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Chambre des représentants de Belgique
Séance du lundi 23 octobre
1837
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi accordant un crédit de 10
millions de francs pour la continuation des travaux du chemin de fer.
a) Discussion générale (notamment construction
de doubles voies entre Bruxelles et Anvers) ((ligne d’Ostende et de Bruges) Maertens, (ligne du Limbourg) Pollénus,
(ligne de la Vesdre) Demonceau, Desmet,
(ligne du Hainaut et gares de Bruxelles) Gendebien, Pollénus, d’Huart, de Brouckere, (ligne de Namur) Brabant,
(transport des marchandises) Rogier, (ligne du
Luxembourg) Metz, (réplique générale) Nothomb,
(ligne du Hainaut) (Duvivier, Nothomb,
Dolez), (ligne de Liége) Demonceau,
(réplique générale) Nothomb, (financement par la dette
flottante) de Foere, (ligne du Hainaut) (Gendebien, de Theux, Gendebien, de Theux, Desmaisières, Dolez, Nothomb), (ligne du Limbourg) (Simons,
Nothomb), (financement par la dette flottante) (Verdussen, d’Huart, de Foere), (ligne du Limbourg) Simons)
b) Discussion des articles. Possibilité
d’utiliser la somme réservée aux routes pavées pour le chemin de fer (Verdussen, Pirmez, d’Huart, A. Rodenbach, de Brouckere, de Langhe, Verdussen, d’Huart, de Langhe), conditions de financement (de
Foere, Coghen)
(Moniteur belge
n°297, du 24 octobre 1837)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse fait l’appel nominal à 1 heure.
M. Lejeune donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ;
la rédaction est adoptée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Des fabricants et
brodeurs de tulles de diverses villes du royaume demandent le maintien d’un
droit uniforme à l’entrée des tulles écrus et blanchis. »
- La chambre ordonne le dépôt
de cette pétition sur le bureau de la chambre pendant la discussion du projet
de loi tendant à apporter des modifications au tarif des douanes.
_________________
« La régence de Grammont
demande la révision de la loi électorale. »
_________________
« Des rouliers de
Gosselies demandent que le chargement de roulage pour l’hiver soit porté au
taux fixé par les art. 2, 3 et 4 de l’arrêté du 31 mars 1833. »
- Ces deux pétitions sont
renvoyées à la commission chargée d’en faire le rapport.
PROJET DE LOI
ACCORDANT UN CREDIT DE 10 MILLIONS DE FRANCS POUR LA CONTINUATION DES TRAVAUX
DU CHEMIN DE FER
Discussion générale
M. le président. - Ce projet est ainsi conçu :
« Art. 1er. Il est ouvert
au gouvernement un crédit de dix millions de francs pour la continuation des
travaux du chemin de fer. »
« Art. 2. Ce crédit sera
couvert, au fur et à mesure des besoins, par une émission de bons du trésor,
qui sera effectuée selon les conditions de la loi du 16 février 1833 »
La commission propose
l’adoption de ce projet.
M. Verdussen propose l’amendement suivant à l’article premier :
« Il est ouvert au
gouvernement un crédit de dix millions de francs pour la continuation des
travaux mentionnés au paragraphe 3 de l’article 3 de la loi du 18 juin 1836,
n°327.»
M. Maertens. - Messieurs, en demandant la parole, mon intention
n’est pas de m’opposer à l’allocation du crédit demandé. Je comprends trop bien
l’utilité des chemins de fer, j’apprécie trop bien les avantages que les
chemins de fer procurent au pays en général et particulièrement aux diverses
localités qu’ils traversent. C’est précisément parce que je comprends l’utilité
des chemins de fer que je désire que l’exécution de la section de Gand à Bruges
et à Ostende ne soit pas différée au-delà du temps nécessaire pour son
achèvement. Je prierai avant tout M. le ministre des travaux publics de me dire
si cette section sera achevée sans interruption et si la même activité qui a
présidé à la construction de la section de Malines à Gand sera apportée à
l’exécution de la section de Gand à Bruges et à Ostende ; je lui demanderai
enfin si, comme les ingénieurs l’ont annoncé, il est probable que cette section
sera achevée au mois de mai ou de juin prochain.
Des explications que me
donnera M. le ministre des travaux publics dépendra mon vote.
M. Pollénus. - Un honorable préopinant vient d’adresser à M. le
ministre des travaux publics quelques questions concernant le projet en
discussion. Comme je me proposais d’en faire aussi quelques-unes, je les
adresserai maintenant, afin que M. le ministre puisse répondre en même temps
aux unes et aux autres.
Messieurs, par une loi de
l’année dernière il a été arrêté qu’un embranchement des chemins de fer serait
construit aux frais de l’Etat vers la province du Limbourg. Je désire connaître
si le gouvernement a fait quelque diligence pour arriver à l’étude de cet
embranchement. Ce qui m’inquiète sur l’emploi des fonds demandés par le projet
qui nous est soumis, c’est qu’il me paraît que le gouvernement a dévié de la
pensée de la loi du 1er mai 1834. Par cette loi, il avait été décrété qu’une
voie serait construite d’Anvers ou d’Ostende vers la frontière prussienne, et
déjà avant l’achèvement de cette loi, vous avez vu que le gouvernement, sans
l’autorisation des chambres, s’est occupé de construire une double voie entre
Malines et Anvers. Quand je me rappelle les termes de la loi du 1er mai et les
plans qui y étaient annexés, il me paraît que la pensée du gouvernement qui a
présenté la loi, et de la chambre qui l’avait votée, était d’achever avant tout
une voie d’Anvers à la frontière prussienne, avant de s’occuper d’une double
voie.
En voyant que les fonds
successivement alloués pour la construction des travaux du chemin de fer ont
été employés à une destination qui n’était pas dans la pensée de la loi du 1er
mai, ce n’est pas sans inquiétude que je me trouve appelé à faire voter les
fonds qu’on nous demande encore. Je désire savoir si la pensée du gouvernement
est d’achever la simple voie décrétée d’Anvers à la frontière prussienne, avant
de s’occuper de la double voie qui n’est ordonnée par aucune loi et qui par
conséquent devrait être autorisée par la législature, tant est que dès à
présent l’utilité en fût reconnue.
Puisque j’ai la parole, je
dirai quelques mots sur l’exécution des travaux qui ont été achevés et de ceux
dont on devra s’occuper encore. Vous savez que les travaux du chemin de fer ont
été exécutés jusqu’à ce jour en régie. Le gouvernement, en procédant de cette
manière, se charge de la responsabilité de tous les défauts de construction ;
en procédant ainsi, il n’y aucune garantie du bon emploi des fonds de l’Etat.
Si je suis bien informé, dans aucun pays on ne procède de cette manière quand
il s’agit de travaux aussi importants. En France et en Angleterre, c’est
toujours par voie d’adjudication régulière qu’on procède en pareil cas. Je ne
vois pas quels motifs il peut avoir pour dévier de la sage précaution adoptée
dans d’autres pays, et que le gouvernement lui-même prend pour les travaux autres
que ceux du chemin de fer.
Comment ! quand, pour des
travaux de peu d’importance, je vois stipuler toutes les garanties dans un
cahier des charges, et pousser les précautions le plus loin possible pour
assurer la bonne exécution des travaux et le bon emploi des deniers publics, je
me demande quels motifs il peut avoir pour dévier de ces précautions, quand il
s’agit de travaux aussi importants et aussi coûteux que ceux qui occasionne la
construction du chemin de fer. Déjà vous aurez appris comme moi que, sur la
section de Tirlemont, plusieurs travaux ont manqué. Ces jours derniers encore
un viaduc sur cette section a manqué. Ce n’est pas étonnant, quelle garantie
a-t-on que l’exécution des travaux a eu lieu d’après les précautions prises
ordinairement par les gens de l’art ? Quand il y a adjudication, les
adjudicataires répondent pendant un certain temps de la bonne exécution des
travaux. Je sais que les règles du droit ordinaire, du code civil, ne peuvent
pas être rigoureusement appliquées aux travaux de chemins de fer ; mais qu’on
ait au moins un cahier des charges qui stipule que les travaux soient exécutés
d’après les règles de l’art, et qu’il y ait la garantie que recommande la
prudence la plus ordinaire.
Des plaintes s’élèvent de
toutes parts sur la mauvaise exécution des travaux ; je ne dis rien de trop. Il
importe au gouvernement que ces plaintes cessent et qu’on revienne à un mode
régulier d’adjudication de travaux, si l’on veut garantir une bonne exécution
de travaux et faire cesser ou prévenir de fâcheux commentaires.
Lorsque les travaux du chemin
de fer ont été commencés, j’ai entendu dire que l’on pouvait dévier des règles
suivies ordinairement en matière d’adjudication, parce qu’on voulait aller
vite. Il est possible que cette manière de procéder n’ait pas présenté
infiniment d’inconvénients sur les sections de Bruxelles à Malines et de
Bruxelles à Anvers. Mais aller vite dans des travaux de ce genre ne me paraît
pas la chose principale que nous devons avoir en vue, mais plutôt d’aller bien,
avec garantie et précaution. Tel me paraît devoir être le but du gouvernement.
Je crois qu’en procédant avec cette régularité on ne marchera pas moins vite
qu’en allant au hasard sans garantie, comme on l’a fait jusqu’à présent.
Je
me résume. Il me paraît qu’il n’y a pas de motif pour ne pas recourir aux
adjudications régulières pour les travaux du chemin de fer comme pour les
autres travaux publics. Il est temps encore de le faire pour ménager les
deniers publics et s’assurer de leur bon emploi, puisque la section qui doit
être achevée entraînera des frais considérables : je parle de la section de
Liége à la frontière prussienne. Je désire que M le ministre des travaux
publics m’assure que les fonds qu’il demande seront employés à l’effet de
poursuivre les travaux, d’après les termes et conformément à l’esprit de la loi
du 1er mai 1834 ; je prie M. le ministre de me dire à quoi en sont les études
de l’embranchement décrété sur le Limbourg et si la province dont je tiens mon
mandat peut espérer de participer bientôt, au moyen d’un embranchement, aux
avantages du chemin de fer.
Les votes de fonds pour
travaux publics sont en général des votes de confiance ; cette confiance
réclame des soins particuliers, des précautions rigoureuses de sa part ;
j’espère que le peu de mots que je viens de dire sur l’exécution des travaux et
sur les inconvénients qui peuvent résulter de l’absence d’adjudications
régulières, fixeront la sérieuse attention du gouvernement.
M. Demonceau. - J’espérais que l’honorable préopinant me
dispenserait de prendre la parole, quand je l’ai entendu demander au ministre
des travaux publics s’il était certain d’avoir à sa disposition les moyens de
faire face aux dépenses de la partie de route de Liège à la frontière prussienne.
Vous vous souvenez, messieurs, que l’année dernière, à peu près à pareil jour,
c’est-à-dire au commencement de la session, lors de la discussion de l’adresse,
M. le ministre de l’intérieur qui était chargé de cette partie de
l’administration, nous assura que bientôt une partie de cette route de Liège à
la frontière prussienne serait mise en adjudication. Si les renseignements qui
me sont parvenus sont exacts, nous serions encore loin de voir mettre cette
section en adjudication, aujourd’hui qu’un an s’est écoulé.
On nous dit que, depuis
l’époque que je viens de rappeler, des obstacles insurmontables avaient empêché
de commencer les travaux de cette section. Vous comprenez que le district de
Verviers est intéressé à l’exécution de la section vers la frontière
prussienne.
Je ne demanderai pas à M. le
ministre quand sera achevée la route, mais quand il a l’espoir de pouvoir la
commencer.
Vous savez que l’année
dernière je disais que plus d’une année serait écoulée avant qu’on fût tout à
fait d’accord sur le tracé.
Je prierai M. le ministre de
répondre sur cette question qui intéresse l’industrie en général.
Je crois pouvoir borner là mes
observations.
M. Desmet. - Je prendrai la liberté d’adresser aussi quelques
questions à M. le ministre des travaux publics. Je désirerais savoir quelle est
la somme employée à la construction du chemin de fer ; si le gouvernement a un
plan pour savoir à quelle époque les travaux seront finis ou si ces travaux
n’auront pas de fin, si l’on fera toujours des chemins de fer. J’ai à faire une
troisième question. Des embranchements sont exécutés aux frais de l’Etat, un
notamment au profit de la ville de Lierre. Je demanderai si l’on n’en exécutera
pas pour d’autres villes. Je citerai la ville d’Alost qui a besoin d’un
embranchement. Avant la construction de la route en fer de Gand à Bruxelles,
par Malines, nous avions des diligences qui passaient à Alost et qui nous
conduisaient à Bruxelles et à Gand. Aujourd’hui il n’y en a presque plus ; et
bientôt il n’y en aura plus du tout ; car ces diligences ne font pas leurs
frais. Je demande donc si l’on donnera à la ville d’Alost l’embranchement dont
elle a besoin.
