Accueil Séances plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés
Bibliographie et liens
Note d’intention
Chambre des représentants
de Belgique
Séance
du mardi 9 mai 1837
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Rapport sur des demandes en naturalisation
3) Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du
département des travaux publics de l’exercice 1837, pour réparations des digues
aux polders. Convention militaire belgo-hollandais des 19 janvier-25 avril
1837, indemnités aux victimes de la révolution (Goblet, Desmet, Nothomb, Andries,
de Puydt, Nothomb, de Puydt, d’Huart, Rogier, Verdussen, Jullien, Dubus, Nothomb,
Gendebien, Rogier, Gendebien, Verdussen, Dubus, Nothomb, Gendebien,
Dubus, Nothomb, Desmet,
Dubus, Gendebien, Verdussen, Nothomb, Gendebien, d’Huart, Jullien, Dubus, Gendebien,
Willmar, Desmet, de Puydt, Dumortier, Dubus)
(Moniteur belge n°130, du 10
mai 1837 et Moniteur belge n°131, du 11 mai 1837)
(Présidence de M. Raikem.)
(Moniteur
belge n°130, du 10 mai 1837)M. de Renesse
fait l’appel nominal à midi 3/4.
M. Kervyn
lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse
présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Le bourgmestre de Staebroek
adresse à la chambre copie d’une requête à S. M. tendant à faire construire
cette année une digue intérieure. »
- La chambre ordonne le dépôt de cette
pétition sur le bureau pendant la discussion du projet de loi relatif aux
polders.
_______________
« Les sieurs Demare
Gelson et compagnies, et Simon, fabricants de sucre
indigène, demandent que la chambre s’occupe de la question des sucres avant la
clôture de la session. »
- La chambre ordonne le renvoi de cette
pétition à la commission chargée d’examiner la législation sur les sucres.
_______________
M.
le ministre de la justice (M. Ernst) adresse des renseignements sur cinq demandes en naturalisation.
- Renvoi à la commission des
naturalisations.
_______________
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) transmet des
explications sur la pétition des explications sur la pétition du sieur Tallois, réclamant contre une décision du 30 novembre
dernier, prise en matière d’élections par le département de l’intérieur.
- Pris pour notification.
_______________
M. le ministre des finances (M. d'Huart) transmet des explications sur la pétition du sieur
C., négociant à Steyl, relative à des obstacles qu’il
aurait rencontrés dans son commerce de vins.
- Pris pour notification.
RAPPORTS
SUR DES DEMANDES EN NATURALISATION
M. Desmet,
au nom de la commission des naturalisations, dépose 25 rapports sur des
demandes en naturalisation
PROJET
DE LOI ACCORDANT UN CREDIT AU BUDGET DU DEPARTEMENT DES TRAVAUX PUBLICS DE
L’EXERCICE 1837, POUR REPARATION AUX POLDERS
Discussion
générale
M. le président.
- la discussion générale continue. La parole est à M. Goblet.
M. Goblet. - Je n’ai pas demandé la parole avec la prétention d’énoncer des idées
nouvelles ; je crois que les partisans comme les adversaires de la loi en
discussion n’ont omis aucun des arguments propres à donner de la force au
système qu’ils ont soutenu.
Mais, ayant fait partie de la commission
au nom de laquelle le rapport sur le projet de loi relatif aux polders nous a
été présenté, je tiens à faire connaître plusieurs des motifs qui m’ont
déterminé à donner mon approbation à ce rapport et qui me détermineront à voter
en faveur de la loi.
Je ne chercherai pas à démontrer que la
digue que l’on propose d’établir à
Il est heureux, messieurs, de pouvoir
ainsi concilier les intérêts présents et futurs au milieu de circonstances
aussi difficiles que celles que le gouvernement a rencontrées.
On a dit que l’on ne concevait pas comment
les mêmes hommes qui, dans d’autres circonstances, avaient prétendu qu’il
fallait sans cesse se défier des intentions du gouvernement hollandais,
vinssent aujourd’hui proposer de consacrer une somme de deux millions à
l’exécution d’une digue que ces mêmes Hollandais seraient à même de rompre,
quand ils le voudraient.
Il n’y a cependant pas de contradiction
dans la conduite de ces hommes. A ce sujet, je dirai ma pensée tout entière :
Si, d’une part, je crois fermement que dans le cas où nous ne serions pas en
état de résister à un mouvement décisif de nos ennemis, ils s’empresseraient
dans certaines circonstances de l’exécuter ; d’autre part, je suis convaincu
que le temps des petites attaques, des entreprises partielles est passé. Si
l’on s’ébranle un jour, les deux nations se saisiront corps à corps, et ce ne
sera probablement pas sur les rives de l’Escaut. D’ici lors, je suis persuadé
que nous ne serons pas troublés dans l’exécution des travaux pour lesquels on
vous demande des fonds, et que le pays au contraire aura lieu de se féliciter
de n’avoir point reculé devant les dépenses qu’ils exigeait.
Mais, ont dit certains orateurs, la digue
que vous allez construire est à la merci des Hollandais. Je le sais, messieurs,
et non seulement celle-là, mais encore toutes les digues du Bas-Escaut, ainsi
que celles qui délimitent les inondations, sont à la merci de nos ennemis, et
quand ils voudront fermement les rompre, ils les rompront : il ne faut pas
connaître combien facilement et en peu de temps l’on peut percer une digue,
pour hésiter à croire que leur position ne leur en donne les moyens, soit par
surprise, soit par violence.
Mais je n’admets pas qu’ils commettront un
crime inutile : dans des circonstances antérieures, c’est à tort qu’ils en ont
été accusés ; s’ils étendirent, sans ménagement, les eaux sur la rive gauche de
l’Escaut, ils avaient un but à atteindre, ils voulaient, au moyen de légères
embarcations, communiquer avec
D’ailleurs, messieurs, les Hollandais
jugeraient-ils dans leur intérêt, si bien même encore auraient-ils par la suite
le caprice d’inonder le polder de Lillo tel qu’il l’est aujourd’hui, ce ne
serait plus par une rupture de digue qu’ils le feraient ; ils emploieraient à
cet usage l’écluse que l’on doit construire, et une inondation tendue de cette
manière n’a pas de graves conséquences ; c’est une eau que l’on peut faire
écouler avec autant de facilité que l’on en a eu pour l’introduire, et qui,
n’étant pas soumise à l’action du flux et du reflux, n’est pas aussi menaçante
pour la conservation des digues.
Es admettant donc qu’un jour les
Hollandais aient le désir de se séparer de nous par de plus grands obstacles,
la digue qu’on vous propose aura encore un résultat très satisfaisant.
On a dit encore qu’après sa confection
vous n’en seriez pas moins obligé de faire des dépenses toujours aussi
considérables pour entretenir celle qui existe aujourd’hui, et cela, dans
l’incertitude où nous nous trouvons si nous n’aurons pas encore besoin d’y
avoir recours ; mais c’est une grande erreur : une digue qui n’est point
délavée par les eaux, n’exige que peu ou même pas d’entretien ; ce sont les vagues
sans cesse agitées par le vent et la marée qui tourmentent et dégradent les
digues, et dès que celle existante se trouvera à l’intérieur d’un polder, elle
s’améliorera d’elle-même en s’affermissant.
A mes yeux, la question se réduit donc à
savoir si nous dépenserons deux millions à faire une digue à
Eh bien, dans une telle alternative, et
malgré ce que les conditions peuvent avoir de pénible, je n’hésite pas à me prononcer
en faveur de la nouvelle digue qui, seule, satisfait à tous les besoins.
Quant à moi, je ne vois point d’ignominie
à se soumettre à des conditions que l’on est libre de refuser et que l’on
n’accepte que dans l’intérêt de l’Etat et de ses propres concitoyens. Pour les
trouver supportables, il a suffi de se rendre compte de ce qui s’est passé et
d’examiner la conduite qu’a tenue le gouvernement.
En effet, nous nous sommes présentés à nos
ennemis, et nous leur avons demandé s’ils consentaient à concourir avec nous au
soulagement de toutes les calamités qui pèsent sur le polder de Lillo et sur
ses habitants, et prévenir peut-être de plus grands malheurs dans les contrées
adjacentes ; nous avons compté qu’ils seraient sensibles à une question
d’humanité, à une question qui n’a rien de politique et ne peut avoir aucune
influence dans les différends qui divisent encore les deux peuples.
La raison a dominé les sentiments
d’hostilité ; les autorités hollandaises ont consenti à ce que les inondations
soient restreintes à ce qu’exigent des précautions raisonnables. Mais nous
devions cependant nous attendre à ce qu’elles nous feraient observer que, quant
à ce qui concerne le polder de Lillo, une digue à
Il me paraît, messieurs, qu’il est
possible, d’après cela, de reconnaître qu’il y a réciprocité dans les
concessions. Certainement les Hollandais eussent pu montrer moins d’exigences
dans les dispositions accessoires, mais nous étions les demandeurs, et ils ont
cru devoir nous le faire sentir.
D’ailleurs, répéter sans cesse que nous
accédons à tout ce qui nous est demandé sans rien obtenir à notre tour, c’est
oublier qu’ici la digue est l’objet important et que les Hollandais nous
autorisent à la construire.
Messieurs, l’on a soulevé une autre
question, c’est celle de savoir si, en démolissant le fort Lacroix, nous ne
nous privons pas d’avantages qu’il est impossible de retrouver sur un autre
point. Je puis à ce sujet donner quelques explications.
Le fort Lacroix est loin de mériter tout
le bien et tout le mal que l’on en a dit : ce fort est ce que les circonstances
ont exigé qu’il fût.
Quand déjà sa restauration était
commencée, j’ai été consulté sur l’importance et la valeur qu’il convenait de
lui donner, et j’ai déclaré qu’à mes yeux il n’était que d’une utilité
momentanée et restreinte, et qu’ainsi il fallait se borner à y établir les
ouvrages les plus simples et les moins dispendieux.
L’on n’a jamais eu l’idée de considérer
cet ouvrage comme devant servir à rendre le passage de l’Escaut bien difficile
; la position n’était pas convenable pour atteindre un tel résultat : on
voulait seulement, sans se livrer à de trop grandes dépenses, obtenir, quand la
convention du 21 mai 1833 n’existait pas encore, une position qui surveillât
les deux forts occupés par l’ennemi et la flottille stationnée dans leurs
remparts, et qui en même temps protégeât les écluses dont l’ennemi aurait pu se
servir pour inonder les polders qui ne l’étaient pas encore, et dont l’invasion
par les eaux aurait produit des malheurs incalculables.
Le fort Lacroix n’a jamais été destiné à
former un établissement permanent : sa construction, au commencement de 1833,
était seulement une preuve de sage prévoyance dont la nécessité ne se fait plus
sentir. Maintenant que le temps a calmé bien des passions, maintenant que d’un
commun accord on désire diminuer autant que possible les maux qu’a faits la
guerre, et ceux que perpétue un état duquel nous n’avons nul désir de sortir,
maintenant enfin qu’on ne peut supposer que qui que ce soit ait l’intention de
faire le mal pour le mal, je suis d’avis que le fort Lacroix peut et doit même
être remplacé par un autre plus convenablement situé pour contribuer à
s’opposer en toutes circonstances à l’arrivée d’un ennemi devant la ville
d’Anvers : c’est à cela que doivent tendre tous nos travaux sur les rives de
l’Escaut.
Ce que le gouvernement réalisera
probablement dans ce but n’est pas le résultat d’une idée nouvelle ; dès le
jour où il fut évident que nous ne prendrions pas possession des forts de Lillo
et de Liefkenshoek, on projeta des travaux qui devaient en partie replacer en
nos mains des positions aussi essentielles à la défense du Haut-Escaut ; mais,
sans doute que le désir des économies fit remettre leur exécution à d’autres
temps.
L’utilité de ces travaux paraît telle que,
quand même il ne se fût pas agi du resserrement da l’inondation du polder de
Lillo, il est probable que le chef actuel du département de la guerre, en
s’occupant de l’organisation de la défense de notre frontière du nord, n’eût
pas tardé à fixer son attention sur la nécessité d’un nouveau fort sur la rive
droite de l’Escaut, et cela, je le répète encore, parce qu’il est impossible d’attribuer
au fort Lacroix d’autre mérite que celui qu’il pouvait avoir dans les
circonstances où il a été construit, et qui ne sont plus celles au milieu
desquelles nous nous trouvons actuellement.
L’on a déploré la nécessité où nous allons
être de ne construire aucun ouvrage en aval des forts de Lillo et de
Liefkenshoek. L’un des orateurs les plus éloquents de ceux que vous avez
entendus hier vous a même dit que son vote dépendrait des explications qu’on
lui donnerait à ce sujet.
Il est peut-être à regretter d’être amené
à agiter de telles questions dans cette enceinte, et sons ce point de vue je
m’efforcerai de satisfaire l’honorable orateur en me bornant à lui dire que,
dans notre position actuelle, dans cette position que nous sommes si fortement
intéressés à conserver, nous devons chercher à éviter toute fâcheuse
complication ; et, convention ou non, il y en aurait, à mon avis, de fort
graves si nous entreprenions de nous établir en aval des forts occupés par les
Hollandais.
Je suis même porté à croire qu’il n’a
jamais été dans l’intention du gouvernement d’élever des ouvrages sur les rives
du Bas-Escaut que dans le seul cas où, en représailles de la fermeture
éventuelle de l’Escaut par le cabinet de La Haye, on voudrait interrompre la
communication entre ces forts et
Voilà, messieurs, le seul cas où l’on ait
pu prévoir la nécessité de rétablir le fort de Frédéric-Henry et de le seconder
par des batteries placées sur la digue de Doel.
Mais ce cas, c’est la guerre, la guerre
avec toutes ses conséquences ; dès lors toutes les conventions disparaissent,
chacun redevient libre de ses actions et ne consulte que ses intérêts et sa
puissance,
Je ne suis donc pas plus ému des
stipulations des art. 7 et 20 de la convention du 25 avril que de celles des
art. 2, 3, 6 et 21.
Le pays a trop à faire
encore sur le Haut-Escaut ; il doit encore y sacrifier des sommes trop
considérables pour qu’il puisse penser dans un but bien moins important, à
aller s’établir dans des localités où sa position serait des plus précaires.
Ce sont, messieurs, les diverses
considérations que je viens d’avoir l’honneur de vous soumettre, et d’autres
encore en très grand nombre que vous ont présentées divers orateurs, qui me
détermineront à donner un vote approbatif au projet en discussion.
Sous le rapport des intérêts matériels il
est incontestablement avantageux, et je ne vois dans les conditions de son
exécution rien qui soit contraire aux usages reçus entre nations belligérantes.
(Moniteur
belge n°131, du 11 mai 1837) M. Desmet. -
Messieurs, la question qui nous occupe en ce moment a été envisagée sous
différents rapports. M. le ministre des travaux publics l’a présenté, dans son
rapport du 6 février, sous le rapport de dignité nationale et de défense
militaire ; un honorable ministre d’Etat, sous le rapport agricole ;
l’honorable rapporteur de la commission, sous le rapport d’humanité. Pour moi,
je la traiterai en même temps sous le rapport de la défense du pays et de
l’humanité.
