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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 11 décembre 1837

(Moniteur belge n°346, du 12 décembre 1837)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse procède à l’appel nominal à une heure.

M. B. Dubus lit le procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse fait connaître l’objet des pièces suivantes adressées à la chambre.

« Le conseil communal de Wiltz demande que la route de Bastogne vers Ettelbruck soit dirigée par Wiltz. »


« Le sieur F.-M. Mombaerts, marchand-tailleur à Louvain, propriétaire de deux parcelles de terre traversées par le chemin de fer, demande que la chambre intervienne pour amener un arrangement entre lui et le gouvernement. »


« Le sieur F. Malafosse, détenu à la maison de justice de Toulouse, réclame l’intervention de la chambre pour obtenir l’exécution du principe de liberté individuelle qui a été violé dans sa personne par son extradition consentie par le gouvernement. »


« Des négociants détaillants de Courtray adressent des plaintes contre les ventes à l’encan de marchandises neuves. »


« Le sieur J. Jamotte, détenu dans une maison de correction à Louvain, se plaint d’une violation de liberté individuelle commise sur sa personne. »


« Le sieur P.-G. Schvoovaerts, à Bruxelles, demande le paiement de l’indemnité que les tribunaux lui ont allouée du chef des pillages en avril 1834. »


« Des extracteurs de houille des communes de St-Ghislain, Quaregnon, Jemmapes, et Cuesmes, et des ouvriers charbonniers, réclament contre les pétitions tendant à obtenir l’entrée des houilles étrangères. »


« Des industriels de Liége demandent l’introduction en franchise de droits des houilles étrangères. »

« Même pétition des industriels et habitants de Gand, et d’un grand nombre d’habitants d’Enghien. »


« Le conseil communal de Grand-Halleux demande la construction de la route projetée de Stavelot à Diekirch. »


« Le sieur H. Dieu, né Français, et habitant la commune de Cerfontaine (Liége), demande la naturalisation. »

« Le sieur Nicolas Thorné, musicien au 11ème régiment de ligne, né en Prusse, demande la naturalisation. »


M. Bekaert-Baeckelandt. - Parmi les pétitions dont M. le secrétaire vient de faire l’analyse, il en est une de la plus haute importance et qui mérite de fixer toute notre attention. C’est celle de négociants et marchands de la ville de Courtray qui sollicitent de la législature des mesures promptes et efficaces qui mettent un terme aux ventes à l’encan de marchandises neuves ; ventes qui sont une véritable calamité pour le commerce. Déjà un grand nombre de semblables demandes sont arrivées à la chambre, et ces réclamations pressantes qui surgissent de toutes parts, prouvent à l’évidence combien les intérêts du commerce sont lésés, et combien il est urgent d’y remédier. Je rends grâce à la sollicitude du gouvernement qui, prenant l’initiative, a réuni une commission chargée d’aviser aux moyens de satisfaire aux exigences du commerce ; mais s’il est vrai que cette commission se soit bornée à une proposition unique, celle d’augmenter les droits d’enregistrement pour l’espèce de ventes dont il s’agit, je n’hésite point à déclarer que je ne vois là qu’une mesure secondaire et par trop impuissante pour atteindre le but qu’on se propose. J’ai l’intime conviction qu’une disposition prohibitive est la seule qui, dans l’occurrence, puisse opérer efficacement et avec succès.

En effet, qui sont les commerçants qui se décident à faire vendre leurs marchandises à l’encan ? Incontestablement ce sont ou ceux qui, ne jouissant que d’une confiance très limitée, sont obligés de remplir un engagement pour maintenir leur crédit chancelant ; ou ceux qui, déjà au-dessous de leurs affaires, font des efforts pour retarder l’instant de leur faillite ; ou ce sont enfin ceux qui ont en vue de dépouiller leurs créanciers. Eh bien les uns et les autres, sans autre ressource pour réaliser dans le besoin qui les presse, s’arrêteront-ils devant une augmentation de frais, quand ils sont disposés à braver les pertes immenses que la vente à l’encan leur fera subir ? Certainement non.

L’expérience de tous les jours enseigne que, plus un débiteur est gêné, moins il recule devant l’énormité du sacrifice. Toutes les conditions auxquelles il peut obtenir de l’argent, il les accepte avec empressement, et c’est ainsi que, dans l’espoir, sinon de se relever, au moins d’améliorer momentanément sa position, il ne craint point de recourir à des moyens qui doivent accélérer sa ruine. Je propose donc le renvoi de cette pétition à M. le ministre de l’intérieur, et je fais des vœux pour qu’il veuille la prendre en sérieuse considération.

M. de Muelenaere. - J’ai eu l’honneur de faire partie de la commission à laquelle vient de faire allusion l’honorable préopinant. Dans cette commission tous les membres ont été unanimement d’avis que l’abus des ventes à l’encan de marchandises neuves, manufacturées et fabriquées, devient un mal pouvant porter préjudice au commerce, aux détaillants et aux boutiquiers. Tout en voulant atteindre le même but, vous sentez que dans une réunion de plusieurs membres il doit y avoir eu divergence d’opinions sur les mesures à prendre.

La commission n’a formulé aucun projet ; elle a examiné les moyens proposés par un membre et par M. le ministre de l’intérieur lui-même. Mais avant que le gouvernement soumît aucun projet à la chambre, la commission a invité M. le ministre de l’intérieur à conférer avec le département des finances sur l’effet des moyens proposés et en même temps sur les mesures à prendre pour empêcher la fraude dans le cas où l’on s’arrêterait aux moyens proposés.

L’honorable préopinant est entré dans le fonds de la question. Il est évident que quand un projet vous sera présenté, vous aurez à examiner le fonds, et à choisir les mesures les plus propres à empêcher le mal. Mais j’ai cru devoir déclarer que la commission a été unanime pour décider que l’état de choses actuel était un mal et qu’il fallait prendre des mesures quelconques pour l’atténuer.

- Les pétitions relatives aux ventes à l’encan sont renvoyées à MM. les ministres de l’intérieur et des finances.


Les pétitions relatives aux houilles sont renvoyées à MM. les ministres de l’intérieur et des travaux publics.

Les pétitions relatives aux demandes de naturalisation sont renvoyées à M. le ministre de la justice.

Les autres pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.


M. de Puydt. - Je viens de recevoir et je dépose sur le bureau dix-neuf pétitions de quatorze villages du canton de Clervaux, réclamant l’exécution de la route de Stavelot à Diekirch. Pour que l’examen de ces pétitions ne soit pas renvoyé aux calendes grecques, ainsi qu’il arrive des nombreuses pétitions reposant depuis trois ans et plus dans les cartons de la commission, je viens demander que cette commission soit invitée à faire un rapport sur toutes les pétitions relatives à des routes à construire dans le Luxembourg et ailleurs, avant la discussion du budget des travaux publics.

- La proposition de M. de Puydt est adoptée ; en conséquence la chambre invite la commission des pétitions à faire, avant la discussion du budget du département des travaux publics, le rapport sur les pétitions relatives à des routes à construire.

Motions d'ordre

Compte-rendu parlementaire inséré au Moniteur

M. Van Hoobrouck. (pour une motion d’ordre.) - Depuis quelque temps le Moniteur reproduit nos discussions avec une négligence vraiment extraordinaire.

Des circonstances indépendantes de ma volonté m’ont empêché d’assister à la séance de samedi dernier. Dans cette séance a été agitée une question à laquelle je prends intérêt. Je veux parler des encouragements à donner à la culture du mûrier et à l’éducation des vers à soie.

Cette allocation a été vivement combattue par l’honorable M. Verhaegen. Comme l’opinion de ce dernier est pour moi d’un grand poids, j’aurais désiré connaître cette opinion, soit pour la combattre, soit pour fonder ma propre conviction. Je devais croire que je trouverais son discours dans le Moniteur. Mais dans le compte-rendu de la séance de samedi, étant arrivé au milieu et à la partie la plus intéressante de la séance, j’ai trouvé : « La suite à demain. »

Je me consolais en supposant que le Moniteur d’aujourd’hui m’aurait donné la suite du discours de M. Verhaegen ; au lieu de cela, voici ce que j’y lis :

« Dans la suite de son discours, M. Verhaegen rappelle qu’un rapport fait au nom d’une commission, et dans laquelle figurait M. Zoude, n’a pas été favorable à la culture du maïs, et qu’enfin le gouvernement a abandonné les essais.

« Quant à la garantie, il désirerait qu’un droit protecteur fût établi pour encourager les agriculteurs qui la cultivent ; mais pour les vers à soie, il croit qu’on s’en occupe en pure perte. Il n’approuve pas qu’on ait choisi des terres aux environs de Bruxelles dont le prix est élevé, pour y essayer la culture du mûrier, et pour y dépenser en outre de fortes sommes en engrais. Il fait remarquer que l’ancien gouvernement a consacré des centaines de mille francs pour l’éducation des vers à soie, et pour former des pépinières de mûriers dans des terrains qui ne sont pas convenables à cet arbre.

« En résumé, il pense qu’on doit rejeter le chiffre demandé cette année pour le même objet, ce qui produirait au budget une économie de 12,000 fr., et de plus il voudrait que l’on vendît les établissements de Meslin-l’Evêque et d’Uccle, ce qui réaliserait d’assez fortes sommes. »

Vous voyez que le Moniteur s’est simplement contenté de donner l’analyse du discours de M. Verhaegen. Or, ce n’est pas pour nous donner des analyses que nous avons besoin du il. Le il doit donner un compte-rendu exact et complet de nos séances.

Cette négligence est d’autant plus étonnante que c’était hier dimanche, et que par conséquent le Moniteur a eu deux jours pour donner le compte-rendu complet de la séance de samedi.

Je saisirai cette occasion pour faire une autre observation :

Aujourd’hui seulement nous trouvons dans le Moniteur le rapport de M. Scheyven sur le budget de l’intérieur, c’est-à-dire alors que la discussion de ce budget est presque entièrement terminée. Je vous demande de quelle utilité peut être alors cette insertion, surtout pour cette partie du public qui suit nos discussions.

Je crois qu’il aura suffi de signaler ces abus à la sollicitude bien connue de MM. les questeurs, pour obtenir qu’il y soit porté un prompt remède.

M. Verhaegen. - Il est très probable que MM. les sténographes ont cru que j’aurais envoyé les quelques notes que j’avais écrites. J’avoue franchement que j’ai oublié de faire cet envoi. Sous ce rapport donc leur conduite est régulière. Il y a une petite erreur ; ces messieurs m’ont promis de la rectifier. Le il porte :

« M. Verhaegen rappelle qu’un rapport fait au nom d’une commission, et dans laquelle figurait M. Zoude, n’a pas été favorable à la culture du maïs. »

J’ai dit justement tout le contraire. J’ai dit que « ce rapport a été favorable à la culture du maïs. »

Pour qu’on ne m’oppose pas plus tard le Moniteur, j’ai donné un erratum qui sera inséré dans le numéro de demain.

M. Liedts, questeur. - La première observation de l’honorable M. Van Hoobrouck porte sur ce que le Moniteur d’hier ne reproduit qu’une partie de la séance de samedi. Ceci n’est pas nouveau. Il en est ainsi depuis 6 ans, et cela est conforme au contrat passé avec l’imprimeur. Les ouvriers devant travailler tous les jours de la semaine, y compris le jour du dimanche, ont demandé à l’imprimeur (qui le leur a accordé conformément au contrat) que le compte-rendu de la séance du samedi fût divisé entre les numéros du dimanche et du lundi, de telle sorte que le Moniteur n’ayant pas de supplément ces jours-là, il y eût quelques heures de travail de moins pour les ouvriers.

Si la chambre veut qu’il en soit autrement, il faut changer le contrat. Encore faut-il attendre pour cela que le terme pour lequel a été passé le contrat actuel soit expiré.

Quant au rapport sur le budget de l’intérieur, je viens d’apprendre de la bouche de l’honorable M. Scheyven lui-même que le Moniteur a inséré ce rapport aussitôt qu’il lui a été envoyé.

Je crois donc qu’à l’exception du compte-rendu du discours de l’honorable M. Verhaegen, tout a été régulier. Je tiendrai la main à ce que la sténographie ne se borne pas à donner un résumé des discours, et à ce qu’elle en donne un compte-rendu complet.

Je crois que ces explications satisferont la chambre. (Adhésion.)

Contentieux diplomatique liés aux ventes de bois dans la forêt de Grunewald

M. Metz (pour une motion d’ordre.) - Messieurs, le Luxembourg est menacé, dans ce moment, de devenir le théâtre d’un événement extrêmement grave, et je crois, en raison de sa haute importance, devoir en faire part au gouvernement, en présence de la chambre.

Vous savez que près de Luxembourg, près de la ville même, se trouve la forêt de Grünenwald. Lors de la vente des bois du domaine par le syndicat, en 1827 et en 1828, plusieurs lots de bois de cette forêt sont restés invendus. La révolution a trouvé cet état de choses ; et le gouvernement belge s’est mis en possession de ces lots ; elle les a possédés depuis lors comme elle les possède encore aujourd’hui.