Je ferai une quatrième et
dernière question. Je voudrais savoir si, comme on le dit, il y a un plan pour
ne plus accorder, dans ce moment où le gouvernement est occupé de chemins de
fer, aucune concession de routes et de canaux. J’espère que ceci n’est pas vrai
et que M. le ministre des travaux publies nous en donnera tout à l’heure
l’assurance. Je demande aussi qu’il réponde à mes autres questions.
M. Gendebien. - Bien que de toutes les provinces celle du Hainaut
soit celle qui a le plus à se plaindre du défaut d’activité dans l’exécution
des travaux du chemin de fer, puisque celui promis à cette province n’est pas
même commencé, je n’aurais pas pris la parole, si des membres de presque toutes
les provinces n’eussent élevé la voix. Je me réservais de rappeler au
gouvernement, lors de la discussion du budget qui est prochaine, l’engagement
qu’il a à remplir envers le Hainaut. Mais, alors que tous réclament, j’aurais
paru négliger les intérêts de la province qui m’a envoyé ici si je n’eusse pas
élevé la voix.
Je prendrai donc la liberté de
rappeler à M. le ministre des travaux publics que lors de la discussion de la
loi du 1er mai 1834, j’avais proposé un amendement tendant à faire construire
le chemin de fer dans toutes les directions à la fois. On me fit observer que
les travaux préparatoires étant complétés de Bruxelles à Anvers, on devrait
ajourner cette section jusqu’à ce que les plans et devis préparatoires fussent
prêts dans les autres directions. Je compris le fondement de cette observation
et je voulus en faire l’objet d’un sous-amendement mais, sur la parole du
ministre, sur l’engagement formel du ministère tout entier, dont mention, je
crois, se trouve au procès-verbal, je n’ai pas insisté sur mon amendement. Eh
bien, je crois que j’aurais bien fait d’insister ; car depuis le 1er mai 1834 on
n’a pas commencé les travaux du chemin de fer dans la direction du Hainaut.
Je sais qu’il s’est élevé des
difficultés ; je sais qu’il en est une sur laquelle le ministère ne s’est pas
encore prononcé. Toujours est-il vrai que de Bruxelles à Tubise et de la
frontière de France à Mons on est d’accord. Il y a même unanimité dans la
commission, si je ne me trompe ; ou peut donc commencer les travaux de
Bruxelles à Tubise et de Mons à Quiévrain.
Si, en attendant la solution
de la difficulté qui a servi de prétexte pour des ajournements successifs, on
retarde le commencement des travaux pour les deux autres points qui forment
plus des deux tiers du travail, vous comprenez facilement qu’il faudra un temps
triple si l’on s’obstine à n’entamer le tout que lorsque l’on sera d’accord sur
l’ensemble ; tandis que lorsque les travaux seront faits de Bruxelles à Tubise
et de la frontière à Mons, on n’aurait plus à s’occuper ensuite que du point
intermédiaire ; on donnerait alors tous ses soins et on porterait tous les bras
sur ce point ; l’on pourrait ainsi tripler la célérité que réclame cette voie.
Je ferai remarquer que
l’amendement que j’ai proposé à la chambre en 1834 était fondé sur une cause
qui existe encore, c’est qu’il devait résulter de la construction des chemins
de fer de Liége, Bruxelles, Anvers et Gand, une concurrence dangereuse pour
l’industrie du Hainaut, je dirai même une concurrence destructive de cette
industrie. Je l’ai démontré par les calculs mêmes du ministre et des honorables
ingénieurs chargés de faire les avant-projets. J’ai fait comprendre par les
observations que j’ai présentées alors, que les deux provinces en concurrence
devaient arriver en même temps sur les marchés de Bruxelles, Malines, Anvers et
Gand. Tout le monde paraissait d’accord sur cette nécessité.
Cette prévision qui avait fait
l’objet de mon amendement, va être neutralisée par la négligence avec laquelle
on s’occupe du Hainaut ; les travaux sont tellement avancés du côté de Liége
que, quelque activité que l’on mette maintenant dans les travaux du côté du
Hainaut, le chemin de fer de Liége sera toujours ouvert un an avant celui du
Hainaut.
Je vous demande, messieurs, en
matière de concurrence industrielle et commerciale, ce que peut faire une
année. C’est une vraie calamité pour le Hainaut.
Il y a ici engagement pris ;
il y a devoir de le remplir.
Qu’on ne s’imagine pas que ce
soit un simple intérêt de clocher qui me fasse parler. Je suis persuadé que M.
le ministre des travaux publics sera d’accord avec moi, que le chemin de fer
par Mons et tout le Borinage rapportera autant que celui d’aucune autre section
; c’est un pays très peuplé, très industriel, très riche ; l’ouvrir y travaille
beaucoup, gagne beaucoup et aime beaucoup les plaisirs ; aussi, à la fin de la
semaine, il y aura une espèce d’émigration des ouvriers de ce pays qui
viendront visiter Bruxelles ; les semaines suivantes, ils viendront visiter
Anvers et les Flandres. Je suis convaincu que l’arrondissement de Mons produira
autant que pourront produire 20 ou 25 lieues dans d’autres provinces. C’est
donc dans l’intérêt du trésor, dans l’intérêt général que je parle, autant que
dans l’intérêt du Hainaut.
Je désire donc que M. le
ministre des travaux publics rassure, par un engagement formel, la province du
Hainaut ; car elle se croit et elle est réellement déshéritée, traitée en paria
; elle ne voit aucune raison pour être ainsi traitée ; J’’espère qu’elle sera
mieux traitée à l’avenir, parce que le gouvernement, en la traitant mieux, y
trouvera même son compte, avec usure, sous tous les rapports.
Comme je compte ne prendre la
parole qu’une fois dans cette discussion, je répondrai à l’observation d’un
honorable préopinant qui s’est plaint de ce que le gouvernement fait construire
une deuxième voie de Bruxelles à Anvers. Sans prétendre anticiper sur la
réponse du ministre des travaux publics, je crois qu’une deuxième voie est
nécessaire, indispensable, non seulement de Bruxelles à Anvers, mais encore
dans toutes les directions, jusqu’à une certaine distance de Malines, puisqu’on
a fait de Malines le centre de tous les chemins de fer (mesure malencontreuse,
mais enfin mesure que l’on a prise) ; je crois qu’il faut avant tout faire
construire la deuxième voie, non seulement de Bruxelles à Anvers, mais encore
de Malines à Gand et de Malines à Tirlemont, ou au moins jusqu’à Louvain, parce
que plus on se rapproche du centre, plus il y a alternance de convois ; plus on
s’éloigne du centre, moins il y a de voyageurs agglomérés. On peut donc pendant
quelque temps laisser les extrémités dépourvues de seconde voie ; mais vers le
point central la deuxième voie est indispensable ; Vous aurez beau étendre les
rayons, vous ne ferez rien d’utile, car si au point central il y a engorgement,
le service sera mal fait partout et toutes les parties souffriront. Il faut
donc, avant d’aller plus loin, construire la deuxième voie à partir du centre.
Je suis persuadé que le
ministre des travaux publics a été plus embarrassé qu’il ne s’était imaginé de
cet engorgement, qui n’existera plus quand il y aura une double voie.
Il y a, pour éviter
l’engorgement, un autre moyen que j’indiquerai au ministre.
La commission propose de faire
arriver le chemin de fer de Paris à Bruxelles à un autre point que la station
actuelle ; elle propose d’établir cette station entre les portes de Hal et
d’Anderlecht, c’est-à-dire aux Bogards.
J’applaudis pour mon compte à
cette résolution. Il est inutile d’en développer maintenant les motifs. Mais
pourquoi ne ferait-on pas la même chose pour la section vers Liége et
l’Allemagne ? Nous aurions ainsi trois stations à Bruxelles : celle
actuellement existante pour les Flandres, Anvers et la Hollande, et une partie
de la France ; celle à établir entre les portes de Hal et d’Anderlecht ; et
enfin une troisième station que l’on construirait à l’extrémité de la rue Neuve
prolongée jusqu’à boulevard, à la rive droit de la Senne, pour Liége et toute
l’Allemagne.
On dit sentir la nécessité
d’avoir plusieurs bureaux ; car, pour les seules sections que l’on exploite
maintenant, on ne peut arriver à sa place et même au bureau sans être froissé,
et souvent sans laisser dans la foule un pan de son habit, tant la presse est
grande. Il en était déjà de même quand on allait seulement à Anvers. Que
sera-ce donc quand pour toutes les directions il n’y aura qu’une seule station
? Il n’y aura plus alors moyen d’arriver au bureau. Je pense donc qu’il serait
utile, qu’il est même indispensable d’organiser un troisième bureau. On
pourrait alors pour aller à Liége, éviter de passer par Malines ; on gagnerait
ainsi trois lieues. Peut-être pourrait-on se dispenser sur cette ligne de
construire une seconde voie.
Pour
Gand, je ne sais combien on aurait pu gagner à éviter Malines ; mais je crois
que c’eût été au moins une heure et demie sans parler de l’avantage
inappréciable d’éviter l’encombrement de Malines.
Je le répète en terminant, je
crois qu’il serait urgent de songer sérieusement à établir un troisième bureau
au bout de la rue Neuve, sur la rive droite de la Senne, pour le pays de Liége
et toute l’Allemagne, sans préjudice néanmoins à la double voie de Bruxelles à
Anvers.
Je me suis permis ces
réflexions quoiqu’elles soient peut-être prématurées et que leur place soit
dans la discussion du budget ; cependant j’ai cru bon de les faire, afin qu’on
pût y réfléchir avant que l’on procédât à l’exécution du chemin de fer dans
cette partie.
M. Pollénus.
– L’objection que j’ai faite touchant la double voie entre Malines et Anvers
n’avait nullement pour but d’en contester l’utilité et la nécessité : je disais
seulement que la double voie n’était pas autorisée par la loi de 1834, et je
faisais remarquer qu’en procédant à des travaux qui n’étaient pas autorisés on
exposait d’autres localités à n’avoir pas les chemins de fer qui doivent les
traverser, Si l’on nous démontre l’utilité des doubles voies, la chambre
n’hésitera pas à l’autoriser.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - La loi
autorise les chemins de fer et par conséquent les doubles voies, puisqu’elle ne
les défend pas.
M. Pollénus. - Je crois, moi, que la chambre, en autorisant les
chemins de fer, n’a autorisé que la simple voie. (Bruit.)
M. de Brouckere. - Je crois que l’opinion émise par M. Pollénus est
une erreur. Il est vrai que la loi qui ordonne l’exécution des chemins de fer
ne dit pas qu’il y aura deux voies ; mais tout le monde a compris qu’on
laissait au gouvernement la faculté de faire deux voies là où elles seraient
nécessaires. Ceux qui prétendront que les deux voies ne seront pas nécessaires
n’ont qu’à ne pas voter les fonds. Nous voyons quelles sont les intentions du
gouvernement ; il veut deux voies, et personne ne peut dire qu’elles ne sont
pas nécessaires de Bruxelles à Anvers. Si le gouvernement est dans les termes
de la loi, s’il agit conformément aux intentions de la chambre, je ne vois pas
qu’on doive l’empêcher d’établir ces doubles voies. Je partage l’opinion de M.
Gendebien sur la nécessité d’établir immédiatement une double voie dans toutes
les sections les plus rapprochées de Malines.
M. Brabant. - Messieurs, je voterai toujours avec plaisir les
sommes qui seront nécessaires pour donner au chemin de fer tous les
développements utiles à sa bonne exploitation. Et parmi ces travaux utiles, je
comprends, avec MM. Gendebien et de Brouckere, la double voie de Bruxelles à
Anvers ; mais, tout en votant des sommes considérables pour des travaux si
importants pour certaines localités, je crois devoir appeler l’attention du
ministre des travaux publics sur les intérêts de la localité qui m’a fait
l’honneur de m’envoyer ici. Il se rappellera, et j’en avais déjà parlé au mois
de mai, qu’il y avait une compagnie qui se présentait dans ma contrée pour y
faire un chemin de fer, et que la concession lui en aurait été accordée, si
l’embranchement de Namur n’avait pas été voté. Je demande que ce bénéfice de la
législature ne tourne pas au préjudice de la province à laquelle j’appartiens,
et je demande en conséquence au ministre des travaux publics ce qui a été fait
pour les études de cet embranchement.
M. Rogier. - A l’occasion du crédit qui vous est demandé,
j’adresserai aussi des questions à M. le ministre des travaux publics. Je
désire savoir vers quelle époque le gouvernement sera en mesure de livrer le
chemin à son exploitation qui, jusqu’ici, a été retardée, et d’où cependant
résulterait la plus grande utilité des routes en fer, je veux dire le transport
des marchandises. Messieurs, dans son origine, les chemins de fer ont été
considérés comme routes de transit. Il semble que depuis que le chemin de fer a
lié Anvers et Bruxelles avec d’autres localités, il devrait maintenant recevoir
sa destination principale, destination aussi importante sans doute que celle du
transport des voyageurs.