J’ai cru m’apercevoir qu’on avait voulu en
outre traiter la question sous le rapport de l’indemnité à payer aux
propriétaires des terres des polders qui ne les habitent pas. A cet égard,
veuillez lire le rapport. On croirait même que c’est l’opinion de la
commission. Le rapport est fort clair sur ce point ; il porte : « Une
autre considération puissante a frappé votre commission ; c’est que les
indemnités à payer aux propriétaires des terrains inondés diminueront
nécessairement en raison des propriétés qu’on sera parvenu à remettre en leur
possession. »
Il me semble que c’est dire que la
commission a discuté la question des indemnités. Hier j’ai entendu dire qu’il
n’en était rien. Je le savais.
Un membre de la commission m’avait dit que
la commission n’avait pas voulu traiter la question de l’indemnité. Aussi ai-je
été étonne de trouver dans le rapport un passage aussi clair ; il a éveillé
l’attention de l’honorable M. Pollénus et de tous ceux qui ont lu le rapport ;
et vraiment il devrait être rayé du rapport, afin de ne pas rester comme
antécédent.
Je fais cette remarque afin qu’il soit
bien entendu qu’on n’aborde pas la question des indemnités, question immense et
qui pourrait nous conduire fort loin. Je ne puis m’expliquer comment le passage
que je viens de lire a été inséré dans le rapport.
Dans la question qui nous occupe il y a
trois objets :
1° La restauration de la digue du polder
de Borgerweert ;
2° Une digne à faire à Liefkenshoek ;
3° La grande question des forts Lacroix, de
la digue de Lillo, et la convention passée avec les Hollandais, du 25 avril
dernier.
Je dirai d’abord mon opinion sur les
travaux à faire à la digue du polder de Borgerweert.
Vous remarquerez que le polder de Borgerweert vous aura coûté 2,400,000 fr. 1,500,000 fr.
pour le travail qui y a été exécuté il y a deux à trois ans. Lors de
l’ouverture faite par le général Chassé dans la digue de l’Escaut, on a préféré
faire une deuxième digue qui a coûté, comme je viens de le dire, 1,500,000 fr.,
quoique le devis ne portait qu’une somme de 500,000 à 600,000 fr., et cependant
il n’a encore pas tenu.
Il est vrai que cette digue a été
construite par des entrepreneurs wallons qui peut-être n’entendaient pas ces
sortes de travaux. Aujourd’hui on prend des entrepreneurs hollandais ; il est
possible que les travaux seront mieux exécutés, quoiqu’il me peine que ce
soient des Hollandais qui aient cette préférence, et que notre argent va entrer
dans ce pays ; et je crains très fort que le devis soit encore une fois trop bas
; car on pourra facilement se tromper sur le fond de l’ouverture qui peut être
moins solide qu’on le suppose.
C’est pourquoi j’aimerais que le
gouvernement stipulât que le travail fût fait à forfait, et non par bordereau
de prix comme le première fois ; et afin que l’argent ne fût pas jeté dans
l’eau, j’aimerais aussi que le ministre des travaux publics stipulât la
responsabilité des travaux pendant un certain temps ; et comme ce sont des
Hollandais qui sont les entrepreneurs, qu’ils mettent pour cette garantie des
cautions belges.
M. le ministre des
travaux publics (M. Nothomb). - C’est stipulé pour deux hivers.
M. Desmet.
- Voilà ce que je demandais.
Si nous devons entretenir toutes les
digues des polders, il nous faudra pour les polders seuls un budget de recettes
; il me semble que le gouvernement a grandement tort de faire exécuter avec
tant de légèreté les ouvrages nécessaires aux digues des polders aux frais de
l’Etat, sans voir si ce n’est pas une charge qui incombe aux propriétaires ;
quand nous avons voté les premiers crédits pour la digue de Borgerweert,
une clause a été ajoutée au vote, que c’était sans recours aux propriétaires
des polders qui pourraient en être chargés.
Un ancien membre du corps législatif,
député d’Audenaerde, a dit dans le temps que, si tous les polders de la rive
gauche de l’Escaut étaient à notre charge, il valait mieux qu’ils appartinssent
à
Ajoutez à cela que le gouvernement entend
toujours mal ces sortes de travaux. Et quand on vint commencer la dernière
ouverture pratiquée dans la digue de Borgerweert, on
put supposer que si la surveillance avait été à la direction du polder, la
catastrophe n’aurait pas en lieu, car il y avait moyen d’y obvier ; l’ouverture
ne s’est faite que quant l’eau déjà ne montait plus ; elle s’est faite
insensiblement, et elle a continué parce que personne ne la surveillait et
n’était là pour réparer à temps les petits dégâts et arrêter la chute des
terres : on devait surtout la veiller, parce qu’on devait savoir qu’elle
n’était pas construite avec solidité, et c’est ce qu’a senti la direction du
polder qui a refusé de la reprendre avant la fin de l’hiver.
Avant de toucher les points spéciaux des
digues, je désire vous communiquer mon opinion sur la convention et la
démolition du fort Lacroix.
Cette convention est dangereuse pour la
sûreté du pays, elle nous ôte tous nos moyens de défense sur les deux rives de
l’Escaut, elle en rend les Hollandais maîtres, et elle nous met à la merci d’un
ennemi et d’un ennemi comme les Hollandais.
L’art. 2 stipule la démolition du fort
Lacroix.
L’art. 6 défend qu’aucune fortification ne
pourra être établie sur la digue de l’Escaut aux environs du fort Lacroix, de
la digue d’Oordam.
L’art. 7 stipule qu’aucune fortification
ne pourra être établie sur les digues de la rive droite de l’Escaut ou dans les
polders jusqu’aux limites du Brabant septentrional, et même toutes les
fortifications qui s’y trouveraient devront être démolies.
Voilà les articles qui concernent la rive
droite de l’Escaut, la rive de Lillo et du fort Lacroix. Je vous le demande,
messieurs, ces articles ou, pour mieux dire, ces lois que les Hollandais nous
dictent, ne sont-ils pas aussi humiliants que dangereux pour le pays ?
Serions-nous en état de ratifier une telle convention ? Comment le ministère
a-t-il pu accepter de telles conditions ? Vraiment on devrait supposer qu’il
connaît peu les Hollandais, et qu’il ignore totalement la situation dans
laquelle se trouve encore le pays.
Il paraît qu’il fait peu de cas de la
conservation du fort Lacroix et de pouvoir défendre nos digues contre les
attaques et les malveillances des Hollandais.
Dans d’autres temps, on a mieux compris
l’importance de ces digues et particulièrement celle d’Oordam, qui est celle
qui couvre entièrement Anvers, et met cette place à l’abri de voir les eaux de
l’inondation presque sous ses murs et d’être un jour attaquée sur ce point par
les Hollandais.
M. le ministre des travaux publics a cité
dans son dernier rapport le siège de la ville d’Anvers par le duc de Parme en
1584, et nous l’a cité pour nous démontrer qu’à cette époque on avait aussi
pratiqué une ouverture dans la digue de l’Escaut prés de Burcht, comme avait fait en 1831
le général Chassé, et qu’alors on avait facilement refermé cette ouverture.
Eh bien, messieurs, je vais vous citer le
même siège d’Anvers, mais un an plus tard, en 1585. La place d’Anvers était
presque entièrement fermée par les troupes d’Alexandre de Farnèse, et les
vivres commençaient à manquer ; les Hollandais et les troupes des états ne
pouvaient trouver d’autre voie pour secourir et ravitailler Anvers qu’en
faisant passer de petites embarcations par les polders qu’ils avaient tâché
d’inonder ; pour faire réussir leur projet, ils envoyèrent une flotte de trente
voiles vers le fort Lacroix qu’on appelait alors le fort d’Oordam ; arriva
aussi à ce fort le fameux navire qu’on avait construit à Anvers, et que les
assiégés avaient nommé « la fin de la guerre » : le prince de Hohenloe, qui commandait l’armée hollandaise depuis la mort
récente du Taciturne, et tous les principaux chefs de l’armée alliée, étaient à
cette attaque ; l’attaque pour la prise de la digue d’Oordam, qu’on nommait
alors la digue de Cauwenstein, eut lieu dans ce
mois-ci, le 26 mai, et commença à 5 heures du matin : au commencement les
Espagnols avaient le dessous, et Alexandre de Farnèse, qui se trouvait au fort
St-Philippe, qui était une des têtes de pont du fameux pont que ce général
avait jeté sur l’Escaut, s’apercevant que les ennemis allaient s’emparer de la
digue et étaient déjà occupés sur onze points différents à percer des
ouverture, accourut au combat et se mit à la tête de sa troupe, où il resta
jusqu’à la fin du combat qui ne finit que vers le soir. Sa présence causa la
défaite des Hollandais, qu’il repoussa de la digue et leur fit essuyer une grande
perte.
Messieurs, le combat d’Oordam vous est
assez connu, il est une des brillantes affaires du duc de Parme ; eh bien, il
se donna pour la conservation de la digue d’Oordam, et empêcher les Hollandais
d’approcher par cette voie de la place et la ravitailler. Alexandre de Farnèse
connaissait toute l’importance de cette digue ; il paraît qu’aujourd’hui ou
n’en fait pas autant de cas, au moins notre ministre des travaux publics ;
cependant la position de l’Escaut et de ses rives n’est pas changée, elle est la
même qu’en 1585.
Mais, messieurs, nous avons un événement
encore plus récent, nous avons la fameuse bataille d’Eckeren
près d’Anvers, gagnée en 1703 par l’armée française commandée par Villeroy et Bouffiers, sur les
Hollandais, commandés par Obdam cl Cohoerne. Cette bataille se donna aussi pour la
conservation de la digue d’Oordam ; et, dans cette affaire, le fort Lacroix a
été d’une telle utilité aux Français que, s’ils n’avaient pas pu faire une
sortie de ce fort, la bataille était gagnée par les Hollandais, qui déjà
avaient eu le dessus au commencement de la bataille.
Ces deux faits nous prouvent que la digue
et le fort Lacroix sont d’une grande importance pour notre défense militaire,
et ce point n’a pas été contesté par l’honorable général qui vient de parler ;
et je m’étonne, je ne puis trop le répéter, comment le ministre ne veut pas
l’apprécier, et ose nous présenter à ratifier une telle convention que celle du
25 avril.
C’est une erreur de croire que par la
nouvelle digue qu’on veut construire près de Lillo, et pour laquelle nous
perdons toute notre défense militaire, vous mettrez à l’abri de l’inondation
les polders situes vers Anvers, et vous éviterez un coup de main des
Hollandais. Au contraire, ils vont à présent avoir plus de facilité pour faire
un percement dans cette digue, qui sera plus à leur portée, et qu’ils pourront
approcher sans embarcations, et, comme le fort Lacroix n’existera plus, ils
pourront facilement débarquer à la tête de la digue d’Oordam et y mettre de la
troupe et des ouvriers, et ainsi, au besoin, percer cette digue et prolonger
l’inondation, et facilement entrer dans l’intérieur et faire une jonction avec
leur armée du Brabant septentrional ; car, prenez-y attention, la fameuse
convention stipule qu’aucune fortification ne peut être établie dans les
polders jusqu’aux frontières du Brabant septentrional.
Par cette nouvelle digue, vous n’aurez
aucune économie, vous aurez toujours la même dépense pour leur entretien, mais
vous aurez perdu que vous ne pourrez les entretenir que pour autant et aussi
longtemps que votre ennemi le voudra ; car il est de fait que, maître du fleuve
par ses vaisseaux, il est aussi maître des digues, si nous n’avons plus de fort
pour les défendre.
Pour ce qui concerne à présent la rive
gauche du fleuve, les mêmes conditions nous sont imposées.
L’art. 20 stipule que les fortifications
en amont et en aval du fort de Liefkenshoek seront démolies ;
L’art. 21, qu’aucun fort ne peut être
établi dans le polder de cette rive ;
L’art. 22, que de même aucune nouvelle
digue n’y pourra être construite ;
L’art. 23, qu’aucune troupe belge n’y
pourra circuler.
Mais l’art. 24 permet aux chefs hollandais
de faire des inspections quand bon leur semble.
Messieurs, je vous le demande derechef,
peut-on avoir des conditions plus humiliantes pour
Et pourquoi tout cela ? Uniquement pour
ôter l’inondation de deux polders où il n’y avait pas dix habitations et dont
les terres appartiennent toutes à de grands propriétaires.
On parle tant d’humanité : eh bien,
messieurs, c’est ici qu’on devrait un peu plus songer à l’humanité. Ne sait-on
pas que les habitants du village du Doel ne sont
jamais à l’abri d’un coup de main de la part de la garnison hollandaise de
Liefkenshoek ? Ce fort n’est qu’à un quart de lieue du village, et il n’y a
aucun obstacle qui puisse empêcher les ennemis d’y faire une invasion ; aucune
redoute, aucun ouvrage quelconque n’y est établi pour abriter les habitants de
l’assassinat et du brigandage des Hollandais.
Et à cet égard on sait par expérience
combien les Hollandais sont peu à fier. Aussi il y a des habitants du Doel qui m’ont dit, quand j’y ai été, qu’ils ne passaient
jamais une nuit sans inquiétude ; à chaque apparence de guerre, leurs
inquiétudes redoublent, et ils ne sont pas certains un moment de ne pas être
submergés et pillés.
Quand en décembre 1832 le général Sébastiani a battu les Hollandais et chassé de la digue de
la rive gauche du fleuve entre le fort
Vous devez donc pouvoir apprécier,
messieurs, de quelle importance il est pour ces habitants d’avoir des forts sur
les digues et dans les polders. Eh bien, si vous ratifiez la convention du 25
avril, vous abandonnez ces malheureux habitants et vous les laissez à la merci
des Hollandais et de leur brigandage ; est-ce là de l’humanité, je demanderai à
ceux de nos adversaires qui en font une question d’humanité ?
Ce n’est pas seulement pour les habitants
des polders que cette convention est dangereuse, mais aussi pour l’intérêt du
pays ; comme il n’y a aucun fort qui puisse retenir une invasion, rien
n’empêche qu’à la première apparence de guerre, qu’à la première occasion qui
se présentera favorable aux Hollandais de nous attaquer, ils soient le matin à
Lokeren, qui n’est qu’a quatre lieues de Gand. Je soumettrais cette remarque à
l’attention de M. le ministre de la guerre, s’il était ici, et je ne sais
comment il pourrait me démentir que la chose n’est pas possible et que le
danger n’existe pas.
Mais une chose que je ne m’explique pas,
c’est que nos ministres vont détruire les bases du statu quo de Zonhoven, sans
consulter les puissances alliées, et surtout pour un objet qui est si fortement
à notre désavantage. Chaque fois que quelque chose était à notre avantage,
aussi minime qu’elle soit, on devait s’adresser aux puissances contractantes du
traité du 15 novembre, rien ne pouvait se faire sans leur assentiment ; et dans
le moment qu’il s’agit d’un objet d’importance, d’enlever pour
La convention aurait été mendiée, comme on
le disait hier, par notre ministère à
Je n’en dirai pas plus, quoiqu’il y ait
encore bien des choses à faire observer sur cette fameuse convention, qui nous
a été dictée par les Hollandais et qu’ils veulent nous faire accepter pour nous
faire dupes et se rendre maîtres des deux rives du Bas-Escaut ; mais je
croirais abuser de vos moments.
