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Chambre des représentants de Belgique
Séance du samedi 7 octobre
1837
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Formation du bureau définitif de la chambre
et discours d’installation. Situation diplomatique (Pirson),
remerciements (Raikem)
3) Nomination du greffier de la chambre des
représentants
4) Budget de l’Etat pour 1838
5) Projet de loi octroyant un crédit de 10 millions
de francs au budget du département des travaux publics pour la continuation du
chemin de fer
6) Projet de loi concernant l’abonnement pour
les boissons distillées
7) Projet de loi portant des modifications aux
droits de timbre
8) Projet de loi portant des crédits au budget
du département de la guerre pour 1837pour le service de santé de l’armée (Willmar)
9) Formation des commissions permanentes. Ordre
des travaux de la chambre (de Jaegher, de Theux)
10) Présentation générale des recettes et des
dépenses de l’Etat pour 1838 (d’Huart)
a) Aperçu général, notamment cause de la convocation anticipée des chambres et de
l’absence de discours du trône
b) Budget des dépenses, notamment dette publique (chemin de fer et dette flottante), pensions à charge de l’Etat, cour
des comptes, justice (palais de Bruxelles,
traitements des magistrats), guerre, finances
(organisation de la douane, travaux du cadastre), travaux
publics (service de la Tête de Flandres)
c) Budget des voies et moyens, notamment abonnement sur les débits de boissons distillées,
droits sur les sucres, reddition des
comptes, droit de timbre sur les journaux)
(Moniteur belge
n°282, du 9 octobre 1837)
(Présidence de M. Pirson., doyen d’âge)
M. B. Dubus procède à l’appel nominal à 1 heure. La séance est
ouverte.
M. Kervyn donne lecture du procès-verbal de la séance
précédente ; la rédaction en est adoptée.
- MM. Pirson, Parceval, Morel-Danheel
et Jadot prêtent serment.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
M. B. Dubus donne lecture de la lettre suivante adressée à M. le
président de la chambre :
« M. le président,
« Plusieurs de mes
honorables collègues m’ont manifesté l’intention de m’appeler de nouveau à la
place de secrétaire, à laquelle la chambre m’avait nommé dans la session
précédente à l’unanimité des voix. Quelque flatté que je sois de cette
distinction, je suis obligé de déclarer à MM. les représentants que je ne
saurais plus accepter ce mandat à cause de la faiblesse de ma vue et pour
d’autres motifs tout aussi personnels, et qui par conséquent ne sont d’aucun
intérêt pour la chambre.
« Je vous prie, M. le
président, de vouloir bien communiquer la présente à MM. mes collègues et de
recevoir l’assurance de ma haute considération.
« Bruxelles, 6 octobre 1837.
« F.-A, Verdussen. »
- Pris pour notification.
FORMATION DU BUREAU DEFINITIF DE LA CHAMBRE
Nomination du
président
Nombre des votants : 56.
M. Raikem a obtenu 39 voix.
M. Fallon 11.
M. Dubus aîné, 3.
En conséquence, M. Raikem est
proclamé président.
Nomination des deux
vice-présidents
Nombre des votants, 57
M. Fallon a obtenu 48 voix,
M. Dubus aîné, 34
M. de Behr,
10
MM. Fallon et Dubus aîné sont
proclamés vice-présidents.
Nomination des quatre
secrétaires
Nombre des
votants, 56
M. de Renesse
a obtenu 50 voix.
M. Lejeune, 49
M. Kervyn, 48
M. B. Dubus, 34
M. Mast de Vries, 11.
MM. de Renesse,
Lejeune, Kervyn, B. Dubus, ayant obtenu la majorité absolue, sont proclamés
secrétaires de la chambre.
Nomination des deux
questeurs
Nombre des
votants, 55.
M. de Sécus a
obtenu 48 voix.
M. Liedts, 47
M. de Brouckere, 6
M. Dumortier,
4
MM. de Sécus
et Liedts, ayant obtenu la majorité absolue, sont proclamés questeurs de la
chambre.
Discours du président
provisoire
M. Pirson. - Messieurs, conformément à mes antécédents, je
demande la permission de vous adresser quelques mots.