Cependant, la feuille d’Arlon, arrivée ce matin à Bruxelles, nous apprend que l’administration grand-ducale vient de tenter de se mettre en possession des lots que possède le gouvernement, et a déclaré que cette tentative serait au besoin appuyée par les baïonnettes de la garnison de Luxembourg. Ce fait, comme je l’ai annoncé, est d’une haute gravité. A l’appui de ce fait, je ferai connaître à la chambre qu’une lettre particulière me fait connaître que le gouvernement est informé de ce fait, que je considère comme une violation du statu quo et des traités qui l’ont établi.

Voici qu’on lit dans cette lettre qui m’a été adressé d’Arlon et que je viens de recevoir à l’instant même :

« L’Echo publie aujourd’hui un fait grave sur lequel vous tenez sans doute à connaître la vérité. Il s’agit de l’exploitation du Grünenwald par l’administration grand-ducale, appuyée par la garnison de Luxembourg. Rien n’est plus positif que cette nouvelle. Le gouvernement civil aussi bien que le gouvernement militaire de la province ont eu connaissance officielle, par une communication de Dumoulin, de la résolution prise par l’administration grand-ducale et des ordres reçus par le gouvernement militaire de Luxembourg de prêter main-forte à leur mise à exécution. »

Je me borne, pour le moment, à faire connaître ce fait important au ministère, si toutefois il n’en est pas informé, comme on a sujet de le croire.

Je pense que la chambre entendra sans doute que l’on prenne toutes les mesures pour assurer l’intégrité du territoire et la dignité du nom belge. (Adhésion.)

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, les faits signales par l’honorable préopinant sont exacts.

Nous avons reçu, en effet, avant-hier, l’information officielle qu’une résolution avait été prise relativement à l’exploitation d’une partie de la forêt de Grünenwald, qui est située dans le rayon de la forteresse de Luxembourg, et qu’au besoin l’autorité grand-ducale pourrait, pour cette exploitation, recevoir appui de l’autorité militaire de la forteresse. Mais le gouvernement a des motifs de croire que cette résolution n’est pas définitive, parce qu’elle est basée sur une erreur de fait.

Nous nous sommes empressés de faire valoir notre opposition et nos réclamations, et de montrer que la Belgique est en possession de la forêt, puisque son gouvernement a nommé et payé les gardes forestiers, et que l’administration grand-ducale n’a pas fait d’acte administratif depuis 1830.

Nous pensons que les représentations que nous avons faites obtiendront leur résultat et arrêteront l’exécution de la résolution qui, nous le répétons, est basée sur une erreur de fait, puisqu’elle suppose que les droits du grand-duc sont incontestés.

Il est d’ailleurs à remarquer que cette exploitation constituerait, de la part de l’administration qui relève du gouvernement néerlandais, une infraction positive au traité du 21 mai, par lequel ce gouvernement s’est engagé envers la France et la Grande-Bretagne à conserver le statu quo dans le grand-duché de Luxembourg. En présence d’un traité formel, il est impossible que l’autorité militaire puisse vouloir appuyer une prétention qui le viole ouvertement.

Par ces divers motifs nous n’hésitons pas à croire que nos réclamations auront l’effet que nous en attendons, c’est-à-dire la conservation du statu quo, ou que rien ne sera innové dans l’état actuel des choses.

M. d’Hoffschmidt. - Le ministre croit, il nous le dit du moins, que la mesure que vient de prendre la diète germanique ne serait pas maintenue, et qu’il avait eu recours aux notes diplomatiques pour qu’on ne lui donnât pas suite ; mais, messieurs, si la diète germanique persiste, quelle sera l’attitude que prendra notre gouvernement ? J’aime à croire qu’alors on ne se bornera pas à recourir aux voies diplomatiques, et que l’on prendra des mesures énergiques ; que l’on emploiera la force, s’il le faut, pour repousser une attaque semblable.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Bien entendu !

M. Dumortier. - La question est certainement bien grave ; et je ne partage pas l’opinion que ce soit par des notes diplomatiques qu’on puisse la résoudre.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Il n’y a pas de faits !

M. Dumortier. - La meilleure manière de résoudre la question, c’est d’envoyer une force assez considérable dans le Luxembourg pour repousser une agression injuste. Nous avons une armée qui nous coûte 44 millions ; eh bien, les militaires seront charmés de montrer que ce n’est pas en pure perte que cette dépense est faite. Que le gouvernement envoie donc 10 mille baïonnettes dans le Luxembourg, et la possession de la forêt sera assurée.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Ainsi que vient de le dire M. le ministre de l'intérieur, il n’y a jusqu’à présent que des projets d’exploitation de la forêt de Grunenwald, Si nous parvenons à empêcher la réalisation de ces projets par les moyens ordinaires, par la voie diplomatique, le pays nous en saura gré ; car il est toujours bon de lui éviter des inquiétudes et des agitations, qui résulteraient de démonstrations qui seraient prématurées.

Si, contre toute attente, on ne faisait pas droit aux démarches que nous venons de faire et qui sont les seules convenables en ce moment, le gouvernement saurait, messieurs, remplir ses devoirs d’une manière conforme à la dignité de la nation. (Approbation.)

Ne troublons donc pas inutilement la tranquillité publique pour une affaire semblable, en lui donnant plus d’importance qu’elle n’en mérite.

M. de Puydt. - Cette espèce d’intervention de la garnison prussienne serait fondée sur le droit qu’elle croit avoir dans la juridiction autour de la forteresse de Luxembourg : mais cette juridiction ne peut s’étendre qu’à 2,000 mètres en dehors de la forteresse ; or, la forêt en est plus éloignée ; la garnison a seulement le droit de s’y promener, mais elle n’a aucun pouvoir à y exercer.

M. Gendebien. - Je demanderai au gouvernement s’il a reçu un avis officiel des autorités administratives de la province de Luxembourg, ou s’il a reçu avis officiel venant du dehors.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Le gouvernement a reçu avis de l’autorité militaire de la forteresse de Luxembourg.

M. Gendebien. - L’affaire est plus grave dans ce cas.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Voici le fait : Le gouverneur militaire de la forteresse de Luxembourg a fait savoir au gouverneur militaire de la province qu’il était chargé par la diète germanique d’appuyer, au besoin, l’autorité grand-ducale dans l’exploitation de la forêt.

Cette notification ne peut avoir été faite au général de Tabor que pour le mettre à même de réclamer. Il suffit donc de démontrer que l’autorité grand-ducale n’a pas droit à l’administration de la forêt, et que cette administration a toujours appartenu à l’autorité belge qui a nommé et payé les gardes forestiers, et qui, depuis 1830, administre tout le territoire dans lequel la forêt est située.

Une première note a été immédiatement envoyée au prince de Hesse par le général de Tabor, en annonçant qu’il en enverrait une seconde dès qu’il en aura reçu des instructions. Le prince de Hesse a dans plusieurs occasions montré de la prudence et de la modération ; aussi je ne doute pas qu’il ne réfère, de son côté, à la diète, et que la diète, mieux éclairée, ne revienne de sa résolution.

M. Gendebien. - Puisque l’avis officiel est émané du commandant de la forteresse de Luxembourg, j’invite les ministres à se mettre en mesure de soutenir nos droits ; ils ont été avertis à temps ; je les prie de ne pas oublier que leur responsabilité est engagée.

Je ferai remarquer aussi au gouvernement que si, en 1833, on avait fait acte de possessions ainsi qu’on l’avait commencé ; s’il avait réellement exploité la forêt, comme il en avait pris l’engagement, il n’y aurait plus de doute aujourd’hui, et l’on ne contesterait pas le fait de notre possession.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - L’exploitation, en 1833, n’a pas été suspendue par rapport à la question de propriété, mais par un autre motif.

M. Gendebien. - Si la forêt eût été exploitée alors, si après avoir fait acte de possession publique par la mise en vente des coupes, on n’avait pas cédé à une protestation, à une menace, nous ne serions pas aujourd’hui dans le cas de repousser la force par la force, pour empêcher qu’on fasse un acte de possession contraire à nos droits de propriété.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Personne ne peut se prévaloir contre nous de ce qui s’est passé en 1833, et en voici le motif. On n’a pas contesté la possession à l’autorité belge dans cette année 1833, et cette possession n’a d’ailleurs pas été abandonnée. C’est l’autorité militaire de la forteresse qui a prétendu que l’exploitation porterait atteinte à ses moyens de défense. Or, la question envisagée sous ce point du vue était d’une tout autre nature.

On peut concevoir que l’autorité militaire soutint qu’il lui était utile de conserver telle partie de la forêt pour la sûreté de la forteresse ; mais, de là à l’administration civile de cette même forêt, il y a une différence du tout au tout. Ces deux questions sont distinctes. Ainsi, en 1833 ni depuis, il n’a rien été préjugé contre les droits de possession de l’autorité belge.

M. Gendebien. - Je viens protester contre le sens donné à mes paroles. Je n’ai pas dit que la diète germanique doive ou puisse se prévaloir de ce que nous n’avons pas exploité la forêt en 1833. J’ai dit seulement que notre possession ne serait pas contestée aujourd’hui. J’espère qu’en 1838 on fera ce qu’on n’a pas eu le courage de faire en 1833.

Projet de loi portant le budget du ministère de l'intérieur de l'exercice 1838

Discussion du tableau des crédits

Chapitre VI. Agriculture, commerce et industrie

Article 4

M. le président. - Nous en sommes au chapitre, VI, article 4, agriculture, dont le chiffre est de 442,000 fr.

A la dernière séance, on a demandé la clôture de la discussion sur cet article, et nous avons d’abord à délibérer sur cette demande.

- La clôture est prononcée, et l’article 4 mis aux voix est adopté.

M. de Jaegher. - Messieurs, je pense pouvoir placer ici une observation qui est relative à l’indemnité accordée pour perte de bestiaux, comme il n’y a pas d’article spécial au budget pour cet objet. J’ai vu, messieurs, dans le rapport de la section centrale qu’une section avait demandé que le gouvernement procédât à la formation d’un nouveau fonds d’agriculture servant à indemniser les cultivateurs qui perdent des bestiaux par suite d’épizooties ; d’après des explications fournies par M. le ministre, la section centrale n’a pas jugé à propos de l’engager à déférer à la demande dont je viens de parler. Je crois que la section centrale a eu raison d’en agir ainsi ; mais, par les détails qui ont été donnés à cet égard par M. le ministre de l’intérieur, je vois que les cultivateurs ne sont indemnisés des pertes qu’ils éprouvent par suite d’épizooties que dans la proportion d’un dixième de la valeur, sauf à ajouter ensuite un tantième au prorata, suivant que les ressources disponibles le permettent.

Je pense que si l’indemnité n’est pas augmentée, elle n’aura aucun effet, et que les sommes dépensées pour cet objet seront dépensées en pure perte. Quel est, en effet, le cultivateur qui, pour un dixième de la valeur de son bétail malade, appellera l’artiste vétérinaire du gouvernement, et s’exposera ainsi à voir ordonner l’abattage de ce bétail et à en voir défendre la vente ? Les cultivateurs trouveront beaucoup plus favorable à leurs intérêts de se défaire immédiatement de leur bétail malade, et ainsi le mal, au lieu de cesser, ne fera que s’étendre et se développer. Par ces motifs, je pense, messieurs, ou qu’il faut allouer un crédit au gouvernement afin que l’indemnité puisse être portée à un taux plus élevé, ou bien qu’il faut employer d’autres moyens pour former un fonds spécial pour cet objet.

Dans tous les cas, il est un inconvénient qui empêche encore d’atteindre le but, c’est que lorsque les artistes vétérinaires du gouvernement sont appelés pour traiter des bestiaux malades, il ne fait pas immédiatement l’expertise de la valeur de ces bestiaux ; c’est seulement lorsque l’état du bétail est jugé assez mauvais pour exiger l’abattage qu’un agent déterminé par les règlements procède à l’expertise ; or, messieurs, je crois que ce n’est pas alors le moment de reconnaître la valeur réelle du bétail lorsqu’il est amaigri, qu’il a dépéri et qu’il est devenu complétement méconnaissable ; il faudrait que l’évaluation fût faite dès le moment où l’artiste vétérinaire est appelé. Je prends la liberté de soumettre ces observations à M. le ministre de l’intérieur, pensant qu’il pourra peut-être en tirer quelque utilité.

Je dois aussi faire remarquer à cette occasion que dans l’arrondissement d’Audenaerde il n’y a pas d’artiste vétérinaire ; cependant si l’épizootie n’a pas continuellement régné dans cette partie des Flandres, elle s’y est pourtant reproduite à plusieurs reprises. Quand nous avons besoin d’un artiste vétérinaire, nous devons recourir à celui qui est établi à Deynze ; il en résulte que parfois cet artiste vétérinaire doit faire un trajet de 6 à 8 lieues avant d’arriver à sa destination, ce qui donne lieu à des frais de route très considérables, Je pense donc qu’il serait de l’intérêt du gouvernement de nommer au plus tôt un artiste vétérinaire à Audenaerde, ou dans le voisinage. Je recommande encore cet objet à l’attention de M. le ministre de l’intérieur.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je crois, messieurs, que les observations de l’honorable préopinant concernent principalement les bêtes à cornes ; or, les bêtes à cornes qui ont été abattues en 1836 pour cause de maladies ont été estimées à une valeur totale de ..., et les sommes payées aux propriétaires à titre d’indemnité s’élèvent à …, ce qui fait à peu près le tiers ; mais comme l’estimation est toujours plus forte que la valeur réelle, je crois qu’on peut admettre que la moitié a été payée. Le dixième dont parle l’honorable membre est ce qu’on paie sur le fonds des non-valeurs aux personnes qui font des pertes de fonds majeures par suite d’accidents.