Je partage donc l’opinion de l’honorable
M. Gendebien pour ce qui concerne le danger qu’il y aurait de ratifier la
fameuse convention du 25 avril, et que, dans la position provisoire où nous
nous trouvons vis-à-vis des Hollandais qui sont des ennemis sur la foi desquels
nous ne pouvons compter comme jamais on n’y a pu compter, nous devons conserver
le statu quo, mais secourir les habitants des polders inondés, pour lesquels
nous avons déjà voté à diverses reprises des fonds, et qui, nous espérons,
auront été bien distribués en totalité aux propres habitants et nécessiteux des
polders.
Nous devons croire le rapport de notre
honorable collègue le gouverneur d’Anvers, qui est annexé au rapport du
ministre des travaux publics du 6 février, par lequel vous aurez vu que d’après
l’opinion de ce fonctionnaire le montant des pertes a été exagéré.
Ii n’est pas besoin que je vous en donne
lecture, mais il dit que Santvliet est entièrement
préservé de l’inondation (son rapport du 26 février 1836), que Beerendrecht a encore une partie sous les eaux, que deux
fermes et deux petites maisons sont détruites ; les personnes qui les
occupaient ont trouvé à loger au village.
Stabroeck n’est aussi inondé qu’en partie. Il paraît qu’il n’y
est point des habitants qui aient dû quitter leurs maisons.
Le montant des pertes, dit encore ce
fonctionnaire, n’a pas été constaté d’une manière régulière, et il sera
difficile d’y parvenir ; tous sont intéressés à le grossir, et il ne serait
même pas prudent de s’en rapporter avec trop de confiance aux autorités
locales, dont la plupart plaident leur propre cause.
Aux pertes éprouvées au moment de
l’immersion, on ajoute successivement le montant des revenus dont on se prétend
privé, et c’est ainsi que le total des évaluations va croissant d’année en
année.
Vous voyez donc encore, messieurs, qu’on
s’attache surtout à l’indemnité des propriétaires forains, et que pour
satisfaire ces propriétaires, on ferait des sacrifices aux Hollandais et
compromettrait la sûreté du pays,
Mon vote sera donc négatif, et même je
proteste contre l’exécution de la convention du 25 avril.
(Moniteur
belge n°130, du 10 mai 1837) M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb).
- Nous voici au troisième jour de la
discussion. Si tous les membres de cette chambre avaient pu m’accompagner sur
les lieux le 26 février, le surlendemain du jour où la tempête avait jeté
l’alarme sur les deux rives de l’Escaut, depuis Lillo jusqu’à Anvers, la
discussion aurait été plus courte.
Une chose dont nous avons été frappés en
abordant le fort Lacroix, et que se rappelleront mes honorables compagnons de
voyage, c’est le danger que le fort Lacroix avait couru lui-même : cette
circonstance n’est pas insignifiante pour apprécier ce que vaut le fort
Lacroix. Nous avons reconnu qu’il avait été menace par les flots dans la nuit
du 24 au 25. L’on nous a raconté tous les efforts qu’on avait dû faire pour empêcher
les flots d’inonder ou de détruire le fort Lacroix.
Nous nous sommes dit les uns aux autres :
Si une brèche avait été faite, si le fort avait été inondé, il est probable
qu’une grande discussion se serait trouvée singulièrement simplifiée.
Ainsi, voilà un fort que vous connaissez
déjà comme position militaire, et qui lui-même a besoin de se défendre contre
les flots. Je demande quelle est la valeur de ce fort charge d’attaquer ou de
défendre, et qui, lui-même, est réduit à se défendre contre les flots. Je
demande ce que deviendrait ce fort, attaqué dans la même nuit et par les hommes
et par les éléments.
En suivant la digue, nous nous sommes
d’abord un peu rassurés ; mais nos craintes n’ont pas tardé à renaître lorsque,
arrivés au-delà de la partie de l’endiguement désigné sous le nom de digue
d’Oordam, des digues construites dans le sable ont commencé à se présenter.
Nous avons été arrêtés tout à coup devant
une brèche telle, que le sentier sur lequel nous cheminions nous manquait ; il nous
a fallu quitter la crête de la digue ; il ne restait plus que la largeur d’une
main. Si cette faible partie avait cédé, la rupture eût été complète.
Je me suis arrêté alors ; j’ai vu à ma
droite une plaine plus profonde que le polder de Lillo, plaine qui, toujours en
pente, s’étend vers Anvers ; je me suis dit : « Un effort de plus des
flots, un souffle de plus du vent du nord-ouest, l’eau se précipitait dans
cette plaine jusqu’autour d’Anvers. » Quel désastre, messieurs ! Il
faudrait même dans ces terrains si bas des machines d’épuisement pour opérer
l’assèchement.
Dans ma pensée, il a été dès lors décidé
que le gouvernement devait remplir un pénible devoir, qu’il fallait reprendre
les négociations, non pour amener l’exécution de la convention du 19 janvier,
mais pour amener une convention plus complète, propre à nous assurer une
sécurité entière sur les deux rives.
Il eût été plus commode pour le
gouvernement de dire aux habitants et aux propriétaires des polders inondés,
des polders menacés : « Vous souffrez, je ne puis rien pour vous ; il me
faudrait conclure une convention avec
Il ne s’est pas dissimulé tout ce qu’il y
aurait de désagréable pour lui dans la discussion d’une semblable convention ;
mais c’est pour cela qu’il est gouvernement, c’est au besoin pour oser des
choses pénibles. Le gouvernement a pris la seule position qu’il pouvait prendre
; il vous a présenté la convention du 25 avril ; il a autorisé la conclusion de
la convention ; il l’approuve quant à lui ; mais l’exécution en est subordonnée
au vote que vous allez émettre ; il ne pouvait agir que sauf les droits des
chambres.
Lorsqu’il a été question des polders dans
la discussion du budget des travaux publics, je n’ai pas caché mes intentions :
interpellé par plusieurs membres sur ce que j’espérais des négociations
nouvelles, je n’ai pas hésité à répondre que ces négociations s’ouvriraient
dans le double but, soit d’amener l’exécution de la convention du 19 janvier,
soit d’amener la conclusion d’une convention nouvelle ; j’ai même dit quelles
seraient les conditions de cette nouvelle convention.
M. Gendebien m’avait interpellé.
« L’honorable préopinant, ai-je répondu, désire savoir ce que le
gouvernement espère de la reprise des négociations ; le gouvernement trouve
dans la communication du commissaire hollandais une occasion de renouer les
négociations dans l’espoir, soit d’arriver à l’exécution de la convention du 19
janvier, d’après lequel une digue intérieure serait construite à
Ainsi les négociations ont été annoncées ;
le double but de ces négociations a été indiqué ; personne ne s’est levé pour
protester contre l’ouverture des négociations, contre leur résultat probable ;
seulement nous avons rencontré des incrédules : « Vous n’obtiendrez rien,
nous disait-on, ni l’exécution de la convention du 19 janvier, ni une nouvelle
convention.
Voici les observations qui ont été faites
dans cette circonstance par l’honorable M. Gendebien :
« Pourquoi pourrions-nous compter sur
la coopération du gouvernement hollandais pour l’endiguement des polders ?
L’expérience du passé devrait nous tenir en garde dans les nouvelles démarches
qu’on pourrait faire ; la preuve, c’est qu’après nous être longtemps flattés
d’un succès, nous ne pouvons déjà plus compter sur le traité du 19 janvier ; au
moment où nous croyons délibérer, il se trouve qu’il n’y a rien de fait, comme
en définitive je suis persuadé qu’il n’y a rien de fait.
« Je désire me tromper, mais s’il en
est ainsi, il faut aviser à un moyen de faire cesser cet état de choses qui est
intolérable et qui va devenir un sujet de désespoir pour les habitants des
polders On leur avait fait entrevoir le ciel, et c est l’enfer que nous leur
présentons aujourd’hui. Tous croyaient pouvoir compter sur les travaux qui
seraient faits par suite de la nouvelle convention du 19 janvier ; des
députations m’ont exprimé cet espoir. Je leur ai dit : Je ne connais pas ce
traité, j ai peine à croire qu’il s’exécute, car il n’y a pas de raison pour
qu’on l’exécute plutôt que tous les autres. Je ne veux pas vous désespérer,
mais n’espérez pas trop. Nos prévisions se sont réalisées. »
Je n’ai pas fait part de mes prévisions ;
je n’ai fait part que de mes espérances. Qu’est-il arrivé ? Le gouvernement
hollandais a consenti à considérer comme non avenue la première convention du
19 janvier et à conclure une convention nouvelle. Après le retrait de la
première convention nous en avons donc obtenu une nouvelle ; c’est cette
nouvelle convention qu’il s’agit d’exécuter aujourd’hui.
Ainsi, messieurs, dans la séance du 6 mars
où j’ai eu soin d’annoncer d’une manière si positive des négociations et le
double but de ces négociations, il n’y a eu aucune protestation, il n’y a eu
que de l’incrédulité de la part de ceux qui supposaient que les négociations
resteraient sans résultat ; ces négociations, messieurs, il faut les considérer
aujourd’hui comme épuisées. Ici vient se placer une observation en réponse à ce
qu’a dit l’honorable préopinant. Les négociations ont été ouvertes depuis plus d’un
an par l’intermédiaire des puissances ; c’est aux puissances qu’on s’est
d’abord adressé. Ce sont les puissances qui ont transmis nos réclamations à La
Haye ; le principe de l’ouverture des négociations a été posé, et dès lors on a
abandonné aux deux parties le soin de négocier par l’intermédiaire de
commissaires nommés de part et d’autre. On a donc a agi dans cette circonstance
comme on l’avait fait dans toutes les autres ; on a demandé aux puissances
l’ouverture des négociations, et les deux parties ont ensuite négocié par
elles-mêmes.
Ces négociations sont aujourd’hui
épuisées, c’est-à-dire que si la convention du 25 avril restait sans exécution
de notre part, nous ne pourrions plus proposer d’en revenir à la convention du
19 janvier ; cette convention-là n’existe plus. Ainsi, messieurs, il n’y a
réellement plus que deux partis à prendre ; l’exécution de la convention du 25
avril, ou bien le maintien du statu quo. D’ailleurs, messieurs, pourquoi
demanderions-nous d’en revenir à la convention du 19 janvier ? Sous ce rapport
l’honorable M. de Brouckere a fait remarquer hier avec beaucoup de raison que
quant aux conditions de l’exécution des travaux, quant aux mesures de
précautions stipulées en faveur du gouvernement hollandais, il n’y a entre les
deux conventions qu’une seule différence sur laquelle j’insisterai tout à
l’heure et qui consiste en la démolition du fort Lacroix. Il n’y a donc aucun
motif pour demander qu’on en revienne à la convention du 19 janvier, puisque
cette convention renferme des conditions tout aussi dures que celles du 25
avril, sans offrir les mêmes avantages matériels.
La convention du 25 avril est relative à
deux objets ; un de ces objets n’a pas assez fixé l’attention jusqu’à présent,
je veux parler du rétrécissement de l’inondation autour de Liefkenshoek.
Remarquez, messieurs, que les deux objets sont réglés par la même convention ;
qu’ils sont inséparables dans l’exécution, c’est-à-dire que nous ne pourrions
pas demander l’exécution de la convention quant à l’inondation de Liefkenshoek,
et répudier l’exécution de la convention quant à l’inondation de Lillo. Il doit
en être ainsi puisque, quant au rétrécissement de l’inondation de Liefkenshoek,
tons les avantages sont de notre côté. Sur cette rive, en effet, nous
n’accordons rien à
L’inondation des polders de Ste-Anne-Ketenisse et de Doel s’étend sur
L’honorable M. Gendebien s’est attaché
hier à comparer la note du 5 août avec la convention du 25 avril ; il trouve
les propositions de la note du 5 août plus onéreuses que les conditions de la
convention.
J’avais déjà fait remarquer, en répondant
à l’honorable M. de Puydt, qu’il ne fallait pas perdre de vue que dans la note
du 5 août, il s’agissait de la démolition préalable et instantanée du fort
Lacroix, et que dans la convention du 25 avril il ne s’agit plus que de la
démolition simultanée et successive de ce fort, qu’il devait dès lors y avoir
une grande différence entre les mesures de précaution : avec la démolition
préalable et instantanée, tout était fait avant même la mise en œuvre de la
construction de la digue ; dès lors il n’y avait plus de précautions à prendre
de la part de
Ainsi, messieurs, dans le cas de la
démolition préalable et instantanée, il n’y avait aucune précaution ultérieure
à prendre par
Que fallait-il faire ? fallait-il accorder
au gouvernement hollandais le droit de faire des patrouilles à toute heure,
d’envoyer un certain nombre de soldats au fort Lacroix, pour y vérifier si
réellement il y avait encore désarmement, si l’on n’avait pas armé de nouveau,
si les travaux de démolition commencés n’étaient pas réparés ? ou bien
fallait-il se borner à stipuler l’intervention d’un commissaire, d’un officier
du génie hollandais à qui même, au besoin, la faculté sera accordée de résider
au fort Lacroix ?
Messieurs, on avait d’abord proposé le
premier moyen, c’est-à-dire les patrouilles à volonté : c’est moi, messieurs,
je veux bien l’avouer, c’est moi qui ai demandé qu’il y eût intervention de la
part d’un commissaire, de la part d’un officier du génie hollandais ; c’est moi
qui ai offert même à lui accorder la faculté de résider au fort Lacroix ;
circonstance que je trouve beaucoup moins pénible que d’être exposé à des
patrouilles continuelles. Y a-t-il, comme l’a supposé un honorable membre, y
a-t-il quelque chose de déshonorant dans la présence d’un officier du génie
hollandais au fort Lacroix ? Y a-t-il quelque chose de déshonorant pour le
commissaire qui, de la part de
Je n’ai plus à examiner la question
purement militaire que soulève la démolition du fort Lacroix. Je ne suis pas
fort en stratégie, et je m’en rapporte bien volontiers aux généraux Willmar et
Goblet, l’un ministre de la guerre, l’autre inspecteur général des
fortifications du royaume ; je m’en rapporte encore à l’honorable M. de Puydt,
qui, allant même plus loin que ces deux honorables généraux, vous a dit que le fort
Lacroix était insignifiant. Je ne crois donc pas nécessaire de revenir sur la
question militaire. Je dirai seulement un mot encore sur le fort Lacroix,
considéré comme moyen de sécurité pour l’endiguement de Lillo et
particulièrement pour la digue d’Oordam.
L’honorable M. Desmet, que vous venez
d’entendre, vous a dit que l’existence du fort Lacroix nous mettait à même
d’empêcher la rupture de la digue d’Oordam, rupture qui pouvait avoir pour but
d’inonder tout le terrain depuis la digue d’Oordam jusqu’à Anvers, et faire
aussi arriver, en cas de guerre, une flotte hollandaise…
M. Desmet.
- Je n’ai pas parlé de flotte, mais d’embarcations.
M. le ministre des
travaux publics (M. Nothomb). - Soit ; et faire ainsi arriver des embarcations hollandaises du fort
Lillo jusqu’à Anvers, sans que ces embarcations remontent l’Escaut, et
s’exposent ainsi à passer sous le feu de nos batteries et de nos forts. Eh
bien, les Hollandais peuvent toujours faire cela, les Hollandais peuvent rompre
la digue au Doel dans les environs, et pratiquer des
inondations depuis le Doel jusqu’à Burght ; faire, en un mot, ce que le général Chassé a fait
faire.
