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Note d’intention
Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du vendredi 28 avril 1837
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Prise en considération de demandes en naturalisation (de Brouckere)
3) Projet de loi portant séparation de communes (Chimay)
4) Projet de loi relatif aux droits sur les eaux-de-vie étrangères (Dumortier)
5) Rapports sur des pétitions relatives, notamment à une élection
communale contestée (Ham-sur-Heure) (Frison), à un octroi
communal sur la houille (Pollénus, Verdussen, Kervyn), au classement
d’un tribunal (Pollénus, Kervyn),
au bureau des hypothèques de Verviers (Demonceau),
aux pensions de soldats français décorés de l’ordre de Léopold (de Theux), à une demande de pension par pétition adressée
à la chambre (Pollénus), à une demande de permis de
chasse (de Theux, Pollénus),
aux digues des polders (Ullens, Nothomb,
Smits), à l’indemnisation des victimes des événements de
la révolution (Pollénus), à la possibilité de garantir les obligations créées
pour la construction de l’entrepôt (Kervyn, Verdussen, Milcamps, de Theux, Gendebien), à un octroi communal (Verdussen),
à la position d’un officier volontaire (Boulanger) (Gendebien),
à des limites communales (Lutte et Pont-à-Celles) (Frison)
6) Projet de loi portant des modifications au tarif des douanes
(politique commerciale du gouvernement et négociations commerciales avec
(Moniteur
belge n°119, du 29 avril 1837 et Moniteur belge n°120, du 30 avril 1837)
(Président de M. Raikem.)
(Moniteur
belge n°119, du 29 avril 1837) M. de Renesse
procède à l’appel nominal à une heure moins un quart.
M. Kervyn lit le procès-verbal de la
séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse fait connaître l’objet
des pétitions adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« L’administration communale et les habitants d’Havré (Mons) demande que le chemin de fer de Bruxelles à
Paris passe par Havré. »
_________________
« Des habitants de la commune de Santbergen (arrondissement d’Alost) demandent que le droit
de patente soit augmenté et rendu uniforme pour les débitants de boissons dans
le plat pays, et que les personnes qui ne paient ni contributions personnelles
ni impôt local ne puissent plus obtenir de patente pour le débit de
boissons. »
_________________
« L’administration communale de Wilmarsdonck demande de nouveau la construction d’une digue
intérieure pour le polder de Lillo. »
_________________
« Des
habitants d’Eeclo demandent la construction du canal
projeté d’écoulement entre Zelzaete et Blankerbergh. »
_________________
« Plusieurs habitants et cultivateurs des
communes d’Elsloo et de Stein (Limbourg) demandent un
droit de trois francs, au moins, à l’entrée des chardons à foulon dits de
Normandie. »
_________________
- La pétition de l’administration communale de Wilmarsdonck est renvoyée à la commission des polders. Les
autres pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions, chargée d’en
faire le rapport.
PRISE EN CONSIDERATION DE DEMANDES EN
NATURALISATION
Scrutin sur la demande de naturalisation ordinaire
du sieur A..L.M. Aillet, employé au ministère de
l’intérieur.
Nombre des votants, 65.
Boules blanches, 48.
Boules noires, 17.
En conséquence la demande est prise en
considération. Il en sera donné avis au sénat.
_________________
Scrutin sur la demande de naturalisation ordinaire
du sieur J.-N. Bourgeois, employé au ministère de l’intérieur.
Nombre des votants, 66.
Boutes blanches, 41.
Boules noires, 25.
En conséquence la demande est prise en
considération ; il en sera donné avis au sénat.
_________________
Scrutin sur la demande de naturalisation ordinaire
du sieur J.-B. Bourcier, archiviste de la chambre des représentants.
Nombre des votants, 67.
Boules blanches, 55.
Boules noires, 14,
En conséquence la demande est prise en
considération ; il en sera donné avis au sénat.
M. de Brouckere.
- Dans une des séances précédentes, la chambre a eu à s’occuper de la demande
en grande naturalisation de M. Guillery, professeur,
à Bruxelles. Cette demande n’a pas été prise en considération.
Le pétitionnaire vient d’adresser à la chambre une
nouvelle requête par laquelle il la prie de lui accorder la naturalisation ordinaire.
Le rapport fait étant favorable, je propose à la chambre de décider que cette
demande sera mise à l’ordre du jour de demain.
- Cette proposition est adoptée.
PROJETS DE LOI PORTANT SEPARATION DE COMMUNES
M. le ministre de
l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). -
Messieurs, j’ai l’honneur de vous présenter deux projets de loi relatifs à des
séparations de communes, l’une dans la province d’Anvers, l’autre dans la
province du Hainaut. Je recommanderai particulièrement à l’attention de la
chambre cette dernière qui concerne la commune de Chimay, à cause des
contestations qui existent entre la ville et la banlieue.
- Il est donné acte à M. le ministre de l’intérieur
et des affaires étrangères des projets déposés sur le bureau. Ces projets
seront imprimés et distribués.
La chambre en ordonne le renvoi à une commission.
PROJET DE LOI RELATIF AUX DROITS SUR LES
EAUX-DE-VIE ETRANGERES
M. Dumortier (pour une motion d’ordre).
- Le gouvernement a déposé un projet de loi dont l’urgence me paraît
incontestable ; ce projet tend à abaisser le droit sur les eaux-de-vie
étrangères. Comme il est probable que vous n’adopterez pas toutes les
réductions proposées en faveur de
M. le président. - Les sections se sont
déjà occupées du projet dont on vient de parler, et la section centrale se serait
réunie si elle avait été complétée ; elle se réunira dès que toutes les
sections auront nommé leurs rapporteurs.
M. le président. - La chambre
désire-t-elle passer à la discussion de la loi de douanes, ou entendre le
rapport des pétitions ?
Plusieurs
voix. - Le rapport des pétitions ! Il est à l’ordre du
jour. La chambre consultée décide qu’elle s’occupera d’abord du rapport des
pétitions.
M. Frison (pour une motion d’ordre). -
Messieurs dans le mois de décembre, si je ne me trompe, il vous a été fait
l’analyse d’une pétition sur les élections d’Ham-sur-Heure par M. Tallois : la chambre en a ordonné un prompt rapport ; je
désire savoir si la commission des pétitions s’en est occupée.
M. Kervyn, rapporteur. - « Par
pétition en date du 15 février 1836, des industriels de Courtray, employant des
machines à vapeur, demandent que la chambre intervienne, afin de faire cesser
l’impôt exorbitant de 0-20 c. par hectolitre, perçu par la ville sur la
houille, dont l’emploi est indispensable à leurs usines. »
La commission propose le renvoi à M. le ministre de
l'intérieur.
M.
Pollénus. - Je crois que la commission propose le renvoi au
ministre de l’intérieur d’une pétition qui réclame contre un règlement
d’octroi. Je pense que la chambre ne doit intervenir que quand elle peut le
faire d’une manière efficace ; sans cela, elle compromet son autorité. Je ne
vois pas que le ministre de l’intérieur ait le pouvoir de faire cesser un
règlement communal. Le maintien ou l’abrogation de ce règlement est de la
compétence de l’autorité communale ; c’est à cette autorité que les
pétitionnaires auraient dû s’adresser. La chambre en ordonnant le renvoi au
ministre de l’intérieur, ferait chose tout à fait inutile. Je proposerai en
conséquence de passer à l’ordre du jour.
M. Verdussen. - Messieurs, cette
pétition a été adressée à la chambre avant le vote de la loi communale : elle
lui est antérieure de 15 jours. Il est probable que les pétitionnaires
n’auraient pas présenté leur pétition s’ils avaient connu cette loi ; car,
d’après l’art. 76, combiné avec l’art. 87, il est impossible que le renvoi au
ministre puisse porter un fruit quelconque.
J’appuie donc l’ordre du jour.
M. Kervyn. - Depuis longtemps on a
senti la nécessité de régulariser les impositions communales. Beaucoup de
plaintes se sont élevées de la part des industriels contre ces impositions. Le
but de la commission, en proposant le renvoi de la pétition à M. le ministre de
l’intérieur, était de l’engager à voir s’il n’y aurait pas moyen de présenter
un projet de loi qui fît droit aux réclamations des industriels dont les
industries sont lésées par les impôts trop élevés établis par les autorités
communales.
- L’ordre du jour est mis aux voix et adopté.
________________
M. Kervyn, rapporteur. - « Par
pétition en date du 16 février 1836, les juges de paix des canton de Tirlemont,
Diest et Aerschot, adressent des observations sur le
projet de loi relatif à la compétence en matière civile, et demandent une
augmentation du traitement proposé pour les juges de paix et les greffiers. »
La
commission propose le renvoi à la commission chargée de l’examen du
projet de loi sur la compétence en matière civile, ainsi qu’à M. le ministre de
la justice.
- Adopté.
M. Kervyn, rapporteur. - « Par
pétition en date du 5 mars 1836, les membres du tribunal de première instance
de Namur demandent que ce tribunal soit porté à la première classe, et qu’on
confie la présidence des cours d’assises aux présidents des tribunaux de
première instance. »
La commission propose le renvoi à M. le ministre de
la justice.
M. Pollénus. - Il semble que la chambre
étant saisie d’un projet de loi qui tend à modifier le classement des tribunaux,
il serait plus rationnel d’ordonner le renvoi de la pétition à la commission
chargée de l’examen de ce projet de loi ou son dépôt au bureau des
renseignements.
M.
Kervyn, rapporteur. - Je ferai observer que plusieurs pétitions
du même genre ont été renvoyées à M. le ministre de la justice qui a promis un
rapport sur ces pétitions. Je crois donc qu’il y a lieu de suivre la même
marche pour cette pétition.
- La chambre ordonne le renvoi de la pétition à M.
le ministre de la justice et son dépôt au bureau des renseignements.
M. Kervyn, rapporteur. - « Par
trois pétitions, dont l’un en date du 23 octobre 1835 et les deux autres du
mois de décembre même année, les administrations communales et plusieurs
habitants de Stavelot et de Verviers, ainsi que les notaires, avocats et avoués
de l’arrondissement de Verviers demandent une loi qui autorise le transfert au
bureau des hypothèques de Verviers de toutes les inscriptions non encore périmées
ni radiées, existant au bureau de Liège sur des immeubles situés dans les
cantons d’Aubel, Herve, Limbourg, Spa, Stavelot et Verviers. »
Les conclusions de la commission sont le renvoi à
M. le ministre de la justice et le dépôt au bureau des renseignements.
M. Demonceau. - Cette pétition soulève
une question de la plus haute importance pour l’arrondissement de Verviers.
Depuis 1816 jusqu’en 1830 ; la conservation des
hypothèques de Liége renfermait dans son ressort les cantons qui forment
l’arrondissement de Verviers et ceux qui forment l’arrondissement de Liége. Un
arrêté d’octobre 1830, rendu par le gouvernement provisoire, a rétabli le
tribunal de Verviers et a fixé pour son ressort les six cantons dont parle la
pétition.
Une loi dont je ne me rappelle pas la date, ordonne
qu’il y aura une conservation d’hypothèques par arrondissement judiciaire.