Au surplus, plusieurs provinces se proposent de créer un fonds spécial pour les épizooties ; déjà le conseil provincial de la Flandre occidentale a pris une résolution dans ce sens, et il ne s’agit plus que de faire le règlement pour l’application de l’impôt qui doit être frappé dans la province pour la création du fonds dont il s’agit ; plusieurs autres conseils provinciaux se sont également occupés de ce objet. Je suis, quant à moi, assez porté à croire que l’établissement de fonds provinciaux pour déraciner les maladies épizootiques et pour donner des encouragements à l’agriculture est une mesure très utile et plus utile même que l’établissement d’un fonds général pour le même objet ; j’espère que les mesures proposées à cet égard par les conseils provinciaux pourront être adoptées en 1838 et que nous verrons alors des améliorations notables.

Quant aux artistes vétérinaires qu’il y aurait à nommer dans certaines localités, je ne demande pas mieux que d’y pourvoir, et je le ferai aussitôt que l’école vétérinaire aura fourni des sujets.

M. Beerenbroeck. - Messieurs, comme je pense que le crédit n’est pas employé d’après la loi qui règle le fonds d’agriculture, je me vois obligé de vous soumettre mes réflexions à cet égard

Par la loi du 6 mars 1816 il a été ordonné que tous les propriétaires de bétail et de chevaux paieraient, pendant les années 1816 jusqu’y compris 1821, une taxe par tête. Le produit de cet impôt devait former un capital dont les intérêts serviraient exclusivement, dit la loi, pour encouragement à l’agriculture, et spécialement à indemniser les habitants qui perdraient leur bétail par suite d’épizootie. Mais comme on s’aperçut que le capital, formé pendant cinq années, était insuffisant pour exécuter ce qu’on s’était proposé, la taxe fut continuée par la loi du 12 juillet 1821 jusqu’en 1825. Vous savez, messieurs, que ce fonds est en Hollande, et il y restera probablement jusqu’à un arrangement avec ce gouvernement, arrangement qui, quant à moi, j’espère, se fera encore longtemps attendre.

Entre-temps le gouvernement continue à payer l’indemnité aux mêmes titres que sous le gouvernement précédent, par la somme de 80,000 francs qui figure à l’article en discussion. J’approuve fortement cette allocation, qui me paraît cependant trop peu importante ; elle est surtout favorable aux petits cultivateurs, puisque par cette somme le gouvernement est à même de venir à leurs secours, et que sans cette indemnité beaucoup d’entre eux seraient dans l’impossibilité de pouvoir remplacer le bétail qu’ils ont été forcés de faire abattre.

Mais depuis la révolution on réclame de ceux qui font valoir leurs droits à l’indemnité une pièce qui me paraît contraire à la loi du 6 mars 1816. Le gouvernement exige la production d’un certificat délivré par le receveur des contributions, par lequel il doit constater que celui qui réclame l’indemnité a contribué à la formation du fonds d’agriculture. J’ai lu la loi du 6 mars avec toute l’attention possible, mais il m’a été impossible d’y trouver cette disposition. Il n’a jamais pu entrer dans l’esprit de ceux qui ont fait la loi de n’indemniser que ceux qui ont contribué à la formation du fonds d’agriculture, car s’il en était ainsi, je voudrais savoir ce que l’on fera des intérêts de ce capital dans peu d’années d’ici ; lorsque ceux qui ont payé seront décédés ; on ne pourra pas en disposer ; est-ce qu’alors le capital restera sans destination ? Vous voyez bien, messieurs, que l’interprétation qu’on a donnée à la loi, n’est pas admissible.

L’inconvénient se fait déjà sentir en ce moment. Un très grand nombre de personnes ont commencé des exploitations depuis 1825 ; ils seront tous exclus du bienfait de la loi qui règle le fonds d’agriculture, d’après le système du gouvernement.

Il est nécessaire encore qu’on fasse disparaître certaines formalités prescrites pour arriver au paiement de l’indemnité. Aujourd’hui elles sont tellement nombreuses qu’il se passe plusieurs mois avant que le paiement parvienne au propriétaire du bétail abattu ; et ainsi disparaissent les avantages de ce secours qui n’est réellement utile que lorsque le petit cultivateur a l’argent pour remplacer de suite le bétail qu’il a perdu.

C’est cet état de choses qui a éveillé, dans la dernière session, l’attention des conseils provinciaux du Limbourg et de la Flandre occidentale. On s’est demandé s’il ne convenait pas d’établir un fonds provincial au moyen d’une taxe à percevoir sur le bétail de la province.

Il ne paraît pas que le gouvernement partage l’opinion de ces conseils provinciaux, puisque je lis à la page 15 du rapport qu’il croit que cette charge incombe à l’Etat. Je serais d’accord avec le gouvernement s’il venait promptement au secours de ceux qui perdent leur bétail, et s’il interprétait la loi comme je l’entends ; mais qu’il ne fasse pas de catégories, qu’il indemnise indistinctement ceux qui ont contribué à la formation du fonds d’agriculture et ceux qui ont commencé des exploitations depuis, car bientôt le nombre de ceux qui seront exclus formera la totalité, et les conseils provinciaux seront forcés de former un fonds provincial.

Je demanderai à M. le ministre quelques explications à cet égard. J’engage également le gouvernement à examiner s’il ne pourrait pas simplifier les formalités que le gouvernement précédent a prescrites et que le nôtre continue, avant de pouvoir obtenir la somme qu’on accorde.

Dans la note que le gouvernement a envoyée à la section centrale, il est dit que « l’indemnité d’abattage est du quart de la valeur ; mais parce que les estimations des experts sont presque toujours exagérées, cette indemnité serait presque de moitié. » Je pense que le gouvernement doit prévenir l’abus des surtaxes par tous les moyens qu’il a à sa disposition ; sinon, il arrivera que l’homme consciencieux sera dupe, et que l’argent passera entre les mains de ceux qui auront trouvé un expert assez complaisant pour estimer le bétail au double de la valeur.

M. Mast de Vries. - Messieurs, je suis d’accord avec l’honorable M. de Jaegher que l’indemnité que l’on paie aux cultivateurs n’est pas suffisante. Mais il y a sans doute une erreur dans une assertion avancée par l’honorable membre ; sinon les choses doivent se passer différemment dans les diverses provinces. Ce n’est pas le dixième de la valeur de la bête, alors qu’elle est sur le point de périr, que l’on paie au cultivateur ; mais l’indemnité est calculée d’après l’appréciation du bétail quand il était en bonne santé, et cette estimation qui est quelquefois un peu enflée est faite par des personnes qui ont connu la bête en bonne santé.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, je dois répondre à l’honorable M. Beerenbroeck que je pense que l’on est dans l’erreur, si l’on croit qu’il faut distinguer entre les cultivateurs qui ont anciennement contribué dans le fonds commun d’agriculture, et les cultivateurs qui n’y ont pas contribué.

En ce qui concerne l’exagération de la valeur, l’autorité provinciale a été invitée à recommander aux experts de ne pas exagérer les valeurs. Mais, malgré toutes les recommandations, il y a toujours une certaine tendance à enfler un peu la valeur dans l’intérêt du perdant.

Je dois ajouter que nous ne sommes en aucune manière opposés à la création d’une taxe provinciale. Le rapport ne fait allusion qu’à une taxe générale. Il restera à examiner, en cas que toutes les provinces adoptent une taxe provinciale, s’il y a lieu à ce que les chambres continuent à faire l’avance d’une somme globale à répartir entre les diverses provinces. Cette question devra être examinée au prochain budget, si tant est qu’en 1838 les conseils provinciaux adoptent généralement la taxe spéciale pour leurs provinces respectives.

M. de Jaegher. - Messieurs, l’honorable M. Desmet m’a dispensé d’entrer dans de nouveaux détails, mais je profiterai de cette occasion pour rectifier une assertion de l’honorable M. Mast de Vries. Il m’a mal compris, lorsque j’ai dit que l’évaluation du bétail malade était mal choisie ; il a cru que j’avais voulu en inférer que l’expert prenait l’état de dépérissement de la bête pour base d’évaluation ; j’ai voulu en inférer au contraire que l’expert, voyant régner une épizootie, jugeait toujours que l’état de dépérissement de l’animal était la conséquence de cette épizootie.

M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, je commencerai par faire observer à M. de Jaegher que lorsqu’il s’agit d’indemnités sur le fonds créé par la loi de 1816, l’estimation se fait par les voisins de l’individu tenant l’animal dont l’abattage a été ordonné ; que ces voisins doivent avoir connu l’animal en bonne santé chez l’individu qui est tenu de le faire abattre ; par conséquent, ils doivent estimer, non pas d’après la valeur que la bête peut avoir au moment de l’abattage, mais d’après la valeur qu’elle avait, lorsqu’elle était bien portante.

Sous le rapport du fonds d’agriculture, qui est destiné à indemniser les cultivateurs de la perte de leur bétail, je crois que l’on a confondu avec le fonds de non-valeurs. Par la loi de 1816, il a été créé un fonds, provenant d’un impôt dont le bétail a été frappé, à l’effet d’indemniser les propriétaires d’animaux atteints de maladie contagieuse. Les commissions d’agriculture, de concert avec les députations permanentes et les commissaires de district, ordonnent l’abattage de ces animaux, lorsqu’il est constant qu’ils sont atteints d’une maladie contagieuse. Eh bien, c’est dans ce cas seulement que les fonds d’agriculture sont destinés au remboursement de la valeur de l’animal.

Ces fonds sont faits ; à la vérité, ils sont restés en Hollande, comme la caisse de retraite des employés y est demeurée. Aujourd’hui le gouvernement paie aux employés les pensions de retraite comme si les fonds étaient en Belgique. Les fonds d’agriculture sont également restés en Hollande ; il n’y a donc pas de motif pour que le gouvernement se refuse à indemniser les propriétaires du bétail dont l’abattage est ordonné ; c’est absolument le même cas.

M. Beerenbroeck. - M. le ministre de l'intérieur vient de dire que l’on indemnise indistinctement tous les cultivateurs, qu’ils aient ou non contribué dans le fonds d’agriculture. Je crois que c’est une erreur, si j’en juge d’après des pièces émanées du gouvernement provincial du Limbourg.

M. Simons. - Messieurs, je n’ai pris la parole que pour confirmer ce que vient de dire l’honorable M. Beerenbroeck ; c’est que pour pouvoir participer au fonds dont il s’agit, il faut absolument produire un certificat constatant qu’on a contribué dans le fonds en question.

Je pense, d’un autre côté, que le gouvernement ne pourrait pas se dispenser de la production de ce certificat. En effet, ce n’est qu’une avance que fait le gouvernement sur le fonds qui est resté en Hollande : le gouvernement ne peut donc faire cette avance que sous les conditions auxquelles le fonds dont il s’agit a toujours été distribué.

M. Scheyven, rapporteur. - Messieurs, l’honorable M. Desmet vous a déjà entretenus de l’épizootie qui règne en ce moment. Vous aurez lu sans doute dans le rapport de la section centrale que la seule province où la maladie règne est la Flandre orientale. Si les renseignements que j’ai reçus sont exacts, la même maladie doit exister dans le Limbourg. Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur s’il a connaissance de ce fait, et s’il a pris toutes les mesures nécessaires pour arrêter le fléau.

Je saisis cette occasion pour faire observer à M. le ministre de l’intérieur que l’arrondissement de Ruremonde, qui m’est particulièrement connu et qui est composé de plus de 80 communes, n’a qu’un seul artiste vétérinaire. C’est dans cet arrondissement que l’épizootie existe ; il serait nécessaire d’y envoyer un ou deux artistes vétérinaires de plus. J’attendrai les explications que M. le ministre voudra bien me donner.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, les maladies dont il s’agit varient ; tantôt elles existent dans une localité, tantôt dans une autre.

L’honorable M. Desmet a de nouveau rappelé ce qu’il a dit dans la session dernière relativement aux maladies qui régnaient suivant lui dans différentes parties du pays. J’ai pris immédiatement des renseignements à cet égard, et ceux que j’ai obtenus étaient complétement satisfaisants ; il en résultait que ces maladies n’existaient presque nulle part. L’honorable membre avait également parle d’un grand nombre de bêtes malades qui auraient été introduites de la Hollande ; j’ai également fait prendre des renseignements à cet égard dans les provinces frontières, et l’on n’y avait connaissance, ni de l’existence en Hollande de ces maladies épizootiques, ni de l’introduction en Belgique d’animaux malades.

Au surplus, messieurs, les gouverneurs des provinces et les autorités locales ont pour instruction de suivre strictement les règlements chaque fois qu’une maladie se déclare dans l’une ou l’autre localité, et ils exécutent ces règlements autant qu’il est en leur pouvoir ; je dis autant qu’il est en leur pouvoir, car ce qui s’oppose surtout à l’exécution complète des règlements, c’est l’insuffisance de l’indemnité, insuffisance qui viendra probablement à cesser bientôt par suite des mesures que se proposent de prendre plusieurs conseils provinciaux. Une mesure à laquelle le gouvernement a eu recours, c’est l’envoi d’artistes vétérinaires dans les diverses localités. C’est la mauvaise construction des étables qui contribue principalement aux progrès des maladies.