Quoique, dans le jeune comme
dans le vieil âge, les années produisent un double effet, en progrès ou en
décadence, vous avez encore bien voulu cette fois me supporter avec indulgence
comme votre doyen d’âge. Recevez mes remerciements.
Nous n’avons point eu de
discours du trône, et voilà que l’intrigue s’empare de cette circonstance pour
insinuer qu’il existe, dans les sommités gouvernementales, des divisions qui, à
coup sûr, sont de pure invention, si j’en juge par les travaux de la session
qui vient de finir, par la liberté qui a présidé aux dernières élections. Nulle
part l’influence ministérielle ne s’est fait sentir. Le Roi et le ministère
avaient donc confiance au pays ; le pays avait donc confiance en la personne du
Roi et de ses ministres, puisqu’il a renvoyé à cette chambre presque tous les
députés sortants.
Ainsi c’est le même esprit et
la même tendance qui vont continuer de régner. Eh ! messieurs, qu’avons-nous de
mieux à faire que de maintenir l’ordre et la tranquillité qui brillent aux yeux
de tous, la fraternité qui unit maintenant toutes les provinces belges, les
progrès de notre industrie qui étonnent l’Europe, la moralité du peuple qui ne
s’est point démentie et que la révolution n’a point altérée, nos relations de
bon voisinage avec les gouvernements sont maintenant revenus de leurs
préventions injustes envers nous ! Un seul nous retient sous les armes ; mais
consolons-nous. Cet état de choses lui est plus nuisible qu’à nous. En effet,
l’argent qu’il recevrait de nous s’il était raisonnable, nous le dépensons dans
le pays ; c’est toute perte pour lui, car, sans doute, on ne nous croit point
assez dupes et assez lâches pour consentir à payer deux fois. Plus il attendra,
plus il s’entêtera, moins il aura de chances de soutien au dehors pour
récupérer les sommes perdues ; l’Europe ne se lèvera point en armes pour
procurer quelques millions de plus ou de moins au roi Guillaume.
Que pouvait nous apprendre un
discours du trône que nous ne sachions à l’avance ? Sans doute nous avons perdu
l’occasion de témoigner au Roi tous les sentiments d’amour et de reconnaissance
qui lui sont dus à juste titre. Nous l’aurions félicité ; au nom de la nation
que nous représentons, du résultat des nombreux voyages qu’il a faits cette
année. L’accueil distingué et affectueux qu’il a reçu des rois et des
populations du voisinage rejaillira sur nous. Dorénavant ce n’est pas seulement
comme neutres que nous serons considérés, mais bien comme amis. Avec de la
sagesse et de la modération, nous conserverons cette position unique que nous
devons au Roi. Le Roi a dont fait un sacrifice d’amour-propre en n’ouvrant
point la session. Certain de nos sentiments envers lui, il en a arrêté
l’expression, parce que les formes ordinaires des adresses prennent un temps qu’il
a voulu laisser en entier à l’expédition des affaires.
En effet, messieurs, il nous
reste un grand arriéré ; mais c’est surtout relativement au budget que tous les
ans nous manquons de temps pour le terminer avant le 1er janvier : cette fois
nous pouvons espérer d’arriver utilement au commencement de l’exercice
prochain, si nous faisons à notre tour sacrifice d’amour-propre, si nous
redoublons d’activité, si par notre exactitude nous ne faisons point perdre au
pays et à nos collègues des heures dont quelquefois on méconnaît le prix.
Installation du
bureau définitif
M. Raikem monte au fauteuil ; il invité MM. les secrétaires
prendre place au bureau.
M. le président. - Messieurs, je sens plus vivement que je ne
pourrais l’exprimer toute la reconnaissance que m’inspire la haute marque de
confiance que vous venez de me donner de nouveau : je continuerai à faire tous
mes efforts pour remplir la tâche que vous m’imposez, et j’espère que vous
accueillerez ces efforts avec la même indulgence que vous m’avez accordé
jusqu’ici.
Je propose de voter des
remerciements à M. et à MM. les secrétaires provisoires.
- La chambre vote ces
remerciements.
NOMINATION DU GREFFIER DE LA CHAMBRE DES REPRESENTANTS
Nombre des votants, 54.
Majorité absolue, 28.
Deux billets blancs sont
trouvés dans l’urne.