A cette
occasion j’appellerai encore l’attention du ministre sur la nécessité de donner
à la route en fer l’achèvement que demandent ses rapports avec l’Escaut. Le
projet primitif était la liaison de l’Escaut et du Rhin : la route en fer va
bien sous les remparts d’Anvers, mais elle ne va pas à l’Escaut ; c’est
cependant de l’Escaut qu’elle doit partir pour garder son caractère. Les travaux
qu’il faut faire pour la rattacher à l’Escaut sont d’une grande importance ;
ils exigeront de fortes dépenses, et une ou deux années de travail.
Je regarde commue urgent que
le gouvernement s’occupe du transport des marchandises, en prenant la route telle
qu’elle est, et qui l’achève jusqu’à l’Escaut, attendu que, tant que la route
ne sera pas arrivée à ce point, elle n’aura pas le degré d’utilité qu’on lui
attribuait, et qu’elle ne pourra pas rapporter tous les revenus qu’on est en
droit d’en attendre.
Je crois que sur ces deux
points le ministre des travaux publics a donné son attention depuis qu’il a été
appelé à l’administration ; toutefois, j’ai pensé convenable d’en parler.
M. Metz. - Je ne me proposais pas de prendre la parole ; je
croyais que lorsque les chemins de fer se construisaient aux applaudissements
de tout le monde, que lorsque les tableaux que l’on a mis sous nos yeux
prouvent combien a été sage la haute pensée qui les a fait décréter, je
croyais, dis-je, que nous voterions par acclamation le projet qui nous est
soumis : cependant, il est devenu le prétexte pour beaucoup d’entre nous, de
faire entendre les plaintes de leurs localités ; dans ces circonstances, je
penserais que mon silence serait un véritable parjure à mon mandat. Ce n’est
pas, en effet, au Luxembourg à se taire quand chacun fait connaître ses
inquiétudes, ses craintes. Vous avez voté le sacrifice d’une partie de cette
province, sacrifice qui heureusement n’est pas consommé ; nous sommes par une
loi détachés de l’heureuse Belgique…
M. Dumortier. – Cela n’est pas encore exécuté !
M. Metz. – Je pense donc qu’on ne négligera pas les intérêts
d’un pays digne de toute notre sollicitude, car c’est un pays riches en mines
et chez lequel il y a tout à faire. Nos besoins relativement aux
communications, vous les connaissez ; dans le Luxembourg il est des
arrondissements, des populations de trente ou quarante mille âmes qui n’ont pas
un seul mètre de chaussée. Le Luxembourg a donc droit à une grande part dans
les moyens de communication reconnus partout ailleurs si avantageux. Mon but
est de vous rappeler que le principe de la loi concernant les chemins de fer
est général ; qu’en portant cette loi, on a prétendu lier entre elles toutes
les parties de notre sol ; il faut ainsi qu’un chemin de fer nous unisse avec
vous. Je demande en conséquence si, conformément à la pensée de la chambre et
de la loi qu’elle a votée, le ministre des travaux publics a étudié la
possibilité de la construction d’un chemin de fer dans le Luxembourg. Si cette
possibilité n’est pas reconnue, nous aurions à demander, comme équivalent, la
construction d’autres voies de communication.
M. le ministre des travaux
publics (M. Nothomb). – Le crédit
demandé n’est qu’une mesure transitoire ; un revirement d’au moins un million
devant se faire au profit des routes ordinaires, il se réduira à environ neuf
millions pour la continuation des travaux du chemin de fer ; cette somme
pourra, d’après nos prévisions, suffire jusque vers le mois de mai prochain. A
cette époque une mesure financière plus large sera nécessaire.
Six sections du chemin de fer
sont aujourd’hui livrées à la circulation ; quatre sont en cours d’exécution.
Deux de ces quatre sections seront achevées avant la fin de l’année ; ce sont
les sections de Tirlemont à Waremme, et de Waremme à Ans. Les deux autres
sections en cours d’exécution sont celle de Gand à Bruges et de Bruges à
Ostende ; elles seront achevées, nous l’espérons du moins, dans le cours du
premier semestre de l’année prochaine. D’après les promesses des ingénieurs, et
afin de ne pas prendre d’engagement téméraire, nous irons à Ostende pour la
saison des eaux de 1838.
Parmi les sections à l’étude,
il en est qui sont prêtes à être mises en adjudication ; ce sont la section
d’Ans à la Meuse, et de Liége à Fraipont, première partie de la ligne vers
l’Allemagne.
Il est d’autres sections à
l’étude dont l’exécution n’a été suspendue que par des causes qui sont connues
de chacun de vous.
L’embranchement du Hainaut,
qui a soulevé d’aussi grands débats, sera avant peu l’objet d’une décision au
moins partielle, c’est-à-dire que l’on pourra définitivement remettre en
adjudication la section de Bruxelles à Tubise.
M. Duvivier. - Il n’y a pas de contestation à l’égard de cette
section.
M. le ministre des travaux
publics (M. Nothomb). – On dit
qu’il n’y a pas de contestation, je dois relever cette observation qui n’est
pas exacte. Messieurs, il y a contestation dans ce sens que deux directions ont
été proposées. Le gouvernement, en instituant une commission d’enquête ; n’a
pas entendu se lier à l’avis de cette commission, de sorte qu’il est vrai de
dire qu’il y a contestation pour toutes les parties de l’embranchement du
Hainaut. Toutefois la commission a été unanime quant aux deux sections
extrêmes, celle de Bruxelles à Tubise et celle de Mons à la frontière de France
; mais le rapport de la commission n’est qu’un avis, d’un grand poids sans
doute.
Immédiatement après le vote de
la loi du 26 mai dernier, qui donnait une extension à celle du 1er mai, en
décrétant d’autres lignes de chemin de fer, deux nouveaux ingénieurs-directeurs
ont été nommés ; leur nomination a été signée par le Roi, le jour même où la
loi nouvelle a été sanctionnée ; les études ont été immédiatement commencées.
Une difficulté de direction, qui, je puis le dire, a été suscitée dans la
chambre même, a malheureusement amené un retard pour la section de Gand vers
Lille ; si cette difficulté n’était pas survenue, déjà une partie de cette
ligne serait mise en adjudication ; néanmoins j’espère que prochainement une
décision sera prise, et que bientôt une partie de l’embranchement vers Lille
pourra être en exécution.
Les études des chemins de fer
de Namur, du Limbourg et de Luxembourg, sont également commencées. Quant au
chemin de fer du Limbourg, la chambre, en décrétant que cette province serait
rattachée au chemin de fer de l’Etat, a tacitement limité la dépense ; l’étude,
d’après ces bases, sera très prochainement achevée. Les études des chemins de
fer de Namur et de Luxembourg se tiennent : il faut que la direction du chemin
de fer de Namur soit décidée avant que l’étude de celui de Luxembourg puisse se
faire d’une manière définitive.
En votant la loi du 26 mai, la
première pensée de la chambre avait d’abord été d’y insérer que la ville de
Namur serait rattachée au chemin de fer de l’Etat à Tirlemont, mais l’on a
reconnu qu’il serait plus prudent de ne pas indiquer le point du chemin de fer
de l’Etat qui serait mis en contact avec la ville de Namur, et l’on a voulu
laisser au gouvernement une latitude absolue à cet égard, mais en exigeant qu’il
fît l’étude la plus large. C’est ainsi que nous avons entendu la preuve de
confiance que la chambre nous a donnée dans cette circonstance. L’étude du
chemin de fer de Namur ne sera donc pas faite dans un seul sens, la direction
de Tirlemont, par exemple, mais dans différents sens, et je crois qu’en faisant
une étude aussi complète, l’administration s’est conformée au désir de la
chambre. Du reste, tous les travaux des ingénieurs seront publiés, et le
gouvernement justifiera, j’espère, la confiance de la législature.
Un honorable membre a rappelé
que l’exploitation du chemin de fer est encore incomplète, en ce qu’elle se
borne jusqu’à présent au transport des voyageurs. J’avais espéré, messieurs,
que nous aurions pu cette année compléter l’exploitation en y comprenant le
transport des marchandises, mais de grandes difficultés ont été rencontrées par
l’administration, elle a trouvé des obstacles qui sont connus de vous tous :
d’abord, messieurs, il a été impossible de compléter entièrement le matériel
par les seules ressources qu’offre le pays ; je citerai, par exempte. les
rouages des waggons ; jusqu’à présent il n’y a en Belgique qu’un seul
industriel qui en fabrique, et malgré toute l’activité qu’on a exigée de lui,
il a été quelque temps en demeure de remplir ses engagements : d’un autre côté
l’administration a toujours reculé devant l’idée de s’approvisionner à
l’étranger ; cela n’a pu avoir lieu récemment, quant aux rouages, que parce
qu’il s’est trouvé à l’étranger des modèles inconnus dans le pays ; grâce à
cette circonstance, ces objets ont pu entrer en franchise de droit.
Ce qui a, en second lieu,
empêché d’organiser le transport des marchandises, c’est l’affluence
considérable des voyageurs. Par cette affluence extraordinaire, il a été de
toute impossibilité de faire en même temps le transport des marchandises, par
la seule voie unique qui existe actuellement.
Ceci m’amène naturellement,
messieurs, à parler de la double voie entre Bruxelles et Anvers, double voie
qui est reconnue de la plus urgente nécessité. Cette double voie, messieurs,
était dans la pensée du législateur de 1834 (pour me servir de l’expression
d’un honorable préopinant qui a révoqué le fait en doute) ; elle était
tellement dans la pensée du législateur de 1834 que tous les terrassements ont
été faits pour une double voie, de sorte que si le gouvernement avait excédé
ses pouvoirs dans ces derniers temps en commençant à faire placer pour la
seconde voie des rails entre Bruxelles et Anvers, cet excès de pouvoir
remonterait beaucoup plus haut ; il n’aurait fallu faire les terrassements que
pour une simple voie.
Cette double voie entre
Bruxelles et Anvers est devenue indispensable par les raisons qui ont été
indiquées entre autres par l’honorable M. Gendebien, et par celle que j’ai
donnée moi-même, c’est-à-dire afin de pouvoir effectuer convenablement le
transport des marchandises sans entraver le transport des voyageurs.
La
jonction du chemin de fer et de l’Escaut n’est pas encore opérée, comme l’a
fait observer l’honorable M. Rogier ; c’est que cette jonction a également
rencontré des difficultés qui sont connues de l’honorable membre ; il faudra,
peut-être, un arrangement entre le gouvernement et la ville d’Anvers : si le
chemin de fer doit aboutir à l’Escaut au point où se trouve maintenant le
bassin d’Anvers entre les forts du Nord et l’enceinte actuelle, elle exigera un
travail très considérable. C’est là un projet très grand, digne d’une étude
sérieuse ; ce sont de ces décisions qu’on n’improvise point.
Dès mon entrée au ministère,
cette question a fixé mon attention ; j’ai déjà visité les lieux.
Je comprends, messieurs,
l’impatience publique, impatience qui a dû se communiquer à la chambre et qui a
dicté les réclamations dont plusieurs députés se sont tout à l’heure constitués
les organes ; le gouvernement ne perd pas de vue les engagements qu’il a pris ;
il cherche autant que possible à exécuter simultanément les différentes lignes
de chemin de fer, mais il se trouve arrêté par des obstacles qui résultent de
la force des choses, on ne doit pas lui en fait de reproche.
M. Duvivier. – J’avais demandé la parole, messieurs, pour appuyer
les observations de l’honorable M. Gendebien, mais cela est devenu à peu près
inutile, par suite de ce que M. le ministre des travaux publics vient de nous
dire. En effet, messieurs, d’après la déclaration de M. le ministre, les
travaux vont incessamment commencer entre Bruxelles et Tubise.
Lorsque j’ai dit qu’il n’y a
point de contestation, je n’entendais pas parler de tout le tracé de Bruxelles
à la frontière de France, mais seulement de Bruxelles à Tubise ; et ici je ne
suis pas entièrement d’accord avec M. le ministre des travaux publics. Vous
savez parfaitement bien, messieurs, qu’il n’y a aucune contestation,
relativement à cette première section, et que le projet de MM. Vifquain et de
Moor a été unanimement adopté par la commission chargée de l’examiner.
Il n’y a donc de contestation
que pour la partie entre Tubise et Mons, pour laquelle deux directions sont
proposées, car on est également d’accord pour la section de Mons à Quiévrain.
Les travaux peuvent donc commencer dès à présent pour les deux sections de
Bruxelles à Tubise et de Mons à la frontière de France. Je désire de tous mes
vœux qu’elles soient immédiatement mises en adjudication, afin que le Hainaut
voie qu’on s’occupe enfin de cet embranchement, qui a été décrété le premier,
et qui paraissait jusqu’à présent ne devoir être exécuté qu’en dernier lieu.