Le gouvernement hollandais, outre la
destruction simultanée et successive du fort Lacroix, outre les précautions de
surveillance qu’exige cette démolition ainsi stipulée à la différence de la
démolition complète, préalable, instantanée, proposée par la note du mois
d’août ; le gouvernement hollandais, dis-je, a exigé d’autres précautions
encore, d’abord pour les travaux à exécuter, et en second lieu pour la sécurité
des forts Lillo et Liefkenshoek, à l’égard des terrains asséchés.
J’ai déjà et l’honneur de dire dans
l’exposé des motifs qu’il faut considérer les conditions des travaux comme
imposés plutôt à l’entrepreneur qu’au gouvernement belge lui-même ; ces
conditions, il faut que l’entrepreneur les accepte, il faut qu’il les subisse,
qu’il les remplisse sous sa responsabilité. On exigera à cet égard l’engagement
le plus absolu de l’entrepreneur.
Quant aux autres conditions, ce sont des
précautions militaires dont les forts Lillo et Liefkenshoek avaient besoin dans
la nouvelle position où ces forts vont se trouver par suite des restrictions
mises aux inondations : c’est ce que l’honorable M. de Brouckere a très bien
démontré.
Les forts de Lillo et de Liefkenshoek sont
en ce moment protégés par d’immenses inondations : le fort de Lillo est protégé
par une inondation de quatre lieues ; le fort Liefkenshoek est protégé par une inondation
qui s’étend sur
On vous a dit, messieurs : Supposons le crédit
voté, supposons que le gouvernement soit mis à même, par le vote de ce crédit,
de procéder à l’exécution de la convention du 25 avril, le gouvernement
parviendra-t-il à l’exécution complète de cette convention ? N’est-ce pas se
livrer à la merci des autorités hollandaises, des garnisons des forts Lillo et
Liefkenshoek ? N’est-ce pas se livrer à la merci de l’entrepreneur intéressé à
se susciter des embarras au milieu des travaux, précisément pour faire résilier
le marché et obtenir ainsi des dommages et intérêts peut-être aussi
considérables que le montant même de l’adjudication ?
Messieurs, le gouvernement a songé à ces
dangers. Le gouvernement prendra certainement toutes les précautions, lorsque
par suite du vote de la chambre il lui sera possible de conclure définitivement
un contrat ; et ces précautions seront telles que le gouvernement restera hors
des chances d’exécution.
L’exécution se fera sous la responsabilité
de l’entrepreneur. Il faut qu’il se trouve un entrepreneur, et il s’en
trouvera, qui consente à se charger de l’exécution des travaux de la digue, en
prenant l’engagement le plus absolu de se conformer à la convention du 25
avril, et même de subir toutes les conséquences d’une collision éventuelle avec
les autorités hollandaises.
Un second danger vous est signalé.
Supposons la digue construite ; supposons qu’il se soit présenté un
entrepreneur qui ait bien voulu se charger de l’exécution des travaux à ses
risques et périls, qui soit parvenu à mener la construction à fin, et qui ait
été assez heureux pour n’avoir aucune collision avec les autorités
hollandaises.
Eh, bien, dans ce cas, qui vous garantit,
dit-on, que le gouvernement hollandais ne rompra pas la digue ?
Messieurs, beaucoup d’orateurs et moi-même
avons déjà répondu à cette objection. Ce que je disais tout à l’heure à propos
de la possibilité d’une rupture sur la rive gauche de l’Escaut aux environs du Doel, se reproduit ici et sert de réponse à cette
objection, Si le gouvernement hollandais voulait faire le mal pour le mal, il
romprait soit l’endiguement actuel, qu’il peut rompre sur plusieurs points, ou
bien il romprait les digues sur des points abandonnés de la rive gauche ; en un
mot, il nous ferait le mal partout où il le pourrait, c’est-à-dire à peu près
sur toute la côte.
L’honorable M. Gendebien vous a proposé un
système d’indemnité. Ce système, messieurs, je l’accuse d’impuissance.
L’honorable auteur de cette proposition n’a eu en vue que les victimes des
inondations, mais la navigation de l’Escaut, le sort des populations et des
propriétés avoisinantes, les intérêts du trésor public, tout cela a été perdu
de vue par l’honorable membre. En un mot, d’après cette proposition, on dirait
que tout est fait du moment qui les habitants et les propriétaires des polders
inondés se trouvent indemnisés. Eh bien, dans ce cas, rien n’est fait : c’est
ce qui a été démontré à l’évidence par un grand nombre d’orateurs.
Au contraire, par le projet qu’on vous
propose, presque tout est fait. La navigation de l’Escaut n’est plus
compromise, vous faites rentrer dans leurs biens la plupart des propriétaires
dépossédés, vous rendez leurs maisons à la plupart des habitants expulsés, vous
rendez la sécurité la plus absolue aux deux rives de l’Escaut, depuis Lillo
jusqu’à Anvers ; vous ménagez le trésor public.
Notre projet présente un système complet,
et c’est comme système complet qu’il devait obtenir la préférence sur tout
autre genre de convention avec
Dans cette négociation, c’est nous qui
avons eu l’initiative, c’est nous qui avons demandé qu’il fût conclu une
convention. Et, en effet, je suis au regret d’avoir à déclarer publiquement que
je ne vois pas dans le principe le moindre intérêt de la part du gouvernement
hollandais dans la conclusion de cette convention.
L’intérêt qui résulte pour lui de cette
convention se trouve dans les conditions qu’il y a mises, entre autres, dans la
démolition du fort Lacroix. Il devait y mettre ces conditions, à moins de
rester sans intérêt dans la convention ; et il ne pouvait pas rester sans
intérêt dans cette convention, car il y aurait eu acte de générosité de sa part
s’il n’y avait pas été stipulé quelque chose en sa faveur. Une négociation
n’est jamais gratuite de la part d’une des parties intervenantes, il y a
toujours intérêts réciproques ! Si, de prime abord, il n’y a pas un intérêt
apparent pour l’une des parties, il faut que les conditions viennent offrir un
intérêt à la partie désintéressée dans l’origine.
L’honorable M. de Puydt a fait une sorte
d’appel aux députés du Limbourg et du Luxembourg : il leur a dit : Nous
rentrons dans la voie des concessions, c’est un premier pas que nous y faisons
; prenez-y garde, une fois rentrés dans cette voie, d’autres concessions plus
grandes, plus douloureuses, vous attendent.
Comme député, j’ai plus d’une fois exprimé
mon opinion sur la convention du 21 mai que je n’ai jamais méconnue, qui a
suspendu l’exécution du traité du 15 novembre. Cette suspension est heureuse
pour deux provinces est fatale aux deux provinces riveraines de l’Escaut depuis
Lillo jusqu’à Anvers. Il doit se trouver depuis Lillo jusqu’à Anvers, des
propriétaires, des habitants qui plus d’une fois, par un seul sentiment
d’égoïsme, ont, comme moyen de salut, appelé l’exécution du traité du 15
novembre. Moi, je veux que personne en Belgique n’ait intérêt à demander, à
souhaiter le terme de la suspension due à la convention du 21 mai.
Si donc il m’était
permis, au banc où je me trouve, de faire un appel aux députés du Luxembourg et
du Limbourg, je leur dirais qu’un moyen leur est offert de désintéresser les
habitants et les propriétaires des deux provinces riveraines de l’Escaut, dans
la question de la cessation de notre statu quo politique.
Plus d’une fois on a fait intervenir
(Moniteur
belge n°131, du 11 mai 1837) M. Andries. -
Je considère le projet sous deux points de vue : sous le rapport matériel ou
financier, et sous le rapport moral ou de dignité nationale. Sous le rapport
matériel il n’est attaqué par personne ; le système de travaux qu’il propose
est généralement regardé comme le plus rationnel, le plus avantageux. Les
seules attaques qu’on ait faites au projet sont relatives à des considérations
de dignité nationale. Ces travaux doivent se faire à proximité d’un fort occupé
par l’ennemi, et les conditions auxquelles cet ennemi consent à ne pas
s’opposer à ces travaux sont humiliantes. Voilà au moins ce que prétendent les
adversaires du projet. C’est donc souscrire sa propre humiliation que
d’accepter des conditions pareilles ; or, comme il vaut mieux perdre tout que
de perdre l’honneur, nous devons continuer à laisser cette portion malheureuse
de nos frères aux prises avec les malheurs qu’ils endurent avec tant de
patience, ou du moins les laisser exposés au risque de voir arriver de plus
grands malheurs encore, plutôt que d’accepter ces conditions.
Ce raisonnement pêche par sa base, car le
principe ou la prémisse sur laquelle il repose n’est pas vraie. Il y a
évidemment exagération dans l’idée qu’on se forme de ces conditions.
On ne doit pas perdre de vue que c’est une
espèce de transaction entre deux ennemis qui nécessairement se méfient l’un de
l’autre, et que c’est fort naturel qu’un pareil acte contienne des stipulations
qui soient uniquement dictées par ce sentiment de méfiance. Il est donc fort
naturel que l’on se réserve le droit de venir vérifier à tout moment les
ouvrages qu’il a permis à l’autre d’établir, et qu’il prescrive beaucoup d’autres
choses par pure précaution pour ne pas se laisser surprendre par celui qui ne
cesse de regarder comme son ennemi.
D’un côté nous devons
démolir un fort insignifiant que nous remplacerons par un autre beaucoup
meilleur, mais d’un autre côté nous aurons asséché plus de deux mille hectares
de bonnes terres, nous aurons mis fin aux déviations du lit du plus beau fleuve
; en un mot, nous aurons fermé et guéri une plaie cruelle et trop longtemps
saignante ; enfin nous aurons posé un acte de haute justice nationale envers
des frères malheureux, et sans justice, messieurs, point d’honneur.
Lorsqu’on étudie bien le cœur humain, on
remarque que la grande susceptibilité en fait d’honneur, et de délicatesse
n’est pas toujours la preuve qu’on a beaucoup d’honneur et de délicatesse. Il y
a même un certain sentiment de dignité personnelle et de respect de soi-même
qui se concilie difficilement avec cette grande susceptibilité, C’est ce
sentiment noble et confiant que je voudrais voir partagé par la chambre entière
; si quelque chose était capable d’affaiblir notre considération, notre honneur
au dehors, ce serait la grande divergence d’opinions qui régnerait parmi nous
dans une discussion où le point capital de dignité nationale est mis en jeu ;
des questions pareilles devraient être rejetées ou adoptées à la presque
unanimité des suffrages.
Je considère comme un devoir de justice et
d’humanité de voter pour le projet.
M. de Puydt.
- Je soutiens une question de principe ; je la soutiens contre l’opinion d’un
ministre de la guerre, ainsi qu’on vous l’a fait remarquer il n’y a qu’un
instant, et contre celle d’un général inspecteur-général des fortifications ;
mais j’espère que la chambre ne pèsera pas ici la valeur des grades et voudra
bien prêter attention à mes arguments.
La question, selon moi, est toute
militaire ; c’est sur ce point de vue du débat que je tiens à fixer votre
attention. La question d’indemnité est ici secondaire.
On a fait tout à l’heure des citations
historiques ; ce sont ces citations qui me ramènent à l’examen des
considérations de défense qui me paraissent si essentielles.
Messieurs, nous sommes dupes de nos désirs
du moment et imprévoyants de l’avenir ; pour obtenir ce que nous désirons, nous
sommes prêts à sacrifier la sûreté de notre territoire. Les Hollandais sont
plus soigneux que nous et ne perdent jamais de vue, non seulement leurs
intérêts du moment, mais leurs intérêts éventuels en cas d’une guerre probable,
puisque nous sommes en hostilité permanente avec eux.
Les forts des deux rives de l’Escaut en
aval d’Anvers, constituent un système qui rend ceux qui les possèdent maîtres
des inondations et des digues, et par conséquent maîtres d’Anvers.
L’histoire nous en fournit un exemple :
Lors du siège par les Espagnols en 1585, le sort de cette place a dépendu de ce
système.
Le prince d’orange avait voulu faire
rompre la digue de Cauwenstein, aujourd’hui digue
d’Oordam ; en rompant cette digue, on établissait la communication entre les
inondations en aval de Lillo avec celles en amont, et les Hollandais, pouvaient
par là ravitailler Anvers. L’égoïsme de quelques propriétaires d’Anvers y a mis
obstacle d’abord, et quand ils en ont eux-mêmes reconnu la nécessité plus tard,
il n’était plus temps.
Le duc de Parme comprenait bien que là
était le point objectif de cette guerre. Maître de la digue, il la défendit
contre toutes les attaques, et cinq forts la protégeaient : c’étaient les forts
de Staebroek, de Cauwenstein,
de Saint-Jacques, Saint-Georges et Lacroix, aujourd’hui existant encore près de
l’Escaut.
Malgré les efforts des Hollandais, les
Espagnols restèrent maîtres des digues et des inondations, et Anvers fut plus
tard obligé de se rendre par famine.
Le fort Lacroix que j’ai reconnu et
déclaré être désintéressé dans la question de défense de Lillo pour lequel il
n’est pas offensif, le fort Lacroix appartient au système de défense des
digues.
Si vous démolissez le fort Lacroix, si
vous renoncez volontairement à construire aucun ouvrage dans un rayon
déterminé, vous abandonnez vos moyens de défense pour l’avenir, vous
compromettez le pays, et c’est là ce que les Hollandais ont parfaitement bien
senti. Ils profitent habilement de ce que vous venez en suppliant leur demander
une concession, pour exiger de vous en retour des conditions qui, selon moi,
sont tout à fait étrangères à la défense proprement dite du fort Lillo ; des
conditions qui mettent à leur discrétion le pays tout entier entre la Hollande
et Anvers.
Voilà, messieurs, la question militaire
véritable ; c’est le point principal dont nous ayons à nous occuper. Examinons
d’abord s’il nous convient d’abandonner nos droits de défense et de nous mettre
à la merci des Hollandais, nous verrons ensuite ce que nous aurons à faire pour
indemniser ceux qui souffrent. A cet égard l’honorable M. Gendebien a déposé
une proposition à laquelle je me rallierai.
Un honorable préopinant a demandé s’il y
avait quelque chose de déshonorant à avoir un officier hollandais en résidence
momentanée au fort Lacroix. Je ne trouve en général rien de déshonorant à être
en contact avec un officier ennemi ; non sans doute. Mais quand nous traitons
d’égal à égal avec un ennemi, quand nous signons réciproquement les
stipulations d’une convention, je trouve que nous sommes aussi dignes de
confiance que notre adversaire, que l’on doit avoir foi dans nos promesses, et
qu’il y a défiance à nous imposer un surveillant de l’exécution du traité.
Cette défiance est déshonorante si nous y souscrivons.
On rejette bien loin l’idée que les
Hollandais pourraient vouloir faire le mal pour le mal.
Ce qui s’est passé en 1830 prouve qu’ils
agissent précisément de cette manière. L’inondation de Lillo a été tendue au
moyen d’une écluse placée près du fort ; pour opérer cette inondation, il
suffisait d’ouvrir l’écluse à marée haute, de la fermer à la marée descendante
; de la rouvrir à la marée suivante, et ainsi de suite jusqu’à ce que
l’inondation fût complète. Au lieu de cela qu’a fait l’officier du génie hollandais
? Il a fait ouvrir l’écluse, et, malgré les observations de tous les
intéressés, il avoue que cette écluse restât ouverte constamment pendant les
marées alternatives. Le résultat naturel et prévu de cette manœuvre a été la
destruction de l’écluse ; c’est bien là faire le mal pour le mal.
