Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 29 avril 1837

(Moniteur belge n°121, du 1er mai 1837)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à une heure.

M. Kervyn lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur Pierre Tallois, propriétaire à Ham-sur-Heure, renouvelle sa demande en annulation d’un arrêté du ministre de l’intérieur, qui déclare valides les élections communales de Ham-sur-Heure. »


« Les sieurs Desoer, propriétaires du Journal de Liége, Noscent, l’un des propriétaires du Politique, et Lafontaine, rédacteur gérant de l’Industrie, adhèrent aux vœux exprimés par les directeurs des principaux journaux de Bruxelles, relativement à l’élévation des droits de timbre sur les journaux. »


« Le conseil communal de Wolwerthem demande le maintien du cens électoral tel qu’il a été voté par le congrès national. »


« Le bourgmestre, les échevins, les membres du conseil communal et des habitant de Nivelles ; les administrations communales et les habitants de Borneval, Braine-le-Château, Clabeek, Ittre, Monstreux, Oeskerke, Quinast, Rebeck, Rognou, Tubise, Virginal-Samme, composant le premier canton de justice de paix de Nivelles ; les administrations communales et les habitants des communes de Baulers, Haut-Ittre, Lillois-Willerzée, Ophain, Bois-Seigneur-lsaac, Thines-Waterloo et Wautier-Braine, appartenant au deuxième canton de justice de paix de Nivelles ; les administrations communales et les habitants des communes de Baizy-Thy, Bousval, Genappes Glabais, Houtain-le-Val, Houtain-le-Mont, Loupoigne, Marbais, Mellery, Tilly, Vieux-Genappes, Villers-la-Ville, Plancenois et Ways, appartenant au canton de Genappes, demandent le maintien à Nivelles du chef-lieu du troisième arrondissement et du siège électoral. »


« Des négociants et fabricants de liqueurs du royaume adressent des observations contre le projet de loi relatif aux modifications proposées sur le droit d’entrée des boissons distillées. »


- Cette dernière pétition est renvoyée à la section centrale, chargée de l’examen du projet de loi relatif à des modifications au droit d’entrée des boissons distillées ; les autres requêtes sont renvoyées à la commission des pétitions.


M. Frison. - Je prierai la chambre de vouloir inviter la commission à lui faire un prompt rapport sur la pétition que le Sieur Tallois nous a adressée au mois de décembre dernier, relativement aux élections de Ham-sur-Heure, pétition qu’il rappelle dans sa requête actuelle.

- Cette proposition est adoptée ; en conséquence la commission des pétitions est invitée à faire un prompt rapport sur la requête que le sieur Tallois a adressée à la chambre au mois de décembre dernier.


M. d'Hoffschmidt annonce à la chambre qu’il a dû s’absenter à cause de la maladie grave de son frère.

- Pris pour information.

Prise en considération de demandes en naturalisation

Premier scrutin. Demande en naturalisation ordinaire formée par le sieur E.-C. Guillery, professeur à Bruxelles.

Nombre des votants, 64.

Boules blanches, 45.

Boules noires, 19.

En conséquence la demande est prise en considération : il en sera donné avis au sénat.


Deuxième scrutin. Demande en naturalisation ordinaire formée par le sieur A. de Maurissens, receveur de l’enregistrement et des domaines à Echternach (Luxembourg).

Nombre des votants, 72.

Boules blanches, 52.

Boules noires, 20.

En conséquence la demande est prise en considération : il en sera donne avis au sénat.


Troisième scrutin. - Demande en grande naturalisation formée par le sieur Paul Cholet, artiste vétérinaire pensionné.

Nombre des votants, 71.

Boules blanches, 18.

Boules noires, 53.

En conséquence la demande n’est pas prise en considération.


M. Verdussen (pour une motion d’ordre.) - Messieurs, j’ai à réclamer un acte de bienveillance de la part de la chambre.

Depuis quelques jours un rapport nous a été distribué sur une demande de naturalisation, formée par le sieur Gerson ; le pétitionnaire désirerait qu’une décision fût prise sur sa demande, avant la fin de la présente session.

Je prierai donc la chambre de vouloir bien admettre cette naturalisation, comme une quatrième nomination à faire dans une des prochaines séances. (Appuyé !)

- La chambre décide qu’elle s’occupera lundi prochain de la prise en considération de la demande en naturalisation du sieur Gerson.

Rapport sur une pétition

M. Manilius, organe de la commission d’industrie, dépose un rapport sur les pétitions concernant les foins hollandais.

- La chambre ordonne l’impression séparée de ce rapport qui sera discuté après l’objet à l’ordre du jour.

Loi relative au réendiguement du polder de Borgerweert, au rétrecissement de l’inondation autour de Liefkenshoek et à la construction d’une digue intérieure dans le polder de Lillo

Dépôt

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) présente un projet de loi relatif à une demande de crédit pour pourvoir au réendiguement du polder de Borgerweert, au rétrécissement de l’inondation autour de Liefkenshoek et à la construction d’une digue à l’intérieur du polder de Lillo.

Le ministre annonce qu’il a fait imprimer le projet de loi et toutes les pièces qui y ont rapport, et que le tout sera distribué dans la soirée.

M. le président. - Désire-t-on le renvoi du projet aux sections ou à une commission ?

M. Dumortier. - Messieurs, le projet de loi qui vient d’être présente par M. le ministre des travaux publics a un point de vue politique ; il s’agit de savoir s’il convient ou non de démolir un fort qui est une clef de l’Escaut. Si le projet était renvoyé à une commission, il n’y aurait qu’un demi-examen. Je pense donc que ce sont les sections qui doivent examiner le projet de loi.

M. Verdussen. - Je ne sais sur quoi se fonde l’honorable préopinant, en disant que si le projet de loi était renvoyé à une commission, il ne subirait qu’un demi-examen. C’est une espèce d’affront fait à la chambre pour toutes les fois qu’elle a nommé une commission.

Je pense, messieurs, qu’il faudrait renvoyer le projet à la commission qui a été saisie de celui concernant l’endiguement du polder de Lillo ; vous lui avez déjà renvoyé une multitude de pièces qui se rapportent à cette affaire.

M. Gendebien. - Messieurs, personne plus que moi n’est disposé à accueillir tout projet de loi tendant à faire cesser les calamités qui pèsent depuis trop longtemps sur une partie de nos compatriotes. Mais, d’un autre côté, je sens toute l’importance du projet qui vient de nous être présenté, et l’observation de l’honorable M. Dumortier me paraît parfaitement juste.

On paraît se scandaliser de ce que l’honorable membre ait dit qu’une commission ne se livrerait qu’à un demi-examen. Si l’expression de M. Dumortier n’est peut-être pas l’expression propre, on doit reconnaître cependant que quand une proposition est renvoyée aux sections, elle donne lieu à un double examen : d’abord dans les sections, puis au sein de la section centrale. Si donc une proposition, quand elle est renvoyée à une commission, ne donne pas précisément lieu à un demi-examen, elle ne subit pas non plus la double épreuve qu’elle reçoit lors du renvoi aux sections.

Il y a dans le projet de loi un double objet, un objet d’intérêt local qui mérite certes toute notre attention, et un objet d’intérêt général qui ne la mérite pas moins, mais exige plus spécialement l’examen de la généralité des représentants de la nation : sous ce dernier rapport, je pense qu’il convient de renvoyer le projet aux sections qui, au reste, pourront procéder avec autant de promptitude que pourrait le faire une commission. On pourrait même proclamer 1’urgence.

M. F. de Mérode. - Messieurs, je crois que dans la circonstance actuelle rien ne serait plus funeste que le renvoi du projet aux sections. Les sections ne peuvent pas avoir les renseignements convenables pour décider une semblable question. Il faut avoir été sur les lieux, avoir examiné la situation de ces lieux de très près, pour pouvoir juger en connaissance de cause. Je me suis rendu deux fois sur les lieux, et je sais, par expérience, que si je n’y étais pas allé, en vain me montrerait-on des plans et des rapports de toute espèce, je ne comprendrais rien à la question.

Messieurs, il y a une commission qui a été nommée précédemment pour examiner l’affaire du polder de Lillo ; des membres de cette commission se sont transportés sur les lieux sur l’invitation de M. le ministre des travaux publics. Ils ont été à même de s’instruire parfaitement de la question très importante qu’il s’agit de traiter et de ne pas laisser languir parce que les travaux de l’espèce doivent être exécutés promptement ; on est obligé d’y mettre une grande activité, et ne pas laisser passer la bonne saison.

Je le répète, rien ne serait plus fatal que le renvoi du projet aux sections. J’appuie de toutes mes forces le renvoi à la commission qui a été nommée antérieurement pour cet objet ; les membres de cette commission sont presque tous, et je crois même tous, absolument étrangers aux propriétés du polder de Lillo. Dès lors ils doivent inspirer toute confiance à la chambre.

M. Dumortier. - Messieurs, je ne comprends pas comment l’honorable préopinant peut venir prétendre que pour juger une pareille question il faille avoir été sur les lieux. Il faudra donc que la chambre tout entière, qui devra voter la loi, se transporte sur les lieux, pour pouvoir émettre un vote en connaissance de cause. L’observation de l’honorable préopinant ne me paraît pas fondée.

D’ailleurs, messieurs, le projet comporte une question de convenance, de dignité nationale, de défense du pays. Comme l’honorable M. Gendebien, je suis disposé à tout faire en faveur des habitants du polder inondé ; mais jamais je ne consentirai à ce qu’une proposition aussi importante que celle qui nous a été soumise soit admise légèrement. Il est incontestable que chacun de nous a le droit d’examiner une question aussi grave ; car il ne s’agit pas seulement d’un dédommagement à accorder aux habitants des polders, il y a là encore une question plus importante qui intéresse vivement l’honneur du pays.

Je persiste donc à demander que le projet de loi présenté par M. le ministre des travaux publics soit renvoyé aux sections.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Messieurs, il ne faut pas qu’on se fasse illusion sur la question qui doit nous occuper : il ne s’agit pas ici, comme le prétend l’honorable préopinant, d’une question politique, d’une question d’honneur, d’une question de dignité nationale ; il s’agit simplement d’une question d’intérêt. Après avoir pesé les avantages et les inconvénients de la proposition qui lui était faite, le gouvernement a trouvé que les avantages l’emportaient, et dès lors il n’a pas hésité à accepter la proposition qui a été considérablement modifiée.

Il ne s’agit pas de livrer la clef de l’Escaut. Le fort Lacroix n’est pas la clef de l’Escaut ; l’honorable préopinant en serait convaincu, s’il s’était rendu sur les lieux. Le fort Lacroix sera déplacé, c’est-à-dire démoli et reconstruit sur un autre point de la digue de l’Escaut, point plus favorable que celui où se trouve actuellement le fort Lacroix.