M. le ministre des travaux
publics (M. Nothomb). –
Messieurs, je reprends un moment la parole, pour rectifier un fait. Il y a,
contrairement à ce qu’on a avancé, contestation pour toute la direction du
chemin de fer du Hainaut, à partir de Bruxelles jusqu’à la frontière française.
Ainsi, il y a contestation pour la section de Bruxelles à Tubise ; les uns
partiront à droite, les autres à gauche de Charleroy, pour arriver, il est
vrai, à Tubise. En outre, le point de départ de Bruxelles est subordonné à une
autre question très importante, c’est celle de l’établissement d’une seule
station centrale à l’Allée-Verte, ou bien de l’établissement d’une seconde
station dans le quartier des Bogards. Il y a donc une station pour toute la
direction du chemin de fer du Hainaut à partir de Bruxelles.
Il est très vrai, et j’ai eu
soin de le rappeler moi-même, que la commission qui a examiné cette question, a
morcelé les deux projets ; elle a adopté à l’unanimité la direction proposée
par MM. Vifquain, Noël et de Moor pour les deux sections extrêmes, c’est-à-dire
pour celles de Bruxelles à Tubise et de Mons à la frontière française ; et elle
s’est rangée de l’avis les ingénieurs Simons et de Ridder pour la section
intermédiaire ; mais il est à remarquer que l’opinion de la commission n’est
qu’un avis, qui sans doute est devenu pour le gouvernement un élément de
conviction de plus.
Ainsi, messieurs, il est vrai
de dire qu’il y a contestation à partir de Bruxelles et je dois insister sur ce
fait ; car s’il n’y avait pas eu contestation depuis l’origine sur la direction
du chemin de fer du Hainaut, la conduite de mon honorable prédécesseur, ma
conduite propre serait injustifiable.
M. Dolez. - Messieurs, je voudrais pouvoir, comme l’honorable
M. Duvivier, me déclarer satisfait des explications qui ont été données par M.
le ministre des travaux publics. Malheureusement il n’en est pas ainsi ; en
effet, que vois-je dans les explications du ministre ? Les mêmes promesses dont
déjà tant de fois le gouvernement nous a leurrés relativement à la question qui
nous occupe aujourd’hui. Depuis un an à peine j’ai l’honneur de siéger parmi
vous, et pourtant deux fois déjà, si ma mémoire est fidèle, j’ai reçu du
ministre des travaux publics des promesses absolument analogues à celles qu’il
fait aujourd’hui. J’y ai cru alors, je n’y crois plus aujourd’hui.
Je veux donc plus que des
promesses ; sinon, je sais quel sera le vote que j’émettrai non seulement dans
la discussion actuelle mais encore lors de la discussion du budget des travaux
publics. Et que le gouvernement le sache bien, je n’aurai pas seulement, en
agissant ainsi, ma propre pensée pour guide, mais encore les vœux unanimes de
la province à laquelle j’appartiens.
Je le répète, toutes les
promesses qui nous ont été faites jusqu’ici sont demeurées stériles ; on les
reproduit aujourd’hui, et en quels termes ? On espère, dit-on, que dans le cas
où la contestation qui règne relativement à tout le tracé du chemin de fer de
Bruxelles à la frontière française, il sera possible d’adjuger partiellement
les travaux de la section de Tubise. Eh quoi ? on veut nous faire croire
sérieusement que depuis plus d’un an une contestation sur les deux tracés du
chemin de fer a pu occuper le gouvernement, sans qu’il ait été à même de
prendre une solution ! S’il en avait eu la ferme volonté, il serait depuis
longtemps parvenu à ce but.
Non, messieurs, cette
contestation sur laquelle le ministre a insisté avec tant de complaisance,
comme la chambre a pu le remarquer, cette contestation, et j’en ai l’intime
conviction, est le prétexte de retarder la construction de l’embranchement qui
a été imposé au gouvernement, et de la retarder le plus longtemps possible. Le
gouvernement, s’il le voulait, serait bientôt en état de déterminer quelle est,
soit partiellement, soit pour le tracé, la direction la plus utile, non
seulement pour le pays qu’elle doit parcourir, mais encore au système complet
du chemin de fer.
La commission d’enquête, que,
pour le dire en passant, on avait eu soin de composer de telle sorte que les
intérêts du Hainaut n’y fussent représentés qu’en minorité ; la commission
d’enquête, dis-je, s’est prononcée à l’unanimité contre deux des sections du
chemin de fer présentées par MM. Simons et de Ridder. Eh bien quand on voit
d’une part le pays tout entier et de l’autre la commission d’enquête donner la
même solution au point de contestation et demander d’un commun accord que le
chemin de fer qui a été proposé par MM. De Moor et Vifquain soit exécuté,
comment le gouvernement peut-il se trouver encore dans l’embarras. Je ne crois
pas à cet embarras du gouvernement, je crois à son mauvais vouloir. Un seul
moyen pourrait me détromper, je le désire : il me répugne certes à croire au
mauvais vouloir du gouvernement envers une province qui est peut-être
malheureuse que nos ministres ne la connaissent pas mieux qu’ils ne paraissent
la connaître. Ils devraient savoir que le Hainaut appelle à lui une foule
d’étrangers, des industriels de tous les pays qui viennent visiter, habiter, envier
la province du Hainaut ; je voudrais savoir si l’un de nos ministres, et
surtout si le ministre des travaux publics, depuis bientôt un an qu’il est à la
tête de son département, s’est donné la peine de parcourir en détail cette
province, digne d’un si haut intérêt. Si de semblables visites avaient eu lieu,
on aurait senti peut-être que le Hainaut mérite autre chose que l’oubli.
En résumé, ma résolution est
ferme ; si M. le ministre ne prend pas l’engagement formel de déterminer une
époque fixe à laquelle seront commencés les travaux du chemin de fer de
Brucelles à la frontière française par Mons, je voterai contre le projet de
loi, comme ultérieurement je voterai contre le budget des travaux publics.
La
chambre me pardonnera, je l’espère, d’avoir défendu ici ce qu’on appelle un
intérêt de localité. Je regrette plus que tout autre, messieurs, que vos
moments, qui devraient être consacrés à l’intérêt général, soient si
fréquemment absorbés par l’intérêt local. Mais il n’est qu’un seul moyen
d’empêcher les intérêts locaux d’élever la voix dans cette enceinte, où l’on ne
devrait entendre que des réclamations d’intérêt général ce moyen c’est d’être
juste envers toutes les localités. Comme le gouvernement ne l’est pas, comme il
ne l’a pas été depuis longtemps en faveur de la localité que je représente,
c’était un devoir pour moi de ne pas garder le silence ; je me serais tu, s’il
ne s’était agi dans cette circonstance que d’un intérêt personnel, mais je ne
pouvais me taire, alors que je devais accomplir un devoir.
Je demande encore à M. le
ministre des travaux publics s’il veut s’engager à faire commencer les travaux
du chemin de fer du Hainaut dans un délai qu’il indiquerait.
M. Demonceau. - Messieurs, si j’ai bien compris la réponse, que M.
le ministre des travaux publics a donnée à la demande que je lui ai adressée,
il en résulterait que le gouvernement aurait l’intention de mettre en
adjudication les travaux du chemin de fer de Gand à Lille, avant même qu’on fût
d’accord sur le tracé définitif du chemin de fer qui doit aller de Liége à la
frontière prussienne. Je crois en effet avoir entendu cette observation de la
part de M. le ministre des travaux publics : que s’il n’y avait pas eu
contestation au sein de la chambre sur le tracé qui liera Gand à Lille, cette
section aurait déjà été mise en adjudication. Lorsque le ministre a donné les
détails des travaux à exécuter dans la province de Liége, il vous a dit que
bientôt, sans préciser l’époque, et c’est un moyen facile de se tirer d’embarras,
que bientôt, dis-je, il mettrait en adjudication les travaux d’Ans à Liége et
de Liége à Fraipont. M. le ministre des travaux publics doit savoir que cette
partie des travaux exigera beaucoup de temps avant son achèvement ; mais ce qui
m’effraie, messieurs, c’est de voir qu’on ne parle pas encore du district de
Verviers, car Fraipont est situé dans le district de Liége. Fraipont est à
trois lieues de Liége environ, Verviers est également distant de trois lieues
de la frontière prussienne ; et on vous dit que si le nouveau crédit de 10
millions est voté, l’on n’aura de fonds que jusqu’au 1er mai prochain.
Je demande donc à M. le
ministre des travaux publics de me dire s’il est réellement dans l’intention de
ne pas s’occuper des travaux du chemin de fer entre Fraipont et la frontière
prussienne, avant l’adjudication des travaux du chemin de Gand vers Lille.
Je n’entends pas entraver la
marche du gouvernement, ni lui imposer un ordre quelconque de travaux ; mais je
crois avoir d’autant plus de droit de lui recommander de s’occuper sans retard
du chemin de fer entre Liége et la frontière prussienne, lequel, j’en ai
l’intime conviction, ne sera pas achevé dans deux ans, si même on le commence
aujourd’hui.
Et
ici les observations de l’honorable M. Rogier tendant à joindre l’Escaut à la
frontière prussienne trouvent leur place. En effet, à quoi servira que le
chemin de fer soit joint à l’Escaut, si vous ne joignez pas Liége à la
frontière prussienne ? Il en résulte donc que tant que vous n’aurez pas achevé
la section de Liége vers l’Allemagne, ii est impossible que le chemin de fer
arrive au but véritable que la loi du 1er mai
Il est certain qu’il est de la
dernière importance que la Belgique s’occupe sans retard et activement de la section
dont il s’agit, et surtout dans ce moment, car je puis donner au pays et à la
chambre l’assurance qu’on est vivement occupé en Prusse du chemin de fer qui
doit joindre Cologne à la frontière belge.
Je demande donc itérativement
à M. le ministre des travaux publics qu’il veuille bien nous dire l’époque à
laquelle il pense qu’on pourra mettre en adjudication les travaux de la section
de Fraipont à Verviers.
M. le ministre des travaux
publics (M. Nothomb). -
Messieurs, un honorable député du Hainaut a demandé que le gouvernement prît
l’engagement formel que les travaux du chemin de fer du Hainaut seront
commencés prochainement. Cet engagement, je l’ai déjà pris ; je n’ai pas
annoncé vaguement que j’espérais que prochainement la question qui était
controversée recevrait une solution. Aujourd’hui l’instruction est complète ;
l’enquête que tout le monde, ainsi que l’honorable préopinant, a reconnue comme
un préliminaire indispensable, est terminée.
Aujourd’hui cette affaire est
amenée à son dernier degré d’instruction ; le gouvernement peut et doit prendre
une résolution. Elle sera prise ; peut-être ne sera-ce que pour une partie,
mais il suffit qu’il y ait un commencement d’exécution matérielle. M. Dolez m’a
ajourné jusqu’à l’époque de la discussion du budget ; j’accepte ce nouveau
rendez-vous ; pour cette époque une décision au moins partielle aura été prise
et mise à exécution.
J’ai
dit, en rappelant les difficultés que rencontre le gouvernement, qui sont
indépendantes de sa volonté et qu’il ne doit pas méconnaître pour remplir les
engagements qu’il a pris et se montrer digne de la confiance qu’on lui a
accordée ; en rappelant, dis-je, ces difficultés, j’ai dit que si on ne s’était
pas trouvé arrêté par des réclamations parties de cette chambre même, une
partie de cet embranchement serait mis en adjudication. En effet, je crois que
si aucune difficulté ne s’était présentée à partir de Gand, il eût été
impardonnable de ne pas mettre en adjudication une partie de cet embranchement.
Je ne vois pas la corrélation
nécessaire que suppose le préopinant entre l’embranchement ver Lille et celui
vers la frontière de Prusse. Cette dernière ligne doit se faire ; mais s’il se
rencontre de grandes difficultés sur cette route, il ne faudrait pas qu’une
autre section qui n’en présenterait pas dût en souffrir ; c’est ainsi que la
simultanéité des travaux doit être sainement entendue.
Prochainement on mettra en
adjudication la section de Liége à Fraipont ; dès que les difficultés qui se
présentent au-delà seront aplanies, on ira plus loin ; le gouvernement ne
demande pas mieux que de pousser les travaux sur tous les points ; mais il ne
doit point passer outre comme s’il n’existait aucun obstacle.
M. de Foere. - Les délibérations de la chambre se sont portées
jusqu’à présent sur l’exécution des travaux du chemin de fer ; je désire
appeler son attention sur quelques autres points du projet de loi en
discussion, et en premier lieu sur la dangereuse facilité dont disposent les gouvernements
d’augmenter outre mesure les dettes flottantes de leurs pays.
A la fin de la guerre
continentale, l’Angleterre avait élevé sa dette flottante à l’énorme chiffre de
1,800 millions ; la dette flottante de la France était en 1830 de 400 millions.
