne que M. Verdussen, qui est un ami des arts fasse des
objections contre l’article en discussion, ou qu’il n’ait pas fait ses
observations quand il s’est agi de l’église Saint-Jacques : nous ne devons pas
examiner ici quelle est la destination du monument à réparer ; que ce soit une
église ou un hôtel-de-ville, peu importe. Il suffit qu’il soit question d’un
monument qui exige des réparations ; vous ne pouvez, messieurs, avoir deux
poids et deux balances ; vous ne pouvez accorder un subside pour réparer les
églises de Bruxelles et de Liège et en refuser pour un monument non moins précieux
; le principe est le même.
Je demande donc que l’on conserve l’article. Il est
impossible que l’on en abuse. Pour obtenir des fonds, il faut deux conditions.
Il faut d’abord qu’on les réclame pour un monument ; il faut ensuite que la
ville soit dans l’impossibilité de faire les frais de réparation ; enfin le
gouvernement peut exiger que la province et la commune contribuent pour une
part à la dépense. Par cette double coopération de la province et de la commune
le gouvernement n’aura pas de grands frais à faire pour rendre au monument sa
beauté et sa perfection primitives.
M. de Man d’Attenrode. - J’ai entendu avec plaisir la proposition du
rapporteur de la section centrale d’une allocation nouvelle de 20,000 fr. destinée
à la restauration des monuments dans les communes dont les moyens seront jugés
insuffisants.
L’hôtel-de-ville d’Audenaerde, qui a été l’occasion de
cette proposition, m’a fait songer à celui de Louvain, que tout le monde a eu
l’occasion d’admirer, comme un des plus imposants monuments de ce genre.
Construit en 1440, il était dans un état déplorable vers la fin du siècle
dernier : les pierres s’en détachaient au moindre mouvement produit, soit par
le mouvement du roulage, soit même par le vent ; l’administration, à cette
époque, moins éclairée sur l’importance de la conservation des monuments dont
s’enorgueillit le pays, ne crut avoir rien de mieux à faire que de précipiter à
bas de l’édifice toutes les pierres qui menaçaient de se détacher : ce moyen
était expéditif et peu coûteux, mais devait consommer sa ruine. La paix ayant
ramené plus de richesses et plus de lumières, l’on délibéra sur la question de
savoir, si l’on mutilerait complétement l’édifice pour assurer la sûreté
publique, ou si l’on entreprendrait une restauration dispendieuse, et qui
devait entraîner dans des dépenses indéfinies.
L’administration municipale de Louvain eut assez le
sentiment de sa dignité, pour adopter courageusement le parti d’une
restauration complète ; l’on commença à mettre la main à l’œuvre en 1828 ; des
sommes furent votées annuellement par le conseil communal, et en 1836 139,444
fr. 22 c. avaient été dépensés, les tourelles restaurées, la façade principale
remise à neuf. Celle de l’ouest reste à rétablir, et l’on présume que 80,000
fr. seront encore nécessaires.
Vous avez pu juger
tous, messieurs, du soin ingénieux avec lequel s’exécute cette restauration. Ce
grand travail fait l’admiration de l’étranger, et des ouvrages périodiques
importants en ont parlé avec le plus grand éloge. C’est un artiste de cette
ville, aussi habile que modeste, qui l’a entrepris, secondé par des ouvriers,
des sculpteurs, transformés par lui en artistes du moyen-âge.
La ville de Louvain se trouve obérée dans ce moment
par des dépenses considérables exigées, paraît-il, par les intérêts du commerce
; elle ne pourra plus à l’avenir se montrer aussi généreuse, elle se verra
obligée de restreindre le chiffre de ses allocations annuelles.
Ne serait-il pas convenable que le pays encourageât
des entreprises de ce genre en contribuant à la restauration d’un monument tout
national, dont la nation s’enorgueillit à juste titre ? L’hôtel-de-ville de
Louvain est, avec quelques autres monuments, de ces constructions connues dans
le monde, dont le voyageur emporte la gravure comme un des objets qui l’aident
à se représenter la Belgique entière. J’espère, en conséquence, que la chambre
adoptera le chiffre de 20,000 fr., et que le gouvernement en fera une part
proportionnée à la ville de Louvain ; il me semble convenable de lui en laisser
fixer le chiffre.
M. Verdussen. - On s’est trompé si l’on a compris que je
m’opposais à ce que l’hôtel-de-ville d’Audenaerde fût réparé aux dépens de
l’Etat. Je me suis élevé simplement contre la rédaction de l’article.
J’adopterais cet article si on le formulait ainsi : « Subsides pour
conservation des monuments de la Belgique. » Mais je ne veux pas qu’on
dise : « Réparations pour les bâtiments communaux. » Quand il s’agit de
semblables bâtiments, il faut s’adresser à la province. Si la province ne peut
fournir de subsides, le gouvernement doit venir au secours. Si la province
refuse de donner des subsides aux communes, le gouvernement a le droit de
porter au budget de la province la somme nécessaire.
M. Dumortier. - Je vois avec un vif plaisir et avec un grand
intérêt que la ville d’Audenaerde songe à réparer son hôtel-de-ville.
Toutefois, je ne crois pas que l’affaire soit instruite. Je suis prêt à voter
des subsides, mais il faut savoir quelles sont les offres du conseil communal
et celles du conseil provincial : nous ne pouvons allouer des sommes sans
renseignements. L’an dernier, un crédit semblable a été supprimé au budget sur
ma proposition. Savez-vous ce que l’on avait fait précédemment de ce crédit ?
On en avait réparé les aubettes du Parc. Est-ce là remplir le but qu’on se
proposait en votant ?
Si vous votez le crédit dans les mêmes termes, il est
manifeste que les mêmes abus auront lieu, car j’appelle de tels résultats des
abus.
La ville d’Audenaerde a-t-elle des moyens suffisants
de réparer son monument ? Elle n’est pas fort riche ; sa population n’est pas
considérable, et la réparation d’un si bel édifice coûtera beaucoup. Mais la
province pourra-t-elle subvenir ? Tout en étant partisan de cette réparation,
je désirerais qu’elle pût se faire par l’intervention de la province.
Je ferai remarquer que la ville de Louvain a réparé
son hôtel-de-ville, et qu’elle n’a rien demandé au gouvernement.
Mais, dit-on, on accorde des fonds pour les églises :
la chose est bien différente. Il y a un décret qui dit positivement que quand
la commune est dans l’impossibilité de faire les réparations, il faut que
l’Etat intervienne. L’Etat a pris les biens des églises, et a pris en même
temps l’engagement de les réparer.
La cathédrale de la ville de Tournay exige de promptes
réparations : comment a-t-on procédé pour obtenir les fonds nécessaires ? On
s’est adressé au conseil provincial du Hainaut qui a voté des sommes pour la
cathédrale de Tournay, comme il en avait voté pour l’église de Sainte-Waudru, à
Mons.
Je voudrais qu’il fût fait de même pour Audenaerde ;
c’est-à-dire, que les Etats provinciaux de la Flandre orientale votassent des
fonds. Si quelque part l’Etat devait intervenir, c’était bien plus pour la
cathédrale de Tournay que pour tout autre monument. II me paraît que l’affaire
n’est pas suffisamment instruite, et je désire que l’affaire soit renvoyée à
l’an prochain. Une année n’est rien pour un monument qui existe depuis 400 ans.
Si vous admettiez en principe que c’est vous qui devez donner des fonds, je
pose en fait qu’aucun conseil provincial n’accorderait plus un denier pour ces
sortes de réparations.
Toutes les
dépenses arriveraient inévitablement à l’Etat ; or, c’est ce qu’on n’a pas
voulu. La loi provinciale a coordonné les dépenses, elle a dit quelles dépenses
incombaient à la commune, et quelles dépenses incombaient à la province.
Les grosses réparations sont à la charge de la
province ; c’est donc la province de la Flandre orientale qui doit pourvoir à
cette dépense, et je ne pense pas qu’elle refuse de voter au moins 20,000 fr.
Si un conseil provincial se refusait à porter de pareilles dépenses à son
budget, j’engagerais le conseil du Hainaut de ne rien voter pour Sainte-Waudru
ni pour la cathédrale de Tournay
Il n’y a rien à répondre à cet argument. On a beau
dire qu’il s’agit d’un beau monument ; je le sais tout aussi bien que les
autres, mais il est question ici d’un principe.
Je persiste à demander l’ajournement de la dépense.
(Moniteur belge
n°348, du 14 décembre 1837) M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux). - Je n’ai que deux mots à répondre touchant l’emploi
de 10,000 fr. pour la restauration des aubettes du Parc. Il y avait au budget
une somme pour les villes dont les revenus étaient insuffisants.
S’il y avait une ville dont les revenus fussent
insuffisants, à coup sûr c’était la ville de Bruxelles ; s’il y avait des
motifs d’équité pour allouer un subside, c’était certes dans ce cas, puisque
les dégradations dont il s’agissait avaient été causées par les combats livrés
pour l’indépendance du pays ; s’il y avait intérêt public à faire des
réparations, c’était encore bien là.
D’ailleurs, je ferai remarquer que le libellé de
l’article portait simplement à cette époque : « secours aux communes dont
les revenus sont insuffisants ; » eh bien, c’est à titre d’insuffisance
des revenus de la commune et à cause de l’urgence des réparations dont il
s’agissait, que le subside a été accordé.
En ce qui concerne
la demande faite pour l’hôtel-de-ville d’Audenaerde, jusqu’à présent le conseil
provincial n’a alloué aucun subside ; mais si la chambre accorde le crédit demandé,
il ne sera fait emploi qu’autant que le conseil provincial contribue pour une
bonne part dans la dépense, car il serait absurde que l’Etat se chargeât à lui
seul de la réparation des monuments communaux.
Je m’opposerai, messieurs, à ce qu’on fasse exclusivement
mention de la ville d’Audenaerde, parce que je pense que la ville de Louvain a
aussi des titres à faire valoir, comme, par exemple l’énormité des dépenses
qu’elle a déjà faites et de celles qui lui restent encore à faire.
Toutefois, messieurs, je suis loin de prendre aucun
engagement envers aucune localité ; mais, après un mûr examen des diverses
demandes et après avoir vu quelles sont les ressources des communes, je pourrai
prononcer en pleine connaissance de cause. Quant à présent, je n’entends
prendre aucune espèce d’engagement.
(Moniteur belge
n°348, du 14 décembre 1837) M. Scheyven, rapporteur. - Messieurs, j’aurai encore
quelque chose à ajouter aux considérations qu’a fait valoir l’honorable M.
Liedts, en faveur de la proposition de la section centrale. Quand j’ai demandé
la parole, ce n’était que pour répondre à l’honorable M. Verdussen ; si j’ai
bien compris cet honorable membre, il désire la suppression des mots :
« dont les ressources sont insuffisantes. » Messieurs, je crois
pouvoir dire que la section centrale a eu des motifs importants pour introduire
ces mots dans le libellé de l’article qu’elle vous a proposé ; elle a reconnu
d’abord que les frais d’entretien et de réparation des monuments communaux sont
à la charge des communes, et qu’en cas d’insuffisance des ressources des
communes, les conseils provinciaux doivent porter à leur budget les sommes
nécessaires pour cet objet ; mais elle a cru aussi que dans quelques
circonstances l’Etat doit intervenir, et elle a cru que ces circonstances
existent dans le cas dont il s’agit.
Les monuments, messieurs, honorent non seulement les
localités où ils sont situés, mais en même temps tout le pays ; il est donc
juste que l’Etat intervienne pour une certaine somme dans les frais de
réparation de ces monuments, quand les communes sont dans l’impossibilité d’y
pourvoir en totalité.
