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Note d’intention
Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du mercredi 1er mars 1837
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi portant le budget du département de la guerre pour
l’exercice 1837. Discussion générale. (A : Chiffre global du budget de la guerre,
nécessité d’une forte organisation militaire au vu de la situation diplomatique
de
3) Compte-rendu sur la situation du chemin de fer
(Moniteur belge n°61, du 2 mars 1837)
(Présidence de M. Fallon, vice-président.)
M. de Renesse fait l’appel nominal à midi et
demi.
M. Kervyn lit le procès-verbal de la séance précédente ; la
rédaction en est adoptée.
M. de Renesse. présente l’analyse des pièces
adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur
Armel-Marie Meinnel, né en France, embarqué à bord de
la canonnière n°4, en qualité de cuisinier, demande la naturalisation. »
- Renvoyé à M. le
ministre de la justice.
_________________
« Le sieur Jacques
Dewitte, ex-soldat au 4ème régiment de ligne, demande une pension pour la perte
d’un œil par l’ophtalmie. »
_________________
« Les sieurs Boucher frères, fabricants à
Tournay, demandent que la loi qui impose un droit de sortie sur les fils de lin
et d’étoupes soit rapportée. »
_________________
- Ces dernières
requêtes sont renvoyées à la commission des pétitions.
_________________
M. de Sécus écrit à la chambre pour l’informer qu’une
indisposition l’empêche d’assister à la séance.
_________________
M.
le ministre de la justice (M. Ernst) adresse à la chambre des
renseignements sur des demandes en naturalisation qui lui avaient été
renvoyées.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar) adresse à la chambre divers documents
relatifs au service de santé de l’armée.
M.
le président. - M. de Brouckere a proposé de renvoyer ces pièces à la
section centrale, qui a examiné le budget de la guerre, et qui serait chargée,
comme commission, de leur examen.
M. de Puydt. - La section centrale ayant déjà
examiné la question à laquelle se rapportent les pièces dont il s’agit, peut
l’avoir plus ou moins préjugée ; il me semble qu’il conviendrait de nommer pour
l’examen de ces pièces une nouvelle commission qui n’aurait pas encore une
opinion arrêtée sur la question dont elle aurait à s’occuper, et qui pourrait
par conséquent l’examiner avec plus d’impartialité.
M. Dubus (aîné). - Je ne vois pas d’avantages
dans la nomination d’une nouvelle commission ; la section centrale s’étant déjà
occupée spécialement de la question aurait moins de travail à faire pour
l’examiner : on dit que les membres qui la composent ont déjà plus ou moins
préjugé la question ; mais on peut en dire autant de chacun de nous : nous
pouvons aussi nous être formé une opinion ; j’appuierai donc le renvoi à la
section centrale.
M. de Puydt. - Je ferai remarquer que
la section centrale n’en sait pas plus que nous sur les pièces dont il s’agit puisque
ces pièces ne lui ont pas été communiquées ; quand j’ai dit que les membres de
cette section pouvaient avoir plus ou moins préjugé la question, j’entendais
que ce fût par suite des communications verbales qu’elle a eues avec M. le
ministre de la guerre. D’ailleurs, messieurs, la section centrale qui a examiné
le budget de la guerre n’est plus complète ; tout se réunit donc pour militer
en faveur du renvoi à une commission nouvelle.
- La proposition
faite par M. de Brouckere de renvoyer les pièces communiquées par M. le
ministre de la guerre, à la section centrale, comme commission, est mise aux
voix et adoptée.
M. Rogier. - Messieurs, dans le cours de
la séance d’hier, j’ai adressé à un honorable orateur une observation qui me
paraît avoir été tout à fait mal comprise par les sténographes. Il s’agissait
de l’intervention française lors de la prise de la citadelle d’Anvers. Un
honorable préopinant avait dit qu’il trouvait étonnant que le gouverneur
d’Anvers blâmât cette intervention ; et je répondis que je ne la blâmais
nullement, que je me faisais, au contraire, honneur de l’avoir provoquée.
Le Moniteur me fait dire : « Je ne
blâme pas cette intervention, mais je ne l’ai pas provoquée. » C’est là
une grave erreur que je tenais à rectifier, car je n’entends nullement renier
les actes du ministère dont je faisais partie, qui ont amené la prise de la
citadelle d’Anvers.
M. Jullien. - En parcourant le compte-rendu de la
séance d’hier, j’ai remarqué, messieurs, une erreur qui, si je ne la
rectifiais, pourrait peut-être donner lieu à des débats inutiles.
Voici cette erreur
qui, comme vous allez le voir, est d’ailleurs excusable ; on me fait dire :
« Certainement je n’irai pas voter de nouveaux fonds, dans la certitude où
je suis qu’ils serviront encore à acheter de nouvelles drogues, » tandis
que j’ai dit : « dons l’incertitude où je suis s’ils ne serviront pas,
etc. » Vous voyez, messieurs, que c’est là une erreur grave, et que ce qu’on
me fait dire est tout à fait contraire à la déclaration que j’avais faite en
commençant, que je n’entendais nullement préjuger la question dont il
s’agissait.
Discussion générale
M. de Man
d’Attenrode. - Les discours
remarquables, prononcés dans cette enceinte par d’honorables collègues qui
appartiennent à l’armée, nous ont tous convaincus, je n’en doute pas, de la
nécessité de renforcer notre état militaire. Quant à moi, j’en ai une
conviction profonde, et j’ai accueilli avec satisfaction les propositions que
M. le ministre de la guerre nous a faites dans ce but ; mais il me reste la
crainte que ses demandes ne soient pas suffisantes.
M. le ministre se
propose de renforcer l’infanterie de 2,120 rations pour l’année, ce qui ne
ferait à peu près qu’une augmentation de 141 hommes pour chacun de nos 15
régiments. Cette augmentation me semble trop peu considérable eu égard à la
force actuelle de nos bataillons de guerre. Les compagnies de ces bataillons,
d’après des informations sûres, sont composées de ;
50 fusiliers,
1 sergent-major,
4 sergents,
1 fourrier,
8 caporaux,
2 tambours,
soit 66 hommes ;
mais, déduction faite de ceux aux hôpitaux, malades au quartier, en jugement,
en désertion, en petite permission, il reste 55 hommes, chiffre qui serait
encore réduit avant de se trouver en présence de l’ennemi si l’on y marchait.
Nos régiments de
ligne sont actuellement composés de quatre bataillons ; je voudrais qu’ils
fussent réduits à trois, et composés chacun, pendant tout le cours de l’année,
de 600 hommes, ce qui porterait les bataillons de guerre de chaque régiment à
1,800 hommes. Le quatrième bataillon, composé du dépôt, pourrait être la
réserve dans nos places fortes sur la frontière de France. Les bataillons à 600
hommes devraient être complets pendant toute l’année sans pouvoir être réduits
par des congés accordés outre mesure.
La suppression d’un
bataillon de guerre par régiment donnerait la possibilité d’avoir les trois
autres plus forts par le cadre et par le nombre des hommes. Il est important
que le cadre soit fort, parce qu’il est destiné à recevoir encore 400 hommes en
permission, rappelés en cas de guerre, de manière à porter chaque bataillon à
1,000 hommes ; cela me semble d’autant plus important que c’est le seul mode de
troupes en réserve sur lequel le pays puisse compter actuellement en cas de
guerre. Qu’il me soit permis de dire à cette occasion mon opinion sur le
système d’une armée de réserve.
Ce système me
semble bon pour un grand pays, comme
Messieurs, l’on
vous a déjà entretenu de la loi de milice qui sert de base à la formation de
l’armée. Cette loi est vicieuse et n’est pas appropriée à nos besoins.
Le gouvernement
hollandais, habitué à se faire servir autrefois par des mercenaires étrangers,
comptait pour son armée de terre et de mer sur des enrôlements volontaires. La
loi de 1817 ne tendait à former que des corps de milice provinciaux, une espèce
de landwher ; c’est ce que nous apprennent les deux
premiers articles de cette loi. En effet, cette milice n’était tenue, avant
1830, que pendant un an sous les armes, et on la rappelait pour un mois
seulement pendant les quatre années suivantes. Cette organisation avait
peut-être aussi un autre but, celui de donner à peu de frais une teinture
légère du service militaire à toute la population, de manière à en former une
immense armée qui aurait achevé son éducation derrière celle de la
sainte-alliance en cas de guerre contre
Cette loi est
d’ailleurs des plus compliquées dans son application, et des plus désagréables
pour ceux qu’elle atteint ; le jeune homme qui a tiré au sort, après que le
conseil de milice a statué sur ses réclamations, n’est pas libéré du service ;
on ne l’exempte que pour un an s’il est dans les termes d’une exemption, il est
obligé de les faire valoir pendant 4 années, et les numéros les meilleurs sont
exposés à marcher si la classe qui tire au sort est insuffisante. L’inscrit se
trouve donc dans une position incertaine pendant 4 années, qui est des plus
désagréables.
Cette loi enfin
fait tirer au sort à 18 ans, âge où les jeunes gens n’ont pas encore les forces
nécessaires pour supporter les fatigues du service.
Qu’il me soit
permis d’appeler encore votre attention sur les sous-officiers : les cadres de
l’infanterie qui est l’âme de l’armée s’en vont, disparaissent : voilà ce que
nous disent tous les officiers supérieurs, et cela est si vrai qu’à l’heure
qu’il est, il manque 150 sous-lieutenants, 100 sergents, et au moins 600
caporaux dans les régiments d’infanterie ; il est des régiments que je pourrais
citer, où il manque 60 caporaux et où l’on a du mal à compléter les tambours.
Cet affaiblissement
des cadres est une chose des plus graves et qui exige toute la sollicitude du
gouvernement, pour arrêter un mal qui menace nos régiments d’une destruction
complète ; car sans caporaux pas de sergents, sans sergents pas de
sous-lieutenants, et aussi de suite.
L’on se demandera
les causes de cette disette de sous-officiers ; ces causes seront faciles à
vous exposer : la plupart des sous-officiers quittent le service une fois que
leur terme d’engagement est expiré ; ils le quittent parce qu’après avoir servi
pendant bien des années, sans avoir été jugés capables d’obtenir des
épaulettes, ils finissent par n’avoir aucune perspective d’avenir et
d’existence ; les moins distingués le quittent pour rentrer au service comme
remplaçants, et les meilleurs pour rentrer dans la vie civile, où le grand développement
de l’industrie leur donne mille moyens de faire leur chemin ; d’une autre part
il ne se présente que peu ou pas de volontaires, d’après l’art. 171 de la loi
de 1817, parce qu’un engagement volontaire de 5 ou 6 ans ne dispense pas les
miliciens de l’état provisoire de disponibilité dans lequel ils retomberaient
après avoir terminé leur temps. On est donc réduit à avoir recours aux
miliciens pour faire des sergents, des caporaux ; or, comme le gouvernement
n’exige que deux années de services consécutifs, et qu’après ce terme il
renvoie les hommes en congé de 6 mois, qu’il faut au moins 2 ans pour former un
soldat d’infanterie, l’envoyer à l’école régimentaire, et le rendre capable de
devenir sous-officier, il en résulte que quand l’homme est capable d’obtenir
des galons, il préfère le congé illimité que lui accorde le gouvernement au
grade de sergent ou de caporal. Les chefs de corps se trouvent ainsi dépourvus
de sous-officiers, et c’est à un tel point que si l’on voulait compléter les
sous-lieutenances qui sont vacantes, le cadre des sous-officiers disparaîtrait
entièrement.
Je demande au
gouvernement de prompts remèdes à d’aussi graves inconvénients, et je ne doute
pas que nous ne soyons tous disposés à lui prêter tout notre appui.
Je me permettrai de
signaler, malgré mon inexpérience, les moyens suivants :
1° Assurer au
militaire qui aura servi honorablement son pays pendant 10 ans comme sergent,
une place civile qui lui assure une existence honorable ;
2° Accorder une
prime d’engagement volontaire pour l’infanterie ;
3° Assurer un
congé, après l’expiration de son service définitif, à tout milicien qui
s’engagera volontairement pour 5 ou 6 ans : le désir de s’affranchir de la
position incertaine des congés illimités produira beaucoup d’engagements ;
4° Exiger des remplaçants à un service de 5 années consécutives au vœu
de la loi.
Jusqu’ici il n’en a
pas été ainsi ; le milicien tire au sort à 18 ans ; s’il est jugé apte, il est
immatriculé et il n’est appelé au service actif qu’a 20 ans ; ceux qui remplacent
ne sont obligés de produire leurs remplaçants qu’à cette époque, puis ils sont
renvoyés en congé comme les autres.
Je terminerai en
vous disant quelque chose des écoles régimentaires. Ces écoles sont établies
aux dépôts ; il en résulte que les miliciens des bataillons de guerre ne les
suivent pas. Les chefs de corps ne parviennent pas à déterminer les soldats à
aller au dépôt pour s’instruire ; s’ils en avaient l’occasion dans leurs
garnisons, les écoles seraient plus fréquentées et produiraient plus de
résultats.
M. de Puydt. (pour une motion d’ordre.) - A la
fin de la séance d’hier, l’honorable ministre des finances a présenté quelques
observations très brèves, très peu développées, mais qui tendaient à détourner
en grande partie la question du terrain où elle était placée. Si sous
l’influence de cette direction nouvelle, l’opinion de la chambre pouvait être
entraînée, je n’hésite pas à le dire, il en résulterait, au moment où l’on s’y
attendrait le moins, les plus grands malheurs.
Ce n’est point ici
un jeu d’enfants, messieurs ; la question est grave, elle doit être traitée
sévèrement. Ceux qui ont commencé cette discussion sont entrés à vif fond dans
la question, ils ont parlé en connaissance de cause. Nous ne pouvons permettre
qu’elle soit éludée. Il faut ici une solution complète. Il ne faut pas de
demi-mesures, pas de tempéraments. Nous devons avoir tout à fait tort ou tout à
fait raison, car il s’agit du salut public.
Je ne considère
donc pas comme réfutation suffisante, ce que peuvent avoir dit quelques
orateurs qui n’ont fait qu’effleurer les considérations importantes dont j’ai
appuyé mon opinion en faveur de l’imminente nécessité d’un armement plus
considérable.
Je ne puis surtout
laisser passer le discours de l’honorable ministre des finances, sans lui faire
une interpellation.
Voici ce que j’ai
annoté hier de ce discours pendant qu’il le prononçait :
« L’armée
n’est pas désorganisée, elle n’est pas démoralisée, elle n’a besoin que de
quelques hommes et de quelques chevaux de plus, elle n’a besoin que de quelques
nominations d’officiers pour pouvoir se présenter à l’ennemi. »
Pour présenter les
faits avec autant d’assurance, et cela dans une circonstance aussi solennelle ;
pour parler de l’esprit militaire, du moral de l’armée ; pour juger sa force
numérique et ses besoins, il faut quelque chose de plus que l’examen
superficiel dont un ministre des finances, très occupé d’ailleurs, peut
accidentellement l’honorer.
Il faut avoir vu
cette armée dans son ensemble et dans ses délais, il faut en avoir étudié les ressorts, comparé les
éléments, suivi les progrès. Or, je demanderai à cet honorable ministre où il a
été puiser les convictions qu’il exprime ; si c’est auprès des chefs de
l’armée, si c’est auprès de ceux qui la commandent et la font mouvoir, si c’est
auprès de ceux sur qui pèserait la plus grave des responsabilités, en cas
d’événements inattendus ou possibles.
