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Chambre des représentants de Belgique
Séance du samedi 18
novembre 1837
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Vérification des pouvoirs d’un membre
nouvellement élu (Peeters)
3) Projet
de loi portant le budget du département de la justice pour l’exercice 1838
4) Rapport sur une pétition relative au remboursement
d’une somme indue perçue par l’Etat au détriment de la province du Hainaut (Gendebien, Dumortier, (+convention
conclue avec la société générale) (d’Huart, Gendebien), d’Huart, Dumortier)
5) Projet de loi portant le budget de la dette
publique et des dotations pour l’exercice 1838. Discussion des articles. Remboursement des cautionnements versés par les comptables à Amsterdam et
partage de la dette belgo-hollandaise (Dumortier, Verdussen, de Brouckere, Gendebien, Dumortier, Gendebien, Dumortier, d’Huart, Gendebien, Ernst, Verdussen, d’Huart, Gendebien, Dumortier, Dumortier, Mast de Vries),
proposition de porter ces remboursements au budget pour ordre (d’Huart, Verdussen, d’Huart, Maertens, de Brouckere)
6) Projet de loi modifiant la procédure devant
la cour de cassation (Ernst)
7) Projet de loi portant organisation de l’école
militaire. Discussion générale (Willmar, Verhaegen, de Jaegher, Willmar), caractère militaire ou mixte (civil-militaire)
de l’établissement (école polytechnique), enseignement organisé aux frais de
l’Etat et concurrence de fait avec les universités (Dubois)
(Moniteur belge n°324, du 20 novembre 1837)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse fait l’appel nominal à 1 3/4 heure.,
M. Kervyn donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ;
la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse fait connaître l’analyse des pièces suivantes, qui
ont été adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« L’administration
communale de Santvliet demande que les victimes de l’inondation soient indemnisées. »
_______________
« Le sieur Hubert Guysen,
à Louvain, demande à être indemnisé des pertes qu’il a essuyées en 1831, par
suite de son service obligé dans la garde civique mobilisée, dont son commerce
a souffert. »
______________
- Ces pétitions sont renvoyées
à la commission des pétitions.
VERIFICATION DES POUVOIRS D’UN MEMBRE
NOUVELLEMENT ELU
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). transmet les pièces relatives à l’élection de M.
Peeters, élu par le collège électoral du district de Turnhout.
- Il est procédé à la
nomination, par la voie du tirage au sort, de la commission chargée de vérifier
les pouvoirs de M. Peeters. Cette commission se compose de MM. de Longrée,
Dubois, Kervyn, Andries, Desmaisières, Keppenne et A. Rodenbach.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DEPARTEMENT
DE LA JUSTICE POUR 1838
M. de Behr, au nom de la section centrale chargée de l’examen du
projet de loi du budget du ministère de la justice pour l’exercice 1838, dépose
le rapport sur ce projet de loi de budget.
- La chambre ordonne
l’impression et la distribution de ce rapport.
RAPPORT SUR UNE PETITION
M. Verhaegen fait un rapport au nom de la commission des
pétitions. (Nous donnerons ce rapport.)
M. le président. - La pétition conclut au renvoi au ministre des
finances avec demande d’explications.
M. Gendebien. - Messieurs, lorsque cette pétition fut présentée à
la chambre, il y a trois semaines, j’ai demandé que le bureau invitât la
commission à faire un prompt rapport, afin que la chambre pût prendre une
décision sur cette pétition en discutant le budget de la dette publique et des
dotations. Il est trop tard maintenant pour obtenir par amendement au budget
des dotations l’acte de justice que le conseil provincial du Hainaut a chargé
sa députation de réclamer. A la première et à la seconde session de l’année dernière,
ces diverses réclamations ont obtenu l’unanimité des suffrages du conseil
provincial.
Il y a trois semaines, je
m’étais borné à demander l’impression de la pétition. Je renouvelle cette
demande, je propose l’insertion au Moniteur.
Je suis persuadé que, quand on aura lu cette réclamation, la discussion sera
facile ; chacun sentira la nécessité de faire promptement justice et d’accorder
à la province du Hainaut ce qu’elle réclame.
M. Dumortier. - La pétition du conseil du Hainaut est de toute
justice. Si l’Etat s’est emparé, dans un moment d’embarras, des fonds
appartenant à la province du Hainaut, il est juste qu’il les rembourse, les
circonstances étant changées, l’Etat n’étant plus dans la même position qu’en
1830. Je pense que la chambre sera unanime pour partager cette opinion.
La question qui se présente
maintenant, c’est celle de savoir comment la proposition pourrait être faite.
Nous avons deux moyens. Le premier serait de ne pas voter définitivement le
budget des dotations avant d’avoir reçu des explications de M. le ministre des
finances ; le second serait de présenter un article spécial au budget de
l’intérieur dans lequel se trouve un chapitre concernant les fonds nécessaires
pour les provinces ; cet article serait relatif au remboursement des fonds
appartenant au Hainaut, dont le gouvernement s’est emparé.
Je demanderai que pour le
moment la chambre ne vote pas définitivement sur la dette publique, jusqu’à ce
que nous ayons un rapport du ministre des finances. Il ne peut résulter aucun
préjudice de ce retard, car le sénat n’est pas assemblé. Nous ne retarderons en
aucune manière la confection de la loi.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - L’honorable
préopinant a tort de dire que le gouvernement belge s’est emparé de fonds
appartenant au Hainaut. Les fonds dont il s’agit faisaient, au 1er octobre
1830, partie de l’encaisse de l’ancien caissier du royaume des Pays-Bas ; ils
sont maintenant compris dans ceux qu’a eus en vue la convention du 8 novembre
1833, en vertu de laquelle l’ancien encaisse a été converti en obligations
belges portant intérêt. Cette convention est déférée au pouvoir législatif ;
vous avez à vous prononcer sur cet acte, et si vous l’admettez, vous aurez une
seconde question à résoudre, celle de la part d’intérêts échus et à échoir au
profit du Hainaut. Vous ne pouvez donc rien décider sur la réclamation de la
députation de cette province, sans vous prononcer en même temps sur la
convention que je viens de rappeler ; car admettre ou rejeter ladite
réclamation serait décider implicitement de l’adoption ou du rejet de cette
convention.
J’ai d’autant plus raison de
dire, messieurs, que l’honorable préopinant se trompe quand il prétend que le
gouvernement s’est emparé des fonds de la province du Hainaut, qu’il doit se
rappeler que la société générale avait toujours refusé de nous reconnaître un
droit sur l’ancien encaisse, et que c’est seulement en 1833 que le ministère
est parvenu à faire quelque chose de ces fonds, à les convertir en obligations
belges, productives d’intérêts, selon les termes de la convention qu’il a
conclue.
M.
Gendebien demande qu’on imprime la pétition ainsi que le rapport qui vient
d’être présenté ; soit ; et si on veut discuter leur objet, qu’on fixe l’ordre
du jour de manière à aborder en même temps la question principale, celle de la
convention de 1833 ; mais toute cette affaire n’a aucun rapport avec le budget
de la dette publique, et y fût-elle d’ailleurs connexe, ce ne serait pas un
motif suffisant pour ajourner le vote définitif de cette loi qu’il importe de
renvoyer au plus tôt au sénat, afin qu’il puisse l’examiner, ainsi que les
autres budgets, avant le premier janvier.
Je n’insisterai pas sur ce
point, parce que M. Dumortier n’a pas proposé d’une manière formelle
l’ajournement du vote sur le budget de la dette publique.
Dans l’état actuel des choses,
et avant de nous expliquer sur le fond de l’objet de la pétition, il convient
de mettre chacun à même de prendre connaissance de pièces, c’est-à-dire qu’il
faut se borner à ordonner l’impression des pièces, sauf à fixer un jour plus
tard pour la discussion.
M. Gendebien. - Je regrette qu’on soit entré dans le fond de la question,
cela me met dans la nécessité de reprendre la parole.
Je sais combien il y aurait
d’inconvénients à retarder le vote du budget des dotations jusqu’à ce que la
chambre ait pris une décision sur la demande de la province du Hainaut. Je crois
ensuite que cette réclamation ne pourrait que perdre à ce qu’on mît de la
précipitation à la discuter ; elle gagnera plus à un examen approfondi, parce
qu’il est impossible qu’on puisse la repousser quand on sera éclairé.
Je demande, dans l’intérêt de
la province du Hainaut, qu’on ajourne la discussion jusqu’à ce qu’on ait pu
méditer la pétition.
Néanmoins, je dois, dès à
présent, répondre à ce qu’a dit M. le ministre des finances ; je regrette, je
le répète, qu’il ait cru devoir entrer dans le fond de la question. Il est
positif que le gouvernement s’est emparé des fonds appartenant à la province du
Hainaut.