L’honorable M.
Dumortier dit que, si nous allouons le crédit demandé, les conseils provinciaux
ne voteront plus aucune somme pour ces sortes de dépenses ; mais qu’il voie ce
que la section centrale a eu en vue, et il se convaincra que M. le ministre de
l’intérieur ne pourra jamais disposer du crédit que pour autant que la province
intervienne, de son côté, pour une certaine somme ; cc n’est qu’à cette
condition expresse que la section centrale propose l’allocation ; de sorte que,
si la province ne donne rien, M. le ministre ne pourra pas disposer de la somme
qui sera, j’espère, accordée par la chambre.
Quant aux observations de l’honorable M. Verdussen, je
pense que, si on ne laisse pas subsister les mots : « dont les ressources
sont insuffisantes, » la somme demandée par la section centrale serait
insuffisante, et qu’il faudrait alors la porter au moins à 100,000 fr. ; si les
provinces n’interviennent pas et si l’on accorde des subsides à toutes les
communes qui en demandent, que leurs ressources soient insuffisantes ou non, il
faudrait au moins allouer 100,000 fr., et c’est, certes, ce que la section
centrale n’a pas voulu.
M. Desmanet de Biesme. - Je viens appuyer l’allocation demandée pour
réparations de l’hôtel-de-ville d’Audenaerde. L’honorable M. Dumortier vient de
dire que le gouvernement ne doit pas avoir deux poids et deux mesures ; eh
bien, je pense, messieurs, qu’il y a des circonstances où il doit avoir deux
poids et deux mesures : la ville d’Audenaerde se trouve dans une position toute
spéciale ; quand Audenaerde bâtit son hôtel-de-ville, c’était une des cités les
plus florissantes de la Belgique ; tout le monde sait qu’elle était tellement
populeuse, qu’on prétend qu’il fallait sonner les cloches au moment où les
ouvriers sortaient des ateliers afin que les rues ne fussent pas encombrées ;
le commerce et les fabriques de cette ville se sont malheureusement portés à
l’étranger, et aujourd’hui ce n’est plus qu’une ville de quatrième ou de
cinquième ordre.
Serait-il juste, messieurs, d’imposer Audenaerde, pour
son hôtel-de-ville, comme on imposerait, par exemple, Anvers ou Gand ? Il
s’agit de la conservation d’un objet d’art, et la ville d’Audenaerde n’en peut
certainement rien si elle ne se trouve pas en position de faire seule une
dépense aussi grande que celle dont il s’agit. Si une localité mérite le
secours du gouvernement, c’est certainement Audenaerde dans cette circonstance.
Quant à l’intervention de la province, le gouvernement pourra l’exiger et elle
ne sera évidemment pas refusée ; je crois donc, messieurs, que nous devons
voter le crédit demandé.
- Sur la demande de dix membres, la chambre prononce
la clôture de la discussion.
Le crédit de 20,000 fr. pour subsides aux communes
dont les ressources sont insuffisantes pour la réparation des monuments est mis
aux voix et adopté ; il formera l’article 3 du chapitre VII.
Article 3 (devenu article 4)
« Art. 3 (qui devient l’art. 4.) Primes et
encouragements aux arts et à l’industrie, aux termes de la loi du 25 janvier
1817, sur les fonds provenant des droits des brevets et frais de délivrance de
brevets : fr. 16,000. »
- Adopté.
Article 4 (devenu article 5)
« Art. 4 (qui devient l’art. 5.) Service de santé :
fr. 45,000. »
- Adopté.
Chapitre VIII. - Archives du royaume
Articles 1 et 2
« Art. 1er, Frais d’administration. Personnel :
fr. 21,550. »
Adopté.
________________
« Art. 2. Matériel : fr. 2,600. »
- Adopté.
« Art. 3. Frais d’impression des inventaires des
archives : fr. 4,000. »
M. Dumortier. - Messieurs, depuis quelques années la chambre a
manifesté le désir de voir transporter les archives à la porte de Hal ; je
demanderai à M. le ministre s’il a pris des mesures pour qu’il puisse être
satisfait à ce désir. Il n’y a pas dans toute la Belgique un local aussi
convenable pour déposer des archives que la porte de Hal.
- L’article est mis aux voix et adopté.
M. Dumortier. - J’avais demandé une explication à M. le ministre
de l’intérieur sur l’article qui était en discussion ; il me semble qu’avant de
mettre l’article aux voix, il aurait dû être répondu à la demande que j’avais
faite. J’insiste pour obtenir l’explication que j’avais demandée.
M. le président. - Comme M. Dumortier n’avait déposé aucune
proposition sur le bureau, je n’avais rien à mettre aux voix que le chiffre.
J’ai demandé si personne ne réclamait la parole, et personne ne la réclamant,
j’ai mis le chiffre aux voix.
M. Dumortier. - Il me semble que nous pourrions bien voter les
budgets sans marcher si vite.
M. le président. - On se plaint, au contraire, de ce que nous
marchons trop lentement.
De toutes parts.
- Sans doute.
M. Dumortier. - J’insiste pour que M. le ministre de l’intérieur
veuille répondre à l’interpellation que je lui ai faite.
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - L’honorable M. Dumortier trouve, messieurs, que
nous allons trop vite dans la discussion des budgets ; je trouve, moi, que nous
allons trop lentement, non pas pour ce qui me concerne personnellement, car il
m’est bien indifférent que la discussion de mon budget prenne quelques jours de
plus ou de moins, mais dans l’intérêt de la marche de nos travaux, parce qu’il
est important que nous abordions la discussion du budget des voies et moyens.
C’est cette seule considération, messieurs, qui m’a empêché de répondre
immédiatement à l’honorable M. Dumortier en ce qui concerne la porte de Hal,
parce que j’ai prévu que cela pourrait de nouveau donner sujet à une discussion
d’une heure, ce qui, en ce moment, n’aurait abouti à rien. Il arrive très
fréquemment qu’on adresse des interpellations aux ministres et que ceux-ci ne
s’empressent pas de répondre.
M. Dumortier. - Je réitère l’interpellation que j’ai faite à M. le
ministre ; il ne s’agit pas de savoir comment nos discussions marchent ; j’ai
fait une question relative au vote que la chambre avait à émettre, je demande
que M. le ministre y réponde, qu’il me dise si les archives seront, oui ou non,
transportées à la porte de Hal.
M. Desmanet de Biesme. - Messieurs, j’ai bien vu dans notre régiment que
les ministres doivent être entendus quand ils le demandent, mais je n’y vois
aucun article qui les oblige de parler quand ils ne le veulent pas, et il me
semble que tout ce qu’on peut faire quand on est mécontent de leur silence,
c’est de voter contre leur proposition.
M. le président. - Les ministres doivent donner des explications
quand la chambre en demande ; tout membre peut faire une proposition à cet
égard, mais c’est à la chambre à décider si ces explications doivent être
données.
M. Rogier. - Messieurs, le premier volume de l’inventaire des archives vient
d’être publié : c’est un travail qui fait honneur à l’administration. Je
rappellerai que le même travail a été promis, en ce qui concerne la
bibliothèque des ducs de Bourgogne. Je demanderai si nous pouvons espérer de
voir ce travail livré incessamment à l’impression.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux).
- Ce travail doit paraître au mois de mars prochain. Déjà des épreuves en ont
été tirées.
Article 4
« Art. 4. Archives de l’Etat dans les provinces et
frais de recouvrement de documents provenant des archives tombées dans des
mains privées ; frais de copie des documents concernant l’histoire nationale
existant à l’étranger : fr. 15,300. »
- Adopté.
« Art. 5. Location et frais d’entretien de la
maison servant de succursale au dépôt général des archives de l’Etat : fr.
5,162 fr. 96. »
M. Dumortier. - Voici, messieurs, une somme que vous n’auriez pas
à payer, si le vœu réitéré de la chambre de voir transporter les archives à la
porte de Hal avait été rempli par le gouvernement. Vous dépensez chaque année
une somme de plus de 3,000 francs pour frais de loyer, alors que vous avez à
votre disposition un excellent local qui est vide depuis sept ans.
Ce sont là de ces dépenses inutiles, ridicules même,
qui obèrent le trésor sans aucun profit.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux).
- Messieurs, je ne dirai que deux mots, pour ne pas donner lieu à une plus
longue discussion.
Le local de la porte de Hal est évidemment insuffisant
; il y aurait de grandes dépenses à faire pour établir une succursale. Il est
inexact de dire que la législature ait déjà pris une décision à l’égard de ce
local ; car je déclare que je n’ai pas les fonds suffisants pour faire face aux
dépenses indispensables pour le transfert des archives ; je pense, au reste,
que dans le courant de l’année prochaine je serai à même de présenter un
rapport aux chambres sur la question des archives.
M. Desmet. - Messieurs, je n’ai pas demandé la parole pour discuter sur la question
du local de la porte de Hal. Je rappellerai seulement que dans un rapport fait
par l’honorable M. Dubus, ce local était suffisant pour le placement des
archives ; je m’étonne, après cela, qu’on n’ait pas songé jusqu’à présent à
établir les archives dans ce bâtiment qui est très bon et fort sec.
- L’article 5 est mis aux voix et adopté.
Chapitre IX. - Fêtes nationales
Article unique
« Article unique. Frais de célébration des fêtes
nationales : fr. 40,000. »
- Adopté.
Chapitre X. - Récompenses honorifiques et
pécuniaires
Article unique
« Article unique. Médailles ou récompenses
pécuniaires pour actes de dévouement et d’humanité : fr. 10,000. »
- Adopté.
Chapitre XI. - Statistique générale
Article unique
« Article unique. Frais de publication des
travaux de la direction de la statistique générale : fr. 540. »
- Adopté.
Chapitre XII. - Frais
de police
« Article unique. Mesures de sûreté publique :
fr. 80,000. »
M. Dumortier. - Messieurs, je propose de réduire ce chiffre à
50,000 fr. Nous savons tous, messieurs, que ce qu’on appelle chez nous police,
ne sert pas à grand’chose, si ce n’est à imaginer parfois des conspirations, ou
à inventer des machines infernales que l’on croit découvrir dans des filtres
que l’on importe en Belgique.
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, l’honorable préopinant, à ce qu’il
paraît, ne s’est pas mis en mesure de vérifier l’exactitude de ses assertions.
Je puis déclarer formellement à la chambre que l’administration de la sûreté
publique n’a été pour rien dans la prétendue invention d’une machine infernale
que l’on aurait cru voir dans un filtre.
L’administration de la sûreté publique ne passe pas
son temps à inventer des conspirations ou des machinations. J’ai eu assez de
rapports avec cette administration depuis que je suis au département de
l’intérieur, l’administrateur n’est pas homme à imaginer des conspirations ou
des machinations.
Je crois, messieurs, que le moment est très mal
choisi, pour proposer une réduction sur le chiffre de la sûreté publique. II y
a une grande utilité à le conserver encore dans son entier.
Il est probable que lorsque nous serons à l’état de
paix, nous pourrons réduire les fonds de la police ; mais quant à présent, je
m’oppose formellement à toute réduction.
M. Liedts. - Messieurs, si je crois qu’il y a lieu, jusqu’à la
paix, de conserver au budget de l’intérieur un fonds quelconque pour les frais
de police, je pense cependant que je serai forcé de voter contre toute
allocation si l’on n’adopte pas une meilleure direction de la police. Il n’est
peut-être personne d’entre nous qui n’ait un abus à signaler au ministre. Pour
ma part, je puis lui en indiquer un qui lui donnera la mesure de la manière
d’agir de ses agents.