Je lui demanderai
si cette pensée si positive, si contraire à celle que nous avons émise, est sa
pensée propre, ou si c’est celle du cabinet dont il fait partie.
Pour mettre
l’honorable ministre à son aise, je lui dirai que mon opinion à moi, celle que
j’ai développée dans la séance d’avant-hier relativement à l’insuffisance de
l’arme active, je la tiens de l’armée elle-même dont je fais partie et où elle
est répandue ; pour la contredire, il faut être sûr de son fait.
Je sais très bien que dans une discussion de cette nature, quand un
ministre parle, il ne le fait ordinairement qu’au nom du cabinet. Je sais qu’en
général il est indifférent que ce soit l’un ou l’autre des membres du
gouvernement qui s’exprime au nom de tous. Mais, dans la circonstance actuelle,
j’attache plus d’importance à ce que peut dire le ministre de la guerre qu’aux
discours de ses collègues. Je demanderai donc aussi à l’honorable M. d’Huart
s’il est parfaitement d’accord avec le ministre de la guerre, pour faire si bon
marché de nos moyens de défensifs.
Enfin, pour être
aussi explicite que possible, je demanderai à l’honorable ministre des finances
de répondre aux questions suivantes :
« Le ministère
admet-il que l’armée hollandaise puisse, dans une circonstance donnée, franchir
la frontière et venir attaquer nos lignes à l’improviste ? »
Le ministère
peut-il répondre que dans l’hypothèse d’une semblable attaque, notre armée soit
numériquement aussi forte que l’armée hollandaise ?
Enfin, le ministère
répond-il que les prévisions du budget de la guerre avec les amendements
proposés assurent complètement la défense du pays, dans la même hypothèse ?
M. le ministre des finances (M. d'Huart). -
Messieurs, je pense qu’il me sera très facile de répondre aux différentes
interpellations de l’honorable préopinant.
Les observations
générales que j’ai présentées dans la séance d’hier m’ont été suggérées
purement et simplement par l’objet même de la discussion ; je me suis dit que
si avec les deux millions d’augmentation qu’on propose au budget primitif de la
guerre, pour le personnel en 1837, on admet que le gouvernement puisse mettre
l’armée dans un état de défense convenable, je me suis dit, je le répète, que
si ces moyens étaient suffisants, on n’était pas admis à prétendre que l’armée
était démoralisée, désorganisée. Et j’ajouterai d’ailleurs que les honorables
préopinants et principalement l’orateur auquel je réponds n’ont pas du tout
démontré le contraire.
Messieurs, nous nous en rapportons, en ce qui concerne l’armée, aux
connaissances spéciales de M. le ministre de la guerre. Nous appuyons donc
franchement avec lui la demande de crédits supplémentaires qui a présentée à la
chambre ; mais en même temps que nous partageons l’opinion de M. le ministre de
la guerre sur la nécessité des mesures qu’il projette, nous ne pouvons croire
avec certains membres de cette assemblée que l’augmentation de deux millions
serait de nature à refaire de suite l’armée, si réellement elle était délabrée
comme on l’a dit.
Quoiqu’il en soit,
nous pensons qu’au moyen des allocations sollicitées l’armée sera à même de
repousser dans l’état actuel toute agression de l’armée hollandaise.
Si cette armée
venait à être renforcée ou plus concentrée, nous devrions augmenter et
concentrer aussi le nombre de nos troupes en proportion. Mais dans l’état
actuel de l’armée hollandaise, je le répète, si les chambres, comme je me plais
à le croire, donnent au ministre de la guerre tous les moyens que le
gouvernement vous demande, l’armée sera en position de repousser
victorieusement une invasion que tenterait l’ennemi.
M. Goblet. - Messieurs, vous avez entendu hier faire le
reproche d’exagération à la plupart des orateurs qui se sont fait entendre dans
cette discussion.
Je prends trop
rarement la parole dans cette enceinte pour laisser croire que je puisse le
faire avec légèreté ; je ne puis donc pas accepter pour moi le reproche que
vous avez entendu.
Je ne me suis
déterminé à m’exprimer comme je l’ai fait, qu’après y avoir bien mûrement
réfléchi, et je déclare n’avoir pas une de mes assertions à retirer ni même à
adoucir. C’est consciencieusement que je les ai soumises à la chambre, c’est
parce que, depuis longtemps, j’étais fortement oppressé par l’idée des
résultats où pouvait nous conduire la voie dans laquelle l’on était entré
relativement à l’armée, que je me suis décidé à rompre le silence.
Mais, messieurs,
comme la discussion a été longue, il serait possible que l’on ne se souvînt pas
bien quels sont les griefs énoncés par les uns, quels sont ceux énoncés par les
autres. Je crois donc devoir résumer, en peu de mots, les lacunes que j’ai
signalées.
D’abord, dans
l’état ordinaire de l’armée, je trouve :
1° Un effectif trop
faible ;
2° Des cadres
incomplets ;
3° Une dislocation
très défectueuse.
En second lieu,
dans l’état de l’armée, en cas de la mise en mouvement du contingent de 110,000
hommes :
1° Un accroissement
de l’inconvénient de l’incomplet des cadres dans l’armée active ;
2° Une absence
presqu’absolue de cadres dans l’armée de réserve ;
3e Une cavalerie et
une artillerie de beaucoup inférieures à ce qu’exigent les proportions
généralement admises entre les différentes armes.
Enfin, dans toutes
les situations de l’armée, soit sur le pied ordinaire, suit dans le cas de la
mise en mouvement du contingent entier :
Absence complète de points d’appui sur la frontière que l’on doit
défendre.
Je ne pense pas,
quoi qu’on en ait dit, que M. le ministre de la guerre soit disposé à contester
en rien la vérité des divers points compris dans cette énumération, et ce
serait d’ailleurs en vain, car ce sont des faits évidents pour tous ceux qui
veulent voir.
Eh bien ! si M. le
ministre admet ces faits, je le prie de vouloir bien nous dire :
1° Si, au moyen des
sommes qu’il a demandées, il peut combler toutes les lacunes que j’ai signalées
;
2° Si avec des
sommes plus considérables, il ne pourrait pas plus efficacement y travailler ;
3° S’il y a
quelques inconvénients à ce qu’une somme plus forte qu’un million soit affectée
à l’organisation matérielle de la frontière du Nord ;
4° Si, dans le cas
de l’insuffisance des crédits demandés, les amendements qui pourront être
proposés dans le but de les augmenter convenablement, auront la chance d’être
appuyés par le ministre ;
5° Enfin, si ce
sont encore des motifs de pure économie qui s’opposent à ce que l’armée soit
placée dans la situation qui lui est indispensable pour nous garantir le succès
de ses efforts.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Une
des observations que M le ministre des finances vient de faire est celle par laquelle
je voulais répondre aux différentes objections des honorables membres qui
viennent de parler. M. le ministre des finances a rappelé, en substance au
moins, l’objet même des amendements que j’ai proposés à la chambre et qui a été
indiqué dans l’exposé des motifs.
En proposant des
augmentations au budget de la guerre, j’ai déclaré que mon intention avait été
de pouvoir placer notre armée dans une attitude défensive aussi imposante que
l’attitude offensive de l’armée hollandaise me paraît menaçante.
Il résulte
évidemment de là que ce que je me suis proposé, c’est de donner une force
relative à notre armée, et non sa plus grande force absolue que je regarde
comme représenté par le contingent de 110,000 hommes que la chambre vote
annuellement.
Cela posé, je puis
répondre à la première question, ainsi conçue :
« Au moyen des
sommes demandées, l’armée belge peut-elle être mise en état de recevoir avec
avantage et de repousser une attaque de l’armée hollandaise ? »
Je répondrai d’une
manière affirmative, en prenant l’armée hollandaise telle qu’elle est organisée
maintenant.
Mais dès l’instant
où cette organisation changerait, et où il viendrait à ma connaissance que les
régiments de l’armée hollandaise sont renforcés, je regarderais comme
insuffisante l’organisation nouvelle que je propose, et je demanderais
sur-le-champ les moyens de l’augmenter. Je prendrais même sur moi, en attendant
que la chambre eût cru pouvoir m’accorder de nouveaux moyens, de renforcer
notre système de défense.
Ceci répond
d’avance à la deuxième question posée par l’honorable préopinant.
A la troisième
question : un million de plus ne pourrait-il pas être affecté à la construction
de forteresses sur la frontière du Nord ? Je puis répondre que c’est là
véritablement une pure question d’économie. Il est bien certain que notre
frontière du Nord étant complètement dégarnie de forteresses, nous pourrions
utilement consacrer des sommes considérables à la garnir de places fortes.
Je dis
« utilement, » car je ne suis pas convaincu que, pour le cas que nous
avons à craindre, cette dépense soit d’une absolue nécessité. Je ne parle pas
ici de donner au pays pour toujours une force défensive suffisante pour le
mettre en état de défendre par lui-même sa neutralité. Je parle uniquement de
la possibilité d’une attaque subite de l’armée hollandaise que je regarde
toujours comme pouvant faire une telle attaque, et comme étant peut-être
destinée à la faire.
Si une telle
attaque avait lieu, elle ne pourrait pas, je crois, entraîner des hostilités
prolongées entre les deux pays : il est évident qu’il y aurait immédiatement ou
intervention ou une guerre générale dans laquelle les forteresses que nous
pourrions construire joueraient un rôle très peu important.
Dans cette position
particulière de la possibilité d’une attaque qu’il s’agit de repousser, je
pense satisfaire suffisamment à la nécessité d’un point d’appui pour notre
armée réduite aux proportions strictement nécessaires, en créant une bonne
place d’armes sur le Demer.
L’honorable général
a demandé si les amendements qui auraient pour objet de donner une force plus
grande à l’armée avaient la chance d’être appuyés par moi.
Comme ministre de
la guerre, je répondrai oui. Il est certain qu’un ministre de la guerre doit
désirer que les forces de l’armée soient aussi considérables que possible,
parce que sa responsabilité personnelle est beaucoup plus engagée que celles de
ses collègues ; par conséquent, tout ce qui peut lui donner plus de garantie
qu’une tentative d’invasion n’aura pas lieu, doit trouver de l’appui chez lui.
Cela ne doit pas
empêcher le ministre d’apprécier les motifs d’économie qui doivent être pris en
considération, quand ils peuvent l’être sans inconvénients, et qui l’engagent à
ne faire que le nécessaire en ce moment, sauf à ajouter chaque année quelque
chose à l’organisation de l’armée, et à recourir aux grands moyens, si une
attaque plus générale semblait devoir menacer le pays.
Je viens de
répondre à la cinquième question de l’honorable général, en disant que ce sont
des vues d’économie qui empêchent de mettre immédiatement l’armée sur le pied
de guerre le plus fort possible.
Car il est bien
certain que le pays serait beaucoup plus à l’abri de toute espèce d’invasion,
de menace contre son indépendance, s’il avait une force militaire beaucoup plus
imposante.
Je pense,
messieurs, avoir répondu aux questions qui ont été posées par l’honorable M.
Goblet. Je crois aussi devoir discuter quelques-unes des objections qu’il a
faites contre la situation actuelle de l’armée.
L’honorable général
a demandé si dans l’état actuel des choses, notre effectif n’était pas trop
faible. Je répondrai à cela que c’est parce que je l’ai trouvé trop faible que
j’ai proposé de l’augmenter. Et, à ce sujet, je prierai la chambre d’observer
que cette augmentation ne se réduit pas aux 2,100 hommes, dont il est fait
mention dans les amendements, mais que déjà au budget primitif de 1837, il a
été proposé une augmentation de 1,600 hommes, de manière qu’il y a une
augmentation réelle de 3,700 hommes.
Je dis ceci pour
répondre également à une observation de l’honorable M. de Man.
Le général Goblet a
demandé aussi si nos cadres n’étaient pas incomplets. Oui, messieurs, nos
cadres sont incomplets, cela résulte de tous les développements du budget. Je
regarde comme un point très important de les mettre au complet dans le plus
bref délai, en procédant toutefois avec tout le discernement possible, à
l’effet de faire de bons choix.
L’honorable général
a affirmé ensuite que la dislocation actuelle n’était pas bonne. J’ai également
annoncé, messieurs, l’intention de la changer ; dans les réponses que j’ai
faites avant-hier, je n’ai de nouveau déclaré cette intention. La dislocation
actuelle est administrativement bonne, ainsi qu’il l’a dit lui-même mais elle
n’est pas suffisamment militaire, et elle doit être changée.
En conséquence
j’avoue que dans leur énoncé général, je trouve fondés les griefs que
l’honorable Goblet a allégués et que j’ai énumérés. Je ne les ai pas rencontres
tous. L’honorable général dit encore que dans l’état actuel des cadres, il
serait impossible de porter l’armée au grand complet du contingent de 110,000
hommes. Je suis aussi de cet avis ; et même pour compléter l’armée dans les
proportions du budget, ces cadres seraient très faibles pour recevoir une armée
active et organisé d’une manière convenable une armée de réserve.
Dans son premier
discours le même orateur a fait observer qu’en 1834 les cadres s’étaient
appauvris de plus de 500 officiers. Je répondrai que ces officiers sont restés
dans le pays.
Ce sont des officiers
de garde civique et anciens militaires ou des personnes qui, par leur
instruction, leur position antérieure, étaient capables d’être officier . Au
moment où le pays a eu besoin de leurs services, il a fait appel à leur
patriotisme, et ils ont répondu à cet appel. Un second appel du pays les
trouverait bientôt au poste qu’il leur assignerait.
Je ne dis pas que
des cadres ainsi composés soient excellents, et cependant je suis aussi d’avis
que nous avons besoin plus qu’aucun autre pays de cadres excellents. Mais ces
officiers que nous introduirions dans les cadres, rendraient d’autant plus de
services qu’ils y trouveraient des hommes plus instruits, plus expérimentés.
Ils auraient eux-mêmes l’expérience qu’ils ont acquise par leur présence de
quelques années sous les drapeaux. C’est une ressource sur laquelle nous ne
devons pas trop compter ; nous devons même tâcher de pouvoir nous en passer en
organisant les cadres de l’armée active et de l’armée de réserve ; mais c’est
une ressource que nous trouverons en cas de besoin.
Pour les régiments
de réserve, les sommes demandées au budget ne sont pas suffisantes pour les
mettre en état de rendre les services qu’on peut en attendre. Il faudrait y
appeler les officiers en ce moment dans leurs foyers ou détacher des officiers
de l’armée active.
Cela pourra avoir
lieu dans peu de temps. Comme j’espère que la chambre accordera les crédits que
je lui ai demandés, aussitôt que la chose sera possible je m’occuperai à
compléter les cadres, et on pourra prendre un petit nombre d’officiers de
l’armée active pour mettre les régiments de réserve sur un pied convenable.
Je crois avoir
rencontré toutes les objections de l’honorable général Goblet.
Puisque j’ai parlé
des régiments de réserve je répondrai aux craintes exprimées par M. de Man que
les régiments de réserve ne rendaient pas les services qu’on en attend. Je
crois que le seul motif pour lequel les régiments de réserve ne rendraient pas
ces services est l’état incomplet de leurs cadres. Les hommes qui composent les
régiments de réserve présentent toute garantie d’utilité, car ils sont dans la
force de l’âge et récemment libérés du service actif.