Je crains que notre gouvernement ne soit aussi disposé à accroître la nôtre
outre mesure. En effet, chaque fois qu’il vient nous proposer le budget de
l’Etat, M. le ministre des finances ne manque pas de nous énumérer les
avantages d’une dette flottante. Je suis loin de soutenir qu’une dette
flottante soit dénuée de tout avantage, j’en ai soutenu au contraire l’utilité
en 1835, lorsque cette dette a été créée ; mais je me suis fortement élevé, et
à différentes reprises, contre la monstrueuse commission, de 2 p. c. qu’alors
le gouvernement proposait d’accorder aux banquiers et aux autres preneurs de
nos bons du trésor, contre l’intérêt de 6 p. c. qu’on voulait joindre à cette
commission, et contre l’emprunt que la chambre proposait de lever pour garantir
la dette flottante. L’intérêt et la commission ont été votés ; heureusement
l’emprunt a été écarté.
Je suis encore partisan d’une
dette flottante, mais le principe d’une dette de cette nature doit, dans l’état
normal du pays, c’est-à-dire dans les circonstances ordinaires, reposer sur un
seul besoin, celui de faciliter le service de l’Etat, la régularité et
l’exactitude de ses paiements. C’est ainsi que dans les six premiers mois de
l’année, lorsque les recettes de l’Etat ne sont pas abondantes, les bons du trésor
sont pour le gouvernement un moyen facile d’effectuer ses paiements à des
échéances fixes et régulières. Le trésor rembourse ensuite ces paiements, faits
au moyen de bons du trésor, avec les recettes qui s’opèrent plus abondamment
dans les six derniers mois de l’année.
En procédant de cette manière,
les dépenses de l’Etat sont balancées avec les recettes.
Or, vous savez, messieurs,
combien il importe à une bonne administration des finances de l’Etat que les
recettes et les dépenses d’un exercice soient balancées. Mais lorsqu’une dette
flottante est créée pour d’autres besoins, alors commencent les dangers que
j’ai signalés plus haut ; alors aussi la balance entre les recettes et les
dépenses de l’Etat ne peut s’établir ; alors on émet des bons du trésor outre
mesure ; on ne fait que créer des dettes qui ne sont pas couvertes par les
recettes de l’Etat.
Je prie la chambre de faire
attention à cette autre conséquence dangereuse d’une dette flottante excessive
; elle lèse les intérêts du commerce et de l’industrie du pays. Je suis à cet
égard en opposition directe avec le ministre des finances.
Il a dit dans son discours qui
ouvre les budgets de l’Etat, « qu’une dette flottante rend productifs des
capitaux qui resteraient sans emploi au détriment du commerce et de
l’industrie. » Or, une dette flottante exerce sur le commerce et sur
l’industrie des influences inverses. En voici la raison ; Quand les capitaux
trouvent un plus grand avantage dans les intérêts de la dette flottante, ils se
portent sur cet intérêt ; ils sont d’autant distraits de l’escompte commercial.
L’argent étant une marchandise
comme une autre, son prix hausse ou baisse dans la même proportion dans
laquelle il abonde ou n’abonde pas sur un marché ; s’il n’abonde pas à
l’escompte parce qu’il se porte aux bons du trésor, l’intérêt de l’escompte ne
peut baisser. Or, chacun sait combien il importe au commerce et à l’industrie
que l’intérêt de l’escompte soit porté à un taux minime. Cet avantage ne peut
être recueilli par le commerce et par l’industrie dans les pays où les intérêts
de la dette flottante sont portés à 4, 4 1/2 et à 5 p. c. Cet intérêt règle
presque toujours le taux de l’escompte ; car les capitalistes ne se
contenteront pas de 3 ou 3 1/2 p. c., lorsqu’ils peuvent faire 4 et 5 p. c.
Messieurs, on propose à
l’article 2 du projet la continuation de l’énorme commission que le
gouvernement peut accorder aux banquiers et autres preneurs de nos bons, ainsi
que d’un intérêt de 5 à 6 p. c. L’article 2 du projet en discussion porte que
l’émission de nos bons du trésor sera faire aux mêmes conditions qu’en 1833. Je
demande si ce n’est pas vilipender en 1837 notre crédit que d’écrire dans la
loi que le gouvernement sera autorisé à émettre des bons du trésor à l’intérêt
de 6 p. c. et avec 2 p. c. de commission, ce qui fait 8 p. c. par an.
M.
le ministre des finances pourra nous objecter que jusqu’à présent il n’a pas
abusé de la confiance qui lui a été accordée par une même mesure législative
précédente. Il est vrai que les bons du trésor ont été émis à 4, 4 1/2 et 5 p.
c . Je prie d’avance le ministre de remarquer que je ne conteste pas ce fait.
Les annonces du Moniteur sont là pour
le confirmer, Ma sollicitude se porte sur un autre point. Je crains que ce soit
avilir publiquement notre crédit public que d’autoriser le gouvernement,
aujourd’hui que ce crédit est considérablement amélioré, à émettre des bons du
trésor à l’énorme intérêt de 6 p. c., plus 2 p.c. de commission. Je trouve que
cette commission est exorbitante aujourd’hui et que même elle n’était pas
nécessaire en 1833 ; la preuve en est que les souscriptions excédaient de
beaucoup les sommes à prendre comme bons du trésor.
Je ne pourrais accorder en
1837 une commission aussi élevée. Je sais qu’il est difficile de taxer, avec
précision, le chiffre de l’intérêt. Je préférerais ne fixer aucun intérêt, ni
commission, afin de ne pas compromettre le crédit public du pays, et laisser au
ministre la faculté de négocier nos bons du trésor au taux le plus avantageux
pour le pays.
Il agira dans les intérêts du
pays, et selon les circonstances dans lesquelles l’Etat se trouvera placé. Mais
écrire dans la loi le maximum de l’intérêt et de la commission qu’on autorise
le gouvernement à donner ,c’est dire à combien nous évaluons nous-mêmes notre
crédit. J’ai dit.
M. Gendebien. - Mon intention est de répondre au ministre des
travaux publics. Si M. le ministre des finances veut prendre la parole, je la
lui céderai ; mais j’ai peu de chose à dire.
Je dois faire remarquer au
ministre des travaux publics qu’il se trouve dans une position délicate
vis-à-vis de la province du Hainaut. Il a dit que s’il n’y avait pas eu dès le
principe contestation sur l’exécution du tracé de cet embranchement, la
conduite de son prédécesseur serait injustifiable. Or, dès le principe, il n’y
a pas eu de contestation ; car on n’a rien fait pendant trois ans, et ce n’est
que depuis six mois que cette contestation a été soulevée. Le prédécesseur de
M. le ministre des travaux publics ne s’était en aucune façon occupé de la
section de Bruxelles vers la frontière de France. Il a fallu qu’une société
particulière se mît en concurrence et s’occupât de faire lever des plans, pour
que le gouvernement songeât à cet embranchement. Lorsqu’il y a un an, je
réclamai pour obtenir l’accélération des travaux de la section du Hainaut, le
ministre de l’intérieur m’a répondu que la section de Bruxelles à la frontière
de France par le Hainaut n’avait été accordée qu’aux exigences des députés du
Hainaut. Ainsi, lorsque mon honorable collègue M. Dolez a dit qu’il était en
droit ainsi que la province du Hainaut de voir dans la conduite du ministère un
mauvais vouloir, il a eu parfaitement raison. Et ce que je viens de dire est
tellement vrai, que la chambre de commerce et l’administration municipale de
Mons, se sont adressées directement au Roi, précisément à cause des paroles si
imprudemment jetées dans la discussion, par le ministre de l’intérieur, paroles
que je viens de rappeler,
Aussi ne s’agit-il plus aujourd’hui
de promesses vagues. Il fallait un engagement formel : cet engagement formel,
le ministre des travaux publics vient enfin de le prendre. Il a dit que les
travaux seront commencés avant que l’on aborde la discussion de son budget.
J’attends M. le ministre des travaux publics à la discussion de son budget ;
j’aime à croire qu’il tiendra parole pour cette fois, Mais encore, en exécutant
le chemin de fer jusqu’à Tubise, il ne remplira que le tiers de l’engagement
pris envers le Hainaut par la loi du 1er mai 1834. Il faudrait commencer en
même temps la section de la frontière de France à Mons. Il n’existe à cet égard
aucune objection, plus, il y a unanimité dans la commission pour la direction
au-delà de Mons.
Vous tireriez un double
avantage de la section de Mons à la frontière française. D’abord vous feriez
comprendre au gouvernement français combien il est en retard de commencer cette
voie civilisatrice. Le jour où l’on commencera à travailler à la frontière
française, tous les journaux, toute la polémique de France, pousseront le
gouvernement. Il n’est pas mauvais que la presse française se mette deux ans
d’avance à pousser le gouvernement, parce que, à la manière dont on traite les
travaux publics en France, il n’est pas probable qu’on se débarrasse des
mauvais vouloirs du corps des ponts et chaussées sans un hourra général de la
presse française.
D’un autre côté, notre
gouvernement gagnera beaucoup à la construction des deux sections de la
frontière à Mons et de Tubise à Bruxelles. Tous les Français à vingt lieues à
la ronde viendront à Anvers par le chemin de fer sans s’inquiéter de
l’intervalle entre Mons et Tubise. Vous attirerez ainsi un grand nombre
d’étrangers qui viendront voir nos chemins de fer et visiter notre pays. Je
considère donc l’engagement pris pour une seule section comme tout à fait
insuffisant, soit dans l’intérêt du trésor, soit pour satisfaire à des
engagements législatifs, et surtout pour calmer les justes plaintes de la
province la plus importante, celle du Hainaut.
Je
voudrais que l’on fît une bonne fois revenir la province du Hainaut de la
conviction où elle est du mauvais vouloir du gouvernement à son égard, idée qui
n’est que trop justifiée. N’a-t-on pas perdu en effet infiniment de temps ?
Depuis trois ans et demi que la route est décrétée, on n’a rien fait.
N’aurait-on pas pu, depuis que la commission s’est réunie, faire les
adjudications, commencer les terrassements ? Depuis dix ans il ne s’est pas
présenté une saison aussi favorable que cette année pour faire les terrassements.
On a perdu l’occasion d’employer les ouvriers briquetiers ; ces ouvriers ne
sont plus maintenant à votre disposition, ils sont retournés chez eux ; tandis
que si vous aviez commencé plus tôt les travaux en sortant des ateliers de
briqueterie, ils seraient entrés tout naturellement dans les ateliers de
terrassements.
Je voudrais que le ministre
persistât dans la voie où il vient d’entrer, et que, à l’engagement formel
qu’il a pris de faire commencer les travaux de Bruxelles à Tubise, il joignît
le même engagement pour la section de Mons à la frontière de France dont j’ai
démontré l’utilité pour tous.
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je dois rectifier quelques faits. Lorsque, dans
une discussion sur les chemins de fer, j’ai fait l’historique de la loi du 1er
mai 1834, lorsque j’ai dit que cette loi, qui ne concernait d’abord qu’un
chemin de fer de Bruxelles à Anvers et la frontière d’Allemagne, avait grandi
dans le sein de la législature, au point de comprendre les chemins de fer
jusqu’à Ostende et jusqu’à la frontière de France par le Hainaut, il n’est
nullement entré dans ma pensée de dire que le gouvernement ne voudrait pas
donner suite à une partie quelconque de la loi. Cela est si peu entré dans ma
pensée que j’ai ordonné l’exécution de la loi dans toutes ses parties, et que
c’est moi qui ai décidé que la section du Hainaut devait partir de Bruxelles et
aller par Mons. Voilà le projet que j’ai admis.
D’autre
part on a dit que le gouvernement ne s’est pas occupé de l’étude du tracé vers
Mons. C’est là une erreur. Dès 1835, j’ai mis trois ingénieurs à la disposition
de la société générale (qui faisait faire les études dans le but d’obtenir la
concession), mais à la condition que les plans des ingénieurs seraient remis au
gouvernement s’il ne donnait pas suite à la demande en concession de la société
générale, ou si, le gouvernement l’ayant admise, la législature ne la ratifiait
pas. De sorte que j’ai pris dès 1835 toutes les dispositions pour l’exécution
dit chemin de fer dans le Hainaut. Ces études me sont parvenues dans les
premiers mois de 1836. Les documents imprimés au Moniteur en font foi. Le travail de MM. de Moor, Noël et Vifquain y
a été inséré comme aussi celui de MM. Simons et de Ridder, qui ont été chargés
après eux d’étudier et rédiger leur contre-projet pour que le gouvernement eût
à choisir entre les deux opinions.
Il n’y a donc pas de doute à
élever sur l’activité que j’ai mise à préparer l’exécution de la route en fer
par le Hainaut depuis 1835 jusqu’au moment où les travaux publics ont été
distraits du ministère de l’intérieur. Mon successeur a institué une commission
d’enquête, et il est maintenant en état de prendre une décision.