Un des principaux négociants de Bordeaux arrive à
Lille, porteur d’un passeport pour l’intérieur de la France. Il était curieux
de connaître notre chemin de fer dont il avait entendu parler ; il se hasarde
donc, avec son passeport français, de se rendre à Bruxelles où il avait des
relations avec une des principales maisons de commerce. Arrivé à Bruxelles, il
est mandé près du chef de la police qui avait été instruit de son arrivée, et
qui lui demande des explications sur son voyage ; le négociant s’empresse de
les donner en ajoutant que, pour convaincre la police de la véracité de ses
assertions, il demandait qu’on l’accompagnât près d’une maison de commerce dont
le chef était en relation avec lui. Malgré ses allégations, le chef de la
police le fit conduire à l’Amigo, où il resta jusqu’à ce que le chef de la
maison de commerce qu’il avait indiquée, vînt le réclamer.
Voilà, messieurs, de ces actes qui rendent un pays
odieux ; car il est positif que des faits de cette nature ne peuvent se
rencontrer que dans des pays où il n’existe pas la moindre idée d’ordre. Il me
semble que M. le ministre doit veiller à ce que ses agents ne renouvellent plus
de semblables actes, qui ne peuvent avoir d’autre effet que de rendre la
Belgique odieuse aux étrangers.
M. Dumortier. - Le fait que vient de citer M. Liedts est sans
doute très grave ; eh bien, il m’est arrivé cent fois, deux cents fois,
d’apprendre des faits absolument semblables. J’ai eu maintes fois occasion de
voir des négociants hollandais ou français qu’on expulsait du pays où ils
venaient paisiblement faire leurs affaires, et cela uniquement à cause qu’il
plaisait à M. le directeur de la police de les expulser. J’ai vu sans autre
raison expulser des hommes établis dans le pays et y exerçant un commerce
paisible. Ce sont là des actes scandaleux qui, comme l’a dit l’honorable M.
Liedts, ne peuvent que rendre la Belgique odieuse.
Si nous avons donné au gouvernement le droit
d’expulser les étrangers, il faut que cette faculté se restreigne aux étrangers
qui compromettent par leur conduite la tranquillité publique ; et ceux qui ne
la compromettent pas doivent trouver chez nous asile et protection. Or, c’est
ce qui n’a pas lieu.
On expulse tous les jours des étrangers de la
Belgique, sans aucune espèce de forme ni procès ; on les expulse, les uns sous
prétexte qu’ils n’ont pas de passeport ou que leur passeport n’est pas en
règle, et les autres sous aucun prétexte ; car, tel est le bon plaisir de celui
qui les expulse.
Messieurs, c’est là une chose réellement déplorable.
J’ai voté la loi sur les étrangers, mais si j’avais pu prévoir l’usage qu’on en
ferait, je me serais opposé à la loi de toutes mes forces. Comme la loi n’est
que transitoire, et qu’elle doit cesser dans le courant de cette session, les
faits qui ont été signalés à l’attention de la chambre la convaincront de la
nécessité de ne plus renouveler une loi qui n’a été votée qu’à raison des
circonstances graves où se trouvait le pays.
En résumé, je pense que puisque la Belgique jouit
actuellement d’une tranquillité parfaite, nous pouvons réduire les frais de
police, et qu’en allouant au gouvernement 50,000 fr., il aura plus qu’il ne lui
est nécessaire d’avoir. Je crois me souvenir que dans les premiers temps de la
révolution ces fonds n’étaient que de 30 ou 40,000 fr. ; on en demande
aujourd’hui 80,000. Moi, je propose de réduire cette somme à 50,000 fr., et
nous donnerons encore trop à la police.
La police, dit le
ministre, n’invente pas de conspirations : ce que je sais, c’est qu’elle a
inventé une machine infernale qu’elle a cru voir dans un filtre. Je maintiens
que ce que j’ai dit est vrai ; et c’est tellement vrai que j’ai moi-même
réclamé en faveur de l’homme victime de l’aventure ; je me suis chargé de ses
intérêts, parce que cet homme m’inspirait de la compassion, et qu’il me
paraissait être l’objet d’une scandaleuse injustice. Aussi l’on ne pourra pas
venir prétendre que je ne connais pas cette affaire, puisque j’ai réclamé
moi-même en faveur de l’individu. C’est le même homme qui s’est présente plus
tard au lord maire de Londres, lequel, à cette occasion, crut devoir blâmer la
conduite du gouvernement belge.
En Angleterre, messieurs, on a jugé que le filtre
qu’on avait pris ici pour une machine infernale pouvait être très utile.
Et remarquez que ce filtre aurait été très utile à la
ville d’Anvers, où l’absence d’eau pure se fait souvent sentir. Eh bien, on a
arrêté cet homme, on l’a mis en prison et on l’a ruiné ; on lui a fait manger
six ou huit cents francs qu’il avait pour faire marcher sa machine ; il a été
traduit devant les tribunaux qui l’ont acquitté ; malgré cela on l’a expulsé
sans lui donner de quoi vivre, sans lui rembourser ce qu’on lui avait fait
manger. Ce malheureux qui était venu pour enrichir la Belgique de son
industrie, s’est trouvé expulsé plus pauvre qu’il n’était à son arrivée.
M. Gendebien. - Ce que vient de dire M. Dumortier au sujet du
filtre qu’on a traduit en machine infernale, est exact ; je connais cette
affaire comme M. Dumortier. Le propriétaire de ce filtre s’est adressé à nous deux
; j’atteste que c’est la vérité.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux).
- Je le nie.
M. Gendebien. - Vous niez, cela est fort commode, mais ne suffit
pas ; les faits sont trop bien circonstanciés, ils doivent être détruits ; une
dénégation ne suffit pas. On dira que ce n’est pas la police qui a inventé
cette machine infernale, que c’est la police judiciaire qui a poursuivi ; mais
c’est sous ce prétexte qu’on a retenu l’inventeur prisonnier, qu’on lui a fait
faire des dépenses qui l’ont ruiné ; oui, ruiné, car il n’avait que l’argent
nécessaire pour utiliser son invention ; il a été obligé de recourir à des
hommes charitables pour avoir les moyens de faire son voyage à Londres ; ou ne
lui a pas laissé le temps de faire venir de l’argent de France. Voilà la vérité
des faits, voilà l’utilité de la police : vexer, molester des artistes ou des
artisans qui arrivent en Belgique pour travailler ; ils arrivent attirés par la
bonne renommée d’hospitalité de notre pays et des récompenses qu’on y promet au
travail, à cause du manque de bras dont on se plaint, et à peine ont-ils touché
notre sol qu’on les expulse sous mille prétextes, et après les avoir ruinés
pour leur ôter l’envie d’y revenir.
Un autre fait : Un jeune seigneur hongrois arrive à
Bruxelles avec un de ses compagnons d’étude, pour achever son instruction, et
vivait paisiblement, et même dans l’isolement, lorsque l’ambassadeur autrichien
le réclame, et aussitôt d’obéir et de l’expulser, il demanda quinze jouis pour
avoir le temps de recevoir l’argent qu’il attendait ; c’est avec la plus grande
difficulté et à l’intervention du bourgmestre et de moi, qu’on lui accorda
quinze jours, mais on n’accorda à son compagnon que quatre jours. C’était un
coup de mort pour lui, car il ne pouvait partir qu’à l’aide des fonds
qu’attendait son ancien camarade d’étude. Ce jeune homme, désespéré d’être
renvoyé de brigade en brigade dans son pays, et sans argent, s’empoisonna.
Dans notre pays, aujourd’hui inhospitalier, autrefois
si bienveillant pour les étrangers, on s’empoisonne pour se soustraire aux
tracasseries d’une infâme police. Heureusement, on découvrit à ses souffrances
qu’il s’était empoisonné ; il l’avoua, et on lui administra à temps le
contrepoison.
Le seigneur hongrois quitta alors la Belgique
inhospitalière avant le temps fixé ; il trouva des personnes généreuses qui lui
procurèrent la somme qui lui était nécessaire, et huit ou dix jours après, les
fonds qu’il attendait arrivèrent à Bruxelles.
Voilà les services que rend la police ; voilà comment
elle traite des étrangers inoffensifs.
Pourrait-on dire à quelle époque la police a rendu des
services, a arrêté des malfaiteurs ou prévenu un crime ? Oui, quelquefois,
lorsqu’elle a reçu des rapports de la police particulière de Vidocq ; non
seulement on se saisit d’un homme, mais on n’attend pas même que les formalités
prescrites par la loi d’expulsion soient remplies. En revanche, tous les
escrocs sont libres dès qu’ils veulent servir la police. Mais il suffit d’être
réfugié politique pour être l’objet de mille tracasseries : la moindre petite
irrégularité dans le passeport sert de prétexte.
C’est ainsi que dernièrement, il y a cinq à six mois,
un réfugié politique est arrivé d’Angleterre avec un passeport en règle et
revêtu, je pense, de l’autorisation de notre ambassadeur, A Ostende, il remet
son passeport en déclarant qu’il se rend à Bruxelles où est son frère marié,
pour vivre plus économiquement et en famille. Au lieu de lui donner sa
destination pour Bruxelles, on la met pour Bruges ; il n’y fait pas attention,
il met son passeport en poche et arrive à Bruxelles.
Ce n’est que quelque temps après qu’il s’aperçut de la
mention faite sur son passeport ; il effaça Bruges et mit en place Bruxelles ;
on l’expulsa, quoique son passeport fût très en règle, parce qu’il avait
substitué Bruxelles à Bruges.
D’après la loi d’expulsion, le ministre a droit
d’assigner une résidence à un étranger et peut-être à un réfugié politique,
mais il n’appartient pas à M. François, ni à un agent à Ostende, de prescrire à
un étranger le lieu qu’il devra habiter ; par conséquent le réfugié était dans
son droit en biffant une chose que personne n’avait le droit de mettre sur son
passeport. Il n’en fut pas moins expulsé ; il retourna en Angleterre et revint
porteur d’un passeport en règle. Je ne sais sous quel prétexte on veut
l’expulser encore ; on ne daigne pas même donner des motifs.
Il a obtenu un sursis de 15 jours. Quand le crédit
pour la police sera alloué, on l’expulsera très probablement. C’est un homme
qui ne demande rien à personne, qui s’occupe de littérature ; il m’a montré des
déclarations et des certificats de citoyens très honorables, et les quittances
de ses dépenses de logement quinzaine par quinzaine, toujours payées d’avance,
ses quittances de boulanger et de boucher ; et, messieurs, si tous nos hommes à
gros traitement voyaient ce budget de deux honorables réfugiés, je crois que
pour peu qu’il leur reste de pudeur ou de sensibilité, au lieu de les expulser,
ils demanderaient un subside pour venir su secours de ces malheureuses et
honorables victimes. Et pour ceux qui se rappellent qu’ils ont été exposés à de
pareils malheurs ils ne trouvent pas d’expressions assez fortes pour flétrir
l’infâme conduite qu’on tient vis-à-vis d’hommes qui n’ont d’autre tort que de
les avoir imités. Le gouvernement devrait se rappeler que si nous n’avions pas
fait ce qu’ont tenté ces malheureux proscrits, ce gouvernement n’existerait pas
en Belgique. Et c’est de cette police tracassière, infâme, qu’on vient vous
dire avec un imperturbable sang-froid qu’il y a nécessité de la conserver, que
tout est pour le mieux, et qu’il n’y a jamais la moindre irrégularité dans ses
actes.
Je ne souhaite pour toute peine au ministre chargé de
l’administration de la police, que d’être un jour réfugié à son tour. Mais cela
ne lui arrivera pas, il ne s’y exposera jamais ; il saura toujours attendre la
fin de la crise, pour l’exploiter ensuite.