On a dit que j’avais fait
bien un appel aux députés du Limbourg et du Luxembourg. Messieurs, je n’ai, que
je sache, fait aucun appel de ce genre. J’ai adressé à la chambre une
observation dont elle peut apprécier l’importance ; j’ai dit que l’habitude de
faire des concessions aux ennemis et d’abandonner des droits acquis nous
conduira peu à peu à sacrifier des territoires déjà menacés d’un morcellement.
Je le répète, messieurs, il ne s’agit ici
que d’une question de défense, elle domine tout. Si vous abandonnez votre droit
de défense, vous compromettez Anvers dans l’éventualité d’une guerre.
J’insiste donc de nouveau contre les
conditions de la convention, et je répète que je les considère comme ayant été
stipulées non à cause des changements que l’exécution de la digue peut apporter
dans les moyens de détente du fort Lillo, mais par prévoyance et pour donner,
dans le cas d’une guerre à venir, de grands avantages à
Si nous admettions ces conditions, nous
serions dupes de nos ennemis.
M. le ministre des
travaux publics (M. Nothomb). - Je demande la parole pour réparer un oubli, pour rectifier un fait, fait
historique il est vrai.
On a cité ce qui s’est passé lors du
fameux siège de 1584. Mais il est à remarquer que la position était tout autre,
et par conséquent que les nécessités de la défense et de l’attaque n’étaient
pas les mêmes.
Les révolutionnaires d’alors, les gueux,
occupaient Anvers.
Le duc de Parme avait
compris qu’il ne pourrait s’emparer d’Anvers que par la famine ; il fallait
donc empêcher tout ravitaillement,
Le ravitaillement aurait pu se faire, non
par l’Escaut que les Espagnols tenaient fermé en amont de Lillo, mais à l’aide
d’une inondation depuis Lillo jusqu’à Anvers, inondation qui eût permis aux
gueux de Zélande d’envoyer du secours à la ville assiégée, à travers la plaine
inondée.
Cette inondation exigeait la rupture de la
digue d’Oordam ; pour l’empêcher, le duc de Parme s’empara de la digue.
Vous savez qu’en effet Anvers a fini par
être cerné en quelque sorte ; la ville s’est rendue à la suite de la famine.
Je demande si la position n’était pas
toute différente, et si les conditions de la défense et de l’attaque n’étaient
pas tout autres.
M. de Puydt.
- J’ai demandé la parole pour un fait personnel, parce que l’on me reproche de
faire une fausse application d’un fait historique, dont on veut tirer une
conclusion contraire à la mienne.
La position est exactement la même
aujourd’hui qu’en 1585. La sûreté d’Anvers dépend des inondations et des digues
destinées à les soutenir.
Si vous mettez ces digues entre les mains
des Hollandais, vous les rendez maîtres d’Anvers.
Vainement viendrait-on dire que la digue
circulaire projetée garantit les polders contre une inondation ; il n’en est
point ainsi, plus le rayon de cette digne est court, plus les Hollandais ont de
moyens offensifs. A l’amont ou à l’aval de cette digue circulaire les
Hollandais peuvent pratiquer des coupures et mettre le pays sous l’eau jusqu’à
Anvers ; dès lors ils ont la facilité d’approcher de la place et d’y jeter des
bombes : comment y mettrez-vous obstacle ? Vous aurez non seulement démoli vos
forts, mais vous vous serez interdit la faculté de faire aucun ouvrage de
défense. Aujourd’hui vous avez le fort Lacroix ; vous pouvez si bon vous semble
fortifier la digue d’Oordam, la rendre défensive sur d’autres points ; avec la
convention vous ne pouvez rien : les Hollandais seuls dans leur prévoyance, se
sont ménagés les moyens de vous empêcher de vous défendre.
J’irai plus loin, vous ne pouvez plus vous
garantir contre les accidents et contre les inondations occasionnées par les
ruptures de digues par les marées. Vous renoncez par la convention au droit de
réparer vos digues ; une inondation accidentelle faisant irruption de polder en
polder ne peut pas être arrêtée par vous sans la permission des Hollandais, qui
ont très bien prévu la possibilité pour eux de tirer profit même des accidents,
indépendamment des ruptures volontaires.
M.
Rogier. - Les Hollandais ne l’ont pas fait jusqu’à présent.
M. de Puydt.
- Ils en ont aujourd’hui la faculté ; ils auront de plus le droit stipulé par
la convention, et en outre vous êtes désarmés contre ces éventualités.
D’ailleurs, ne perdez pas de vue que si
vous ne songez qu’au présent, les Hollandais songent à l’avenir, et s’ils n’ont
pas usé de telle faculté qu’ils ont aujourd’hui, ce n’est pas une raison pour qu’ils
n’en usent pas, après qu’ils se seront fait la partie plus belle.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’argumentation de M. de Puydt repose sur un seul point.
L’honorable membre soutient que la sûreté de la digue d’Oordam sera beaucoup
plus compromise si le fort Lacroix disparaît et s’il est reconstruit un autre
fort à quelques centaines de mètres plus loin du fort Lillo. C’est là une
objection qui, selon moi, a été réfutée plusieurs fois.
On a démontré à ceux qui l’ont présentée
que, dans l’état actuel des choses, les Hollandais pourraient, s’ils le
voulaient, au moyen d’embarcations, malgré l’existence du fort Lacroix et sans
s’embarrasser de ce fort, venir rompre cette digue, et même celle d’Ettenhoven, en arrière, à une forte distance de l’Escaut.
Du reste, on peut prétendre avec raison que la digue d’Oordam sera à peu près
aussi bien garantie par le fort qui sera construit à l’angle du fleuve, que
l’on a indiqué ; et en effet, si les Hollandais tentaient d’arriver par les
terrains qui seront asséchés pour rompre la digue d’Oordam, ou les autres
dignes plus éloignées, il leur faudrait, après avoir percé la digue
actuellement, projetée à
M. de Puydt soutient que l’honorable M.
Gendebien offre, par la proposition qu’il vous a soumise, de tout concilier ;
ce moyen consiste tout simplement à accorder des indemnités aux malheureux
inondés. Mais il a été démontré dans la séance d’hier que ce moyen serait tout
à fait inefficace et insuffisant, puisqu’il ne remédierait pas au danger qui
menace les habitants des terrains voisins de l’inondation actuelle de voir,
l’un ou l’autre matin, leurs propriétés inondées, et de se trouver au milieu
des eaux, attendu que la digue unique qui les protège, peut très aisément être
percée incontinent par la marée, aussi longtemps qu’une digue de première ligne
ne sera pas établie.
Je dis donc que la digue d’Oordam n’est
pas en ce moment hors de danger, quant aux intentions malveillantes que
pourrait avoir l’ennemi, c’est-à-dire que les Hollandais pourraient la rompre
malgré l’existence du fort Lacroix.
Je dis ensuite que l’indemnité proposée ne
serait pas un remède au mal puisqu’elle ne mettrait pas les habitants des lieux
voisins de l’inondation à l’abri du danger continuel et imminent qui les
menace.
Je ne prolongerai pas la
discussion, déjà bien longue, qui nous occupe, et je n’aborderai pas la
question de dignité nationale sur laquelle on revient sans cesse, quoi qu’elle
ait été suffisamment débattue. Je répondrai seulement en deux mots à ceux qui
prétendent que le gouvernement a fait de larges concessions à
Nous ne devons pas nous arrêter ici à une
prétendue question du dignité nationale ; ce qu’il y a de plus convenable,
c’est de mettre à l’abri d’un grand danger les habitants de terrains plus
étendus qui ceux déjà submergés, en même temps que nous tirerons de la misère
les malheureux qui sont depuis si longtemps privés de leurs terres.
M. Rogier.
- Si la chambre était disposée à clore cette discussion longue et pénible, je
renoncerais, quant à moi, volontiers à la parole. Je trouve que les débats se
sont prolongés assez longtemps pour que nous devions croire que de nouveau
discours ne pourront pas éclairer la chambre.
Cependant, si l’on réclame la parole, je
ne la céderai pas.
M. Gendebien
et M.
Jullien déclarent qu’ils
réclament la parole.
M. Rogier.
- Alors nous n’en finirons pas.
La chambre ne perdra pas de vue que
d’après l’adjudication des travaux pour le réendiguement
du polder de Borgerweert, le 10 est un jour fatal,
après lequel le gouvernement encourt une amende de 15,000 fr.
Si la chambre veut éviter ce premier tort
qu’éprouverait le gouvernement, elle devrait s’empresser de terminer les débats
aujourd’hui. Au reste, je tâcherai d’être court, et je ne m’attacherai qu’à la
proposition faite par M. Gendebien, et qu’il a présentée à la chambre comme un
acte complètement réparateur.
J’ai dit que la sympathie qu’il avait
montrée pour les inondés n’avait éclaté qu’en discours, que nous demandions un
acte. Cet acte, il l’a produit ; mais j’ai regret de voir que cet acte est
comme s’il n’était pas, qu’il est incomplet à certains égards, et inutile à
certains autres.
Le projet de loi a un double but : de
réparer un mal qui existe depuis six années ; en second lieu, et ce qu’il ne
faut pas perdre de vue, parce que c’est son but principal, il doit prévoir des
maux éventuels, des maux incalculables, des inondations d’une étendue bien plus
considérable ; maux que la proposition de M. Gendebien ne réparerait
qu’incomplètement et ne préviendrait pas.
M. Gendebien propose une indemnité à payer
aux propriétaires inondés ; mais il y a autre chose que les propriétaires
souffrants, car s’il est des propriétés inondées qui profitent de l’état de
choses actuel, il en est qui perdent considérablement ; toutes ne s’améliorent
pas par le séjour des eaux : mais en dehors des propriétaires il y a la classe
des fermiers, pour laquelle la proposition de M. Gendebien n’amène aucune
réparation ; il y a la classe des ouvriers, pour laquelle la proposition de M.
Gendebien ne sert à rien. Il devrait la compléter à l’égard des fermiers et des
habitants qui souffrent encore par suite de l’inondation.
La question de l’indemnité, nous ne
l’avons pas perdue de vue ; mais nous voulons la discuter en temps et lieu : ce
qu’il faut faire aujourd’hui, c’est de construire une digue, c’est d’assécher
sur les rives de l’Escaut les hectares inondés, et de protéger un plus grand
nombre d’hectares menacés. Toutefois nous n’avons pas voulu nous interdire de
parler en faveur des victimes de l’inondation. Une loi est présentée sur l’indemnité,
et si l’on suivait notre avis, après la loi sur la digue, la chambre
s’occuperait de la loi sur l’indemnité à accorder aux victimes de l’inondation
La proposition de M. Gendebien n’indemnise
pas complètement et ne rassure pas contre les inondations possibles de terrains
menacés. Par cette proposition on dépenserait plusieurs millions pour
rembourser les propriétaires, et il faudrait encore trois millions pour
renforcer l’endiguement, dont M. Gendebien ne dit rien. Cependant le
renforcement de l’endiguement existant ne suffirait pas ; il est certain que
l’endiguement d’Oordam, quand il serait parvenu à la hauteur des digues de
l’Escaut, serait encore insuffisant pour protéger cette immensité de terrains
qui s’étendent depuis Lillo jusque près d’Anvers.
On a dit que construire une digue
intérieure n’était rien faire pour protéger l’endiguement actuel, parce que
rien ne nous assure que les Hollandais ne viendront pas percer la digue, et que
cette digue percée, ils ne rompront pas facilement l’endiguement existant.
Je ne sais pas pourquoi on suppose
toujours que les Hollandais viendront faire ce qu’ils n’ont pas fait jusqu’à
présent, même lorsque les circonstances pouvaient excuser un tel acte de
barbarie. On s’occupe trop des Hollandais et pas assez des ouragans, des
tempêtes, qui peuvent aussi, dans une seule nuit, percer l’endiguement actuel.
Contre de tels ennemis le fort Lacroix serait impuissant ; il ne peut protéger
les endiguements contre de fortes marées.
Hier encore j’ai reçu des propriétaires principaux
des polders menacés une plainte très vive contre l’insuffisance de
l’endiguement actuel, et contre le mode de réparation proposé, qu’ils trouvent
incomplet. Je communiquerai cette plainte au ministre des travaux publics.
L’endiguement actuel, même renforcé, sera
toujours insuffisant, Ceci n’est la faute de personne. Vous consulterez les
hommes les plus savants, vous renforcerez la digue autant que vous voudrez, et
vous ne pourrez répondre de son efficacité contre la puissance des vagues d’un
lac de plusieurs lieues d’étendue.
Ici il y a un point culminant de la
question qui devrait vous faire passer légèrement sur les questions de forme
que l’on a débattues trop longuement : nous sommes sous une force majeure ;
voilà comme il faut envisager la question.
Les débats auxquels nous
nous livrons ne peuvent avoir aucun résultat favorable. A quoi nous
occupons-nous depuis trois jours ? Les uns ont prouvé que nous avons fait à
Messieurs, quoique la convention soit
défavorable à
M.
Verdussen. - Messieurs, aucune discussion sérieuse ne s’est élevée
contre l’endiguement de Borgerweert ; cependant nous
trouvons dans l’art. 6 des clauses additionnelles au marché passé avec les
entrepreneurs des travaux, une condition d’après laquelle il faut que, le 9 de
ce mois, l’une des deux chambres ait voté sur le crédit demandé pour ces
travaux, sans quoi le gouvernement serait tenu à payer une amende de 15,000 fr.
Je demande donc que la chambre cesse de discuter sur l’ensemble de la loi qui
nous est proposée, et qu’elle passe sans délai à l’objet qui est relatif au
polder de Borgerweert, dont l’endiguement, si je ne
me trompe, est compris pour 929,900 fr., dans la somme totale de l’art. 1er du
projet de loi ; après cela on continuerait la discussion sur l’endiguement de
Lillo et sur celui de Liefkenshoek. Mais observez-le bien, je ne demande pas
qu’on fasse deux lois séparées ; je veux seulement que la chambre se prononce
immédiatement sur un objet qui, s’il était ajourné jusqu’à demain, nous
exposerait au paiement d’une amende assez importante pour que nous nous en
occupions spécialement.
M.
Jullien. - Il vaut infiniment mieux terminer la discussion qui tire à
sa fin. Lorsque quelques orateurs auront parlé, il s’agira de passer au vote
sur la totalité du projet. Relativement à l’endiguement de Borgerweert,
il y a des observations à faire sur les conditions de l’adjudication ; on ne
nous a soumis cette adjudication que pour que nous puissions nous expliquer sur
les clauses qu’elle renferme.
M.
Dubus. - Il me semble, messieurs, que les raisons que vient de donner
l’honorable préopinant doivent plutôt nous déterminer à nous occuper
immédiatement de ce qui est relatif au réendiguement
de Borgerweert, puisque c’est sur cette partie du
projet que la chambre doit se prononcer aujourd’hui. Aussitôt ce point vidé,
rien n’empêchera la chambre de continuer avec toute l’attention nécessaire
l’examen de la question de l’endiguement de Lillo.
Il est bon de le dire, la question qui,
selon moi, domine tout le projet est une question de sûreté nationale, de
défense militaire, et quelque intéressante que puisse être la position de ceux
qui souffrent, ce n’est rien à côté de la sûreté du pays. J’appuie donc la
proposition de l’honorable M. Verdussen, surtout par la raison que vient de
faire valoir l’honorable préopinant qu’il y a contre la partie du projet qui
concerne le réendiguement de Borgerweert
des observations à faire, qui seraient puisées dans les conditions de
l’adjudication. Je pense, du reste, que nous n’avons pas trop le temps de nous
occuper aujourd’hui de cette question spéciale.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb).