Il importe messieurs, que l’on ne crée pas de préventions même avant la discussion publique. Je déclare de nouveau qu’il ne s’agit nullement ici d’honneur, de dignité nationale ; il s’agit uniquement d’une question matérielle.

Cette question n’est pas si neuve qu’on paraît le supposer. Elle vous a été posée dès le 6 février dernier, dans le premier rapport que j’ai eu l’honneur de vous présenter. A cette époque on me reprochait de n’avoir pas d’opinion formée sur cette question, de ne présenter que des hypothèses. Si je ne vous ai présenté alors que les hypothèses, c’est parce que le gouvernement ne voulait pas agir légèrement ; il voulait appeler l’attention de la chambre sur ces hypothèses, s’assurer des avantages et des inconvénients que chacune d’elles présentait. C’est après avoir prévenu la chambre et le public pour s’entourer de toutes les lumières, qu’il a négocié ; et il a négocié dans le système le plus avantageux. Je n’irai pas plus loin, car je ne pourrais le faire sans entrer dans le fond de la discussion. Ce que je viens de dire a pour but d’empêcher que des préventions ne s’élèvent avant la discussion publique.

Il est indifférent au gouvernement que le projet soit renvoyé aux sections ou directement à la commission des polders, il ne craint aucun genre d’examen. La chambre en décidera. La seule chose qui importe au gouvernement, c’est d’avoir promptement une décision. Vous aurez remarqué que, relativement au polder de Borgerweert, les entrepreneurs n’ont pu accepter l’entreprise qu’à la condition qu’ils pourraient faire immédiatement les dispositions pour les travaux. Le gouvernement a dû promettre que l’entreprise serait définitive dans un temps donné. Ce terme a été fixé au 10 mai prochain. Il faut donc une décision pour cette époque. D’un autre côté, il faut aussi ratifier la convention passée avec le gouvernement néerlandais. Sous ces deux rapports il y a donc urgence.

Ainsi, je le répète, que le projet soit renvoyé aux sections ou à la commission des polders, peu importe du moment que l’affaire est traitée comme affaire urgente.

M. F. de Mérode. - Tout ce que vient de dire M. le ministre des travaux publics est très vrai en théorie, mais en réalité, si on renvoie le projet aux sections, il suffira qu’une seule section reste en arrière pour que la discussion soit renvoyée à je ne sais quand. Après tout, il s’agit ici d’une affaire très simple dont l’examen ne sera pas difficile pour ceux qui la connaissent. Mais si vous la renvoyez à toutes les sections, vous n’aurez de décision que dans un temps très éloigné. Il est impossible de faire un travail de la nature de celui dont il s’agit si on ne met la main à l’œuvre dès le commencement de la bonne saison. On devrait commencer les travaux aujourd’hui même, si on le pouvait. Il n’y a pas ici de question de parti, il s’agit de l’intérêt de quelques compatriotes qui sont dans une fâcheuse position depuis un temps infini. Ou ne fait pas d’une question semblable une question d’amour-propre. Si on veut véritablement faire quelque chose dans l’intérêt du territoire qui est dans une position si fâcheuse, je suis persuadé qu’on renverra le projet dont il s’agit à une commission. J’insiste pour que la chambre en décide ainsi, parce que c’est le seul moyen d’avoir une prompte solution.

M. Dumortier. - Je reconnais l’urgence du projet qui vous est présenté, je suis prêt à demander un examen d’urgence, mais je pense que cet examen doit être fait par les sections.

L’honorable préopinant vient de vous dire qu’il suffirait de la mauvaise volonté d’une seule section pour retarder indéfiniment la discussion. S’il avait lu l’art. 53 du règlement, il aurait vu que cela ne fait pas question, qu’il suffit que des sections aient nommé leur rapporteur pour que la section centrale se réunisse. Ainsi la mauvaise volonté d’une seule section ne peut pas arrêter l’examen d’un projet. Il faudrait au moins la mauvaise volonté de trois sections ; et quand trois sections ajournent la nomination de leur rapporteur, il faut qu’elles aient pour cela de graves raisons.

On pourrait mettre l’examen dans les sections à lundi. Ce renvoi aux sections est d’autant plus nécessaire que le gouvernement est entré dans un système de concessions envers la Hollande. Ce système apporte des modifications à la convention du 21 mai qui consacre le statu quo des positions milliaires.

En effet, dans le projet qu’on nous présente, il y a une modification apportée aux positions militaires. Il importe qu’une pareille question soit examinée mûrement. Je ne pense pas qu’on puisse objecter une bonne raison contre l’examen en sections.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Je dois répondre à l’honorable préopinant que le gouvernement n’est pas entré dans un système exclusif de concessions. On ne négocie jamais sans faire de part et d’autre de concessions. Si vous en avez fait, on nous en a fait aussi. Le gouvernement hollandais a restreint son système de défense en restreignant l’inondation ; nous avons également modifié notre système de défense en déplaçant le fort Lacroix.

Je préférerais, comme député, le renvoi direct à la commission des polders. Néanmoins, si la chambre le croit convenable, elle enverra le projet aux sections : sous ce rapport le gouvernement doit laisser la chambre absolument libre ; c’est une question dans laquelle le gouvernement ne doit pas s’immiscer. Il ne doit insister que sur une chose, c’est sur l’urgence. (La clôture ! la clôture !)

- La clôture est mise aux voix et prononcée.

La chambre ordonne ensuite le renvoi du projet présenté par M. le ministre des travaux publics à la commission des polders.

Projet de loi relatif aux pensions militaires

Rapport de la commission

M. Desmaisières. - J’ai été chargé de vous présenter le rapport de la section centrale sur la loi concernant les pensions militaires. La chambre désire-t-elle que je lui en donne lecture ?

Plusieurs voix. - Non ! non ! l’impression !

M. le président. - Ce rapport sera imprimé et distribué. La mise en discussion du rapport sera ultérieurement fixée.

Projet de loi modifiant le tarif des douanes

Discussion du tableau du tarif

Bas et bonneteries

M. le président. - Dans la séance d’avant-hier, la chambre a décidé la tarification au poids. Il s’agit maintenant de savoir quel sera le taux du droit.

La parole est continuée à M. Dubus.

M. Dubus (aîné). - Messieurs, il me restera peu d’observations à ajouter à celles que j’ai présentées dans la séance d’hier. J’en étais à examiner le tarif proposé par la section centrale et à répondre aux critiques dont il a été l’objet.

Je rappellerai à la chambre que la principale critique portait sur le mode même de la tarification, et que cette partie de la question a été décidée par le vote d’avant-hier.

La chambre a adopté le mode de tarification au poids ; dès lors, il me semble qu’il est convenable de ne pas s’occuper des critiques qui portent sur ce mode, par exemple, cette critique qui consiste à dire que les articles de bonneterie se trouveront frappés d’un droit très inégal, que le droit fixé au taux moyen de 13 p. c. sur certaines catégorie,, et de 10 p. c. sur une autre, se trouvera au-dessus et au-dessous de ce taux, selon que les articles auront moins ou plus de valeur, en raison de leur poids : car c’est là, messieurs, une critique que l’on peut faire contre toute tarification au poids ; et même, ainsi que j’ai déjà eu l’honneur de le dire, cette critique est moins opposable à la tarification au poids appliquée à l’article bonneterie qu’à l’application de ce mode à d’autres articles sur lesquels le droit se perçoit soit au poids, soit à la mesure.

Je vous citerai les vins, les tissus en coton, les draps. Là la même critique peut être faite, et même elle aurait plus de force. Le droit sur les vins est fixé à la mesure ; il revient, je crois, à 6 ou 8 fr. pièce. Mais il y a des vins qui ne valent pas 50 fr. la pièce, tandis que d’autres valent plus de mille francs. Les uns et les autres cependant paient un droit de 7 à 8 fr. Vous voyez qu’il est de plus de 15 p. c. sur les uns, tandis qu’il n’est que de 1/2 à 3/4 p. c., sur les autres. Cependant il arrive assez fréquemment qu’une expédition ne comprend qu’une seule sorte de vin ; on fait des expéditions de tous vins fins et des expéditions de tous gros vins, de vins à bas prix. Là il se trouve une véritable inégalité. Quant aux tissus en coton sur lesquels on paie un droit de 270 fr. par 100 kilog. (non imprimés), eh bien, il m’a été dit que ce droit, appliqué aux tissus de qualité inférieure, revient à 30 p. c. et peut-être au-delà, tandis qu’appliqué aux qualités fines, il est extrêmement minime. Et encore une fois, il n’est pas extraordinaire qu’une expédition de tissus en coton soit composée de tissus d’une même qualité, destinés à un même usage, à l’impression par exemple.

Le droit sur les draps tel qu’on vous propose de l’établir à toutes les frontières est divisé en catégories. Mais le gouvernement qui propose ce droit doit reconnaître cependant qu’il y aura inégalité dans l’application. Par exemple, le gouvernement propose un droit de 150 fr. par 100 kilog. sur les draps de 8 à 16 fr. l’aune. Mais ce droit sera évidemment plus élevé sur les draps de 8 fr. l’aune que sur les draps à 16 fr. l’aune. Le gouvernement devrait se faire cette objection ; tout le monde se la ferait. Il ne se la fait pas, et propose un droit au poids et par catégories sur les draps.

Remarquez que fréquemment ici l’introduction a lieu en objets de même qualité. Par exemple, une pièce de drap forme déjà un ballotin et peut être introduite isolément ; au lieu que, dans la bonneterie, évidemment une douzaine de bas ne forme pas un colis. Un colis comprend d’ordinaire un assortiment. Ainsi que j’ai eu l’honneur de le dire, l’objection tombe devant le grand nombre d’objets de nature et de poids tout différents, d’où il résulte une compensation qui ramène le droit au taux moyen que propose la section centrale. C’est donc bien ici le cas ou jamais d’établir le mode de tarification proposé par la section centrale ; et la critique qui en a été faite tombe tout à fait.

Du reste, quant aux bases des calculs dans la section centrale que vous trouvez dans le tableau à la suite de son rapport, aucune critique ne les a atteints jusqu’ici. Personne n’a annoncé à la chambre que les renseignements qu’il a obtenus, que les vérifications qu’il aurait faites ou fait faire tendraient à établir que la section centrale aurait été dans l’erreur. Sous ce rapport son travail n’a encore essuyé aucune critique.