Messieurs, une Belge qui, avant la révolution, avait
épousé un officier suisse, vient en Belgique pour voir sa famille ; eh bien on
l’expulse. Que doit dire cette Belge, quand elle retournera en Hollande si elle
juge de l’état des choses d’après les rigueurs qu’elle a éprouvées. Elle devra
penser et elle ne manquera pas de dire que son pays est sur un volcan, que le
gouvernement est tellement inquiet, qu’il arrête tout le monde, qu’il ne
souffre pas même le séjour d’une femme belge en Belgique.
Si vous n’étiez pas si maladroits, au lieu de les
expulser, vous convieriez tous les Hollandais à venir dépenser leur argent chez
nous, et ils emporteraient de nous une opinion tout autre que celle qu’ils
avaient conçue d’abord et dans laquelle on cherche à les maintenir. Ce serait
peut-être le meilleur moyen de forcer le roi Guillaume à devenir moins
déraisonnable. Quand un grand nombre de Hollandais, en parcourant notre pays,
se seront convaincus qu’en définitive cette Belgique qu’on menace et qu’on
espère d’écraser est dans un état de prospérité et de sécurité complète et en
mesure de se défendre ; quand on reconnaîtra l’inutilité de continuer des
dépenses d’armements ruineux, on forcera Guillaume à désarmer, à en finir.
Ce moyen vaudrait bien tous les espionnages ; car, au
lieu de vous faire dépenser de l’argent en pure perte en entretenant une
méchante police, il en rapporterait au pays et au trésor, car les Hollandais en
ont encore, bien qu’on leur en demande au-delà de toute mesure. Si on les
laissait circuler librement, si on leur donnait protection, si on leur faisait
comprendre que nous les considérons comme s’il n’y avait jamais eu d’hostilité
entre la Belgique et la Hollande, il n’y a pas de raison pour qu’on ne voie
pas, l’été prochain, 50 mille Hollandais parcourir la Belgique, qu’ils ont une
envie démesurée de visiter depuis que nous avons des chemins de fer, depuis que
des établissements d’industrie se sont élevés de toutes parts.
Mais il est bien plus utile pour le pays, il est bien
plus glorieux pour le gouvernement et la police d’expulser une malheureuse
femme, Belge de naissance, parce qu’elle a épousé un officier au service de la
Hollande !
Laissons de pareils procédés à M. Van Maanen, mais ne
l’imitons pas, car c’est lui et ses rigueurs qui ont été la cause principale de
la chute du roi Guillaume. Pour moi je considère le crédit demandé pour la
police haute, moyenne ou basse, comme inutile. Veuillez-vous rappeler que sous
le congrès, au moment de l’agitation de tous les esprits, des intrigues de tous
nos voisins, quand les diplomates abusant de leur caractère soudoyaient des
conspirateurs et des émeutes, le congrès décréta que la police cesserait
d’exister au 1er avril 1831.
Et on n’alloua qu’un crédit tellement minime que le
traitement du chef de police et ses bureaux en absorbaient une grande partie ;
qu’il n’y avait pas, j’en suis persuadé, 6,000 fr. à dépenser pour la police ;
et en définitive c’était des aumônes qu’on donnait, plutôt que des agents de
corruption qu’on salariait. Quand on arrêtait un perturbateur, et qu’interrogé
sur le motif pour lequel il troublait l’ordre, il répondait que c’était parce
qu’il n’avait pas de pain, on lui donnait du pain. Quand des hommes qui avaient
rendu des services à la révolution étaient dans la détresse, on ne pouvait être
récompensés par des emplois publics, on leur donnait quelques secours. Voilà à
peu près quelle était la principale dépense de la police.
On a dépensé, en certaine circonstance, par exemple
lors de la conspiration de Grégoire à Gand, 1,000 ou 1,800 fl., pour connaître
les ramifications de cette conspiration et pour s’assurer de quel hôtel de
Bruxelles était partie la conspiration. Je ne sache pas qu’il ait été dépensé
plus de 1,800 fl. pour cet objet ; et aujourd’hui, 7 ans après l’époque des
conspirations, après sept ans de consolidation et de calme, alors que le peuple
belge ne s’occupe que d’industrie et de commerce, on demande 80,000 fr. pour la
police. Mais demander une pareille somme, c’est la critique la plus amère que
vous puissiez faire de la conduite du gouvernement ; c’est l’injure la plus
forte que vous puissiez adresser au gouvernement que de lui allouer 80,000 fr.,
que de supposer qu’il a encore loin d’une police préventive...
Le vice essentiel de la police est dans le chef de la
police. Vous avez entendu un membre du congrès, ancien ministre de la juste,
vous dire, en pleine séance, en sa qualité de ministre de la justice, que « si
on voulait écouter M. François, on se croirait toujours sur un volcan ; qu’il
voyait partout des conspirations, parce que M. François avait toujours peur,
parce qu’il est essentiellement poltron. » (Hilarité générale.)
M. Duvivier. - Il l’a bien dit.
M. Lebeau. - C’est vrai.
M. Gendebien. - Ainsi s’exprimait un ancien ministre de la
justice. Qu’on recoure au compte-rendu des séances du congrès, et on sera
convaincu que telles ont été ses paroles. Veuillez remarquer que cet honorable
membre était un homme grave et réfléchi
Et aujourd’hui le ministre se scandalise lorsque M.
Dumortier vient dire que la police invente des conspirations. Sans doute elle
invente, sans malice peut-être, car je n’en crois pas M. François capable ;
elle en invente par peur ou autrement. Mais puisque son chef a toujours eu si peur,
il n’est pas étonnant qu’elle en voie partout.
Si je voulais
aller plus loin, je vous dirais que cet homme est si méticuleux, si tracassier,
si poltron, pour me servir de l’expression d’un ancien ministre de la justice,
qu’il est constamment en désaccord et en discussions très graves et très
pénibles pour les magistrats chargés de la police judiciaire. Si ces magistrats
avaient la faiblesse d’écouter M. François, ils croiraient qu’il y a des
conspirations tous les jours ; les prisons ne seraient pas assez grandes pour
contenir tous les conspirateurs.
On pourra proposer autant d’amendements qu’on voudra,
quant à moi, comme je considère que la police est inutile en Belgique pour le
moment, puisque je la considère comme dangereuse aussi longtemps que l’homme
qui la dirige y sera, je voterai contre cette allocation.
On a des fonds au ministère de la guerre pour
l’espionnage à la frontière. C’est tout ce qu’il faut pour la sûreté du pays.
Soyez tranquilles. Si des conspirations venaient à
éclater, le peuple belge a assez d’intérêt à les étouffer, pour ne pas manquer
de le faire ainsi qu’il l’a fait en 1831. Ce n’est pas la police qui les
étoufferait ; ce serait le bon sens du peuple. J’ai toujours eu confiance dans
le bon sens du peuple belge ; j’y ai encore aujourd’hui autant de confiance que j’en ai peu dans la
police et surtout dans le chef de la police.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux).
- Il n’y a pas de matière sur laquelle il soit plus facile de dire des
histoires que la police.
Je puis dire qu’il m’est souvent arrivé, en vérifiant
des plaintes qui m’étaient portées, de trouver que les faits allégués étaient
opposés à des faits constatés par des pièces écrites et probantes.
Voyez avec quelle légèreté on parle contre la police.
C’est M. François, dit-on, qui a découvert une prétendue conspiration, qui a
pris un filtre pour une machine infernale ! Eh bien, M. François est
complétement étranger à cette affaire.
Cette affaire a été uniquement poursuivie par
l’autorité judiciaire, avec laquelle M. François serait toujours en désaccord
parce qu’il verrait partout des conspirations, s’il faut en croire un honorable
préopinant. Si je déclare que les poursuites ont été faites par l’autorité
judiciaire, ce n’est pas que je veuille déverser à cette occasion sur elle ni
blâme, ni ridicule, ni admettre en aucune manière ce qui a été dit sur cet
objet ; car je suis persuadé que l’autorité judiciaire n’a ordonné des
perquisitions que parce qu’il y avait des motifs suffisants de prévention.
A entendre un honorable préopinant, l’étranger auquel
on a fait allusion devait enrichir la Belgique ; ce serait un homme honorable ;
on en ferait presque un héros. Mais, messieurs, si je mettais sous vos yeux sa
biographie, je crois que ceux qui prennent ses intérêts à cœur seraient étonnés
de s’être intéressés à lui. C’est à ce point que je n’ai pas hésité à proposer
au Roi de signer l’arrêté d’expulsion de cet homme.
Maintenant dans cette discussion on a confondu
complétement la loi d’expulsion et la loi sur les passeports. A entendre
l’honorable M. Dumortier, on expulserait les étrangers honorables, on ferait un
usage abominable de la loi d’expulsion. Messieurs, je ne craindrais pas de
soumettre à l’inspection de la chambre tous les arrêtés d’expulsion pris en
vertu de la loi de 1835. Je défie d’élever le reproche le moins du monde fondé
contre aucun des arrêtés d’expulsion.
Quant à la loi des passeports, je conviens que
l’application de cette loi peut donner lieu à des désagréments ; qu’il peut
arriver qu’en quelques circonstances on prenne des mesures que l’on regrette
ensuite, eu égard à la qualité des personnes qui en ont été l’objet ; mais il
n’est pas toujours facile de deviner la qualité des personnes dépourvues de
passeports.
On sait que rien n’est plus difficile que la matière
des passeports ; car si vous n’exigez des passeports que des personnes
suspectes, vous ne pourrez atteindre les personnes dangereuses. Il faut qu’un
étranger se munisse d’un passeport, sans quoi il s’expose de se le voir
réclamer, et de devoir justifier des motifs de son voyage à l’administrateur de
la sûreté publique.
Je ne prétends pas que dans cette matière il n’y ait
jamais eu d’erreur ; mais, dans quelque pays que ce soit et quelle qu’ait été
la police, il y a toujours eu des plaintes. Il n’y a pas de charge plus pénible
et plus désagréable que celle d’administrateur de la police. Jamais il n’a
existé une administration de police qui n’ait été en butte à de nombreuses
accusations ; les personnes qui veulent bien se charger de ce service sont
rares, et surtout lorsqu’on désire dans ces personnes des qualités éminentes.
Ce n’est pas avec un traitement de 8,000 fr. que vous aurez un homme
transcendant pour le mettre à la tête de la police.
Je n’entrerai pas dans les questions de personnes
qu’on a soulevées, parce que, pour y répondre, il faudrait que j’eusse sous la
main les dossiers qui les concernent ; cependant, à la simple audition de
quelques noms, je puis assurer que les honorables membres qui les ont cités
sont dans l’erreur sur les faits. Il est quelques-unes des affaires dont on a
parlé, dont je n’ai pas eu à m’occuper, je le déclare, parce que ce sont de simples
affaires de passeports qui naturellement ne me reviennent point.
On dit que voter des fonds pour la police, c’est faire
injure au gouvernement, dans un pays prospère où règne la tranquillité ; si
c’est là une injure, le gouvernement peut en prendre son parti comme font tous
les gouvernements voisins.
Je sais qu’il y aurait une manière fort commode de se
tirer d’affaire pour l’administrateur de la sûreté publique. Ce serait de ne
s’occuper jamais de personne et de se borner à toucher son traitement. Alois il
ne serait jamais critiqué ; alors aussi la Belgique étant signalée comme un
pays hospitalier qui reçoit tout le monde, les malfaiteurs et les brigands y
afflueraient de tous côtés. Ce serait au détriment de votre propre sécurité et
de celle d’honorables étrangers paisibles et honnêtes qui habitent le pays, que
la tolérance serait poussée à ce point.