Par arrêté du 31 décembre 1830, le gouvernement
provisoire a ordonné l’érection d’une conservation d’hypothèques à Verviers,
par un des articles de cet arrêté. Le gouvernement provisoire s’est exprimé
ainsi :
« Il sera fait, sur les registres du bureau de
Verviers, une mention sommaire des inscriptions non périmées et transcription
existantes sur les registres du bureau de Liége, et relatives à des biens
situés dans l’arrondissement de Verviers. »
Jusqu’à présent, malgré mes réclamations comme chef
du tribunal de Verviers, cette
disposition n’a reçu aucune exécution. Cependant ceci est du ressort de M. le
ministre des finances. Ainsi les habitants de l’arrondissement de Verviers
doivent se rendre au bureau de conservation des hypothèques de Liège lorsqu’ils
veulent avoir ou voir des certificats d’inscription qui existent depuis le 1er
janvier 1819 jusqu’au 10 janvier 1831. Il leur faut ensuite revenir au bureau
de Verviers pour avoir, depuis le 10 janvier 1831, les renseignements que
désirent avoir les parties avant de contracter.
Ceci donne lieu à
des frais considérables et à des retards pour les parties intéressées et pour
les créanciers.
Si du moins on
exécutait l’arrêté du gouvernement provisoire qui ordonne la mention sommaire
des inscriptions non périmées sur le registre des hypothèques de Verviers, le
conservateur de Verviers pourrait donner des certificats, et les intéressés
n’auraient pas besoin, pour cela, de se rendre à la conservation de Liége.
Je sais que pour
que cette transcription eût lieu, il faudrait du temps et de la dépense. J’ai
transmis à M. le ministre de la justice un projet de loi rédigé, dans mon
opinion, de manière à satisfaire aux réclamations, mais qui pourrait cependant
avoir quelques inconvénients.
Je ne demande, dans
l’état de la législation, que l’exécution de l’arrêté du gouvernement
provisoire, c’est-à-dire de l’inscription sur les registres de Verviers, si
cela est possible, de toutes les hypothèques inscrites à Liége. Je sais que
cela est difficile, mais l’arrêté du gouvernement provisoire est formel, et il
n’a pas reçu d’exécution ; et ceci est du ressort du ministère des finances.
Je ne fais pas de
demande formelle, mais une simple observation, pour que M. le ministre de la
justice comprenne qu’il est de la plus haute importance pour l’arrondissement
judiciaire où j’exerce mes fonctions, que ce provisoire qui existe depuis 7
années, cesse une bonne fois.
Je demande donc le
renvoi à MM. les ministres de la justice et des finances.
- La chambre
ordonne le renvoi de la pétition à MM. les ministres de la justice et des
finances et son dépôt au bureau des renseignements.
________________
M. Kervyn, rapporteur. - « Par pétition en date du 14 février 1836, des
bouchers de Termonde demandent que la chambre intervienne, afin de faire cesser
les effets d’un règlement arrêté par la régence, qui leur défend de vendre de
la viande à domicile. »
La commission
propose l’ordre du jour.
- Adopté.
________________
M. Kervyn, rapporteur. - « Par pétition datée d’Ath, le 5 décembre
1835, le sieur Philippe Cuisinier demande une pension. »
La commission
propose l’ordre du jour.
- Adopté.
M. Kervyn, rapporteur. - « Par pétition non datée, plusieurs soldats
français, décorés de l’ordre militaire de Léopold, demandent le paiement de la
pension attachée à cette croix. »
La commission
propose le renvoi à M. le ministre des affaires étrangères.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux). - La pétition n’a pas été adressée depuis que
je suis chargé du portefeuille des affaires étrangères. Mais on vient de me
dire que déjà la chambre a discuté la question et a été d’avis que la pension
n’était pas due, et que c’est dans ce sens qu’il a été répondu aux
pétitionnaires.
Je propose donc simplement
le dépôt au bureau des renseignements.
- La chambre
ordonne le dépôt de la pétition au bureau des renseignements.
M. Kervyn, rapporteur. - « Par pétition datée de Liége, le 10 mars
1836, la dame Closset, veuve Brabant, ancien officier
pensionné, demande une pension. »
La commission
propose le dépôt au bureau des renseignements.
- Adopté.
M. Pollénus. - Messieurs, en l’absence d’une
loi, si l’on prend l’habitude de s’adresser à nous pour demander des pensions,
nous serons bientôt accablés de demandes semblables. Cet abus du droit de
pétition sera un moyen de le détruire. Je demande que l’on passe à l’ordre du
jour.
- L’ordre du jour
est mis aux voix et adopté.
M. Kervyn, rapporteur. - « Par pétition non datée, le baron de Waha se
plaint de vexations qu’il prétend avoir éprouvées de la par de M. le gouverneur
du Limbourg. »
Il s’agit d’un
retard que ce gouverneur aurait mis à accorder un permis de chasse demandé par
le pétitionnaire.
La commission
conclut au renvoi au ministre de l’intérieur.
M. le ministre de l'intérieur et
des affaires étrangères (M. de Theux). - Dans cette affaire, il y a eu,
ce me semble, un malentendu, en ce sens que le gouverneur s’attendait à
recevoir une nouvelle demande de la part du pétitionnaire ; et voilà ce qui
explique le retard que le gouverneur a mis à répondre à la première.
Au reste, on doit
considérer cette affaire comme terminée. Il faut, d’ailleurs, éviter d’attirer
dans le sein de la chambre des réclamations contre les actes administratifs,
parce que sans cela il y a en aurait sans fin.
M. Pollénus. - Lorsque je demandais la parole sur
cette pétition, c’était pour vous faire quelques observations dont
quelques-unes rentrent dans celles qui déjà vous ont été présentées par
l’honorable ministre qui vient de parler avant moi.
D’après les
explications données par M. le rapporteur, il semble que le pétitionnaire se
plaint des retards que rencontrait l’expédition de la demande d’un permis de
port d’armes de chasse. M. le rapporteur nous apprend aussi que le port d’armes
demandé à été délivré, il est vrai, en conséquence des ordres émanés du département
de l’intérieur ; ainsi, le renvoi de la pétition au ministre de l’intérieur,
que propose la commission, est sans objet, puisque le ministre a déjà fait
droit sur la réclamation, et nous devons bien nous mettre en garde d’intervenir
sans nécessité et sans un mûr examen ; le droit de pétition est hautement
intéressé à ce que la chambre ménage l’influence que ce droit lui fournit
l’occasion d’exercer sur les actes du gouvernement.
Il n’est pas sans
danger d’attirer dans nos discussions des réclamations de la nature de celle
qui nous occupe ; un appui donné sans maturité aux pétitions exposerait la
chambre à devenir l’arène où viendraient se débattre les passions. J’y vois le
plus grand danger pour l’autorité publique qu’il faut bien se garder d’affaiblir.
La chambre ne doit
pas inférer de me paroles que je donne mon approbation à tous les actes
administratifs sans distinction qui se passent autour de moi, telle n’est pas
mon intention, ce que je veux éviter, c’est d’attirer, dans la chambre les
détails de l’administration, dont doit nous répondre la responsabilité des
ministres ; cette responsabilité doit rester entière.
Je proposerai donc
l’ordre du jour.
- L’ordre du jour
mis aux voix est adopté.
________________
M. Kervyn, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 27
janvier 1836, un grand nombre d’habitants de Bruxelles, demeurant dans la
partie de la ville contiguë à la porte de Halle, demandent la démolition de
cette porte. »
- Renvoi à M. le
ministre de l’intérieur.
M. Kervyn, rapporteur. - « Par pétition datée de Stabroeck,
le 8 mars 1836, les bourgmestres des communes de Lillo, Stabroeck,
Beerendrecht et Santvliet, demandent
de nouveau la construction d’une digue intérieure et l’adoption d’une loi sur
les indemnités. »
La commission conclut au renvoi à MM. les ministres des travaux publics
et des affaires étrangères, et à la commission des polders.
M.
Ullens demande à M. le ministre des travaux publics sil n’a pas une
communication à faire à la chambre relativement à cet objet.
M. le ministre des travaux
publics (M. Nothomb). - J’ai en effet une
communication à faire à la chambre, relativement au polder de Lillo et de Stabroeck ; je croyais la faire aujourd’hui ; mais
j’attends une pièce d’Anvers, et je ne pourrai la faire que demain.
M.
Smits. - Je crois que le renvoi à la commission des polders est
inutile, car cette commission n’est chargée que des travaux des polders et
point de l’indemnité.
M. Verdussen. - Je crois que, conformément aux
antécédents de la chambre, il faut ordonner le dépôt de la pétition sur le
bureau pendant la discussion du projet relatif aux indemnités.
- Le renvoi aux
ministres et le dépôt sur le bureau pendant la discussion de la loi sur les
indemnités sont ordonnés.
M. Kervyn, rapporteur. - « Par pétition datée de Curange
(Limbourg), le 1er février 1836, des habitants de cette commune demandent que
la chambre s’occupe de la loi relative aux indemnités, et que provisoirement
une somme de 3,118 fr. 29 c. soit portée au budget de l’Etat. »
La commission
conclut au dépôt au bureau des renseignements.
M. Pollénus. - Il y a lieu de prendre sur cette
pétition la même décision que sur la pétition des habitants de Lillo. Mais la
pétition des habitants de Curange contient deux
parties distinctes dont l’une ne peut être déposée sur le bureau.
Il y a au budget du
ministère de l’intérieur une somme pour les victimes de l’agression hollandaise
; si les pétitionnaires ont droit à prendre part à la distribution de cette
somme au fonds de secours il faut renvoyer leur réclamation, sous ce rapport,
au ministre de l’intérieur.
Il me semble
d’ailleurs qu’il a y quelque chose dans cette pétition qui mérite examen ;
c’est la contribution qui, si je suis bien informé, a été frappée par
l’autorité communale pour être répartie aux victimes de l’agression
hollandaise. Je demande le renvoi au ministre pour qu’il examine cette question
qui ressort de la seconde partie de la pétition.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux). - Les indemnités rentrent dans les
attributions du ministre des travaux publics.
M. Pollénus. - Cela est vrai ; j’adhère à la
rectification, ou au renvoi de la seconde partie de la pétition au ministre des
travaux publics.
- Conformément à la
proposition de M. Pollénus, une partie de la pétition sera déposée sur le
bureau, et l’autre sera renvoyée au ministre des travaux publics.
________________
M. Kervyn, rapporteur. - « Par pétition du mois de février 1836, les
héritiers et représentants des frères Clermont de Hodimont
réclament le paiement des intérêts arriérés, depuis 1793, des sommes avancées
par les frères Clermont aux communes de Herve, Petit-Rechain
et Dison, pour construction de routes. »
La commission
propose l’ordre du jour.
- Adopté.
M. Kervyn, rapporteur. - « Par pétition en date du 7 février 1836, le
sieur Borrekens, demeurant à Ixelles, demande que la
chambre continue ses investigations sur la pétition du sieur de Rudder d’Anvers, relative aux intérêts des obligations
créées pour l’établissement de l’entrepôt général d’Anvers. »
Comme vous le
voyez, messieurs, ce n’est pas la première fois que vous êtes saisis de cette
affaire, qui n’est pas sans importante et par son objet, et par les questions
qu’elle soulève. Déjà dans la séance du 17 janvier 1834, l’honorable M.