Je pense, messieurs, que lorsqu’il y aura des fonds provinciaux, les mesures concernant les épizooties seront appliquées plus promptement et plus efficacement qu’aujourd’hui, et c’est pour ce motif que j’ai toujours désiré la création de semblables fonds plutôt que l’établissement d’un fonds général.

(Moniteur belge n°347, du 13 décembre 1837) M. Desmet. - Messieurs, je dois répondre à M. le ministre de l’intérieur qu’il y aurait de grands inconvénients à l’établissement d’une taxe provinciale. Je crois qu’il est grandement nécessaire d’avoir une taxe gouvernementale qui continue à indemniser les cultivateurs de la perte de leurs bestiaux enlevés par des épizooties ; il faut que la généralisé du pays contribue à cette indemnité, car c’est par l’abattage qu’on doit extirper l’épizootie ; et ici, messieurs, je dois attirer l’attention du ministre que, dans plusieurs circonstances et dans divers pays, on a fait l’expérience que l’épizootie dans le bétail ne se guérit pas, mais que, pour arrêter la contagion et faire diminuer le fléau, le seul remède existe dans l’abattage.

Messieurs, ce que vient de dire l’honorable M. de Jaegher est très exact ; il me paraît qu’au département de l’intérieur l’on croit qu’une épizootie n’existe pas dans le pays. Pour moi, je pense, au contraire, qu’une pareille maladie règne en ce moment avec une grande intensité. Il n’y a pas une semaine que, dans une commune du district de M. de Jaegher, un paysan, qui avait acheté une petite vache sur un marché voisin, la plaça dans son étable, et dans l’espace de 8 jours seulement 24 bêtes périrent.

Ce qui m’étonne, c’est la réponse du département de l’intérieur aux observations de la section centrale qui a demandé des renseignements sur l’existence de la maladie contagieuse dans le pays !

Le département de l’intérieur s’est contenté de répondre que la maladie a régné depuis 1769. Mais tout le monde sait cela ; tout le monde sait encore que la maladie a régné plus tard en 1774 et 1796. Mais ce qu’on demande, c’est qu’on prenne des mesures pour extirper l’épizootie ; lors de son apparition, en 1774, le gouvernement autrichien ne négligea aucun moyen de la détruire : aujourd’hui, l’on semble perdre entièrement de vue cet objet. L’on ne fait pas même observer la disposition du code pénal qui se rapporte aux épizooties, car dans toutes les communes où la maladie règne, le cultivateur ne déclare pas les bêtes qui en sont atteintes.

Messieurs, il me semble que l’on n’apprécie pas assez le danger de l’épizootie qui sévit en ce moment ; non seulement il en résulte une grande perte dans le bétail, mais la santé des hommes mêmes est exposée à de grands dangers. Je puis dire qu’à Gand et à Bruxelles même, il ne se passe pas de semaine où l’on ne débite à la boucherie de la viande corrompue provenant de bêtes qui ont été atteintes de la maladie, et ce, qui me peine le plus, c’est qu’on doit conjecturer que nos troupes sont en grande partie nourries de cette viande corrompue, comme on peut de même soupçonner qu’elle est employée dans les prisons.

La raison en est fort simple, c’est que cette maladie donne des symptômes qu’on peut de suite s’assurer que la bête est atteinte ; alors on se dépêche à la conduire au boucher, et quand on peut réussir que l’abattage se fasse avant que le bœuf ne tombe mort, la viande est livrée à la consommation. On peut que voir la viande est corrompue ; des taches gangreneuses la couvrent, et l’on ne la mange pas moins. L’on conçoit dès lors que la santé des habitants court de grands risques.

Je demande donc avec instance que le département de l’intérieur porte son attention sur cet objet, et je dois le dire, vu l’importance de l’objet, que l’insouciance qu’on y met est grandement reprochable !

(Moniteur belge n°346, du 12 décembre 1837) M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je prendrai de nouveaux renseignements sur l’état actuel des épizooties. Je crois devoir persister dans ce que j’ai dit sur l’utilité d’un fonds provincial. J’ai consulté les administrations provinciales et les commissions d’agriculture sur le projet de société d’assurance contre l’épizootie. Tous les renseignements que j’ai reçus à cette occasion tendent à prouver l’utilité plus grande d’un fonds provincial que d’un fonds général.

Pour que les administrations provinciales soient mises à même d’apprécier l’impôt dont on doit frapper chaque catégorie de bétail, j’ai fait dresser une statistique des chevaux et divers bestiaux frappés d’épizootie pendant une période de plusieurs années, et de la valeur qu’on leur donne, pour frapper chaque catégorie d’une manière équitable. Lorsque ces mesures auront été prises, on atteindra le résultat qu’on peut désirer.

Quant aux mesures à prendre à l’égard du bétail étranger, j’en ferai l’objet d’un examen spécial.

L’attention de l’administration a été appelée par le département de l’intérieur, dès l’année dernière, sur la viande livrée à la consommation des habitants ; on doit veiller à ce qu’on ne vende pas la viande de bêtes infectées de maladie, cela tient à la salubrité publique.

(Moniteur belge n°347, du 13 décembre 1837) M. Desmet. - M. le ministre nous dit, messieurs, qu’il a fait écrire aux gouverneurs relativement à la maladie dont j’ai signalé l’existence, et qu’il a reçu des renseignements satisfaisants. Il n’en est pas moins vrai que la maladie existe, et que les administrations communales n’ont pris aucune mesure pour en arrêter le développement ; je ne veux pas cependant méconnaître que le ministre ait écrit aux gouverneurs de province, mais je ne conçois pas qu’un objet de si grande importance pour la santé des hommes, pour l’agriculture et pour notre commerce de bétail gras, soit vue avec tant d’insouciance. Sous le gouvernement autrichien et français on prenait d’autres soins, et les gouvernements voisins sont aussi loin de ne pas accorder tous leurs soins pour extirper les épizooties.

M. le ministre dit que la maladie se transporte d’un lieu dans un autre ; nous savons cela de reste ; c’est un des caractères principaux de ce fléau : il se transporte ailleurs, et s’éloigne quelquefois de deux à trois lieues d’où il a pris son origine ; mais cela ne répond point contre la contagion de la maladie et contre sa grande et désastreuse propagation.

Mais la maladie ne règne pas uniquement chez nous, elle ravage aussi une grande partie de la Hollande ; c’est pourquoi je demande qu’on veuille établir la marque de santé. Les Hollandais emploient ce moyen ; quand ils savent qu’il existe une épizootie dans les pays voisins, ils ne laissent entrer chez eux aucune tête de bétail qui ne soit pas marquée.

Comme mes instances ont été appuyées par des membres d’autres provinces, je présume que cette fois-ci on y aura quelqu’égard dans le département de l’intérieur, et qu’on voudra bien s’y pénétrer que tout remède médicinal sera infructueux ; car on ne peut pas guérir ces maladies ; il faut de grandes mesures, il faut l’abattage ; mais il ne faut pas que les provinces soient chargées de cela, il faut des mesures générales, il faut que tout le pays concoure à payer les indemnités qu’exigent les abattages ; car c’est dans l’intérêt général, c’est un moyen qui est employé pour arrêter la propagation et préserver des ravages du fléau les autres parties du royaume.

(Moniteur belge n°346, du 12 décembre 1837) M. Eloy de Burdinne. - Le règlement des commissions d’agriculture dit qu’elles se réunissent deux fois par an à l’arrière-saison et au printemps. On a reconnu l’inutilité de les réunir deux fois, sous le gouvernement du roi Guillaume ; alors elles n’étaient plus convoquées qu’une fois à l’arrière-saison pour préjuger l’état des récoltes de l’année ; au mois de mars, on les réunit pour donner l’état des prévisions de la récolte, mais alors elles ne pouvaient pas encore avoir d’opinion, car les avoines, les févéroles, les jardinages ne sont pas encore semés.

Cependant ces réunions ont lieu aujourd’hui, elles entraînent une dépense considérable qu’on pourrait s’abstenir de faire. Ces réunions ont lieu seulement depuis trois ou quatre ans ; avant on les avait considérées comme inutiles et on les avait supprimées.

Chapitre VII. Lettres, sciences et arts ; fonds provenant des brevets ; service de santé

Article premier

« Art. 1er. Lettres, sciences et arts : fr. 347,000. »

La section centrale propose le retranchement du traitement du conservateur de la bibliothèque nationale s’élevant à 7,000 fr.

M. Verhaegen. - Je demande la division de la discussion par littera.

M. le président. - Voici comment se divise l’article premier :

« A. Encouragements, souscriptions, achats, fr. 105,000.

« B. Académie des sciences et belles-lettres, fr. 25,000.

« C. Musée des arts et de l’industrie, fr. 25,000.

« D. Observatoire astronomique, fr. 17,000.

« E. Bibliothèque des manuscrits de l’Etat, dite des ducs de Bourgogne, fr. 25,000.

« F. Académie et écoles des beaux-arts, fr. 41,900.

« G. Conservatoire de musique de Bruxelles, fr. 20,000.

« H. Conservatoire de musique de Liége, fr. 10,000.

« I. Publication des Chroniques belges inédites, fr. 10,000.

« J. Formation d’une collection d’anciennes armes, d’armures, d’antiquités, et de numismatique, fr. 10,000.

« K. Commission des monuments ; frais de route et de séjour des membres de la commission, et autres dépenses nécessaires : fr. 4,000.

« L. Bibliothèque nationale : fr. 35,000. »

« M. Ecole de gravure : fr. 20,000. »

M. Verhaegen. - Je demande la parole sur le littera A, encouragements, souscriptions, achats, 105,000 fr. Loin de moi la pensée de critiquer la hauteur de ce chiffre ; il faut encourager les arts, et il faut, s’il est possible, rendre à la Belgique tout l’éclat dont elle brillait dans les 15ème, 16ème et 17ème siècles ; mais, en allouant des sommes de cent et des mille francs, il faut tâcher d’atteindre le but qu’on se propose. Mais nous pensons que loin d’encourager les arts, on les décourage. Malheureusement nos artistes sont frappés d’un tel dégoût que plusieurs répudient ces prétendus encouragements. J’entends parler de la dernière exposition et de ses résultats. Une commission composée d’artistes distingués a été nommée pour apprécier les divers ouvrages et attribuer à chacun, d’après son mérite, la récompense qui lui est due.

Des artistes ont été désignés pour obtenir la médaille d’or, d’autres pour obtenir la médaille d’argent, ainsi de suite. Il paraît, si les renseignements qui me sont parvenus sont exacts, que des artistes désignés pour la médaille d’or ont obtenu la médaille d’argent, tandis que ceux désignés pour la médaille d’argent ont obtenu la médaille d’or. Il en est résulté qu’un de nos plus fameux peintres d’histoire, à qui on avait envoyé la médaille d’argent, n’en a pas voulue ; il est arrivé qu’un de nos artistes les plus distinguées, dont les connaisseurs ont pu admirer la belle Madone, s’est contenté de recevoir ce qu’on lui avait offert, mais elle a eu le regret d’apprendre par la suite que son chef-d’œuvre se trouvait déposé dans une alcôve de l’école militaire. D’autres fois des ouvrages remarquables, au lieu de figurer dans des établissements publics, sont relégués dans l’antichambre d’un ministre.

Tout cela n’est pas fait pour encourager les arts. Cependant nous voulons les encourager, mais jamais ou ne nous verra refuser les fonds demandés pour arriver à ce but ; mais il faut que ces fonds soient productifs et ne tournent pas contre les arts eux-mêmes ; il faut de la justice distributive, et quand une commission est nommée pour apprécier le talent des artistes, on ne doit pas s’écarter du travail de ces commissions. M. le ministre voudra bien nous donner des explications sur ces diverses observations. Elles sont d’autant plus nécessaires que depuis longtemps le public les attend.

Dans cet état de choses, on avait voulu parer à des inconvénients qui depuis longtemps étaient signalés. L’esprit d’association qui en maintes circonstances a montré qu’il pouvait beaucoup, s’était aussi montré dans cette occurrence. Un projet d’association sur un très grand pied avait été fait ; il s’agissait d’une société générale belge pour l’encouragement des beaux-arts. Si ce projet avait pu recevoir la sanction du gouvernement (car les auteurs avaient pensé, comme il s’agissait d’une société anonyme, qu’il fallait l’approbation du gouvernement pour pouvoir marcher) ; si le projet avait obtenu cette sanction, on aurait atteint le but que se propose le gouvernement, on aurait pu opérer une économie en faisant un grand bien au pays.

La demande d’autorisation a été faite depuis longtemps ; l’administration des beaux-arts renvoie, pour avoir des renseignements, à l’administration du commerce ; l’administration du commerce renvoie à l’administration des beaux-arts, et bref, celui qui demande l’approbation de ses statuts n’obtient rien.

Les mesures prises par le gouvernement n’ont pas rempli le but ; au lieu d’encourager les arts, il les décourage, et quand on veut s’associer pour parer à cet inconvénient, il vous oppose des entraves, il vous met dans l’impossibilité d’agir.