On dit que jamais la police n’a aidé à découvrir des
malfaiteurs. C’est là une assertion très hasardée, alors qu’il est à ma
connaissance qu’en plusieurs circonstances l’administration de la police a
découvert et arrêté des malfaiteurs.
Quant aux Hollandais, l’honorable M. Gendebien demande
qu’ils soient tous admis sans distinction dans le pays. Mais, messieurs, les
Hollandais sont admis à voyager en Belgique avec beaucoup de facilité. On a
poussé la facilité au point d’admettre des fonctionnaires publics et même des
militaires, mais naturellement moyennant une permission et moyennant qu’ils
fissent connaître les motifs pour lesquels ils voyageaient.
Quant à ceux qui voyagent pour des motifs de commerce,
jamais ils n’ont éprouvé aucunes entraves, lorsqu’ils se sont soumis à la
formalité préalable de la demande d’autorisation.
Mais il n’y a
pas la moindre comparaison à faire entre la facilité avec laquelle les Hollandais
sont admis à voyager en Belgique, et toutes les difficultés qu’éprouvent pour
aller en Hollande les Belges ou les étrangers qui habitent la Belgique. Je
dirai même que dans quelques circonstances nous avons été obligés de prendre
les mesures de représailles pour forcer les Hollandais à user de plus de
tolérance. Je pourrais citer une occasion importante où ces mesures nous ont
été très utiles.
Au surplus, je ne prétends pas soutenir que jamais il
n’y ait eu ni erreurs, ni abus dans l’administration de la sûreté publique ; un
tel soutènement serait sans doute exagéré ; mais je déclare que la plupart des
accusations dont cette administration a été l’objet sont dénuées de fondement,
et dorénavant, si les fonctionnaires chargés de la police doivent être exposés
à des désagréments de telle nature, vous ne trouverez plus personne qui veuille
accepter ces fonctions. Rien n’est plus fait pour décourager ces fonctionnaires
que les accusations odieuses dont ils sont l’objet, du moment qu’ils ont le
courage de se mettre en évidence.
Si ceux-là sont toujours en butte à toutes les
critiques passionnées, à toutes les exagérations qu’on se plaît à répandre ; et
si ceux qui ne font rien, qui s’effacent, sont des hommes distingués, des
hommes de mérite, alors je plaindrai le pouvoir exécutif dans ses divers
agents.
M. de Brouckere. - Chaque année nous nous sommes plaints des
vexations et des tracasseries de l’administration de la police, et nos plaintes
ont eu si peu de résultat que nous pourrions aujourd’hui les répéter et redire
tous ce que nous avons dit les années précédentes. L’administration de la
police marche toujours de même, sans règles, et n’écoutant que ses caprices.
Je pourrais ajouter quelques petites anecdotes à
celles qui ont été racontées par les préopinants ; mais je n’y gagnerais rien,
puisque le ministre dirait que lorsqu’on cherche à vérifier les faits allégués,
on les trouve toujours différents.
L’administration de la police n’a pas de règles de
conduite ; quelquefois elle laisse facilement entrer les étrangers, d’autres
fois elle est très difficile, et sans motifs. Je n’ai pas attendu jusqu’à ce
jour pour le dire au ministre ; je le lui ai dit en particulier. Trois
Hollandais demandaient à passer quelques jours en Belgique, deux n’ont pu
entrer sans qu’on en sache la cause.
On a dit que la police s’attaquait même aux femmes, et
ceci est très vrai. Pendant les fêtes de septembre on a forcé des femmes
étrangères à quitter Bruxelles. De hauts fonctionnaires venaient s’offrir pour
répondre de leur conduite, et de celle d’autres étrangers ; mais sans pitié on
a repoussé ces étrangers.
Le ministre de l’intérieur avoue que quelquefois on a
pu être sévère, parce qu’on l’était en Hollande ; eh bien, voulez-vous agir par
représailles, dites-le franchement, et ne tracassez pas : quand on agit en ne
suivant de règles que le caprice, on est toujours blâmable. Mais si je devais
être consulté, je dirais : Laissez entrer les Hollandais ; nous devons être
fiers de notre pays, et nous devons être désireux qu’on le visite : on l’a
assez calomnié ; faisons voir que la méchanceté seule a inventé les calomnies.
Laissons entrer tous les étrangers, et ne repoussons pas ceux qui troublent
l’ordre et la paix publique.
Selon le ministre
de l’intérieur, la direction de la police est chose difficile, et dans cette
place on ne s’attire pas l’affection des populations. Cela n’est pas exact ;
car nous pourrions citer un magistrat qui a été chef de la police dans une très
grande cité et qui s’y est acquis l’estime générale ; maintenant il occupe avec
distinction une position importante dans la magistrature. Mais pourquoi a-t-il
commandé l’estime et le respect en dirigeant la police ? C’est qu’il agissait
en suivant les règles de la justice et de la modération.
Je regarde l’administration de la police comme très
importante, et je voudrais que le ministre de l’intérieur s’en occupât
davantage.
Il faudrait que la place d’administrateur de la police
fût supprimée, et qu’il y eût un simple chef de division au ministère de
l’intérieur ; alors toutes les questions seraient soumises à la décision du
ministre, et j’aime mieux m’en rapporter aux vues plus élevées d’un membre du
cabinet qu’aux vues étroites d’un agent subalterne.
Nous pouvons donc faire réduction sur le chiffre de
80,000 fr., et ne le porter qu’à 50,000 fr. comme le propose M. Gendebien ; et
nous aurons mis le ministre à même de remplir tous ses devoirs.
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je déclare que si le ministre de l’intérieur
devait diriger personnellement la police et ne devait avoir qu’un chef de
division, l’on trouverait difficilement quelqu’un pour se charger du
portefeuille, et que le ministère serait longtemps vacant. Il faut un
administrateur qui ait la signature ; tout ce que le ministre de l’intérieur
peut faire, c’est de tracer des règles générales et d’examiner la direction
donnée à la police. Pour ma part, je ne voudrais plus être à la tête de ce
département si l’on voulait mettre la police dans mes attributions immédiates.
(On rit).
M. F. de Mérode. - Lorsqu’on vérifie les faits à la charge de la
police, on vous a dit qu’on les trouvait peu exacts. Cela m’est arrivé à
moi-même. Comme d’autres je me suis pris d’un vif intérêt pour des hommes que
je croyais estimables ; mais après avoir pris des renseignements à la police,
j’ai su qu’ils n’étaient que des escrocs bien caractérisés.
Il est possible que quelquefois la police mette trop
de raideur envers les étrangers ou envers des régnicoles, quand elle est
chargée d’exécuter certaines mesures ; quoi qu’il en soit, j’ai été fort étonné
d’entendre le préopinant se récrier si fort contre les expulsions.
Je me souviens que
parce qu’il a éprouvé quelques contrariétés relativement aux bonnets de coton,
en conséquence de renseignements fournis par un négociant de cette capitale, il
a engagé le ministre à expulser le négociant qui, depuis vingt ans, est en
Belgique, et qui avait l’audace de n’être pas du même avis que cet honorable
membre sur les bonnets de coton. (Hilarité
générale et prolongée ; tous les regards se portent sur M. Dumortier. Lorsque
le silence est rétabli, l’honorable M. de Mérode continue ainsi :)
Je pense aussi que l’on devrait admettre facilement
les Hollandais en Belgique, et ne pas les obliger à des formalités semblables à
celles auxquelles on soumet les Belges qui veulent aller en Hollande. Que les
Hollandais qui ne viennent pas chez nous pour des motifs politiques ne soient
pas gênés ; mais il est au milieu de nos cités des hommes qui, sans être
Hollandais, excitent le trouble, et ce sont ceux-là dont la police devrait
s’occuper. Il y a ici des réunions populaires, dans lesquelles on provoque au
désordre d’une manière scandaleuse ; et cependant ni la police, ni l’autorité
judiciaire n’ont rien fait contre de telles réunions ; il me semble que les
lois du pays sont suffisantes pour les réprimer.
M. Dumortier se lève et s’apprête à parler.
Des voix.
- Vous avez parlé plus de deux fois sur la question !
M. Dumortier. - Je demande la parole pour un fait personnel. (On rit.) L’honorable préopinant a eu
grand tort de dénaturer mes paroles. Je n’ai pas demandé qu’un industriel fût
expulsé pour n’avoir pas été de mon avis ; je sais que chacun peut avoir son
opinion ; il n’y a personne qui soit plus tolérant que moi sur les opinions ;
mais je me suis plaint de ce qu’un étranger fût venu sciemment tromper la
législature. (Bruit.)
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Cela n’est pas exact.
M. le président. - Comment peut-on dire qu’il a trompé sciemment !
M. Dumortier. - Je parle
d’un fait et je le prouve. Les opinions sont libres.
M. le président. - Personne ne conteste la liberté des opinions ;
mais il ne s’agit pas de cela !
M. Dumortier. - Lorsqu’on me prête un ridicule, lorsqu’on me
signale comme ayant demandé ce que je n’ai pas demandé, il faut que je me
justifie ; dès qu’on s’est permis l’attaque, il faut qu’on me permette la
défense.
Des voix.
- Défendez-vous ; mais n’incriminez pas.
M. Dumortier. - Je me suis plaint que l’étranger avait sciemment
trompé la législature... (Bruit.)
M. le président. - On peut induire en erreur sans tromper sciemment.
M. Dumortier. - Et je le prouve. Son second tableau était l’aveu
de la fausseté du premier. Ce second tableau avait été établi sur les mêmes
bases, sur les mêmes données que le premier, et cependant il présentait des
résultats différents du premier. (Bruit.)
M. le président. - En voilà assez sur cet objet.
M. Dumortier. - Si vous avez permis l’attaque, vous ne pouvez
interdire la défense.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Mais le négociant ne vous a pas attaqué !
M. Dumortier. - Ai-je demandé l’expulsion de ce négociant ?
De toutes parts,
en riant. - Oui ! oui !
M. Dumortier. - C’est alors parce que je voulais faire voir le
ridicule des expulsions. Je montrais combien le ministre était intolérant quand
il expulsait des réfugiés politiques, et quand il laissait des négociants qui
trompaient la législature. (Bruit.)
J’arrive maintenant à la question...
M. le président. - Je devrai alors consulter la chambre pour savoir
si elle vous autorise à parler une troisième fois sur la question.
M. Dumortier. - J’arrive maintenant à un autre fait personnel. (Aux voix ! aux voix !) M. le ministre de
l’intérieur m’a porté le défi de faire la critique d’un arrêté d’expulsion…
Plusieurs membres.
- Ce n’est pas là un fait personnel.
M. le président. - Si j’ai bien compris M. le ministre de
l’intérieur, il n’a pas adressé de défi à M. Dumortier, il a parlé en général.
M. Dumortier. - Je ne sais par quel hasard M. le président ne me
laisse pas achever mon discours ; depuis que j’ai commencé de parler, il ne
cesse de m’interrompre.
M. le président. - Si j’ai interrompu M. Dumortier, c’est parce que
je dois faire observer le règlement, qui ne permet pas qu’un orateur parle plus
de deux fois sur la même question sans y avoir été autorisé par la chambre ;
j’ai dû l’interrompre en outre lorsqu’il a accusé un négociant d’avoir voulu
sciemment tromper la chambre, parce que le règlement ne me permet pas de
tolérer de semblables expressions. On peut très bien commettre des erreurs de
calcul et les reconnaître ensuite, sans pour cela les avoir commises sciemment.