On a fait seulement certaines critiques de détail. Mais ces critiques, si elles étaient fondées, reviendraient à établir qu’il y a peut-être une ou deux imperfections dans le tarif proposé. Mais, alors, qu’on en propose la correction. Ainsi, si M. le ministre des finances pense que, de la manière dont le tarif est établi, le droit serait trop élevé sur les bas d’enfant, dont il a parlé, et que ces sortes de bas sortiront presque toujours de la classe à 4 francs pour entrer dans la classe à 8 francs, s’il croit cela et s’il estime que les bas d’enfant se trouvent ainsi tarifés à un taux trop élevé ; eh bien ! qu’il propose d’ajouter au libellé de la classe à 8 francs : « excepté les bas d’enfant. » Il en résultera qu’ils rentreront dans la classe à 4 francs. Ce sera une correction. Mais ce n’est pas une observation, une critique à opposer à l’ensemble du travail que propose la section centrale.

Il en est de même de la critique qu’il à faite sur la ganterie ; elle n’atteint pas l’ensemble du travail sur ce point. Si, contre mon opinion, on démontre qu’il y a eu erreur, si on prouve que le droit de 10 fr. est trop élevé sur la ganterie, qu’on le réduise à 8 fr. C’est une modification à proposer. Mais ce n’est pas un motif pour rejeter le travail ; car encore une fois il n’y a en aucune critique sur l’exactitude des éléments qui ont servi de base aux calculs.

Je dirai plus : si aucun membre n’a annoncé qu’il a fait ou fait faire des expériences d’où soit résultée la démonstration de l’inexactitude du travail de la section centrale, je connais des membres qui ont fait faire tout récemment des vérifications d’où est résultée la démonstration que les résultats qu’elle a présentés, sont bien calculés et parfaitement exacts.

Au reste, il y a un moyen pour chacun d’obtenir les mêmes apaisements.

Dans l’intervalle de ce jour au deuxième vote, tous les éléments de conviction peuvent, si on le désire, être déposés à l’inspection et à la vérification des membres de l’assemblée. Ils pourront faire ou faire faire ici toutes les vérifications possibles.

Je pense donc qu’aucune critique sérieuse n’a été faite contre le travail de la section centrale.

Je crois qu’il a été démontré à suffisance que la proposition de la section centrale est très modérée ; trop modérée peut-être, car il en résulte que nous conservons l’industrie qui a pu se soutenir jusqu’à présent, mais que nous ne donnons pas d’appui à celle qui souffre ; et sur ce point je puis invoquer des autorités que les adversaires du projet de la section centrale ne récuseront pas. J’invoquerai ce qui a été dit sur cette question même dans le rapport du jury de l’exposition de 1835. Ce rapport n’est pas ancien ; il a été approuvé le 21 juillet dernier. Plusieurs représentants et plusieurs membres du sénat en faisant partie, et ont assisté à la séance où ce rapport a été approuve. L’honorable député d’Anvers qui, dans la séance d’hier, parla immédiatement avant moi, M. le ministre de la guerre, MM. David et Verrue-Lafrancq, étaient membres de ce jury, et ont approuvé ce rapport. Voilà ce que j’y lis :

« La concurrence étrangère, favorisée par le peu d’élévation de notre tarif, a presque réduit à rien la fabrication de la bonneterie fine : la bonneterie moyenne, principalement celle de coton, en souffre aussi ; mais la bonneterie commune se soutient bien… »

Voilà précisément le résumé de ce que je vous disais dans la séance d’hier. Si le droit de 20 p. c. vis-à-vis de la France, qui peut lutter avec nous pour la bonneterie commune, a maintenu cette industrie dans le pays, d’un autre côté, la faible élévation du tarif vers l’Allemagne a eu pour conséquence que les importations d’Allemagne, en bonneterie fine, ont tué notre industrie. Cela est reconnu dans le passage du rapport du jury de l’exposition d’industrie en 1835, dont je viens de vous donner lecture.

Je vois que l’avis de la chambre de commerce de Tournay est sur ce point conçu dans le même sens ; il porte :

« Malgré le droit de 10 p. c. qui existe maintenant, nos fabricants ne peuvent soutenir la concurrence avec la bonneterie fine en coton venant de Saxe. »

Tous les avis sont unanimes sur ce point.

Ainsi, grâce au droit de 20 p. c., la bonneterie commune se soutient, mais la bonneterie moyenne souffre ; et la bonneterie fine est perdue, anéantie par l’importation d’Allemagne, parce que (le jury a pris soin de le dire) le droit de 10 p. c. est trop peu élevé.

Dans un pareil état de choses, à quoi se résout-on ? Sans doute, croirez-vous, à proposer l’élévation des droits sur la bonneterie d’Allemagne, afin de soutenir une industrie en péril et de relever celle qui est entièrement en décadence ? point du tout. Mais on propose d’abaisser les droits vers la France, afin que l’importation de France tue aussi la bonneterie commune qui, au regret peut-être de quelques membres, se soutient encore.

Ainsi quel sera le caractère d’une pareille mesure ? Le sacrifice fait à un gouvernement étranger de tout ce qui reste de la fabrication de la bonneterie dans notre pays. Voilà ce qui ressort manifestement du rapport du jury de l’exposition de 1835. Et cela dans quelle circonstance ? Pour faire une concession à la France (on le dit ouvertement), parce que la France nous a fait, prétend-on, des concessions.

Si vous examinez de quelle nature sont les prétendues concessions de la France, vous voyez qu’elles ont conservé, avec un respect religieux, toutes les mesures prohibitives de son tarif qui protègent le travail en France. Tout le système prohibitif qui s’applique aux produits ouvrés est demeuré intact. Des dispositions même, qui n’avaient pas ce caractère, et qui étaient envisagées comme favorables à notre pays, nous avaient été en quelque sorte promises par les propositions faites en 1834 aux chambres françaises. Ces propositions n’ont pas même été adoptées ; j’en citerai une, celle qui tendait à diminuer d’une manière notable les droit à l’importation du bétail, et à fixer le droit au poids, et qui, par ce moyen, favorisait notre importation en France, en ce que le droit était moins élevé et n’offrait plus, dans le mode de perception à la tête de bétail, une prime aux importations de la Hollande sur les nôtres.

Cette disposition était, à coup sûr, une des plus favorables à notre pays qui résultât des propositions de 1834. Mais elle n’a pas été adoptée ; nous la chercherions vainement dans le tableau des changements apportés au tarif que le ministre nous a fait distribuer ; et quoique nous n’ayons, nous, rétabli l’ancien droit sur le bétail que vers la frontière hollandaise ; quoique nous ayons laissé subsister un droit beaucoup moindre vers la frontière de France, on nous a refusé la modification qui nous avait été promise.

Maintes autres promesses du projet de 1834 nous échappent de la même manière ; et nous, nous irions sacrifier à la France une industrie importante dans le pays, et qui occupe une foule de bras tant dans nos villes que dans nos campagnes.

Messieurs, je le dis avec une profonde conviction, l’adoption de la proposition du gouvernement, ou de toute proposition ayant la même tendance, serait le coup de mort porté à la bonneterie ; cette industrie doit être considérée, dès lors, comme n’existant plus ; il faudra voir dès lors comment on pourra procurer un autre moyen d’existence aux milliers de personnes qui en vivent aujourd’hui. Que dira-t-on à cette multitude à qui on veut ôter le pain de la bouche ? lui conseillera-t-on de s’expatrier en quelque sorte, d’aller dans d’autres provinces, de s’enfoncer dans les entrailles de la terre, et de travailler aux mines, où, dit-on, il manque de bras ? Ce sera sans doute la récompense du dévouement de ces populations à la cause de la révolution ? Ah ! ce ne sera pas ainsi que vous ferez bénir cette cause dans le pays.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - L’honorable préopinant s’est demandé si c’était une loi belge ou française que l’on discutait ; je me bornerai à répondre qu’également dans la chambre des députés on a demandé si la loi de douane que l’on y discutait était française ou belge. D’où vient que dans les deux pays on pose des questions semblables ? C’est que les orateurs qui les font se sont préoccupés d’un objet isolé, et n’ont pas considéré les lois qu’on leur soumettait sous un point de vue d’ensemble. Il est sans doute très facile de repousser toute espèce de concession envers un pays voisin ; mais alors on assume une grande responsabilité, celle de voir le pays voisin restreindre ses rapports commerciaux avec celui qui ne veut rien concéder, ou qui ne veut pas étendre ses rapports comme ils devraient l’être. Je pourrais dire, messieurs, qu’il ne s’agit pas de considérer exclusivement l’industrie des bas, bonnets et autres vêtements de coton et de laine, quelque importante qu’elle soit ; mais qu’il y a à considérer l’ensemble des intérêts du pays ; toutefois, pour me borner à l’examen de l’article en discussion, je tâcherai de prouver sommairement que l’opinion défendue par le préopinant est exagérée et ne peut se soutenir en présence des faits.

Quant à nous, si nous avions la même conviction que cet orateur, nous serions les premiers à adopter des modifications au projet de loi, car il n’est jamais entré dans la pensée du gouvernement de sacrifier une industrie à un autre avantage ; il veut simplement admettre à l’égard de quelques industries une concurrence modérée, concurrence bien justifiée par les avantages que l’on obtiendrait sous d’autres rapports, ainsi que par l’intérêt du négociant et du consommateur.

Le tableau des importations et des exportations doit nous guider principalement dans l’examen de cette question. Eh bien, l’importation totale a été, en 1834, de 701,000 fr. Dans ces 701,000 fr. se trouvent les bas et mitaines d’Islande, d’Ecosse, de Danemark et de Kloppenburg, pour une somme de 511,000 fr. ; et l’on convient que, quant à ces articles, il n’y a pas chez nous de produits similaires.

A cet égard, il n’y a pas de motifs qui justifient l’élévation du droit.

M. Dumortier. - Je demande la parole.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Ici je pourrais m’appuyer de l’opinion de l’honorable député de Tournay qui demande la parole en ce moment. Quoi qu’il en soit, c’est parce que nous n’avons pas de produits similaires que le droit de 3 p. c. a été maintenu sous le gouvernement des Pays-Bas sur les bas et mitaines d’Islande et d’Ecosse. Ce droit de 3 p. c. est antérieur à 1823, et il n’a pas été majoré à cette époque.

S’il y avait eu lieu à des plaintes sur ce point, elles auraient été formées il y a longtemps, puisque le droit de 3 p. c. est extrêmement ancien.

Relativement aux autres produits dont on semble craindre la concurrence exclusive, ils se réduisent, d’après le tableau des importations : pour la France à 34,000 fr. ; pour l’Allemagne, à 146 fr. mais comme d’autre part nous avons exporté pour 348,000 fr., l’avantage de nos exportations sur les importations de France et d’Allemagne est de 168,000 fr. (Il s’agit, comme je l’ai dit, de l’année 1834.)