Les fonds provinciaux étaient
perçus par le gouvernement en centimes additionnels, versés comme aujourd’hui
dans la caisse de l’Etat, sans aucune distinction. Le gouvernement était le
mandataire des provinces, et il avait lui-même un autre mandataire qui était la
banque. Lorsque la révolution arriva, la province du Hainaut voulut mandater
sur ce fonds commun pour des travaux exécutés en 1829 et 1830. Elle éprouva un
refus, non de la part de la banque, mais de la part du gouvernement, du
commissaire général des finances, M. Coghen, motivé sur ce que l’Etat avait
besoin de toutes ses ressources et ne pouvait disposer de fonds que pour la
dépense commune.
Dans
cet état de choses, il est vrai de dire que le gouvernement s’est emparé des
fonds appartenant à la province du Hainaut, qu’il les a employés à son usage.
Nous avons l’arrêté qui est textuellement conçu dans les termes que je viens de
rapporter. Or, d’après l’article 1996 du code civil, le gouvernement doit
l’intérêt de la somme dont il a disposé ; car tout mandataire doit l’intérêt
des sommes reçues à dater du jour où il en a fait emploi à son usage ; donc à
dater du 2 ou du 6 octobre 1830 au moins, le gouvernement doit à la province du
Hainaut l’intérêt de la somme qu’elle réclame. La réclamation n’a rien de
commun avec les difficultés qui se sont élevées entre l’ancien caissier général
et le gouvernement.
La province s’adresse à son
mandataire ; elle lui dit : vous avez reçu pour moi, peu m’importent les
discussions que vous pouvez avoir avec votre receveur, vous me devez ce que
vous avez reçu ; quels que soient les arrangements que vous preniez avec votre
caissier, ma position ne peut pas changer, c’est à vous, mon mandataire et non
pas à la banque, qui est vôtre, à me rendre compte des recettes que vous avez
effectuées et versées dans sa caisse. Ainsi, les discussions entre la banque et
le gouvernement ne peuvent, en aucune façon, être objectées à la province du
Hainaut. Je crois inutile d’en dire davantage, je me réserve de développer mon
opinion quand la chambre sera saisie d’un projet que je soumettrai à mes
collègues de la province du Hainaut.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - Il est inutile
de prolonger davantage cette discussion. Je ferai seulement observer que la
province du Hainaut n’est pas seule dans le cas dont il s’agit : toutes ou
presque toutes ont à réclamer partie des sommes comprises dans l’ancien
encaisse ; je crois bien que c’est au Hainaut que reviendra la part la plus
forte. Je dis ceci, messieurs, pour vous prévenir que la mesure qu’on réclame
ne sera pas une mesure spéciale pour cette province, mais une mesure générale.
L’honorable M. Gendebien
paraissait croire que j’ai eu l’intention d’aborder le fond de la discussion et
de m’opposer aux prétentions du Hainaut, c’est une erreur ; je suis aussi
d’avis que la province du Hainaut a le droit de récupérer la somme qu’elle
réclame, mais je ne crois pas, comme ministre des finances, pouvoir obtempérer
à sa réclamation aussi longtemps que les chambres ne m’y auront pas autorisé.
M. le président. - Plusieurs propositions sont faites.
La commission a proposé le
renvoi au ministre des finances avec demande d’explications.
M. Gendebien propose en outre
l’insertion de la pétition au Moniteur.
M. Dumortier propose
l’ajournement du vote du budget des dotations jusqu’à ce que M. le ministre des
finances ait fait un rapport sur la pétition.
M. Dumortier. - Je retire ma proposition.
- Les conclusions de la
commission et la proposition de M. Gendebien sont adoptées.
On passe à l’ordre du jour.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DE LA DETTE
PUBLIQUE ET DES DOTATIONS POUR L’EXERCICE 1838
Discussion des articles
Titre premier. - Dette publique
Chapitre III. - Fonds de dépôt
M. le président. - Nous en étions restés à l’article 3. La discussion
continue sur cet article et les amendements de la section centrale, de M.
Zoude, de M. Mercier et de M. Metz.
M. Dumortier. - Lorsque je me levai dans la séance d’hier, je
voulais répondre à l’honorable M. Verdussen, qui, répliquant à M. de Brouckere,
avait commencé par dire que la proposition qui nous était soumise ne tranchait
pas le principe de la question du remboursement des cautionnements dont les
fonds sont en Hollande. Je faisais remarquer que l’honorable député d’Anvers
s’était chargé ensuite de justifier l’assertion de l’honorable député de
Bruxelles, puisqu’il avait reconnu que si tous les titulaires de cautionnements
se trouvaient dans la position de l’amendement, ils devraient être remboursés,
quand même les quatre millions devraient être payes. Ainsi l’honorable M. de
Brouckere avait parfaitement raison de dire que c’est une question de principe
qu’il s’agit de résoudre.
Maintenant notre honorable
collègue M. Verdussen a commis une erreur réelle lorsqu’il est venu dire que
l’Etat n’est pas obéré par une mesure pareille, attendu que ce que vous
rembourserez aux titulaires des cautionnements déposés en Hollande sera versé
au trésor public par les titulaires des nouveaux cautionnements. Cela serait
vrai dans l’état normal. Ainsi que je le disais dans la séance d’hier, dans
l’ordre habituel, lorsqu’un fonctionnaire public qui a déposé un cautionnement
vient à cesser ses fonctions, celui qui le remplace verse un cautionnement
semblable ; de manière que l’Etat est désintéressé dans l’opération.
Mais, ici, la chose est toute
différente ; en effet, si vous adoptez la proposition, qu’en résultera-t-il ?
D’une part vous aurez un débit, d’autre part un crédit. Vous serez débiteurs envers
les fonctionnaires qui verseront des cautionnements dans le trésor public
actuel : si donc il y a 4 millions de cautionnement et qu’ils soient versés
dans le trésor, vous devrez aux titulaires de ces cautionnements les 4 millions
déposés ; d’un autre côté, lorsque vous aurez remboursé les 4 millions dont les
fonds sont en Hollande, vous serez créanciers de cette somme envers la
Hollande. D’où il suit que le trésor public sera à découvert de huit millions
et non de quatre, et qu’ainsi il sera à découvert d’une somme double de celle
qu’il a reçue.
Remarquez que si, d’ici, à
l’époque de la liquidation avec la Hollande, il se présente des circonstances
imprévues, vous en serez victimes. Si nous devons avoir une liquidation
onéreuse, si la Hollande, dont les finances s’obèrent chaque jour, finit par
faire banqueroute, vous en serez pour les 4 millions que vous aurez remboursés.
L’observation de M. Verdussen,
juste dans l’état normal, manque donc d’exactitude lorsqu’on l’applique à
l’état actuel des choses.
Maintenant il faut revenir à
cette question : Devons-nous, ou ne devons-nous pas ? A cet égard je
m’attacherai au droit international sur la matière, à ce qui a été fait par le
traité de Paris de 1814. Vous verrez par là qu’en vertu des principes du droit public
européen, nous ne sommes pas responsables des cautionnements versés en
Belgique, et que c’est la Hollande qui en est redevable.
Lorsque l’empire français
succomba sous la coalition des armées alliées et que la France fut divisée en
diverses parties, les parties séparées de la France furent dans une position
analogue à celle où nous nous trouvons vis-à-vis de la Hollande ; ainsi la
Belgique, qui se sépara de la France, était envers la France, quand à l’objet
en discussion, dans une position semblable à celle où la Hollande se trouve
maintenant vis-à-vis de nous. Il y avait en Belgique beaucoup de fonctionnaires
publics qui avaient déposé des cautionnements et qui avaient droit à leur
remboursement. D’autre part, l’empire français était à découvert des dépenses
qu’il avait faites dans l’intérêt des localités qui se séparaient de la France.
C’est sur ces deux objets que le traité de Paris s’est prononcé et qu’il a émis
des règles que l’équité doit vous faire admettre et que je vais avoir l’honneur
de vous faire connaître.
Voici ce que porte l’article
21 du traité :
« Art. 21. Les dettes
spécialement hypothéquées dans leur origine sur les pays qui cessent
d’appartenir à la France ou contractées pour leur administration intérieure,
resteront à la charge du même pays. Il sera tenu compte en conséquence au
gouvernement français, à partir du 22 décembre 1813, de celles de ces dettes
qui ont été converties en inscriptions au grand-livre de la dette publique de
France. Les titres de toutes celles qui ont été préparées pour l’inscription et
n’ont pas encore été inscrites, seront remis au gouvernement des pays
respectifs. Les états de toutes ces dettes seront dressés et arrêtés par une
commission mixte. »
Voici donc un article qui se
rattache aux dettes hypothécaires, c’est-à-dire aux dettes matérielles, aux
dettes territoriales des localités.