- Il faut s’entendre, messieurs, sur la
proposition qui a été faite par l’honorable M. Verdussen. Cette proposition se réduirait elle à ceci :
« Clore la discussion générale, ouvrir la discussion partielle d’abord sur
ce qui concerne, dans l’art. 1er, l’endiguement de Borgerweert,
ensuite ouvrir la discussion partielle sur ce qui concerne, dans le même article,
le rétrécissement de l’inondation de Liefkenshoek et la construction de la
nouvelle digue de Lillo. » En un mot, la proposition se borne-t-elle à
demander la division de la discussion, ou bien s’agit-il de faire deux lois ?
Dans ce cas, la proposition changerait tout à fait de caractère et le
gouvernement s’y opposerait.
M.
Gendebien. - Pourquoi ne ferait-on pas deux lois ?
M. le ministre des
travaux publics (M. Nothomb). - Parce que si la discussion ne continue pas immédiatement, tout le fruit
de la discussion générale sera perdu : nous sommes à la veille de clore la
session, et si nous divisons la loi, la seconde partie s’en trouvera
indéfiniment ajournée ; c’est à quoi le gouvernement ne peut pas consentir.
M.
Rogier. - Je ne concevrais pas, messieurs, comment on pourrait diviser
une question aussi homogène que celle dont il s’agit. Nous avons à réparer les
désastres de la guerre sur la rive gauche et sur la rive droite de l’Escaut.
Quant à nous, nous voulons la réparation sur l’une comme sur l’autre de ces
rives, mais nous n’entendons pas qu’on divise la question de telle manière
qu’après avoir autorisé le gouvernement à réparer les malheurs de la rive
gauche, on lui interdise de réparer ceux de la rive droite. La question est
indivisible ; nous voulons la double réparation, mais nous ne voulons pas l’une
sans l’autre, nous voulons tout ou rien. Si on divise la loi, nous voterons
contre la partie de cette loi qu’on voudrait nous faire admettre séparément, et
nous ne voudrions pas adopter ce qui est relatif au polder de Borgerweert avant d’être assurés que ce qui concerne Lillo
est également adopté ; or, nous n’aurions pas cette assurance si nous votions
d’abord une loi relative au polder de Borgerweert
seulement. Nous insistons donc pour que la loi soit discutée et votée tout
entière telle qu’elle a été présentée.
M. Gendebien.
- M. le ministre des travaux publics nous a dit tout à l’heure, messieurs, en
finissant son discours, qu’il ne peut pas consentir à ce que la loi soit
divisée ; mais il ne donne pas de motifs suffisants à l’appui de cette
opposition. Il me semble que l’intention de M. le ministre est d’étrangler la
discussion sur le point le plus important de la question ; voilà, messieurs,
quel est le seul motif pour lequel on ne veut pas diviser la loi. L’inondation
de la rive gauche de l’Escaut n’a rien de commun avec l’inondation de la rive
droite ; il n’y a pas la moindre homogénéité entre elles, l’une est tout à fait
indépendante de l’autre.
On dit qu’on ne peut pas diviser la loi :
mais la chambre peut amender la loi ; elle pourrait rejeter toute la loi ou en
admettre seulement la partie qui concerne le polder de Borgerweert.
Maintenant la chambre ne peut pas user de ce droit dans toute son étendue,
parce que le ministre allègue qu’il y a urgence : eh bien nous admettons cette
urgence, mais nous demandons qu’on y ait égard seulement pour la partie qui est
urgente. Il me semble que c’est pousser trop loin l’exigence que d’en demander
davantage.
M. F. de
Mérode. - Toute la loi est urgente.
M. Gendebien.
- C’est une erreur, car il est évident que ce n’est que pour ce qui concerne Borgerweert que la loi doit être votée aujourd’hui.
Il y a plus, messieurs, on commet une
illégalité, car on se contente du vote d’une seule chambre ; le sénat n’est pas
encore assemblé, et on veut déjà exécuter la loi ! Le gouvernement fait un
traité et il en subordonne l’exécution à la condition que la loi relative à ce
traité soit approuvée par une chambre seulement à une époque déterminée, le 10
de ce mois, époque où le sénat n’est pas réuni ; cependant le gouvernement ne
peut pas disposer d’une obole sans le consentement des deux chambres. Lorsqu’on
veut se montrer si exigeant, on devrait commencer par se conformer à la
constitution. Si la chambre voulait à son tour avoir une volonté, elle dirait :
« Nous ne voterons que quand le sénat sera à son poste et qu’il pourra
compléter la loi, car nous ne voulons pas sciemment donner la main à une
violation de la constitution. »
Vous voulez que nous consentions à voter aujourd’hui
une loi qui doit être exécutée demain, alors que le sénat ne sera réuni que dans
huit jours. Eh bien, nous voulons pousser la complaisance jusqu’à passer
au-dessus des graves considérations constitutionnelles ; nous consentons à
voter la partie de la loi dont vous avez besoin ; et vous n’êtes pas satisfaits
: il faut donc que vous soyez bien difficiles. Donnez-nous au moins de bonnes
raisons pour justifier votre exigence, et nous consentirons encore à la
satisfaire ; mais jusqu’ici vous ne nous en avez donné aucune ; c’est un simple
caprice ministériel, une simple volonté gouvernementale. On veut étrangler la
discussion sur le point le plus important, sur la question du fort Lacroix,
qu’on a sacrifié aux exigences des Hollandais.
M. Verdussen.
- En vous soumettant ma proposition, messieurs, je n’avais d’autre but que
d’abréger la discussion ; puisqu’elle a un résultat tout opposé, je la retire.
M. Dubus.
- Je la reprends.
M. le ministre des
travaux publics (M. Nothomb). - Il m’est permis, messieurs, de m’étonner de l’accusation de l’honorable
M. Gendebien, qui suppose qu’il entre dans mes intentions d’étouffer une
discussion qui a déjà duré trois jours et qui n’a porté jusqu’ici que sur un
seul point, la question militaire du fort Lacroix, question sur laquelle on a
entendu trois hommes très compétents en cette matière, les honorables MM.
Willmar, Goblet et de Puydt. Remarquez messieurs, que la motion d’ordre de
l’honorable M. Verdussen, entendue dans le sens que j’y ai donné, n’empêche pas
du tout la discussion, qu’on peut reprendre après avoir décidé ce qui concerne
le polder de Borgerweert ; on pourra revenir au
second objet de la loi, et ajouter à cet égard tous les discours qu’on voudra à
tous ceux qu’on a déjà prononcés ; on pourra discuter pendant trois jours,
pendant six jours encore. Ce qui importe, c’est qu’il n’y ait qu’une seule loi,
que les deux objets restent réunis dans la loi dont l’ensemble sera soumis au
vote définitif.
On peut donc, après avoir
prononcé la clôture de la discussion générale, aborder successivement les deux
objets qui forment l’art. 1er, dont la division est demandée. Remarquez
d’ailleurs, messieurs, que quand la discussion générale aurait duré huit jours,
chacun de nous pourrait, au moment du vote, demander la division.
M. Gendebien.
- La division est toute naturelle, car il y a deux lois dans l’art. 1er.
M. le ministre des
travaux publics (M. Nothomb). - Il n’y a pas deux lois dans ces articles, les deux objets qu’il renferme
sont intimement liés. Quelles garanties auraient ceux qui ont soutenu le projet
de l’adoption de la seconde disposition, si l’on faisait de la première une loi
distincte, lorsque nous touchons de si près à la fin de la session ? Ne
serait-ce pas là l’ajournement indéfini du second objet de la loi ?
Messieurs, si le gouvernement a usé ici de
son droit d’initiative, en vous présentant le projet, il ne l’a pas fait à la
légère, il ne l’a fait que parce qu’il avait un devoir à remplir ; il se
manquerait à lui-même, tous ceux qui ont soutenu le projet se manqueraient à
eux-mêmes en s’exposant à voir ajourner une partie de ce projet au moment où
nous sommes à la veille de nous séparer.
Je ne m’oppose pas à ce que l’on admette
la motion d’ordre de l’honorable M. Verdussen, reprise par l’honorable M. Dubus
; mais il faut qu’on l’entende comme je l’ai expliquée, il faut que cette
motion d’ordre ne soit que l’exécution anticipée de l’article du règlement qui
dit que la division est de droit quand elle est demandée par un membre de la
chambre.
M.
Gendebien. - C’est ce que nous demandons,
M. le ministre des
travaux publics (M. Nothomb). - J’ai demandé s’il s’agissait de la division de la discussion, et j’ai
dit que le gouvernement ne peut s’y opposer ; s’il s’agit de la division de la
loi, il s’y oppose.
M. Gendebien.
- Alors nous sommes d’accord.
M. Dubus.
- M. le ministre des travaux publics désire savoir si l’on se bornerait à
diviser la discussion ou bien si l’on diviserait la loi.
Il vous a dit en même temps que si l’on
votait aujourd’hui ce qui concerne l’endiguement du polder de Borgerweert, on pourrait prendre tout le temps nécessaire
pour examiner à fond l’autre partie si importante de la loi.
Messieurs, je ne comprends pas bien
comment cela peut se faire sans qu’il y ait deux lois. Comment, en effet,
voterez-vous sur une partie de la loi, si ce n’est par une loi ?...
Des membres. - On votera par
assis et levé.
M. Dubus.
- M. le ministre des travaux publics est donc parfaitement apaisé sur le sens
de la clause qu’il a fait insérer dans le contrat avec les entrepreneurs. Il
pense qu’un simple vote par assis et levé, qui peut être suivi d’un vote en
sens inverse, lorsqu’on se prononcera sur l’ensemble du projet par appel
nominal ; il pense, dis-je, que ce simple vote remplit la condition qu’il a stipulée.
Je prie M. le ministre de considérer qu’on pourrait soutenir le contraire, et
qu’un vote par assis et levé sur un article du projet de loi n’est pas ce qu’on
appelle le vote d’une des chambres sur la demande du crédit. Le crédit ne sera
définitivement voté par l’une des deux chambres que quand on aura voté par
appel nominal sur la loi elle-même.
Ainsi, ou bien on renonce à cette clause
et l’on est assuré d’avance que les entrepreneurs n’y tiennent pas, ou bien il faut
nécessairement qu’on en fasse une loi spéciale qui soit votée aujourd’hui. Ce
n’est qu’alors que vous aurez le vote définitif d’une des chambres. Jusque là
donc vous n’avez pas ce vote qui est pourtant celui qui doit être émis dans le
délai déterminé par le contrat.
Au reste, messieurs, je ne comprends pas
le motif qu’il y aurait de s’opposer à cette division de la loi. D’abord c’est
une chose que la chambre fait chaque année en matière semblable. Tous les ans
le gouvernement vous présente le budget des dépenses en une seule loi, et nous
le votons en quatre, cinq, six lois, et même plus. Ici, il s’agit également
d’un vote de dépenses qui sont absolument distinctes, puisque l’une concerne le
réendiguement du polder de Borgerweert,
l’antre le rétrécissement de l’inondation autour de Liefkenshoek, et la
troisième, la construction d’une digue dans l’intérieur du polder de Lillo.
Il est si facile de distinguer ces objets
dans des lois séparées, que déjà nous avons voté une loi pour le réendiguement du polder de Borgerweert,
et nous n’y avons pas mêlé le rétrécissement de l’inondation autour de
Liefkenshoek ou de Lillo. Ainsi ces objets n’ont pas de liaison nécessaire,
puisque déjà nous nous en sommes occupés séparément.
Messieurs, lorsque le gouvernement nous a
pour la première fois saisis de cette question, nous n’avons eu à nous occuper
que du rétrécissement de l’inondation autour de Lillo et de Liefkenshoek, et le
gouvernement ne nous parlait pas du tout de Borgerweert
; ce n’est qu’un événement postérieur qui l’a déterminé à s’occuper aussi de ce
point.
Sur ce point-là le gouvernement a été
amené par la force des choses à une situation beaucoup plus rapprochée d’une
conclusion définitive, puisque déjà il a adjugé provisoirement les travaux,
sous une condition qui rend un vote urgent ; mais cette condition concerne
exclusivement le polder de Borgerweert. Il est
conséquent dès lors, me paraît-il, de nous occuper séparément de la question
relative à ce polder, et de prendre le temps d’examiner le reste.
Je ne prétends pas qu’il faille prendre
pour cela huit ou dix jours, comme l’a insinué M. le ministre des travaux
publics. Il n’y a personne qui demande qu’on discute cette partie de la loi
pendant huit ou dix jours.
Quant à ce qu’on dit que la discussion est
déjà trop longue peut-être, cela peut être vrai dans l’opinion de ceux qui
pensaient que la chambre devait voter sans connaissance de cause.
Remarquez, messieurs, comment s’est
présentée la question qui nous occupe ; elle a été soulevée dans la discussion.
Nous avons en des rapports de la part du ministre et de la part de la
commission spéciale de la chambre, et ni le ministre, ni la commission ne se
sont occupés de la question qui domine le projet, quant au rétrécissement de
l’inondation autour de Lillo. A coup sûr, le premier rapport du ministre nous
fait voir que la question l’avait frappé, puisque le conseil des ministres a
été unanime pour repousser la condition de ce rétrécissement lorsqu’elle s’est
fait jour pour la première fois dans les négociations.
Le conseil des ministres avait donc vu là
une question très grave. Et voilà que tout à coup on viendra proposer à la
chambre d’émettre un vote à cet égard, sans que ni le gouvernement, ni la
commission ne lui aient fait un rapport sur cette importante question.
En vérité, c’est là une manière de
procéder qu’on peut trouver au moins fort étrange, et l’on doit trouver plus
étrange encore qu’on s’étonne que la chambre prenne le temps nécessaire pour
examiner la question. Il semble qu’il y ait calcul dans la réunion des deux
projets qui n’ont pas d’analogie au fond, et qu’on ait spéculé sur l’urgence de
l’un, pour obtenir un vote plus prompt sur l’autre.
En effet, un honorable
député de Turnhout ne veut absolument pas qu’on puisse séparer les deux votes.
Il a l’air de dire : Nous ne donnerons de l’argent pour le polder de Borgerweert, qui n’intéresse pas la défense du pays, qu’à
condition qu’on nous en donne pour le polder de Lillo qui soulève une grave
question politique.
Messieurs, il n’est pas possible d’admettre
une pareille manière d’agir ; c’est là une espèce de tactique parlementaire
dont on devrait s’abstenir, je pense, dans une question qui intéresse si
vivement la défense du pays ; cet intérêt doit aller avant tout.
Je persiste donc dans la motion de M. Verdussen
que j’ai reprise, lorsqu’elle a été abandonnée par son auteur. Je désirerais
que non seulement la chambre divisât la discussion, mais qu’elle divisât aussi
la loi ; qu’on votât de suite sur le crédit demandé pour le réendiguement
de Borgerweert, et qu’on achevât ensuite la
discussion, en ce qui concerne le reste du projet.
M. le ministre des
travaux publics (M. Nothomb). - Messieurs, il n’y a pas ici de tactique, comme le prétend l’honorable
préopinant ; je souhaite qu’il n’y ait de tactique d’aucun des côtés de cette
chambre.