Maintenant, dira-t-on que les droits d’importation, tant par la frontière de France que par la frontière d’Allemagne, sont fraudés, et que le tableau des importations et des exportations ne donne pas des renseignements exacts ? S’il en était ainsi, principalement vers l’Allemagne, je demanderais à qui servirait d’élever le droit d’importation, puisqu’il est fraudé à 10 p. c. Ou le droit de 10 p. c. est perçu, et il est évident qu’il n’est pas trop bas et qu’il suffit pour empêcher une concurrence funeste ; ou le droit de 10 p. c. est fraudé, et il ne servira à rien d’élever ce droit.

Je dis que cette importation, telle qu’elle est renseignée dans le tableau, est insuffisante en comparaison du nombre immense de consommateurs qui sont dans le pays : il s’agit de la consommation de quatre millions d’habitants d’un pays où il y a beaucoup d’aisance ; il s’agit d’objets d’un usage universel, de tous les âges et des deux sexes, d’un usage perpétuel de toute l’année, car l’on consomme alternativement, tricotés et faits, pendant l’hiver ou pendant l’été, des vêtements soit en laine soit en coton. Cet article comprend les bas, les bonnets, les mitaines, les chaussons, les jupes, les camisoles et autres vêtements de laine ou de fils tricotés, soit à la main, soit au métier ; or, qu’est-ce qu’un chiffre d’importation de 146,000 ? Vous pouvez donc dire que l’importation est minime en comparaison de l’immense consommation du pays.

Examinons les avis des chambres de commerce, dont on s’est prévalu dans cette discussion. Avant de procéder à cet examen, je prierai l’assemblée de faire attention que l’industrie du tricot des vêtements de laine et de coton est répandue dans tout le pays ; qu’elle s’exerce, comme l’a dit M. Dubus, dans les champs et à la ville, qu’elle s’exerce au coin du foyer ; que c’est une industrie commune à toutes nos populations, même sur les métiers. On ne doit pas croire qu’il n’y ait de métiers qu’à Tournay ; ces métiers sont peu dispendieux, et à la portée de toutes les classes de la société ; aussi y en a-t-il dans tout le pays.

Toutes les chambres de commerce sont compétentes pour émettre un avis sur cette question, puisqu’il s’agit d’une industrie répandue dans tout le pays ; or, des 17 chambres, 3 se sont prononcées contre, 4 ont adopté le projet, et les autres ont garde le silence, silence approbatif, parce que si elles avaient eu des objections fondées à faire. elles les eussent signalées au gouvernement qui demandait leur avis conformément au vœu de la chambre des représentants.

Voyons ce que portent ces avis :

Les avis qui sont formellement pour, sont ceux de Bruges, d’Ypres et de Mons.

La chambre de commerce de Bruges dit : « Nous avons été d’avis que ce droit pouvait être sanctionné par la législature... »

La chambre de commerce d’Ypres, que l’on n’accusera pas d’incompétence, a dit :

« Cet article (les tricots) ne nous a pas semblé devoir donner lieu à aucune observation, et nous croyons qu’un droit uniforme doit exister sur toutes nos frontières... »

Cependant la chambre de commerce d’Ypres est bien loin d’être hostile au système de protection.

La chambre de commerce de Mons, la capitale du Hainaut, chambre qui doit connaître plus particulièrement encore une industrie qui, je l’admets, s’exerce plus généralement dans le Hainaut que dans les autres provinces, exprime aussi une opinion favorable au projet du gouvernement.

« Depuis longtemps la chambre a désiré et sollicité des mesures de réciprocité entre notre pays et nos voisins. La France vient de baisser les droits d’entrée sur plusieurs produits de notre sol et de notre industrie, il est juste que les mesures exceptionnelles prises envers elle, par l’arrêté du 20 août 1823 disparaissent de notre tarif, et que les productions de ce pays soient traitées à l’égal de celtes des pays voisins. Nous applaudissons de tout notre pouvoir à l’établissement d’un droit uniforme, à imposer sur les articles, étrangers, de quelque provenance qu’ils nous arrivent.

« L’abaissement des droits sur certains articles de fabriques étrangères en diminuera la fraude. »

La chambre de commerce d’Anvers est également favorable aux modifications proposées ; et qu’on n’objecte pas que le commerce d’Anvers est en général favorable à toute réduction de droits d’entrée, parce que l’abaissement du tarif augmentant l’importation favorise nécessairement les villes qui comme Anvers ont un port de mer. L’article dont il s’agit, considéré comme objet d’importation maritime, est certainement d’une trop minime importance pour qu’on puisse supposer que la considération dont je viens de parler ait pu déterminer une chambre de commerce aussi respectable que celle d’Anvers à émettre une opinion qui pût nuire à une industrie du pays.

Quant aux chambres de commerce qui sont opposées au projet, nous avons d’abord celle de Louvain ; cette chambre de commerce se borne à faire une observation générale ; elle dit. :

« L’importation légale de France, des articles de coton et de laine, doit avoir diminué depuis que le droit d’entrée pour les articles d’origine ou importés de France a été porté à 25 p. c, ; mais aussi la fraude a beaucoup augmenté depuis lors, et une surveillance plus active sur nos frontières est d’une grande nécessité, comme nous avons déjà eu l’honneur de vous le dire.

« Nos produits ont besoin d’une protection spéciale de la part du gouvernement, et diminuer en faveur de la France le droit d’entrée serait trop nuisible à notre industrie.

« Nous croyons donc qu’on ne peut avoir égard aux intérêts des autres nations, qui ont également senti le besoin de protéger cette branche par des droits exorbitants et même par la prohibition. »

Vous voyez, messieurs, que la chambre de commerce de Louvain, tout en réclamant le maintien du droit actuel, avoue que ce droit est éludé par la fraude. Dès lors quel avantage y aurait-il à maintenir ce droit élevé à l’égard de la France ?

La chambre de commerce de Bruxelles demande également le maintien du droit actuel ; voici ce que porte son avis :

« Cet article était soumis à un droit de 10 p. c. de la valeur, et provenant de France, à 20 ; vous proposez. M. le ministre, de réduire ce droit uniformément à 10.

« Nous avons eu naguère l’occasion de vous signaler l’état de souffrance de cette industrie, qui est beaucoup plus répandue dans le Hainaut que dans notre province.

« Nous vous avons démontré que, même sous l’empire de la législation douanière qui nous régit aujourd’hui, elle ne peut se soutenir ; que cinq ou six des principaux fabricants du Hainaut ont fait faillite depuis deux un trois ans, et ceux de notre arrondissement nous disent nettement que, si le gouvernement ne vient à leur secours par des mesures protectrices, ils fermeront leurs ateliers, pour se livrer au commerce de la bonneterie étrangère.

« Ils indiquent comme cause principale du malaise qu’ils éprouvent, les importations de la Saxe, contre laquelle ils ne peuvent soutenir la concurrence, parce que, d’une part, les matières premières, et surtout les laines, y sont à beaucoup meilleur marché que chez nous, et qu’il n’est pas moins vrai, de l’autre, que la main-d’œuvre y est infiniment moins chère ; et de là, la fâcheuse conséquence que les Saxons importent leur produit à si vil prix, qu’il équivaut à peine, pour beaucoup d’articles, à nos frais de fabrication. »

Ici, messieurs, je ferai une observation. La chambre de commerce de Bruxelles, prenant pour vraies les assertions de quelques fabricants, a dit que tout le danger vient de la Saxe à cause du droit trop faible et des avantages de fabrication qui existent en Saxe ; veuillez bien remarquer, messieurs, qu’il n’a été déclaré à la douane, en 1834, que pour 146,000 fr. de produits de la Saxe ; cependant la chambre de commerce de Bruxelles dit que c’est le peu d’élévation du droit qui amène une large concurrence de la part de la Saxe ; ainsi, messieurs, si l’on reconnaît qu’il n’y a pas de fraude, l’augmentation du droit n’aurait donc d’autre objet que d’éviter une importation d’une valeur de 146,000 fr. Vous le voyez, c’est là un objet de très mince importance en comparaison de l’immense consommation des articles dont il s’agit.

Voici maintenant, messieurs, ce qu’a dit la même chambre de commerce en ce qui concerne la France :

« Ils (les fabricants) ne se plaignent pas aussi amèrement de la France et de l’Angleterre, parce qu’ils peuvent travailler en concurrence avec ces deux Etats sous le rapport du revient. »

Ainsi, en ce qui concerne les produits d’Angleterre, la chambre de commerce de Bruxelles ne demande aucun changement ; en ce qui a rapport à la France, elle dit aussi que la concurrence de ce pays est moins à craindre que celle de l’Allemagne, parce qu’en pratique la main-d’œuvre et la matière première sont plus chères.

Remarquez bien cette circonstance, messieurs, toute l’opposition au projet de loi vient de ce qu’on propose de réduire le droit en faveur de la France ; cependant la chambre de commerce de Bruxelles, tout en s’opposant à la modification, avoue que la concurrence de la France n’est pas à craindre puisque nous avons plus d’avantages pour la fabrication que ce pays. Quant à l’Allemagne, la chambre de commerce de Bruxelles dit que le droit de 10 p. c. est trop faible ; mais je vous ai fait voir, messieurs, que toute l’importation des produits de la Saxe ne s’élève qu’à 146,000 francs.

Les articles de bonneterie que nous recevons de la France, ce sont des qualités que nous ne pouvons pas fabriquer aussi bien dans le pays, et qui sont plutôt des objets de mode que des objets de consommation universelle ; aussi, est-il à ma connaissance que plusieurs négociants en ce article se plaignent vivement du projet de la section centrale et disent qu’il serait très nuisible d’empêcher l’entrée d’une semblable marchandise, qui peut très bien être répandue dans le pays sans nuire le moins du monde aux industries existantes.

La chambre de commerce de Bruxelles termine en disant :

« Nous croyons donc, M. le ministre, que la perte de ce genre d’industrie serait certaine, si vous persistiez dans l’idée de diminuer les droits d’importation ; nous pensons, au contraire, qu’il faudrait les élever quant à l’Allemagne, et que, pour que la mesure soit efficace, il conviendrait d’établir les droits au poids, et les proportionner à la valeur des objets, qu’il serait utile de classifier. »

Quels seraient, messieurs, les avantages de l’augmentation du droit sur les produits d’Allemagne ? quels en seraient les inconvénients ? Est-ce pour empêcher une importation de 146,000 fr. que vous voulez élever le droit ? Mais, en supposant que la chose en valût la peine, n’est-il pas évident que si le droit était porté à 20 p. c., les marchandises ne seraient plus déclarées à la douane et qu’on les importerait frauduleusement ? Augmenter le droit sur les produits de l’Allemagne serait donc faire gratuitement un acte d’hostilité à l’égard de ce pays avec lequel nous avons le plus grand intérêt à étendre nos relations commerciales, surtout si nous voulons rendre notre chemin de fer véritablement utile. Loin donc de manifester un esprit d’hostilité pour l’Allemagne, nous devrions bien plutôt lui témoigner des sentiments de bienveillance.