Voici maintenant ce que
stipule l’article 22, relativement aux cautionnements :
« Art. 22. Le gouvernement
français restera chargé, de son côté, du remboursement de toutes les sommes
versées par les sujets des pays ci-dessus mentionnés dans les caisses
françaises, soit à titre de cautionnements, de dépôts ou de consignations
(l’article est bien clair) ; de même les sujets français serviteurs desdits
pays, qui ont versé des sommes à titre de cautionnements, dépôts ou
consignations, dans leurs trésors respectifs, seront fidèlement remboursés. »
L’article 23 stipule ensuite
ainsi qu’il suit :
« Art. 23. Les titulaires
de places assujetties à cautionnement, qui n’ont pas de maniement de deniers,
seront remboursés avec les intérêts jusqu’à parfait paiement, à Paris, par
cinquième et par année, à partir de la date du présent traité.
« A l’égard de ceux qui
sont comptables, ce remboursement commencera au plus tard six mois après la
présentation de leurs comptes, le seul cas de malversation excepté. Une copie
du dernier compte sera remis au gouvernement de leur pays, pour lui servir de
renseignement et de point de départ. »
Cet article est
particulièrement applicable aux notaires et aux fonctionnaires de ce genre qui,
vous le savez, devaient fournir un cautionnement sous l’empire français.
Vous le voyez, ces
dispositions du traité sont conformes à la raison et à l’équité. Le
gouvernement qui est réellement en possession du fonds de caisse du trésor, est
responsable de ce fonds de caisse ; le gouvernement français, à qui ont été
versés les cautionnements, est responsable de ces cautionnements ; de même le
gouvernement hollandais, à qui ont été versés les cautionnements dont il s’agit
maintenant, en est responsable.
Mais quant aux dépenses faites
dans l’intérêt matériel des localités, elles restent à la charge des localités
qui en ont profité. C’est aussi ce qui a toujours été admis depuis la
révolution et admis par la chambre même. Ce que je dis est tellement exact que
dans toutes les liquidations de dettes arriérées antérieures à la révolution,
la chambre n’a jamais admis la liquidation que des dettes contractées pour des
objets dont le bénéfice est resté à la Belgique et a renvoyé à la Hollande les
dettes contractées pour des objets dont le bénéfice a été pour le royaume des
Pays-Bas.
Un membre. - Et les bons du syndicat !
M. Dumortier. - Les bons du syndicat n’ont été payés par la Belgique
que parce que le gage est entre nos mains.
Vous voyez donc que l’on a
raison de dire que cette question est fort importante ; car si vous admettez le
principe de la proposition, non seulement vous aurez à payer 4 millions de
cautionnements et les intérêts (car chacun viendra avec le temps fournir la
preuve que son cautionnement est libre) ; mais vous aurez encore à payer toutes
les dettes contractées en Belgique par le gouvernement des Pays-Bas.
Voyez comme cela vous mènerait
loin, et comme la chambre a eu raison, dans les précédentes discussions, de ne
pas vouloir toucher à cet article.
Si nous avons décidé que nous
devions payer les intérêts, c’est un acte d’humanité et non une reconnaissance
de la dette, comme l’a fort bien déclaré M. Lebeau.
Cela est tellement vrai que,
dans les premières années de notre régénération politique, la rédaction de
l’article avait permis au gouvernement de rembourser les cautionnements en même
temps que de payer les intérêts. Le gouvernement usa de ce droit pour rembourser
4 ou 5 cautionnements ; la chambre se leva pour empêcher la continuation d’un
pareil état de choses, et modifia la rédaction pour empêcher le remboursement
de pareils cautionnements à l’avenir.
Il est donc constant que sous tous les rapports, sous
le rapport du droit international, sous le rapport des conséquences de la
mesure, nous ne pouvons admettre la proposition qui nous est faite. Si vous
l’admettiez, vous poseriez une planche qui serait funeste pour l’avenir, car
vous vous reconnaîtriez comme débiteurs d’une partie des dettes que les
Pays-Bas ont contractées, ce que la chambre a toujours dénié. Et, comme j’avais
l’honneur de le dire dans la séance précédente, il est à craindre qu’une
pareille résolution ne fournisse des armes contre la Belgique relativement au
malheureux événement de l’incendie de l’entrepôt d’Anvers. Si vous tranchez
cette question, vous tranchez toutes les questions d’indemnité, et vous iriez
plus loin que vous ne voulez. Je demande que l’on ajourne cette question
jusqu’à la discussion des questions d’indemnité, parce que toutes les questions
analogues et parallèles seront traitées en même temps.
M. Verdussen. - J’ai en mains le budget de 1832 ; et au chapitre
II, article unique, je vois : intérêts de cautionnements. Il n’est pas dit
autre chose.
M. de Brouckere. - Je voudrais faire remarquer à la chambre que la
discussion est close. Elle est si bien close qu’on en était à la position de la
question. J’en appelle à vos souvenirs : en était-on hier à la position de la
question ? Je ferai une seule observation sur ce qu’a dit M. Dumortier, quant à
la question de principes. M. Verdussen et moi, nous sommes d’accord sur le fond
; s’il y a malentendu, c’est sur un autre point. J’avais dit que de la manière
dont on résoudrait la question des 100,000 francs, résulterait la conséquence
du paiement ou du non-paiement d’une somme de 4 millions : voilà, selon moi, la
question de principe.
En effet, si vous décidez que
les 100,000 francs demandés seront portés au budget, il en résultera que nous
devrons au budget, à titre d’avance, une somme de 4 millions ; et je suis
d’accord, à cet égard, avec MM. Dumortier et Verdussen.
M. Gendebien. - Je ne demande pas mieux que d’éviter de rentrer
dans la discussion ; mais, comme M. de Brouckere lui-même, tout en faisant
observer que le débat était clos, a reproduit l’argument sur lequel on a le
plus insisté hier, je crois qu’il sera permis à un orateur qui ne partage pas
l’opinion des préopinants de parler de la question de droit.
Messieurs, il faut partir de
ce point : il existe entre les fonctionnaires et le gouvernement un contrat
synallagmatique. Le gouvernement a imposé la charge d’un cautionnement aux
titulaires des fonctions ; mais il s’est engagé de le rembourser le jour où le
titulaire, se démettant de ses fonctions, présente un quitus définitif. Le
gouvernement du roi Guillaume, qui a pris cet engagement, l’a pris en notre
nom, aussi bien que des Hollandais ; il l’a pris en un mot au nom de tout le
royaume.
Nous sommes d’abord tenus de
ce chef de moitié dans cette dette ; mais nous sommes tenus à la totalité parce
que c’est le fait de la nation (veuillez-le remarquer) qu’une barrière s’est élevée
entre ceux qui ont versé les cautionnements et la caisse où ils les ont versés
: sans la révolution, le titulaire se fût adressé au trésor public, et, sans
difficulté, son quitus à la main, il eût
reçu, moyennant son contrat, le cautionnement qu’il avait déposé. Est-ce que le
titulaire peut être responsable d’un fait qui n’est pas le sien ? Est-ce que
nous pouvons nous prévaloir de notre fait pour refuser d’accomplir des
engagements résultant d’un contrat synallagmatique ? Il existe un quasi-délit du
fait de la révolution ; et tout le monde sait que celui qui a posé le fait
qu’en droit on appelle quasi-délit, est responsable des suites du fait ; or
c’est la nation qui a fait la révolution, donc la nation doit payer. Cela me
semble excessivement logique.
Maintenant que vous dit-on
pour repousser cette obligation ? Hier on a fait une infinité d’allégations qui
ont été réfutée victorieusement. Aujourd’hui on parle de la liquidation avec la
Hollande ; on nous dit qu’elle pourra être onéreuse, que la Hollande pourra
faire banqueroute. Si la Hollande fait banqueroute, eh bien nous perdrons la
portion des cautionnements qui nous concerne, et qui y est restée ; mai cela
prouve-t-il que nous sommes dégagés de nos engagements envers les titulaires ?
Cela efface-t-il le fait de la révolution qui les empêche de recevoir ? S’il
n’y avait pas eu de révolution, peuvent-ils dire, nous aurions reçu nos
cautionnements ; peu nous importe que le gouvernement de Guillaume fasse
banqueroute, nous aurions reçu, sans la révolution, avant la banqueroute, et
vous êtes responsables de votre fait, même sous ce rapport.
Ainsi, en supposant que le
gouvernement hollandais fasse banqueroute, il n’en résulte pas que nous ne
devions pas payer. Au reste que le gouvernement hollandais fasse banqueroute,
ou non, nous sommes garantis d’assez de valeurs pour ne pas nous inquiéter de
la déconfiture du gouvernement hollandais.