M. Dumortier. - C’étaient les mêmes chiffres et les mêmes bases,
ce qui prouve bien...
De toutes parts.
- La clôture ! la clôture !
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
M. le président. - Je vais mettre aux voix le chiffre de 80,000 fr.
demandé par le gouvernement.
Plusieurs membres.
- L’appel nominal
- On procède à l’appel nominal ; en voici le résultat
:
72 membres prennent part au vote.
43 adoptent.
29 rejettent.
En conséquence le chiffre est adopté.
Ont voté l’adoption : MM. Beerenbroeck,
Bekaert-Baeckelandt, de Langhe, de Longrée, de Man d’Attenrode, F. de Mérode,
W. de Mérode, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, Desmanet de Biesme, Desmet, de
Terbecq, de Theux, Devaux, d’Huart, Donny, Dubois, B. Dubus, Duvivier, Eloy de
Burdinne, Ernst, Heptia, Keppenne, Kervyn, Lejeune, Mercier, Milcamps,
Morel-Danheel, Nothomb, Peeters, Pirmez, A. Rodenbach, Rogier, Scheyven,
Simons, Smits, Ullens, Vandenhove, Van Hoobrouck, Verdussen, Vilain XIIII,
Raikem.
Ont voté le rejet : MM. Angillis, Berger, Corneli, de
Brouckere, de Jaegher, de Meer de Moorsel, de Puydt, de Renesse, de Roo,
Desmaisières, d’Hoffschmidt, Doignon, Dolez, Dumortier, Gendebien, Liedts,
Maertens, (erratum inséré au Moniteur
belge n°349, du 15 décembre 1837) Metz, Seron, Trentesaux, Troye,
Vandenbossche, Van Volxem, Verhaegen, Vergauwen, Zoude et Lecreps.
Chapitre XIII. - Dépenses imprévues
Article unique
« Art. unique. Crédit ouvert pour les dépenses
imprévues : fr. 40,000. »
- Adopté.
Chapitre III. - Frais
de l’administration dans les provinces
(Moniteur belge
n°349, du 15 décembre 1837) M. le président. - Voici la proposition additionnelle
proposée par M. Gendebien :
« Article additionnel et transitoire. Majoration de
crédit pour faire face aux frais extraordinaires de l’administration de la
province de Hainaut : fr. 10,000. »
M. Gendebien. - Messieurs, il y aurait un moyen d’abréger la
discussion. Si vous vouliez remarquer que ma proposition n’est qu’un article
transitoire allouant, pour 1838 seulement, un crédit supplémentaire en raison
du surcroît de besogne qui est survenu dans la province de Hainaut, par
l’instruction des nombreuses demandes en concession de mines et en construction
de routes, usines, etc., je crois que vous pourriez adopter le chiffre, sauf à
exiger qu’il en soit rendu compte au budget prochain et à examiner le fond de
la question lorsqu’il s’agira d’allouer définitivement le crédit. Si cependant
la chambre croit qu’il y a lieu de discuter immédiatement, j’entrerai en
matière, mais je désire lui éviter une perte de temps assez considérable. Dans
tous les cas, je me charge de prouver qu’il est impossible que le Hainaut soit
administré si ma proposition n’est plus adoptée.
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Remarquez, messieurs, que l’honorable M. Gendebien
demande 10,000 fr. à titre de crédit pour faire face aux frais extraordinaires
de l’administration de la province du Hainaut ; je ne connais point pour
l’administration des provinces des crédits ordinaires et des crédits
extraordinaires ; il n’existe qu’un seul crédit pour frais d’administration
dans chaque province ; ce crédit se trouve au budget, et il a été voté sans
amendement ; je ne crois pas qu’on puisse y revenir.
Je ferai cependant une seule observation sur
l’amendement de M. Gendebien, c’est que le gouverneur de la province n’a demandé
que 2,000 fr., tandis que l’honorable M. Gendebien en demande 10,000.
Je pense messieurs, qu’il ne faut pas s’occuper en ce
moment de la proposition de M. Gendebien ; si pour le budget prochain je suis
convaincu qu’il y a réellement lieu à augmenter davantage les frais
d’administration dans la province de Hainaut, je prendrai moi-même l’initiative
à cet égard.
M. Gendebien. - Messieurs, il me paraît que M. le ministre est
disposé à opposer à mon amendement une espèce de fin de non-recevoir ; je lui
répondrai à cet égard lorsque j’aurai développé ma proposition.
Dans une des dernières séances vous avez admis,
messieurs, pour la province de Hainaut, le chiffre tel qu’il était proposé pour
les frais ordinaires de l’administration de la province de Hainaut. Je vous
soumets aujourd’hui, comme article additionnel et transitoire et pour
satisfaire à des frais extraordinaires, une disposition qui devrait être
définitive, et que vous jugerez, messieurs, devoir devenir définitive lorsque
vous m’aurez fait l’honneur de m’entendre.
M. le ministre de l’intérieur n’a élevé, à la première
discussion, qu’une seule objection : Il y a un principe adopté, a-t-il dit,
c’est que la population doit être considérée comme le premier élément de l’évaluation
des frais nécessaires à l’administration de la province ; et il a cité la
Flandre orientale où la population est plus forte et où, néanmoins, les frais
d’administration sont moindres que dans la province du Hainaut.
Eh bien, messieurs, la Flandre orientale où la
population est un peu plus forte que dans le Hainaut n’a que 293 villes et
communes, tandis que dans le Hainaut il y en a 421 ; par conséquent, s’il y a
dans le Hainaut 100,000 âmes de moins, il y a 132 communes de plus que dans la
Flandre orientale ; or, je demande, messieurs, si c’est en raison de la
population ou en raison du nombre des administrations avec lesquelles
l’administration provinciale est en rapport, qu’il faut évaluer les frais de
l’administration provinciale et le travail qui se fait dans l’administration
provinciale ? Dans la Flandre occidentale où la population est, je crois, la
même que dans le Hainaut, il n’y a que 248 communes, donc 177 de moins que dans
la province du Hainaut. Dans la province d’Anvers il n’y a que 141 communes,
par conséquent 284 de moins que dans le Hainaut ; enfin la province de Hainaut
est celle où il y a le plus grand nombre de communes.
Messieurs, si l’on veut prendre en considération la
population sous le rapport des difficultés de l’administration, du nombre
d’affaires qu’elle a à expédier, il faut la prendre, non pas in globo, mais
dans les divisions par communes ; car qu’une commune ait 600 habitants ou
qu’elle en ait 700, l’administration est toujours la même ; c’est donc au
nombre de communes qu’il faut avoir égard. Eh bien, sous ce rapport, messieurs,
savez-vous quelle devrait être la majoration pour frais d’administration dans
la province du Hainaut ? La province de Hainaut devrait avoir 205,990 francs au
lieu de 145,557, pour être traitée de la même manière que la Flandre orientale
; elle devrait recevoir 239,920 francs, pour être en rapport avec la Flandre
occidentale, et au-delà de 300,000 francs, par rapport à la province d’Anvers.
Voilà, messieurs, pour la population. Si de la population
nous arrivons maintenant à l’importance et au nombre des affaires, vous verrez
qu’il faudrait donner au Hainaut une somme double de celle qu’il serait déjà
nécessaire de lui donner à raison de sa population, c’est-à-dire de ses villes
et communes. Vous savez, en effet, messieurs, que le Hainaut a une
administration toute particulière qui ne se trouve pas dans les provinces que
j’ai citée jusqu’à présent : je veux parler de l’administration des mines, qui
à elle seule donne autant de besogne au gouverneur, aux états-députés et à
l’administration provinciale, que toutes les affaires dans aucune des autres
provinces.
Pour se faire une idée de la difficulté de traiter les
affaires qui se rattachent aux mines, je voudrais qu’on prît connaissance au
gouvernement du Hainaut d’un dossier concernant une demande en concession de
mines. Il semble au premier abord qu’une demande en concession soit la chose du
monde la plus simple à traiter ; il n’en est rien : ces demandes se compliquent
d’opposition et de demandes en concurrence en grand nombre ; il s’y rattache
les questions les plus délicates, des vérifications de plans, qu’il est souvent
difficile de comprendre et qu’on ne conçoit bien qu’après les avoir étudiées
pendant plusieurs jours. J’en parle par expérience, messieurs : il m’est arrivé
plus d’une fois de devoir consacrer plusieurs jours à l’étude de pareilles
vérifications. Il y a plus ; j’ai dû, quelquefois, me rendre plusieurs fois sur
les lieux, tous les plans à la main, souvent de compagnie avec l’ingénieur ou
avec le directeur des travaux et autres employés de diverses sociétés, et
souvent nous n’avons pu tomber d’accord sur les limites des plans, quoiqu’elles
eussent été bien déterminées dans les décrets ou dans les anciens titres de
concession.
Eh bien, messieurs, le nombre de semblables demandes
s’élèvent à plusieurs centaines, et toutes sont urgentes.
D’après un rapport de M. le gouverneur du Hainaut, que
je ne vous lirai pas, mais que l’on trouvera au Moniteur, il y aura au moins
300,000 pièces expédiées à l’administration provinciale pour l’année 1837, et
il y aura près de 14,000 affaires contentieuses.
Jugez, d’après cela, si vous pouvez traiter le Hainaut
sur le même pied que les autres provinces. Notez bien que je ne vous parle pas
des nombreuses demandes pour construction de routes, usines, et de tous les
rapports qui se multiplient à l’infini par le mouvement industriel.
Dans un tableau analytique que j’ai dressé, j’ai
comparé entre elles plusieurs provinces. Il en résulte que le Hainaut, pour être
traité sur le même pied que la province d’Anvers, à part son importance, plus
grande sous tous les rapports, et seulement en raison de sa population, devrait
recevoir 61,638 fr. de supplément ; et cependant nous ne demandons que 10,000
fr. (Erratum inséré au Moniteur belge
n°350, du 16 décembre 1837 :) La province de Hainaut devrait recevoir
165,868 fr. de plus que la province de Namur, et cependant elle n’en demande
que 10,000 : 60,843 fr. de plus que la province de Liége, et elle n’en demande
que 10,000 ; 65,255 fr. de plus que la province de Limbourg, encore une fois
elle n’en demande que 10,000. Vous reconnaîtrez sans peine que sa demande est
non seulement juste, mais excessivement modérée
On vous a dit qu’il fallait comparer la province de
Hainaut à celle qui avait la plus forte population, savoir à la Flandre orientale
; mais je pourrais la comparer à mon tour à la province qui a la population la
plus faible. Ce serait nous jeter de part et d’autre dans une extrémité
contraire. Je n’admets donc pas l’observation du ministre de l’intérieur, comme
il aurait raison de ne pas admettre la mienne.
Mais prenons la moyenne des deux provinces qui
s’éloignent le plus, en ne tenant compte que de la population, pour point
comparaison.
La Flandre orientale a 733,938 habitants ; la province
de Namur, 212,725, total 946,665.
La Flandre orientale reçoit, pour frais
d’administration, 142,748 fr. ; la province de Namur, 109,508 ; total : 252,256
fr.
La moyenne de la population pour les deux provinces
est de 473,331 habitants, et la moyenne de leurs frais d’administration 126,128
fr. Or, nous arrivons au problème suivant. Si 473,331 habitants coûtent 126,128
fr., combien coûtera la population du Hainaut qui est de 604,957 habitants ?
Question qui se résout par la proportion suivante :
473,331 : 126,125 : : 604,957 : x
x = 161,202.