La disposition des
régiments de réserve dont le lieu de réunion est le chef-lieu de la province
habitée par les miliciens qui les forment, rend leur rassemblement plus facile
et plus prompt même que celui des régiments de l’armée active, parce que les
miliciens de ces régiments ont leur dépôt plus éloigné et qu’ils doivent passer
de chez eux au dépôt pour chercher leurs armes.
A propos de la
réponse que j’avais faite à la séance du 27 février relativement aux dépôts, un
autre honorable membre, je crois M. Desmanet de Biesme, a fait observer que la
situation des dépôts éloignés des corps présentait de graves inconvénients.
Pour le cas de
prompt rassemblement des troupes, cette observation est juste. Elle n’avait pas
échappe à mon attention.
Il est certain
qu’au moment d’un prompt rassemblement, on ne pourrait pas forcer les miliciens
d’aller au dépôt et du dépôt à leur régiment ; il y aurait des mesures
administratives à prendre pour épargner aux militaires une bonne partie du
trajet. Ces mesures on n’y ferait pas faute.
Je n’ai pas
l’intention de répondre en ce moment à tous les discours prononcés, mais
j’éprouve le besoin de répondre quelques mots aux observations de M. Jullien
que j’ai ajourné, dans la prévision que je pourrais avoir à faire la même
réponse à d’autres orateurs.
L’honorable membre
a paru croire que de ce que une pièce déterminée relative aux abus qu’on a
reprochés au service de santé n’était pas produite, il ne serait pas à possible
la chambre d’éclaircir la question, d’y jeter assez de lumières pour pouvoir la
résoudre. Là messieurs n’est pas la question. Il s’agit de voir si l’opinion
d’un certain nombre de personnes nominativement désignées est indispensable
pour jeter ces lumières sur la difficulté : c’est là toute la question. ; elle
est de savoir si le travail d’une commission ne pourrait pas être refait d’une
manière efficace par une autre commission qui a tous les éléments qui auraient
été fournis à la première commission et d’autres documents qui ont été publiés
depuis le rapport. Il est important, je crois, que cette distinction n’échappe
pas à la chambre.
L’honorable membre
a parlé du droit d’enquête qui appartient à la chambre. Certes, il n’est pas
entré dans ma pensée de vouloir y porter atteinte ; mais je crois que ce droit
doit rencontrer des limites, quand ce ne serait que dans ce que conseillent la
raison et le jugement.
Ce sont des motifs
de ce genre qui m’ont déterminé à refuser de communiquer à la chambre cet acte
d’une nature particulière. Je comprends la portée de mes paroles, je sais que
la chambre a son ultima ratio contre laquelle il n’y
a rien à dire. Je ne me dissimule pas les conséquences qu’elle pourrait avoir.
Je dois également
profiter de cette occasion pour rappeler que déjà à différentes reprises j’ai
dit que je désirais que la plus grande publicité fût donnée à cette affaire. En
parlant ainsi j’avais surtout en vue de faire en sorte que les inquiétudes
qu’on a dit exister à l’égard du service sanitaire ne pussent continuer ou se
propager. Pour moi, je regarde ces inquiétudes comme très exagérées. Avant mon
entrée au ministère, j’ai eu plusieurs fois occasion de visiter quelques-uns de
nos hôpitaux, et, en général, je les ai toujours trouvé bien tenus,
remarquables par la propreté, l’ordre et un air de bien-être plus grand que
dans les établissements de ce genre d’autres pays que j’ai eu occasion de voir.
D’ailleurs une
observation qui ne peut pas échapper à la chambre, c’est que ces accusations
répétées n’ont été que les échos d’une même accusation. Je crois devoir donner
à la chambre quelques détails sur les garanties que présente le service de la
pharmacie centrale, garanties que je crois avoir augmentées, en plaçant le
contrôle de ce service dans les attributions du corps de l’intendance
militaire. C’est là une des mesures que j’ai prises.
La pharmacie
centrale est chargée d’envoyer aux hôpitaux du pays les médicaments dont ils
ont besoin et surtout les médicaments composés.
Lorsque des
médicaments quelconques sont fournis à la pharmacie centrale, c’est par l’effet
d’une adjudication. Quelquefois, lorsque des substances ont été omises au
cahier des charges, et que les besoins sont très restreints, on les achète par
marchés particuliers. Mais lorsque des médicaments sont fournis à la pharmacie
centrale, des médecins, qui ne sont pas toujours les mêmes, sont désignés pour
en faire la vérification et la réception. Voilà une première garantie.
Quand ces
médicaments sont distribués aux hôpitaux, les chefs des établissements doivent
les examiner de nouveau avec l’aide des pharmaciens et de tous les officiers
adjoints qui dressent procès-verbal de la qualité qu’ils leur reconnaissent.
S’ils en trouvent qui ne soient pas de nature à produire l’effet qu’on doit en
attendre, leur devoir est d’en renvoyer le tout en l’accompagnant de leurs
observations et de ne pas les mettre en usage.
J’ajouterai un fait
dont la chambre n’a pas peut-être perdu le souvenir. Lorsque les rumeurs se
sont grossies contre le service de santé, sur la demande du ministre de la
guerre, une commission spéciale fut nommée par le ministre de l’intérieur,
laquelle se transporta, sans qu’aucun avertissement eût transpiré au-dehors, à
la pharmacie centrale, vérifia les médicaments qu’elle renfermait, et dans le
procès-verbal qu’elle dressa, déclara qu’elle avait trouve tout de bonne
qualité. Je pense que cette explication pourrait faire cesser ou calmer au
moins les inquiétudes qu’on a dit exister à ce sujet.
L’honorable M.
Desmet a dit qu’à Gand les miliciens éprouvaient de la répugnance à entrer à
l’hôpital. J’avoue que rien de semblable n’est parvenu à ma connaissance ; si
j’avais été informé de ce fait, je me serais empressé de le vérifier et de
tâcher d’en découvrir la cause.
L’honorable M.
Jullien a traité, dans son discours, un autre point d’une grande importance.
C’est celui des excès commis en différentes rencontres par des soldats. Il n’a
pas précisé les faits, mais je pense qu’il a voulu faire allusion aux affaires
d’Oorderen et de Wasmes. Je ne puis mieux faire que
de dire qu’aussitôt que ces événements m’ont été connus, j’ai fait faire les
investigations les plus sévères et ordonné que toutes ces affaires fussent
examinées et poursuivies, et que justice rigoureuse fût faite.
L’instruction de
l’affaire de Wasmes n’est pas encore terminée : par conséquent on ne peut pas
savoir quel en sera le résultat. Celle d’Orderen fut
poursuivie à trois reprises différentes, parce que l’autorité judiciaire civile
d’abord, ensuite l’auditeur militaire ayant déclaré n’avoir pas trouvé de
charges suffisantes pour diriger des poursuites, de nouvelles enquêtes ont été
ordonnées. Et il est résulté des recherches qui ont été faites qu’il était
difficile de préciser les auteurs véritables de l’agression.
A ce sujet on a
parlé des armes portées par les militaires hors du service : je commencerai
d’abord par apprendre à la chambre ce qu’elle ne sait probablement pas, c’est
que dans l’affaire de Wasmes les soldats n’étaient pas porteurs de leurs armes.
Ils étaient dans un cabaret avec les habitants du village ; une querelle
s’éleva, et les soldats allèrent chercher leurs armes dans leurs logements ; ainsi
quand même vous retireriez les armes aux soldats hors le service, vous ne les
empêcheriez pas de retourner à leurs logements pour les prendre.
M. Manilius. - Mais la garde de police !
(Note du webmaster : Au Moniteur belge
n° 63 du 3 mars 1837, on pouvait lire ce qui suit :
« A M. le directeur du Moniteur belge.
« Monsieur,
« La réplique que j’ai faite hier à une partie
du discours de M. le ministre de la guerre se trouve fidèlement reproduite dans
le compte-rendu de la séance, mais d’une manière ridicule parce que vous n’avez
pas reproduit avec la même fidélité toutes les paroles proférées par M. le
ministre sur lesquelles ma réponse était applicable. Je vous prie donc,
monsieur, de vouloir redresser cette erreur, en insérant dans votre journal que
c’est sur l’objection que les militaires pouvaient aller prendre leurs armes à
leur logement à la caserne, que j’ai objecté à mon tour « mais la garde de
police. »
« Je ne relèverais pas cette inexactitude si
déjà je n’avais à me plaindre pour un cas à peu près semblable.
« C’est ainsi que dans la discussion du
budget du ministre des travaux publics, vous me faites dire, dans le
compte-rendu de la séance du 21 février dernier, que l’on tracasse les petits
charretiers pour le transport des lettres, tandis qu’ils n’ont que cette
profession pour vivre. Dire cela eût été ridicule de ma part ; mais j’ai dit
que si l’on étendait la rigueur aux petits charretiers des campagnes qui ne
font pas de voyages réguliers et qui ne transportent d’autres lettres qu’une
lettre de convoi ou lettre de voiture, à la vérité fermée ; parce qu’elle
désigne souvent les objets pour le retour. « Cette rigueur gêne beaucoup,
ai-je dit, les malheureux charretiers des campagnes, qui n’ont que cet état
pour vivre, et qui, par des procès-verbaux qu’on dresse contre eux, en sont à
plus de frais qu’ils ne gagnent. »
« Rien de semblable n’a été reproduit dans le
compte-rendu, et cependant voyez plus loin la réponse de M. de Brouckere, et
vous serez convaincu qu’il n’y a point de doute sur ce que j’avance.
« J’attends donc la rectification demandée ou
l’insertion de ma lettre.
« Agréez, monsieur, l’assurance de ma parfaite
considération.
« F.-A. Manilius, représentant. »)
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Cette
question des armes des soldats, je ne crains pas de l’aborder ; elle se traite
depuis la paix. Depuis 1814, on ne cesse de s’occuper de cette question en
différents pays, et en France surtout ; et quoiqu’elle soit devenue l’objet des
méditations des hommes d’Etat, on n’a pu la résoudre autrement qu’elle ne
l’est.
Dans une des
séances précédentes, et à propos de la discussion de son budget, M. le ministre
de la justice vous a exposé les véritables motifs qui empêchaient de changer,
en cela, l’organisation militaire. C’est que ces choses tiennent à l’esprit
militaire. Et dans notre pays cet esprit n’est pas assez vivace pour que l’on
ne doive pas craindre d’y porter atteinte d’une manière quelconque. C’est, si l’on
veut, un préjugé militaire ; mais c’est un préjugé qui existe : la cavalerie,
l’artillerie, le génie, les compagnies d’élite de l’infanterie, et les
sous-officiers, ont, de temps immémorial, l’idée qu’ils doivent porter leurs
armes ; et si on les leur ôtait, cela blesserait profondément leur
amour-propre, cela pourrait porter le mécontentement dans leurs esprits, cela
priverait le soldat d’une distinction utile pour stimuler le zèle, et tout cela
ferait un grand mal.
On doit d’ailleurs observer que les événements dont il s’agit font plus
de sensation par les récits qu’on en fait que par leur fréquence : je ne veux
certes en excuser aucun, et j’ai donné les ordres les plus positifs pour qu’ils
soient poursuivis avec la plus grande rigueur ; mais ôter les armes aux
militaires ne serait pas couper le mal par la racine.
Ce n’est pas
seulement avec des armes qu’on peut se faire des blessures graves dans des
combats, dans des rixes : j’ai été assez longtemps administrateur d’une prison
où il y avait beaucoup de détenus ; et les faits dont ils étaient coupables
pour la plupart étaient la suite de querelles vidées à coups de bâton.
Ainsi, avec le bâton, on peut commettre de grands crimes. Le briquet du
soldat n’est pas une arme si terrible pour qu’on ne puisse s’en défendre avec
le bâton, ou pour qu’on ne puisse faite autant de mal avec le bâton.
J’attendrai la
suite de la discussion pour donner de nouvelles explications.
M. de Puydt. - En demandant de nouveau la parole,
je voulais répliquer à ce que vient de dire M. le ministre des finances, parce
qu’il me semblait que sa réponse n’était pas assez explicite ; mais les
explications que le ministre de la guerre a données doivent suffire ; elles me
serviront à me guider pour les amendements que je voudrais appuyer, ou pour
ceux que je croirai devoir faire moi-même.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je me
suis élevé hier avec force contre ce que j’ai appelé des exagérations relativement
à ce qu’ont dit des orateurs sur la prétendue désorganisation et la
démoralisation de l’armée. Je répète aujourd’hui, et je me plais à le croire,
que notre armée n’est ni désorganisée, ni démoralisée ; et si quelque chose
m’étonne dans cette circonstance, c’est que ce soient précisément des officiers
supérieurs de l’armée qui réclament contre ce que j’ai répliqué à ce sujet.
Mais voyons si ce qu’on vient de me répondre peut être de nature à me faire
revenir de mon opinion à l’égard de la situation morale et matérielle de
l’armée. Voici le résumé du discours du général Goblet, fait par lui-même : 1°
l’effectif de l’armée est trop faible ; 2° les cadres sont incomplets ; 3° il y
a vice dans la dislocation ou dans la position des troupes ; 4° il y a absence
de points d’appui vers
L’effectif est trop
faible : le gouvernement vous demande de l’augmenter.
Les cadres sont incomplets : on vous demande les sommes pétitionnées au
budget pour nommer trois ou quatre cents officiers qui manquent, s’il est
possible de les trouver en 1837.
La position des
troupes n’est pas telle qu’elle devrait être : mais on demande les moyens de
mieux répartir les troupes.
On vous demande de
plus les moyens de faire quelques ouvrages de défense vers
Mais dans tout cela
peut-on trouver le moins du monde que l’armée soit désorganisée, soit
démoralisée ?
Je suis
véritablement surpris que l’on m’adresse des reproches relativement à ce que
j’ai dit hier : oui, je tiens à honneur de déclarer dans cette enceinte que
dans ma conviction l’armée n’est pas dans l’état déplorable où on voudrait la
représenter, et qu’il suffit d’augmenter sa force numérique et de perfectionner
quelques moyens de défense pour qu’elle soit capable de lutter avec avantage
contre les ennemis du pays. Voila ce que j’ai dit, et je ne rétracte pas une
seule de mes paroles.
M. de Puydt. - Je demande la parole
pour un fait personnel. Je suis obligé de demander au ministre des finances où
il a été chercher que j’avais parlé de la désorganisation et de la
démoralisation de l’armée. Mes paroles sont imprimées, on ne peut se tromper
sur mes expressions.
La seule chose dont
il soit question dans le débat, et sur laquelle nous sommes d’accord, c’est que
l’armée est trop faible ; vous convenez de ce fait : eh bien, qu’arrive-t-il de
là ? C’est que dans des corps trop affaiblis, le soldat, sachant qu’il n’est
pas en nombre, n’a plus la même confiance dans le résultat des coups qu’il
porte ; il craint que son dévouement ne fasse pas assez d’effet sur un ennemi
qu’il voudrait terrasser, c’est une espèce de démoralisation. Mais personne de
nous n’a dit que l’armée fût sans organisation et démoralisée, dans le sens
absolu, c’est-à-dire, sans dévouement ; membre de l’armée, je proteste contre
de pareilles assertions.