Milcamps, rapporteur de votre commission des pétitions, vous fit le rapport sur
la pétition du sieur de Rudder d’Anvers, demandant
que l’Etat se chargeât du service des intérêts et de l’amortissement de
l’emprunt contracté pour la construction de l’entrepôt général d’Anvers, soit
comme propriétaire de l’établissement, soit par suite de la garantie stipulée
par l’arrêté du 21 mai 1829. Cette pétition fut renvoyée par la chambre à MM.
les ministres de l’intérieur et des finances avec demande d’explications. Le
sieur Borrekens vous demande aujourd’hui, messieurs,
que vous donniez suite à vos investigations, et que vous insistiez sur la
demande d’explications que vous fîtes à MM. les ministres dans votre séance du
17 janvier 1834.
Comme la chambre
pourrait avoir perdu de vue, à cause du temps considérable qui s’est écoulé
depuis qu’elle a été traitée devant elle ; et comme en outre beaucoup de nos
collègues ne faisaient pas encore partie de la chambre à cette époque, j’ai cru
nécessaire de donner ici un résumé succinct de la question.
Une loi du 31 mars
1828 statua qu’il serait accordé par le Roi à telles villes principales de
commerce qui en feraient la demande, et où les bâtiments nécessaires seraient
fournis ou par ce villes mêmes ou par le commerce, d’entreposer dans un
entrepôt général le marchandise y apportées par mer.
Par missive en date
du 4 juin 1828, la régence d’Anvers exprima le désir qu’un établissement de ce
genre fût accordé à cette ville. La chambre de commerce et des fabriques
manifesta le même désir.
Le référendaire inspecteur-général
chargé de l’administration des propriétés nationales, par missive en date du 16
juin 1828, donna avis que le Roi consentait à l’établissement d’un entrepôt
général, donnait son approbation à la construction mixte, sous la direction du gouverneur,
comme utile et nécessaire afin d’obtenir une prompte et bonne exécution. Une
commission fut, en effet, nommée par un arrêté du gouverneur président, du
bourgmestre et d’un conseiller de régence de la ville, d’un ingénieur du waterstaat, de l’inspecteur provincial des contributions,
du président et de trois membres de la chambre de commerce, enfin de l’agent de
la société de commerce.
Par arrêté du 21
mai 1829, le Roi approuva la proposition faite par la commission de faire un
emprunt de 700,000 fl., destiné à construire l’entrepôt général. Cet arrêté
portait en substance : 1° que cet emprunt aurait lieu moyennant un intérêt
annuel de 5 p. c. ; 2° qu’il serait éteint au moyen d’un tirage annuel (en
commençant avec l’année 1834) de 1 p. c. du capital levé, pas moins, mais plus
si faire se pouvait. Cet arrêté portait ce qui suit : « étant l’emprunt submentionné sub. n°1° outre
l’hypothèque déjà conditionnée et autre sûreté encore à donner, spécialement
garanti par nous. »
Ayant obtenu cet
arrêté, la commission fit l’annonce d’un emprunt sous la garantie de Sa
Majesté.
L’article 11 du
plan de l’emprunt porte ce qui suit : « L’établissement de l’entrepôt
général avec sa caisse de réserve, ses bâtiments, constructions et autres
accessoires, sont spécialement affectés pour sûreté de cette négociation ; mais
en outre il a plu à S. M. le Roi de la garantir spécialement. »
Enfin, messieurs,
le conseil de régence d’Anvers, dans sa séance du 18 juillet, décida : 1° que
la ville ferait la cession gratuite des terrains situés à l’est du grand bassin
; 2° que cette cession se ferait en faveur de la commission de l’entrepôt
général.
Voilà, messieurs,
le résumé de toutes les pièces qui ont rapport à cette affaire. Votre
commission des pétitions, tout en ne croyant pas devoir se prononcer sur les
diverses questions qu’elle soulève, a cru qu’il pouvait être satisfait au vœu
du pétitionnaire, qui demande que la chambre continue se investigations et
exige de nouveau des explications du gouvernement sur la pétition du sieur de Rudder d’Anvers, dont le rapport a été fait dans la séance
du 17 janvier 1834.
Celui-ci demandait que l’Etat se chargeât des intérêts et de
l’amortissement de l’emprunt, soit comme propriétaire de l’entrepôt, soit par
suite de la garantie stipulée par l’arrête du 21 mai 1819.
Cette demande
soulève naturellement les questions suivantes : 1° L’Etat est-il réellement
propriétaire de l’entrepôt ? Le roi Guillaume a-t-il pu lier et grever l’Etat
sans y être autorisé par une loi, en garantissant par son arrêté du 21 mai 1829
le service de l’emprunt de 700,000 fl., ou bien a-t-il agi en nom personnel, et
dans ce cas est-ce le séquestre qui est responsable ?
Personne,
messieurs, ne se prétend propriétaire de l’entrepôt. Le service des intérêts et
de l’amortissement de l’emprunt est déclive et par l’Etat et par la ville
d’Anvers. Cependant il faut que la propriété réside quelque part, et quoique la
question de propriété soulevée par le pétitionnaire soit de la compétence des
tribunaux, votre commission des pétitions, considérant l’importance de
l’affaire, et le vœu exprimé par la chambre dans la séance du 17 janvier 1834,
conclut à ce que la chambre persiste dans les conclusions qu’elle adopta alors,
c’est-à-dire le renvoi de la pétition du sieur Borrekens
à MM. les ministres des finances et de l’intérieur avec demande d’explications.
M. Verdussen. - Je remercie M. le rapporteur
des détails dans lesquels il vient d’entrer, et je suis très éloigné de
m’opposer au double renvoi avec demande d’explications, qui est proposé par la
commission ; car, dans la position où se trouvent les pétitionnaires, ils ne
peuvent espérer de la chambre rien de mieux que le renvoi dont il s’agit. Je
n’entrerai pas non plus dans l’examen de la question de propriété qui est très
compliquée et qui devra être traitée plus tard ; mais je crois nécessaire
d’appeler l’attention de MM. les ministres sur la pétition, car il y a
longtemps que le gouvernement aurait dû s’occuper de l’objet dont elle vous
entretient. Comme nous l’a rappelé M. le rapporteur, il y a plus de trois ans,
messieurs, qu’un rapport sur le même objet vous fut fait, avec beaucoup de
soin, par l’honorable M. Milcamps ; aucune suite n’a été donnée aux conclusions
de ce rapport ; cependant, au premier juillet prochain, il sera échu trois
années d’intérêts sur les obligations à charge de l’entrepôt d’Anvers, qui sert
d’hypothèque aux actionnaires on plutôt aux porteurs d’obligations ; car ce ne
sont pas des actionnaires, mais seulement des bailleurs de fonds.
Il existe en faveur
des porteurs de ces obligations un arrêté du roi Guillaume en date du 21 mai
1829, qui garantit le paiement exact des intérêts dont il s’agit.
Eh bien, messieurs,
vous venez de décider, il y a quelques semaines, qu’un arrêté du roi Guillaume
confère au jardin botanique un droit acquis au subside que cet arrêté accorde ;
pourrait-on soutenir maintenant que, dans l’occasion dont il s’agit, le roi
Guillaume a agi comme simple individu ? Mais, messieurs, il n’a porté cet
arrêté qu’après avoir pris l’avis de trois de ses ministres, le ministre des
finances, le ministre de la guerre et, si je ne me trompe, le ministre des
affaires étrangères. D’ailleurs, messieurs, comme vient de le rappeler M. le
rapporteur, le même arrêté approuve la levée d’un emprunt de 700,000 fl.
Certainement ce n’est pas Guillaume de Nassau qui a pu, comme particulier,
approuver un semblable emprunt ; ce n’est que comme roi qu’il a pu le faire. Eh
bien, messieurs, le même arrêté qui autorise cet emprunt, garantit le paiement
de l’intérêt des obligations.
J’ignore, messieurs, si dans le budget qui a été voté il y a quelques
semaines, pour l’exercice courant, il existe un chiffre assez élevé pour que le
gouvernement puisse venir au secours des porteurs d’obligations à charge de
l’entrepôt d’Anvers. S’il n’y a pas de chiffre semblable, j’engage beaucoup M.
le ministre à en proposer un dans le budget de 1838, et s’il ne le fait pas, je
le ferai moi-même ; car je crois que les porteurs des obligations dont il
s’agit sont véritablement créanciers de l’Etat.
M. Milcamps. - Messieurs, c’est la troisième
fois que les réclamations de l’espèce sont adressées à la chambre. J’ai fait le
17 janvier 1834, au nom de la commission des pétitions, un rapport sur cet
objet, par lequel la commission a examiné la question à qui, ou de l’Etat, ou
de la ville d’Anvers, ou du commerce, appartenait la propriété de l’entrepôt.
La commission, sans se prononcer sur la question à défaut de quelques pièces et
renseignements qu’elle indiquât qu’elle demandait, a cependant donné des
raisons de décider cette faveur de l’un ou l’autre.
On m’assure que,
depuis, les pièces et renseignements ont été fournis, et qu’on est en mesure de
voir sur qui réside la propriété de l’entrepôt. On dit que la ville d’Anvers ne
s’en prétend pas propriétaire, et qu’elle ne le considère pas comme un
établissement communal. Le commerce s’en prétend-il propriétaire ? Mais le
commerce est un être moral, abstrait, qui paraît incapable de posséder. On dit
que l’Etat ne s’en prétend pas non plus propriétaire ; mais si tout ceci est
vrai, l’entrepôt d’Anvers serait-il res nullius ? Mais, messieurs, rien n’est plus facile que de
savoir si l’Etat, la ville d’Anvers et le commerce prétendent des droits à
l’entrepôt dont il s’agit. Il n’est pas même extrêmement difficile de savoir
sur qui la propriété réside, si les pièces demandées en 1834 ont été fournies.
Il me semble convenable que le gouvernement s’explique à cet égard, afin que
les pétitionnaires, en leur qualité de bailleurs de fonds, sachent envers qui
ils doivent exercer leurs droits.
Jusqu’ici,
messieurs, il ne s’est agi que de savoir si l’entrepôt d’Anvers était la
propriété de l’Etat, ou de la ville, ou du commerce ; mais il y a une quatrième
hypothèse qui complétera mon rapport du 17 janvier 1834 : celle que la
propriété de l’entrepôt pourrait bien appartenir à
l’institution de l’entrepôt elle-même, comme être moral, indépendant de l’Etat,
de la ville, du commerce, mais existant sous les auspices du gouvernement qui
nomme la commission chargée d’administrer. Il y a des exemples de semblables
institutions. Dans mon opinion, et telle que la question se présente, je pense
que nul autre que l’Etat ne peut prétendre avoir des droits à l’établissement
dont il s’agit. L’Etat a des droits soit comme propriétaire, à titre des actes
de fondation, ou parce que c’est res nullius ou comme patron de l’établissement. Dans tous les
cas, l’intérêt des bailleurs de fonds exige que ce point soit fixé.
Ainsi, selon moi, si les bailleurs de fonds ne sont pas payés, c’est au
gouvernement seul qu’ils peuvent s’adresser, et contre le gouvernement seul
qu’ils pourraient exercer une action, du chef du paiement qu’ils réclament.