La chambre de commerce de Tournay s’est également élevée contre le projet, et voici ce qu’elle dit :

« Nous parlerons d’abord de la bonneterie : cette branche d’industrie qui s’exerce en grande partie dans notre arrondissement, y procure la subsistance à un tiers environ de la classe ouvrière, tant des villes que des campagnes, et certes, sous ce rapport, elle mérite bien la protection du gouvernement. Nos fabricants ont toujours réclamé la réciprocité, ou au moins un droit uniforme de 20 à 25 p. c., lors même qu’il était question de faire un traité de commerce, avec la France, et aujourd’hui que cette puissance ne s’est pas montrée fort favorable à un semblable traité, ce n’est pas le moment, pensons-nous, de lui accorder ce qu’on lui refusait auparavant.

« Malgré le droit de 10 p. c. qui existe maintenant, nos fabricants ne peuvent soutenir la concurrence avec la bonneterie fine en coton venant de Saxe, et le droit de 20 p. c. est tout au plus suffisant pour qu’ils puissent rivaliser avec avantage contre la bonneterie fine en laine, venant de la Picardie. En effet, on estime que la Saxe produit 20 p. c. meilleur marché que nous, et la Picardie à 15 p.c. Ce résultat provient en grande partie du bas prix de la main-d’œuvre dans ces deux pays. »

Ici, messieurs, je dois répéter l’observation que j’ai faite tantôt ; c’est que le droit de 10 p. c. est évidemment suffisant en ce qui concerne l’Allemagne, puisque malgré ce droit, malgré les prétendus avantages pour la fabrication qu’on signale et que nous ne pouvons pas admettre, il n’entre annuellement en Belgique que pour 146,000 francs de bonneteries de Saxe. S’il était vrai que la Saxe pût produire à 20 p. c. meilleur marché que nous, il est évident que les bonneteries de ce pays, qui ne paient que 20 p. c. de droits d’entrée en Belgique, se vendraient sur nos marchés à 20 p. c. au-dessous de nos propres produits, et que, par conséquent, la consommation se composerait exclusivement des produits d’Allemagne : car il est certain qu’il n’existe aucun peuple qui consomme bénévolement de ses produits qu’il devrait-payer à 10 p. c. plus cher que les produits étrangers. On se trompe évidemment quand on avance que la Saxe peut produire à 20 p. c. meilleur marche que nous.

En ce qui concerne la bonneterie fine venant de France, la section centrale ne propose pas de la frapper d’un droit si exorbitant, car ce n’est que sur les qualités communes et moyennes qu’elle propose d’établir un droit exorbitant, Plus la qualité devient fine, et moins le droit de la section centrale est exorbitant. D’ailleurs on admet que les qualités fines sont aussi celles que l’on fraude le plus facilement, et dès lors il est inutile de chercher à en diminuer l’importation par des droits trop élevés. Aussi la chambre de commerce de Tournay s’exprime ainsi :

« Malgré le droit de 10 p. c. qui existe maintenant, nos fabriques ne peuvent soutenir la concurrence avec la bonneterie fine en coton venant de Saxe, et le droit de 20 p. c. est tout au plus insuffisant pour qu’ils puissent rivaliser avec avantage contre la bonneterie fines en laine venant de la Picardie : en effet, on estime que la Saxe produit à 20 p. c. meilleur marché que nous, et la Picardie à 15 p. c. Ce résultat provient en grande partie du bas prix de la main-d’œuvre dans ces deux pays.

« Aussi pourquoi tous nos fabricants ont-ils abandonné leurs métiers fins ? Et qu’on ne dise pas qu’ils sont incapables de travailler aussi bien que les étrangers ; car ceux qui ont conservé quelques métiers fins, dans l’espoir de voir un jour cette industrie mieux protégée, font encore actuellement des articles supérieurs en qualité à ceux de la Saxe ; mais ils reviennent plus chers. »

Eh bien, messieurs, s’il est vrai qu’à Tournay, comme j’aime à le croire, on peut faire des fabricats fins aussi bien que dans les pays voisins, ii faut croire que le défaut de fabrication tient à une autre cause ; elle tient surtout à la variété de la mode et au goût des consommateurs.

La chambre de commerce de Tournay continue :

« La bonneterie moyenne a déjà beaucoup de peine à se soutenir dans notre pays, et l’adoption du projet de loi aurait pour résultat de l’anéantir et même de faire tomber en partie la bonneterie commune. »

Ce sont-là, messieurs, des assertions qui sont communes à tous ceux qui exercent une industrie quelconque, parce que toujours ils ont peur de la concurrence, alors même que la concurrence n’est réellement pas à redouter. Toujours ils réclament des droits élevés ou prohibitifs, ou des mesures de surveillance extraordinaires. Eh bien, ces droits élevés, ces droits prohibitifs ne servent de rien dans un pays comme la Belgique où il n’y a pas seulement de recherche à l’intérieur, où il suffit de franchir la frontière pour jeter dans le commerce libre telle marchandise que ce soit. Ainsi, messieurs, l’on réclame une mesure de protection tout à fait illusoire ; et une mesure de protection contre l’Allemagne n’est nullement justifiée par l’importance des importations.

Messieurs, je bornerai là mes observations pour le moment. A moins qu’on ne me prouve que l’importation à l’égard de l’Allemagne est plus considérable que celle qui se trouve renseignée au tableau des importations en 1834, et qu’on ne me prouve en même temps qu’on a les moyens d’empêcher cette importation, je dirai que toute élévation du droit vis-à-vis de l’Allemagne est complètement inutile, et que le maintien du droit actuel à l’égard de la France est également inutile, parce qu’en France le droit de fabrication est plus élevé qu’en Allemagne.

Par ces motifs, je pense que le droit qui a été proposé par le gouvernement est justifié par les faits.

Je rappellerai ici une considération que nous avons fait valoir dans l’exposé des motifs du projet de loi : c’est que l’élévation des droits à l’égard de la France n’a pas été décrétée sous le gouvernement précédent comme une mesure de protection pour l’industrie dont il s’agit, mais simplement comme une mesure de représailles envers la France, parce que la France avait élevé certains droits d’importation chez elle. Ainsi, sous le rapport de la protection, la mesure n’était pas jugée nécessaire par le gouvernement précédent ; c’était simplement une mesure hostile qu’il pensait qu’il fallait prendre contre la France. Aujourd’hui que la France est revenue à d’autres sentiments, que déjà elle a fait de notables concessions, qu’elle manifeste l’intention d’en faire encore davantage, si nous ne répondons à ses premières démarches, je crois, messieurs, que c’est le cas où jamais de revenir sur les dispositions de l’arrêté de 1823.

M. Hye-Hoys. - Messieurs, M. le ministre des finances, en vous faisant voir hier dans la séance divers échantillons de bas de différentes qualités, sur lesquels il a fait opérer séparément pour constater les droits de revient sans prendre un prix moyen, a trouvé que ce droit était variable sur l’une et l’autre espèce, qu’il y en avait qui paieraient 12, 14, 15, 20 et même 27 p. c. Dans ce sens, cela pourrait être vrai.

Mais il en est ainsi de presque toutes les marchandises manufacturées qui paient au poids, dont les valeurs varient d’après le degré de finesse et de qualité ; je prendrai pour exemple un négociant d’un magasin de Bruxelles, qui demanderait en Angleterre une balle de tissus de coton imprimé par assortiment de 100 pièces, comme cela se fait ordinairement de diverses qualités, chose qui arrive tous les jours : eh bien, messieurs, pour cette balle de marchandises on paiera, j’en ai la certitude, un droit moyen de 12 à 15 p. c. de valeur à raison de 200 francs pour 100 kilog., tel que le droit est établi au tarif, et il ne sera pas moins vrai que s’il opère comme M. le ministre des finances, il se trouvera dans cette balle des pièces de coton qui paieront 27, 20, 15, 12, 8, et même que 5 p. c. de valeur, sur les mousselines ; et il en est ainsi de tous les articles que vous prendrez isolément : mais un magasin a besoin indispensablement d’un assortiment, ou ne pourrait exister.

Votre section centrale a donc opéré sur un prix moyen sur des quantités les plus régulières, et il est impossible d’en faire autrement, à moins que vous n’alliez imposer au commerce de n’introduire dans les balles que des marchandises d’une seule qualité de la même valeur ; et cela deviendrait absurde.

M. Desmaisières. - Messieurs, je suis un de ceux auxquels a fait allusion l’honorable M. Dubus, en annonçant que plusieurs membres de cette chambre s’étaient rendus hier soir chez un fabricant de bas, pour y répéter les expériences et vérifier les calculs de la section centrale.

Je dois déclarer que nous avons pris au hasard plusieurs douzaines de bas dans le magasin de cet industriel ; car, messieurs, il est bon que vous sachiez que les fabricants de bas en sont revenus aujourd’hui à faire eux-mêmes le commerce des bas étrangers, en concurrence avec ceux qu’ils fabriquent, tant leur industrie a dépéri.

Eh bien, messieurs, nous avons pris, dis-je, plusieurs douzaines de paires de bas dans le magasin de cet industriel, au hasard ; nous en avons opéré la pesée, nous nous sommes fait montrer les factures des prix, et nous sommes arrivés à une moyenne de 15 pour cent, comme la section centrale.

Nous avons aussi demandé des renseignements sur les bas et mitaines d’Islande ; car j’avoue, quant à moi, que hier, à la séance, je ne savais pas encore bien ce que c’était que ces bas et mitaines d’Islande, de Kloppenburg, etc. L’honnête industriel nous a répondu que ces bas et mitaines servaient aux matelots et aux bateliers. Je lui ai alors demandé ce qu’il pensait de la proposition qui avait été faite à la chambre, pour maintenir le droit d’entrée de ces bas et mitaines à 3 p. c. Il m’a répliqué avec une espèce d’indignation : Comment, m’a-t-il dit, on voudrait donc tuer entièrement le peu d’ouvriers de Visé, de Tongres, de Hasselt, qui végètent actuellement dans la misère par suite de ce droit de 3 p. c., qui n’a été porté par le roi Guillaume qu’en faveur de la marine et des bateliers hollandais !

M. le ministre de l’intérieur vient de nous faire connaître qu’on a introduit pour 5 à 600,000 francs de ces bas et mitaines dans le pays. Voilà donc 5 à 600,000 francs que perd la province de Limbourg.

Outre cela, ne fabriquât-on pas cette espèce de marchandises dans le pays, encore devrait-on et pourrait-on facilement y introduire cette industrie, qui ne comporte que des produits grossiers dont la fabrication n’exige pas une grande habilité de la part des ouvriers ; les populations de nos dépôts de mendicité pourraient s’occuper de ce travail.