Un honorable membre vient de
citer ce qui s’est passé en France en 1814. Eh bien, on a établi une
liquidation, et quel argument y a-t-il à en tirer pour repousser les arguments
que j’ai fait valoir ? Ce qui s’est fait en 1814 pourra indiquer ce que nous
aurons à faire avec Guillaume, quand nous arriverons à une liquidation ; et il
en résultera que le roi Guillaume devra, à la nation belge, les sommes qu’il a
reçues à titre de cautionnements ; personne ne conteste cela ; mais cela
prouve-t-il que nous puissions rendre la position des anciens titulaires moins
bonne que quand ils ont contracté ? Mais ils auront toujours droit d’invoquer
le contrat synallagmatique, et de nous mettre en demeure de l’exécuter
fidèlement ; c’est par notre fait qu’il n’est pas exécuté tel qu’il avait été
conçu.
Qu’importe que le gouvernement
hollandais ait été reconnu débiteur ; nous ne nions pas que le roi Guillaume ne
soit déclaré nous devoir ; mais la question n’est pas là.
Le roi Guillaume devra à la
Belgique toutes les sommes qu’il aura reçues ; et nous aurons aussi des comptes
à rendre quand la liquidation se fera ; mais les tiers ne peuvent en souffrir.
On a dit, messieurs, que la
chambre avait toujours refusé de payer les dettes contractées par le roi
Guillaume. Cependant nous avons liquidé, il n’y a pas plus de cinq mois, des
créances aux personnes qui avaient éprouvé des pertes par les inondations,
suite de la mise en état de siège de la ville de Mons ; et nous avons ordonné
le paiement de ces créances sans la moindre objection. Pourquoi établiriez-vous
de la différence entre les créances ? Est-ce parce que les sommes sont
différentes ? Mais qu’il s’agisse de 50 fr. ou de 100,000 fr., les principes
sont les mêmes. Il s’agit de 4 millions à payer, s’écrie-t-on ; mais le trésor
ne paiera rien. On peut réclamer tout au plus 600,000 fr., et il y a en caisse
plus deux de 2 millions de nouveaux cautionnements ; ainsi il restera 1,400,000
francs.
Quand les fonctionnaires
actuels présenteront leurs quitus, on prendra dans cette caisse de quoi les
payer, et ceux qui les remplaceront verseront des cautionnements semblables, et
les choses resteront dans le même état.
Quant à la totalité des
remboursements, ce ne sera peut-être pas dans 30 ou 40 ans que le dernier
titulaire viendra recevoir : qu’on ne nous effraie donc pas d’un fantôme qui
n’a rien de réel.
Il
se passe des choses bien extraordinaires quand on marche sans principes ; les
titulaires actuels qui ont versé leurs cautionnements dans les mains de
Guillaume reçoivent l’intérêt, et l’on n’a pas exigé d’eux de nouveaux
cautionnements. Ils sont titulaires, ils ont de bons émoluments, ils jouissent
de tous les avantages placés, et on n’exige rien d’eux ; mais pour les
malheureux titulaires que la vieillesse, les infirmités, ont forcés à se
retirer, vous leur refusez remboursement et vous les condamnez par là à de durs
sacrifices, alors précisément qu’ils sont tombés en caducité, qu’ils n’ont pas
de quoi subvenir leurs besoins ! De deux
choses l’une, ou il n’est pas juste de rembourser les cautionnements, ou
il n’est pas juste non plus de ne pas en exiger de nouveaux des titulaires
actuels. Or, vous n’exigez pas de nouveaux cautionnements des titulaires, donc
vous ne pouvez refuser le remboursement à ceux qui cessent de l’être et qui ont
rempli toutes les obligations du contrat. Si vous agissiez autrement, les
favorisés seraient encore ceux qui continuent l’exercice de leurs fonctions et
qui jouissent pleinement de tous les avantages qui y sont attachés. Vous voyez
donc, messieurs, où nous conduirait l’injustice que je n’ai cessé de signaler
depuis hier.
Je ne répondrai pas,
messieurs, à ce qu’on a dit encore aujourd’hui, au sujet de l’incendie d’Anvers
; j’y ai déjà répondu suffisamment ; c’est là un fait qui nous est étranger,
dont nous ne sommes en aucun façon responsables, dont toutes les conséquences
doivent retomber sur le gouvernement du roi Guillaume, sur la Néerlande et
nullement sur la Belgique. Cette question-là, messieurs, n’a donc rien de
commun avec celle qui nous occupe en ce moment.
M. Dumortier. - Messieurs, l’honorable M. Verdussen a contesté
tout à l’heure ce que j’avais dit relativement aux budgets précédents ; j’ai
été vérifier le libellé de ces budgets, et j’ai vu qu’à la vérité ma mémoire
m’avait été infidèle en ce qui concerne la rédaction ; mais il n’en est pas
moins vrai qu’au fond les faits sont réellement tels que je l’ai avancé ; voici
en effet ce que porte le rapport sur le budget de 1833 : une section a prétendu
que plusieurs cautionnements dont les fonds sont encore en Hollande avaient été
indûment remboursés, et la cour des comptes a déclaré qu’il avait été
effectivement remboursé 53,561 florins en 1831. Si, comme on l’a prétendu, la
faveur a fait accorder le remboursement par le trésor belge de quelques
cautionnements dont les fonds sont en Hollande, on ne pourrait assez s’élever
contre les auteurs d’un pareil abus, d’autant que la législature n’a jamais
alloué de crédit pour cette destination.
C’est
donc en 1831, messieurs, avant qu’il n’y eut des budgets, qu’à la faveur des
crédits provisoires, on a cru devoir rembourser des cautionnements. Mais il est
toujours très exact qu’on a eu soin, en libellant l’article, de se servir des
mots : « intérêts des cautionnements », afin qu’on ne se servît pas
du crédit accordé pour faire des remboursements.
Quant
à ce que vient de dire l’honorable M. Gendebien, qu’on n’exige pas de nouveau
cautionnement des anciens comptables qui sont maintenus dans leurs fonctions,
c’est là, messieurs, un pur acte de complaisance, c’est une faveur qu’on a
accordée à ces comptables, parce qu’on a cru que leur position serait trop dure
s’ils étaient obligés de fournir un nouveau cautionnement. On ne peut donc pas
conclure de là que nous devions rembourser les cautionnements dont les fonds
sont en Hollande ; c’est à la Hollande seule à les rembourser. Dans
l’intervalle, les titulaires jouissent d’un intérêt de 4 p. c., ce qui est
certes un bel intérêt.
Je demande donc l’ajournement
jusqu’à la question des indemnités.
M. Gendebien. - Je prierai l’honorable membre de bien vouloir
m’expliquer ce qu’il y a de commun entre la question qui nous occupe et la
question des indemnités ou de l’incendie d’Anvers. Quant à moi, il m’est
impossible de le comprendre.
M. Dumortier. - Les deux questions sont absolument identiques :
dans la question des indemnités, il s’agit de réparer des préjudices causés par
la révolution ; ici aussi, d’après l’opinion de l’honorable M. Gendebien, il
s’agit de réparer un préjudice causé par la révolution : les deux questions
sont donc d’une nature parfaitement semblable. La seule différence qu’il y a,
c’est que les personnes qui doivent recevoir les indemnités n’ont encore rien
reçu, tandis que les titulaires des cautionnements jouissent des intérêts de
leurs fonds.
M. Gendebien. - Si l’honorable M. Dumortier avait été ici au
commencement de la séance, il aurait entendu l’observation qui tranche la
question des cautionnements : il s’agit de l’exécution d’un contrat
synallagmatique entre les titulaires et le gouvernement des Pays-Bas ; or, sans
entrer même dans la question de savoir si nous sommes oui ou non les
représentants de ce gouvernement, je répéterai que c’est par le fait de la
révolution, par notre fait, que ce contrat n’a pas été exécuté. Pour la
question des indemnités, c’est tout autre chose : il s’agit bien là aussi d’un
quasi-délit, dont nous sommes tenus, mais il y a là des questions préliminaires
à décider, il y a à examiner s’il y a dommage, s’il résulte directement de
notre fait, enfin jusqu’où ce dommage s’élève ; il n’y a pas là de contrat qui
règle tout, et dont on demande l’exécution comme dans la question qui nous
occupe.
De quel droit peut-on donc
ajourner l’exécution du contrat en vertu duquel les titulaires de
cautionnements demandent le remboursement des fonds qu’ils ont confiés à l’Etat
? Un débiteur de bonne foi ne demande jamais l’ajournement lorsqu’on vient
l’inviter à exécuter un contrat auquel il a souscrit.
Cela n’empêche pas, messieurs,
que je joindrai toujours ma voix à la voix de ceux qui demanderont la prompte
solution de la question des indemnités. J’ai seulement voulu faire remarquer
qu’il y a une différence du tout au tout entre cette question et celle qui nous
occupe en ce moment.