Nous voulons
augmenter l’armée, vous le voulez aussi ; nous vous disons que l’augmentation
que vous proposez est trop peu considérable, que les sommes demandées au budget
de la guerre ne sont pas suffisantes, voilà la différence.
M. Dumortier. - Je demande la parole
pour une motion d’ordre.
La discussion qui
vient de s’ouvrir est assez singulière. Lorsqu’on a voulu faire voter les lois
d’intimidation qui tendaient à mettre l’armée sous la dépendance du pouvoir
exécutif, on vous disait que l’armée était désorganisée ; aujourd’hui on
soutient qu’elle ne l’est pas ; j’aime à entendre ainsi le pour et le contre
sortir des bancs ministériels, à six mois d’intervalle. Quand à moi je ne ferai
pas d’observations semblables ; mais puisque nous en sommes sur le chapitre des
motions, je ferai la suivante à M. le ministre de la guerre.
La responsabilité
ministérielle est la première garantie des gouvernements constitutionnels ;
sans elle, point de gouvernement représentatif possible. Jusqu’ici on n’a
considéré le ministre de la guerre que comme un administrateur ; mais la
responsabilité des faits qui concernent l’armée ne peut dériver uniquement d’actes
d’administration.
Je ne reconnais de
responsabilité ministérielle que pour les faits ordonnés ou consentis par les
ministres. Par exemple, le ministre des finances ne peut être responsable quand
un receveur s’enfuit avec sa caisse ; de même, le ministre de la guerre ne peut
être responsable des faits de malversation d’un de ses subordonnés.
La responsabilité
ministérielle ne commence qu’aux actes dans lesquels sont intervenus les
ministres. Cette distinction posée, je voudrais savoir sur qui tombe la responsabilité
relativement aux mouvements militaires, à la dislocation de l’armée ; est-ce
sur le major général ?
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Elle
tombe sur le ministre de la guerre.
M. Dumortier. - Voilà ce que je voudrais
savoir.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar).
- En campagne ou sur le pied de rassemblement, lorsque l’armée est sous la main
du chef d’état-major général, c’est lui qui en a la responsabilité. Mais cette
responsabilité retombe sur le ministre de la guerre, parce que c’est lui qui
est censé avoir proposé la nomination d’un chef d’état-major général ou d’un
général en chef. Mais, dans l’état ordinaire des choses, c’est le ministre de
la guerre qui est responsable de la dislocation de l’armée, parce qu’elle ne
peut avoir lieu sans qu’il l’ait sanctionnée.
Je ne pense pas
qu’il puisse y avoir le moindre doute à cet égard.
M. Watlet. - Je n’ai pas demandé la parole pour
parler des points qui ont été l’objet des discours prononcés dans la chambre.
C’est seulement pour rendre M. le ministre de la guerre attentif à deux points
qui concernent les intérêts de la province que je représente.
Il y a quelques
années, un honorable membre, aujourd’hui ministre des travaux publics, avait
déjà rendu M. le ministre de la guerre d’alors attentif sur les achats de
chevaux pour la remonte de l’armée, lesquels se faisaient tons ou à peu près
tous à l’étranger. Je reviendrai sur cette observation. J’ai remarqué dans le
budget de la guerre et dans les amendements que le ministre y a présentés qu’il
devait y avoir une remonta de 1,710 chevaux. Il a été reconnu que les chevaux ardennais
dans la province du Luxembourg et dans une partie de la province de Liège sont
d’excellents chevaux pour le train et pour la cavalerie légère. Autrefois le
Luxembourg fournissait à la remonte de la cavalerie pour
A l’époque de nos
premières réclamations, le ministre de la guerre avait promis d’y faire droit
jusqu’à un certain point. Mais voilà ce qui est arrivé : on a prétendu que l’on
ne trouvait ni le nombre de chevaux nécessaires ni des chevaux d’une qualité
propre au service. C’est qu’on s’y est pris très mal pour faire les achats ;
car si mes renseignements sont exacts, quelques agents du ministre se sont
rendus à une foire, il est vrai assez renommée, de la province, mais sans que
les éleveurs fussent prévenus, et dans une partie de la province où on élève
peu ou point de chevaux. De telle sorte qu’ils sont revenus avec peu ou point
de chevaux ; et même ceux qui avaient été achetés n’avaient pas les qualités
requises.
Ce n’est pas de
cette manière que procédait le précédent gouvernement. Il envoyait dans les
communes renommées pour fournir de bons chevaux une commission composée
d’officiers et de sous-officiers qui y séjournait pendant quelque temps, et
rendait ce séjour public ; car les habitants en étaient prévenus par les
bourgmestres. Dans l’intervalle, ceux qui avaient des chevaux à vendre se
présentaient, et on choisissait ce qu’il y avait de mieux.
Je ne puis que
rendre M. le ministre de la guerre attentif sur cette circonstance, et le
conjurer de ne pas laisser passer au-dehors l’argent dont a besoin le pays et
surtout la province du Luxembourg, dont le commerce est anéanti ; car les
grains ne se vendent plus ; le bétail n’a pas d’écoulement ; nos tanneries sont
presque anéanties ; il n’y a que les forgeries qui ont replis un peu depuis
quelque temps.
Il est un deuxième
point sur lequel je désire attirer l’attention du ministre.
Depuis quelques
années plusieurs pétitions ont été présentées tendant à demander un envoi de
troupes dans le Luxembourg. Cette demande a été renouvelée cette année par le
conseil provincial, et même, si je suis bien informé, une députation doit
s’être rendue auprès du ministre ; et cette députation a obtenu un refus.
Je conviens que
dans les circonstances où se trouve le pays, d’après l’exposé de M. le
ministre, il puisse lui répugner d’envoyer à l’instant même des troupes dans le
Luxembourg, de faire droit ainsi aux réclamations de ses habitants et du
conseil provincial. Cependant, les circonstances, peut-être, dans le courant de
l’exercice ne se trouveront pas aussi graves qu’on le présume en ce moment.
J’espère qu’alors M. le ministre de la guerre fera droit à ces réclamations ;
je l’espère d’autant plus que le Luxembourg concourt comme les autres provinces
aux dépenses du budget de la guerre qui absorbent la moitié du budget de
l’Etat.
Cet argent est dépensé dans les autres provinces, auxquelles il est
ainsi en quelque sorte remboursé, tandis que le Luxembourg ne reçoit rien. Il
en résulte pour cette province la dépréciation de ses denrées qui, à défaut de
communications, n’on aucune valeur. J’insiste d’autant plus sur cet objet que
chaque année il s’est élevé dans cette enceinte des plaintes de la part des
habitants soumis à la charge des cantonnements des troupes, tandis que le
Luxembourg se soumettrait volontiers à cette charge.
Chaque année on se
plaint des casernes. Dans le Luxembourg, à Bouillon, il y a une caserne en très
bon état où l’on pourrait loger deux bataillons, et où il y a à peine une ou
deux compagnies détachées du seul bataillon qu’il y ait dans la province,
lequel est cantonné à Arlon.
J’ai renouvelé ma
demande à M. le ministre de la guerre, afin que si les circonstances
changeaient dans le courant de l’exercice, on fît droit aux réclamations des
habitants et du conseil provincial du Luxembourg.
M. Gendebien. - Mon intention n’est pas de
prolonger cette discussion. Je serais incapable d’y prendre part
convenablement. Retenu chez moi, je n’en ai pas moins suivi attentivement dans
le Moniteur la discussion de ces deux
derniers jours ; j’ai remarqué que l’on avait été prodigue de révélations sur
notre situation militaire, je ne trouve pas à cela grand inconvénient. Les
orateurs sans doute n’en ont pas vu. Le ministère n’en a pas vu non plus, puisqu’il
ne s’y est pas opposé. Je pense avec plusieurs orateurs que le gouvernement de
Ce serait faire
injure au gouvernement belge de ne pas le supposer aussi habile que le
gouvernement hollandais, que supposer qu’il ne connaît pas aussi bien la
position militaire de
La plupart des
orateurs ont admis pour vrai, d’autres ont pris la peine de prouver que nous
n’avions à faire qu’à
Pour avoir une
armée qui ne soit pas une charge inutile pour l’Etat, il convient donc que nous
sachions quelle est la situation exacte de l’armée hollandaise. Je demande donc
au ministre de la guerre de nous la faire connaître.
Quant à moi, je le
déclare d’avance, je suis disposé à accorder la somme qui sera jugée
nécessaire. Jamais il ne m’est arrivé de la refuser. Ce que je dis ici, ce
n’est pas pour répondre à des publications inconvenantes. Il est, je pense,
inutile de répondre au reproche adressé à la chambre d’avoir par sa lésinerie
mis l’armée dans l’état déplorable où elle serait selon certains écrivains ou
orateurs ; état déplorable, il faut rendre cette justice au ministre des
finances, rudement repoussé par lui ; et il a eu raison. Jamais la chambre n’a
refusé les sommes nécessaires. Quant à moi personnellement, je crois avoir été
quelquefois plus ministériel que le ministre de la guerre lui-même.
Je vous prie de
vous rappeler que le précédent ministre de la guerre avait, je peux le dire,
pousse la faiblesse jusqu’à consentir au renvoi dans les foyers du tiers ou du
quart de la cavalerie. Déjà il y avait consenti ; et je fus obligé de demander
la parole pour démontrer que ce renvoi était impossible et qu’il était
nécessaire de maintenir au complet toutes les armes spéciales, et
particulièrement pour la cavalerie. J’ai démontré la nécessité de maintenir
sous les armes tous les hommes, non seulement pour leur instruction, mais aussi
pour les soins que réclament les chevaux.
J’ai donc été
parfois plus ministériel que le ministre de la guerre.
De même pour les
fourrages alloués aux adjudants-majors dans la ligne : le ministre avait
consenti à la suppression de l’allocation, allocation qui était, disait-on,
inutile. Je fus obligé de me lever pour démontrer qu’elle était indispensable,
et que l’on ne pouvait obliger les adjudants-majors à vendre leurs chevaux au
commencement de l’hiver pour en racheter au printemps. Dans cette circonstance
encore j’ai été plus ministériel que le ministre lui-même.
Je n’hésiterai
jamais à être plus ministériel que les ministres, quand ma conscience, quand mes
convictions m’en imposeront la loi. Mais je n’hésiterai pas non plus à
m’opposer aux demandes des ministres, quelle que soit mon estime particulière
pour quelques-uns d’entre eux. Et je déclare aussi que je m’opposerai à toute
demande d’augmentation si on n’en prouve pas la nécessité.
Déjà nous avons été
dupes plus d’une fois. A cinq ou six reprises différentes on est venu effrayer
les chambres. J’ai été moi-même une première fois dupe comme les autres.
C’est ce qui me
donne aujourd’hui des scrupules et me fait hésiter.
Je le disais : à
force d’abuser de la peur que vous cherchez à inspirer à la chambre vous
finirez par l’habituer à la menace, et lorsque viendra le danger, le danger
réel, la chambre n’y croira plus, parce qu’elle aura été trompée plusieurs
fois.
Eh bien, messieurs,
voilà peut-être la position dans laquelle nous nous trouvons maintenant : de
méconnaître des dangers réels, de crainte d’être dupés encore une fois.
Toutes les fois
qu’il s’agissait de nous faire adopter les tristes et pitoyables élucubrations
de la diplomatie, on nous disait : « Acceptez le traité, il apporte avec
lui une sécurité complète ; il en résultera que l’armée sera réduite à moins de
25,000 hommes et les impôts diminués de 50 p. c. » Voilà, messieurs, ce qu’on
nous disait quand on venait nous proposer le traité en 18 articles, le traité
en 24 articles, celui du 21 mai et la convention de Zonhoven ; alors on nous
disait : « L’armée sera réduite à 25,000 hommes, au plus ; ce sera un premier
pas de fait vers le désarmement général. » Depuis six ans et demi on nous
fait les mêmes promesses, on nous tient le même langage, chaque fois qu’il
s’agit de nous faire adopter des traités ; mais quand il s’agit d’augmenter
l’armée, chose toujours agréable au pouvoir, quand il s’agit du budget de la
guerre, alors on nous tient un langage tout différent ; en effet, pendant les
deux derniers jours, on nous a dit, messieurs, tout ce que nous disions pour
nous opposer à l’adoption des traités ; on nous a dit constamment que l’on ne
peut se fier aux traités, que la diplomatie n’a rien fait, qu’elle a tourné
dans un cercle vicieux, qu’en l’an de 1837 nous en sommes revenus au point de
départ, et nous nous trouvons replacés dans la position où nous étions en 1830.
Et pourquoi nous dit-on tout cela aujourd’hui ? c’est parce que pour des
raisons qu’on ne peut ou qu’on n’ose pas dire, on veut augmenter l’armée : vous
voyez donc, messieurs, que sans avoir le moins du monde l’intention de faire de
l’opposition, il est impossible de ne pas chercher à se rendre compte de toutes
ces contradictions.
Je l’ai dit et je
le répète, je n’ai pu de motifs de défiance contre M. le ministre de la guerre
personnellement, au contraire ; mais je ne veux pas passer pour dupe. J’ai eu
aussi pendant quelque temps une excessive confiance au précédent ministre : eh
bien, messieurs, je me suis aperçu trop tard que je m’étais trompé ; je suis
persuadé qu’il n’en sera pas de même de celui-ci, mais je ne veux pas m’exposer
à passer pour dupe dès ses premiers pas. Je le déclare à M. le ministre de la
guerre, s’il prouvait la nécessité de mettre sur le pied de guerre le
contingent tout entier de 110,000 hommes, je n’hésiterais pas un seul instant à
appuyer les demandes de subsides qu’il nous ferait. Mais, messieurs, à quoi bon
110,000 hommes ? Ce n’est pas ce qu’on demande ; mais je suppose que nous ayons
110,000 hommes sous les armes, à quoi serviraient-ils ? L’expérience nous donne
le droit de faire cette demande. Lorsqu’il a été question du siège d Anvers, à
quoi a servi notre armée, si ce n’est à augmenter l’affront qui résultait pour
nous d’une intervention étrangère ? Cet affront elle a été condamnée à le
dévorer en silence, elle s’est soumise aux lois de la discipline : honneur pour
elle ; honte pour ceux qui lui ont imposé ce sacrifice ! Lorsqu’il a été
question de traiter, messieurs, notre propre gouvernement a encore insulté
l’armée par la défiance ou le peu de confiance qu’il a montrée envers elle ; à
l’occasion du traité du 21 mai la diplomatie belge qui était appuyée par
110,000 hommes a reculé devant les exigences insolentes du roi Guillaume ; tout
le monde reconnaît que jamais notre armée n’a été aussi belle qu’en 1832 et
1833 ; eh bien, elle a subi un affront en 1832, et un second lui était réservé
en 1833.
Dans les
conférences où a été conclue la convention de Zonhoven en exécution du traité
du 21 mai, il s’est agi de la conclusion d’un armistice et de l’établissement
de la libre correspondance entre
Que voulez-vous que
je réponde à mes commettants quand ils me demanderont compte du vote de
confiance qu’il s’agit d’émettre en portant le budget de la guerre à 45
millions (car c’est là, dit-on, la somme qui sera nécessaire), que voulez-vous
que je leur réponde quand ils me feront les objections que je viens de vous
présenter ?