M. G. Leclercq a obtenu
l’unanimité des 52 membres qui ont voté.
En conséquence, M. G. Leclercq
est nommé greffier de la chambre des représentants.
BUDGET GENERAL DE L’ETAT POUR 1838
M. le ministre des finances (M.
d’Huart) monte à la
tribune et dépose sur le bureau :
1° Le budget général de l’Etat
pour l’exercice 1838.
(Note du webmaster : voir ci-dessous la présentation générale des
recettes et des dépenses pour 1838)
PROJET DE LOI OCTROYANT UN CREDIT DE 10 MILLIONS DE
FRANCS AU BUDGET DU DEPARTEMENT DES TRAVAUX PUBLICS POUR LA CONTINUATION DU
CHEMIN DE FER
2° Un projet de loi ouvrant au
gouvernement un crédit de 10 millions de francs pour la continuation des
travaux du chemin de fer ;
PROJET DE LOI CONCERNANT L’ABONNEMENT POUR LES
BOISSONS DISTILLEES
3° Un projet de loi concernant
l’abonnement pour les boissons distillées ;
PROJET DE LOI PORTANT DES MODIFICATIONS AU TARIF
GENERAL DU TIMBRE
4° Un projet de loi concernant
des modifications à introduire dans le tarif général du timbre.
M. le président. - Il est donné acte à M. le ministre des finances de
la présentation de ces divers projets de loi ; ils seront imprimés et
distribués aux membres de la chambre.
- Les budgets sont renvoyés à
l’examen des sections.
Le projet de loi relatif à la
demande d’un crédit de dix millions pour la continuation des travaux du chemin
de fer est renvoyé à une commission nommée par le bureau.
Le projet de loi concernant
l’abonnement pour les boissons distillées est renvoyé à l’examen des sections,
ainsi que le projet relatif aux droits de timbre.
PROJET DE LOI PORTANT DES CREDITS AU BUDGET DU
DEPARTEMENT DE LA GUERRE POUR 1837 POUR LE SERVICE DE SANTE
M. le ministre de la guerre (M.
Willmar). - J’ai l’honneur
de rappeler à la chambre que les dépenses pour le service de santé ne sont
votées que pour 10 mois. Il est nécessaire que la chambre s’occupe de cet
objet, afin d’accorder, si elle le juge convenable, les moyens de pourvoir aux
dépenses de ce service pendant les deux derniers mois. C’est une chose à
prendre en prompte considération, car au 1er novembre les crédits seront
épuisés.
Je demande que ce soit le
premier objet mis à l’ordre du jour.
- Cette proposition est
adoptée.
M. le président. - Nous avons maintenant à nous occuper de la
nomination des commissions permanentes, de la commission d’industrie, de la
commission de finances et de la commission de comptabilité. Cette dernière
commission peut être nommée par la chambre ou par les sections ; les années
précédentes elle a été nommée par les sections. Que veut faire la chambre cette
année ?
Plusieurs voix. - Par les sections.
- La chambre décide que la
commission de comptabilité sera nommée par les sections.
M. de Jaegher. - Je désirerais qu’on décidât s’il y aura séance
lundi, et qu’on en fixât l’ordre du jour.
Je proposerai de réunir les
sections lundi et mardi, et de s’occuper de l’examen des budgets, en reportant
la séance publique à mercredi. On pourra ainsi avoir fait beaucoup de travail
et avancé l’examen des budgets.
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je pense qu’il convient d’avoir une séance publique
lundi, pour achever de nommer les commissions et s’occuper du service
sanitaire. On discuterait alors l’ordre du jour à fixer ultérieurement. On
pourrait consacrer mardi et mercredi au travail des sections.
- La chambre décide qu’il y
aura séance publique lundi, et qu’après la nomination des commissions elle
s’occupera de la proposition.
PRESENTATION GENERALE DES RECETTES ET DES DEPENSES DE
L’ETAT POUR 1838
Aperçu général des recettes et des dépenses
(Moniteur belge n°282, du 9 octobre 1837) M. le ministre des finances (M. d’Huart).