M. Dumortier. - Je ferai remarquer que ce n’est pas par notre fait
que les anciens comptables sont privés de leurs cautionnements ; c’est par le
fait du roi Guillaume qui les a emportés en Hollande.
- L’ajournement est mis aux
voix ; il n’est pas adopté.
M. le président fait connaître les diverses propositions qui ont été
faites relativement à la position de la question.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - Je ne comprends
pas bien, messieurs, la possibilité de voter sur la question telle qu’on nous
la présente, à moins de décider à la fois deux questions de principe : savoir
si en strict droit nous devons ou si nous ne devons pas payer, et ensuite si
les premiers remboursements qui se feraient en 1838, alors même que nous ne
déciderions rien quant à la question de droit, entraîneraient la nécessité de
rembourser encore, avec les mêmes conditions, pendant les années subséquentes.
Mais une troisième question a été
examinée avec faveur par presque tous les orateurs qui ont pris part à la
discussion, c’est celle d’humanité, tendant à rembourser spécialement, et
seulement à titre d’avance, les cautionnements des comptables qui se trouvent
dans le besoin ; une partie de l’amendement de M. Metz est conçue dans ce sens.
Nous
avons donc à opter entre trois solutions différentes, et dans tous les cas des
garanties doivent nécessairement entourer le remboursement. Si nous décidons
qu’en strict droit le gouvernement est obligé à payer, dans ce cas même il faut
des garanties, puisqu’il a été démontré qu’autrement nous pourrions nous
attirer des préjudices graves. Si, sans trancher la question de droit, nous
décidons que nous commencerons à rembourser l’année prochaine pour continuer
les années subséquentes, dans ce cas encore il faudra les mêmes garanties.
Enfin si nous faisons seulement le remboursement à titre d’avance aux
comptables nécessiteux, comme le demande une partie de l’amendement de M. Metz,
il faudra encore dans ce cas une garantie, laquelle toutefois pourrait être
plus restreinte et même négligée, selon l’opinion d’un honorable membre, pourvu
que l’administration ait des présomptions suffisantes que le cautionnement n’a
pas été remboursé en Hollande.
Pour
que chacun puisse se prononcer dans une question aussi complexe, il importe de
la diviser, et c’est ce que je demande. Toutefois, si l’on adoptait d’abord le
principe qu’en strict droit nous sommes obligés de payer, alors les deux autres
questions seraient par cela même écartées, et il n’y aurait plus qu’à régler
les garanties.
M. Gendebien. - Je dois faire remarquer que l’honorable M. Metz a
seulement proposé de rendre les garanties plus faciles pour les comptables
nécessiteux ; mais il n’a pas divisé ces comptables en catégories ; il n’a pas
demandé qu’on remboursât aux nécessiteux à l’exclusion des autres.
M. le ministre de la justice (M.
Ernst). - Je crois, messieurs, qu’on
n’a pas bien compris M. le ministre des finances : il n’a pas voulu qu’on
soumît à la chambre la question de savoir si l’Etat doit ou non ; telle n’a pas
été sa pensée ; seulement il a dit qu’il importait de bien se fixer sur les
questions de principe qui ont été soulevées. Quoi qu’il en soit, messieurs,
voici un point sur lequel je me permettrai d’attirer votre attention, il est
des plus délicats. Il me semble que beaucoup de membres de la chambre sont très
disposés à voter une somme de 100,000 fr. pour rembourser des cautionnements, sans
reconnaître aucune dette, sans s’obliger aussi à rembourser successivement tous
les cautionnements. Un engagement illimité entraînerait l’Etat dans une voie
dont on ne peut pas prévoir l’issue. D’un autre côté, messieurs, si tous les
cautionnements doivent être remboursés, que va faire le ministre des finances,
auquel vous ne donnez cependant que 100,000 fr. ? Que fera-t-il en présence
d’un grand nombre de comptables qui ont tous le même droit ?
Je
comprends fort bien, messieurs, que, sans résoudre ni politiquement, ni
juridiquement aucune question, vous disiez : « Un devoir d’humanité nous
prescrit de venir au secours des comptables qui sont dans une position
malheureuse ; nous autorisons le ministre des finances à rembourser à ces
comptables leur cautionnement en prenant des garanties. » Alors,
messieurs, la chambre resterait libre de décider, une autre année, toutes les
questions qui pourraient se présenter, de décider, par exemple, si l’on veut
rembourser successivement tous les cautionnements. Mais, si en allouant 100,000
fr., vous entendez que tous les cautionnements devront être successivement
remboursés, alors, messieurs, prenez-y garde ; en ne donnant que 100,000 fr.,
vous mettrez le ministre des finances dans une position extrêmement fâcheuse,
puisqu’il devra faire arbitrairement un choix entre des comptables qui ont les
mêmes titres, sans qu’il ait plus de raison de refuser à l’un qu’à l’autre. Si,
au contraire, vous accordez 100,000 fr. sans rien préjugez, et à condition de
rembourser d’abord les comptables les plus nécessiteux, alors tout reste
entier, et la position du ministre des finances est toute simple.
M. Verdussen. - Messieurs, quand on vote sur une question de
principe, c’est pour mettre tout le monde dans le cas de pouvoir voter. Eh
bien, si vous commencez par mettre aux voix la question :
« Remboursera-t-on ? » vous mettrez une foule de membres dans
l’impossibilité de voter, et moi je serai de ce nombre, car je devrais dire oui
et non à la fois, je devrais dire : Oui, je veux rembourser, lorsqu’il y a des
garanties ; non, je ne veux pas rembourser, si les garanties manquent ; de
manière que je serais obligé de m’abstenir. Mais il n’est guère possible de
s’abstenir, sans donner gain de cause à ceux qui ne veulent pas rembourser,
qu’il y ait garantie ou non.
Je pense, messieurs, qu’on ne
peut sortir de cet embarras qu’en adoptant la proposition de l’honorable M.
Brabant, tendant à faire voter d’abord sur cette question ; Y aura-t-il des
garanties, en cas de remboursement ? Ce point décidé, on mettra aux voix la
question du remboursement.
M. le président. - Voici un amendement présenté par M. le ministre des finances :
« Remboursements des
cautionnements à faire à titre d’avance et à raison d’une position malheureuse,
aux comptables qui ont obtenu leur quitus en Belgique, et dont les fonds versés
en numéraire sont restés en Hollande : fr. 100,000.
« Ces remboursements ne
seront faits qu’avec garantie envers l’Etat, en immeubles, en fonds belges, ou
par caution personnelle. »
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - Messieurs, je
crois que l’amendement que je viens d’avoir de déposer nous fera sortir de la
difficulté, sans trancher le point de droit ; il n’a pour objet que de
mettre à la disposition du gouvernement une somme de 100,000 francs, destinée
au remboursement de cautionnements de comptables malheureux ; il stipule en
outre toutes les garanties qu’on a proposées en dernier lieu dans la séance
d’hier. On dira peut-être que les comptables malheureux ne pourront pas
présenter les garanties exigées. Il est cependant permis de supposer qu’en
général ils trouveront le moyen d’offrir la caution personnelle, et que presque
toujours un parent, ou tout autre individu connaissant la moralité et la
position malheureuse de l’intéressé, se prêtera à cette caution.
M. Gendebien. - Messieurs, il est véritablement déplorable
qu’après avoir consacré deux séances et demie à la discussion d’une question
qui paraissait assez claire, on finisse par proposer un amendement qu’on aurait
pu présenter dès le commencement ; il nous aurait fait éviter une grande perte
de temps ; cet amendement change tout à fait l’état de la question.
Messieurs, l’amendement de M.
le ministre des finances n’est qu’une demi-mesure qui pourrait, dit-on,
trancher les difficultés. Oui pour le moment, mais il n’empêchera pas qu’elles
ne se renouvellent l’année prochaine. Eh bien, qu’en résultera-t-il alors ? Une
nouvelle perte de temps.
Il me semble, messieurs, que
si les droits des anciens comptables n’étaient pas fondés en droit, M. le
ministre de la justice, qui a assisté à la discussion, aurait sans contredit
élevé la voix pour nous éclairer sur la question C’était son devoir ; je dois
augurer de son silence qu’il est de notre avis ; néanmoins, après que la
chambre a discuté pendant plus de deux séances, l’on veut finir par faire d’une
question de justice, un question d’aumône pour ceux qui réclament un droit et
dont les droits ont été prouvés à l’évidence.
Mais,
messieurs, ce n’est pas même là une demi-justice, c’est un vrai déni de justice
que vous allez consacrer, en adoptant l’amendement du ministre des finances ;
c’est ainsi, messieurs, qu’à prétexte de satisfaire à un devoir d’humanité, on
se soustraira longtemps encore à des obligations sacrées résultant de contrats
positifs.