Voilà ce que j’ai cru devoir faire observer sur le paragraphe premier ; M. le ministre voudra bien nous donner des renseignements. Je n’ai rien à dire sur le chiffre.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - L’observation qui vient d’être faite sur les médailles décernées à la suite de l’exposition auraient mieux trouvé leur place dans la discussion du budget de 1837, qui a suivi la distribution de médailles faite après l’exposition de 1836 ; j’aurais été à même de donner des renseignements pertinents ; aujourd’hui, je n’ai pas conservé un souvenir assez exact du nombre des médailles données et des motifs particuliers qui ont porté le gouvernement à apporter quelques changements aux propositions de la commission ; mais ces modifications n’ont été faites qu’après avoir pris des renseignements auprès de personnes très compétentes pour donner leur avis sur cette matière. Il est arrivé ce qui arrive souvent quand une commission est chargée de faire les propositions, on a proposé un grand nombre d’encouragements du premier degré ; si tous étaient accordés, on mettrait au même niveau des artistes qui n’ont pas un talent égal. Les premières médailles perdraient par là même de leur prix ; mais je pense que les modifications apportées aux propositions de la commission peuvent être très bien justifiées. Si j’avais été induit en erreur, c’eût été par des personnes qui étaient à même d’apprécier les questions qui se présentaient.

En ce qui concerne le placement de quelques tableaux acquis par l’Etat, la chambre n’ignore pas que le gouvernement ne possède pas de local, qu’il cherche le moyen d’en avoir un convenable, et qu’une demande a été faite de sa part à la régence de Bruxelles. Jusqu’à présent cette demande, faite depuis plus d’un an, est restée sans réponse. Elle avait été accompagnée d’un plan dressé par l’architecte Suys. Quand nous aurons une réponse, nous serons à même de voir de quelle proposition nous pourrons saisir les chambres pour avoir les locaux dont le besoin est généralement reconnu.

Il a déjà été répondu que les tableaux placés dans les ministères n’y étaient que provisoirement, en attendant que l’Etat eût un local où on pût les réunir.

Je ne pense pas devoir entrer en explication sur le projet de société dont on vient de vous entretenir. Si l’auteur a une confiance absolue dans son projet, rien n’empêche de constituer sa société en commandite ; cette voie est ouverte à tous, sans qu’il soit besoin de demander l’autorisation du gouvernement. D’un autre côté, s’il croit que l’approbation du gouvernement ne soit pas nécessaire pour constituer une société anonyme, qu’il le fasse ; les questions qui pourraient s’élever sur les effets de la société constituée en anonyme sans l’autorisation du gouvernement, sont du ressort des tribunaux. Mais nous avons cru que dans l’état où ce projet nous a été présenté, nous ne pouvions pas assumer la responsabilité de l’approbation.

M. Liedts. - J’avoue que les plaintes dont la distribution des médailles a été l’objet, eussent mieux trouvé leur place au budget de 1837 ; mais ces plaintes, pour être un peu tardives, ne produiront pas moins leur effet, j’espère. Il n’est que trop vrai que le gouvernement s’est écarté des propositions de la commission qu’il avait instituée pour fixer son choix. Il en est résulté un affront pour le gouvernement.

Il est tel artiste qui, parce que son sujet ne plaisait pas au directeur des beaux-arts, à M. le ministre ou aux agents qu’il avait chargés de diriger son choix, bien que la commission l’ait présenté pour une médaille d’argent, n’a reçu qu’une médaille de bronze. Qu’en est-il résulté ? C’est que cet artiste, et je l’approuve, a cru de son honneur de la renvoyer au gouvernement. Il a exposé ce tableau à la grande exposition de Paris. Savez-vous quelle a été sa récompense ? Une médaille d’or. Voilà la récompense qu’un de nos artistes a dû aller chercher à l’étranger. Je ne désire pas seulement que M. le ministre ne s’écarte pas à l’avenir des propositions de la commission qu’il constituera pour juge, mais je désire encore qu’il ne divise pas nos artistes en trois classes ; cela peut être très bien pour les élèves dans un collège, mais non pour des artistes. Il n’appartient pas au gouvernement de dire à l’Europe : Nous avons trois classes d’articles M. un tel est de la première ; M. un tel de la seconde et M. un tel de la troisième. Laissez au public, juste appréciateur du talent des artistes, le soin de les juger ; et ne dites pas : M. un tel est un artiste de premier, deuxième ou troisième rang, parce qu’il a exposé cette année un tableau qui plaît ou déplaît à celui qui est chargé de fixer le choix du gouvernement.

Messieurs, dans toutes les circonstances analogues je désire que le gouvernement suive l’exemple de la France. Que le gouvernement soit juge de la capacité et des talents lorsqu’il s’agit de conférer un emploi public, tout le monde doit comprendre que seul il est apte à cela, parce qu’il peut seul recueillir les renseignements nécessaires pour savoir quel est l’homme le plus capable. Mais lorsqu’il s’agit d’objets d’art, je l’engage à s’en rapporter à une commission d’artistes ; ce sont là les juges compétents, et ils doivent prononcer sans appel en pareille matière. A Paris, la commission est composée de membres de l’institut, et i n’y a pas d’exemple que le gouvernement ne se soit pas conformé à ses propositions.

Voilà les observations que j’ai cru devoir faire pour appuyer la plainte de l’honorable M. Verhaegen .

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - L’honorable membre qui vient de parler va même plus loin que l’honorable M. Verhaegen. Il prétend qu’il ne faut pas admettre de classifications ; de sorte qu’il n’y aurait qu’une seule espèce de médailles pour les artistes à récompenser, ou plutôt qu’il ne devrait pas être décerné de médailles, car autrement ceux qui n’auraient pas obtenu de médaille auraient à se plaindre. C’est là un système nouveau. Pour l’exposition des produits de l’industrie, le nombre de classes a été plus considérable que pour l’exposition des beaux-arts ; là encore, quoique à cette occasion nous ayons suivi en tout point les propositions de la commission, plusieurs industriels ont refusé de recevoir la médaille ; cela n’a rien d’étrange et cela se représentera ; chaque fois que des récompenses seront décernées, il y aura toujours des artistes et des industriels mécontents.

Mais je dois revenir sur les propositions de la commission des beaux-arts. Cette commission avait dépassé les instructions qui lui avaient été données par le gouvernement. D’après ces instructions, le nombre des médailles devait être très limité ; au contraire, la commission a proposé un très grand nombre de médailles ; elle s’est donc écartée du système que le gouvernement se proposait de suivre. C’est ainsi que pour ne pas contrarier davantage les propositions de la commission, il a été même accordé un si grand nombre de médailles.

Je dois aussi repousser la charge que l’on veut faire retomber sur le directeur des beaux-arts au ministère de l’intérieur ; car je dois affirmer que c’est d’après les instances d’artistes de premier mérite que j’ai apporté des modifications aux propositions de la commission. Il m’a été assuré que si j’adoptais ces propositions, ce serait déprécier les médailles.

Je regrette d’avoir dû entrer dans ces explications ; mais j’ai cru les devoir à la vérité.

Le littera A : « Encouragements, souscriptions, achats, » est mis aux voix et adopté avec le chiffre de fr. 105,000.


« B. Académie des sciences et belles-lettres : fr. 25,000. »

- Adopté.


« C. Musée des arts et de l’industrie : fr. 25,000. »

M. Dumortier. - Chaque année je suis venu réclamer contre l’allocation d’une somme de 25,000 fr. au musée des arts et de l’industrie. Une somme de 25,000 fr. vous est demandée encore cette année pour cet objet, et vous savez tous que nous ne connaissons absolument rien de l’emploi de ces fonds.

J’ai toujours pensé qu’en matière d’instruction, il faut encourager ceux qui produisent. Quant à ceux qui sont improductifs, je ne crois pas que nous leur devions d’encouragements. Je regarde les fonds ainsi employés comme perdus, comme onéreux au trésor public.

L’allocation au musée des arts et de l’industrie est tout à fait dans cette catégorie. En quoi consiste ce musée ? En quelques machines insignifiantes. Je ne conçois pas l’utilité de cet établissement ; les 25,000 fr. que vous lui alloueriez seraient vraiment dépensés en pure perte.

Depuis 8 ans nous avons dépensé 200,000 fr. pour cet objet ! Eh bien, je vous le demande, nous qui avons vu cet établissement avant la révolution, quelle différence y voyons-nous ? Que sont devenus ces 200,000 ? Je dis qu’ils sont perdus, et inutilement perdus.

Je vois plus loin dans l’article : « J. Formation d’une collection d’anciennes armes, d’armures, d’antiquités, et de numismatique : fr. 10,000. »

Ces objets sont dans le même local, et cela peut être considéré comme ne formant qu’un seul article. Voilà donc réellement 35,000 francs pour des espèces de grands jouets d’enfants. C’est vraiment beaucoup trop cher. C’est commettre une véritable dilapidation que sanctionner un pareil emploi des fonds de l’Etat. Je pense que ces 35,000 francs devraient être rayés du budget ; si je n’en fais pas la proposition, c’est que j’ai peu d’espoir qu’elle fût adoptée par la chambre ; c’est pour cela que je me bornerai à demander sur ce chiffre de 35,000 francs une réduction de 10,000 fr.

Notre collection d’armes offre à mes yeux bien peu d’intérêt. Si vous aviez des armures de Charles-Quint, de Godefroy de Bouillon, à la bonne heure, de tels objets ont un grand intérêt historique ; mais ce n’est vraiment pas la peine d’avoir une collection d’armures lorsqu’on n’en possède que dans le genre de celles confectionnées dans une fabrique de vieilles armures en Belgique même où on vous livre à volonté, selon le goût des amateurs, des armures de 200, de 300, de 500 ans. (Ont rit.)

Est-ce ainsi que nous formons notre collection ? Je le crois fortement, car ces armures n’offrent vraiment aucune espèce d’intérêt.

Si c’est pour avoir des modèles que vous formez une collection, j’aimerais mieux avoir des armures neuves ; elles auraient au moins tout leur lustre quand on les recevrait.

Je le répète, ces armures n’ont aucune espèce d’utilité, c’est une dépense en pure perte. Si vous voulez une collection complète, cela vous entraînera dans des dépenses énormes. Si vous voulez faite une collection incomplète, c’est de l’argent jeté. On prétend que c’est dans l’intérêt des artistes que la collection est entreprise : alors il faut une collection complète. Par exemple, le gouvernement a commandé le tableau de la prise de Jérusalem ; pour l’exécuter, il faudra des armures de toutes les nations ; l’absence d’une seule armure forcera l’artiste à faire des voyages.

Au reste, les artistes ont des gravures des armures de tous les temps, et cela leur vaut mieux que de vieilles armures rouillées. Une collection ne peut donc servir que pour amuser des oisifs et des badauds.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - L’honorable M. Dumortier ne voit aucune utilité dans la collection des anciennes armures ; il est dans l’erreur ; et quand on verra celle que nous formons, on sera généralement satisfait. Ce qu’il y a de certain, c’est que les artistes les demandent parce que cela les dispensera de voyages onéreux. Cette opinion est partagée par les artistes les plus distingués.

En ce qui concerne le musée de l’industrie, je ne crois pouvoir mieux faire, pour vous en faire sentir l’importance, que de vous donner lecture d’un rapport fait le 12 décembre 1836 par la commission du musée ; ce rapport vous fera connaître en même temps comment la commission a administré.

« Bruxelles, le 12 décembre 1836.

« A M. le ministre de l’intérieur.

« M. le ministre,

« Nous avons l’honneur de vous adresser le rapport que vous nous avez demande par votre lettre, 7ème division, n°16478, sur la situation du musée et les améliorations que cet établissement peut recevoir.

« Lorsque la commission administrative du musée des arts et de l’industrie fut instituée en 1831, cet établissement n’était guère qu’un cabinet assez incomplet de physique et de chimie, avec une réunion de modèles de ponts et d’écluses. La commission s’occupa, avant tout, de remplir les lacunes que présentait ce cabinet ; les acquisitions qu’elle fit successivement furent de deux espèces ; les unes se composaient des instruments de précision qui manquaient presque entièrement ; les autres étaient destinées à mettre le musée au courant des découvertes récentes ; parmi les premières nous citerons : la grande balance de M. Sacré, la balance hydrostatique, la pompe pneumatique de Babinet, la balance électrique de Coulomb, le baromètre de Fortin, etc. ; parmi les autres, il nous suffira d’indiquer le diagraphe de Gavard, l’appareil d’Arago pour démontrer le phénomène du magnétisme par rotation, le galvanomètre de Schweiger, le thermo-multiplicateur de Nobili, la pile thermo-électrique de Nobili, la machine électro-magnétique pour montrer que le magnétisme n’est qu’une modification de l’électricité, la syrène acoustique de Cagniard Latour, et d’autres appareils qu’il serait trop long d’énumérer ; les instruments d’un ordre secondaire, mais fort utiles pour la démonstration des phénomènes naturels furent construits dans les ateliers organisés par la commission.

« En même temps la commission fondait une bibliothèque industrielle où les principaux ouvrages de physique et de chimie anciens et modernes vinrent se joindre au Dictionnaire de Technologie, au Traité de mécanique industrielle de Borgnies, au Dictionnaire de physique de Gehler, aux principaux recueils périodiques des pays étrangers, tels que le Philosophical Magazine, le Mechamics Magazine, les Annales de Physique de Poggendorf, celles de Guy-Lussac et Arago, le Journal de Chimie de Schweier, les Annales des mines, le Portefeuille industriel de Pouillet, la collection des brevets d’invention délivrés en France, les Bulletins de la société d’encouragement de Paris, la Revue d’économie politique de Fix, les Annales de la société industrielle de Muhouse, etc.