- Messieurs, l’engagement que le gouvernement avait pris spontanément dans la
dernière session législative, d’anticiper le moment de la convocation ordinaire
des chambres, afin qu’elles pussent voter les lois financières avant le
renouvellement de l’exercice, eût été tenu plus tôt, si nombre de sénateurs et
de représentants n’eussent isolément exprimé le juste vœu de n’être détournés
du soin de leurs affaires personnes que lorsqu’il y aurait nécessité absolue.
En vous réunissant plus d’un
mois avant le moment déterminé pat la constitution, le chef de l’Etat a pu
concilier ce qui est dû à vos intérêts privés, si souvent sacrifiés par vous
dans de longues et laborieuses sessions, avec les besoins réels de
l’administration du pays.
Mais pour parvenir au but
proposé, celui d’obtenir les lois de recettes et celles des dépenses pour la
fin de l’année, chaque jour qui s’écoulera d‘ici là doit y être consacré. Ceci explique,
messieurs, l’absence d’une ouverture solennelle des chambres, qui eût
occasionné l’emploi de beaucoup de temps pour la rédaction et la discussion
d’une adresse en réponse au discours du trône, qu’aucun événement important,
quant à la Belgique, ne rendait d’ailleurs indispensable.
Le contrôle de
l’administration qui quelquefois se fait jour dans l’adresse, pourra, s’il y a
lieu, se produire explicitement dans la discussion des budgets, où l’opinion de
la majorité parlementaire, sur les actes du cabinet, se fera connaître.
Messieurs, la prospérité du
pays a réagi sur nos finances. Les recettes promettent de dépasser nos
prévisions, et malgré l’accroissement inattendu de dépense occasionné en 1837
par le grave accident survenu aux digues de l’Escaut, et par les mesures que la
prudence vous a conseillés de prendre pour la défense du territoire, aucune
charge publique nouvelle n’a été nécessaire pour y pourvoir, et l’état de
situation du trésor, que j’ai l’honneur de placer sous vos yeux, vous prouvera
que cette situation s’en est peu ressentie.
Mais ce surcroît de dépenses,
en ce qui concerne la guerre, devant se reproduire pour 1838, il est nécessaire
d’y subvenir par de nouveaux moyens. C’est dans ce but que des mesures
financières vous sont proposées avec les budgets de l’Etat. Je me hâte
d’ajouter que leur effet sera peu sensible pour les contribuables.
Avant de vous entretenir de
ces mesures, messieurs, je vous dois quelques explications à l’égard des
dépenses.
Le budget général s’élève à
96,996,362 fr. 71 c., c’est-à-dire à 1,150,867 fr. 22 c. de plus que l’ensemble
des crédits votés par les budgets et par d’autres lois, pour 1837.
Au budget de la dette publique
se trouve une augmentation de 400,000 fr. pour intérêts des bons du trésor.
Les travaux du chemin de fer
ont absorbé et au-delà les sommes qui leur avaient été affectées dans l’emprunt
de 30 millions de francs, dont un compte spécial vient d’être remis à la cour
des comptes et vous sera sous peu renvoyé avec ses observations.
Pour continuer ces travaux, et
jusqu’à ce que d’autres mesures pour les achever vous soient présentées, il
vous est demandé, par un projet de loi, dont lecture vous sera faite
aujourd’hui même, un crédit de 10 millions de francs à couvrir par des bons du
trésor, dont l’émission se fera au fur et à mesure des besoins et aux
conditions ordinaires de négociation de ce papier.
C’est cette circonstance qui
motive l’augmentation de 400,000 fr. dont il s’agit.
Je dois, à cette occasion,
messieurs, vous faire connaître que, pendant l’exercice actuel, j’ai pu
restreindre la circulation moyenne des bons du trésor à quelques millions, et
qu’une économie a été faite sur la somme destinée au paiement des intérêts. Ce
fait atteste la prudence qui préside à l’émission successive de ce papier et
l’état satisfaisant des caisses.
Il démontre aussi les
avantages d’une dette flottante, lorsqu’elle n’est pas en disproportion avec
les ressources du pays, en ce qu’elle se prête aux mouvements du numéraire et
rend indirectement productifs des capitaux qui demeureraient sans emploi, au
détriment du commerce et de l’industrie.