M. Gendebien. - M. le ministre de l’intérieur conteste mes
assertions ; cependant toute la chambre se rappelle ses paroles. Il n’en est
pas moins vrai que si une société ne s’était présentée pour étudier le tracé
dans le but d’obtenir la concession, le ministre qui n’y avait pas encore pensé
n’y aurait pas pensé davantage pendant longtemps ; nous sommes en droit de le
croire. Ensuite, ce qui est présent sans doute à votre mémoire et que je
justifierai le Moniteur à la main.
s’il le faut, c’est que le ministre de l’intérieur, à la fin de 1836, ou même
je crois, au commencement de 1837, lorsqu’il était question de son budget, est
venu nous dire (pour répondre à nos plaintes) : qu’il se présentait de grandes
difficultés, que le gouvernement avait pris à l’égard du Hainaut les
engagements sans savoir lesquels ni connaître leur portée, et qu’on devait bien
se rappeler que la chambre n’avait fait que céder aux exigences des députés du
Hainaut. Je rappelai alors au ministre l’amendement dont j’avais parlé dans la
discussion de 1834, je lui rappelai que pendant quinze jours nous avons insisté
pour que l’on donnât un embranchement au Hainaut, comme on en donnait un à
Ostende et aux provinces du Limbourg et du Luxembourg. Nous avons demandé qu’il
fît partie de la loi ; après quinze jours d’une discussion acharnée (je puis le
dire) on réunit divers membres à la section centrale. Le résultat de cette
réunion fut que notre demande serait insérée dans la loi ; je déclarai alors
que je n’avais plus d’objection à faire. Je demandai que ce fût le ministère
qui présentât l’amendement afin d’éviter précisément ce qui est arrivé, afin
qu’on ne dît pas un jour que l’embranchement avait été obtenu par un amendement
arraché par l’exigence des députés du Hainaut. Je ne voulus pas faire
l’amendement, je déclarai que je ne le ferais pas. Ce fut alors M. de Puydt qui
le fit.
Ce
que j’avais prédit arriva. Pour répondre à nos plaintes, M. de Theux dit que
l’on n’avait fait que céder à nos exigences. J’espère que les souvenirs de M.
de Theux ainsi rafraîchis, il ne contestera plus mes assertions. Vous voyez
donc, messieurs, que le Hainaut a de justes raisons de défiance, et que
l’honorable M. Dolez et moi, nous sommes autorisés à dire qu’il y a eu et qu’il
y a peut-être encore mauvais vouloir à l’égard de cette province.
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je ne puis qu’insister sur ce que j’ai eu
l’honneur de dire il y a un moment. De ce que trois ingénieurs ont étudié le
tracé dans le Hainaut pour la société générale, l’honorable préopinant n’est
nullement en droit de tirer la conséquence que sans la demande de la société
générale, le gouvernement ne se serait pas occupé de ce tracé. Je dois dire que
cette conséquence est fausse ; car le gouvernement aurait prescrit de faire ces
études directement pour son compte, si cette circonstance ne s’était pas
présentée ; je puis même dire que je m’étais déjà occupé des dispositions à
prendre à cette fin.
Il est vrai qu’il y a eu doute
si l’embranchement vers la France devait passer par Tournay ou par Mons. Quant
à moi j’ai décidé qu’il devait passer par Mons. J’ai donc lieu d’être étonné
que ce soit un député de Mons qui trouve ici matière à critiquer mon
administration, alors que la décision que j’ai prise est complétement dans
l’intérêt de l’arrondissement qu’il représente.
Je crois que toute la
diligence possible a été apportée à l’étude des traces. Les deux projets ont
été terminés dès la fin de l’année dernière ; les exigences des divers
districts ont engagé mon successeur à instituer une enquête.
M. Desmaisières. - Messieurs, c’est avec un sentiment pénible que
j’ai entendu tout à l’heure un honorable député du Hainaut, M, Dolez, dire que
la commission chargée de l’examen du litige qui s’élevait relativement au
chemin de Bruxelles à la frontière de France, avait été composée de manière à
ce que le Hainaut s’y trouvait représenté en minorité. Je ne sais pas si je
dois interpréter cette allégation comme signifiant que les membres de la
majorité de cette commission, au nombre desquels je me fais honneur de compter,
se sont laissé diriger par des intérêts de localité, au lieu de voir, comme ils
le devaient, de quel côté était l’intérêt général du pays ; car ici, ce n’était
pas une question pour le Hainaut seulement, c’était une question qui
intéressait le pays tout entier. Je croirais donc manquer à mon devoir si, moi,
le seul des membres présents de cette majorité, je ne prenais pas la parole pour
repousser, comme je le dois, de pareilles allégations.
La
commission a été unanime sur deux points : sur la section de Bruxelles à Tubise
et sur celle de Mons à la frontière de France ; elle n’a été divisée que sur la
section de Tubise à Mons.
Messieurs, il y avait deux
directions proposées de Tubise à Mons, et sur lesquelles nous étions appelés à
donner notre avis ; mais ni l’une ni l’autre de ces directions n’intéressait
également, et ne pouvais intéresser également tout le Hainaut ; dès lors il
était bien naturel, et même c’était un devoir pour le ministre, de ne pas
composer la commission entièrement de personnes attachées aux localités du
Hainaut ; car il aurait pu se trouver que plusieurs de ces localités se fussent
réunies et eussent formé une majorité, laquelle aurait imposé son opinion à la
minorité, tandis que l’avis de la minorité eût été dans l’intérêt du pays.
Je ferai des vœux pour que les
publications faites dans le Moniteur
soient promptement terminées, afin que l’opinion de la majorité de la
commission soit connue du pays ; parce qu’alors on verra si nous avons négligé
les intérêts généraux.
M. Dolez. - Je demande la parole pour un fait personnel.
Messieurs, tout à l’heure, en
vous disant quel esprit avait présidé à la formation de la commission
d’enquête, il n’est pas entré dans ma pensée d’examiner les votes de tel ou tel
membre de cette commission. Il y a longtemps que j’ai cru devoir m’abstenir
d’émettre toute opinion sur la manière de confectionner le chemin de fer de
Bruxelles à travers le Hainaut ; car dès l’origine j’ai bien senti que cette
question serait le prétexte dont on se servirait pour ajourner indéfiniment la
section du Hainaut. Je n’ai pas entendu non plus, je le répète, discuter le
mérite de telle ou telle opinion, je n’ai parlé que de l’esprit qui a dicté la
composition de la commission ; et il est incontestable que l’on avait besoin de
placer dans cette commission, en minorité, les représentants de la province qui
devait être parcourue par le chemin ; voilà ce que j’ai avancé.
Si j’avais voulu aller
au-delà, si j’avais voulu parler des individus, je l’aurais fait avec franchise
: j’aurais peut-être reproché au ministre des travaux publics d’y avoir appelé
un homme qui partout faisait connaître son opinion ; mais je m’en suis abstenu
parce que les questions de personnes ne m’occupent pas ; je m’en suis abstenu
parce que l’individu auquel je fais allusion n’était pas dans cette enceinte,
et n’aurait pas pu répondre, et parce que d’ailleurs les questions relatives à
notre pays ne doivent pas descendre à des questions d’individus. Voilà ce que
j’avais à dire sur le fait personnel.
Mais
puisque j’ai la parole, je dirai au ministre des travaux publics que la
question que j’ai posée renferme la condition sine qua non de mon vote au
budget de son département. Comme il a pris un engagement, que je regarde comme
synallagmatique, je voterai pour la loi en discussion ; mon vote n’est amené
que par cette promesse ; et il y aurait violation d’un contrat bilatéral si en
effet l’on ne commençait pas les travaux de Bruxelles à Tubise et de Mons à la
frontière française.
Je ne puis que me réunir de
tout cœur à l’opinion de M. Gendebien, de voir les travaux commencer sur ces
deux points à la fois ; le pays tout entier est intéressé à ce que la
France se réunisse à notre système de chemins de fer ; et le moyen le plus
efficace pour l’y contraindre, c’est d’arriver à sa frontière. Le jour où le
chemin de fer aboutira à Quiévrain, vous verrez bientôt les habitants du
département du Nord et des départements adjacents élever la voix pour forcer le
gouvernement français à construire son chemin de fer.
M. le ministre des travaux
publics (M. Nothomb). – Je
regrette que l’orateur ait désigné un des membres de la commission. La pensée
qui a présidé à la composition de cette commission était celle-ci : Outre les
représentants des intérêts du Hainaut, il fallait des représentants des
intérêts généraux ; il était convenable, par conséquent, de prendre un membre
dans chacune des deux chambres, c’est-à-dire dans les deux corps qui
représentent au plus haut degré le pays entier. Je crois que, si tous les
membres eussent été pris dans le Hainaut, la commission n’aurait pas présenté
les mêmes garanties ; et, peut-être, si je dois ajouter foi à quelques
réclamations qui me sont parvenues depuis, il aurait fallu un plus grand nombre
de représentants des intérêts généraux.
M. Simons. – Messieurs, mon intention n’était pas de prendre la
parole dans la présente discussion ; mais la réponse fait à M. Pollénus par le
ministre des travaux publics me force à rompre le silence. Il a dit que dans la
loi de 1834 la direction du chemin de fer, dans le Limbourg a été positivement
arrêtée, ainsi que la dépense de sa construction ; je proteste contre l’une et
l’autre assertion. J’ai fait partie de la commission qui a proposé ce chemin à
la chambre ; quel a été son but ? C’était de rattacher la province du Limbourg
aux lignes principales du chemin de fer ; c’était de faire jouir cette province
des avantages que cette nouvelle voie de communication donnerait à la Belgique
; mais ni la commission, ni la chambre n’ont voulu, en aucune manière, limiter
le tracé, la direction, et la dépense dont il s’agit. Je me rappelle bien qu’on
a parlé de la direction du chemin de fer du Limbourg sur Saint-Trond ; je me
rappelle encore que l’on a assuré que la dépense ne dépasserait pas un million
; mais pourquoi a-t-on dit cela ? C’était pour montrer la possibilité de
construire ce chemin de fer, et que des études en avaient déjà été faites ; que
les hommes de l’art avaient reconnu facile l’exécution de cet embranchement, et
que la dépense ne leur semblait pas devoir dépasser un million ; mais il
n’était ni dans l’intention de la chambre, ni dans celle de la commission,
d’arrêter une direction quelconque, et de déterminer la dépense à faire. Ce qui
était clairement entendu, c’est que l’intention de la chambre et du
gouvernement était d’accorder un embranchement au Limbourg. Quand l’occasion
plus opportune s’en présentera, je démontrerai que mieux vaudrait ne pas donner
l’embranchement que de le donner avec les conditions que l’on a indiquées ; et
que mieux vaudrait accorder le millions au Limbourg pour qu’il pût construire
d’autres routes.
Je
n’ai cru devoir prendre la parole que pour protester contre l’interprétation
que M. le ministre des travaux publics a donnée au vote de la chambre. Jamais,
messieurs, il n’a été dans notre intention d’arrêter la direction ou de limiter
la dépense du chemin de fer du Limbourg. Le but de la commission, le but de la
chambre, le but que le gouvernement doit également se proposer, a été de doter
cette province d’un embranchement du chemin de fer. J’espère donc que le
gouvernement adoptera la direction qui est non seulement dans l’intérêt de la
province, mais encore dans l’intérêt du trésor public.
M. le ministre des travaux
publics (M. Nothomb). –
Messieurs, je dois renvoyer l’honorable préopinant à la discussion qui a
précédé l’adoption de la loi, discussion qui se trouve rapportée dans le Moniteur. Le ministère a déclaré à
plusieurs reprises, et il y a été forcé par les interpellations qui lui ont été
faites dans cette chambre et au sénat, qu’il entendait la loi dans le sens que
la dépense occasionnée par l’embranchement du Limbourg n’excéderait pas un
million. Néanmoins, messieurs, comme je l’ai déjà dit, les études doivent se
faire dans tous les sens, et, s’il était reconnu qu’il existe une direction
plus avantageuse que celle qu’on avait en vue, c’est-à-dire la direction vers
Saint-Trond, alors, et dans le cas où la direction à laquelle le gouvernement
croirait devoir donner la préférence exigerait une dépense supérieure à un
million, il serait obligé, en demandant un crédit nouveau, de se faire donner
l’autorisation d’excéder la dépense d’un million.
De cette manière, le
gouvernement pourrait être dégagé de l’engagement qu’il a pris devant l’une et
l’autre chambre, engagement dont le compte-rendu de la discussion fait foi.
M. Verdussen. – J’ai demandé la parole, messieurs, pour répondre
quelques mots à M. l’abbé de Foere sur les trois points qu’il a cru devoir
traiter.
L’honorable orateur a d’abord
signalé le danger d’une dette flottante excessive ; sur ce point, messieurs, je
crois qu’il n’y a aucune différence entre l’opinion de tous les membres de la
chambre, pas même entre l’orateur et M. le ministre des finances ; ce dont je
trouve la preuve dans le discours qui est placé en tête du budget général, où
M. le ministre des finances dit positivement que la dette flottante ne doit pas
être en disproportion avec les ressources du pays.