Ainsi, pour être traitée sur le même pied que la
moyenne des deux termes extrêmes, et à part la différence du nombre des
communes qui est double dans le Hainaut, et sans tenir compte plus en plus de
l’importance et du nombre d’affaires administratives qui est décuple, la
province de Hainaut devrait recevoir 161,202 fr. Eh bien, si vous accordez la
majoration que nous demandons, l’allocation globale pour le Hainaut ne
s’élèvera qu’à 155,557 fr., ainsi 5,655 fr. moins que la moyenne.
Voici un autre point de comparaison : la province de
Liége a une population de 369,957 habitants, elle reçoit pour ses frais
d’administration 132,530 fr. ; et la province d’Anvers, pour une population de
354,974, reçoit 121,577 fr. ; donc la province de Liége reçoit 10,953 fr. de plus
que la province d’Anvers. Or si l’on ne tient compte que de la population,
Liége ne devrait recevoir que 5,829 fr. de plus que la province d’Anvers ; elle
reçoit donc 5,829 francs de plus que la province d’Anvers, à raison de sa plus
grande importance administrative. Et pourquoi cette importance plus grande ? A
cause des exploitations de mines et de l’administration qui en résulte. Or, les
exploitations de mines dans le Hainaut sont à celles de la province de Liége
comme 4 est à 1, ou même comme 5 est à 1. Ainsi, pour traiter la province de
Hainaut, à raison de sa population et de son importance administrative plus
grande, sur le même pied que la province de Liége, que j’ai comparée à la
province d’Anvers, il faudrait donner au Hainaut un supplément de 71,886 fr.,
et cependant je ne demande que 10,000 fr. ; je ne demande que 4,300 fr. de plus
que la province de Liége, comparée à la province d’Anvers, bien que, sous tous
les rapports, le Hainaut ait au moins une administration triple de celle de
Liége.
D’après les détails dans lesquels je viens d’entrer,
je crois, messieurs, qu’il y aurait une injustice flagrante à ne pas faire
droit à la réclamation de la province de Hainaut.
On vous dit que l’administration provinciale s’est
bornée à demander 4,000 fr. Mais, messieurs, c’est ce qui arrive toujours aux
personnes qui réclament justice, et qui l’ont réclamée en vain pendant
plusieurs années ; elles se contentent de peu, dans l’espoir d’obtenir un peu
plus tard une justice plus complète. Voyons du reste quelle a été la
réclamation de l’administration provinciale du Hainaut.
Le 18 juillet dernier, le conseil provincial du
Hainaut a adopté, à l’unanimité, une délibération par laquelle il demande avec
instance que le personnel des bureaux, qu’elle déclare être tout à fait
insuffisant, soit complété, et que les traitements actuels soleil augmentés.
Voici cette délibération ainsi que le rapport que le gouverneur du Hainaut y a
joint, en en faisant l’envoi au ministre de l’intérieur :
(Le Moniteur
reproduit ensuite ces documents, qui ne sont pas repris dans la présente
version numérisée en raison de leur longueur et de leur intérêt relatif. Le
discours se poursuit ainsi :)
Eh bien, messieurs, peu de temps après la délibération
du conseil provincial du Hainaut (ce conseil en avait déjà adopté une dans le
même sens l’année précédente), deux de nos honorables collègues, députés des
Flandres, se sont rendus dans le Hainaut, et ils vous ont dit, dans une séance
précédente, que ce voyage leur avait donné la conviction de l’indispensable
nécessité d’augmenter le personnel administratif de cette province et de
majorer les traitements.
Ils vous ont dit qu’arrivés à 4 heures du matin au
gouvernement du Hainaut, ils avaient vu un grand nombre d’employés se rendant à
leur besogne, et d’autres déjà occupés ; et c’est à des employés aussi zélés, à
une administration aussi accablée de travaux les plus importants pour le pays,
que vous refuseriez un supplément de la modique somme de 10,000 fr.
Voici le tableau des employés ; vous jugerez s’ils
sont en nombre suffisant et s’ils sont suffisamment rétribués :
Il y a deux chefs de division à 2,520 fr. ; les autres
ont 2,160, 1,800 et 1,600 fr.
Dans la province d’Anvers ils ont 3,840 fr. Dans la
province de Liége et des Flandres ils ont de 3,150 à 3,500 fr. ; les chefs de
bureau ont jusqu’à 2,580 fr. Dans le Hainaut nous sommes plus modestes, quoique
le nombre des communes soit triple de celui de la province d’Anvers ; nous nous
bornons à demander que les chefs de division soient payés sur le pied de 2,520
fr., c’est-à-dire beaucoup moins que les chefs de division, et même moins que
les chefs de bureau de vos provinces.
Voici le tableau de tous les employés et des diverses
augmentations demandées : (suit ce tableau
dans le Moniteur, lequel tableau n’est pas repris dans la présente version
numérisée.)
Enfin, la province de Hainaut demande 12,155 fr. 40,
on a alloué 2,000 fr. ! Je demande un complément de 10,000 fr. Je retranche
donc encore 155 fr. 40.
Si vous vouliez comparer la dotation des chefs de
division et de bureau des diverses provinces, vous trouveriez que dans la
province de Namur on dépense 20,900 fr. pour les chefs de division et de
bureau, c’est-à-dire 1,780 fr. de plus que dans la province de Hainaut ; que
dans la province d’Anvers on dépense 19,440 fr., 320 fr. de plus que dans le
Hainaut, quoique dans le Hainaut la population soit à peu près double et que le
nombre des communes soit triple de celui de la province d’Anvers ; on dépense
dans la province de Hainaut 1,180 fr. moins de que dans le Limbourg ; dans la
Flandre orientale, où il y a la moitié moins de communes que dans le Hainaut,
on dépense 23,900 fr., 4,780 fr. de plus que dans le Hainaut. Je vous demande
si la majoration que je réclamé est exagérée, alors que la province dont
l’importance administrative est triple de celle des autres, est celle où on
dépense le moins pour l’état-major.
Messieurs, je crois qu’alors qu’on réclame de toutes
parts des constructions de routes, de canaux, de ports, des constructions de
navires, des primes d’encouragement de toute espèce, aux frais du trésor et aux
dépens du Hainaut, on ne pourra pas refuser à la province de Hainaut 10,000
fr., non à titre de prime quelconque, mais pour s’administrer. Quand cette
province verse tous les ans au trésor 6 à 700,000 fr., provenant du bénéfice
qu’elle fait sur l’entretien de ses routes, on ne voudrait pas lui accorder
10,000 fr. pour s’administrer ! Mais vous vous exposez à tarir la source de
produits que vous vous partagez tous les ans. Prenez garde que nous ne prenions
la résolution de nous administrer d’une manière moins productive. Au lieu de
10,000 fr., cela pourrait vous coûter des millions.
On vient de surcharger la province du Hainaut d’un
surcroît accablant de contribution foncière : a-t-elle jeté les hauts cris,
a-t-elle murmuré ? Non, elle a doublé d’activité, elle a payé. Elle n’a pas
imité le député d’Anvers qui a menacé de rébellion, lorsqu’au lieu de 4 1/2 p.
c. on a fait payer à la ville d’Anvers 7 1/2 ; et notez bien que c’est 11 1/2
p. c. qu’elle devrait payer. La province de Hainaut ne récrimine pas, elle ne
se plaint pas ; elle ne demande qu’une chose : c’est qu’on veuille lui donner
le moyen de s’administrer ; quand elle fournit, du produit de ses barrières
seulement et au préjudice de son industrie, un revenu net de 6 à 700,000 fr. au
trésor, elle a droit de demander ce qui lui est nécessaire surtout quand elle
voit du superflu ailleurs. De deux choses l’une, ou il y a du superflu
ailleurs, ou le Hainaut n’a pas le nécessaire ; ou si le Hainaut a le
nécessaire, il y a du superflu ailleurs. Force vous est d’accepter ce dilemme,
car je vous défie de le réfuter.
Il n’y a pas un seul établissement du gouvernement
dans la province du Hainaut ; elle ne reçoit ni primes ni encouragements ; elle
ne s’en plaint pas ; elle ne demande qu’une chose, c’est-à-dire d’être bien
administrée ; elle a tous les éléments d’une bonne administration ; elle a le
plus capable et le plus laborieux de tous les gouverneurs, sans vouloir faire
tort au mérite des autres gouverneurs, et quand il quittera la province du
Hainaut, je ne sais pas comment vous ferez pour le remplacer ; il ne sort pas
de son cabinet ; il travaille quinze à dix-huit heures par jour ; il est
impossible qu’il suffise à toute la besogne si on ne complète pas son
administration. Il y a une députation composée d’hommes capables dans la force
de l’âge, dont le zèle et l’activité peuvent être cités pour modèle ; mais on
ne peut pas les faire travailler comme des manœuvres, ils ne peuvent pas faire
la besogne des expéditionnaires, des commis et des chefs de bureau ; on ne peut
les charger de l’expédition des 300,000 pièces qui sortiront, cette année, du
gouvernement du Hainaut.
En un mot, je crois en avoir dit assez pour justifier
la demande d’augmentation ; j’espère que l’année prochaine vous voterez d’une
manière définitive la somme que je demande comme extraordinaire et provisoire
cette année. Je suis persuadé que si on interpellait M. le ministre des travaux
publics, il vous dirait qu’indépendamment de l’administration générale, il y a
un travail lui-même pour les constructions et pour les concessions des mines.
Eh bien, dans cette province, il n’y a pas même d’archiviste, tandis qu’il y en
a un à Anvers qu’on paie 1,980 fr. Je vous demande si ce n’est pas une
dérision. Depuis plusieurs années, on demande au gouvernement un archiviste :
eh bien, le ministre alloue au budget de cette année un supplément de 2,000
fr., et il prétend, il dit sérieusement dans ses notes explicatives que c’est
pour payer un archiviste, d’autres employés, et pour compléter les traitements
qui sont jugés trop faibles !
Je vous le demande, n’est-ce pas une dérision ! 2,000
fr. pour réaliser tant de choses à la fois, lorsque dans la province d’Anvers
l’archiviste absorbe seul les 2,000 fr. moins 20 fr., puisqu’il reçoit 1,980
fr. !
Oui, vraiment,
c’est une dérision !
Mais rien que pour le bureau de mines il faut un
archiviste spécial, et il aura une rude besogne pendant plusieurs années ; et
on refuse un archiviste !
Je déclare que si on ne donne pas le personnel
suffisant, dans dix ans les affaires à instruire ne pourront être instruites.
Cependant j’entends que dans la chambre on réclame sans cesse, on demande avec
instance que le gouvernement accorde des concessions ; on se plaint de ce qu’il
n’en accorde pas assez. Mais vous ne faites rien pour que l’administration
provinciale puisse instruire ces concessions. Vous aurez beau faire des vœux,
ils seront stériles aussi longtemps que vous ne donnerez pas au gouvernement
les moyens d’accorder ces concessions.
Quelque désir que j’aie de continuer, ce m’est
impossible. La toux et la fatigue m’en empêchent ; je crois du reste en avoir
dit assez pour que la chambre soit convaincue de la nécessité d’admettre ma
proposition. Je me réserve d’ailleurs de répliquer si ma proposition était
contestée.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux).
- Je demande que la chambre ne mette pas en question ce qui a été voté
définitivement ; car si sous le prétexte qu’un député (quelque légitime que
soit d’ailleurs son excuse) n’a pas pu assister à une séance on rouvre la
discussion, il n’y aura jamais un article qui soit définitivement voté, il n’y
aura plus de terme à la discussion.
Si l’article proposé par l’honorable M. Gendebien
était admis, qu’en résulterait-il ? Qu’au second vote, ou même demain, des
députés d’autres provinces pourraient également proposer des majorations.