Je me bornerai,
messieurs, à ces seules considérations que je n’ai présentées que pour
compléter le rapport que j’ai fait en 1834.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux). - Messieurs, si nous ne prenons pas la parole
dans cette discussion, c’est que nous ne nous opposons pas aux conclusions de
la commission.
M. Gendebien. - Messieurs, si je ne réponds pas
à quelques observations qui ont été faites tout à l’heure, c’est que la question
est très délicate ; il me semble qu’il serait dangereux d’improviser une
discussion sur un sujet aussi grave. Nous devons attendre que le ministère nous
ait donné des explications.
- Les conclusions
de la commission sont adoptées.
M. Kervyn, rapporteur. - « Des brasseurs et distillateurs se plaignent
de l’élévation de l’octroi. »
La commission
propose le renvoi à M. le ministre de l’intérieur.
M. Verdussen. - Messieurs, je crois que la
question étant décidée, nous devons passer à l’ordre du jour sur cette
pétition. Nous avons passé à l’ordre du jour sur d’autres pétitions semblables.
- L’ordre du jour
est adopté.
M. Kervyn, rapporteur. - « Le major Boulanger renouvelle sa demande
d’être réintégré dans son grade de major, en conservant son rang
d’ancienneté. »
La commission
propose le renvoi à M. le ministre de la guerre.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux). Est-ce que le pétitionnaire ne s’est pas
encore adressé à M. le ministre de la guerre ?
M. Kervyn, rapporteur. - Il paraît s’être adressé à diverses reprises au département
de la guerre.
M. Gendebien. - Messieurs, le major Boulanger
est un brave patriote, victime de la précipitation qu’on a mise à décimer les
officiers des volontaires après la campagne du mois d’août 1831.
Je ne rappellerai
pas les nombreux services que le pétitionnaire a rendus à la révolution, parce
qu’ils sont aujourd’hui comptés pour bien peu de chose par ceux mêmes qui en
profitent. Mais il est un fait dont on sera peut-être disposé à lui tenir
compte : c’est qu’au mois d’août 1831, le major Boulanger a été le premier
officier belge qui ait rencontré et repoussé les Hollandais. Il était
commandant d’un bataillon dans le douzième régiment de ligne, organisé peu de
temps avant la campagne du mois d’août. Il avait sous ses ordres, je pense, 580
hommes. La moitié du bataillon était en avant, et le major les commandait. Il
fut attaqué, non pas comme l’ont prétendu certains historiens qui n’ont manqué
aucune occasion de calomnier la révolution ; il fut attaqué, dis-je, non pas
par 18,000 hommes, ainsi qu’un soi-disant historien a supposé que je l’avais
dit, pour prouver ce qu’on appelle nos exagérations ; mais par 1,800
hollandais. Il a battu en retraite en bon ordre. La moitié du bataillon s’étant
ralliée à l’autre, il n’hésita pas à attaquer, et les Hollandais furent
culbutés ; un major, deux capitaines, deux ou trois lieutenants et 190 hommes,
furent faits prisonniers. Voilà, messieurs, quel fut le début de la campagne du
mois d’août 1831. Les députés d’Anvers n’ont sans doute pas oublié ce fait
glorieux ; tous les journaux l’ont publié.
Malheureusement, le
major Boulanger était un homme de la révolution, à laquelle il avait rendu de
grands services : aussi, au mois de septembre 1831, fut-il compris, par les
hommes du lendemain, dans le nombre des victimes ; il fut forcé de descendre au
grade de capitaine. En un mot, il fut dégradé pour avoir eu plus de courage que
les puissants du jour. Il n’a cessé de réclamer contre cette décision, et il en
avait le droit. Enfin, après quatre ans et demi de sollicitations, il a obtenu
le grade de major dans l’armée de réserve.
Aujourd’hui il
demande à être réintégré dans son rang d’ancienneté.
Au commencement de
la révolution, il était major commandant un bataillon de volontaires sous les
ordres de Niellon. Par arrêté du régent, en date du
30 mars 1831, ce bataillon composa, avec d’autres, le douzième régiment de
ligne.
Or, le
pétitionnaire fut placé dans ce régiment avec le grade de major, il fut payé
comme major de la ligne, il a subi des retenues comme major, il fit
glorieusement la campagne du mois d’août comme major ; je défie qu’on donne une
raison plausible pour justifier l’acte d’iniquité dont il se plaint.
La question est de
savoir maintenant si l’on veut lui conserver son rang d’ancienneté. Si le
ministre de la guerre veut examiner les choses avec impartialité, et j’aime à
croire qu’il le fera, je suis convaincu qu’il rendra au major Boulanger
l’ancienneté qui lui a enlevée contre toute justice.
- Les conclusions
de la commission sont adoptées.
M. Kervyn, rapporteur.- « Un grand nombre d’habitants demandent de
nouveau que Luttre soit séparée de Pont-à-Celles, et
forme, comme autrefois, une commune distincte. »
La commission
propose le renvoi au ministre de l’intérieur.
M.
Frison. - Messieurs, je viens appuyer le renvoi à M. le ministre de
l’intérieur de la pétition dont vous venez d’entendre l’analyse.
Peu partisan, en
général, du morcellement ou de la séparation de communes, il peut arriver que
des demandes de l’espèce soient fondées en droit et en fait ; je pense que
c’est ici le cas, et je vais vous expliquer en peu de mots comment la réunion de Luttre à Pont-à-Celles a eu lieu.
En 1794, lors de la présence des Français en
Belgique, on imposa, pour le service de l’armée, à la commune de Luttre une réquisition de 52 chevaux, qui devaient être
conduits à Genappe ; cette réquisition fut frappée avec menace de
responsabilité personnelle pour le mayeur, les échevins et les tenant chevaux ;
on ne put les fournir : le mayeur, craignant d’être arrêté, perdit la tête et
prit la fuite ; le secrétaire, moins timide, resta à son poste, fut jeté dans
la prison, et au sortir trouva la commune de Luttre
réunie de fait à Pont-à-Celles, sans qu’aucun arrêté de cette époque, ni aucun
autre depuis lors, ait autorisé cette fusion.
Avant 1794, Luttre
formait une commune séparée ; je suis porteur de pièces authentiques qui le
prouvent : il serait donc injuste de rendre les habitants victimes de la
pusillanimité de leur administrateur.
Je n’entrerai pas dans d’autres détails, qui
trouveront leur place dans la discussion du projet de séparation que M. le
ministre présentera à la chambre, si les renseignements qu’il se fera produire,
et les enquêtes indispensable en pareille circonstance, démontrent la justice
et le fondement de la réclamation des habitants de Luttre.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
Discussion des modifications
apportées au tableau du tarif
Bas
et bonneteries
(Moniteur
belge n°120, du 30 avril 1837) M. le président.
- Nous avons à délibérer aujourd’hui sur la question : quel sera le taux du tarif,
en ce qui concerne les bas et les bonneteries ?
M. Doignon. - La chambre ayant adopté
hier le mode de perception au poids, nous avons à discuter maintenant le
chiffre de la valeur qui doit lui servir de base. Ce n’est que subsidiairement
que j’admettrai le chiffre de la section centrale pour la bonneterie commune.
D’après ce qui s’est dit dans cette discussion, je
persiste à penser qu’il y a lieu de conserver le droit actuel au moins pour
cette bonneterie, et cela me paraît de toute évidence lorsqu’on réfléchit qu’au
moyen de la prime d’exportation qui est de 6 à 8 p.c.,
On raisonne constamment comme si notre droit de 20
p. c. était demeuré intact vis-à-vis de
Je me confirme d’autant plus dans mon opinion qu’on
n’a jusqu’ici allégué aucune raison pour légitimer l’abaissement du droit. M.
le ministre lui-même s’est tu sur ce point, et je le prie de vouloir bien
déduire ses raisons.
Il est un fait reconnu dans la discussion, c’est
que la bonneterie belge est dans un état de grande souffrance. Mais si c’est un
parti pris de faire des concessions à
Cet état de gêne est constaté d’ailleurs par les
avis des chambres de commerce des arrondissements où s’exploite la bonneterie,
par les pétitions adressées à cette chambre, par l’opinion des orateurs que
vous avez entendus, et principalement encore par les déconfitures et les
faillites multipliées qui ont éclaté depuis quelques années parmi nos
fabricants bonnetiers.
Or, dès que cet état de souffrance est un fait
notoire, un fait qui ne peut être contesté, je cherche en vain les raisons pour
lesquelles on voudrait une réduction. Quoi ! lorsque les droits actuels sont
tels que cette industrie souffre de plus en plus, lorsqu’ils sont notoirement
insuffisants pour nous protéger au moins du côté de l’Allemagne qui déjà nous
écrase, vous venez nous parler sérieusement d’une réduction en faveur de
Direz-vous que le droit d’entrée se fraude trop
facilement et qu’il convient de le baisser pour ce seul motif ?
Mais si M. le ministre était mieux informé, il
saurait que la triste situation de cette industrie doit être attribuée non à
l’introduction frauduleuse et trop facile des marchandises françaises, mais
bien à l’entrée toute légale des produits allemands ou saxons : que l’on
descende chez les premiers venus de nos commerçants ou fabricants ils vous
indiqueront tous la même cause. Il est vraiment pénible de voir notre ministre
ignorer ici des choses connues de tout le monde.
Du côté de
Si cette protection était réellement éludée au
moyen de la fraude, le commerce ne manquerait pas de s’en plaindre, puisqu’il
serait le premier intéressé dans cette question, et, dans cette circonstance
comme toujours, le meilleur juge est la partie intéressée.
Or, si l’abaissement du droit qu’on sollicite ne
peut être motivé sur ce qu’étant prétendument trop élevé, il fournirait un
appât la fraude, et qu’on neutraliserait ainsi le but protecteur du tarif ; je
le répète, qu’on veille bien me dire les véritables motifs qui ont dicté la
proposition de réduction du gouvernement en faveur de
Sans doute, dans tous les systèmes possibles, il y
a toujours çà et là quelque fraude, mais ce fait de peu d’importance ne peut
rien conclure. S’il était vrai que la fraude du côté de
Mais je demanderai encore à M. le ministre sur
quelles preuves il s’appuie pour prétendre que la protection du droit actuel
est éludée par la fraude ? Sur ce point il ne nous a communiqué aucune pièce ni
aucun document, c’est donc sur une allégation qui ne repose sur rien qu’on nous
demande une diminution de droits sur les bonneteries françaises.
Serait-ce donc pour le plaisir de faire des
concessions à
Si l’intérêt du trésor touche M. le ministre, je le
prierai de se laisser aussi toucher à la voix de plus de 60,000 ouvriers qui
souffrent ; et enfin, si des considérations de cette nature ne font point
impression sur lui, je lui demanderai encore s’il est bien prudent et politique
d’exciter un juste mécontentement parmi une classe aussi nombreuse de nos
ouvriers, et s’il ne craint point de mépriser nos plaintes et nos
avertissements.
Quoique ce soit une erreur bien dangereuse de
prendre pour règle la prime d’assurance, lorsqu’on fait une loi de durée,
j’admettrai, comme on l’a, qu’elle est vers
Mais qu’arriverait-il donc aujourd’hui, si vous
consentiez une réduction de ce droit au profit de
Les partisans de la réduction sur la bonneterie
commune devraient nous prouver que la protection dont nous jouissons en ce moment
vis-à-vis de
La chambre a décidé qu’elle adopterait la
perception du droit au poids des produits étrangers.