Je ne prétends pas
être infaillible, mais je demande qu’on réponde à mes objections, qu’on les
réfute ; mais qu’on m’oppose de bonnes raisons. Je le répète, je ne refuserai
rien pour l’armée, du moment qu’on me démontre que ce qu’on demande est
nécessaire ; si, au lieu de 45 millions il en faut 80 ou 90 et si la nécessité
d’un semblable sacrifice est démontrée, je n’hésiterai pas un seul instant à
l’accorder ; mais qu’on démontre cette nécessité.
Je me résume : je
prie M. le ministre de la guerre de vouloir bien démontrer la nécessité
d’augmenter l’armée, et je considère comme le meilleur moyen de prouver cette
nécessité, la démonstration d’une manière pertinente de la position de l’armée
hollandaise, de la force effective et de l’état réel de rassemblement offensif.
A entendre les
nombreux orateurs qui ont parlé en faveur de l’augmentation du budget de la guerre,
il paraîtrait que nous sommes à la veille d’une grande catastrophe ; ou bien
(je suis fâché que le trivial se mêle ici au sérieux) d’une grande
mystification nationale : mais comment se fait-il que lorsque nous sommes
depuis si longtemps dans une position si déplorable on n’ait rien fait pour la
changer, et que ce ne soit qu’à la veille du budget qu’on s’en aperçoit ? D’où
vient, par exemple, qu’une dislocation de l’armée, telle que notre division
d’avant-garde se trouve échelonnée sur une étendue de 50 lieues n’ait pas été
remarquée, ou n’ait pas été considérée comme dangereuse en raison des
dispositions qu’on suppose à l’armée hollandaise ?
J’ai vu dans un
journal (et je demanderai au ministre de la guerre si le fait est exact), j’ai
vu dans un journal que la division d’avant-garde est échelonnée depuis Venloo
jusqu’à Dinant, que le général commandant cette division s’est adressé en vain
à son supérieur pour faire changer cet état de choses, et que le chef de
l’état-major s’est également adressé inutilement à cet effet à son supérieur :
comment se fait-il que depuis quatre ou cinq mois que M. le ministre de la
guerre est en fonctions, il n’ait pas remarqué tous les dangers d’une semblable
dislocation ? On a beau dire que c’est l’esprit d’économie qui a fait prendre
ces dispositions ; le véritable esprit d’économie, lorsqu’il est réuni au bon
sens, ne fait pas commettre de pareilles fautes, alors surtout que l’ennemi est
menaçant comme on ne cesse de nous le faire croire de mille manières, depuis
quelques jours. Si l’armée doit s’étendre jusqu’à Dinant, que ce soit au moins
la troisième ou quatrième ligne, mais qu’on n’échelonne pas l’avant-garde sur
une étendue de 50 lieues, qu’on n’en place pas la tête presqu’en Hollande, et
la queue à trois lieues de
Est-ce à défaut d’argent qu’on à fait une pareille faute ? Est-ce avec
des millions que des fautes de ce genre peuvent se réparer ? et n’est-ce pas
moins par défaut d’argent que par défaut d’attention que notre armée se trouve
aussi malencontreusement disloquée ? Vous aurez beau voter des millions, si on
ne change pas la position de l’avant-garde, il faudra toujours au moins huit
jours pour la réunir, tandis qu’en quatre jours l’armée hollandaise peut
arriver à Bruxelles. Si l’inattention du gouvernement reste la même, vous serez
tout aussi exposés après avoir voté les millions qu’on vous demande
qu’auparavant.
J’aurais bien
d’autres observations à vous présenter, messieurs, mais je ne m’en sens pas la
force ; je me borne pour le moment à prier M. le ministre de bien vouloir
répondre à la question que je lui ai posée en commençant : quel est l’état réel
de l’armée hollandaise, quant à présent ; et quelles sont les prévisions de M.
le ministre à l’égard de l’état futur de cette armée ?
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je
suivrais l’honorable préopinant dans la série d’idées qu’il vient d’exposer, et
je commencerai par dire que j’abonde entièrement dans son sens, sur les
inconvénients réels qu’il y a à entrer, dans cette enceinte, dans de trop
grands détails sur les forces et la position d’une armée ; les paroles
prononcées dans cette enceinte ont une importance beaucoup plus grande que les
observations des journaux, et même que les rapports des hommes spéciaux qui sont
envoyés pour reconnaître ce qui existe ; ils font un rapport au gouvernement,
et ce rapport n’est jamais livré à la publicité.
Les bruits des
journaux sont les seuls objets dont s’alimente l’opinion publique, et ils ne
trouvent pas en général le crédit qu’on accorde aux discours qui sont prononcés
dans cette enceinte.
C’est pour ce motif
que je me suis gardé d’entrer dans de nombreux détails, et que j’ai renfermé
mon exposé des motifs dans les termes les plus généraux que j’aie pu employer.
Mais ce que
j’applique à notre armée, je crois que je dois l’appliquer également à l’armée
hollandaise. Je pense qu’il y aurait un inconvénient réel à montrer, par des
détails trop circonstanciés, jusqu’à quel point nous pouvons être informés de
la situation réelle de l’armée hollandaise. Il me semble que cela résulte même
de la nature des moyens qui doivent être employés à cette fin : ce sont des
moyens secrets, et pour cela seul, il me semble qu’il faut éviter d’entrer dans
des détails qui pourraient peut-être trop facilement amener la découverte de
ces moyens.
Au reste, j’ai fait
connaître dans l’exposé des motifs la situation de l’armée hollandaise d’une
manière assez circonstanciée ; j’ai dit que l’armée hollandaise était dans un
véritable état de concentration, qu’elle avait même dans une position hasardée
la masse de son artillerie et de sa cavalerie qui se sont cantonnées en avant
de ses rivières et de ses places fortes, et qu’elle avait plusieurs bataillons
d’infanterie dans les mêmes cantonnements.
J’ai dit ensuite
qu’un nombre considérable de bataillons occupaient les places fortes du Brabant
septentrional ; que le reste était placé dans les places intérieures de
Je pense que ces
détails sont les seuls qu’il convienne de donner en séance publique.
Toute cette
question, messieurs, a été mûrement examinée avant que le gouvernement prît la
détermination de faire de ces notions la base des amendements au budget de la
guerre, et de l’espèce de réorganisation de l’armée.
Dans le sein de la
section centrale, j’ai également donné les détails que cette section a désirés
avec sur la situation de l’armée hollandaise.
Je ne sais si j’ai
répondu d’une manière satisfaisante à l’interpellation de l’honorable M.
Gendebien ; mais il me semble que je ne puis pas faire d’autre réponse, et que
c’est encore là peut-être une question de responsabilité pour moi. J’ai la
conviction acquise que l’armée hollandaise est dans un état de concentration
qui annonce l’intention de faire une attaque, si des circonstances favorables
l’engageaient à prendre ce parti.
J’ai dit qu’il en
résulterait pour nous la nécessité de mettre notre armée en état de recevoir
convenablement et de repousser le choc de l’armée ennemie. J’ai dit en un mot
que mon but était de placer l’armée belge dans une attitude défensive aussi
imposante que l’attitude offensive de l’armée hollandaise me paraissait
menaçante.
L’honorable membre
a paru craindre une espèce de déception dans la demande qui vous a été faite.
Il me semble que la modération même de cette demande et des termes dans
lesquels l’exposé des motifs est rédigé est un gage de la sincérité et de la
bonne foi avec laquelle la demande vous a été soumise.
D’ailleurs, il est
facile de se rendre compte des circonstances toutes simples qui l’ont rendue
nécessaire.
Il est évident
qu’il s’est passé quelques événements politiques qui ont dû réveiller
l’attention du gouvernement. On conçoit encore que le nouveau ministre de la
guerre, de plus, homme d’Etat nouveau, ait voulu se rendre compte de la
responsabilité qu’il assumait, et que ne croyant pas notre armée ni assez
forte, ni assez bien disposée pour pouvoir repousser une attaque de l’armée
hollandaise, il ait proposé au gouvernement et par suite aux chambres, les
moyens qui lui paraissaient strictement nécessaires pour changer cet état de
choses.
Il résulte de cet exposé que je puis passer condamnation sur
quelques-uns des reproches que l’honorable préopinant a faits relativement à la
dislocation de l’armée.
J’ai déjà, dans le
cours de cette discussion, annoncé l’intention de faire à cet égard des
changements, et je puis même dire que ces changements sont en partie effectués.
Ainsi, j’ai
commencé par faire partir de Bruxelles un dépôt, parce que j’ai trouvé que la
place que ce dépôt occupait à Bruxelles sera plus convenablement occupé par un
bataillon de guerre. Je me propose de faire de même pour les places rapprochées
de la frontière.
Dès que le budget
sera voté, les autres changements, en ce qui concerne la dislocation de
l’armée, seront effectués.
M. Gendebien. - M. le ministre de la guerre
pense qu’il y aurait de graves inconvénients à révéler en public l’état de
l’armée hollandaise. Mais réellement, messieurs, je ne comprends pas les
scrupules de M. le ministre. Si c’est dans la crainte de nous effrayer, je ne
crois pas que cette révélation puisse exercer sur nous une aussi fâcheuse
impression, après toutes les démarches faites depuis plusieurs jours, et en
présence des exagérations de toute espèce et des brochures qui nous ont été
distribuées.
Je ne comprends pas
comment on a pu révéler, dans tous ses détails, la situation de notre armée, si
l’on trouve de si graves inconvénients à nous faire connaître l’état de l’armée
hollandaise,
Au reste, si le motif allégué par M. le ministre de la guerre est réel,
eh bien, qu’on nous réunisse à quatre heures en comité général ; qu’alors le
ministre nous fasse des communications franches, et s’il le faut, nous
accepterons volontiers ces communications sous le sceau du secret.
Mais, je le répète,
il n’y a, selon moi, aucun inconvénient à faire cette révélation en public. Je
suis persuadé que si je voulais m’en donner la peine je pourrais pour 12 à
1,500 francs connaître au juste ce qui se passe en Hollande.
Si l’on s’obstine à
garder le silence, si nous ne connaissons pas l’état réel des forces
hollandaises, pouvons-nous logiquement voter les augmentations proposées, voter
même un budget de la guerre quelconque ?
J’adjure donc M. le
ministre de réfléchir à la réponse qu’il a faite, et il ne pourra disconvenir
avec moi qu’elle est insuffisante.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar).
- Messieurs, j’ai déjà déclaré l’inconvénient que je vois à une communication
de ce genre, de même que je l’ai fait pour la section centrale et les membres
du cabinet, je suis prêt à communiquer ces renseignements à tous les membres de
la chambre qui voudront en prendre connaissance dans mon cabinet. Mais je
déclare que j’ai la conviction acquise que l’armée hollandaise, forte en tout
d’environ 40,000 hommes, est en grande partie ou concentrée sur nos frontières,
ou en position d’y être réunie dans un temps très court.
Je dirai maintenant
que quand même il n’y aurait pas d’attaque effective, cela ne prouverait pas
qu’il eût eu déception dans la proposition que j’ai faite, puisqu’elle n’est
basée que sur une éventualité. Nous voulons nous placer dans une attitude telle
que l’armée hollandaise ne puisse pas venir imprimer une tache au pays et à
notre armée.
Quant aux projets
ultérieurs plus étendus que le gouvernement hollandais pourrait avoir, j’ai
aussi la persuasion que nous en serons instruits assez à temps pour que de
notre côté nous puissions prendre nos précautions.
M. F. de Mérode. - Je ne
recommencerai pas les discussions anciennes sur le rôle utile ou malencontreux
de la diplomatie. Notre situation actuelle est connue de tout le monde ;
eût-elle été meilleure si on avait suivi le système belliqueux ? Je me garderai
bien de recommencer les argumentations contradictoires sur ce sujet ; mais j’ai
entendu répéter le mot « affront » fait à notre armée par le
ministère dont j’ai fait partie, lorsqu’il a provoqué le siège de la citadelle
d’Anvers par l’armée française, siège qui, malgré tous les moyens qu’elle avait
à sa disposition, n’a pas été sans grandes difficultés.
Avec le concours
inerte, si on le veut, de l’armée belge, mais avec son concours cependant,
puisque l’armée hollandaise était forte de cent mille hommes, les Français ont
opérer sans perturbation les travaux du siège. Mais l’intervention française a
surtout contribué à préserver une des villes les plus importantes de notre
pays, ses richesses et ses monuments, de désastres faciles à prévoir, si nous
avions attaqué nous-mêmes la citadelle.
L’armée belge a
fort bien compris ces motifs, et je me défendrai toujours d’avoir concouru à
lui faire subir un affront. Maintenant si nous l’exposions à des revers en
laissant trop faibles ses cadres et son effectif, nous serions coupables envers
elle, et les affronts réels qui pourraient l’atteindre retomberaient sur nous.
M. Gendebien. - Messieurs, je dois un mot de
réponse au préopinant. Je ne serai pas bien long. Il serait temps d’en finir,
vous dit-on, avec ces allégations de certains orateurs ; notre armée n’a pas
subi d’affront ! quoi, lorsqu’on la força d’assister l’arme au bras à la prise
de la citadelle d’Anvers par l’armée française elle n’a pas subi d’affront ? Je
m’en rapporte à cet égard à toute l’armée et aux honorables officiers qui ont
parlé avant-hier ; ils ont dit que s’ils avaient subi la loi de la nécessité à
cette époque, ils ne se sentaient plus la force de la subir à l’avenir. Ces
sentiments viennent bien à l’appui de ce que je viens de dire, qu’on ne pouvait
pas faire subir d’affront plus sanglant à une armée de 110 mille hommes qu’on
proclame à juste titre la plus belle que
Maintenant on vient
pour la centième fois vous parler de système belliqueux ; et c’est toujours
avec de pareils arguments qu’on a cherché à nous répondre. Il n’y a jamais eu
ici de système belliqueux On a toujours dit qu’il fallait vous préparer à la
guerre et que si vous ne saviez ou ne vouliez pas faire respecter le nom belge,
il ne fallait pas une armée de 100,000 hommes. On vous a dit que quand on avait
une armée il fallait savoir en faire usage ou qu’il fallait savoir la licencier
afin de ne pas écraser inutilement les contribuables et attrister nos braves
Belges, en les tenant toujours au port d’arme.
J’aurais bien autre chose à dire, mais je m’en abstiendrai. Je dirai
seulement au ministre de la guerre que sa réponse ne peut me satisfaire.
Je demanderai à la
chambre s’il n’y aurait pas lieu de nous réunir à quatre heures en comité
général pour recevoir les communications que M. le ministre de la guerre
propose de vous faire dans son cabinet. Je ne sais s’il est de la dignité de la
chambre de se rendre dans le cabinet d’un ministre pour recevoir des communications.
Je ne sais si le ministre a beaucoup de temps à perdre pour faire
individuellement à 102 membres une communication qui pourrait se faire en très
peu de temps ici, en un quart d’heure. Cette manière de procéder me semble plus
naturelle, plus simple et plus convenable.
Je demande donc
qu’à quatre heures la chambre se forme en comité général pour recevoir les
communications que le ministre de la guerre peut avoir à nous faire au sujet de
l’armée hollandaise.
M.