« En 1834, les collections du musée furent transportées au palais de l’industrie ; cette opération longue et difficile fut exécutée avec beaucoup de bonheur ; pas un instrument ne fut cassé ou endommagé. Cette année, la commission ne put songer à faire des acquisitions nouvelles, toute la somme portée au budget ayant été absorbée par les frais d’appropriation du nouveau local à sa destination. Depuis cette époque, le musée, qui était à peine connu auparavant, a reçu un si grand nombre de visiteurs que la commission s’est vue obligée de ne l’ouvrir au public que le dimanche et les jours de fêtes, et d’y admettre pendant la semaine, seulement, les étrangers.

« La commission, après avoir rempli les principales lacunes que présentait le cabinet de physique et de chimie, a porté son attention sur la collection des modèles pour les arts et l’industrie ; ici se présentait une question de la plus haute importance : le Musée doit-il offrir la réunion complète de tous les appareils employés dans les arts et l’industrie, ou bien faut-il se borner à le doter des machines les plus nouvelles et les plus remarquables inconnues dans le pays, et qui, par leur prix élevé, ne sauraient être acquises par un simple particulier, dans le but d’en étudier tous les détails ? La commission a résolu la question dans ce dernier sens ; elle s’est adressée à plusieurs savants et industriels étrangers, entre autres à MM. Pouillet et Francœur, pour avoir une liste des machines le plus remarquables inventées dans ces derniers temps ; c’est d’après leur avis qu’elle a acquis successivement la roue hydraulique de Poncelet, la collection de soupapes de Philippe, la pompe américaine de Farcot, la machine à aunes de Heilmann ; l’appareil de Roth pour concentrer les sirops à une basse température au moyen du vide formé par la condensation de l’eau d’évaporation, etc. La commission a montré une grande réserve dans le choix de ces modèles, et presque toujours, avant de se décider à faire une acquisition, elle a consulté les hommes de l’art : ainsi M. Philippe, de Paris, avait proposé l’achat d’une machine à faire les roues et d’une autre pour débiter le bois de placage ; ces machines se trouvaient aussi sur les listes envoyées par le directeur du conservatoire des arts et métiers de Paris ; mais la commission, après avoir pris l’avis d’un carrossier et d’un ébéniste habiles, a rejeté ces machines, parce que la première, d’ailleurs très ingénieuse, ne serait pas utile en Belgique à cause du petit nombre de roues dont on y a besoin ; et que, pour ce qui regarde l’autre, les différentes scieries établies à Bruxelles pour débiter le bois de placage suffisaient aux besoins du commerce et ne le cédaient en rien à celles dont on se sert en France et en Angleterre. La commission regarde cette marche comme la plus sûre, et elle espère, M. le ministre, qu’elle obtiendra votre assentiment.

« Le musée ne renfermait aucune machine pour l’agriculture ; par les soins du gouvernement, une collection des machines les plus nouvelles fut acquise en Angleterre ; d’autres, en assez grand nombre, furent achetées à M. d’Omalius-Thierry, et cette année, la commission y a joint deux charrues de M. Detstanche qui avaient reçu l’approbation du jury de l’exposition nationale de 1835. La commission comprend trop bien l’importance de cette collection pour ne pas y donner tous ses soins.

« Dès son installation, la commission avait senti la nécessité d’avoir un catalogue raisonné des instruments que renferme le musée ; ce travail est terminé, et des mesures sont prises pour qu’il soit toujours tenu au courant des acquisitions nouvelles, et mis à la disposition du public.

« Nous avons taché, M. le ministre, d’énumérer rapidement ce qui a été fait jusqu’à ce jour pour le musée. Le cabinet de physique et de chimie offre encore des lacunes qui doivent disparaître peu à peu ; la physique et la chimie sont les bases de presque toutes les industries qui leur sont redevables de leurs progrès. La collection de modèles employés dans les arts et l’industrie doit continuer à s’enrichir successivement des inventions nouvelles qu’il serait utile d’importer dans notre pays. La bibliothèque ne peut pas être négligée ; il faut la tenir au courant des publications qui intéressent les arts, et y réunir les ouvrages théoriques et pratiques qui s’y rapportent. Nous ne doutons pas, M. le ministre que les chambres ne continuent à allouer des fonds pour un établissement aussi utile ; ces fonds, comme par le passé, ne seront employés qu’avec beaucoup de réserve, et nous donnerons tous nos soins pour que le meilleur usage en soit fait.

« Agréez, M. le ministre, l’assurance de nos sentiments distingués.

« Pour la commission,

« Le président Froidmont. »

Voilà les renseignements que j’ai obtenus de la part de la commission, et je crois que la marche adoptée pour compléter le musée de l’industrie est toute rationnelle et toute dans l’intérêt du pays.

Il suffit d’une machine utile pour produire un résultat supérieur à 25,000 fr. Au reste cette somme s’applique à divers objets ; il y a les frais de chauffage, les traitements des employés, les réparations et l’entretien des modèles ; ceux qui composent la collection doivent être dans le meilleur état possible ; puis enfin, il y a les acquisitions.

Je crois que vous voterez l’allocation demandée. Si par la suite des réductions étaient faisables, j’aurai soin moi-même de diminuer le budget.

M. Gendebien. - Je ne puis partager l’opinion de M. Dumortier sur l’inutilité du musée des arts et de l’industrie. Moyennant cette collection recueillie depuis des siècles, car c’est une ancienne collection, tout artiste peut se mettre au niveau des connaissances utiles en son art, en parcourant deux ou trois fois la salle. S’il lui vient une idée qui l’obsède, il est dispensé d’y travailler plusieurs années sans résultat ; en se promenant dans le musée, il peut y retrouver son idée, voir qu’on l’avait déjà conçue. Il peut s’y convaincre des motifs pour lesquels on l’a abandonnée. Voilà en quoi les modèles du musée qu’on qualifie de grands joujoux sont réellement d’une grande utilité pour tous les hommes qui se livrent aux arts et à l’industrie.

Si à cette ancienne collection vous ajoutez tous les ans les instruments d’invention plus récente, on pourra comparer les uns avec les autres et puiser des idées nouvelles dans cette comparaison, car c’est de la comparaison ordinairement que naissent les idées. Je crois donc que dans notre pays, qui est essentiellement industriel, un musée des arts est de la plus grande utilité, et je voterai en conséquence la somme de 25,000 fr., espérant qu’on en fera un bon usage.

Quant aux armures, je partage l’opinion de M. Dumortier ; je crois que dans un petit pays comme le nôtre, il y a d’autres besoins à satisfaire. Nous pouvons très bien nous passer d’une collection d’armures, qui sera d’ailleurs fort incomplète pendant longtemps au moins ; elle serait d’ailleurs souvent l’objet d’onéreuses mystifications ; car, comme le disait fort bien M. Dumortier, on fabrique des armures anciennes.

Cependant sous certains rapports, je conviens avec M. le ministre de l'intérieur qu’un musée d’armures véritablement anciennes pourrait être utile, mais on n’arrivera jamais au degré d’utilité qu’il espère y trouver ; au moins d’ici à longtemps il sera impossible de le compléter : pour être utile, la collection devrait être complète.

Un moyen d’être sous ce rapport utile aux artistes, ce serait d’obtenir de la France et d’autres puissances, s’il est possible, la faveur spéciale de pouvoir faire imiter en carton les anciennes armures qu’elles possèdent. Tout le monde sait qu’aujourd’hui on manie le carton si bien qu’on peut tout imiter dans la dernière perfection. Eh bien, que le gouvernement fasse faire ces imitations ; nous aurons, avec l’allocation d’une seule ou de deux années, la collection la plus complète. Si l’on ne veut pas employer ce moyen, il en est encore un autre : qu’on fasse faire des dessins complétement exacts et l’on aura rendu aux artistes et à la science un plus grand service que celui qu’on leur rendrait en créant à grands frais une collection d’armures qui sera toujours incomplète, et qui portera souvent au ridicule par les mystifications auxquelles elle pourra donner lieu.

M. Liedts. - Messieurs, je suis tout à fait d’accord avec l’honorable M. Gendebien en ce qui concerne le musée des arts et de l’industrie, et si j’ai demandé la parole, c’est pour demander une explication à M. le ministre. Si j’ai bien compris la pièce dont il vient de nous donner lecture, elle se termine par la demande d’une allocation pour la bibliothèque spéciale du musée des arts et de l’industrie : si l’intention de la commission est de former une semblable bibliothèque, je voterai, pour ma part, contre l’allocation. Je crois que nous devons avoir une bibliothèque nationale aussi complète que possible, mais que nous devons nous abstenir de créer autant de bibliothèques spéciales que nous avons d’institutions spéciales. Ainsi, une bibliothèque spéciale pour le musée des arts et de l’industrie, une bibliothèque spéciale pour l’observatoire, une bibliothèque spéciale pour l’académie des sciences, toutes ces bibliothèques spéciales nous amèneraient, dans quelques années, à devoir créer un personnel spécial pour chacune d’elles. Je crois que si nous voulons former une bibliothèque nationale complète, elle prendra déjà une part assez large au budget. J’allouerai volontiers toutes les sommes nécessaires pour mettre la bibliothèque nationale au niveau de l’état actuel des sciences, mais je voterai contre la formation de bibliothèques spéciales.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, la commission n’a point demandé une nouvelle allocation pour la bibliothèque spéciale du musée. Elle dit seulement dans son rapport qu’elle a fait emploi d’une partie du crédit pour acheter les livres qui lui paraissaient les plus utiles au progrès des arts et de l’industrie ; mais il ne s’agit pas ici de créer deux bibliothèques, puisque la bibliothèque nationale se trouvera dans le même local que la bibliothèque du musée ; il ne sera donc pas besoin d’un nouveau personnel pour l’administration de cette dernière. On a seulement laissé le soin de l’acquisition des livres qui concernent spécialement les arts et l’industrie à la commission du musée, qui paraissait le plus apte à décider quels étaient les ouvrages qu’il était le plus utile d’acquérir.

En ce qui concerne les livres de l’observatoire j’avais fait moi-même les réflexions que l’honorable préopinant vient de nous soumettre, mais je dois dire, messieurs, qu’après avoir entendu le directeur de l’observatoire, j’ai changé d’opinion, et que, quel que fût mon désir de ne pas faire cette dépense, j’ai acquis la conviction qu’il est réellement indispensable de former une bibliothèque à l’observatoire ; mais il ne faudra pas de personnel pour cet objet puisque le directeur est lui-même gardien de livres qui, du reste, ne sont pas en très grand nombre.

Quant au cabinet d’armures et d’objets d’antiquités, jusqu’à présent les sommes votées pour cet objet ont été employées à payer la collection acquise il y a trois ans, conformément à ce dont il été fait part à la chambre dont une note jointe au budget.

Cette collection n’est pas encore complète, et la somme de dix mille francs demandée cette année pourra certainement servir à y apporter des compléments très importants. Du reste, j’emploierai tous les moyens les plus économiques possibles pour mettre nos artistes à même d’avoir sous les yeux les objets qu’ils ont besoin de connaître ; je n’ai point non plus la pensée de faire ici un marché d’antiquités sur une grande échelle, parce que je conviens que cela exigerait une dépense énorme et qu’au moins un pareil projet devrait être ajourné ; ce que nous demandons, ce n’est qu’un crédit temporaire pour donner une consistance suffisante à la collection dont il s’agit, et je puis donner l’assurance que la personne qui est à la tête de cette collection s’entend parfaitement dans cette partie ; de manière que nous pouvons être assurés que les dépenses seront faites de la manière la plus utile.

M. Dumortier. - Je suis charmé, messieurs, que les deux honorables préopinants aient appuyé ce que j’ai eu l’honneur de vous dire relativement à la collection d’armures anciennes, car il est évident que cette collection ne sera d’aucune utilité : la collection actuelle consiste en très peu de chose ; si on veut la compléter, il faudra pour cela une dépense énorme, et si on ne la complète pas, elle ne servira à rien ; car il faudra que les artistes fassent un voyage pour une seule armure qui manquerait comme pour toutes celles qu’ils nuiraient intérêt à voir. D’ailleurs, comme l’a fort bien dit M. Gendebien, si l’on veut être utile aux artistes, qu’on fasse imiter les anciennes armures en carton, ou qu’on les fasse dessiner ; c’est là le meilleur moyen de rendre service aux artistes.

Quant au musée des arts et de l’industrie, je le regarde également comme parfaitement inutile ; en effet, de quoi se composent les collections de ce musée ? Elles se composent principalement de modèles en bois d’écluses, de ponts, et d’autres objets de cette nature ainsi que d’instruments de physique ; or, la ville de Bruxelles a un cabinet de physique superbe pour lequel elle fait annuellement de très fortes dépenses ; celui du gouvernement est donc parfaitement inutile.

De semblables collections pourraient encore offrir de l’intérêt si elles renfermaient des machines à l’usage de l’industrie, mais il n’y a pas un seul métier à filer ou à tisser, pas un seul mule-jenny. Il est évident, messieurs, que le crédit destiné au musée des arts et de l’industrie est au moins trop élevé, puisque la commission trouve moyen de fermer une bibliothèque qui lui est parfaitement inutile. A cet égard, messieurs, je partage entièrement l’opinion de l’honorable M. Liedts, qu’il faut rendre la bibliothèque de l’Etat aussi complète que possible, mais ne pas créer des bibliothèques spéciales.