Pour mon compte, je crois que
si les titulaires s’adressaient aux tribunaux, le gouvernement serait contraint
à rembourser le montant de leurs cautionnements. Et je déclare que, si je
siégeais comme juge, je n’hésiterais pas un moment à me prononcer en faveur des
anciens comptables.
M. Dumortier. - Vous auriez tort.
M. Gendebien. - Si la question devait être débattue devant
l’académie, l’honorable M. Dumortier, qui m’interrompt, aurait beau jeu ; mais
il me permettra de croire que si la question était portée devant les tribunaux,
son opinion ne serait pas très prépondérante.
M. Dumortier. - Elle aurait autant de chances de prévaloir que la
vôtre.
M. Gendebien. - J’en doute. A l’académie, je me garderais bien de
la prétention de faire prévaloir mon opinion ; mai devant les tribunaux, l’honorable
M. Dumortier aurait aussi mauvais jeu que moi devant l’académie.
M. Dumortier. - Je demande la parole.
M. Gendebien. - Messieurs, on nous disait hier fort éloquemment :
« Il ne faut pas attendre que les tribunaux nous condamnent ; tout
particulier qui attend une condamnation pour s’exécuter à payer, est flétri
dans l’opinion. »
S’il
en est ainsi pour un particulier, la flétrissure est bien plus grande encore
pour un gouvernement qui recule devant le paiement d’une dette. Ceux qui ne
veulent pas du remboursement mettent en avant l’intérêt des contribuables ;
mais, messieurs, tous les contribuables se joignent à ceux qui se plaignent,
pour maudire le gouvernement qui se laisse attraire devant la justice et qui ne
paie que sur le vu d’un jugement dont l’effet est souvent de ruiner à demi le
citoyen qui l’obtient.
Messieurs, il faut une bonne
fois trancher la question. Si la chambre n’est pas suffisamment éclairée, eh
bien, qu’elle ajourne momentanément la discussion ; mais au moins qu’elle ne
remette pas indéfiniment, par un vote mesquin, une décision qui porte sur les
réclamations fondées sur des contrats.
D’après ces
motifs, je demande que la chambre rejette l’amendement de M. le ministre des
finances. Je suis persuadé que M. d’Huart lui-même. dans sa conscience intime,
reconnaît la justice des réclamations des anciens comptables, et qu’il gémit
d’être obligé de descendre à une pareille condescendance, pour arracher le vote
d’une modique somme de 100,000 fr. : cette mesquinerie est indigne de la
chambre et du gouvernement.
M. Dumortier. - Messieurs, je n’ai pas l’honneur d’être avocat ; mais
quoique je ne sois pas avocat, je puis croire que l’opinion que j’ai défendue
dans cette enceinte prévaudrait devant les tribunaux contre celle de
l’honorable M. Gendebien ; car j’ai pour moi une autorité bien respectable,
celle du traité de Paris qui a décidé que les cautionnements de l’espèce
devaient être payés par l’Etat qui les détient. Je puis donc dire que les
observations que M. Gendebien a faites, quant à ma qualité d’académicien, dans
la question qui nous occupe, se trouvent sans application.
M. Mast de Vries. - L’amendement de M. le ministre des finances ne
concerne que les comptables en vie. Est-il entendu que les dispositions de cet
amendement s’appliqueront aux héritiers de ceux de ces comptables qui sont décédés
?
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - Sans doute !
- L’amendement de M. le
ministre des finances est mis aux voix : après une double épreuve, il est
procédé à l’appel nominal.
En voici le résultat :
59 membres prennent part au
vote.
31 répondent oui.
28 répondent non.
La chambre adopte.
Ont répondu oui : MM. Andries,
Bekaert, Berger, Brabant, de Behr, de Brouckere, de Man d’Attenrode, Dequesne,
de Renesse, de Terbecq, d’Huart, Dubois, B. Dubus, Eloy de Burdinne, Ernst,
Jadot, Keppenne, Kervyn, Lebeau, Mast de Vries, Morel-Danheel, Nothomb, Pirson,
Polfvliet, Pollénus, Thienpont, Van Hoobrouck, Van Volxem, Vergauwen, Wallaert
et Raikem.
On répondu non : MM.
Beerenbroeck, Coghen, Corneli, Dechamps, de Saegher, de Longrée, de Puydt, de
Sécus, Dolez, Donny, Dumortier, Duvivier, Gendebien, Lecreps, Maertens,
Mercier, Metz. Raymaeckers,
A. Rodenbach, C. Rodenbach, Scheyven, Seron, Simons, Ullens, Vandenhove,
Verdussen, Verhaegen et Zoude.
L’amendement dont il s’agit
formera l’article 2 du chapitre III.
Articles 2 à 7
« Art. 2 (art. 3 nouveau).
Intérêts des cautionnements des comptables belges, inscrits au grand-livre de
la dette active à Amsterdam : fr. 13,000. »
- Adopté.
______________
« Art. 3 (art. 4
nouveau). Avances aux fabriques d’églises, aux communes et aux établissements
de bienfaisance, situés en Belgique, qui ont des capitaux inscrits au
grand-livre de la dette active à Amsterdam, mais dont les intérêts ne sont pas
payés : fr. 100,000. »
- Adopté.
_____________
« Art. 4 (devenu art. 5).
Intérêts des cautionnements versés en numéraire dans les caisses du
gouvernement actuel pour garantie de la gestion des comptables et pour sûreté
du paiement de droits de douanes, accises, etc. : fr. 140,000. »
- Adopté.
______________
« Art. 6. Intérêts des
consignations faites au gouvernement belge : fr. 50,000. »
- Adopté.
______________
« Art. 7. Intérêts et
remboursements de consignations dont les fonds sont en Hollande : fr.
50,000. »
- Adopté.
Titre II. - Dotations
Chapitre premier. - Liste civile
Article unique
« Art. unique. Liste
civile (mémoire) : fr. 2,751,322 75 c. »
Ce chiffre, fixé, aux termes
de l’article 77 de la constitution, par la loi du 28 février 1832, n°124, n’a
pas besoin d’être voté annuellement, mais doit néanmoins être porté au budget
des dépenses de l’Etat, d’après l’article 115 de la constitution.
Chapitre II. - Sénat
Article unique
« Art. unique. Sénat :
fr. 22,000. »
- Adopté.
Chapitre III. - Chambre des représentants
Article unique
« Article unique. Chambre
des représentants : fr. 409,850. »
- Adopté.
Chapitre IV. - Cour des comptes
Articles 1 à 3
« Art. 1er. Membres de la
cour : fr. 43,386 20 c. »
- Adopté.
_________________
« Art. 2. Personnel des
bureaux : fr. 65,000. »
- Adopté.
_________________
« Art. 3. Matériel : fr.
16,900. »
- Adopté.
_________________
M. le président. - Comme il y a eu des amendements adoptés, le vote
définitif sera remis à lundi.
Proposition de porter l’article relatif au remboursement
des cautionnements restés en Hollande au budget des dépenses pour ordre
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - J’ai fait
connaître dans la séance d’hier que ce serait aux dépenses pour ordre qu’il
faudrait porter l’article concernant le remboursement des cautionnements restés
en Hollande, parce que les fonds seront pris sur ceux des cautionnements versés
en Belgique depuis 1830. Comprendre la somme de 100,000 fr. affectée à cet
objet dans les dépenses générales, aurait le double inconvénient de grossir
sans nécessité le chiffre de nos dépenses générales et de gêner l’imputation de
ce remboursement. Il faut donc porter cela aux dépenses pour ordre.
Vous verrez, messieurs, dans
le budget des dépenses, à la page 20, différentes dépenses pour ordre, et entre
autres la restitution des cautionnements versés depuis la révolution ; par
contre on porte, il est vrai, dans les recettes aussi pour ordre, pareille
somme que l’on doit recevoir des nouveaux comptables. Mais, comme pour les
anciens cautionnements, nous ne ferons pas recette de la somme que nous
rembourserons, nous ne pouvons rien compter aux recettes ; ce qui du reste
n’est pas obligatoire, aucune règle ne prescrivant d’établir entre les recettes
et les dépenses pour ordre une balance parfaite.
Dans
les budgets de la France, où on s’entend en comptabilité, vous verrez toujours,
et notamment dans le budget de 1837, les dépenses et les recettes pour ordre ne
pas se balancer. On me dira peut-être qu’alors il faudrait porter aux dépenses
pour ordre les fonds de la caisse des consignations restés en Hollande. Mais il
n’en est pas des fonds de consignation de même que des fonds de cautionnement.
Nous payons les fonds de consignation en vertu de jugements qui nous sont
présentés, sans pouvoir les prélever sur une espèce de contrepartie qui se
trouverait en nos mains, tandis que pour les cautionnements, la somme
remboursée à l’ancien comptable est remplacée par le nouveau.
Quand nous prélevons une somme
pour rembourser une consignation, personne, je le répète, ne remplace cette
somme ; c’est-à-dire que la consignation est remboursée purement et simplement
sans réintégration dans nos caisses par un autre consignataire.