Une légère diminution est
faite au chiffre général des pensions. Elle est due aux décès nombreux
d’anciens ecclésiastiques. L’économie qui en résulte pour le trésor eût été
plus grande, s’il n’avait été nécessaire d’augmenter de 20,000 fr. le chiffre
des pensions civiles, militaires et de l’ordre de Léopold.
Le subside à la caisse de
retraite pour les employés des finances vous est demandé sans augmentation
nouvelle.
Le sort des ecclésiastiques,
ainsi que celui des fonctionnaires, des magistrats et de leurs veuves et
orphelins, a souvent fixé votre sollicitude et celle du gouvernement. Une
nouvelle loi, qui fît cesser les anomalies existantes, était vivement réclamée.
Celle qui vous sera bientôt présentée, messieurs, réglera avec une sage
prévoyance l’avenir des serviteurs du pays, et les rassurera sur les moyens
d’existence de leurs veuves et de leurs enfants.
________________
Des régularisations ont été
faites à l’article des intérêts de cautionnements et de consignations ; elles
amènent une augmentation de dépense de 80,000 francs qui n’est qu’apparente,
puisqu’une somme égale se trouve introduite au budget des recettes dans l’évaluation
du produit de l’emploi des capitaux provenant de ces dépôts.
Le budget des dotations est en
quelque sorte normal ; les faibles variations qu’il éprouve se rapportent aux
dépenses des chambres, mais c’est à elles qu’il appartient de les déterminer ;
aussi les chiffres portés pour cet objet ne s’y trouvent-ils que comme
modification nécessaire pour former les totaux et non comme proposition faite
par le gouvernement.
Quant à la cour des comptes,
une loi, que j’appelle de tous mes vœux, peut seule changer le traitement
insuffisant de ses membres.
Le budget du ministère de la
justice présente, comparativement à celui de 1837, une augmentation de 521,000
francs, mais de cette somme il convient de déduire 50.000 francs pour achat de
matières premières nécessaires aux ateliers des prisons, dont le remboursement
est prévu au budget des recettes.
Un crédit de 300,000 francs,
formant le cinquième de la part contributive du gouvernement dans la dépense
d’érection d’un palais de justice à Bruxelles, vous est demandé. Mon collègue
au département de la justice vous démontrera, messieurs, l’opportunité de ce
crédit, et justifiera, lors de la discussion, les autres modifications plus
secondaires qui se trouvent dans son budget.
Le gouvernement reconnaît,
messieurs, l’insuffisance générale des traitements attribués aux membres de
l’ordre judiciaire. La position de ces magistrats est l’objet de toute sa
sollicitude. Cependant nous n’avons pas cru, en présence des dépenses extraordinaires
qui grèvent encore le pays, pouvoir vous proposer immédiatement les majorations
que ces traitements et ceux de quelques autres fonctionnaires civils devront
convenablement recevoir par la suite.
_________________
L’état de nos relations
extérieures nécessite pour 1838 une dépense de 100,000 fr. en sus de celles de
l’année actuelle. Cette augmentation sera presque entièrement absorbée par
l’établissement d’agents commerciaux salariés, que le développement de notre
industrie rend indispensable dans quelques contrées lointaines.
_________________
Le département de l’intérieur
aurait réclamé en moins que pour l’année présente une somme de 169,475 francs,
si quelques majorations de crédits n’avaient été jugées utiles, entre autres
20,000 fr. pour l’instruction primaire, et 40,000 pour les lettres, sciences et
arts. En définitive la diminution sur le budget de l’intérieur se réduit à
103,1112 fr. 59 centimes.
_________________
Les dépenses du ministère des
travaux publics sont presque toutes extrêmement variables de leur nature. Aussi
serait-il difficile d’indiquer ici les divers changements qu’elles ont subis,
sans entrer dans des détails et des explications qui appartiennent plus à la
discussion qu’à l’exposé sommaire que j’ai l’honneur de vous faire. Cependant
je dois vous dire, messieurs, que d’un côté les dépenses sont réduites de
3,060,500 fr., parce que trois crédits principaux ne se représentent plus,
savoir l’ameublement de l’hôtel du ministre, l’acquisition de sabres pour la
garde civique, et les travaux extraordinaires aux digues de l’Escaut ; tandis
que de l’autre il vous est demandé plusieurs augmentations à la dépense dont la
majeure (2,075,000 francs) concerne l’exploitation des nouvelles sections du
chemin de fer ; cette dépense toutefois sera bien plus que couverte par les
augmentations de produits qui, selon les prévisions de M. le ministre des
travaux publics, doivent se réaliser sur ces sections.