L’honorable M. Gendebien a dit qu’il était
d’accord avec moi. J’espère que nous continuerons à l’être sur la motion
d’ordre que je vais faire. Je restreins la proposition au sens que j’ai indiqué
tout à l’heure, c’est-à-dire que je demande la clôture de la discussion
générale, pour qu’on ouvre la discussion partielle sur les deux objets de
l’article premier, pour n’en faire néanmoins qu’une seule et même loi.
Je dis, messieurs, que le
vote qui interviendra sur le premier objet de l’art. 1er satisfait à la clause
que je trouve dans le contrat fait avec les entrepreneurs. Les entrepreneurs se
sont contentés d’une probabilité, et c’est pour cela qu’ils ont pensé que cette
probabilité était suffisante pour eux, dès qu’il y aurait voté de la part d’une
des chambres. Ils n’ignoraient pas que ce vote serait émis par celle des
chambres qui exerce l’initiative en matière financière. Il n’y a dans cette
stipulation ni inconvenance ni illégalité ; celte stipulation était nécessaire,
de plus elle était juste.
Je dis, messieurs, que cette clause était
nécessaire, parce qu’il a fallu que les entrepreneurs se missent à l’instant
même à l’œuvre. Il a fallu qu’ils fussent obligés de faire immédiatement des
dépenses très considérables, de faire des commandes de fascines en Hollande par
exemple. Ils sont dès à présent occupés aux travaux. Pour faire cesser les
ouvrages énormes de conservation, le gouvernement désirait remettre
immédiatement l’endiguement aux entrepreneurs. Depuis qu’ils se trouvent en
possession de l’endiguement, le gouvernement est dispensé des dépenses de
conservation dont le montant équivaudrait peut-être déjà à l’amende stipulée
dans le contrat. (Aux voix ! aux voix !)
M.
Desmet. - Je demande la parole sur la clôture.
Je pense et je demande à prouver qu’il est
de l’intérêt du gouvernement à ce qu’il y ait une loi spéciale pour chacun des
deux objets auxquels se rapporte le projet du gouvernement. (La clôture ! la clôture !)
- La clôture de la discussion sur la
motion d’ordre est mise aux voix et adoptée.
M.
Dubus. - Le point que la chambre aurait à décider, c’est si elle
divisera la loi.
Plusieurs voix. - Non ! non !
M.
Dubus. - Je crois m’être assez clairement expliqué quand j’ai repris la
proposition. J’ai demandé formellement qu’on divisât la loi.
M. le président.
- Il s’agit de savoir si on interrompra la discussion générale pour s’occuper
spécialement de ce qui concerne le polder de Borgerweert.
M. Gendebien.
- Est-il bien entendu qu’on fera deux articles au lieu d’un ?
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Oui.
M. Verdussen.
- J’ai dit que je ne voulais pas séparer la loi en deux. Ma proposition n’a eu
d’autre but que de fermer une discussion générale portant sur trois objets et
qui devait recommencer sur chacun d’eux ; mais j’ai toujours entendu faire un
seul et même article de loi des trois objets.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb).
- Voici de quelle manière l’article pourrait
être divisé :
« Il est ouvert an ministre des
travaux publics un crédit de 929,900 fr., à l’effet de pourvoir au réendiguement du polder de Borgerweert
;
« Et un crédit de 2,050.000 fr., à
l’effet de pourvoir au rétrécissement de l’inondation autour de Liefkenshoek et
à la construction d’une digue intérieure dans le polder de Lillo. »
Du moment que ces deux dispositions ainsi
formulées se trouvent dans la même loi, le gouvernement n’y voit aucun
inconvénient.
M. Gendebien.
- Pourquoi ne pas faire deux articles ?
M.
le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Pourquoi ne pas faire deux paragraphes ?
M. Gendebien.
- Tout à l’heure, quand j’ai interpellé les ministres sur la question de savoir
si on ferait deux articles, les ministres de l’intérieur et des finances ont
répondu que oui. Maintenant on veut encore revenir là-dessus ; on dit qu’on
votera séparément les deux dispositions ; mais cela ne me suffit pas : comme il
n’y en aura qu’une pour laquelle je voterai, je ne veux pas qu’à la fin de la
discussion on me mette dans la nécessité de refuser l’allocation pour Borgerweert, parce que je ne veux pas accorder cette
demandée pour la digue de Lillo.
Je demande s’il y aura deux articles. De
cette manière, nous pourrons adopter l’un et rejeter l’autre.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Nous sommes d’accord avec M. Gendebien ; nous
avons demandé la division de l’objet de la discussion générale, c’est-à-dire
qu’une somme fut déterminée spécialement pour Borgerweert
et une autre somme pour Lillo et Liefkenshoek. Maintenant, que le libellé de
l’allocation de ces deux sommes soit formulé en deux articles ou en deux
paragraphes, cela est indifférent, car de l’une et de l’autre manière il sera
possible à chaque membre de rejeter l’une des dispositions et d’adopter
l’autre. La seule condition que nous n’avons cessé de réclamer, c’est que, soit
que l’on divise en articles, soit que l’on divise en paragraphes, les deux
crédits fassent l’objet d’une seule et même loi.
M. Jullien.
- Je ne sais véritablement où nous allons. Voilà trois jours que nous nous
occupions de la discussion d’une seule loi sur laquelle nous nous traînions
assez péniblement, mais enfin on apercevait le terme de la discussion sur l’ensemble
des deux objets qu’elle renferme ; et voilà maintenant que, pour gagner du
temps, on veut faire deux lois au lieu d’une, et recommencer deux discussions
au lieu de terminer celle qui existe depuis trois jours. Sur quoi
délibérez-vous donc ?
L’un dit : Il me faut
deux lois ; l’autre veut deux articles, un autre n’en veut qu’un. J’ai entendu
soulever une question de propriété sur une motion d’ordre ; l’un dit : Elle est
ma propriété ; non, réplique l’autre, elle est à moi. Mais finissons-en : moi,
qui veux discuter et vos deux lois et vos deux articles, j’attends que vous
présentiez ou vos deux lois ou vos deux articles. Ils sont encore dans votre
imagination ; comment les ferez-vous, comment les formulerez-vous ? Il faut que
je le sache pour les discuter. Vous avez beau me promettre que vous les ferez
de telle ou telle manière, cela ne suffit pas, ce n’est pas sur des
dispositions aussi vagues qu’on appelle la décision du législateur, Si vous
voulez que je discute, présentez vos propositions, je les discuterai.
Voulez-vous deux lois au lieu d’une, faites deux lois, mais ne venez pas par
des motions d’ordre, qui sont un véritable désordre, interrompre une discussion
générale qui, sans cela, serait close sur les deux objets. Nous serions prêts à
voter ; car, en définitive, il n’y avait plus à examiner que très peu de
points, sur lesquels les orateurs qui se proposaient encore de parler auraient
été très courts.
Je demanderai par forme de motion d’ordre,
puisque chacun fait la sienne, qu’on reprenne la discussion générale au point
où on l’avait laissée. C’est le seul moyen de sortir du désordre actuel.
M. Dubus.
- La loi qui nous occupe et l’incident sont choses graves et nullement de
nature à donner lieu à la plaisanterie ; je ne vois pas le côté plaisant de la
loi ou de l’incident.
On dit que M. Verdussen et moi, nous nous
disputons la propriété d’une motion d’ordre ; je trouve l’observation très
inexacte.
Une motion a été faite verbalement par M.
Verdussen ; il l’a abandonnée, je l’ai reprise et j’ai pris la parole pour
exprimer d’une manière assez explicite et assez claire pour tout le monde
comment je l’entendrai. M. Verdussen a voulu l’expliquer d’une autre façon,
mais elle n’était plus sienne, il ne lui appartenait plus d’en expliquer le
sens ; il ne pouvait pas m’imposer une autre proposition que la mienne, une
proposition directement contraire aux explications que j’avais données. Je
crois que, sur ce point, je pouvais me récrier contre les explications de
l’honorable député d’Anvers.
Quant à la nouvelle motion qui vient
d’être jetée, qui tendrait à faire continuer la discussion générale sur la loi
entière, je n’en aperçois pas le but, si c’est, comme on l’a dit, d’abréger la
discussion.
On n’espère pas sans doute empêcher par là
une discussion spéciale de diverses allocations que comprend la loi. On
l’espérerait en vain, car l’article du règlement porte que, quand une
disposition contient une question complexe, la division est de droit.
On ne prétendra pas, je pense, que l’art.
1er ne présente pas une question complexe. Ainsi, une demande de division d’un
seul député fera ici la loi à la majorité, puisque le règlement fait le droit
des minorités. Dès lors, il faudra une discussion spéciale sur chacun des
crédits spéciaux.
Mais dit-on, le vote de la chambre doit
avoir lieu aujourd’hui, quant à l’un de ces crédits. Voilà précisément ce qui a
motivé la demande qu’on discute d’abord le crédit sur lequel la chambre doit se
prononcer aujourd’hui.
J’aurais voulu, tel était le but de ma
motion, qu’on fît de ce crédit une loi séparée, parce que je ne serai
pleinement apaisé sur l’accomplissement de la condition que quand il y aura un
vote définitif de la chambre, et parce qu’il me semblait qu’il fallait ce vote
définitif aujourd’hui.
Rien n’empêcherait de commencer par
discuter ce crédit spécial ; la chambre déciderait ensuite si elle veut ou non
en faire une loi séparée. Quant à moi, je crois que c’est ce qu’il y aurait de
plus sage.
M. le président.
- D’un côté on demande que la discussion générale continue, et de l’autre qu’on
s’occupe d’abord de l’allocation demandée pour Borgerweert.
La division est de droit. Je ne vois alors qu’une seule question à mettre aux
voix, c’est celle de savoir si on interrompra la discussion générale pour
s’occuper du polder de Borgerweert.
- La chambre consultée décide que la
discussion générale sera interrompue pour s’occuper de ce qui concerne le
polder de Borgerweert.
Discussion
des articles
Article
premier
La chambre adopte la disposition suivante
:
« Il est ouvert au ministre des
travaux publics un crédit de 899,900 fr. à l’effet de pourvoit au réendiguement du polder de Borgerweert. »
La chambre passe au second point.
Discussion
générale
M. Gendebien.
- Mon intention n’est pas de prolonger la discussion, ni d’abuser de la faveur
que la chambre me fait en m’accordant la parole pour la troisième fois.
Je n’ai pas l’intention de revenir sur la
question de stratégie ; mais j’invite le ministre de la guerre et le général
Goblet à répondre aux observations judicieuses et pertinentes de M. de Puydt. Quant à moi je ne ferai
que répéter, en deux mots, que je considère le fort Lacroix comme très
important non pas que je suppose qu’il puisse empêcher la marine hollandaise de
remonter l’Escaut, personne ne l’a prétendu ; mais je le considère comme très
important pour défendre l’approche de la digue d’Oordam, qu’il enfile à toute
volée et la digue de l’Escaut en amont et en aval, Il protège aussi l’écluse
qui est près de ce fort et qu’on va abandonner à la merci des Hollandais. C’est
un moyen d’empêcher un débarquement dans un point très favorable, celui où est
bâti le fort, car les troupes débarquées peuvent, sans obstacle. parcourir la
digue d’Oordam et d’Ettenhoven et plusieurs chemins
en amont du fort. Si le fort disparaît, la rive droite de l’Escaut jusqu’au
fort Philippe est livrée à la merci des Hollandais qui peuvent, en prenant
cette digue, user ce qu’ils se proposaient lors de la fameuse guerre de la
séparation, sous Philippe II. L’histoire ne nous rapporte-t-elle pas d’ailleurs
plusieurs combats acharnés ; livrés pour la possession de cette digue qui est
la sauvegarde d’Anvers et aujourd’hui de ses deux beaux bassins ? Je dis qu’il
est de toute évidence (et je ne comprends pas qu’on puisse nier cette
évidence), que le fort Lacroix étant démoli, les Hollandais peuvent circuler
librement sur les digues de l’Escaut, d’Oordam et d’Ettenhoven,
et sur tous les chemins qui aboutissent à ces digues ; et ils peuvent ainsi par
un coup de main interrompre nos communications sur la route de Berg-op-Zoom et
sur la route de Breda, et inquiéter ainsi tous les mouvements de notre armée,
enlever des postes isolés, des magasins, des parcs d’artillerie, et inquiéter
Anvers.
Quelle objection oppose-t-on-à ces
observations ? toujours la même. Le fort Lacroix (le ministre des finances l’a
répété aujourd’hui) ne peut empêcher les Hollandais de couper la digue hors de
la portée du canon.
Je ne sais jusqu’à quel point le fort
Lacroix peut protéger la digue ; mais il est certain qu’il la protège à toute
volée. Il est certain qu’au hameau d’Ettenhoven, on
peut avoir une force militaire, y construire des ouvrages en terre, et s’il est
nécessaire, on peut établir un poste militaire intermédiaire. Il est encore
certain que le fort Lacroix peut entraver la navigation sur les inondations et
détruire les petites embarcations qui porteraient des troupes de débarquement
ou tenteraient un percement de l’une des digues. Le fort est, dans tout les
cas, nécessaire pour abriter nos soldats chargés de surveiller les mouvements
de l’ennemi.
En un mot, les Hollandais ont insisté pour
la démolition ; dès lors, j’y vois un piège, ou au moins un motif de défiance ;
rien que leur insistance est pour moi un sujet d’inquiétude ; car, ainsi que
l’a fait remarquer l’honorable M. de Puydt dans la séance de samedi, de quelle
importance le fort Lacroix est-il pour la défense du fort Lillo ? D’aucune
importance. Ainsi, comme moyen défensif, leur insistance est sans objet ; c’est
donc comme moyen agressif qu’ils veulent la démolition du fort Lacroix, En
effet, ils acquièrent la faculté de circuler librement et sur les digues et
dans nos polders en amont de Lillo, car le fort Philippe étant à une grande
distance, à l’extrémité de l’angle saillant nord-ouest, la portée de ses canons
ne pourra atteindre tout ce qui sortira du fort Lillo. Non pas que je craigne
la garnison de ce fort, mais ce fort protégera les rassemblements hollandais
qui pourront, par l’Escaut et par ses digues, arriver au nombre de 8 ou 10
mille hommes et faire une excursion dans le pays, combinée avec une sortie de
la garnison de Berg-op-Zoom.
Maintenant, on vous dit que si les
Hollandais veulent détruire la digue qu’on veut construire, ils peuvent en
détruire bien d’autres ; qu’ainsi mon argument prouve trop, et par conséquent
ne prouve rien. Mais parce qu’ils ont la faculté de détruire beaucoup d’autres
digues, faut-il leur donner plus de facilité pour détruire celles qui dans tous
les temps ont été considérée comme les plus importantes ?
Ils peuvent détruire, dit-on, toutes les
digues de la rive droite et de la rive gauche du l’Escaut. Mais à ce compte, si
nous ne pouvons pas protéger le pays contre les Hollandais, à quoi bon une
nombreuse armée ? Pourquoi tant de millions dépensés ? Le premier devoir de
tout gouvernement n’est-il pas de défendre le pays ?