Les considérations que je viens de présenter
doivent donc nous déterminer, quant à la bonneterie commune au moins, à maintenir
pour base le droit actuel de 20 p. c. à la valeur. Si dans l’exécution, il est
impossible physiquement d’obtenir un chiffre exact, on doit admettre en pareil
cas une latitude qui puisse contourner plutôt en faveur de la protection,
puisqu’elle est le premier but de la loi. La même règle devrait être suivie si
on adoptait 15 au lieu de 20 p. c. Dans le doute, nous devons pencher pour les
intérêts belges : par conséquent, en supposant dans ce dernier cas que le
résultat des droits combinés au poids serait de produire quelquefois un droit
supérieur à 15 p. c., cette circonstance ne devrait point arrêter.
Quant à l’augmentation du droit pour l’Allemagne,
aucun orateur ne la conteste ; elle sera donc sans doute admise sans
difficulté.
Je pense enfin que notre
économie politique ne nous permet point d’avoir un droit commun pour toutes les
nations, ainsi que la grande nation voisine croit pouvoir l’adopter, dit-on,
dans ses intérêts. L’intérêt général, tel qu’on doit le comprendre dans un
grand royaume, doit se trouver dans une sphère bien plus élevée que dans un
petit Etat. Celui-ci doit ordinairement se régler selon la conduite de tous et
de chacun de ses voisins. Ainsi, par exemple, si une nation le traite avec
rigueur, il ne pourra point, à son tour, la traiter avec indulgence quand son
intérêt évident de petit Etat s’y oppose ; dans ce cas, il devra consacrer une
exception. Telle nation qui le traite avec faveur ne pourra être traitée aussi
défavorablement que d’autres qui ne lui offrent pas les mêmes avantages. Ainsi,
telle importation de certaine provenance pourrait ne pas nuire au pays, tandis
qu’elle pourrait lui causer un tort sérieux si elle venait d’une autre
provenance. En cette matière, je l’ai déjà dit, les circonstances et les
intérêts particuliers d’un petit Etat, environné de puissants voisins, doivent
nous servir de boussole.
M. le ministre des finances (M. d'Huart).
- Messieurs, l’honorable M. Doignon, avec sa bienveillance accoutumée à l’égard
des ministres, vient de recommencer la discussion générale de l’article relatif
aux bas et à la bonneterie ; cependant il était sans doute inutile de reprendre
cette discussion, et certes le préopinant aurait aussi bien fait de s’occuper
du taux du droit que de reproduire encore ces imputations déjà tant de fois
réfutées, que nous sacrifierions à plaisir les intérêts de l’industrie
nationale. Je déclare ne plus vouloir répondre à toutes ces récriminations ;
nous devons chercher à arriver à une fin, et ces questions qui dégénèrent
toujours en définitive en questions personnelles, sont fort peu intéressantes
pour la chambre et surtout pour le pays.
Si j’ai bien compris le fond des observations de
l’honorable membre, le droit proposé par la section centrale ne lui convient
pas encore. Il trouve la moyenne de 15 fr. trop basse, et veut que cette
moyenne soit portée à 20 fr.
Vous sentez que si je me suis opposé à une
augmentation de droit en ce qui concerne l’Allemagne et l’Angleterre,
augmentation qui n’était que de 5 p. c. sur le droit actuel, je dois, à plus
forte raison, m’opposer à un amendement qui doublerait le droit sur les
provenances de ces pays.
Je prie la chambre de bien considérer que le projet
n’a nullement pour but de changer la position de l’Allemagne et de l’Angleterre
vis-à-vis de
Or, d’après ce que vient de dire le préopinant,
c’est contre l’Allemagne que sa proposition serait dirigée, puisque ce n’est
que de ce pays que la bonneterie belge a quelque chose à craindre ; et
M. Doignon vient de me donner lui-même les moyens
de vous le prouver clairement. Il nous a dit en effet que le droit actuel
contre les bonneteries de France était efficace, et qu’on n’avait en aucune
façon prouvé qu’il fût éludé par la fraude. Il a de plus ajouté que moyennant
la prime, les Français pouvaient concourir avec nous. Eh bien, j’admets qu’on
ne fraude pas de bas de France et que celle-ci concoure avec nous. Voici la
valeur des bonneteries que ce pays nous fournit : En 1835, il en a été importé
pour 20,944 fr. ; et en 1836 pour 31,747 fr. Permettez aussi que je vous fasse
connaître maintenant le chiffre des importations du même article par
l’Allemagne. En 1835, ce chiffre a été de 692,000 fr. de valeur ; et en 1836,
de 535,515 fr. Ce n’est donc pas du côté de
On a dit que la prime d’exportation met le
fabricant français sur la même ligne que le fabricant belge, malgré le droit de
20 p. c. qu’il doit payer à l’entrée chez nous ; mais il est bon de vous
rappeler que cette prime d’exportation n’est en général qu’un drawback, une
restitution à la sortie des droits perçus à l’entrée sur le coton, sur les
matières premières employées à la confection des objets exportés. Il suffit de
jeter les yeux sur les instructions de la douane française pour en acquérir la
preuve.
Et il semble ne pas pouvoir en être autrement,
parce que si l’on remboursait à la sortie indifféremment une prime sur tous les
fabricats exportés sans justifier l’origine des matières avec lesquelles ces
fabricats ont été confectionnés, ce ne serait plus un drawback sur la matière
étrangère employée, ce serait une prime réelle qui serait désastreuse pour le
trésor. On demandera peut-être pourquoi il en est ainsi en France et non en
Belgique. ; je répondrai que c’est parce que les droits d’entrée sur la matière
première sont en général très élevés en France, et qu’il serait impossible pour
les fabricants d’exporter avec avantage, si on ne les remboursait pas à la
sortie. En Belgique, au contraire, les droits d’entrée sur ces matières sont si
minimes, que la restitution serait insignifiante.
Puisqu’il s’agit en ce moment d’établir le droit au
poids, mode auquel je m’opposerai encore lorsque nous en viendrons au second
vote ; puisqu’il s’agit, dis-je, d’appliquer le droit à ce mode provisoirement
adopté par la chambre, je vous ferai connaître quelques expériences que j’ai
fait faire depuis la séance d’hier, expériences auxquelles je n’avais pas cru
devoir recourir avant, parce que je m’étais persuadé que la simple inspection
des tableaux de la section centrale vous eût démontré que le système qu’elle
proposait était inadmissible. J’ai donc fait acheter quelques paires de bas de
diverses qualités, j’ai combiné le prix avec le poids, et il résulte de cette
opération que telle paire serait, d’après les droits que l’on vous propose
d’admettre, imposée à 29 p. c., que telle autre serait imposée à 22 p. c., une
autre à 19 p. c., une autre à 13 1/2, une autre à 12, d’autres enfin à 23 et 27
p. c.
Voilà l’application du système qu’on vous présente
; je vous le demande, pourriez-vous raisonnablement adopter à l’égard de
l’Allemagne un tarif qui élèverait à 27 ou 30 p. c. un droit qui aujourd’hui
n’est que de 10 p. c. ? J’espère encore qu’après avoir examiné la question
mûrement la chambre reviendra sur sa décision d’hier.
Je le déclare à l’avance, messieurs, je ferai tous
mes efforts quand le moment sera venu pour démontrer qu’il convient
d’abandonner le mode auquel vous avez donné la préférence. Je me permettrai
toutefois dès maintenant une observation sur les catégories différentes de
droits, que la section centrale vous soumet pour rendre plus apparents encore
les vices de son projet.
Quand le poids d’une douzaine de paires de bas est
inférieur à cinq kilogrammes, elle porte le droit à 8 fr. le kil., mais elle ne
fait aucune distinction pour les bas de femme et d’enfant . De sorte qu’on fera
payer sur des bas qui n’auront qu’une très faible valeur un droit de huit fr
par kil. ; car les bas de femme et surtout ceux d’enfant ne pèseront
ordinairement pas, la douzaine, 5 hectogrammes quoiqu’ils soient d’une qualité
très inférieure ; de cette manière nous prohiberions donc en réalité les bas de
femme et d’enfant.
Hier la chambre était extrêmement pressée de voter,
et je n’ai pu présenter toutes les réponses que je voulais opposer aux députés
de Tournay. Si vous imposez à la valeur, disaient-ils, savez-vous comment on
éludera le droit, on fera comme pour les porcelaines, on envoie les tasses par
un bureau et les dessous de tasse par un autre bureau ; de même on enverra les
gants de la main droite d’un côté et les gants de la main gauche par un autre
côté ; de cette manière les douaniers ne pourront pas préempter.
Il était facile de faire tomber cet argument, car
pour la porcelaine le droit se paie au poids. Il n’était pas plus concluant à
l’égard des gants, parce que ce mode d’expédition est prohibé par la loi
générale des douanes de 1822. L’art 128 de cette loi l’interdit formellement.
Cet article est ainsi conçu : (M. le
ministre en donne lecture.)
On dirait que cette loi a été faite pour répondre à
l’honorable M. Dumortier ; et voilà donc les moyens de fraude qu’on vous
présentait hier réduit à leur juste valeur.
Dans la confiance que le
mode de tarification provisoirement adopté ne sera pas maintenu, je ne
présenterai pas d’amendement aux taux des droits proposés. Toutefois je dirai
qu’en prenant les résultats des calculs de la section centrale comme
s’appliquant d’une manière uniforme et équitable, il faudrait leur faire subir
une réduction d’un tiers, c’est-à-dire ramener le droit de 15 à 10 p. c. afin
de demeurer à la hauteur du chiffre du gouvernement. Mais je m’abstiendrai, je
le répète, de proposer ces réductions, afin d’éviter une discussion longue et
inutile sur chacun des articles du tarif ; je préfère ne présenter ces
amendements que dans le cas où la chambre se serait définitivement prononcée au
second vote en faveur du mode de perception au poids.
En finissant, je demanderai à la section centrale
si le système provisoirement adopté exclut l’amendement de M. le ministre de
l’intérieur sur les bas et mitaines d’Ecosse et autres contrées désignées ;
vous savez que cet amendement tend à laisser le droit sur ces provenances comme
il existe aujourd’hui, c’est-à-dire à trois pour cent de la valeur.
M. Dumortier. - Je pensais que le
ministère aurait été convaincu par l’immense majorité qui s’est levée hier en
faveur dit principe de perception au poids, que la chambre avait pris cette
résolution en connaissance de cause.
Mais puisque M. le ministre des finances est venu
rentrer dans cette discussion et a présenté de nouveaux arguments en faveur de
sa théorie favorite, qui est sinon la plus sage, au moins la plus commode, qui,
sinon exige le plus de travail et d’étude, offre assurément le plus de
facilités…
M. le ministre des finances (M. d'Huart).
- Il ne faut pas grand travail pour peser des paires de bas.
M. Dumortier. - Pour évaluer les droits
au poids, il faut beaucoup de calculs. Quand on n’aime pas à faire des calculs,
on trouve plus commode de fixer les droits à la valeur.
Puisque, disais-je, le ministre est rentré dans la
question, j’y rentrerai à mon tour.