Il importe, messieurs, de bien nous rappeler les faits relativement à l’objet qui nous occupe ; la première année après la révolution, il n’a été alloué, pour le musée des arts et de l’industrie, que 5,000 florins qui devaient servir pour le personnel, l’entretien et l’amélioration de l’établissement ; mais lorsqu’on a dû transférer les collections dans le local actuel, on a demandé comme dépense extraordinaire une somme de 15,000 fr. pour former de nouvelles vitrines. Eh bien, on a continué à porter cette majoration au budget, quoique les vitrines fussent faites, et l’on a fait ainsi d’une dépense extraordinaire une dépense ordinaire, qui est évidemment élevée, puisqu’on l’emploie en partie à acheter des livres.

Je pense donc, messieurs, qu’il faut rentrer dans les termes du crédit primitif ; ce crédit était de 10 à 12 mille francs ; eh bien, je propose 15,000 fr. Pour voir combien cette proposition est fondée, il suffit de comparer le crédit qu’on nous demande pour la bibliothèque nationale avec celui qu’on demande pour le musée des arts et de l’industrie et pour la collection d’armures : le premier, qui est de la plus grande utilité, n’est que de 35,000 fr., et l’autre, qui est complétement inutile, est aussi de 35,000 fr. Soyons conséquents avec nous-mêmes, messieurs ; puisque nous voulons le progrès des sciences, formons une bonne bibliothèque et votons à cet effet toutes les sommes nécessaires, mais ne dépensons pas les fonds de l’Etat en pure perte.

Je voudrais donc, messieurs, reporter une partie du crédit qui est demandé pour le musée des arts et de l’industrie et pour la collection d’anciennes armures sauf le littera qui concerne la bibliothèque nationale ; de cette manière nous pourrions compléter notre bibliothèque qui est encore tellement incomplète que ceux qui veulent s’adonner à un travail quelconque sur l’une ou l’autre branche des connaissances humaines, sont dans l’impossibilité de se procurer les ouvrages qu’ils ont besoin de consulter.

Il vaudrait donc beaucoup mieux attribuer ce fonds à la bibliothèque qui sera une source de productions littéraires et scientifiques, que le destiner à ces armures qui ne produiront jamais rien. Je propose, en conséquence, de réduire le chiffre à 15,000 fr.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, l’honorable préopinant a dit que la collection du musée des arts ne renferme que des instruments de physique ; c’est là une erreur : le rapport que je viens de lire donne la preuve du contraire ; car l’énumération qui y est faite des objets, comprend une quantité d’objets relatifs à la mécanique, à l’industrie et à l’agriculture.

L’honorable membre dit qu’il manque encore beaucoup d’ouvrages, pour qu’on puisse tirer parti du musée de l’industrie. Eh bien, c’est là un motif, non pas pour diminuer l’allocation, mais bien pour la maintenir. Je me réserve d’appeler tout spécialement l’attention de la commission du musée sur la nécessité qu’il y a à faire les acquisitions les plus utiles et les plus usuelles.

En ce qui concerne l’acquisition de quelques livres qui a été faite par la commission, cette acquisition n’est pas inutile, car une bibliothèque de ce genre offre des ressources précieuses à ceux qui se livrent à l’étude des arts et de l’industrie. Il est vrai qu’une partie de l’allocation pourrait être reportée au chiffre destiné à la bibliothèque ; mais le résultat est le même ; puisque le musée et la bibliothèque se trouvent dans le même local, tous les livres que la commission du musée possède ou acquerra par la suite seront déposés à la bibliothèque. Je ne puis pas, en ce moment, proposer la distraction que l’honorable préopinant a en vue, parce que la commission n’a pas été consultée ; mais je m’engage bien volontiers pour le budget prochain à porter au chiffre de la bibliothèque l’allocation destinée à l’achat de livres pour le musée.

J’entends dire que la bibliothèque spéciale du musée est inaccessible ; c’est une erreur. On peut, quand on le désire, consulter ces livres, dont il existe un catalogue.

Je ne puis pas admettre, messieurs, que la collection des objets d’art qui a été formée, soit une mystification. Cette collection est très utile, au rapport des personnes compétentes pour en juger. Au reste, comme j’ai eu l’honneur de le dire, en votant aujourd’hui une allocation pour cet objet, vous ne vous engagez nullement pour l’avenir ; le vote que vous émettrez est un vote temporaire, puisque tous les crédits sont portés au budget de chaque année ; mais certainement la somme de 10,000 fr. que je demande peut être employée très utilement à augmenter la collection qui existe déjà.

Mais, dit l’honorable M. Dumortier, si la collection n’est pas complète, elle est inutile ; c’est là une erreur, car les artistes peuvent avoir besoin de consulter un certain nombre d’objets, sans devoir recourir à tous indistinctement.

(Moniteur belge n°347, du 13 décembre 1837) M. Desmet. - Messieurs, le catalogue que M. le ministre de l’intérieur sa fait dresser des objets déposés au musée des arts et de l’industrie n’est qu’un inventaire insignifiant qui ne donne aucune notion sur ces objets. Je pense qu’au lieu de former cet inventaire, M. le ministre aurait mieux fait de s’en tenir au catalogue raisonné de M. Canzius, qui est très intéressant et qui vous saura initiés à la connaissance des instruments renfermés au musée ; car cette collection précieuse contient bien d’autres objets que les instruments de physique qui se trouvent sur l’inventaire dont le ministre vient de faire lecture.

Quant à la question relative aux armures, je ne m’opposerai pas à l’allocation demandée ; les achats ayant été faits, il s’agit de les payer ; mais je n’entends approuver nullement cet achat, parce que ces armures ne me paraissent être d’aucune utilité, pour les arts et métiers, et je me flatte que dans de pareilles occasions on ne fera plus de telles acquisitions et qu’on fera un meilleur emploi des sommes qu’on laisse à la disposition du département de l’intérieur, surtout dans un moment que notre budget général des dépenses se trouve surchargé, et que les sommes qui sont destinées pour le musée des arts seront uniquement employées pour acheter des modèles de machines, d’instruments et de tous les objets nécessaires pour pouvoir suivre les progrès de l’industrie et des constructions.

(Moniteur belge n°346, du 12 décembre 1837) M. le président. - Voici l’amendement de M. Dumortier :

« Je propose : 1° de réduire le chiffre du litt. C à 15,000 fr.

« 2° De réduire le chiffre des armures de 5,000 fr., et de porter les 15,000 fr., résultat de ces économies, à l’article de la bibliothèque nationale. »

- L’amendement n’est pas appuyé.

M. le président. met ensuite aux voix le chiffre de 25,000 fr. proposé pour le musée des arts et de l’industrie ; ce chiffre est adopté.

Situation du service de santé de l'armée

Rapport de la section centrale

M. de Jaegher. - Messieurs, lors de l’examen qu’elles ont fait du budget de la guerre, plusieurs sections ont exprimé le désir que la section centrale fît, de la question du service sanitaire de l’armée, l’objet d’une investigation spéciale. La section centrale a déféré à ce désir, pour ne pas entraver le budget de la guerre en général ; elle a distrait cette question de son rapport sur le budget ; elle m’a en même temps chargé de vous soumettre un rapport spécial à cet égard. C’est ce rapport que je viens déposer.

La chambre ordonne l’impression de ce rapport.

Projet de loi portant le budget du ministère de l'intérieur de l'exercice 1838

Discussion du tableau des crédits

Chapitre VII. Lettres, sciences et arts ; fonds provenant des brevets ; service de santé

Article premier

M. Gendebien. - Je demande que puisque l’on vient de discuter l’article relatif à l’achat d’armures, l’on mette cet article aux voix. (Appuyé.)

- Le chiffre de 10,000 fr. est mis aux voix et adopté.


« Litt. D. Observatoire astronomique : fr. 17,000. »

M. Verhaegen. - Si je demande la parole, ce n’est pas pour proposer une réduction sur cet article ; nous admettons, au contraire, bien volontiers le chiffre qui a été proposé par le gouvernement. Mais nous venons reproduire une observation de la section centrale qui, je pense, sera accueillie par mes honorables collègues.

Le crédit de 17,000 fr. est destiné, entre autres, au traitement du directeur. Or, je lis dans le rapport de la section centrale :

« Le directeur de l’observatoire ne donne point de cours d’astronomie, et sa nomination sous le gouvernement précédent ne lui impose point l’obligation de le faire.

« La section centrale, en allouant le crédit, appelle l’attention de M. le ministre sur ce dernier objet ; elle a cru qu’il pouvait être utile que le directeur de l’observatoire donnât un cours d’astronomie, surtout pour former des marins. »

S’il est utile d’avoir un observatoire, un directeur de l’observatoire, il faut aussi savoir en profiter. La Belgique peut s’honorer du nom de Quetelet, comme la France du nom d’Arago. Arago à l’observatoire donne un cours public, pourquoi n’en donnerait-on pas à l’observatoire de Bruxelles ? Quelle est la grande utilité d’un observatoire, si on n’y donne pas de leçons d’astronomie ? Sans doute un observatoire présente d’autres avantages, mais le principal c’est l’instruction qu’on peut en retirer.

Quand on donne des appointements, c’est pour qu’on puisse en tirer quelque fruit. La section centrale a sagement observé qu’il serait bon que le directeur de l’observatoire donnât un cours d’astronomie. S’il n’en a pas donné sous l’ancien gouvernement, ce ne serait pas une raison pour que nous ne fissions pas en sorte qu’il en donnât maintenant. Si on a négligé cela jusqu’à présent, il faut espérer qu’on fera mieux à l’avenir. Mais M. Quetelet a déjà donné des leçons d’astronomie, je ne sais trop pourquoi il ne les a pas continuées ; mais si cela entrait dans les vues du gouvernement, je pense qu’il ne serait pas éloigné de recommencer son cours, et qu’il suffirait d’un désir manifesté par le gouvernement pour qu’il le fît.

Je demanderai à cet égard à M. le ministre quelques explications.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - On ne petit pas donner d’assurance sur le cours que l’honorable préopinant et la section centrale désirent voir ouvrir. Tout ce que je puis dire, c’est que je m’expliquerai avec M. Quetelet, et je suis persuadé qu’il est disposé à faire tout ce qu’il jugera utile dans l’intérêt du pays.

M. Dumortier. - Le directeur de l’observatoire, qui est de mes amis, m’a fait l’honneur de me communiquer son arrêté de nomination ; il ne lui impose l’obligation de faire aucune espèce de cours. Nulle part, si ce n’est en France, on ne fait de cours d’astronomie, et si on en faisait un à Bruxelles, il serait suivi par fort peu de personnes ; il pourrait être suivi par quelques marins, mais je ne pense pas que nous ayons beaucoup de marins à Bruxelles.

A Paris, M. Arago donne un cours d’astronomie, mais il a huit ou dix aides, le personnel de l’observatoire de Paris est très nombreux. M. Quetelet n’a qu’un seul secrétaire, son travail est déjà extrêmement fatiguant et on exige qu’il fasse un cours qui serait sans élèves, ce serait une véritable superfluité. J’ai eu les pièces en main et je déclare que l’arrêté de nomination ne porte en aucune façon l’obligation de faire un cours.

M. Quetelet est un homme qui fait honneur au pays, dont la réputation s’étend au-delà de nos frontières, qui a droit à nos égards et mérite toute notre considération, nous ne devons pas l’accabler de besogne inutile, quand déjà il est surchargé de travaux considérables qui font honneur au pays.

M. Verhaegen. - Je ne sais pas si l’honorable M. Dumortier m’a bien compris. J’ai été le premier à rendre hommage au talent distingué de M. Quetelet et à reconnaître que nous lui devons des égards et de la considération, puisque c’est parce que nous sommes convaincus de l’éminence de ses talents que nous voulons en profiter ; que l’honorable préopinant veuille bien nous dire à quoi il nous servira, si nous ne pouvons en tirer de fruit. M. Quetelet a déjà donné des leçons d’astronomie, le fait est constant et ses leçons étaient suivies, non par ses élèves, mais par des personnes distinguées à Bruxelles ; il n’y a pas de raison pour qu’il ne continue pas ce cours qui était apprécié comme il devait l’être.

Je pense qu’il donne aussi à l’école militaire des leçons d’astronomie ; quel inconvénient y aurait-il à donner un cours public à l’observatoire. Je sais que l’arrêté de nomination n’impose pas l’obligation de donner un cours, mais il n’y a pas de nécessité de maintenir l’état de choses actuel si on le trouve mauvais. Nous n’avons pas besoin d’observatoire et de directeur à l’observatoire si nous n’en tirons aucun avantage.

Si jusqu’à présent on n’a pas profité du talent éminent et transcendant de M. Quetelet, ce n’est pas une raison pour qu’on n’en profite pas à l’avenir. J’appelle l’attention du gouvernement sur ce point.