Un autre point de la plus haute
importance, c’est que non seulement, vous renoncez au droit de faire des
travaux de défense pour les digues de la rive droite et de la rive gauche de
l’Escaut, en amont des deux forts de Lillo et de Liefkenshoek, à
C’est ainsi que le magnifique village de Doel est à la merci des Hollandais, Il n’a pas même un
simple ouvrage en terre qui le protège contre eux, et vous vous engagez à n’en
jamais faire aucun. Ainsi, à la première hostilité, les habitants des deux
rives sont exposés à toutes les calamités de la guerre. Et sans même que les
hostilités soient recommencées, il suffit qu’une dizaine de soldats hollandais
parcourant la digue, sous prétexte de service militaire, se trouvent dans un
état d’ivresse ou dans un moment de colère, pour qu’ils égorgent les habitants
et incendient cette belle et populeuse commune !
Vous parlez de philanthropie, d’humanité,
et vous exposez volontairement les habitants du pays à toutes les fureurs de la
soldatesque hollandaise.
Vous avez bonne grâce après cela de vous
apitoyer sur le sort des habitants des polders derrière les digues d’Oordam et
d’Ettenhoven. C’est même un moyen qu’on a employé
pour combattre ma proposition d’indemnité. Ou vous a dit que ma proposition
était insuffisante, parce qu’elle ne donne pas satisfaction complète aux
habitants des polders inondés, et qu’elle n’est d’aucune utilisé pour les
habitants des polders qui se trouvent derrière les digues d’Oordam et d’Ettenhoven. Mais je propose une indemnité complète à
l’égard des habitants des polders, et plus complète que celle que vous
proposez. J’ai déclaré de plus que j’appuierai toute proposition qui aurait
pour but de rendre l’indemnité plus complète. M. Rogier prétend que cette
indemnité n’est pas complète, parce qu’elle ne comprend pas les fermiers et les
ouvriers. Mais lui-même a pris la peine de prouver que j’ai proposé tout ce
qu’il est possible de faire. Il a dit qu’il avait aussi songé aux fermiers et
aux ouvriers, mais qu’il n’en parlait pas, attendu qu’une loi a été proposée à
la chambre pour régler ce genre d’indemnité. Eh bien, C’est précisément parce
qu’une loi a été proposée à la chambre que j’ai cru inutile, comme M. Rogier,
de comprendre les fermiers et ouvriers dans ma proposition d’indemnité. Ma
proposition est donc suffisante, complète pour le moment. Le reste viendra lors
de la discussion de la loi des indemnités. Ma proposition va même plus loin que
celle de M. Rogier, car j’ai songé aux propriétaires des trois cents hectares
en dehors de la digue à construire. J’ai présenté une disposition pour eux,
chose que n’a pas faite M. Rogier, non plus que le gouvernement. Il y a plus,
messieurs, c’est que, peu confiant dans l’exécution du traité, j’ai demandé
qu’en attendant que la digue fût faite, on accordât une indemnité aux
propriétaires et pour la privation de jouissance pendant 6 ans, et pour la même
privation pendant les deux années qui seront nécessaires pour l’achèvement de
la digue.
Voilà pour les polders inondés.
Pour les autres je ferai une observation
fort simple, J’ai dit qu’aussi longtemps que nous serions en guerre avec
Ainsi ma proposition est plus complète que
celle du gouvernement, même pour les polders non inondés. Car la proposition du
gouvernement est entachée d’imprévoyance et de négligence. Le gouvernement
compte sur le succès des négociations. Mais s’il se trompe ? Il compte sur l’achèvement de la digue. Mais
s’il se trompait ? Il compte sur la modération et sur la bonne foi du roi
Guillaume. Mais s’il se trompait ? Il compte sur la durée de la digue à
Les dépenses d’entretien ont aussi été
exagérées ; je suis persuadé qu’une bonne administration les diminuerait. On
vous a dit que des plaintes fréquentes s’étaient élevées. M, Rogier a dit tout
à l’heure que ce matin même il en avait reçu une sur la manière dont
l’entretien a lieu. Eh bien moi aussi, j’ai reçu semblable confidence ; et je
dirai que si l’on abandonnait aux intéressés, au lieu de s’en charger pour eux,
on y trouverait une immense économie et il y aurait pour eux une plus grande
sécurité.
J’appelle sur ce point l’attention de M.
le ministre des travaux publics.
En résumé je crois que ma proposition est
la plus complète, la plus satisfaisante, la plus juste de toutes celles qui ont
été faites.
Tout ce qu’a dit M. Andries me paraît
aussi réfuté par les observations que je vous ai faites.
Le ministre des travaux publics, tout en
accusant ma proposition d’impuissance, prétend que la sienne est complète ; que
si on l’adopte, tout est fait et parfait.
Je dis au contraire que rien n’est fait,
et que les dangers sont toujours les mêmes sur tous les points. Et d’abord,
sous le rapport de la garantie ; lorsque nous nous soumettons aux convenances,
aux exigences de
D’après cela, je vous demande si l’on a
bonne grâce de m’opposer que je ne fais rien pour les terrains menacés, rien
pour les polders voisins, alors que le gouvernement n’a rien fait pour eux,
alors qu’il les expose volontairement et sans aucune garantie quelconque aux
caprices, au bon plaisir de nos ennemis.
Ainsi le ministre des travaux publics a eu
grand tort de dire que ma proposition était impuissante sous tous les rapports,
et que la sienne était seule complète.
En établissant l’efficacité de ma
proposition, j’ai prouvé en même temps que celle du ministre était incomplète.
Je terminerai, messieurs, comme j’ai commencé.
J’adjure le ministre de
la guerre et M Goblet de prendre en considération les observations présentées
par M. de Puydt ; je demande que la question militaire soit examinée mûrement
et discutée à fond, d’autant plus que dans aucun rapport, ni dans ceux du
ministre, ni dans celui de la section centrale, on n’a agité ce point.
Je considère cette question comme très
grave. Elle a maintenant plus de gravité que lorsqu’on a présenté la première
convention au ministère au mois d’août, il n’a pas hésité, vous a-t-il dit, à
la repousser, et par la considération qu’elle blessait l’honneur national, et
surtout parce qu’il considérait la destruction du fort Lacroix comme
compromettant la sûreté du pays. Il faut nécessairement qu’on explique les
causes de cette contradiction, il faut qu’on justifie ce changement par
d’autres raisons que les motifs de sécurité qu’on affecte de nous montrer sans
jamais les justifier.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je regrette de n’avoir pas été présent lorsque M.
de Puydt a prononcé son discours, mais je pense que le résumé qu’en vient de
faire M. Gendebien me permettra d’aborder les principales objections qui ont
été faites.
L’honorable préopinant pense que le fort
Lacroix doit être conservé parce qu’il peut avoir une grande influence sur la
défense de la digue d’Oordam et de la rive droite de l’Escaut, et qu’il peut
empêcher des débarcations de troupes hollandaises
faites dans le but de rompre les endiguements.
Sous le rapport de la digue d’Oordam, il
est certain que le fort Lacroix n’est pas tout à fait sans utilité ; il est
situé sur cette digue ; il en défend les approches sur une étendue plus ou
moins grande ; on doit convenir de ces faits, mais il faut convenir en même
temps qu’il reste une grande partie de la digue qu’il ne peut protéger. La
digue n’est pas complètement défendue par ce fort, et les faits historiques que
l’on a rapportés en fournissent la preuve.
Lorsque la flottille des Pays-Bas stationnait,
comme stationne maintenant la flottille hollandaise, sur le Bas-Escaut, cette
flottille des Pays-Bas tendait à donner la main à Anvers, parce qu’alors et la
flottille et Anvers appartenaient au même parti.
L’intérêt étant de mettre la flottille et
Anvers en communication en rompant la digue d’Oordam, les espagnols qui avaient
un intérêt aussi grand à conserver cette digue intacte, ne se contentèrent pas
d’avoir le fort Lacroix ; ils en établirent plusieurs à la suite l’un de
l’autre et chacun d’eux fut le théâtre de combats acharnés.
Il s’agissait pour l’armée des Pays-Bas de
ravitailler la place d’Anvers ou d’être obligée de la rendre.
Dans cette circonstance, la digue d’Oordam
et le fort Lacroix étaient vraiment importants ; mais ils ne conservent pas
toute cette importance lorsqu’il s’agit d’attaques dirigées contre Anvers.
Quoi qu’il en soit, si la conservation de
la digue d’Oordam est utile pour éviter de grandes inondations, je soutiens que
le fort Lacroix est tout à fait insuffisant pour la défendre dans toute son
étendue. Voilà mon avis sur l’un des points qui ont été agités.
On a dit que le fort Lacroix pouvait
empêcher les débarcations de troupes sur le pont où
il est maintenant placé ; mais un fort construit à
Quant à l’importance de la rupture de la
digue d’Oordam, je répète qu’elle n’est pas la même dans les diverses
situations où peut se trouver Anvers. Par exemple, il y a une grande différence
entre l’état de choses actuelles et l’état de choses en 1585.
A cette dernière époque, il s’agissait de
ravitailler Anvers ; et pour arriver à cette place, il suffirait que les
embarcations traversassent les polders ; arrivés près de la forteresse, elles y
jetaient des vivres secondées par les efforts de l’armée et de la population.
Mais maintenant la flotte qui irait à travers les polders inondés, ne
s’approcherait de la forteresse que pour l’attaquer ; et comme le nombre des
troupes qu’elle pourrait débarquer serait très faible, une telle attaque ne
serait pas bien dangereuse.
Il ne faut pas croire qu’on pourrait
débarquer dix mille hommes, comme l’a dit un orateur, parce qu’il faut autre
chose que des flottilles telles que celles que nous avons vues sur l’Escaut
pour transporter des forces aussi considérables.
Comme nous avons quelques navires dans
l’Escaut, nous serions au moins avertis de cette entreprise, et la garnison
d’Anvers se mettrait en mesure de repousser une attaque dont on aurait bientôt
raison.
S’agirait-il d’intercepter seulement nos
communications ; mais elles sont sans importance de ce coté ; au reste, la
garnison étant avertie, elle irait repousser l’ennemi et rétablir les
communications. S’agirait-il de briser la digue d’Oordam ; mais les troupes
stationnées dans les localités environnantes pourraient empêcher ce fait, soit
qu’une flottille voulût l’exécuter, soit que des troupes venant de Berg-op-Zoom
tentassent de l’effectuer.
On occuperait peut-être la digue d’Oordam
comme on le propose, si l’on était dans un véritable état de guerre.
Certes, cela donnerait la plus grande
sécurité, et le ministre de la guerre ne demanderait pas mieux que de faire
construire des forts ; plus il y en aura, plus sa tâche sera facile et plus sa
responsabilité sera à couvert ; il voudrait construire des forts de 1,500
toises en 1,500 toises sur nos digues les plus importantes.
Il est un autre point sur lequel plusieurs
orateurs ont attiré l’attention de la chambre : c’est sur la partie de la
convention qui nous interdirait la construction de forts à moins de
Si nous rentrons en
guerre, nous rentrerions aussi dans le droit de la guerre, alors nous
construirions des forts partout où nous le jugerions convenable, comme nous
jetterions nous troupes où nous le trouverions à propos.
Je crois donc, messieurs, que sous le
rapport militaire le deuxième point de la convention n’a pas une grande
importance ; je ne veux pas dire qu’elle n’en a pas du tout, non plus que la
conservation du fort Lacroix ; je dis qu’elle en a une faible, et que les
services que peuvent rendre les ouvrages dont il s’agit ne sont pas absolus ;
dès lors c’est à la chambre de peser dans sa sagesse si les avantages que
présente la convention pour l’endiguement des polders sont de nature à
compenser les désavantages partiels de l’abandon du fort Lacroix. (La clôture ! la clôture !)
M. Desmet.
- Messieurs, M. le ministre des travaux publics a dit tout à l’heure que la
position n’est pas la même qu’en 1585 au siège d’Anvers, parce qu’alors Lillo
n’était pas occupé par les Hollandais : c’est là une erreur grave, car Lillo
était occupé par les Anversois orangistes, par les partisans du Taciturne qu’on
appelait alors les gueux, qui remplaçaient les hollandais ; et par conséquent
la position était la même.
Eh bien, messieurs, qu’a-t-on fait alors ?
on a commencé par percer la digue de Beerendrecht et
par inonder tous les environs : alors on est allé en avant pour couper la digue
d’Oordam ; mais heureusement que les troupes du duc de Parme ont eu le dessus
et ont pu chasser les Hollandais ; sûrement ils auraient, par la coupure dans
la digue, trouvé une voie pour arriver aux environs d’Anvers et ravitailler la
place.
Vraiment, quand les Hollandais sont
maîtres de la digue d’Oordam, ils le sont de toute la contrée jusqu’à Anvers.
Les Hollandais sont plus malins que nous,
ils connaissent l’importance de cette tête de pont de la digne d’Oordam, car le
fort Lacroix est une véritable tête de pont qui défend la digue d’un
débarquement, et quand on n’y peut pas débarquer, il n’est pas facile de faire
des percées dans la digue.
Je demande à M. le ministre de la guerre
s’il n’y aurait pas possibilité que la garnison de Liefkenshoek fût demain à
huit heures du matin au Doel ? Rien ne l’empêcherait,
messieurs ; je pourrais vous citer des personnes de Doel
qui m’ont dit que pendant aucune nuit ils sont certains que le lendemain ils ne
seront pas assassinés par les Hollandais.
Je lui fais cette question, car il me
paraît que l’honorable ministre de la guerre n’a rien répondu à l’honorable M.
Gendebien qui vient de dire qu’on soignait quelques bonniers de terre de
quelques grands propriétaires, et qu’on ne songeait pas aux habitants qui
étaient toutes les nuits sous le couteau des Hollandais ; qu’aucun fort
n’existait, aucune redoute, aucun
ouvrage quelconque pour mettre la population du Doel à
l’abri d’un coup de main des Hollandais.
Oui, messieurs, rien
n’empêche qu’à la première occasion les habitants de Lokeren voient le matin,
en se levant, les Hollandais chez eux, et Lokeren n’est qu’à quatre lieues de
Gand.
Il y aura donc plus d’humanité à songer à
l’existence des habitants qu’à ôter l’eau de deux polders qui n’ont pas
d’habitations, comme il y aurait plus de prudence, d’adresse et de politique de
la part du ministère de songer à la conservation et défense du pays que de
servir plusieurs grands propriétaires.
Plusieurs membres. - La clôture ! la clôture !
M.
de Puydt. - Il me semble, messieurs, qu’on ne peut pas clore la
discussion maintenant ; les explications que vient de donner M. le ministre de
la guerre sont relatives aux observations que j’ai présentées ; je propose de
remettre la discussion à demain. (Non ! non !)
M. Dumortier. - Messieurs, une indisposition momentanée m’a empêché jusqu’ici de
prendre la parole dans cette discussion ; cependant je désirerais donner à la
chambre quelques éclaircissements, et que les faits que j’aurai à lui
communiquer sont de nature à exercer quelque influence sur sa décision, (La clôture ! la clôture !)
M. Dubus.
- Il serait inutile, messieurs, de prononcer la clôture maintenant ; des
orateurs désirent encore parler, et quand on clorait la discussion actuelle, il
faudrait toujours les entendre à l’occasion du crédit demandé pour la digue de
Lillo. (A demain ! à demain !)
- La séance est levée à cinq heures.
PROJET
DE LOI RELATIF AU CHEMIN DE FER DE GAND VERS COURTRAY A
Composition de la commission : Bekaert,
Berger, Desmanet de Biesme, Demonceau, Dumortier, Goblet, Kervyn, Simons et
Verdussen.