Le ministre des finances a dit que la tarification
au poids est inadmissible. Mais c’est pour éviter la fraude qui se faisait, lors
de la tarification à la valeur, qu’on a transformé les droits à la valeur en
droits au poids.
Vous dites que le mode d’introduction des
porcelaines dont on a parlé n’est pas exact, puisque les porcelaines paient des
droits au poids. Oui, maintenant l’on paie les droits au poids. Mais, avant
1822, on payait les droits à la valeur ; et je pourrais citer des maisons de
commerce qui ont gagné d’énormes capitaux en introduisant des porcelaines avec
une fausse déclaration des leur valeur.
M. le ministre des finances (M. d'Huart).
- J’ai lu l’article de la loi qui prévoit le cas dont on a parlé.
M. Dumortier. - La loi a prévu le cas
précisément à cause des abus qui avaient eu lieu. S’il n’y avait pas eu d’abus,
la loi n’aurait pas prévu le cas.
J’ai entendu citer une maison de commerce qui a
gagné de grands capitaux, en introduisant par un bureau de douanes tous les
couvercles de théières, de sucriers, etc., et tous les vases par le bureau de
douanes d’une autre frontière. C’est un fait connu. Je pourrais citer la
personne ; car elle n’existe plus.
Je regrette que M. le ministre des finances, qui,
par sa position, devrait connaître de tels faits, les présente comme inexacts,
alors qu’ils sont de toute vérité.
Remarquez comment les choses se passent pour les
draps, pour les porcelaines et pour les cotons : vous mettez les droits au
poids et vous écartez les droits à la valeur. Ainsi à ces objets s’applique
l’argumentation de M. le ministre des finances, tirée de ce qu’avec la
tarification au poids, en raison des différents degrés de perfection des
produits, le mauvais paie pour le bon.
D’ailleurs, n’est-il pas reconnu que rien ne prête
plus à la fraude que la tarification à la valeur ? Aussi que j’ai eu l’honneur
de le dire, il n’y a pas de négociant qui fasse une déclaration exacte de la
valeur. En effet, la loi ayant stipulé que l’employé qui fait usage du droit de
préemption devra bonifier le négociant en sus de sa déclaration, il en résulte
que tout négociant fait sa déclaration de 10 p. c. en dessous de la valeur
réelle. D’un autre côté, il arrive souvent que des négociants gagnent des
vérificateurs et fraudent au moyen de déclarations faites au taux le plus bas.
Il y en a maint exemple. Un gouvernement qui veut empêcher la démoralisation
des employés de la douane doit éloigner le plus possible les occasions de
démoralisation ; il n’y a pour cela qu’un moyen : la tarification au poids. En
effet, comme il faut, pour mettre les marchandises sur la balance, l’intervention
de plusieurs personnes, il est impossible que la subornation aille jusqu’aux
employés. Il est étonnant qu’un ministre des finances, qui a dans le ressort de
son administration des cas si graves de subornation, préconise un système qui
mène droit à la subornation.
Qu’arrive-t-il, messieurs, quand les employés, par
suite de l’usage qu’ils ont fait du droit de préemption, ont en leur possession
une masse de marchandises ? Les employés vont de maison en maison offrir ces
marchandises. Pendant ce temps-là le bureau est abandonné et la fraude se fait
le mieux du monde. Si les employés ont été trompés, s’ils sont en perte sur les
marchandises qu’ils ont préemptés, il en résulte que pendant plusieurs mois
toutes les déclarations, quel que soit le taux auquel elles sont faites, sont
bonnes, parce que l’employé qui a été pincé (on rit) laisse tout passer. Ce sont des faits incontestables et que
l’on ne peut révoquer en doute. Aussi tous les gouvernements sages qui ont
examiné à fond les questions d’intérêt public, ont remplacé les droits à la
valeur par des droits au poids.
En France, les objets qui paraissent le moins
susceptibles d’être imposés au poids, comme la quincaillerie, par exemple, le
sont néanmoins. Cependant, si l’on argumentait comme M. le ministre des
finances, on dirait : Dans ces objets, il y en a qui paient 50 p. c., d’autres
4 p. c. ; car, dans la quincaillerie, il y a des objets de valeurs très
différentes, les uns étant dorés, les autres étant de cuivre pur.
On n’a pas reculé devant cette objection, on a
voulu un droit commun pour éviter la corruption des employés et pour assurer à
l’industrie une protection qui ne fût pas éludée, tandis qu’avec la
tarification à la valeur elle l’est toujours par les fausses déclarations.
La prime existant en France, dit M. le ministre des
finances, est un véritable drawback.
La laine, d’ailleurs, est à aussi bas prix en
France qu’en Belgique ; la laine commune même est à meilleur marché.
Après avoir démontré combien peu sont fondées les
assertions de M. le ministre des finances, il me reste à démontrer que les
propositions de la section centrale ne sont pas trop élevées.
Je sais qu’en se jetant dans les extrêmes, en
prenant des qualités à l’extrémité de l’échelle, on pourra arriver au résultat
qu’a obtenu M. le ministre des finances ; mais ce que je sais bien, c’est que
le travail de section centrale a été vérifié à Tournay par une personne
étrangère à la bonneterie, et par un membre de la section centrale, également
étranger à cette industrie, et que ces deux vérifications ont démontré
l’exactitude du travail de la section centrale.
Que vous propose la section centrale ? Pour la
bonneterie en coton, des droits de 2, 4, 8 et 10 fr. Ce droit est le plus élevé
; il ne s’applique qu’aux gants et mitaines. Pour la bonneterie en laine, des
droits de 2 50, 4, 5 et 6 fr., le tout par kilog.
Mais rappelez-vous ce que j’ai eu l’honneur de dire
: c’est que par la loi de 1836
Je ne pense pas que l’on
puisse repousser une proposition aussi sage. D’ailleurs, la chambre a déjà prononcé,
elle a admis le principe de la perception du droit au poids et elle a
admirablement bien fait. J’espère que dans toutes les circonstances elle
admettra le même principe, qu’elle sera conséquente avec elle-même, et avec ce
qui se fait en Angleterre, en France et en Prusse. Nous n’avons pas la
prétention d’être plus malins que les grandes nations qui nous environnent ;
nous devons sortir de l’ornière où le gouvernement hollandais nous avait placés
; il avait commencé lui-même d’en sortir en 1822 ; nous devons achever
l’ouvrage.
Nous nous sommes opposés dans le temps à des droits
élevés sur la bonneterie, à des droits qui s’élevaient de 50 à 350 fr. le
kilog. ; nous nous y sommes opposés
parce qu’ils encourageaient à la fraude. Croyez-vous que maintenant nous
puissions proposer des droits trop élevés ? Nous serions singulièrement en
contradiction avec nous-mêmes.
M. le ministre des finances (M. d'Huart).
- Je prierai la chambre de remarquer que je ne suis pas déclaré en principe
l’ennemi de la perception des droits de douane au poids, et que je n’ai fait
que m’opposer à une innovation nuisible et en quelque sorte hostile à des pays
avec lesquels nous sommes en relations...
M. Dumortier. - Ainsi, c’est dans
l’intérêt des pays voisins que vous combattez les propositions de la section
centrale ?
M. le ministre des finances (M. d'Huart).
- Nous jugerons plus tard qui défend le mieux les véritables intérêts de
D’après le système que l’on propose, vous allez
changer les habitudes du commerce, le genre des relations que l’étranger a avec
nous ; vous allez, à propos d’un changement qui a pour but de mettre
Quoi qu’il en soit, je dirai que si nous avions
table rase, il serait possible que j’adoptasse le système au poids dans
beaucoup de circonstances ; mais je n’en voudrais pas encore de la manière qu’on
le propose par l’article en discussion. Veuillez remarquer que les orateurs, en
s’appuyant de l’exemple de
L’honorable M. Dumortier n’a pas vérifié, dit-il,
les calculs, les essais qui ont été faits ce matin sur les bas dont j’ai tout à
l’heure indiqué le prix et le poids, comparativement aux droits de douanes
proposés ; il pourra vérifier ces résultats ultérieurement s’il le veut. Pour
moi, je ne vérifierai pas les calculs de la section centrale, puisque l’orateur
nous assure qu’on les a reconnu exacts à Tournay ; j’admets ces calculs tels
qu’ils sont, et c’est avec les tableaux où ils sont résumés, que je combats la
base du projet qu’on nous offre. Je prends la catégorie du droit de 4 fr. pour
les bonneteries de coton, et je vois que vous imposez également les bas valant
11 fr. la douzaine et les bas valant 30 fr. la douzaine, et je dis que, cela
est inadmissible.
Messieurs, je vous prierai maintenant de remarquer
la contradiction dans laquelle nos adversaires tombent toujours relativement à
la douane. Lorsqu’il leur convient d’examiner l’action de cette administration
sous un certain rapport, cette action est efficace et suffisamment répressive,
tandis que pour la convenance d’un autre raisonnement l’administration des
douanes est corrompue, ses agents sont complices des fraudeurs : je laisse à
ceux qui nous opposent de pareilles raisons le soin de les concilier.
Tout ce que je puis dire à cet égard, c’est que,
selon mes renseignements, la prime de fraude doit être de 13 p. c. sur la
bonneterie, et que pour cette marchandise comme pour les autres objets la
douane fait ce qu’elle peut ; si malgré cela il y a de la fraude sur nos
frontières, nous le devons à notre position géographique ; ayant huit provinces
de frontières sur neuf, et ces frontières n’étant point protégées par des
accidents de terrain, des chaînes de montagnes, des rivières, il y a des
difficultés immenses pour exercer efficacement la surveillance ; et il faut en
conclure qu’on jamais le but qu’on se propose en admettant des droits élevés
pour protéger nos industries.
Je crois donc sincèrement
que, par toutes les propositions de la section centrale, il y aura gêne pour le
commerce avec l’étranger, et que cette gène n’apportera aucun avantage à
l’industrie indigène, parce que la fraude viendra niveler à 13 ou 14 p.c. tout
ce que vous ferez au-delà dans notre tarif.
Je ne rentrerai pas dans la discussion générale en
ce qui concerne le mode de tarification. Je me suis borné déjà à dire que je
m’opposerais au mode au poids, quand la question serait de nouveau examinée. Je
n’ai voulu discuter en ce moment que le chiffre du droit, et j’ai démontré que
les chiffres de la section centrale sont trop élevés, qu’ils devraient être
diminués d’un tiers, pour que la moyenne sur laquelle ils reposent soit en
harmonie avec le taux actuel de notre tarif.
M. Desmaisières.
- Après l’aveu formel du ministre que, dans les moyens à l’aide desquels il a
cherché à combattre les arguments présentés par plusieurs honorables membres de
cette chambre contre le projet du gouvernement, il y a plus d’esprit de
tactique que d’esprit de conviction ; après avoir eu la franchise d’avouer que,
ne trouvant pas en faveur de la loi des arguments aussi bons que ceux qui
étaient présentés contre, il y aurait eu de la duperie de sa part de ne pas
faire usage d’une lettre qui pourrait avoir pour effet d’atténuer le degré de
confiance habituelle que la chambre mettait ordinairement dans l’honorable
auteur de cette lettre ; après que, par là, le ministre a rendu le plus bel
hommage à la force des arguments présentés par ses adversaires, je pourrais me borner
à constater ces aveux, et à faire voir que, dans la discussion actuelle, c’est
encore le même système que l’on semble vouloir mettre en usage.