Rogier. - Messieurs, je n’aurais pas repris la parole dans cette
discussion si on n’avait pas rappelé aujourd’hui une accusation relative à un
acte que je me suis fait un honneur d’avoir provoqué avec mes collègues de
l’ancien ministère. A l’époque où l’armée française, en exécution des traités,
vint faire le siège de la citadelle d’Anvers, l’accusation d’affront portée à
l’armée belge retentit dans cette enceinte ; nous avons occasion de nous
défendre contre les conséquences d’un acte qui depuis a été mieux apprécié par
Je n’ai jamais compris le système de coopération qu’on avait mis en avant.
S’il y avait eu des chances de déshonneur pour notre armée dans cet acte
important de la diplomatie, elles eussent surtout existé alors que l’armée
belge y eût coopéré, parce qu’on aurait pu la croire incapable de l’exécuter
seule.
Je crois qu’à cette
époque il eût été d’une grande imprudence, et il y eût eu affront pour l’armée
belge à l’admettre en coopération dans l’acte que l’armée française a accompli
en exécution des traités, acte auquel le ministère d’alors ne fit aucune
difficulté de provoquer
Voilà quelques
courtes explications dans lesquelles je regrette d’avoir dû entrer. Mais comme
on était revenu sur des faits qui devaient être jugés par l’histoire, je me
suis vu forcé de prendre la défense d’un acte auquel je me suis associé et
auquel je tiens à l’honneur d’avoir concouru.
M. Desmaisières, rapporteur. - Messieurs, je
l’avouerai, je ne m’étais point préparé
à prendre la parole dans la discussion générale ; j’avais cru qu’à raison du
travail long et pénible auquel je m’étais livré, je pouvais borner ici mon rôle
de rapporteur à la défense, lors de la discussion des articles, des amendements
que j’ai eu l’honneur de proposer à la chambre au nous de la section centrale,
mais je l’avouerai aussi, après tout ce qui a été dit dans cette discussion
aussi instructive pour tout le monde que mémorable, je croirais manquer à mes devoirs
si je persistais dans la résolution que j’avais d’abord prise de me taire.
D’honorables
orateurs l’ont déjà fait remarquer, il s’est passé cette année, messieurs,
quelque chose d’étrange, de tout à fait inusité même, dans les rapports qui, à
l’occasion du budget de la guerre, ont eu lieu entre le gouvernement et la
chambre. Le discours du trône, s’appuyant sur l’attitude menaçante de l’ennemi,
que nous avons toujours en présence, nous a recommandé de bien méditer, de
prendre en sérieuse considération les propositions qui nous seraient faites par
le gouvernement, relativement aux dépenses faire par le département de la
guerre.
C’était, du moins
nous étions fondes à le croire, nous annoncer de fortes majorations sur les
chiffres auxquels s’étaient élevés les budgets précédents. Nous nous sommes
donc ressouvenus que nous avions ici une double mission à remplir, et mettant
le maintien de notre indépendance nationale en première ligne, nous avons
répondu que nous tâcherions de concilier ce qu’exige la sûreté de l’Etat avec
les intérêts des contribuables.
Le budget nous fut
bientôt présenté et dut causer une surprise agréable aux contribuables, puisque
son chiffre total n’était guère plus élevé que ceux des budgets des années
précédentes.
Les paroles que
nous étaient arrivées du trône devaient nécessairement nous faire croire que ce
que le gouvernement nous recommandait de bien méditer, il l’avait lui-même bien
médité, bien mis en rapport avec l’attitude toujours menaçante de
C’est sous cette
impression favorable que le budget présenté avait produite sur l’esprit de tous
qu’il fut examiné et par les sections et par la section centrale de la chambre.
Déjà cet examen
était terminé dans les sections et était à peu près terminé dans la section
centrale, quand, sur l’interpellation d’un honorable général, M. le ministre de
la guerre annonça à la chambre qu’après un nouvel examen de notre situation
définitive, il n’était plus aussi rassuré qu’auparavant et qu’en conséquence il
s’occupait de préparer des propositions de majorations de crédits.
Ce fût dans la
séance du 21 décembre que cette annonce de nouvelles propositions fut faite.
La section centrale
ne reçut aucune communication à cet égard et crut devoir en conséquence achever
son travail dans le même esprit que celui qui avait présidé aux délibérations
des sections dont les pouvoirs émanaient.
Son rapport fut
déposé le 20 janvier, distribué aux membres de la chambre le 30, et le 11
février, les amendements ministériels furent présentés.
L’exposé des motifs
à l’appui de ces amendements gardant le silence le plus absolu sur ceux
qu’avait présentés la section centrale, celle-ci, dans l’examen qu’elle en a
fait, a cru ne pas devoir faire porter ces investigations au-delà.
De la part de la
presse, qui, à tort ou à raison, passe pour recevoir plus ou moins ses
inspirations du gouvernement, même silence absolu.
Le jour de la
discussion arrive et voilà que tout à coup toutes les trompettes qui se vouent
à la défense des propositions ministérielles font entendre à la fois l’appel au
combat. Nous recevons brochures sur brochures, mémoires sur mémoires : c’est
une mêlée, une espèce de brouhaha en un mot, où l’on ne sait à qui entendre, où
l’on a peine à se reconnaître.
Parmi ces brochures
qui nous sont distribuées, il en est une dans laquelle l’auteur, sous le voile
de l’anonyme, attaque notamment la chambre en masse, puisqu’il cherche à la
faire passer dans l’esprit de l’armée comme étant, par principes, éminemment
hostile à ses intérêts les plus chers.
Certes, messieurs,
il ne faudrait pas que nous fissions attention à des pamphlets anonymes, mais
pouvons-nous garder le silence quand ces pamphlets sont publiés par la presse
qui, chaque jour, s’adresse à l’armée, et surtout lorsque, contre leur
intention, je n’en fais pas le plus léger doute, des honorables membres
militaires de cette chambre ont laissé échapper des paroles qui pourraient
laisser croire à la vérité des accusations dirigées contre nous par le pamphlet
auquel je fais allusion.
Messieurs, cette
question est très grave, plus grave même qu’elle ne le paraît au premier
aspect.
Naguère, un
publiciste d’un pays voisin du nôtre est arrivé de Bordeaux à Paris pour y
lancer dans le public aussi une brochure, véritable manifeste en faveur d’un 18
brumaire que, doctrinaire par excellence, il a appelé 18 brumaire moral.
Je ne pense pas que
telle soit l’intention de l’auteur, quel qu’il soit, du pamphlet lancé contre
nous. Mais toujours est-il que les accusations qu’il se permet ont cette
tendance.
Ces accusations, il
a suffi, pour les réduire au néant, de quelques paroles éloquentes émises à
l’instant même par un honorable député de Tournay, avec cette énergie, cette
verve, et cet entraînement qui lui sont propres. Il a justifié pleinement la
chambre ; mais, pris à l’improviste, il n’a pu répondre par le narré exact et
détaillé des faits, à d’autres faits et chiffres qui avaient été mis en avant
dans la discussion.
Ce qu’il n’a point
fait, ce qu’il n’a point pu faire il y a deux jours, je viens, messieurs,
tâcher de le faire aujourd’hui.
C’est au budget de
1833 que l’on fait remonter le système pernicieux d’économies et de gêne qui
aurait été imposé au gouvernement par la chambre. Ce sera aussi mon point de
départ dans l’exposé des faits que je vais avoir l’honneur de vous présenter.
Je commencerai par
le chapitre relatif à la solde et aux masses d’infanterie, parce que c’est le
plus important du budget.
Les développements
du budget nous renseignaient 12 régiments d’infanterie de ligne, avec cadres
d’officiers et sous-officiers au complet. Vous allez juger, messieurs, si la
section centrale proposa des réductions mal motivées. Voici le calcul de celles
qu’elle soumit à votre approbation.
Le ministre n’avait
point déduit au budget 1 1/2 p. c. pour achat de médicaments sur la solde des
officiers, quoiqu’en fait cette réduction s’opérât : Réduction par régiment de
ce chef : 4,819 fr. 50 c.
La masse
d’habillement avait été calculée à des prix anciens et plus élevés que les
arrêtes de fixation : 31,565 fr. 40 c.
Il en était de même
pour la masse de buffleterie : 454 fr. 90 c.
Et de même encore
pour les frais d’administration : 380 fr. 00 c.
Un arrêté du 22
décembre l832 avait fixéé la masse de casernement à 4
centimes, et le ministre avait demandé 5 centimes : 3,796 fr. 00 c.
Le rapport de la
section centrale disait : Le chapitre VIII, portant allocation pour les vivres
de campagne et fournitures en nature, a été assez mal calculé au ministère ; la
section centrale propose d’établir au supplément aux traitements ces soldes
pour logement, vivres de campagne et fourrages pendant 265 jours.
Et au chapitre II.
Soldes et masses, il s’exprimait ainsi : « L’on avait calculé, pour la
nourriture et le casernement des hommes, qu’un cinquième serait caserné et les
quatre autres cinquièmes logés chez l’habitant avec nourriture, ou recevrait
les vivres de campagne. Nous avons calculé toutes les journées au minimum ; le
chapitre VIII portera supplément de 31 1/2 centimes pour différence entre la
dépense du soldat caserné et celle du soldat cantonné : 70,443 fr. 44 c.
Total par régiment
: 111,459 fr. 44 c.
Et pour les 12
régiments : 1,337,510 fr. 88 c.
Des calculs établis
sur les mêmes bases amenèrent les réductions suivantes :
Troupes
d’artillerie : 447,819 fr. 96 c.
Troupes du génie :
56,009 fr. 77 c.
Troupes de
cavalerie : 532,751 fr. 76 c.
Troupes de gardes civiques,
partisans et corps francs : 288,732 fr. 16 c.
En résumé, le
chiffre primitivement proposé pour la solde et les niasses de l’infanterie
s’élevait à 29,902,500 fr.
La section centrale
proposa 26,609,677 fr. 50 c.
Et le ministre
consentit à la réduire à 26,400,000 fr.
La réduction de 1
1/2 p. c. pour médicaments appliquée à l’état-major général, à celui des
places, à celui du génie et à la gendarmerie, s’éleva à 18,005 fr. 60 c.
Pour quatre
aspirants que l’on reconnaît avoir portés en trop à la solde de l’intendance,
et par application de la retenue de 1 1/2 p. c.,on retrancha 8,303 fr. 35 c.
En ce qui touche
l’état-major d’artillerie, le ministre communiqua à la section centrale les
observations que voici :
« Le budget de
cet article avait été établi sur la possibilité de faire quelques promotions
dans l’armée en cas de guerre, et j’avais prévu qu’il pourrait être nommé 1
colonel, 2 majors et 7 capitaines. Mais si l’on veut dresser le budget sur
l’existant actuel, il y a donc à déduire le traitement de ces 10 officiers.
« On peut
déduire aussi la solde de 23 portiers d’arsenaux que je complais faire payer
sur les fonds de la solde.
« Le budget de
l’article ainsi rectifié ne se monte plus qu’à fr. 226,580.
« Différence
en moins, 47,000 fr.
« A laquelle il
faut ajouter (le lieutenant-colonel N…, ayant déjà été porté à la compagnie
d’ouvriers) 7,100 fr.
« Total 54,100
fr. »
La section centrale
n’alla pas aussi loin, et elle se borna à déduire :
1° 1 1/2 p. c. pour
médicaments : 2,571 fr. 75 c.
2° Pour solde,
51,140 fr. 00 c.
Total 53,711 fr. 75
c.
Augmentation pour
fourrage, 4,140 fr. 00 c.
Ensemble, 49,571
fr. 75 c.
Elle transféra du
chapitre II au chapitre VIII, pour supplément de fourrages, 137,960 fr. 00 c.
Total des
réductions opérées par la section centrale au chapitre II, 4,932,977 fr. 10 c.
Au chapitre Ier ou retrancha, sur les observations des sections, qui ne furent
pas contestées, 200 fr. sur le traitement du ministre, 12,490 sur celui des
employés, et 12,780 sur le matériel, soit 25,470 fr. 00 c.
Les crédits pour
transports généraux et frais de route et de séjour étant éventuels, et les
supputations faites paraissant exagérées, on retrancha 130,000 fr. 00 c.
Le budget
comprenant un chapitre spécial pour les dépenses imprévues, on n’alloua pas
celles demandées particulièrement pour le service de santé, 17,045 fr. 83 c.
On n’alloua point
non plus la somme demandée pour translation de l’école militaire à Liége,
12,000 fr. 00 c.
Et étant d’opinion que
le haras militaire pourrait être supprimé dans le cours du premier semestre, on
retrancha 13,500 fr. 00 c.
Le ministre ayant
fourni à la section centrale un nouveau tableau relatif au matériel
d’artillerie tout différent, par les espèces de dépenses à faire, qui étaient
mentionnées, de celui annexé aux développements du budget, et arrivant en
résultat au même chiffre total, cependant la section centrale y vit une preuve
de l’exagération dans les prévisions faites, et proposa de ce chef et sur
l’article matériel du génie une réduction de 200,000 fr. 00 c.
Sur les traitements
de non-activité, on retrancha 36,500 fr. 00 c.
Sur le chap. VIII
(vivres de campagne), malgré les transferts du chap. II, et par suite de
l’inexactitude des calculs du ministère, 1,120,819 fr. 78 c.
Enfin on proposa
sur le chapitre des dépenses imprévues une réduction de 333,541 fr. 00 c.
Total des
réductions qui furent proposées par la section centrale, 6,821,853 fr. 71 c.
Je vous le demande
maintenant, messieurs, y a-t-il là une seule réduction qui portât coup aux
intérêts de l’armée ? Celle relative à l’état-major de l’artillerie, dira-t-on
peut-être ; mais alors nous ferons remarquer que la réduction proposée par la
section centrale n’était que de 49,571 fr. 75 c., et que le ministre pensait
qu’on pouvait en faire une de 54,400 fr.
Si la section
centrale n’eût pas proposé ces réductions, c’eût été manquer à ses devoirs les
plus impérieux et envers le pays et envers elle-même. Aussi, quant à moi, je
suis fier d’en avoir fait partie, et je m’honorerai toujours d’avoir été l’un
de ceux qui les premiers provoquèrent des investigations sévères sur tous les
chiffres du budget de la guerre, parce qu’en retranchant tout ce qu’il y avait
d’exagéré en même temps que d’inutile tant pour la défense du pays que pour les
intérêts de notre brave armée, parce qu’en réformant tous les abus nous sommes
descendus aujourd’hui du chiffre énorme de 73,000,000 à celui de 40 à
45,000,000, et que ce dernier chiffre lui-même n’est pas atteint encore par les
nouvelles prévisions du ministre de la guerre, malgré toutes les investigations
sérieuses et profondément méditées auxquelles il a soumis notre système de
défense.
Croit-on que si
l’on avait continué à allouer 73,000,000 fr. par année pour les dépenses de la guerre,
nous aurions eu une meilleure armée ? non, messieurs, il n’y en eût que plus
d’abus à déplorer. Car les abus et les prodigalités sont les produits naturels
de la trop grande abondance de l’argent que l’on a à dépenser.
Et ces nombreux
soulagements apportés aux charges des contribuables, ces travaux publics de
toute espèce, ces chemins de fer dont nous sommes si fiers, tous ces puissants
moyens de politique et de prospérité intérieure auraient-ils pu se produire ?
Non sans doute.