M. Dumortier. - L’honorable préopinant, en reconnaissant le talent de M. Quetelet, vous a dit à quoi servirait d’avoir un observatoire et un directeur de l’observatoire, si on ne donnait pas des leçons d’astronomie. Cela servirait à ce à quoi ils servent dans tous les pays où il y en a : à publier les tables d’observations. L’honorable membre a dit que M. Quetelet avait déjà donné des leçons d’astronomie. Il se trompe. M. Quetelet n’a jamais donné de leçons d’astronomie ; il a donné des leçons de physique au musée, mais quand le musée a été transformé en université, il a cessé de donner son cours. C’était un autre professeur qui enseignait l’astronomie. Il est vrai qu’il enseigne cette matière à l’école militaire ; mais son cours n’a que seize leçons. Ce serait une chose complétement inutile que d’avoir un cours d’astronomie. Je ne vois pas quel en serait le but, si ce n’est de lui faire perdre un temps qu’il pourrait employer d’une manière plus utile dans l’intérêt des sciences, et lorsque déjà il n’a pas assez de temps pour accomplir sa nombreuse besogne.

M. Gendebien. - A la section centrale, nous avons été unanimes pour cette proposition. Je ne nie pas l’utilité de l’observatoire, ni les avantages de ses publications ; mais le nombre des personnes qui s’occupent de ces sortes de choses est si restreint, qu’on pourrait se contenter des observations faites ailleurs, car je ne crois pas qu’elles soient frappées de droits prohibitifs à la frontière.

J’honore autant que qui ce soit le talent de M. Quetelet ; c’est parce que je suis convaincu de l’éminence de son talent, que je veux l’utiliser. Dans un pays positif comme le nôtre, ce n’est pas à la gloriole de pareilles initiatives qu’on s’attache ; une observation faite en Belgique qui n’aurait pas été faite ailleurs, n’aurait pas un grand avantage et serait appréciée ; cependant je désire vivement que M. Quetelet continue la carrière qu’il parcourt avec tant d’honneur et de succès. Mais je le répète, il nous faut quelque chose de plus positif, il nous faut des leçons d’astronomie qui seront plus utiles au pays que toutes les prédictions astronomiques.

M. Dumortier a dit que les cours ne pourraient servir qu’à des marins, et que nous n’avions pas de marine ; c’est là précisément pour moi une raison décisive. D’ailleurs si nous n’avons pas de marins militaires, nous avons une marine marchande, nous accordons des primes de construction de bâtiments de commerce ; pourquoi ne pas instruire les marins qui doivent les monter et les mettre à même de diriger nos bâtiments de guerre, si un jour nous en construisons. Je crois que nous ne pouvons pas faire marcher le système des primes de construction sans une bonne instruction astronomique. M. Quetelet est plus capable que personne de faire les cours nécessaires pour atteindre ce but, c’est pour cela que la section centrale a pensé, à l’unanimité, qu’il y aurait lieu de soumettre ces observations au gouvernement, dans l’espoir qu’il fera les démarches convenables pour qu’il y soit satisfait.

Nous ne voulons pas imposer à M. Quetelet une charge sans une compensation ; mais, en ajoutant une allocation à celle qu’il a déjà, il sera facilement indemnisé.

- Le littera D est mis aux voix et adopté.


« E. Bibliothèque des manuscrits de l’Etat, dite des ducs de Bourgogne, 25,000 fr. »

- Adopté.


« F. Académie et écoles des beaux-arts, 41,900 fr. »

- Adopté.


« G. Conservatoire de musique de Bruxelles, 20,000 fr. »

M. de Behr. - J’ai l’honneur de proposer de majorer de 3,000 fr. le chiffre de 10,000 fr. pour le conservatoire de musique de Liége. Je demande à développer ici mon amendement, parce que mes observations portent également sur le conservatoire de Bruxelles.

M. le président. - M. de Behr a la parole.

M. de Behr. - Liége est la patrie du célèbre Grétry et d’autres artistes d’un grand talent ; le goût de la musique y est généralement répandu, et le conservatoire compte en ce moment des élèves qui donnent les plus belles espérances. La majoration que je réclame fait l’objet d’une pétition adressée au gouvernement et à la chambre ; cette majoration est la même que celle proposée pour le conservatoire de Bruxelles. Ces deux établissements ont été créés au même titre et rétribués sur le même pied ; ils jouissaient de la même protection, et marchaient de pair, lorsque l’équilibre a été détruit naguère en faveur du conservatoire de la capitale, dont le subside a été porté de 10,000 francs à 17,000. Aujourd’hui le gouvernement ainsi que la section centrale vous proposent d’ajouter encore à cette somme celle de 3,000 : pour ma part, je crois la nécessité de cette majoration, mais je trouve juste aussi d’accorder au conservatoire de Liége ce qui est strictement nécessaire à ses besoins. Cet établissement a été fondé par le roi Guillaume à la condition que la moitié de la dépense serait supportée par la caisse municipale.

Le gouvernement s’était réservé la haute direction de l’école, le droit de nommer les professeurs et de faire donner l’enseignement gratuit à cinquante élèves. La ville a rempli les obligations qui lui étaient imposées ; elle a même été au-delà, et en ce moment elle fait construire à grands frais un édifice pour cette institution. Le subside réclamé est destiné à couvrir, au moins en partie, la dépense que nécessité la création de plusieurs classes indispensables, telles que celles de trompette, trombone, ophicléide et contrebasse, que le défaut de ressources n’a pas encore permis d’organiser. On a dit qu’un seul conservatoire suffisait en Belgique, et que pour le rendre digne de la réputation du pays, il fallait y consacrer tout ce qui était alloué pour l’encouragement de l’art musical. Ces objections pouvaient être de quelque valeur dans le principe ; mais les choses ne sont plus entières : il existe des engagements positifs contractés envers les deux établissements, et ces engagements doivent s’exécuter loyalement. Ce serait en quelque sorte les éluder en faisant à l’un des avantages tels qu’ils porteraient préjudice à l’autre, et tourneraient à sa ruine. L’allocation de la somme que je demande est minime pour le trésor et nécessaire à l’existence de l’établissement dont je m’occupe ; elle ne saurait nuire à celui de Bruxelles qui, indépendamment de la munificence royale, continuera à jouir d’une rétribution beaucoup plus forte. Au surplus, je tiens en main le budget du conservatoire de Liége, qui prouve que toutes ses dépenses sont réglées avec la plus sévère économie. Je persiste donc avec confiance dans mon amendement.

M. Dumortier. - Il y a des villes qui ont l’heureux privilège de figurer au budget pour chacun de leurs établissements ; c’est ainsi que la ville de Liége figure dans l’article en discussion pour une académie, une école de beaux-arts et un conservatoire de musique. Cette ville mérite sans doute tout notre intérêt ; mais comme elle a un budget très florissant, il me semble qu’elle pourrait bien faire ses dépenses elle-même.

Je ne demande rien pour la ville que je représente ; mais je me permettrai de la citer comme exemple, et vous verrez comment une ville peut faire beaucoup par elle-même.

La ville de Tournay a une académie de peinture à laquelle l’Etat ne donne pas un denier, et qui produit des hommes qui font honneur à la Belgique. Par exemple, Gallait, dont les tableaux sont admirés en France et en Belgique ; Raghe, premier dessinateur de la reine d’Angleterre ; Decraene, peintre de la reine d’Espagne ; Decraene, architecte ; Renard, Bourla, Payen. Voilà des élèves de notre académie de peinture.

Le conservatoire de musique de Tournay, qui n’a rien demandé à l’Etat et n’en a rien obtenu, a produit les sujets les plus distingués, comme Ghys, Seigne et Bubois, premier violon solo des concerts de Rossini.

Voilà les hommes sortis de l’établissement de la ville de Tournay, qui n’ont jamais coûté un denier à l’Etat. Vous voyez que de tels établissements peuvent produire des hommes de premier mérite, sans demander des subsides. Il ne faut pas accorder des fonds à certaines villes, tandis qu’on n’en accorde pas à d’autres.

Plusieurs membres. - Aux voix ! Aux voix !

M. Raikem. - Je ferai remarquer qu’il s’agit ici d’un établissement fondé en vertu d’un acte que je pourrais qualifier de contrat.

A ce propos, on est venu attaquer les établissements de la ville de Liége ; mais ces attaques sont tout à fait dénuées de fondement.

L’honorable M. Dumortier a cependant voulu faire un reproche à la ville de Liége de ce chef. Mais ces établissements n’ont été formés que d’après des promesses de subsides ; ils ne sont pas exclusivement dans l’intérêt de la ville.

Le conservatoire de musique notamment existait avant la révolution. Il a été établi sur des bases d’après lesquelles le gouvernement aurait certains droits sur l’établissement et subviendrait à la moitié des dépenses. Lorsqu’ils ont été érigés, les conservatoires de Liége et de Bruxelles ont été mis sur la même ligne. Depuis on a augmenté considérablement le subside accordé au conservatoire de Bruxelles. A cet égard nous ne faisons aucun reproche. Nous ne contestons en aucune manière ce subside. Mais nous demandons une augmentation légère, et bien légère en comparaison de celle accordée au conservatoire de Bruxelles ; nous demandons cette augmentation pour le conservatoire de Liège, parce qu’elle est nécessaire à un établissement que cette ville n’a créé que d’après les offres du gouvernement lui-même.

Il ne faut donc point envisager la question comme s’il s’agissait d’un établissement que la ville aurait créé spontanément. C’est d’après l’impulsion du gouvernement qu’il a été formé ; et sans doute, lorsque de nouveaux besoins se font sentir, le gouvernement doit concourir au maintien de la prospérité d’un établissement qui a également droit à toute sa sollicitude.

Maintenant, si on veut faire pour le conservatoire de Bruxelles beaucoup plus de dépenses que pour celui de Liége, ce serait vouloir en quelque sorte faire tomber ce dernier établissement pour lequel de grandes dépenses ont été faites, et pour lequel la commune en fait encore de nouvelles, notamment la construction d’un édifice qui coûtera des sommes considérables.

Il est donc juste d’accorder la légère majoration demandée.

Je ne veux pas abuser des moments de la chambre, parce que je sens que nous sommes pressés de terminer la discussion des budgets.

- Le litt. G. : « Conservatoire de musique de Bruxelles, 20,000 francs, » est mis aux voix et adopté.

Le chiffre de 13,000 francs proposé par M. de Behr au litt. H est mis aux voix ; il n’est pas adopté. Ce littera est mis au voix et adopté avec le chiffre de 10,000 francs.


Les litt. I : « Publication des chroniques belges inédites, 10,000 francs, » et K : « Commission des monuments, frais de route et de séjour des membres de la commission, et autres dépenses accessoires, 4,000 fr., » sont successivement mis aux voix et adoptés.


M. le président. - La parole est à M. Verhaegen sur le litt. L :

« Bibliothèque nationale, 35,000 fr. »

Un grand nombre de membres. - A demain !

M. Verhaegen. - A demain si la chambre le désire, autrement je suis prêt à prendre la parole.

- MM. les représentants quittent leurs bancs.

M. le président. - La discussion sur les articles du budget de l’intérieur est continuée à demain.

Ordre des travaux de la chambre

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - La chambre a mis à l’ordre du jour le budget de l’intérieur et le budget de la guerre. Le général Willmar est indisposé ; il ne pourra de plusieurs jours prendre part à nos discussions ; je propose donc à la chambre de mettre à l’ordre du jour le budget des travaux publics après celui de l’intérieur.

M. Verdussen. - Je crois qu’il est indispensable de mettre à l’ordre du jour après le budget de l’intérieur celui des voies et moyens ; autrement, comme il ne reste que 14 jours pour que ce budget soit discuté par les deux chambres, il ne sera pas possible qu’il soit terminé.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Je ne conteste pas la nécessité de voter les voies et moyens avant le 1er janvier ; mais si pour cela on ne peut pas maintenant s’occuper d’un autre budget, je demanderai pourquoi on a mis le budget de la guerre à l’ordre du jour après celui de l’intérieur.

Je ferai remarquer en outre à l’honorable préopinant qu’il y a, dans le budget des travaux publics, un article qui doit être voté avant le budget des voies et moyens : l’article du chemin de fer.

M. Demonceau. - Le budget des voies et moyens exigera, je crois, plusieurs lois qui devront être rendues ; cependant je ne pense pas que la chambre ait le loisir de voter avant le 1er janvier ces lois que j’ai indiquées en tête du rapport sur le budget des voies et moyens. Quelles seront celles de ces lois qui seront ajournées ? La loi sur les sucres sera-t-elle de ce nombre ? La chambre pourra le décider ; je m’en rapporterai, à cet égard, à sa décision.

M. Gendebien. - Je ferai remarquer que, pour la loi sur les sucres, il est facile d’ajourner au 1er janvier ; il suffirait que le gouvernement présentât une loi transitoire, par laquelle il serait déclaré que la prise en charge ne donnera de droits que ceux qui seront réglés par la loi à intervenir sur la matière. Ainsi il n’y aura rien de préjugé ; tous les droits seront entiers, et vous pourrez discuter après le 1er janvier cette loi, qui est, je crois, celle qui prendra le plus de temps.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Cette proposition me paraît inadmissible. Elle aurait, ce me semble, pour objet de jeter la perturbation dans l’industrie dont il s’agit.

M. Gendebien. - S’il n’y a pas de loi, ce sera encore pis.

M. Eloy de Burdinne. - Bien entendu qu’on terminera le budget de l’intérieur.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - On fait la motion de terminer aujourd’hui le budget de l’intérieur.

M. Eloy de Burdinne. - On nous annonce un discours d’une heure.

- L’assemblée consultée par M. le président décide qu’après le budget de l’intérieur elle s’occupera du budget des voies et moyens.

La séance est levée à 4 heures.