_________________
Une somme de 350,000 francs
est portée au budget de la marine pour la mise en œuvre de trois bâtiments de
guerre. C’est le principe d’une protection armée pour notre commerce maritime
qu’il s’agit ici de décider. Votre sollicitude pour les intérêts de notre
navigation lointaine, si vivement manifestée par les primes que vous accordez à
la construction de navires et à la pêche nationale, ne se démentira pas en
cette circonstance.
Bien que le surplus des forces
que vous avez cru prudent d’ajouter à notre armée au commencement de 1837 n’ait
été calculé à cette époque que pour neuf mois de l’année, tandis qu’en le
maintenant pour 1838 il doit être compté pour une année entière. Cependant le
budget de la guerre ne présente qu’une augmentation de 393,446 fr. 35 c. :
peut-être même cette augmentation sera réduite, si la nouvelle adjudication des
fourrages ordonnée par M. le ministre de la guerre, pour sept provinces, amène
une réduction espérée sur les prix de la première adjudication improuvée par
lui.
L’attitude, sinon menaçante,
du moins toujours prête à le devenir, que conserve l’armée hollandaise, nous
impose des sacrifies nombreux ; mais par cela même que ces sacrifices sont
forcés, ils retomberont d’autant plus équitablement au joue de liquidation sur
celui qui les occasionne.
Le ministère des finances
reproduit à peu d’exception près les mêmes dépenses que pour 1837 ; son chiffre
total ne présente qu’une faible réduction de 103 fr., mais parmi les
modifications qu’il a éprouvées se trouve une demande de crédit de 50,000 fr.
pour le renforcement du service de la douane.
La fraude qui détruisait d’une
manière si funeste pour notre industrie et pour le commerce loyal, l’économie
de notre système modéré de douane, a considérablement diminué, grâce au zèle et
à l’activité qui déploient les agents de cette administration. Mais leurs
forces ne répondaient pas suffisamment au nombre et à l’audace des fraudeurs :
il a fallu par mesure temporaire suppléer dans deux provinces, à l’insuffisance
du nombre de douaniers par des gendarmes et des militaires que le département
de la guerre a mis à la disposition de celui des finances. C’est pour solder ce
service extraordinaire, ou pour le convertir en service de préposés ordinaires,
que les 50,000 fr. vous sont demandés. Cette dépense se trouvera remboursée au
trésor par la rentrée de droits qui seraient fraudés sans cette précaution
nouvelle, et notre industrie jouira enfin de toute la protection sur laquelle
elle doit compter en exécution de nos tarifs.
Il vous est aussi demandé une
somme de 50,000 francs destinée à la reprise des opérations cadastrales dans le
Limbourg et le Luxembourg.
Les bienfaits d’une égale
répartition de la contribution foncière qui va recevoir, en 1838, le dernier
degré de son application dans les sept provinces cadastrées, sont justement
enviés par celles de Limbourg et de Luxembourg où les opérations n’ont pu être
continuées, parce que les archives de ces provinces sont restés à Maestricht et
à Luxembourg.
Les conseils provinciaux ont
exprimé le vœu que leurs localités soient soumises à la péréquation générale.
Nous croyons devoir déférer à ce vœu, parce qu’il est juste, et c’est pour
poser le principe de la mesure et pourvoir aux premiers essais qu’elle
nécessitera, que le crédit nouveau vous est demandé.
Le besoin d’un second bateau à
vapeur sur l’Escaut se fait d’autant plus sentir, que le nombre de navires qui
entrent et sortent des bassins d’Anvers devient plus grand. Un des moyens
puissants d’attirer les étrangers dans nos ports, c’est de leur offrir des
ressources de sécurité et d’activité. Aussi toutes les fois que l’aide du
bateau à vapeur qui a été établi pour le passage d’Anvers à la Tête de Flandre
a pu être prêté, sans nuire par trop au service ordinaire, à des navires en
danger ou à ceux dont les vents retardaient l’arrivée ou le départ,
l’administration s’est empressée de souscrire aux demandes qui lui étaient
adressées à cet égard. Mais ce qui s’accorde aujourd’hui par exception, doit
devenir la règle, parce que l’humanité et la prévoyance en font une loi. Une
somme de 100.000 francs est portée pour cet objet au budget des finances.