Le second point qui a été
traité par l’honorable membre et sur lequel je ne suis pas tout à fait d’accord
avec lui, c’est qu’il y aurait avantage pour le pays, pour le commerce et
l’industrie, à ce qu’il n’existât pas de dette flottante. Ici, messieurs, je
partage tout à fait l’avis de M. le ministre des finances, que jamais l’industrie
et le commerce ne souffrent plus que lorsqu’il y a une masse de capitaux
oisifs, lorsqu’il dort beaucoup d’argent dans toutes les caisses. Or, s’il n’y
avait pas de dette flottante, le fisc serait obligé, dans certains moments,
d’avoir des sommes énormes en caisse afin de pouvoir subvenir aux paiements qui
doivent se faire à certaines époques de l’année, et ne pouvant pas se procurer
ces sommes précisément au moment où il en aurait besoin, il devrait
nécessairement les amasser d’avance laisser dormir pendant longtemps beaucoup
de fonds dans ses caisses, puisqu’il ne faut au trésor, pour ses besoins de
tous les jours, que des sommes assez restreintes. A chaque fin de trimestre,
par exemple, il faut des masses d’argent pour le paiement des intérêts de la
dette des pensions, des traitements : c’est dans ces moments qu’une dette
flottante est une excellente ressource, puisque par ce moyen le gouvernement
peut, en payant quelques intérêts, se procurer les fonds dont il a besoin.
Enfin, messieurs, le troisième
point qu’a traité l’honorable M. de Foere, en anticipant réellement sur la
discussion de l’article 2 de la loi qui nous occupe, puisque c’est dans cet
article qu’il s’agit de continuer les conditions auxquelles la loi de
Si aujourd’hui, après avoir
sanctionné tous les ans la disposition dont il s’agit, si après avoir montré jusqu’ici
au ministère la confiance qu’il a si bien su mériter quant au crédit public, on
allait restreindre les conditions de l’émission des bons du trésor, ce serait
là véritablement jeter l’alarme dans le pays, ce serait faire croire que la
législature a des motifs pour retirer au ministre la confiance qu’elle lui
avait précédemment accordée et pour restreindre les limites qu’elle lui avait
imposées.
L’honorable
orateur dit qu’il aimerait mieux n’imposer aucune limite au gouvernement pour
l’émission des bons du trésor que de fixer à 6 p. c. le maximum de l’intérêt et
à 2 p. c. celui de la commission ; mais, messieurs, ce serait là véritablement
perdre le crédit public. Eh quoi ! on irait changer la loi qui établissait
cette limite et qui a été successivement rappelée dans quatre budgets
différents pour donner au ministère la faculté d’émettre des bons du trésor à
toutes conditions, à tout intérêt ! Mais, messieurs, quelle serait l’impression
produite par une semblable mesure ? Ne serait-il pas tout naturel de dire alors
: « Il faut que la Belgique ait un besoin urgent de fonds, il faut que le
fisc soit dans la plus pénible situation puisqu’on croit devoir abroger un
article de loi qui interdit au gouvernement de payer plus de 6 p. c. d’intérêt
et 2 p. c. de commission sur les sommes qu’il doit emprunter, sans que
cette disposition ait eu aucune mauvaise
suite depuis quatre années. » J’ai cru, messieurs, devoir combattre une
opinion dont l’application ferait un aussi mauvais effet, afin qu’elle ne
produise pas une impression fâcheuse sur le pays.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - Messieurs, je
me réfère entièrement aux observations de l’honorable M. Verdussen ; en y
ajoutant, je craindrais d’affaiblir les raisons qu’il a déduites pour justifier
le maintien des conditions de la loi de 1833, réglant l’émission des bons du
trésor. Je dirai seulement que la facilité que l’honorable abbé de Foere craint
pour l’extension de la dette flottante, n’est pas réellement à craindre, puisque
les limites de cette dette sont annuellement déterminées par la législature.
Du reste, messieurs, comme on
vient de vous le rappeler, les développements mêmes de la loi qui nous occupe
portent que ce n’est qu’en attendant d’autres mesures financières que le
gouvernement soumettra aux chambres, qu’il vient demander un moyen immédiat et
transitoire à l’effet de poursuivre les travaux des chemins de fer.
En
ce qui concerne les dangers qu’il y aurait dans une extension excessive de la
dette flottante, je suis entièrement d’accord avec l’honorable M. de Foere,
qu’il convient de restreindre cette dette dans des limites assez circonscrites,
toujours en rapport avec les ressources ordinaires du pays.
Quant au taux de l’intérêt des
bons du trésor, je répéterai une des observations faites par l’honorable M.
Verdussen, ce que depuis le 14 mars 1835 il n’a pas plus été accordé d’intérêt
au-dessus de 4 1/2 p. c. pour le terme le plus long. Ainsi, messieurs, depuis
bientôt trois ans il n’a pas été donné 5 p. c. aux plus longues échéances ;
pour les échéances plus rapprochées l’intérêt a été abaissé jusqu’à 2 p. c., il
a donc varié de 2 à 4 1/2 p. c., et même, en dernier lieu, pendant environ 8
mois le maximum a été de 3 1/2 p. c. Il me semble, messieurs, que le passé est
ici une garantie suffisante pour l’avenir. Il est évident du reste que le
gouvernement doit être animé de la même pensée que chacun de vous, la pensée
d’améliorer le crédit public autant que possible, d’économiser autant que
possible. Il me paraît que les explications qui viennent d’être données à
l’honorable M. de Foere doivent le rassurer entièrement sur les craintes qu’il
a manifestées.
M. de Foere. - Messieurs, l’honorable M. Verdussen, auquel M. le
ministre des finances s’est associé, a déplacé tout à fait les questions que
j’ai soulevées.
Je n’ai pas dit que notre
dette flottante excédait les justes proportions, mais j’ai appelé l’attention
de la chambre et j’ai exprimé des craintes sur la dangereuse facilité dont
disposent les gouvernements d’élever démesurément la dette flottante des pays.
Je n’ai pas non plus émis le
désir qu’il n’existât pas de dette flottante. J’ai reconnu, au contraire, les
avantages d’une dette flottante pour les mêmes raisons que M. Verdussen vient
de développer, pourvu qu’elle fût restreinte dans de justes limites.
L’honorable député d’Anvers a
placé encore une question sur un autre terrain. J’avais soutenu qu’une dette
flottante, lorsqu’elle est considérable, nuit aux intérêts de l’industrie et du
commerce, en ce que les capitaux sont appliqués avec plus de faveur aux bons du
trésor et sont distraits ainsi de l’escompte commercial. L’intérêt de
l’escompte baisserait dans la même proportion dans laquelle les capitaux
afflueraient sur l’escompte. La baisse de cet intérêt est évidemment dans les
intérêts du commerce et de l’industrie. Or, cette baisse est arrêtée par
capitaux qui se placent sur dans les bons du trésor. Or, c’est là un intérêt
des capitalistes, et non celui des commerçants et des industriels, proposition
que d’ailleurs je n’ai pas contestée, attendu que je ne l’ai pas traitée.
M. Verdussen a dit ensuite que
j’anticipais sur la discussion du deuxième article du projet de loi ; j’avais
cru jusqu’à présent que, lors de la discussion générale d’une loi, on examine
les différents principes qui sont renfermés dans la loi ; or, l’article 2 du
projet en discussion, en contenant deux, celui de l’intérêt et des bons du
trésor et celui des frais de négociation ; j’avais donc le droit d’appeler l’attention
de la chambre sur cet article, avant qu’elle l’abordât, afin de lui donner le
temps de réfléchir sur l’opinion que j’ai émise à cet égard et qui me paraît
mériter tous les soins de la chambre.
M.
Verdussen a dit aussi que M. le ministre des finances n’a pas dépassé le taux
courant de l’argent dans l’émission des bons du trésor ; M. le ministre l’a
affirmé de son côté. J’ai reconnu également que le ministre n’avait pas dépassé
ce taux de l’intérêt dans les émissions des bons du trésor. J’ai même invoqué
le témoignage du Moniteur. J’ai
soulevé une autre question, à laquelle l’honorable préopinant n’a pas répondu.
J’ai exprimé mes craintes sur la possibilité de la grave atteinte que recevrait
notre crédit public si, en 1837, il fût décrété publiquement par une loi que
nos bons du trésor portent un maximum d’intérêt de 8 p. c., c’est-à-dire 6 p.
c. d’intérêt et 2 p. c. de commission.
J’aurais aussi perdu de vue le
maximum de l’intérêt accordé par la loi de 1833. Je n’ai traité cette question
que dans les termes de cette loi je n’ai appelé l’attention de la chambre que
sur les conditions de cette loi que l’on propose aujourd’hui de continuer. Je
n’ai donc pas perdu de vue le maximum du taux d’intérêt que la même loi avait
fixé.
Quant à une plus grande
latitude que j’aurais préféré donner au ministre des finances pour ce qui
regarde l’intérêt et la commission des bons du trésor, j’ai voulu lui accorder
la même confiance, tout en évitant le danger de voir vilipender par la chambre
même le crédit public du pays.
M. Simons. - Messieurs, si la réponse de M. le ministre des
travaux publics m’a donné tout apaisement, en ce qui concerne l’embranchement
qui a été voté en faveur du Limbourg, par la loi du 26 mai 1837, il n’en est
pas de même relativement à la dépense qu’occasionnera cet embranchement.
M. le ministre prétend que la
législature n’a entendu allouer qu’un million pour cette nouvelle construction
; je ne suis pas d’accord sur ce point avec le ministre ; car s’il en était
réellement ainsi, il en résulterait qu’une affaire qui est tout à fait décidée
serait remise en question.
En effet, messieurs, que l’on
examine la loi ; on n’y a pas posé pour les travaux du chemin de fer dans le Limbourg
des limites autres que celles qui ont été fixées pour les mêmes travaux dans
les autres provinces. A-t-on fixé une limite de dépense pour la province de
Namur ? Je sais bien que lors de la discussion de la loi du 27 mai 1837,
quelques orateurs ont avancé, en parlant du tracé provisoire, que la dépense
n’excéderait pas un million ; mais jamais il n’est entré dans l’intention de la
chambre de limiter la dépense, car, sinon, comme j’ai déjà eu l’honneur de le
dire, ce serait remettre en question ce qui a été décidé.
- La discussion générale est
close. La chambre passe à la discussion de l’article premier.
Discussion des articles
Article
premier
M. le président. - Voici un amendement de M. Verdussen :
« Je propose de rédiger
l’art. 1er de la loi relative à la création de dix millions de bons du trésor
de la manière suivante :
« Il est ouvert au
gouvernement un crédit de dix millions de francs pour la continuation des
travaux mentionnés au § 3 de l’article 3 de la loi du 18 juin 1836,
n°327. »
M. Verdussen. - Messieurs, une lacune que j’ai cru remarquer dans
le projet de loi qui nous a été présenté par le gouvernement m’a suggéré l’idée
de déposer sur le bureau l’amendement que vous avez sous les yeux. J’ai cru que
le gouvernement pouvait, par la rédaction qu’il a proposée, se trouver dans un
certain embarras dont j’ai voulu le tirer, ou plutôt que j’ai voulu prévenir.
J’ai eu l’honneur d’être
associé aux travaux de la commission spéciale qui a été chargée d’examiner le
projet de loi. J’ai donc été à même d’entendre les explications de MM. les
ministres sur leurs intentions et sur l’emploi qu’ils ont fait de la loi du 18
juin 1836 ; en maintenant cette loi, il est nécessaire que j’entre dans quelques
détails.
La loi du 18 juin 1836 est la
loi par laquelle le gouvernement été autorisé à contracter un emprunt de 30
millions (capital nominal). Le gouvernement en a fait usage, et il est résulté
de la négociation de cet emprunt, qui s’est fait à 92 p. c., la rentrée d’un
capital effectif de 27 millions et demi (somme ronde).
L’article 3 de cette loi
indique l’emploi que le gouvernement doit faire de ce capital effectif. Avant
tout, une partie doit en être affectée au remboursement successif des bons du
trésor émis, en vertu de la loi du 1er mai 1834, jusqu’à concurrence de dix
millions, pour la construction du chemin de fer. En second lieu, ce capital
devait servir au remboursement à échéances fixes d’un million et demi de bons
du trésor, émis pour le rachat de la concession de la Sambre canalisée, et d’un
autre million pour le nième service.