Le peuple eût
succombé sous le poids d’aussi fortes dépenses si elles avaient dû se continuer
; l’industrie et le commerce qui avaient tant souffert par les secousses
inévitables de la révolution, loin de se relever comme aujourd’hui, auraient
été bien tôt complètement anéantis, et bientôt aussi, admettant, ce que je
n’admets pas, que ce soit à force de millions entassés les uns sur les autres
qu’on parvient à avoir une bonne armée ; on aurait peut-être arrivé à la former
cette forte et puissante armée mais il n’y aurait plus eu personne pour la
payer. Voyez, messieurs, ce qui se passe à cet égard en Espagne : là on a
persisté dans le système des prodigalités, des fortes dépenses, des abus en un
mot. Eh bien, quelle armée y trouve-t-on ? et puis comment est-elle payée,
comment est-elle vêtue, comment est-elle nourrie cette armée ? Je reprends
mon exposé des faits.
M. le ministre de
la guerre qui avait présenté le budget de 1833 sentit bien qu’il n’y avait rien
à reprocher aux motifs sur lesquels étaient appuyés les amendements proposés
par la section centrale et se rallia à la plupart.
Il avoua dans un
contre-rapport qu’il présenta à la chambre :
1° Que par arrêté
du 20 janvier 1833, jour de la présentation du budget, la masse d’habillement
des troupes avait subi une réduction notable. Il en évaluait le chiffre total à
540,000 fr. ;
2° Que l’arrêté du
31 octobre 1832 ayant apporté des changements dans l’administration du magasin
central d’habillement, il avait pu envoyer aux dépôts des corps une grande
quantité d’effets et d’étoffes qui, réunis à ce que possédaient déjà les corps,
formaient une masse d’une valeur de 14,000,000 fr et que par suite une
réduction de 2,298,298 fr. 40 c. était possible de ce chef ;
3° Que sur les
traitements des officiers il ne leur était réellement payé que 98 1/2 p. c. ;
que 1 1/2 p. c. resta, au trésor pour achat de médicaments, et qu’une
allocation spéciale se trouvant déjà portée pour cet objet, il y avait 143,124
francs à retrancher du budget ;
4° Que par suite de
la réduction de la masse de casernement de 5 à 4 centimes par arrêté du 20
janvier, il y avait à déduire 87,173 francs ;
5° Qu’une réduction
de 34,100 francs était possible sur l’article de l’état-major d’artillerie et
qu’il consentait à la réduction proposée de 130,000 francs sur les frais de
route et de séjour et les transports généraux, mais avec la réserve que si les
dépenses effectives dépassaient les crédits, il serait en droit de demander un
supplément et il faut croire qu’elles ne les dépassèrent pas puisqu’il ne vint
faire aucune demande de supplément ensuite ;
6° Qu’un chapitre
spécial existant au budget pour les dépenses imprévues, il n’y avait pas lieu à
allouer pour cet objet 17,045 fr. 88 c. au chef du service de santé ;
7° Que l’école
militaire devant encore provisoirement rester à Bruxelles, il était inutile
d’allouer les 12,000 francs qu’il avait demandés pour sa transfération
à Liége.
8° Qu’il ne pouvait
consentir pour le moment à la réduction de 13,300 francs sur la dépense du
haras militaire tout au moins jusqu’à la discussion du budget sur pied de paix
;
9° Qu’il y avait
réellement 36,500 francs en moins à payer pour traitements de non-activité ;
10° Il avait
éprouvé un mécompte sur les prévisions pour vivres de campagne en 1832, et ne
voulant pas s’y exposer derechef en 1833, il avait porté cette dépense au
maximum sauf à consentir des réductions d’après les faits accomplis ou les
changements que subirait notre situation politique.
Le budget avait par
suite été établi par lui sur le pied 37,689,500 rations pour l’année, ce qui
présentait plus de 100,000 hommes à tenir sous les armes pendant toute l’année.
Il n’avait compté
que sur 25,000 hommes qui pourraient être casernés, et il avoua que 41,000
pourraient l’être. Il ajouta aussi que 12,000 hommes pourraient être en congé pendant
toute l’année, et que la ration des officiers avait été calculée à un prix trop
élevé.
Enfin, venant de
passer le marché des fournitures de vivres de campagne à 45 centimes au lieu de
50, il consentit à une réduction totale s’élevant à 2,767,828 fr.
11° Par suite de la
réduction du florin à deux francs il concéda une réduction de 6,490 francs sur
les traitements des employés du ministère, et de 4,780 francs sur le matériel ;
mais il refusa d’accéder aux 20,690 restant que proposait de déduire aussi la
section centrale.
12° Enfin, il
refusa d’accéder à la réduction de 100,000 francs sur le matériel d’artillerie,
à celle de pareille somme sur le matériel du génie, et à celle de 333,000
francs sur le chapitre des dépenses imprévues.
Par suite de quelques
autres réductions d’une moindre importance qu’il ne consentit point, le chiffre
total de celles qu’il refusa s’éleva à 731,045 fr., et celui de celles
concédées à 6,090,848 fr. Et le total des réductions proposées par la section
centrale était de 6,821,852 fr.
En résumé, le
ministre avait proposé un budget pour 103,000 hommes à tenir sous les armes
pendant toute l’année, dont 25,000 casernés et 78,000 cantonnés, et le moment
total de ce budget s’élevait à la somme de 73,000,000 fr.
La section centrale
proposa 66,178,153 fr.
Le ministre avoua
presque toutes les exagérations de chiffres signalées par la section centrale,
et proposa en définitive pour 100,000 hommes, 66,880,570 fr.
La chambre, sur la
proposition spontanée du ministre, retrancha de chaque allocation votée les
centaines, dizaines et unités ; accorda 72,000 fr, pour frais de table qui
furent compris dans la solde de l’état-major général sans libelle exprès ;
retrancha 33,445 fr, 60 c. à l’article « troupes du génie, » pour
fourrages reconnus par le ministre être portés en plus que ne le comportaient
les règlements, ; supprima encore 99,599 fr. 55 c. à l’article
« gendarmerie » par le motif que ce corps cessa d’être tenu sur le
pied de rassemblement ; diminua encore de 20,000 fr, le chiffre des frais de
route et de séjour, et accorda une nouvelle demande de 588,000 fr. que fit le
ministre pour une remonte de 800 chevaux de cavalerie et 400 d’artillerie ;
adopta pour le chapitre des dépenses imprévues le chiffre de 328,000 fr.
demandé en dernière analyse par le ministre, et enfin n’admit aucune des
réductions proposées par la section centrale sans que le ministre n’y accédât,
accorda même, du consentement de cette section, les sommes que celle-ci avait
d’abord proposé de retrancher, sauf nouveaux motifs à faire valoir par le
ministre pour matériel du génie et de l’artillerie, et ce budget voté s’éleva à
66,433,000 fr.
Par la loi du 30
septembre, votée sans que le moindre changement fût apporté au projet du
ministère, et sur ce que celui-ci annonça n’avoir pas à dépenser 1,000,000 sur
le crédit alloué pour les troupes d’artillerie, 50,000 fr. pour celles du
génie, 7,000,000 pour l’infanterie, et 3,383,000 fr. pour les gardes civiques,
en tout 11,433,000 fr., le budget fut en dernière analyse fixé à 55,000,000 fr.
Le budget primitif
avait été calculé pour
6.268 hommes de
troupes d’artillerie.
66,368 hommes de
troupes d’infanterie de ligne et chasseurs.
18,335 hommes de
troupes de gardes civiques et partisans.
7,772 hommes de
troupes de cavalerie.
1,093 hommes de
troupes du génie.
Total, 99,831
hommes à tenir sous les armes.
Ainsi, en supposant
que les quatre réductions partielles qui composent celle de 11,433,000 fr.,
proposée en dernier lieu de son propre mouvement par le ministre, portassent
sur le nombre d’hommes tenus réellement sous les armes, on aurait encore pu en
tenir en 1833
5,500 d’artillerie.
900 du génie.
49,000 d’infanterie
de ligne et chasseurs.
9,000 de garde
civique.
7,700 de cavalerie.
Total, 72,100
hommes avec les cadres complets.
Je demande
maintenant de nouveau si l’on peut dire que d’une part la chambre s’est montrée
parcimonieuse envers dans ses votes relatifs au budget de 1833, et d’une autre
part, si le ministre d’alors a consenti trop facilement aux réductions opérées
par la chambre, et s’il n’y aurait pas au contraire des reproches à faire et à
la chambre et au ministre, si l’une n’avait pas exigé et si l’autre n’avait pas
consenti à toutes ces réductions.
Je vous demande
pardon, messieurs, d’avoir tenu votre attention fixée aussi longtemps sur des
chiffres ; mais par cela même que je suis entré dans de grands détails sur le
budget de 1833 qui a subi le plus de réductions, je pourrai être infiniment
plus bref en ce qui concerne les budgets des exercices suivants
Budget de 1834.
Il suffit de
parcourir un moment le rapport de la commission pour être convaincu qu’ici
encore les réductions proposées ne porteront que sur des articles où elles
devaient nécessairement s’opérer, dès que l’on ne voulait aucun abus, aucune
exagération. Elles s’élevèrent ensemble à 2,534,432 fr. 6 c.
Les principales
furent les suivantes :
Troupes
d’artillerie.
- Masse de pain
(par suite du moindre prix des adjudications faites), 62,405 fr. 87 c.
- Masse de fourrages
(par les mêmes motifs et par suite de ce que le ministre fit connaître qu’il
avait compté 53 chevaux de trop), 331,766 fr. 75 c.
- Masse de
harnachement (par suite de ce que le ministre annonça lui-même qu’il y avait eu
peu de renouvellement à faire dans l’armée), 16,201 fr. 47 c.
- Masse d’écurie
(par suite de ce que plusieurs batteries devaient rester cantonnées), 3,840 fr.
00 c.
Total, 414,214 fr.
09 c.
Troupes
d’infanterie.
Les réductions
reconnues possibles et signalées par le ministre lui-même, dit le rapport de la
commission, s’élèvent à 519,401 fr. 40 c. (elles étaient relatives à la masse
de pain, de fourrages et de buffleterie).
Troupes de
cavalerie.
Réduction de même
nature auxquelles il faut ajouter que, dans une note du ministre remise à la
commission, il annonce qu’il serait possible de tenir 15 hommes par escadron en
congé, et que, ayant cru que ce nombre pouvait être à peu près doublé, la
commission proposa de porter le chiffre total des congés à 1,200, soit 966,402
fr. 67 c.
Lors de la
discussion, le ministre croyait que cette réduction était possible, parce que,
disait-il, comme il y a toujours des pertes de chevaux à éprouver chaque mois,
on pourra, pour cette cause, augmenter successivement les congés.
Matériel
d’artillerie.
D’accord avec le
ministre, la commission a réduit de 270,000 fr. la somme demandée pour achat de
fusils, de 30,000 fr. les dépenses de l’arsenal d’Anvers, et de 25,000 francs
l’entretien des batteries de campagne, et elle a retranché les 18,700 fr. pour
achat de mousquetons et de pistolets de gendarmerie. (Plusieurs de ces dépenses
ne pouvaient avoir lieu dans l’année et il fut reconnu que d’autres étaient
inutiles, parce qu’on possédait déjà ce que l’on voulait se procurer.), soit
343,700 fr. 00 c.
Nous avons d’ailleurs
aujourd’hui un très beau matériel.
Matériel du génie.
Pour diverses
constructions projetées d’abord et puis abandonnées, pour des dépenses
effectuées qui se rapportaient à des exercices antérieurs et aussi une
diminution sur les frais de bureau, soit 308,073 fr. 47 c. (Le ministre ne s’y
opposa point.)
Ce budget fut
calculé et adopté sur le pied de 45,000 hommes à tenir, terme moyen, sous les
armes pendant toute l’année.
Budget de 1835
Avant même que ce
budget fût examiné par les sections de la chambre le ministre proposa de son
propre mouvement plusieurs augmentations d’une part et plusieurs diminutions
d’antre part qui, en définitive, en réduisirent le montant total de 41,550,000
fr. qu’il était à 40,198,072 fr.
La section centrale
ne proposa qu’une réduction de 330,072 fr.
Il y eut à la
chambre lino di omission sur le nombre des officiers généraux, mais le chiffre
proposé par le ministre fut adopté après qu’il eut pris l’engagement formel de
n’en nommer de nouveau qu’en cas d’absolue nécessité.
Des observations
furent faites sur le personnel trop nombreux de l’état-major de la place à
Bruxelles. Le ministre répondit qu’il croyait pouvoir assurer qu’il y aurait
une diminution, sur le nombre des trois commandants de place, et le chiffre
ministériel fut adopté.
Sur les
observations du ministre une réduction projetée sur l’allocation pour
l’intendance fut rejetée.
La section centrale
allouait 261,962 francs pour l’état-major d’artillerie, et le ministre voulant
prouver, disait-il, qu’il avait le désir de faire tontes les réductions
possibles proposa de porter cette allocation à 260,169 francs seulement.
Par suite de
quelques explications du ministre, la chambre rejeta la diminution proposée par
la section centrale et relative aux troupes d’artillerie.
Une réduction de
91,549 francs fondée sur la situation des magasins qui la permettait, fut
accueillie et votée.
En ce qui concerne
les frais d’administration le chiffre proposé par la section centrale ne fut
pas mis aux voix et celui du ministre fut adopté.
C’est pour ce
budget seulement, messieurs, qu’une réduction sur l’incomplet des cadres
d’officiers de l’infanterie fut proposée par la section centrale et adopté par
la chambre malgré les instances, qui n’étaient pas bien fortes, il faut le
dire, du ministre de la guerre de l’époque, mais la chambre alloua encore
150.000 francs au-delà de l’effectif ; et il faut le reconnaître elle alloua
encore trop puisque bien qu’au budget de 1836 calculé sur des cadres au complet
rien ne fut retranché de ce chef, l’effectif actuel se rapproche encore moins
du complet que celui d’alors. Nous proposons cette année aussi une réduction de
cette espèce, et je me réserve de répondre aux objections faites contre
l’amendement de la section centrale lorsque nous serons arrivés à la
discussion.
Je dirai seulement,
quant à présent, que j’espère faire cette réponse de manière à satisfaire
toutes les exigences, et que nous sommes loin, bien loin, d’avoir voulu porter la
moindre atteinte aussi bien à la bonne organisation de notre armée, que tous
ici nous voulons forte et puissante, qu’aux droits qu’elle a, cette brave
armée, à toute notre sollicitude pour son bien-être.
Budget de 1836.
L’époque de la
discussion de ce budget est encore trop près de nous, messieurs, pour que
j’entre dans de longs détails à son égard.
Je ferai remarquer
seulement que les propositions du ministre s’élevèrent au total de 37,705,697
fr. (le crédit des lits militaires déduit) ; que la section centrale avait
proposé 37,371,397 fr. ; et qu’après une discussion approfondie, le chiffre
définitivement adopté s’élève à 37,341,000 fr.
Diminution
définitive, 364,697 fr.
Cependant je ne
puis passer sous silence ce qui m’est personnel dans les réductions obtenues.
J’eus l’honneur de
proposer à la chambre deux amendements, dont le premier, adopté au premier
vote, mais rejeté au deuxième, ne portait que sur le libellé de l’article
relatif à la solde de l’état-major général. J’avais proposé un libellé que je
croyais autant dans l’intérêt de l’armée que dans celui de la bonne
comptabilité. Il était même tellement dans l’intérêt de l’armée que je reçus
depuis, pour en avoir eu la pensée, des félicitations d’anciens camarades du
service militaire, qui aujourd’hui occupent des grades supérieurs dans notre
armée.