Aux bonnes raisons que nous avons présentées pour
faire adopter le système de perception au poids, qu’oppose-t-on ? On cherche à
vous prouver, maintenant, par des détails, par des calculs, que ce mode est
inexact, et que, malgré votre vote d’hier, vote émis à une forte majorité et
après une longue discussion, il faut revenir sur votre décision. On renouvelle
les moyens employés, dans le temps, contre le tarif des toiles que nous avions
proposé. Alors aussi un honorable député d’Anvers vint opposer des calculs à la
section centrale, calculs qu’il avait été chercher dans les bureaux du
ministère des finances, et à l’aide desquels il prétendait prouver que le vote
de la chambre se trouvait entièrement éludé par le tarif adopté. Le vote de la
chambre, disait-il, a été de ne porter le droit qu’à 7 ou 8 p. c., et je
trouve, par le calcul qu’on vient de me remettre à l’instant, qu’il y a des
toiles qui seront frappés de 40 p. c. ; mais, par malheur pour cet honorable
membre, l’employé du ministère des finances qui lui avait lu la communication
avait opéré sur une espèce de toile d’emballage dont nous ne nous occupions pas.
Je n’ai eu besoin que de faire cette simple observation à la chambre pour faire
tomber tout à fait l’argument que l’honorable député d’Anvers tirait de ces
calculs, et je crois qu’il « jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y
prendrait plus. »
M. Smits. - Quel est ce député d’Anvers
?
M. Desmaisières.
- Je n’ai pas l’habitude de nommer les personnes, il était là tout à l’heure,
je regrette qu’il n’y soit plus en ce moment.
Mais, a dit hier M. le ministre des finances,
l’expérience nous fait voir qu’au lieu de 7 ou 8 p. c. dont on a voulu imposer
les toiles par le tarif de 1834, le droit sur cet objet s’élève quelquefois
jusqu’à 25 p.c. ; je crois, messieurs, que ce chiffre est exagéré ; il entre peut-être
encore dans la tactique dont j’ai parlé tout à l’heure : quoi qu’il en soit,
nous n’avons jamais soutenu que le droit n’irait pas au-delà de 7 ou 8 p. c. ;
au contraire, d’après l’expérience et les calculs faits d’abord par la chambre
de commerce de Courtray, répétés et vérifiés par les membres de la section
centrale et par M. le ministre des finances, assisté par le directeur des
douanes et par le chef de division des poids et mesures, nous avons prouvé à la
chambre que sur les espèces de toiles qui se fabriquent le plus dans le pays,
le droit s’élèverait de beaucoup au-delà de 7 ou 8 p. c, ; mais nous disions
que sur les toiles d’Allemagne, que nous avions principalement pour but de
frapper, le droit ne s’élèverait qu’à ce taux de 7 ou 8 p. c. Et je vous dirai
à cet égard que quoique
Quant à la bonneterie, messieurs, ce n’est pas
d’aujourd’hui que cette question se trouve agitée dans cette assemblée ; la
chambre se rappellera qu’en 1835 la section centrale, qui a examine la
proposition relative aux cotons, et dont j’avais l’honneur de faire partie,
s’occupa aussi de la bonneterie ; notre honorable président, qui préside en
même temps la chambre, annonça publiquement dans cette enceinte quel jour la
section centrale, en présence des industriels, des négociants, des membres de
la chambre qui voudraient bien assister à notre séance, pour nous fournir
l’aide de leurs lumières et de leur expérience, procéderait à l’examen de la
proposition relative aux cotons, qui nous avait été présentée par vingt-quatre députés
des Flandres, et dans laquelle les bonneteries se trouvaient comprises ; il
vint des industriels de Tournay et de Bruxelles qui nous remirent un tableau
qui se trouve imprimé à la suite du rapport que nous avons présenté à la
chambre sur la question qui nous avait été renvoyée ; ce tableau existe depuis
1835, il a été porté à la connaissance de tout le monde, et jusqu’ici il n’a
donne lieu, que je sache, à la moindre objection. A la vérité, quand nous vîmes
ce tableau, nous fûmes étonnés qu’il s’y trouvait une catégorie de bas qui
étaient évalués à 1,800 fr. le kilog., et nous communiquâmes notre étonnement à
cet égard aux industriels qui nous avaient fourni le tableau ; un d’eux nous
mit alors sous les yeux des bas de cette espèce, et nous vîmes qu’en effet ils
avaient la valeur qui leur était attribuée dans ce tableau. Cela répond à
l’objection de l’honorable M. Rodenbach, qui prétendait que pour la bonneterie
fine l’industrie belge aurait encore beaucoup de progrès à faire.
M. A. Rodenbach.
- Je n’ai pas dit cela.
M. Desmaisières.
- Ce qui prouve encore que nous ne sommes pas arrières sous ce rapport, c’est
que des bas nous ont été commandés par la reine de Portugal, Dona Maria. Vous le
voyez, messieurs, nous sommes tellement en arrière que des reines de pays
étrangers viennent s’approvisionner chez nous.
Qu’a fait, messieurs, la section centrale chargée
de l’examen de la question cotonnière ? Elle a établi des calculs, et elle a
proposé le droit d’après un terme moyen résultant de ces calculs, qui n’ont été
contestés par personne et pour l’établissement desquels on avait fait, si ma
mémoire m’est fidèle, quelques expériences en présence nous seulement
d’industriels qui fabriquent des bonneteries, mais encore en présence de
marchands qui vendent des bonneteries étrangères ; ni les uns ni les autres n’y
ont trouvé à redire.
Maintenant, messieurs, nous avons les calculs qui
se trouvent annexés au rapport de la section centrale et qui sont confirmés par
ceux dont je viens de parler ; ils sont publiés depuis 13 jours à trois
semaines, et il n’est parvenu à la chambre aucune objection de la part du
commerce contre ces calculs ; il faut donc croire qu’ils sont exacts.
Mais on vient de nous dire que le droit va s’élever
pour certaines espèces à un chiffre plus haut que celui que la chambre aura
voulu établir ; c’est là certainement ce qui résulte de tout système qui repose
sur des catégories ; mais faut-il, parce qu’un semblable système présente un
léger inconvénient, abandonner tout le bien qui peut en résulter ? L’honorable
M. Verdussen voudrait ici appliquer toute l’exactitude mathématique que l’on
est habitué de rencontrer chez lui ; mais en pareille matière, messieurs,
l’exactitude mathématique ne peut pas exister ; car si l’on voulait que le
droit ne fût jamais d’un centime plus élevé que 15 p. c., par exemple, qu’il ne
fût jamais moins élevé, qu’il fût toujours absolument le même, il n’y aurait
aucun système possible ; le système de la perception à la valeur lui-même ne
présenterait pas ces résultats. Avec la perception à la valeur, le droit dépend
du caprice, tandis qu’avec la perception au poids il résulte d’une appréciation
purement mécanique. Le plus exact est donc d’établir un taux moyen, sauf à
établir un plus grand nombre de classes, si l’on trouve qu’il y a une trop
grande différence entre les objets soumis au même droit. Cependant, si vous
établissez un plus grand nombre de classes, vous aurez de la part de ceux
auxquels vous voulez rendre justice, vous aurez de la part de l’étranger les
mêmes objections que celles que nous faisons au nouveau tarif français en ce
qui concerne les toiles, dont nous disons que parce qu’on a établi trop de
catégories, on nous fait maintenant, au lieu de nous favoriser, payer plus de
droits que nous n’en payions auparavant. Or, il me semble qu’on veut éviter cet
inconvénient puisque M. le ministre des finances vient encore de nous dire
qu’il s’agit ici de faire rentrer
Nous devons faire
comme
M. Verdussen. - Je voudrais que l’on rentrât dans la
véritable discussion qui doit nous occuper en ce moment. Le principe a été
adopté hier. Tout ce qu’on vient de dire pourra trouver sa pace lors du second
vote.
M. Smits. - Messieurs, l’honorable
député de Gand qui avant M. Verdussen a porté la parole, a beaucoup parlé de
tactique, et je crois vraiment que la levée de boucliers contre le tarif à la
valeur n’est autre chose qu’une tactique pour arriver à des droits très élevés,
tels que ceux que M. le ministre des finances vous a signalés tout à l’heure.
Cette tarification à la valeur est cependant
ancienne, elle a toujours existé dans notre tarif des douanes...
Une voix. - La question est
décidée.
M. Smits. - Je le sais, mais je voulais
seulement justifier cette espèce de tarification, afin de prémunir l’assemblée
contre tout retour à des modifications ultérieures.
Maintenant que la tarification au poids a été
adoptée, il ne s’agit plus que de savoir si le droit sera de 10 p. c. comme le
propose le gouvernement, ou de 15 p. c. comme le propose la section centrale.
Or, messieurs, il résulte de l’enquête qui a été
faite en France, et de la déclaration de la chambre de commerce de Tournay
elle-même, que les Saxons peuvent produire la bonneterie à 5 p. c. meilleur
compte que les Français. Si cela est vrai, comme je le crois, il est évident
qu’en plaçant
Je pense, d’après ce raisonnement bien simple, que
la chambre doit se borner à adopter le chiffre du gouvernement, sauf à voir
ultérieurement comment ce chiffre sera établi.
M. Dumortier. - Et les primes !
M. Smits. -
Les primes ! Vous êtes dans l’erreur à cet égard ; il n’en existe véritablement
pas en France ; la loi établit des drawbacks ou remboursements des droits que
les matières premières qui servent à fabriquer les tissus, ont eu à supporter à
leur entrée dans ce pays, et je pourrais démontrer par des exemples nombreux,
puisés dans l’enquête française, que le remboursement est loin d’être intégral
; mais je me bornerai à lire la disposition, principe de la loi, si je puis l’appeler
ainsi, pour démontrer à l’assemblée que la prime, c’est-à-dire la protection
n’existe point. Cette disposition, la voici : (M. Smits donne lecture de la loi.) Vous le voyez, messieurs, les
primes ne constituent pas un encouragement pour l’industrie française, mais une
simple compensation des charges que les matières qu’elle emploie ont eu à
supporter. Elles ne peuvent donc influer sur votre vote qui, je l’espère, sera
conforme à la proposition du gouvernement et non à celle de la section
centrale.
M. Dubus (aîné). - Messieurs, lorsque
j’entends le discours des honorables membres qui soutiennent la proposition du
gouvernement et combattent celle de la section centrale, je me demande quelle
loi nous faisons. Est-ce une loi française ? Est-ce une loi anglaise ? Est-ce
une loi allemande ? Ou bien est-ce une loi belge ? D’après les raisons que l’on
donne, cette loi est tout cela, excepté belge...
M. le ministre de
l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je
demande la parole.
M. Dubus (aîné). - Cette loi, vous
dit-on, a pour but unique de remettre
Il faut donc ramener
Mais un amendement en opposition directe avec ce
principe (celui d’établir un seul droit pour toutes les frontières) est jeté
dans la discussion par le ministre lui-même. On demande que le droit en faveur
des Anglais soit réduit à 3 p. c. Cela apparemment est favorable à
l’Angleterre.