Toutefois aucune demande n’étant encore faite, il est possible qu’on obtienne
le bâtiment dont il s’agit pour un moindre prix.
_________________
Le budget des remboursements
et non-valeurs n’offre d’autre changement qu’une modification de chiffres,
justifiée par l’insuffisance de celui alloué pour les dégrèvements de la
contribution personnelle. Au moyen de réduction sur d’autres articles, le
montant total de ce budget est demeuré le même que pour 1837.
Budget des voies et
moyens
J’ai eu l’honneur de vous dire
plus haut, messieurs, que le surcroît le dépenses, en ce qui concerne le
département de la guerre, nécessitait de nouvelles mesures financières.
Ces mesures sont de deux
natures : une légère augmentation de l’impôt direct, et des dispositions
réclamées par la morale et la justice en matière d’accises.
L’augmentation de l’impôt
direct se borne à porter à quinze, les 10 centimes additionnels aux
contributions foncière, personnelle et des patentes. Ces cinq centimes
extraordinaires ne forment ensemble qu’une somme de 1,298,767 francs, bien
inférieure à l’augmentation d’environ quatre millions ajoutée aux dépenses de
l’armée.
Mais une nouvelle loi dont le
principe a été réclamé dans cette enceinte même, et que je vais avoir l’honneur
de vous proposer comme annexe indispensable au budget des recettes, frappe d’un
droit d’abonnement les débitants de boissons distillées. Les motifs et les
bases de cette loi sont développés dans l’exposé dont elle est accompagnée ; je
puis donc me borner ici à faire valoir que son but est moral ; que la matière
qu’elle atteint est de sa nature très imposable ; que les règles qu’elle
établit pour la perception du droit ne sont nullement vexatoires, et qu’enfin
le trésor y trouvera une ressource de 900,000 francs, qui est plus juste de
prélever sur une consommation abusive que sur les objets qui sont d’une
nécessité absolue au contribuable.
Une autre matière également
imposable, parce qu’elle est principalement consommée par le riche, ne fournit
plus au trésor la contribution qu’elle paie réellement, mais qui s’absorbe en
primes d’exportation. Je veux parler des sucres, les modifications à la
législation qui régit cette matière sont jugées depuis longtemps
indispensables, et il est urgent de les adopter, surtout lorsque le législateur
est placé dans l’alternative de revendiquer pour le trésor la contribution
payée par le consommateur de sucre, ou de créer de nouvelles charges publiques.
Le chiffre de 800,000 francs
porté au tableau d’évaluation des produits pour cet objet, n’excède que de
560,000 francs les recettes effectuées sous l’empire de la loi actuelle,
pendant les quatre derniers mois de 1836 et les huit premiers de 1837, qui
servent de base au budget des voies et moyens.
La plus légère modification
aux proportions légales du rendement au raffinage des sucres bruts doit amener
ce résultat, qui, en définitive, n’attribue au trésor qu’une perception
d’environ six centimes par kilogramme de sucre consommé dans le pays. Je ne
puis douter, messieurs, que la commission qui s’est chargée de vous présenter
un projet de loi sur cet objet, ne réalise les espérances modérées que je viens
d’indiquer. Mais ces diverses mesures ne couvriraient que la moitié de la
dépense supplémentaire de la guerre, si l’augmentation naturelle des autres
produits ne rétablissait la balance.
________________
En effet, nous pouvons, avec
sécurité, porter cette année à neuf millions la rentrée des droits de douanes,
ce qui donne sur les évaluations de 1837 une augmentation de 550,000 fr.
Les droits d’enregistrement et
les produits domaniaux de toute nature, peuvent être évalués aussi à deux
millions de francs de plus qu’au dernier budget, et l’administration des postes
produira 160,000 d’excédant au-delà des prévisions.