Et qu’on ne vienne pas dire que le pays n’est pas intéressé à protéger cette industrie, parce qu’elle y est pratiquée peu ou point. Cette industrie n’a pas encore entièrement disparu du pays. Jadis on la pratiquait beaucoup plus. Et pourquoi aujourd’hui la pratique-t-on moins ? C’est précisément à cause de ce droit de 3 p. c.

Aussi le raisonnement que l’on tient revient à ceci : Nous avons tué une industrie. Maintenant qu’elle n’existe plus, nous n’avons plus intérêt à la protéger.

M. Dumortier. - L’assemblée, je le conçois, doit être fatiguée d’une discussion qui dure depuis plusieurs jours. Je regrette de devoir l’entretenir encore quelques instants. Mais comme il s’agit d’une question de vie ou de mort pour la localité que je représente, j’espère qu’elle voudra bien m’accorder quelques moments d’attention. Les observations que j’ai à présenter sont de la dernière importance. Je désire surtout répondre au ministre de l’intérieur.

M. le ministre de l’intérieur a commencé par établir que le droit de 10 p. c. envers l’Allemagne était un objet insignifiant, puisque l’Allemagne n’a introduit en Belgique, en 1834, que pour 146,000.fr. de bonneterie. Je pense que M. le ministre, en s’exprimant de la sorte, a perdu de vue les tableaux comparatifs du commerce qu’il nous a remis ; car s’il avait examiné le tableau général du commerce, il aurait vu qu’il n’en est pas ainsi.

A la vérité, il est entré en Belgique, d’après ce tableau, pour 146,000 francs de bonneterie de la catégorie frappée du droit de 10 p. c. ; mais une chose qui vous étonnera et que je viens de découvrir à l’instant (tous les jours on fait des découvertes), c’est qu’il est entré par la frontière d’Allemagne, par la frontière de terre, pour 304 mille fr. de mitaines d’Ecosse et d’Islande. Remarquez bien, messieurs, pour 304,000 fr. de mitaines d’Ecosse par la frontière de terre, par la frontière d’Allemagne.

Que résulte-t-il de là ? Deux choses : la première, c’est que l’importation d’Allemagne n’est pas de 146 mille francs ; la seconde, c’est qu’au moyen de fausses déclarations, on a fraudé les droits sur les deux tiers de ces importations en déclarant bas et mitaines d’Ecosse des bas et mitaines d’Allemagne.

Comme il n’existe aucune appréciation possible des bas et mitaines d’Ecosse ou d’Allemagne, les employés ont été obligés de recevoir les déclarations qu’on leur présentait. De cette manière, notre industrie n’a eu qu’une protection d’un droit de 3 p. c. sur une valeur de 304 mille fr.

Est-il un exemple qu’un pays qui veut protéger son industrie se contente d’imposer un droit de 3 p. c. sur les produits étrangers ? Remarquez qu’il ne s’agit pas ici d’une industrie minime comme l’a dit le ministre de l’intérieur, car elle fait mouvoir les bras de plus de 50 mille ouvriers. Si vous n’avez qu’une protection de 3 p. c. à lui donner, vous feriez mieux de supprimer notre tarif, et de proclamer la liberté absolue du commerce.

Mais quand on veut avoir l’air de protéger l’industrie nationale, de prendre des mesures en sa faveur, admettre un droit de 3 p. c., qui le plus souvent se réduit à 2 p. c., c’est un mensonge qu’on met dans la loi.

Ce droit, dit le ministre, est extrêmement ancien, et il n’a été l’objet d’aucune plainte. J’ai demandé la parole quand M. le ministre a émis cette assertion. Il s’est empressé d’ajouter que j’avais dit qu’on pouvait admettre les bas et mitaines d’Ecosse moyennant un droit de 3 p. c. Je ferai observer que quand j’ai dit cela je n’avais pas vu le tableau des importations, je n’avais pas vu que, sous le prétexte d introduire des bas et mitaines d’Ecosse, on introduisait des bas et bonneteries d’Allemagne, je pensais que les bas et mitaines venant d’Europe étaient de peu d’importance parce que je savais que ces articles n’étaient que pour les matelots ; mais quand nous voyons qu’il est entré pour 525 mille fr. de bonneterie sous cette dénomination, il est manifeste que le droit proposé est illusoire, est un mensonge.

Nous devons avoir à cœur de maintenir notre industrie dans un état prospère, et par conséquent nous devons la protéger. Un droit de 3 p. c. qui se réduit à 2 par les déclarations, je vous le demande, peut-on appeler cela un droit protecteur ? Non, ce n’est rien ; mieux vaudrait déclarer la liberté illimitée du commerce que de mettre un droit semblable et de venir prétendre que l’on veut favoriser l’industrie nationale.

Les avis des chambres de commerce dont s’est prévalu le ministre sont très remarquables. Quatre chambres de commerce, vous dit-il, ont approuvé les propositions du gouvernement, trois seulement se sont prononcées contre ; les autres se sont tues sur cet objet. Mais celles qui se sont tues l’ont fait parce qu’elles n’étaient pas assez éclairées pour émettre un avis ; et quant à celles qui ont approuvé je demanderai au ministre si elles ont motivé leur avis. Non ; elles se sont bornées à dire, comme la chambre de commerce d’Ypres, qu’il leur paraissait qu’il fallait un droit uniforme. Nous aussi nous sommes de l’avis de ces chambres qu’il faut un droit uniforme. Mais ont-elles donné un motif en faveur de la réduction que le gouvernement propose ? Aucun. Je me trompe, la chambre de commerce d’Anvers a prétendu qu’il fallait réduire davantage les droits. Elle ne serait pas fâchée de voir adopter la liberté du commerce ; elle ne craindrait pas de sacrifier à son profit l’industrie du pays. Mais, en revanche, la chambre de commerce de Bruxelles qui se compose d’hommes aussi éclairés que celle d’Anvers, et surtout qui se compose de Belges, s’exprime tout différemment.

« Nous croyons, vous dit-elle, que la perte de ce genre d’industrie serait certaine si vous persistiez dans l’idée de diminuer les droits d’importation. »

Elle va plus loin « Nous pensons au contraire qu’il faudrait élever les droits quant à l’Allemagne, et pour que ces droits fussent efficaces, les établir au poids et les proportionner à la valeur des objets qu’on classerait à cet effet. »

Voilà ce que dit la chambre de commerce de Bruxelles

Eh bien, en présence de cet avis, qu’a fait la section centrale ? Elle n’a pas porté les choses à l’extrême ; cependant si elle avait porté le droit à 20 fr., elle avait d’excellentes raisons pour justifier cette proposition. Nous avons voulu nous montrer raisonnables, nous avons proposé un droit modéré pour éviter la fraude ; et c’est parce que nous avons pris un juste milieu entre le droit imposé sur les produits de la France et celui établi sur les produits d’autres provenances, qu’on vient nous attaquer aujourd’hui !

Nous sommes donc dupes d’avoir fait des propositions modérées, car st nous avions proposé d’abord un droit de 20 fr. et que nous eussions ensuite fait la concession de le réduire à 15, le ministère se serait rallié à nous immédiatement.

Les chambres de commerce de Louvain et de Tournay se sont exprimées de la même manière que celle de Bruxelles. Loin de s’abstenir de motiver leur opinion, elles l’ont fait en s’appuyant sur des faits. Elles ont expliqué le pourquoi des choses.

Vous avez connaissance de l’avis de la commission d’industrie dont faisaient partie quatre membres de cette chambre, MM. Willmar, David, Verrue-Lafrancq, et Smits, qui aujourd’hui plaide en faveur de la liberté du commerce. Dans le rapport de cette commission, qu’il a signé, on déclare que l’industrie de la bonneterie est en souffrance. Comment n’en serait-il pas ainsi quand les produits étrangers sont introduits dans le pays avec un modique droit de 3 p. c. et de 8 p. c. ? Ecoutez la chambre de commerce de Tournay, elle vous dit que tous les métiers à bas fins ont été démontés, parce qu’on ne pouvait pas soutenir la concurrence avec l’étranger.

Si vous adoptez la proposition du gouvernement, il est incontestable que vous mettez dans la misère 50 mille ouvriers. Faites attention que cette misère du Hainaut réagira sur les Flandres ; car les fils de coton employés à la bonneterie fabriquée dans le Hainaut sont tirés des Flandres ; quand vous aurez ruiné l’industrie des fabricants de bonneterie, il est évident que les filatures des Flandres s’en ressentiront. Je le demande à ceux qui connaissent cette matière, si la plus grande partie de la bonneterie de Tournay n’est pas fabriquée avec des fils provenant des Flandres.

M. Manilius. - C’est vrai !

M. Dumortier. - Entendez-vous, un honorable député des Flandres confirme ce que je viens de dire.

Quel avantage trouvez-vous, a-t-on dit, à élever le droit envers l’Allemagne ? L’honorable M. Desmaisières vient de vous expliquer la chose de la manière la plus pertinente. Il vous a dit que nous nous étions transportés dans un magasin, que là nous avions pesé divers paquets, et que nous avions trouvé les données de la section centrale très exactes et ses propositions très justes et très modérées.

Ce n’est pas par des assertions qu’on répond à des preuves. Nous prenons l’engagement, au second vote, de faire venir les paquets qui ont servi d’éléments aux calculs de la section centrale. Chacun de vous pourra vérifier tous les calculs et s’assurer de leur exactitude. L’engagement que nous prenons vous prouve la confiance que nous avons dans la justesse de ce que nous avançons. Quand on parle et qu’on agit ainsi, c’est qu’on ne craint pas d’être convaincu d’imposture.

Maintenant le droit, dit le ministre, serait exorbitant sur les qualités communes ; mais je prie l’assemblée de faire attention à une observation qui lui paraîtra sans doute très pertinente et d’une haute importance. Déjà M. le ministre de l’intérieur avait prétendu que le droit serait pour les qualités communes de 20 à 30 p. c. Je conteste cela ; mais, fût-ce vrai, je pense encore que le droit ne nuira en aucune manière à la consommation indigène et qu’il n’est pas susceptible d’être éludé par la fraude.

Je m’explique :

Pour qu’il résultât des dispositions prises un préjudice pour le consommateur, ou un moyen de fraude au profit de l’industrie étrangère sur la bonneterie commune, il faudrait que la bonneterie commune fût à meilleur marché que la bonneterie de Tournay ; or c’est tout le contraire ; la bonneterie de Tournay ne craint pas la concurrence avec la bonneterie étrangère commune. Ce qui le prouve, c’est que la Belgique exporte de la bonneterie commune en Allemagne et en Hollande. La fraude est donc impossible, car nul n’ira frauder de la marchandise qui serait à meilleur marché dans celui où elle serait portée que dans celui d’où elle sortirait.