M. Verdussen. - Je ne partage pas l’opinion de M. le ministre des
finances, qu’il faille porter aux dépenses pour ordre l’article dont il s’agit.
Jusqu’à présent, dans tous les
budgets, on a fait cadrer les dépenses pour ordre avec les recettes de même
nature. En effet, cela rentre dans la nature des choses.
Les
cautionnements sont des sommes qu’on dépose aujourd’hui pour pouvoir les
retirer le lendemain. Ici, il n’en est pas de même, c’est une véritable avance
que nous faisons de nos deniers, sans qu’il soit possible que d’autres deniers
déposés les couvrent. La chose peut être faite par mesure administrative, mais
non par mesure d’ordre. On ne peut pas envisager ce paiement autrement que
celui autorisé par l’article
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - La dernière
observation de l’honorable préopinant ne me paraît pas fondée. Il craint que si
nous ne portons pas le remboursement des fonds de cautionnements restés en
Hollande dans les dépenses générales, nous ne soyons pas admis à porter en
compte les sommes payées, lors de notre liquidation avec la Hollande. Je ferai
observer à l’honorable membre que nous porterons cet article aux dépenses pour
ordre, avec le libelle tel qu’il a été adopté tout à l’heure, ce qui ne
permettra pas le moindre doute sur notre droit.
Quant
aux consignations que l’honorable membre veut assimiler aux cautionnements,
elles sont, comme je l’ai déjà démontré d’une nature toute différente : ce sont
des dépôts faits par des personnes qui ont des procès et qui, lorsque les
jugements sont rendus, sont restitués sans qu’on les remplace par d’autres
dépôts. Une fois qu’un tel remboursement est fait, il n’y a plus de
consignation à demander du même chef. Il y a donc cette grande différence entre
les cautionnements et les consignations, que les paiements, que nous affectons
au remboursement des consignations sont prélevés sur les fonds généraux des
voies et moyens, tandis que pour rembourser les cautionnements, nous prendrons
les fonds sur ceux formant le dépôt des nouveaux cautionnements.
M. Maertens. - Cela ne vous appartient pas.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - Nous disposons
comme bon nous semble des fonds provenant des cautionnements. Nous les
employons en dette publique belge ou autrement. Nous sommes, il est vrai,
responsables vis-à-vis des comptables ; mais que ces fonds soient en écus ou en
papier, pourvu qu’on rembourse le comptable quand il se présente avec son
quitus, il n’a rien d’autre à prétendre.
M. Maertens. - Nous ne pouvons pas toucher aux cautionnements
versés dans notre caisse, c’est le gage déposé par les nouveaux fonctionnaires,
installés depuis la révolution ; il leur appartient ; si nous l’employons à
payer les dettes de la Hollande, nous détournons des deniers appartenant aux
personnes qui ont fait les dépôts.
Il pourrait se présenter des
cas où le gouvernement qui doit être responsable de ces cautionnements ne soit
plus dans la possibilité d’en restituer le montant aux personnes qui les
auraient versés ; ces personnes éprouveraient une perte, parce qu’on aurait
touché à des sommes formant un dépôt et qui ne devaient être employées à aucun
usage. Je crois donc que la caisse des cautionnements belges doit rester
intacte ; les fonds qui y ont été versés ne doivent pas être employés à
rembourser les titulaires d’anciens cautionnements.
M. de Brouckere. - Je ne crois pas que l’on puisse adopter le système
de l’honorable préopinant. Les cautionnements ne forment pas un dépôt
proprement dit (adhésion générale) ;
la meilleure preuve, c’est qu’on les fait fructifier et qu’on les emploie de
manière à ce qu’ils produisent des intérêts. Où conduirait le système du
préopinant ? L’Etat paierait je ne sais quelle somme considérable pour intérêt
des cautionnements, tandis que le capital de ces cautionnements dormirait et ne
rapporterait rien au pays ; ce serait singulièrement administrer les finances
d’un Etat.
Les cautionnements ne forment
pas un dépôt proprement dit, car ils rapportent un intérêt en déposant ; il
faut donc que les sommes déposées soient employées de manière à rapporter un
intérêt ; c’est au gouvernement à employer de la manière la plus utile le
montant de ces cautionnements. Est-il vrai que pour cela les comptables soient
garantis ? Le gouvernement s’est engagé personnellement à garantir aux
comptables le montant de leur cautionnement ; leur garantie est aussi bonne
lorsque le gouvernement a employé le montant de leur cautionnement que
lorsqu’il l’a laissé improductif dans les caisses de l’Etat.
- La proposition de M. le
ministre des finances tendant à renvoyé aux dépenses pour ordre l’article
adopté relativement aux cautionnement des comptables est mise aux voix et
adoptée.
M. le président. - La chambre a terminé le vote du projet de loi de
budget de la dette publique et des dotations pour l’exercice 1838 S’il n’y a
pas d’opposition, le vote définitif de ce projet de loi aura lieu après-demain.
PROJET DE LOI RELATIF A LA PROCEDURE DEVANT LA
COUR DE CASSATION
M. le ministre de la justice (M.
Ernst) présente un projet de loi
accompagné de l’exposé de ses motifs, tendant à combler une lacune dans la
procédure suivie à la cour de cassation.
- La chambre ordonne
l’impression et la distribution de ce projet de loi et de l’exposé de ses
motifs, et, sur la proposition de M. le ministre de la justice, renvoie ce
projet de loi à l’examen d’une commission spéciale qui sera nommée par le
bureau.
PROJET DE LOI PORTANT ORGANISATION DE L’ECOLE
MILITAIRE
Discussion générale
M. le président. - Le gouvernement se rallie-t-il au projet de la
section centrale.
M. le ministre de la guerre (M.
Willmar). - Ce que le
ministre de la guerre doit surtout se proposer, dans la loi importante dont
vous avez à vous occuper, c’est sans doute d’avoir une bonne école militaire
bien assurée étant instituée par une loi. Pour arriver à ce but, je pense qu’il
convient d’écarter tout ce qui pourrait faire obstacle à la marche qui doit y
conduire. Il me semble, d’après les différentes opinions, que le projet de la
section centrale pourrait rencontrer quelque opposition, en ce que ce n’est pas
un projet d’école purement militaire ; mais le projet d’une école concernant
tous les services publics pour lesquels l’étude des sciences est le point de
départ et la base ; en conséquence, je ne crois pas, en ma qualité de ministre
de la guerre, devoir me rallier à ce projet.
Si je n’avais pas été forcé
d’énoncer mon avis à l’instant, j’aurais voulu laisser à la chambre à
s’expliquer sur l’article premier du projet de la section centrale ; mais
puisqu’on me demande mon opinion personnelle, je déclare que je n’admets pas
cet article premier dans son deuxième paragraphe.
M. de Brouckere. - Est-ce au nom du gouvernement ?
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - Oui ; nous
sommes tous d’accord.
M. le ministre de la guerre (M.
Willmar). - Quant au premier
paragraphe, je puis l’admettre tel qu’il est libellé ; mais quant au second
paragraphe, je ne l’appuierai pas.
Quant à la forme que la
section centrale a donnée à son projet, je crois pouvoir m’y rallier ; cette
forme est d’accord avec la loi du 27 septembre 1835, relative à l’enseignement
supérieur. Il me semble que cette loi peut être considérée comme renfermant les
principes d’après lesquels le gouvernement et les chambre entendent que
l’enseignement soit organisé. Mon intention est d’admettre la forme du projet
de la section centrale et la plupart de ses dispositions ; cependant ce projet
renferme quelques dispositions que je crois susceptibles d’être amendés : mon
intention est de proposer dans la suite de la discussion plusieurs amendements.
Je pense donc que la
discussion peut être établie sur le projet de la section centrale, me
réservant, comme je viens de le dire, de proposer dans la discussion des
amendements à ce projet.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Cela simplifiera la discussion.
M. Verhaegen. - Cela n’est pas clair, parce qu’il y a des membres
qui soutiendront le projet de la section centrale ; quant à moi, c’est ce que
je me propose de faire.
M. de Jaegher. - M. le ministre de la guerre vient d’annoncer qu’il
a l’intention de proposer des amendements. Il serait à désirer qu’il les
déposât maintenant ; la chambre pourrait les examiner et voir jusqu’à quel
point elle veut s’y rallier.
M. le ministre de la guerre (M.
Willmar). - J’ai préparé
les amendements ; mais je ne les ai pas ici, parce que je ne croyais pas qu’on
les discutât aujourd’hui. Je pourrai les envoyer au greffe.
M. le président.. - Dès que M. le ministre de la guerre aura envoyé
les amendements au greffe, ils seront envoyés à l’impression.
La discussion est ouverte sur
le projet. La parole est à M. Dubois.