Ces faits, qui indiquent à la
fois l’aisance générale du pays et la marche progressive des affaires
commerciales, nous ont mis dans la possibilité de ne demander réellement à
l’impôt, pour parer à l’excédant d’environ quatre millions résultant du
renforcement notable que vous avec jugé nécessaire d’apporter à notre armée,
que les 1,298,000 francs qui forment les cinq centimes additionnels
supplémentaires.
Le chiffre total du budget des
voies et moyens, d’après les bases d’évaluation que je viens de faire
connaître, s’élève à fr. 97,020,442.
Comparé à celui des dépenses,
qui est de fr. 96,996,362 71 c.
Il laisse un excédant de fr.
24,079 29 c.
S’il importe, messieurs, que
les budgets de l’Etat soient établis de manière à pouvoir assurer la marche des
services publics, sans ouvrir de déficit, il n’est pas moins essentiel à
l’ordre qui doit régner dans l’administration d’un pays constitutionnel, que
les comptes des recettes et dépenses soient rendus aux représentants de la
nation.
Déjà les lois qui règlent ceux
de 1830, 1831 et 1832 vous ont été présentées ; celle arrêtant définitivement
le compte de 1833 qui vous a été renvoyé le 14 décembre dernier, par la cour
des comptes, avec ses observations, va vous être soumise, et enfin le compte
définitif de 1834, le second compte provisoire de 1835, et le premier,
également provisoire, de 1836, vont être sous peu de jours adressés à la cour
des comptes, qui vous les fera sans doute parvenir, appuyés de ses remarques,
pendant le cours de la présente session. Le gouvernement a donc rempli avec
exactitude cette partie importante de ses devoirs.
Avant de terminer, messieurs,
il me reste à vous entretenir d’un dernier projet de loi que je vais aussi
avoir l’honneur de vous présenter. Il se lie étroitement au budget, sans
cependant devoir en modifier sensiblement le chiffre : c’est un nouveau tarif
des droits de timbre.
Plusieurs des dispositions
qu’il renferme sont réclamées par les changements survenus dans notre
organisation politique.
La plus essentielle est celle
qui établit un droit égal de timbre pour tous les journaux, quelle que soit
d’ailleurs leur dimension. Ce droit, fixé à quatre centimes la feuille, sans
additionnels ni accessoires, n’augmente pas le taux actuel du timbre des petits
journaux, mais réduit de près de 40 p. c. celui des journaux de dimension
ordinaire. Nous avons pensé, messieurs, que ce système était le plus libéral de
tous, puisqu’il laisse à la presse la possibilité d’étendre son action. Nous
avons aussi, par une conséquence logique de ce système, dispensé du droit de
timbre les suppléments aux journaux quotidiens, et rangé les journaux étrangers
sur le même pied que les nôtres.
Le projet crée un papier
nouveau destiné exclusivement aux quittances, mais au droit réduit à 25
centimes. Cette mesure a pour objet de rendre l’exécution de la loi du 13
brumaire au VIl moins onéreuse au public.
Quant aux autres modifications
que la loi renferme, elles sont généralement favorables au commerce, et si nous
avons cru devoir y introduire quelques pénalités, c’est uniquement pour que la
loi ne soit pas éludée par les uns au détriment des autres.
Le paiement du droit de
timbre, qui se trouvera enfin fixé en francs sans additionnels, deviendra, par
la nouvelle loi dont il s’agit, à la fois plus facile et plus équitablement
réparti.
Chaque année, messieurs, amène
avec elle ses améliorations. La Belgique, naguère chargée d’impôts injustes et
vexatoires, étrangère à la connaissance de l’état de ses finances, arrêtée dans
le développement de ses immenses ressources, comprimée dans l’expression de ses
pensées, dans l’enseignement de ses enfants dans l’emploi de son langage, ne
supporte aujourd’hui, malgré les charges d’un armement extraordinaire, qu’un
cens modéré et équitablement réparti ; elle produit au grand jour sa position
financière et se trouve placée au rang des nations les plus avancées dans les
arts, dans l’industrie et dans la liberté. L’usage calme et rationnel qu’elle
fait de cette dernière, sous l’égide d’un Roi qui la comprend et la protège,
mérite à notre heureuse patrie l’estime des autres peuples et le bien-être dont
elle jouit.