Mais, dira-t-on, pourquoi la proposition de la section centrale ? Pour éviter la multiplicité des catégories. Ce que nous proposons à son analogue pour les tissus de coton. Le droit dont sont frappés les tissus de coton se trouve être de 25 p. c. sur les calicots. Serait-on fondé à dire que ces droits sont exorbitants pour la classe ouvrière qui se sert des calicots ? Personne ne serait admis à établir ce système, parce que la fabrication des tissus de coton commun, de même que la fabrication des bonneteries communes, peut lutter avec avantage contre l’industrie étrangère, et dès lors il est impossible que l’on importe en Belgique qui fabrique à meilleur compte.

Est-ce une raison pour supprimer les droits ? Nullement, il faut bien tenir compte des qualités communes, sans cela les droits seraient plus élevés sue les qualités fines ; ainsi s’établit une balance qui est un moyen de diminuer les droits. C’est un fait incontestable auquel on ne saurait répondre.

Mais, vous dit-on, il n’y a pas de motifs pour s’opposer à une réduction de droits vers la France, parce que la France importe peu. Sans doute elle importe peu ; mais pourquoi cela ? parce que ses produits sont frappés d’un droit de 20 p. c. et que, comme l’a fait observer l’honorable M. A. Rodenbach, la prime d’importation par la fraude étant de 15 p. c., il y a pour le commerce de la Belgique une protection réelle de 15 p. c. Mais quand le droit était de 10 p. c., nous étions inondés de marchandises françaises. L’industrie belge était dans une grande détresse. C’était pour venir à son secours que le roi Guillaume avait modifié le tarif.

Voyez d’ailleurs comment a été l’importation de France en Belgique ; elle a été :

En 1832, 6,030 kilog.

En 1833, 5,933 kilog.

En 1835, 4,228 kilog.

Or, remarquez que l’importation a toujours été en diminuant. En 1832, lorsque la ligne de douane était faiblement gardée et que la fraude était facile, l’importation était de 6,030 kilog. Aujourd’hui que la ligne de douane est mieux gardée, l’importation n’est que de 4,228.

J’ai eu l’honneur de vous démontrer l’importance de l’objet qui nous occupe. M. le ministre de l’intérieur prétend qu’admettre les propositions de la section centrale, ce serait montrer un esprit d’hostilité pour un article de peu d’importance. Comment ! vous appelez article de peu d’importance une des quatre principales industries manufacturières du pays. La première industrie du pays est celle des toiles de lin. Celle-là est hors ligne. Les trois autres sont les toiles de coton, les draps et la bonneterie. Ces trois industries occupent chacune le même nombre d’ouvriers. L’industrie de la bonneterie, la chambre de commerce de Tournay vous l’a dit, occupe un tiers de la classe ouvrière de l’arrondissement de Tournay, population qui est de 240.000 habitants. Elle occupe également un grand nombre d’ouvriers dans la province du Limbourg, comme l’a dit un honorable préopinant.

Une industrie qui occupe plus de 60,000 ouvriers n’est pas une industrie de médiocre importance. C’est, je le répète, une des quatre industries manufacturières du pays. Lorsque vous aurez ruiné cette industrie, ces 60,000 ouvriers, à qui vous aurez ôté leur pain, viendront vous en demander, Vous leur direz : Allez en chercher en France. Mais ces braves ouvriers mourront de faim dans leurs foyers à cause de la réduction que vous proposez.

Vous avez un moyen d’établir la réciprocité avec la France sans ruiner une des quatre industries de la Belgique. Ce moyen est facile. Réduisez le droit sur les soieries, les batistes, les spiritueux et quelques autres produits. Mais n’admettez pas de réductions qui seraient la ruine d’une de nos principales industries.

Dans des circonstances pareilles à celles où nous nous trouvons, on est heureux d’avoir un gouvernement constitutionnel. Vous pouvez voir, par les efforts que fait auprès de la chambre le gouvernement, les efforts qu’ont faits auprès de lui les puissances étrangères pour obtenir des concessions désastreuses pour le pays. Mais nous, nous sommes les mandataires du peuple. Nous n’avons pas pris d’engagement avec la diplomatie ; nous ne connaissons que les intérêts du peuple. J’ai donc la confiance que vous ne voudrez pas assurer la ruine d’une industrie qui fait vivre 60,000 ouvriers. Certes cette confiance ne sera pas trompée.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - A entendre l’honorable préopinant, le ministère ne ferait des efforts pour obtenir l’adoption du projet en discussion qu’en raison des efforts que les représentants des puissances étrangères feraient auprès du gouvernement belge. C’est là déplacer la question. Pour être vrai, il faudrait dire que le ministère belge a fait des efforts pour obtenir de la France des avantages commerciaux, et qu’après avoir obtenu ces avantages, il fait des efforts pour qu’en Belgique il soit fait à la France des avantages réciproques. En agissant ainsi, le ministère a compris un devoir de justice. Il propose d’ailleurs une mesure qui doit être évidemment avantageuse au pays ; car un grand avantage c’est d’étendre et non de restreindre nos relations commerciales, comme ce serait l’inévitable conséquence d’un système dans lequel on refuserait d’accorder les avantages réciproques proposés.

En posant les faits ainsi, on est complètement dans le vrai.

Maintenant l’honorable orateur dit que les bas et mitaines d’Ecosse, d’Islande, de Danemarck et de Kloppenburg ont été introduits dans la proportion de 309,000 fr. par la frontière de terre et qu’il y a eu fraude dans la déclaration. Je ne suis pas à même de savoir s’il y a eu ou non fraude dans la déclaration. Reste à savoir quelle quantité a produite Kloppenburg pour décider s’il y a eu fraude à la déclaration ; car, bien que ceux des autres localités comprises dans l’exception des 3 p. c. puissent être introduits sans distinction de frontières, il est au moins vraisemblable que l’on n’aurait point fait un détour pour choisir les frontières d’Allemagne.

Je tire de ce fait qu’a signalé l’honorable M. Dumortier une conséquence toute contraire à celle que lui-même en a tirée.

En supposant comme lui qu’il y ait eu fraude dans la déclaration, et qu’il y ait eu importation réelle de bas et bonneterie ordinaire venant d’Allemagne ; en ajoutant aux 309,000 francs aussi déclarés à 3 p. c., les 146,000 francs déclarés à 10 p. c., on aura la somme de 455,000 francs. En adoptant par supposition ce chiffre, on doit reconnaître qu’il est bien faible, en présence de l’immense consommation de ces sortes de tricots.

Je crois que si on calculait à 20 francs par individu les dépenses en objets de tricot de laine et de coton, on serait au-dessous de la vérité car, dans la première enfance, ou se vêt ordinairement d’objets de tricot de coton et de laine. La classe ouvrière, qui est ici dans l’aisance, use beaucoup de vêtements et porte des objets de tricot, dont l’usage s’étend tous les jours, comme camisoles de tricot, cravates de laine tricotées. En admettant donc 20 francs par individu, on serait au-dessous de la vérité. Or, à ce compte, pour 4 millions de population, la consommation serait de 80 millions. Que serait une importation de 455,000 francs en comparaison de cette consommation !

M. Dumortier. - Quelle exagération !

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Oui, 80 millions en mettant 20 fr. par individu ; et ce n’est pas exagérer.

Mais réduisez le chiffre de moitié, n’admettez que 40 millions, et je dirai qu’une exportation de 500 mille fr. est peu importante en présence d’une telle consommation.

D’autre part, si vous avez une importation de 450,000 fr., vous avez une exportation de 318,000 fr., chiffre qui n’est pas beaucoup au-dessous de celui de l’importation.

Messieurs, il a été loin de notre pensée de dire que cette industrie était sans importance ; au contraire, nous avons nous-mêmes signalé son importance ; mais nous avons fait observer que l’excédant de l’importation sur l’exportation est si peu de chose qu’il ne pouvait légitimer le changement de tarif exorbitant que propose la section centrale.

A côté d’une importation réelle à 10 p. c., et qui s’élève à 450,000 francs, M. Dumortier signale une importation frauduleuse d’objets soumis au droit de 3 p. c. Si vous portez le droit à 20 p. c,, évidemment vous aurez frappé d’une espèce de prohibition, ou plutôt d’une prohibition réelle, ces articles, et quel en sera le résultat ? la fraude, et une fraude très active.

Je bornerai là mes observations. Elles sont fondées sur les documents authentiques de la douane tandis que les opinions que l’on nous oppose, se sont que des conjectures entre les faits et les conjectures, en matière de commerce, je crois qu’il faut opter pour les faits.

De toutes parts. - Aux voix ! aux voix !

- La chambre ferme la discussion.

M. le président. - Nous allons mettre aux voix la proposition de la section centrale sur la bonneterie de coton : elle propose un droit de 2 fr. par kilog. sur les gilets, mouchoirs, jupons, bretelles, caleçons, etc.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Il a été décidé que le droit serait au poids ; maintenant il y a une question à poser : le droit sera-t-il à 10 p. c. ou à 15 p. c.

M. Dubus (aîné). - La clôture est prononcée. Le ministre des finances a dit qu’il reviendrait au second vote ; l’amendement du ministre de l’intérieur induirait la chambre en erreur. La proposition de la section centrale est complète, elle fait des catégories ; les tricots fins sont à 40 p. c. Il ne peut être question que de l’amendement de la section centrale.

M. de Brouckere. - M. le ministre de l’intérieur voudrait que l’on votât 10 p. c. ou 15 p. c. au poids ; mais il faudrait une explication plus complète que celle-là.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - On règlera après !

M. de Brouckere. - Je ne veux pas voter sans savoir de combien les marchandises seront frappées. On ne sait donc pas ce que l’on demande.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Vous me pardonnerez !

M. de Brouckere. - Vous ne savez pas combien vous voulez frapper les bonneteries qui entrent dans le pays.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Nous voulions, d’après notre projet, frapper uniformément de 10 p. c. l’importation des bonneteries en coton et en laine ; la section centrale veut les frapper d’un droit moyen de 15 p. c. ; il va par conséquent de soi que le chiffre du gouvernement doit être opposé à la moyenne de la section centrale, et il s’en suit en outre que provisoirement, et sauf vérification des calculs présentés par la section centrale, le résultat de ceux-ci serait diminué d’un tiers en admettant le principe du droit proposé par le gouvernement. Je dois faire remarquer toutefois qu’il y a une partie du tarif de la section centrale où elle fixe seulement le droit à une moyenne de 10 p. c.

M. A. Rodenbach. - Il est impossible que nous puissions voter le chiffre du gouvernement ou celui de la section centrale. Il faut que le ministre vérifie les résultats des tarifs au poids, et qu’il propose en conséquence un chiffre. Je n’admets pas la proposition de 10 p. c., et je proposerai un droit plus élevé ; mais maintenant je ne saurais faire d’amendement ou de sous-amendement, ne pouvant en apprécier la portée. Relativement aux gants, il paraît qu’il y a réellement exagération.