M. Dubois. - Messieurs, le projet de l’école militaire qui nous
est soumis au nom de la section centrale, par son honorable rapporteur, me
paraît présenter matière à une foule de réflexions de la plus haute gravité.
Lorsqu’on en viendra à
l’examen particulier de chaque article, on vous fera voir que le projet
confond, on ne sait dans quel but, dans une même organisation plusieurs
organisations essentiellement distinctes, théoriques et spéciales, militaires
et civiles, qui, pour le bien du pays, doivent respectivement conserver une existence
indépendante ; qu’on étouffe à leur naissance des institutions organiques
créées par vous sur les meilleures bases et qui doivent contribuer à l’honneur
et à la prospérité du pays ; qu’on nous entraîne enfin dans une voie de
dépenses considérables, pour ne nous mener en dernier résultat qu’à
désorganiser les services civils.
Depuis le 18 janvier 1834,
jour auquel M. le ministre de la guerre présenta son projet à la chambre, la
nouvelle loi a subi d’étranges modifications. Elle a grandi, elle a pris des
proportions étonnantes, et, remaniée par la section centrale, elle nous est
revenue méconnaissable, presque entièrement étrangère à elle-même
Pour se conformer au vœu
exprimé par la chambre, le ministre de la guerre présente un projet en sept
articles, propre à donner une sanction légale à un établissement où
s’instruisent les jeunes gens qui se destinent à la carrière des armes, et la
section centrale produit une loi en 19 articles, qui n’est plus ni spécialement
militaire, ni spécialement civile, qui absorbe tous les services, qui réunit
dans un même local et soumet au contrôle supérieur d’un même homme,
l’institution des cours généraux et les institutions particulières à chaque
service ; elle organise d’abord une école polytechnique, dans laquelle elle se
propose de préparer les sujets qui se destinent aux diverses carrières civiles
ou militaires, et les fait entrer ensuite dans les écoles spéciales qu’elle
rattache à son école centrale.
Le ministre de la guerre
demandait une école militaire ; il ne s’occupait que de sa spécialité, ou du
moins, son intention était telle. Par un trait de plume, la section centrale
outrepasse cette intention, elle dénature le projet, elle change nos lois sur
l’instruction et elle transporte au chef de l’armée une part essentielle, une
part considérable de la surveillance et du contrôle qui est dévolu à son
collègue de l’intérieur. Le projet présenté par le ministre de la guerre
portait que l’école serait établie dans une place de guerre du royaume ; cette
disposition éminemment sage a été supprimée.
Enfin, le ministre de la
guerre nous demandait une somme de 52,000 fr. pour compléter les fonds
nécessaires à l’établissement de cette école. Par suite de l’extension du
projet, la somme demandée par la section centrale est grandie de plus du
double. Au lieu de 52,000 fr. il en faut maintenant de 210,000, et il nous
reste la perspective de voir augmenter cette somme considérable d’année en
année.
Messieurs, j’ignore quelles
sont les intentions des auteurs du projet ; je me plais cependant à les croire
bonnes, mais je ne puis m’empêcher de vous le répéter ; ce projet tend à
monopoliser l’instruction en Belgique ; il porte une rude atteinte à nos lois
organiques ; il révèle des idées funestes et bien décourageantes sur l’avenir
de nos établissements scientifiques élevés à tant de frais, et son premier
effet, s’il était accepté, serait qu’il entraînerait à une ruine certaine les
universités de Gand et de Liége.
Au reste, je me persuade
volontiers, messieurs, qu’un tel avenir n’est pas réservé aux institutions de
l’Etat ni aux institutions libres qui se sont élevées à côté d’elles. Vous les
laisserez se développer et grandir ; vous ne porterez pas légèrement atteinte
au principe de la libre concurrence en matière d’instruction ; principe que la
Belgique a osé convertir en fait, avec une assurance et une hardiesse qui
honorent une nation ; principe qui est parfaitement en harmonie avec la charte
la plus libérale de l’Europe.
La question de l’établissement
d’une école polytechnique est résolue chez nous. Trois fois, les chambres se
sont prononcées contre toute institution semblable : d’abord, quand la chambre
vota les articles 2 et 4 de la loi organique de l’instruction supérieure ;
ensuite quand elle rejeta l’amendement de l’honorable M. Vandenbossche ; enfin
au sénat, où M. le ministre de la justice parvient à faire rejeter la
proposition d’un honorable sénateur, qui formellement avait proposé
l’établissement d’une école polytechnique à Louvain.
Je laisse à d’autres, ou je me
réserve pour plus tard, le soin de développer ces faits, ou de les faire
ressortir davantage des dispositions qui vous sont présentées. Je vous soumets,
messieurs, rapidement et d’une manière bien concise, ces réflexions, parce que
j’ai besoin de m’arrêter encore à une observation d’une nature toute
particulièrement, et d’appeler votre attention sur un point qui doit dominer
tous les autres. Je me suis demandé si la loi qu’on soumet à votre discussion
est bien constitutionnelle ?
L’article 2 arrête qu’il y
aura des cours généraux et des cours spéciaux formant deux divisions
distinctes, et l’ensemble du projet indique que les élèves de la première
division seront seuls admis à recruter la seconde. C’est ce qui résulte
particulièrement de l’article 9 ; ainsi, les élèves de l’école spéciale
militaire seront exclusivement recrutés dans une école préparatoire théorique
privilégiée.
Veuille bien remarquer ceci,
messieurs : tous les élèves de l’université de l’Etat, des universités libres
et des établissements particuliers ; tous les jeunes gens qui travaillent dans
leur famille, seraient, par la nouvelle loi, exclus du droit d’être admis aux
cours spéciaux de l’école militaire, c’est-à-dire à la division des
applications, et par suite, de concourir pour l’obtention du grade de sous-lieutenant.
Arrêtons un instant notre
attention sur ce point. En proclamant, par l’article 17 de la constitution, la
liberté de l’enseignement, le législateur a nécessairement entendu que toutes
les personnes également instruites, également capables, fussent également
admissibles aux emplois publics et aux professions libérales, à la seule
condition de démontrer leur aptitude par un examen fait selon des formes
déterminées. C’est dans cette vue que fut institué, pour les professions
libérales, le jury d’examen.
En fait, l’existence même
d’une école militaire, par laquelle il fait nécessairement passer pour obtenir
l’introduction immédiate dans l’armée en qualité de sous-lieutenant est une
dérogation à ce principe, un privilège constitué ; mais si la nécessité
impérieuse du service militaire, si les besoins de l’Etat motivent la création
de cette institution exceptionnelle, elle doit être rigoureusement limitée à la
spécialité militaire. Car il y aurait un abus manifeste à attacher à cette
institution une autre institution privilégiée destinée à alimenter la première,
à l’exclusion de tous les autres établissements analogues. D’institution
privilégiée en institution privilégiée, on pourrait ainsi descendre jusqu’aux
éléments de l’instruction primaire.
J’aime à croire qu’en
consacrant par la loi l’état de choses actuellement établi de fait à l’école
militaire, les auteurs du projet n’ont pas calculé toute la portée de leur
proposition. Il leur sera difficile de nous persuader que cet ordre de choses
nouveau ne porte pas atteinte au principe de la libre concurrence en matière
d’enseignement, et qu’il n’établir pas une dérogation manifeste et sans excuse
à nos lois constitutives de l’instruction publique.
Je vous demande encore un
moment d’attention, messieurs, avant de terminer. Je désire vous faire
connaître ma pensée franche et entière sur le projet qui vous est soumis. Je
désire aussi vivement que qui que ce soit d’entre nous la création d’une école
militaire. Loin de moi, messieurs, l’idée de contester au ministre de la
guerre, le droit de réclamer l’organisation légale d’une école qui doit fournir
à l’armée des officiers habiles ; loin de moi la volonté de lui contester le
pouvoir d’assurer aux élèves formés dans la division spéciale de son école
militaire, le droit exclusif de fournir concurremment, avec les sous-officiers,
des sous-lieutenants à l’armée.
Si l’on avait borné là ses
prétentions, si au lieu de vouloir constituer une école polytechnique et
centrale des services publics, civils et militaires, on avait simplement
proposé l’établissement d’une école spéciale d’application militaire, il n’y
aurait selon moi aucun reproche à adresser aux auteurs du projet.
Je me résume en ce mots ; et
je crois ainsi poser la question d’une manière bien nette ; que l’on nous
présente un projet qui ne porte aucune atteinte à nos lois organiques de
l’enseignement, qui ne consacre aucun privilège, et qui se borne à constituer
une école d’application spécialement militaire, sans adjonction de cours
généraux, théoriques, ni de cours crées en vue d’application aux services
civils, et je m’empresserai à lui donner un vote approbatif.
- La séance est levée à 4
heures 1/4.