Enfin, le numéro 3 de
l’article 3 de la loi porte que « jusqu’au complément dudit capital effectif,
il sera employé à la construction de routes nouvelles, pavées et ferrées,
conformément à la loi du 2 mai 1836, et à la continuation de l’exécution du
chemin de fer décrété par la loi du 1er mai 1834, dans la proportion des
besoins respectifs de ces travaux. »
Il suit donc d’une pareille
disposition que le ministre avait la faculté d’employer le surplus du capital
effectif, en totalité, soit au chemin de fer, soit aux routes pavées et ferrées
; le surplus de ce capital s’élevait à la somme ronde de 15 millions, dans
laquelle les routes pavées et ferrées n’étaient comprises que pour 6 millions ;
restait donc environ une somme de 9 millions, destinée à la continuation des
travaux du chemin de fer décrété par la loi du 1er mai 1834.
Mais le ministre avait le
pouvoir d’outrepasser cette somme de 9 millions, si les besoins de la construction
des routes pavées et ferrées n’exigeaient pas toute la somme qui leur était
destinée ; et en effet, ces six millions ne devaient pas être absorbés.
Messieurs, le ministre a usé largement
de la faculté qu’il avait, car il a employé aux chemins de fer une somme
beaucoup plus forte que celle qui paraissait devoir être destinée à cette
construction. Il a été jusqu’à ne prendre sur cette totalité qu’un demi-million
pour les routes pavées et ferrées, parce que ces routes n’exigeaient pas une
somme plus forte ; mais sur ce demi-million, au 17 octobre courant, il n’avait
été dépensé que 225,000 francs. Vous voyez que le ministre a détourné une
partie des fonds de leur destination primitive.
Reportons
nos regards sur le projet de loi par lequel la demande d’un nouveau crédit de
10 millions est faite, et voyons s’ils peuvent être considérés comme une
conséquence de la loi de 30 millions et faisant suite au § 3 de l’article 3 de
cette loi.
L’article 1er de la loi qui
nous est soumis porte : « Il est ouvert au gouvernement un crédit de 10
millions de francs pour la continuation des travaux du chemin de fer. »
Mais, messieurs, si après
avoir épuisé le demi-million qu’il avait réservé pour les routes pavées et
ferrées, les besoins se faisaient sentir pour une somme plus forte, pensez-vous
qu’à la cour des comptes on ne se ferait pas scrupule de permettre une espèce
de transfert, en disant : Vous avez demandé dix millions pour la continuation
des travaux du chemin de fer, et non pour la construction de routes pavées et
ferrées. Si vous avez fait usage en faveur du chemin de fer des millions et
demi destinés aux routes pavées et ferrées, vous en aviez le droit ; mais
maintenant, si vous voulez reprendre cette somme en totalité ou en partie sur
le nouveau crédit, il faut une autre disposition législative qui vous y
autorise. C’est pour prévenir cet embarras, pour que les 10 millions puissent
sans difficulté être employés aux chemins de fer et aux routes pavées et
ferrées, si la nécessité s’en fait sentir, en un mot, pour rendre applicable à
la loi actuelle l’article 3 de la loi des 30 millions, que j’ai présenté
l’amendement que je soumets à vos méditations.
M. Pirmez. - Vous avez voté six millions pour la construction
des routes pavées et ferrées. Ces six millions, qui faisaient partie de
l’emprunt de 30 millions, ont été appliqués à d’autres besoins. Je ne viens pas
blâmer ce qui a été fait, mais toujours est-il que ces six millions sont
dépensés ; vous ne pouvez plus les prendre pour les appliquer aux routes
pavées. Il serait donc nécessaire de faire une nouvelle loi pour rendre aux
routes ordinaires le crédit qu’on leur avait accordé.
C’est là ce que se propose M.
Verdussen par son amendement ; mais c’est insuffisant, je voudrais qu’une
disposition de loi déterminât d’une manière précise ce qui sera appliqué au
chemin de fer et ce qui sera appliqué aux routes ordinaires ; au lieu
d’abandonner cela à l’arbitraire du gouvernement.
Je voudrais aussi qu’on
déterminât dans quelle proportion le gouvernement interviendrait dans les
routes qui seraient entreprises par les localités.
Par ces motifs je repousserais
l’amendement de M. Verdussen.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - Messieurs, par
la loi du 18 juin 1836, loi qui a autorisé l’emprunt de 30 millions, il a été
réservé, § 3, article 3, une somme de 6 millions destinée aux routes ordinaires
dont le gouvernement pouvait cependant disposer partiellement pour les travaux
des chemins de fer dans la proportion des besoins respectifs de ces deux sortes
de dépenses ; mais de ce qu’on a, par suite de cette latitude, emprunté sur le
crédit des routes ordinaires, l’on ne peut pas prétendre que l’allocation des
six millions affectés aux routes ordinaires soit en ce moment remise en
question. Il ne s’agit de rien autre chose que de procurer au département des
travaux publics les moyens de continuer les travaux du chemin de fer et ceux,
jusqu’à concurrence de six millions, des routes ordinaires, en réservant de
nouveau dans la loi la faculté d’employer le crédit de 10 millions demandé, en
raison des besoins respectifs ; la question soulevée par M. Pirmez est donc
passée depuis longtemps en force de chose jugée, il n’y a pas lieu d’y revenir.
M. Verdussen craint que la
cour des comptes, voyant que dans le projet de loi que nous discutons il n’est
parlé que de chemin de fer et non de routes ordinaires, elle n’admette pas
d’imputation sur le nouveau crédit pour la restitution des sommes empruntées
aux routes ordinaires par le chemin de fer ; comme il pourrait, en effet, y
avoir du doute sur ce point, j’admettrai l’amendement de l’honorable membre en
le modifiant toutefois ainsi que je vais l’indiquer.
Je
maintiendrais l’article premier du projet, et j’y ajouterais un deuxième
paragraphe ainsi conçu :
« L’emploi de ce crédit
se fera conformément aux dispositions mentionnées par le paragraphe 3 de
l’article 3 de la loi du 18 juin 1836, n°327, dans la proportion des besoins
respectifs des travaux du chemin de fer et les routes pavées et ferrées dont
l’exécution a été autorisée par la loi du 2 mai 1830. »
Par la rédaction de M. Verdussen, on pourrait
prétendre que le ministre n’est pas admis à prélever des fonds sur ce crédit
pour les chemins de fer décrétés par la loi du 26 mai 1837, postérieures à
celle qu’il invoque ; la rédaction que je propose est plus générale et me
paraît préférable parce qu’elle ne laisse plus matière à aucune fausse
interprétation.
M. A. Rodenbach. - J’ai été grand partisan des chemins de fer je l’ai
prouvé par la part que j’ai prise à la discussion de la loi du 1er mai 1834. Je
suis encore partisan des chemins de fer, puisque ce sont des voies de progrès ;
mais je commence à m’apercevoir que M. le ministre des travaux publics, au zèle
louable et à la grande activité duquel je rends justice ainsi que tout le
monde, néglige les routes pavées et les canaux.
Six millions de francs ont été
votés pour la construction de nouvelles routes pavées ; les communes et les
provinces espéraient obtenir sur ce fonds des subsides pour la construction de
diverses routes. Qu’ont-elles obtenu ? Rien. Ces fonds ont été employés aux
travaux de la route en fer. Ce n’est qu’un prêt, dit-on ; sans doute ; je le
sais bien. Toujours est-il qu’en attendant, des routes nécessaires ne se font
pas. J’ai plusieurs fois élevé la voix pour appuyer la demande faite par ma
province d’un subside pour la construction d’une nouvelle route. La commune et la
province ont voté des sommes pour cette route ; elles demandent que le
gouvernement concoure à la dépense, qui n’est que de 90,000 francs. Je voudrais
que M. le ministre des travaux publics me donnât l’assurance qu’il sera fait
droit à cette demande.
M. de Brouckere. - Nous avons passé la séance entière à nous occuper
des chemins de fer. Je ne puis trouver que cette discussion soit déplacée,
puisqu’il s’agit d’un crédit de 10 millions de fr. destinées à la continuation
des travaux des chemins de fer, Mais le préopinant vient de porter la
discussion sur un autre chemin : il interpelle M. le ministre des travaux
publics sur les six millions destinés à la construction de roules pavées, et
lui demande comment il pourra accorder à sa sollicitation une somme pour faire
un bout de chemin. Si nous continuons ainsi, nous aurons à discuter pendant
plusieurs séances ; car si, à l’occasion des 10 millions nous nous occupons des
6 millions, et si, à l’occasion des chemins de fer, nous nous occupons des
chemins pavées et des canaux, nous pourrons être entraînés fort loin.
Je
soumets cette observation à l’honorable M. A. Rodenbach lui-même, parce que je
suis persuadé qu’il la trouvera juste ; car si M. le ministre des travaux
publics répond à M. A. Rodenbach, il est impossible que des observations
analogues à celles de M. Rodenbach ne soient pas présentées par d’autres
membres. Ma motion tend donc à ce que l’on rentre dans la discussion et à ce
que l’on ne s’occupe que de chemins de fer.
M. de Langhe. - Pour qu’il n’y ait pas de contradiction entre le
premier paragraphe de l’article et le second, tel qu’il résulte de l’amendement
sous-amendé par M. le ministre des finances, il me semble nécessaire d’ajouter
à la fin du premier paragraphe les mots « et des routes pavées et
empierrées. »
M. Verdussen. - Je me félicite d’avoir proposé mon amendement
puisque je vois qu’il peut éviter les difficultés qu’aurait pu susciter la cour
des comptes, si elle avait usé de sévérité ; car elle le fait quelquefois ; ce
dont je suis loin de la blâmer. Mais je trouve que M. le ministre des finances,
en divisant l’article en 2 paragraphes et en laissant subsister sans
modifications le paragraphe premier du projet, laisse une contradiction entre
les deux paragraphes comme vient de le faire observer avec raison l’honorable
M. de Langhe. Je proposerai pour faire cesser cette contradiction de retrancher
du premier paragraphe les mots : « pour la continuation des travaux des chemins
de fer. »
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - Je conviens
que le retranchement proposé améliore le projet, et je m’y rallie ; cependant
je dois faire remarquer qu’il ne s’agira dans l’exécution que d’une simple
opération d’ordre intérieur entre la cour des comptes et l’administration, à
l’effet de faire rendre sur les crédits des chemins de fer ce qui a été
emprunté au crédit primitif des routes ordinaires, opération qui ne saurait
être sujette à aucune difficulté. Quoi qu’il en soit, la suppression proposée
par M. Verdussen ôtant toute espèce de contradiction possible entre le 1er et
le 2ème paragraphe de l’article, je l’appuie très volontiers.
M. de Langhe. - Je me rallie à la rédaction de M. Verdussen, qui
vaut mieux que la mienne.
L’article premier avec
l’amendement de M. Verdussen, sous-amendé par M. le ministre des finances, et
avec l’amendement de MM. de Langhe et Verdussen, est adopté en ces termes :
« Art. 1er. Il est ouvert au
gouvernement un crédit de dix millions de francs.
« L’emploi de ce crédit se
fera conformément aux dispositions mentionnées au § 3, article 3 de la loi du
18 juin 1836, n°327, dans la proportion des besoins respectifs des travaux des
chemins de fer et des routes pavées et ferrées dont l’exécution a été autorisée
par la loi du 2 mai 1836. »
Article
2
La chambre passe à la
discussion de l’article 2, ainsi conçu :
« Art. 2. Ce crédit sera
ouvert, au fur et à mesure des besoins, par une émission de bons du trésor qui
sera effectuée selon les conditions de la loi du 16 février 1833.
M. le président. - M. de Foere propose par amendement d’ajouter à cet
article les mots suivants :
« Non compris l’intérêt
et les frais de négociation.
« Le gouvernement fera
cette émission au taux courant de l’argent et la commission n’excédera pas le
maximum d’un quart pour cent. »
M. de Foere. - Comme je ne veux pas prolonger la discussion, je
me réfère aux développements que j’ai donnés précédemment.
M. Coghen. - Je crois qu’il serait dangereux de limiter, ainsi
que le propose l’honorable auteur de l’amendement, la faculté qu’on donne au
gouvernement de négocier pour 10 millions de bons du trésor. Sans doute, il est
bien probable que d’ici à la négociation de ces bons du trésor aucun événement
ne viendra troubler la tranquillité, altérer le crédit ; toutefois, ce serait
possible, et dans ce cas M. le ministre des finances serait dans un grand
embarras s’il n’avait pas une certaine latitude pour négocier de manière à
assurer les intérêts du trésor.
Le cours légal et régulier de
l’argent est difficile à établir. Ce serait imposer au ministre une condition
fort délicate.
Depuis 1833 les négociations
de bons du trésor se sont faites au-dessous du cours légal de l’argent, qui est
6 p. c. pour le commerce et 5 p. c. pour les banques et établissements publics.
Je crois que le gouvernement restera encore aujourd’hui en dessous de ce cours
; je ne sais donc pas pourquoi on lui imposerait des limites. Je voterai contre
l’amendement.
- L’amendement de M. de Foere
est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
L’article 2 est mis aux voix
et adopté.
M. le président. - Comme il a y eu des amendements adoptés,
conformément au règlement, le vote définitif du projet de loi est fixé à
après-demain.
- La séance est levée à 4
heures 1/4.