M. Dumortier. - Mais la discussion est close !

M. A. Rodenbach. - Je ne puis voter aujourd’hui ; je veux que l’on sache sur quoi on vote. Nous pourrons aussi bien voter lundi qu’aujourd’hui ; et d’ici là on aura pu faire les vérifications : remettons à lundi, la question est importante.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Pour mettre fin aux débats, je propose de mettre 1 fr. 33 c., au lieu de 2 fr. sur les gilets, manches, jupons, bretelles et caleçons par kilog.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Nous ferons observer que 10 p. c. au poids revient à 13 p c. à la valeur.

M. Dumortier. - Je suis peiné qu’après avoir discuté quatre jours on fasse de nouvelles propositions hors des termes du règlement. Après la clôture, on ne peut plus faire d’amendement ; le règlement est fait pour les ministres comme pour les députés.

Il y a une chose extrêmement simple. Nous avons à voter, sur quoi ? sur la proposition de la section centrale : cette proposition est un amendement au projet du gouvernement ; s’il est convenable de l’adopter, nous pourrons d’ici au second vote vérifier les opérations qui ont été faites pour déterminer le tarif au poids. Nous prenons l’engagement de faire venir ici tous les éléments nécessaires pour convaincre la chambre.

Mais, pour le présent, vous pouvez provisoirement adopter la proposition de la section centrale, sauf à la modifier au second vote, si vous le croyez utile.

M. de Brouckere. - Messieurs, les explications que j’ai demandées à M. le ministre étaient indispensables ; la chambre l’a très bien compris, ainsi que M. le ministre lui-même, mais celui-ci a fait pleinement droit à mon interpellation. J’avais demandé qu’il voulût bien s’expliquer sur le chiffre de la proposition du gouvernement, que nous ne pouvions plus comprendre depuis que la chambre avait décidé que le droit serait perçu non à la valeur, mais au poids. M. le ministre vient de répondre qu’en rejetant la proposition de la section centrale, la chambre réduirait le droit d’un tiers. Dès lors il n’y a plus le moindre doute, tout est éclairci, et je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas voter à l’instant même. On objecte que c’est un amendement que le gouvernement vient de présenter, et qu’il n’avait pas le droit de le faire puisque la discussion est close. Le gouvernement a toujours déclaré qu’il persistait dans le projet qu’il a présenté ; mais comme ce projet n’était pas assez clair, que tout le monde n’en comprenait pas la portée, j’ai prié M. le ministre de l’expliquer, et M. le ministre l’a expliqué ; il n’a pas présenté une nouvelle proposition, c’est sa proposition primitive qu’il a expliquée d’une manière plus claire ; je pense donc qu’il n’y a aucune difficulté à voter immédiatement. Si la proposition de la section centrale est adoptée, alors tout est fini jusqu’au second vote ; si cette proposition est rejetée, M. le ministre mettra aux voix la proposition du gouvernement qui tend à réduire d’un tiers tous les chiffres proposés par la section centrale, toujours, bien entendu, avec cette réserve que s’il y a une légère erreur, elle sera rectifiée au second vote. Nous pouvons donc passer au vote, d’autant plus que l’amendement qu’un honorable membre vient d’annoncer n’est plus recevable, puisque la clôture a été prononcée.

M. Dubus (aîné). - Je suis étonné, messieurs, d’entendre l’honorable M. Rodenbach dire qu’il ne peut pas voter, parce qu’il n’a pas ses apaisements à l’égard du travail de la section centrale, qu’il doute de l’exactitude de ce travail ; le rapport de la section centrale a été déposé le 11 avril, et aussitôt imprimé et distribué aux membres de la chambre ; tous les tableaux ont été publiés avec ce rapport, et voilà dix jours que nous discutons ; il me semble donc que si quelqu’un n’a pas ses apaisements, c’est qu’il n’a pas voulu prendre de renseignements, car tout le monde a eu le temps d’examiner mûrement tout ce qui se rattache au projet qui nous occupe.

Quant à la proposition que vient de déposer M. le ministre, je pense, messieurs, que si nous l’admettions, nous violerions le règlement : je vous rappellerai à cet égard les paroles qui sont sorties de la bouche de M. le ministre. Après que la chambre eut décidé que la perception aurait lieu au poids, M. le ministre éleva un doute relativement à l’élévation du droit proposé par la section centrale : « Je crains, disait-il, que la proposition de la section centrale donne lieu à un droit trop élevé et trop inégal ; mais je reviendrai au second vote sur le mode de tarification ; sans cela, et si la vérification que je dois faire était faite, je proposerais de réduire d’un tiers tous les chiffres de la section centrale ; si je ne le fais pas, ce que je me réserve de revenir sur le mode de perception. » Je vous le demande, messieurs, n’est-ce pas déclarer qu’on ne dépose pas d’amendement. Maintenant que la discussion est close, M. le ministre vient déposer l’amendement qu’il avait déclaré ne pas déposer. Je le répète, messieurs, admettre la proposition de M. le ministre des finances, ce serait violer le règlement. (Aux voix ! aux voix ! La clôture ! la clôture !)

M. Devaux. - Messieurs je demande la division ; il y a dans l’article trois espèces de bonneterie : celles qui viennent de France, celles qui viennent d’Allemagne, et celles qui viennent d’Ecosse et d’autres pays. Je demande qu’on vote d’abord sur ce qui concerne les bonneteries de France, ensuite sur ce qui concerne celles d’Allemagne, et enfin sur ce qui concerne celles d’Ecosse, etc. ; car il se pourrait qu’on voulût adopter le taux de 15 p. c. sur les bonneteries de provenance française, sans cependant vouloir l’admettre sur les autres ; on pourrait même vouloir ce taux pour les provenances de France et d’Allemagne, et ne pas en vouloir pour les provenances qui ne paient aujourd’hui que 3 p. c. Voilà la division que je réclame ; on ne peut pas s’y opposer, le règlement est formel à cet égard.

M. Dumortier. - Ce n’est point la division que demande l’honorable M. Devaux, c’est un véritable amendement qu’il propose : le projet du gouvernement comme le projet de la section centrale propose un droit uniforme ; la proposition de M. Devaux, qui tend à établir une distinction est donc toute nouvelle et ne peut être admise puisque la clôture est prononcée. Je demande qu’on aille aux voix, car il est temps d’en finir ; voilà trois jours que nous discutons cet article !

M. Devaux. - Ce n’est pas moi qui ai empêché la chambre d’en finir ; on sait que j’ai usé très sobrement de la parole ; si les discussions sont interminables, on sait à qui en est la faute, et ce n’est certainement pas moi.

Je ne propose pas d’amendement ; je demande qu’on divise les trois articles qui figurent au tarif, qu’on mette aux voix séparément, pour chacun de ces trois articles, si le droit sera de 15, de 10 ou de 3 pour cent.

M. Dumortier. - Ni le projet de la section centrale, ni le projet du gouvernement ne renferme aucune différence quant au pays de provenance ; proposer à la chambre d’admettre une semblable différence, c’est donc présenter un véritable amendement. Si M. Devaux veut demander la division des articles du tarif, cette division est de droit ; mais vouloir établir des catégories qui ne se trouvent dans aucun des projets, c’est présenter un amendement, ce qui ne peut plus être admis, puisque la clôture est prononcée.

M. Lardinois. - L’observation de l’honorable M. Dumortier est parfaitement juste ; le gouvernement propose un droit uniforme, la section centrale propose un droit uniforme ; la division en catégories que demande l’honorable M. Devaux, n’est donc autre chose qu’un amendement.

M. Gendebien. - Je demande qu’on veuille bien s’expliquer franchement : le vote que nous allons émettre empêchera-t-il d’augmenter le nombre des catégories ?

Un grand nombre de membres. - Non, non ! on pourra toujours y revenir au second vote.

M. le président. - Le gouvernement avait proposé un droit de 10 p. c. à la valeur, mais la chambre a décidé que le droit serait perçu au poids ; il s’agit maintenant de savoir si ce droit perçu au poids sera calculé à raison de 10 pour cent, suivant le projet du gouvernement, ou à raison de 15 pour cent, suivant les calculs de la section centrale. La chambre désire-t-elle que je mette cette question aux voix ?

M. Dumortier. - Vous avez décidé, messieurs, que le droit sera perçu au poids ; dans le projet de la section centrale, le droit est fixé d’après ce mode ; mais M. le ministre des finances réforme maintenant sa proposition dans le sens de la décision de la chambre ; dès lors la proposition du ministre subsiste comme proposition primitive, et celle de la section centrale doit être considérée comme amendement ; il faut par conséquent mettre d’abord aux voix la proposition de la section centrale, et si elle était rejetée, voter ensuite sur la proposition du gouvernement ; seulement il s’agit de savoir si, dans le cas où la proposition du gouvernement serait adoptée, on pourrait encore y revenir, tandis que si nous admettons la proposition de la section centrale, elle sera nécessairement soumise un second vote.

M. le président. - Il s’agit toujours de décider si, comme on l’a demandé, la chambre votera sur une question générale, sur celle de savoir si le droit qui doit être perçu au poids, sera calculé à raison de 15 ou de 10 p. c. ; je demanderai aussi à M. Devaux qu’il veuille bien s’expliquer sur la division qu’il a demandée.

M. Devaux. - Je demande la division telle qu’elle existe au tarif actuel, telle qu’elle existe à la page 4 du rapport.

M. de Brouckere. - D’après cette explication, je crois que la proposition de l’honorable M. Devaux ne peut être mise aux voix et qu’elle constitue un véritable amendement, qui ne peut plus être discuté, puisque la clôture a été prononcée. (Aux voix ! aux voix !)

- La proposition de M. Devaux est mise aux voix et n’est pas adoptée.

Les propositions de la section centrale sont ensuite mises aux voix et adoptées.

Plusieurs membres quittent leurs bancs.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Mais il y a encore un article à voter.

De toutes parts. - Non ! non ! tout a été voté !

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Nous devions nous entendre, messieurs, et il est certain qu’on n’a voté que sur le droit de 2 fr. (Non ! non !) Cela est tellement évident, que j’ai déposé un amendement qui a rapport au premier article, c’est-à-dire au chiffre de 2 francs.

M. de Brouckere. - Il est entré sans doute dans l’intention de tout le monde de voter sur tout l’article. (Oui ! oui !) Quant à moi je déclare que j’ai eu en vue tout l’article.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Pour moi, Je déclare que je n’ai pas entendu le vote de cette manière.

M. le président. - Le vote est purement provisoire ; s’il y a eu erreur, on pourra la rectifier lors du vote définitif : on pourra alors revenir sur toutes les propositions.

- La séance est levée à 4 heures 3/4.