Lorsque la section centrale vous propose un droit
au poids, voici venir le ministre des finances qui vous dit que cela portera
dommage à l’industrie allemande ; et de l’industrie belge, pas un mot ; on ne
s’en préoccupe pas. Il me paraît pourtant que cela doit nous préoccuper avant
tout, et que, députes du peuple belge, nous avons à faire une loi belge, et non
une loi française allemande ou anglaise. (Adhésion.)
Examinons donc la question sous le rapport de
l’intérêt belge, et non sous celui de l’intérêt anglais, de l’intérêt français
ou de l’intérêt allemand. Examinons la situation de notre industrie,
comparativement à celle de
Quand je la considère en présence de l’industrie
française, je trouve que le droit qui a existé depuis 1823 jusqu’aujourd’hui a
été un droit qui a protégé notre industrie. Eh bien, c’est précisément ce droit
qu’on propose de réduire. Ainsi, ce qui a été favorable à l’industrie belge,
c’est ce qu’on veut retirer, c’est cette protection utile dont on veut la
dépouiller, et cela pour favoriser l’industrie française.
Je dis, messieurs, que le droit établi depuis
Si je me tourne maintenant du côté de l’Allemagne,
je vois que la position est tout à fait inverse ; en effet, l’importation
allemande a été plus considérable en 1833 qu’en 1832, et plus forte en 1834
qu’en 1833 ; le chiffre de 1835 est encore plus élevé, si nous nous en
rapportons à celui qui nous a été donné par M. le ministre des finances.
Voici le tableau de ces importations :
1832 174,470 fr.
1833 292,020 fr.
1834 459,254 fr.
1835 692,000 fr. (d’après M. le ministre des
finances.)
Ainsi, tandis que le chiffre va en décroissant vers
la frontière française, où le droit est de 20 p. c., il suit une progression
ascendante effrayante vers les frontières allemandes.
Quant à l’amendement déposé dans l’intérêt de
l’industrie anglaise, on dit qu’il n’apportera pas dommage à notre industrie,
parce que cette industrie ne s’exerce pas sur des produits similaires. Mais,
MM. les ministres, si vous adoptez pour principe de considérer dans cette
circonstance-ci si l’industrie s’exerce sur des produits similaires oui ou non,
faites le même examen relativement aux deux autres frontières, et si vous
reconnaissez que l’industrie belge et l’industrie allemande s’exercent sur des
produits similaires, protégez efficacement notre industrie contre l’industrie
allemande et l’industrie française ; mais vous ne voulez jamais considérer la
question que dans l’intérêt des étrangers, et non dans l’intérêt de
Au reste, messieurs, je ne pense pas que le tarif
proposé par la section centrale, qui conduirait à nous protéger contre
J’ai démontré dans une séance précédente que le
projet de la section centrale était favorable à la bonneterie fine. Il est
probable que cet article entrera en payant un droit moindre avec le tarif
proposé qu’avec celui actuellement en vigueur.
Ce tarif, la section centrale l’a établi au poids.
Je n’entrerai pas dans la question de savoir si ce mode de tarification est
préférable à celui qui existe maintenant, c’est-à-dire à la perception à la
valeur. Cette question, la chambre l’a décidée hier ; nous n’avons plus qu’à
régler les conséquences de cette décision ; nous n’avons plu qu’à nous occuper
du taux auquel nous devons porter le droit.
Je rappellerai à la chambre dans quelle position se
trouve l’industrie du pays. Elle est réduite presque exclusivement à notre
propre marché. Les importations en France sont absolument nulles, puisque notre
bonneterie y est prohibée ; les importations en Allemagne n’ont jamais été
considérables, et encore ont-elles été en diminuant d’année en année. En 1832,
elles ont été de 104,182 ; en 1833, elles ont été de 64,102 fr., et en 1834, de
43,952 fr. J’ignore quel en était le chiffre en 1835. Vous le voyez, le marché
de l’Allemagne, nous le perdons, car une exportation de 43,000 fr. ne peut pas
être considérée comme un débouché ; vers
La confédération allemande vous oppose un droit de
4 fr. par kilogramme de bonneterie de cotons.
M. le ministre vous dit que vous ne pouvez pas
adopter un taux semblable, parce que le tarif allemand est prohibitif. Mais si
le tarif français est prohibitif et que le tarif allemand soit également
prohibitif, cela doit-il nous déterminer à favoriser l’industrie française et
l’industrie allemande ? Mais, messieurs, le tarif allemand n’est pas
prohibitif. Les chiffres de la section centrale sont là pour démontrer le
contraire. Le tarif allemand porte le droit à 4 fr. le kilogramme. La section
centrale a établi que ce droit appliqué à la bonneterie moyenne équivalait à un
taux moyen de 15 p. c.
Assurément, dans la position dans laquelle nous
sommes vis-à-vis de
Mais, dit le ministre, j’ai fait des essais et j’ai
trouvé, par les essais que j’ai faits sur plusieurs paires de bas, que le
système de la section centrale était vicieux. Mais je comprends, par les
explications dans lesquelles M. le ministre est entré, que les essais qu’il a
faits ont été isolés. En effet, il vous dit : Sur telle paire de bas le droit
sera de 10 p. c. ; sur telle autre, il sera de 25. Voyez quelle inégalité de
droits !
La réponse à cette objection est très facile. Il
n’est pas de négociant qui achète tous bas d’une même qualité, d’une même
espèce. Toute personne qui s’occupe de ce commerce vous dira que jamais on n’a
vu une expédition semblable. Cette sorte de marchandise veut toujours être
assortie de toutes qualités. Voilà pourquoi on a pris une moyenne pour établir
le taux du droit.
Cette critique d’ailleurs est celle qui peut être
faite de tous les articles du tarif établis au poids, si vous faites des
calculs isolés ; mais on vous répondra que dans le commerce on ne fait
ordinairement pas d’expédition d’objets tous d’une même qualité. Ce n’est pas
tout de faire venir de la marchandise, il faut la placer, et si elle n’est pas
assortie, elle ne sera pas facilement placée.
Cette critique ne doit donc pas vous arrêter ; et
encore une fois, c’est reproduire une critique contre un mode qui était en
question hier, mais qui ne l’est plus aujourd’hui. Vous avez rejeté cette
critique, en adoptant le mode de tarification au poids.
Dès lors, vous devez prendre un taux moyen. En
l’établissant à 15 p. c. sur la bonneterie moyenne et à 20 p. c. sur la
bonneterie fine et superfine, vous fixez réellement un droit très modéré. Il y
a une sorte de ces marchandises sur laquelle le droit serait devenu excessif :
ce sont ces objets de gros tricot, tels que caleçons, jupons, gilets, qui
pèsent beaucoup pour leur valeur. La section centrale, l’ayant reconnu, vous
propose pour cette espèce de marchandise un droit de 2 fr. seulement au kilog.,
c’est-à-dire la moitié du droit qu’on paierait en Prusse.
Ainsi quant à cette sorte de marchandise,
Si la section centrale a corrigé le tarif prussien
sur ce point, elle l’a perfectionné aussi sur un autre, en proposant un droit
plus élevé lorsque la marchandise est plus fine, parce qu’alors un moindre
poids à une plus grande valeur. Mais elle l’a établi de manière qu’il fût terme
moyen de 10 p. c. de la valeur, en bornant son calcul aux qualités qui
n’excèdent pas le prix de 50 fr. : au-delà et au fur et à mesure que la
marchandise a plus de valeur, le droit va en décroissant. Le motif qui l’a
déterminé à agir ainsi, on l’a déjà dit, est que la marchandise qui sous un
plus petit volume représente une plus grande valeur est plus facile à frauder.
Dès lors, il convient de la ménager beaucoup dans la tarification. C’est ce
qu’on fait. Tandis qu’au contraire la bonneterie qui a un volume et un poids
plus considérable pour sa valeur, étant plus difficile à frauder, vous devez
établir un droit qui protège efficacement l’industrie du pays.
Ici je rappellerai que des orateurs, dans la séance
d’hier, sur des informations spéciales qu’ils ont prises, ont établi que la
prime de la bonneterie importée de France en fraude était de 15 p. c. Cela fait
voir que le droit de 20 p. c. qui protège notre industrie est efficace, et que
si on veut le retirer, il faut y substituer un autre droit également efficace,
que nous ne pouvons pas mettre au-dessous de 15 p.c. Sur ce point, le ministre
semble avoir voulu nous mettre en contradiction avec nous-mêmes. Il dit que
dans certaines circonstances nous trouvons que la douane fait bien son service
et que dans d’autres elle le fait mal, que ses employés sont corrompus. Quant à
moi, je n’ai jamais présenté ces deux assertions et le fait que j’ai rappelé
hier et que je rappelle encore aujourd’hui, a été signalé par un autre orateur.
Je n’ai fait que tirer profit de ce que disait un
honorable membre qui attaquait le projet de la section centrale, et qui était
obligé de reconnaître qu’avec un droit de 20 p. c. à la valeur la prime allait
à 15 p. c.
Vous voyez donc que le tarif proposé par la section
centrale est loin d’être un tarif prohibitif ; sur la qualité moyenne à l’égard
de laquelle la fraude est plus difficile pour l’importer de France, on paie une
prime de 15 p. c. Or, le droit que nous proposons revient, taux moyen, à 15 p.
c., tandis que
Cela étant, messieurs, je ne comprends pas comment
la chambre pourrait prendre le parti de réduire d’un tiers les propositions de
la section centrale, c’est-à-dire de réduire le taux moyen du droit sur la
bonneterie commune à 10 p. c. et sur les qualités fines à 7 p. c. ; cela
réduirait le droit à un taux insignifiant.
Prendre un pareil parti, ce serait prendre celui de
sacrifier entièrement une industrie belge au profit d’industries étrangères ;
et cela dans quelle circonstance ? alors que les étrangers protègent
efficacement leurs industries contre la nôtre. Et cependant ou a parlé de
réciprocité, on a parlé de représailles.
L’honorable préopinant qui a parlé immédiatement
avant moi a dit que c’était pour arriver à des droits considérables que la
section centrale a imaginé la tarification au poids ; mais elle a emprunté ce
mode à nos voisins : tous l’admettent comme le plus sûr.
J’entends que l’on met ce point en contestation ;
il est cependant certain que le tarif prussien admet la tarification au poids
et que le tarif français l’admet également pour les sortes de bonneteries qui
peuvent s’introduire en France. Mais, pour celles venant de notre pays, il ne
s’agit pas de tarification au poids, puisque
Du reste, il n’est pas exact de dire que ce soit
pour arriver à des droits considérables que ce tarif a été imaginé, puisque les
droits sont modérés. Ils le sont en eux-mêmes et en raison des droits dont nos
marchandises sont frappées à l’étranger.
L’honorable préopinant a rappelé que
Quant à la prime d’exportation, on a dit qu’elle
n’était qu’une espèce de drawback ; on a cité l’article de loi d’après lequel
la restitution ne se ferait qu’au moyen de la justification du paiement de
droit à l’entrée de la laine étrangère ; mais on n’a pas répondu à l’objection
que la bonneterie en laine n’emploie pas de ces laines-là. Je demanderai à la
chambre, en raison de l’heure avancée, de continuer demain ces débats.
- La séance est levée à 5 heures.