Veuillez remarquer cette circonstance : c’est qu’alors
que le gouverneur ne demande que 2,000 fr., l’honorable M. Gendebien demande
10,000 fr. de plus. Comme en général dans les provinces on aime à avoir plus de
latitude pour les employés, il est bien probable que demain d’autres députés
vont proposer une majoration de 5 à 6 mille francs dans l’intérêt de
l’administration de leurs provinces.
L’honorable membre dit que je n’ai eu égard qu’à la
population dans la proposition du chiffre qui a été adopté pour
l’administration du Hainaut. Il est dans l’erreur, j’ai eu égard à la
population ; mais je n’ai pas consulté cette seule règle. Si j’avais consulté
cette seule règle, j’aurais dû proposer pour la Flandre orientale 60,000
francs, alors que je proposais 45,900 fr. pour le Hainaut ; car la Flandre
orientale a cent mille habitants de plus que le Hainaut. Eh bien, au contraire,
nous avons demandé pour le Hainaut 10,000 fr. de plus que pour la Flandre
orientale. Vous voyez que la population n’a pas été notre seule règle.
L’honorable préopinant a dit qu’il fallait tenir
compte de ce que le Hainaut avait plus de communes que d’autres provinces. A
cela la réponse est facile. La province correspond avec les commissaires de
district ; ce sont les commissaires de district qui répondent avec les communes.
Notez en outre que plus le nombre des communes est grand, plus leur population
est faible ; et plus les communes sont petites, moins elles ont d’affaires,
moins ces affaires ont d’importance. C’est là une chose évidente.
Dans la province de Namur, il y a 343 communes. Dans
celle du Hainaut il y en a 425. Vous voyez que la différence n’est pas énorme.
L’honorable préopinant a donné la moyenne des frais
d’administration des différentes provinces. Mais il a opéré sur l’ensemble des
frais d’administration, tandis qu’il aurait dû raisonner exclusivement sur le
chiffre des traitements des employés de l’administration provinciale ; car il y
a des dépenses qui sont toujours les mêmes, quelles que soient les provinces :
par exemple, le traitement du gouverneur et des membres de la députation
provinciale. La moyenne est donc fausse. Vous voyez donc comme on est induit en
erreur.
L’honorable membre a dit que le traitement des
expéditionnaires était plus faible dans le Hainaut que dans les autres
provinces. C’est une erreur. La moyenne du traitement des expéditionnaires de
l’administration du Hainaut est 620 fr., tandis que la moyenne pour la Flandre
orientale (quoique la population de la ville de Gand soit 3 ou 4 fois plus
considérable que celle de la ville de Mons) est 554 fr. Dans la province de
Liége la moyenne du traitement des expéditionnaires est 392 fr. Cependant la
ville de Liége a une population double de Mons ; la cherté des vivres et des
logements y est extraordinaire.
J’ai dit que je pensais qu’il y avait une réforme à
faire dans les bureaux de l’administration provinciale du Hainaut. J’ai encore
cette opinion. Si cependant, après cette réforme opérée, il demeurait constant
qu’il y a lieu de majorer l’allocation destinée aux traitements des employés de
l’administration provinciale du Hainaut pour le budget prochain, je proposerais
moi-même la majoration. Mais je demande que, quant à présent, la chambre s’en
tienne à ce qu’elle a voté et ne mette plus en question ce qu’elle a
définitivement adopté. Sinon, il n’y aura plus de limites à la discussion.
Vous voyez les dangers de cette marche, alors qu’un
simple député demande 10,000 fr., tandis que le gouverneur s’est borné à
demander 2,000 fr.
Quant à moi, je
persiste à croire qu’il n’y a rien à changer au budget et que la question
préalable doit être adoptée.
Je le répète, si, après examen, la majoration est
jugée nécessaire, je serai le premier à la proposer au budget prochain.
Vous aurez remarqué que nous avons été dominés par des
considérations d’économie en général. C’est par ce motif qu’il n’a pas été
déféré aux réclamations de commissaires de district, qui se sont plaints de la
difficulté de pourvoir à leurs bureaux. Il y aurait lieu aussi de proposer des
majorations de traitement pour plusieurs commissaires de district et peut-être
pour d’autres fonctionnaires. Tout cela fera l’objet d’un examen plus spécial.
La nécessité de dépenses extraordinaires a empêché la
chambre de s’occuper de majorations pour les membres de l’ordre judiciaire.
Si la tendance de la chambre était dans le sens des
majorations il nous serait agréable de satisfaire aux réclamations qui nous ont
été faites et à celles qui pourraient nous être adressées dans l’ordre
administratif.
M. Dolez.
- M. le ministre de l’intérieur oppose à la demande de M. Gendebien une sorte
de fin de non-recevoir ; sans doute, s’il était question de revenir d’une
manière directe sur le chiffre voté par la chambre, cette fin de non-recevoir
pourrait avoir quelque poids, mais mon honorable collègue du Hainaut vous a
fait remarquer qu’il s’agit non de revenir sur un chiffre adopté, mais de
subvenir aux besoins urgents de l’administration d’une province par une mesure
qui n’aura cette année qu’un caractère provisoire. Si vous considérez en outre
que quelques députés du Hainaut n’étaient pas en séance pour faire valoir les
droits de cette province à l’allocation demandée, vous jugerez, je pense, que
la fin de non-recevoir proposée ne peut pas être accueillie.
Maintenant j’ajouterai quelques mots en réponse à M.
le ministre de l’intérieur. J’établirai d’abord un point qu’il importe de
constater, c’est que le chiffre proposé par M. Gendebien n’a pas pris naissance
dans sa tête ; et si on veut nous opposer le gouverneur du Hainaut qui ne
demande, dit-on, que 2,000 fr., nous opposerons à cela la lettre de la
députation du Hainaut, signée par les membres de cette députation et par le
greffier provincial, établissant les besoins de l’administration de cette
province et la nécessité d’une allocation non pas de 4, non pas de 10, mais de
12 mille et quelques cents francs.
Une remarque à laquelle M. le ministre de l’intérieur
n’a pas répondu, c’est qu’en matière de budget il faut voir non pas seulement
l’économie dont je suis toujours partisan, mais encore toutes les exigences du
service. Le budget doit satisfaire à toutes les exigences du service, et si M.
le ministre de l’intérieur ne faisait pas des propositions dans ce sens, il
manquerait au devoir de sa position.
Quand un honorable collègue, député de Gand, témoin du
travail forcé des employés de la province du Hainaut, en a fait l’observation,
ce n’était pas une voix guidée par des intérêts de localité, c’était une voix
étrangère, juste et consciencieuse.
Je mettrai sous les yeux de la chambre un document
qu’il importe d’ajouter à ceux produits par l’honorable M. Gendebien. Le
chiffre accordé pour l’administration provinciale du Hainaut est le même depuis
plusieurs années. Voulez-vous connaître la progression ascendante des affaires
? La voici :
En 1832, alors que le personnel des employés était le
même, le nombre des affaires expédiées dans le Hainaut était de 7,429. En 1836,
le nombre des affaires expédiées a été de 11,097 ; et en 1837, il est
présumable qu’il atteindra 14,000. Comment peut-on concevoir qu’il soit
possible de suffire aux besoins de l’administration, avec le même personnel,
quand le nombre des affaires est doublé ?
En définitive la question est celle-ci : Voulez-vous
que l’administration des affaires marche ou ne marche pas dans la province du
Hainaut ? Si vous voulez qu’elle marche, augmentez le subside ; si vous ne
voulez pas qu’elle marche, conservez le chiffre du ministre.
Il est une
observation que je tiens à faire en réponse au ministre de l’intérieur. Il
disait tout à l’heure que les employés étaient plus rétribués dans le Hainaut
que partout ailleurs : c’est que partout ailleurs on trouve des
expéditionnaires surnuméraires ; ils voient une espèce d’avenir devant eux en
entrant dans l’administration, et ils consentent à devenir expéditionnaires
même gratuitement ; mais, dans le Hainaut, on ne trouve pas d’expéditionnaires
gratuits ; les sujets manquent à l’administration. C’est à ce point que depuis
plusieurs mois on n’a pas trouvé un candidat présentable pour être chef de
division des mines. Depuis huit mois le chef de division est mort, et on ne
peut le remplacer. Voilà des faits qui parlent d’eux-mêmes ; et je défie le
ministre de les contester. La chambre ne saurait hésiter à accorder le chiffre
que nous demandons.
Tout à l’heure un honorable membre me faisait cette
remarque que l’on doit joindre à celles qu’a présentées M. Gendebien : c’est
que dans le Hainaut le nombre des communes est considérable, ce qui est une
cause d’augmentation de travail. Autant il y a de communes, autant il y a de
budgets et de comptes à examiner. Mais il y a plus, c’est que dans le Hainaut
il y a plus de villes que dans les autres provinces ; or, les villes
correspondent avec l’administration provinciale, tandis que les communes correspondent
avec le district.
Je le répète, vous ne pouvez hésiter à adopter le
chiffre proposé.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux).
- Je dis qu’il serait inouï qu’il y eût crédit ordinaire et crédit
extraordinaire pour l’administration provinciale du Hainaut ; il ne peut y
avoir qu’un seul article pour chaque administration provinciale. En résumé,
j’assume sur ma responsabilité ce qui est relatif à l’administration du
Hainaut. Les fonds accordés à chaque administration provinciale se confondent
dans un chiffre global, et l’on pourra, au besoin, donner aux employés du
Hainaut, et par forme de transfert, ce que d’autres litteras laisseront de
disponible. Je ne crains pas les suites du rejet de l’amendement, mais je
craindrais les suites de l’adoption du principe qu’on tend à établir.
- La chambre ferme la discussion.
M. le président. - M. le ministre de l’intérieur propose la question
préalable sur l’amendement de M. Gendebien ; je vais la mettre aux voix.
L’appel nominal est demandé.
54 membres sont présents.
32 adoptent la question préalable
22 en votent le rejet ;
2 s’abstiennent de voter.
En conséquence, l’amendement est écarté.
Ont voté la question préalable : MM. Beerenbroeck, de
Langhe, de Longrée, de Meer de Moorsel, Demonceau, de Nef, Desmanet de Biesme,
de Terbecq, de Theux, d’Huart, Eloy de Burdinne, Ernst, Heptia, Keppenne,
Lejeune, Liedts, Maertens, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Pirson, Raikem, Rogier,
Scheyven, Simons, Smits, Ullens, Verdussen, Vergauwen, Peeters.
Ont voté contre la question préalable : MM. Corneli,
David, de Puydt, de Renesse, Desmet, Doignon, Dolez, B. Dubus, Dumortier,
Duvivier, Gendebien, Lecreps, Meeus, Pirmez, Raymaeckers. Seron, Trentesaux, Troye, Vandenhove, Van Hoobrouck,
Van Volxem, Verhaegen, Zoude.
M. F. de Mérode. - Je me suis abstenu parce que d’un côté il me
semble nécessaire d’augmenter les frais de l’administration de la province du
Hainaut, et que d’un autre côté la proposition sort entièrement des règles que
l’on suit dans les budgets, et que je trouverais un grand inconvénient à
méconnaître nos règles ; ainsi je n’ai pu ni la repousser ni l’admettre.
M. Desmaisières. - Je me suis abstenu parce que, dans mon opinion, on
ne pouvait délibérer sur cet amendement, attendu qu’un amendement semblable de
M. Dumortier avait été rejeté ; je ne pouvais pas non plus adopter la question
préalable, parce que je suis convaincu que l’amendement proposé par M.
Gendebien est tout à fait nécessaire.
- La séance est levée à 5 heures.