Je fus plus heureux
en ce qui concerne le second de mes amendements ; il portait sur le chiffre de
la remonte, à raison du prix des chevaux porté aux développements du budget qui
m’avait paru trop élevé : malgré l’opposition positive, cette fois, je l’avoue,
du ministre de la guerre, la chambre adopta mon amendement et bien lui en a
pris, messieurs, car ce ministre a eu la franchise de me dire depuis que les
prix d’adjudication avaient été précisément ceux sur lesquels j’avais établi
mes prévisions, qu’en conséquence j’avais bien fait de proposer mou amendement
et que la chambre avait tout aussi bien fait en l’adoptant.
Quant aux frais de
table, messieurs, vous avez pu voir par le rapport que j’ai eu l’honneur de
vous présenter au nom de la section centrale, que nous proposons cette année
une allocation spéciale pour cet objet de dépense. Je me réserve de répondre
aux objections qui seront faites lorsque la chambre sera arrivée à la
discussion de cet amendement, et je dirai seulement quant à présent que si
l’ancien ministre de la guerre avait, pour demander à être autorisé à faire
cette dépense, suivi la même voie qu’a suivie cette année son successeur, voie
que je n’ai cessé, tant en section centrale que dans la discussion publique des
divers budgets où il en a été question, de chercher à lui faire suivre, il y a
longtemps que cette dépense figurerait chaque année au budget sans objection de
la part de personne.
Ainsi, comme l’a
fort bien dit l’honorable M. Dumortier, nous avons, à bien peu de chose près,
toujours accordé tout ce que l’on nous a demandé, et on n’a jamais dépensé tout
ce que l’on avait obtenu de nous. Témoins ces nombreuses lois de crédits
supplémentaires et de crédits arriérés et de transferts que chaque année on est
venu nous demander, et dont les allocations étaient imputées, comme on l’a très
bien dit encore, sur les exercices précédents. Après qu’on nous eut présenté au
commencement de 1835, la situation politique comme grossie d’événements étrangers,
n’avons-nous pas voté 10 centimes de subvention de guerre sur toutes les
contributions ? Un honorable général a dit qu’en 1835 on n’avait pas plus de 15
à 16,000 hommes à opposer à l’ennemi si alors on avait été attaqué. C’est
possible, mais à quoi faut-il l’attribuer, est-ce à la trop grande parcimonie
des crédits accordés ? Non certainement, car on n’a pas tout dépensé, et si
l’on avait tout dépensé on ne pourrait point encore le prétendre, car à 350,000
fr. près le budget fut adopté tel qu’il avait été présenté.
Certes, les
économies mal entendues, loin d’enrichir les peuples, les ruinent bientôt.
Mais, prenons-y garde, les dépenses mal faites les ruinent encore bien plus.
Voyez l’Espagne,
dirai-je toujours ; voyez où conduit le système des grandes dépenses ; voyez
l’armée de la reine Christine ; voyez à quel état de souffrance et de misère ce
malheureux peuple est aujourd’hui réduit !
Oui, peut-être,
l’armée est mécontente ! oui, l’armée peut-être fait-elle entendre des
plaintes, mais c’est contre les abus, et en cela elle est tout à fait d’accord
avec nous, car, ainsi que j’ai eu l’honneur de le dire dans mon rapport, nous
sommes prêts, et on a pu voir par l’exposé de nos actes, que je viens de faire,
que ce n’est pas un simple dire de notre part, nous sommes prêts à voter toutes
les sommes nécessaires au bien-être de l’armée, mais nous ne voulons rien
accorder pour les abus.
Qu’on se rappelle
bien, messieurs, qu’en 1822
Eh bien ! il en est
de même de l’armée. Elle ne se plaint pas de ce que nous n’allouons pas un
budget assez élevé ; elle se plaint des abus qui se commettent dans
l’accomplissement de la dépense des crédits que nous accordons ; et si
peut-être elle trouve que les crédits sont mal répartis au budget, que l’on
accorde trop d’un côté et trop peu de l’autre, à qui la faute ? Est-ce à la
chambre des représentants ? est-ce elle qui prépare les budgets ? est-ce à elle
qu’il appartient de le faire ? Non, c’est au ministre qu’il appartient
d’établir ses prévisions, de nous proposer, après les avoir bien méditées, bien
calculées sur les besoins réels, les demandes de crédits qu’il croit
nécessaires pour qu’il puisse assumer la responsabilité de la défense du pays.
Lorsque, dans son âme et conscience il juge qu’un crédit, demandé par lui, est
nécessaire, il ne doit pas consentir à ce qu’on le réduire ; ce serait là
donner les mains à des économies qui ruinent les peuples. Mais s’il est
démontré que sa demande de crédit est exagérée, si lui-même le reconnaît, il
doit s’empresser d’accéder à ce que ce crédit soit réduit, parce que, dès ce
moment, l’intérêt de l’armée et de la sûreté du pays n’exigeant pas cette
dépense, il ne reste plus à consulter que les intérêts des contribuables, alors
surtout que l’état mitoyen entre la paix et la guerre, qui pèse si lourdement
sur eux, peut encore se prolonger pendant un grand nombre d’années.
A nous, messieurs,
d’examiner s’il n’y a pas d’exagération dans les demandes du ministre ; à nous
d’exiger la réforme des abus ; mais dès qu’il nous est démontré qu’il n’y a pas
d’exagération, qu’il n’y a pas d’abus, nous avons aussi un devoir à remplir
envers le pays, c’est d’allouer le crédit demandé et c’est ce que le congrès,
aussi bien que la chambre des représentants, a toujours fait. Toujours, je ne
puis assez insister sur ce point, on a alloué, et souvent de confiance, sans
examen ni réserves, les sommes qu’on demandait.
Mais a-t-on bien
toujours employé les crédits accordés ? Les a-t-on toujours dépensés d’une
manière conforme aux vues que l’on avait mises en avant pour les obtenir ?
C’est ce que l’examen des lois des comptes nous apprendra. Quant à présent il
est permis de croire que non, puisque l’on nous fait un si sombre tableau de la
situation actuelle de nos moyens défensifs.
En terminant,
messieurs, je dois rendre justice aux vues consignées dans l’espèce de
programme de la ligne de conduite qu’il se propose de suivre dans la profession
de foi que nous a faite l’honorable ministre de la guerre.
Justice dans les
punitions disciplinaires ; justice dans les récompenses, telle doit être la
règle invariable dont ne doit, en effet, jamais se départir le chef du
département de la guerre. Toutefois il faut aussi que cette justice ne se fasse
pas trop attendre ; il faut se hâter de la mettre en action, comme dans le
service de santé ; laisser plus longtemps impunis les coupables, quels qu’ils
soient, accusateurs ou accusés, c’est attiser, c’est augmenter de plus en plus
l’esprit de désunion, de démoralisation, que je ne crois pas encore exister,
mais qui pourrait bien venir à exister, si l’on n’y prend garde, dans cette
partie du service militaire, si importante pour le bien-être des militaires.
Je regrette,
messieurs, avec les autres membres de la section centrale, que le refus de
communication du rapport des officiers- généraux nous ait mis dans
l’impossibilité de nous former une opinion sur le fondement ou non fondement
des plaintes faites relativement à ce service.
Aussi longtemps que
ce refus existera, et malgré toute la confiance personnelle que m’inspire
l’honorable ministre de la guerre et qu’il m’a toujours inspiré, confiance qui
date depuis plus de 20 ans que j’ai l’honneur de le connaître ; malgré toute
cette confiance, malgré la profonde estime que j’ai pour ses talents, ses
capacités et sa probité politique et morale, je me verrai obligé ou de
m’abstenir ou de rejeter les crédits demandés pour le service de santé. Mais
j’espère encore qu’enfin il cédera au vœu exprimé par presque toute la chambre,
qu’il nous communiquera la seule pièce du procès qui puisse véritablement nous
éclairer. Car, présenter à la chambre la communication d’une masse si énorme de
documents, qu’il a fallu plusieurs mois de travail à une commission pour en
faire l’examen, c’est à mon avis, je regrette de devoir le dire, ne rien
communiquer.
J’espère donc, je
le répète, qu’il reviendra sur le refus de communiquer le rapport des officiers
généraux.
Qu’il songe à la terrible responsabilité que ce refus ferait tomber sur
lui, sur lui cependant étranger au ministère lorsque les abus dont on se plaint
à tort ou à raison, je ne veux aucunement préjuger la question, ont eu lieu.
Qu’il songe aux
conséquences que pourrait avoir un pareil refus plus longtemps prolongé.
Qu’il songe surtout
au fait très grave qu’a révélé hier à la chambre un honorable députe d’Alost !
On m’a informé que
dans nos garnisons des Flandres, et particulièrement à Gand, a-t-il dit, les
soldats malades dépensent tout ce qu’ils ont avant d’entrer à l’hôpital.
C’est donc au nom
de l’humanité, au nom de cette vieille estime, de cette entière confiance que
j’ai toujours eu en lui, que j’engage de tous mes efforts l’honorable ministre
de la guerre à rompre enfin le silence et à satisfaire ainsi au vœu de la
chambre.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je ne
rentrerai pas dans la discussion de la question de savoir si je dois ou si je
ne dois pas communiquer le rapport de la commission d’enquête. Dans la réponse
que j’ai faite au discours prononcé hier par l’honorable M. Jullien, je crois
avoir établi que ce rapport n’était pas essentiel pour découvrir la vérité, que
ce n’était que l’opinion d’un certain nombre de personnes. Je proteste donc
que, dans ma façon de penser, il n’y a dans mon refus ni intention ni effet de
mettre obstacle à la découverte de la vérité. J’ai donné les motifs de principe
pour lesquels je ne crois pas qu’il soit convenable ni utile de me départir de
ma résolution. Quant à la responsabilité qui peut en résulter pour moi, je ne
la reconnais pas. Je ne veux pas qu’il puisse y avoir lieu non plus à une
responsabilité morale, puisque tous les détails de cette affaire sont étrangers
à mon administration. S’il s’agit de faire une enquête, je suis prêt à y
concourir aussi publiquement que possible et à entrer dans tous les détails de
l’affaire. La seule responsabilité que je puisse encourir, c’est une
responsabilité de position.
Chacun peut apprécier ce qu’il a à faire en pareil cas. Je mets certains
principes avant toute autre considération, et ce qui me détermine dans mon
refus, ce sont des principes dont je ne crois pas pouvoir me départir.
M. Dumortier. - Je ne veux pas laisser clore
cette discussion générale sans répondre quelques mots et même sans réfuter les
réponse que m’a adressée M. le ministre de la guerre à le séance précédente. Je
la considère comme de nature à laisser de fausses impressions dans nos esprits.
La thèse que j’ai
soutenue est celle que la chambre est étrangère à l’état de malaise dans lequel
on se plaint de trouver l’armée ; dans une aussi grave question, il importe que
la vérité apparaisse tout entière. Il ne faut pas que l’on s’y trompe. De deux
choses l’une : ou mes arguments sont vrais et le malaise de l’armée ne vient
pas de la chambre, ou les réfutations du ministre sont fondées, et c’est à nous
que nous devons nous en prendre si l’armée éprouve du malaise, si la sûreté du
pays est compromise par l’état actuel.
De deux choses
l’une : ou le ministre a réfuté mes arguments, et alors nous sommes les
coupables, ou il ne les a pas réfutés, et alors il est démontré que la faute
des faits que je signale retombe exclusivement sur le ministère, sur le
gouvernement.
Vous le sentez,
messieurs, il n’y a rien ici de personnel à M. le ministre de la guerre, qui
depuis quelques mois seulement est à la tête du département de la guerre.
J’aime à voir l’activité qu’il déploie dans l’administration de cette branche
importante du service public, j’aime voir les soins qu’il porte à toutes les
parties du service militaire, et j’ai l’espoir qu’il saura rendre à notre armée
cette fierté martiale qu’elle avait avant la seconde invasion française. Ces
reproches s’adressent aux ministres qui se sont succédé et qui n’ont pas fait
des crédits votés par la chambre l’emploi qui leur était destiné. Pour mon
compte je tiens à repousser le reproche qu’on avait fait planer sur
l’assemblée. On a représenté la chambre, et surtout les membres de
l’opposition, comme la cause de la désorganisation dont on se plaignait. Il
importe donc que je puisse répondre aux assertions de M. le ministre ; et
j’espère que quand vous m’aurez entendu, il ne restera plus de doute dans vos
esprits.
Pour soutenir ma
thèse, j’ai commencé par détruire les faits avancés par mes honorables
adversaires, et ensuite j’ai fait retomber sur ceux qui avaient occupé le
portefeuille de la guerre la responsabilité de l’état actuel de l’armée.
Pour me répondre,
le ministre a commencé par nier l’exactitude des faits allégués, et il a
protesté ensuite de ses bonnes intentions. Cette protestation, je l’approuve,
je la loue. Mais restent les faits dont il a contesté l’exactitude et sur
lesquels je base mon accusation. Ce sont ces faits que je vais avoir l’honneur
de reproduire.
D’abord, je me suis
plaint de l’état de dislocation dans lequel on place notre armée. Remarquez,
messieurs, que cette plainte n’est pas d’aujourd’hui, chaque année à pareille
époque, quand nous discutons le budget de la guerre, dans toutes les occasions,
je me suis plaint de la dislocation de notre armée.
Messieurs, ce qui
fait la force d’une armée, c’est sa concentration, ce qui en fait la faiblesse
c’est sa dislocation.
L’empereur, qui
connaissait le métier de la guerre, répétait sur le rocher de Ste-Hélène, que
tout l’art de la guerre consistait à savoir rassembler sur un même point plus
d’hommes que son adversaire.
Lors de la
glorieuse campagne d’Italie, son armée ne comptait que 40 mille hommes et, avec
ces 40 mille hommes, il parvint à détruire toutes les armées coalisées. C’est
qu’indépendamment de son génie il avait le talent de concentrer toujours une
masse d’hommes supérieure à celle que ses ennemis lui opposaient.
Eh bien, en
présence de ces faits, comment s’est-on comporté depuis 6 années ? D’abord à
l’époque de la révolution on, a commencé par diviser nos troupes et laisser la
capitale à découvert.
Le congrès avait
voté les fonds pour 58,000 hommes. Ces 58.000 hommes étaient-ils sous les
drapeaux à l’époque de l’invasion hollandaise ? c’est ce que nous saurons
lorsque nous serons appelés à examiner les comptes. Pour moi, je suis
possesseur de pièces qui tendent à établir qu’à cette époque ces 58,000 hommes
pour lesquels des fonds avaient été alloués par la congrès n’étaient pas sous
les drapeaux. Mais on avait encore des forces plus que suffisantes pour
repousser l’agression, si elles eussent été concentrées ; au lieu de cela on
semble avoir pris soin de les tenir constamment divisées en 2 corps jetés aux
extrémités du pays et de laisser ainsi la capitale à découvert. L’armée
hollandaise, au contraire, a fart une pointe en masse, et a séparé les deux
corps ; alors nous avons été sans armée. Aussi, aucun reproche ne peut être
adressé à l’armée ; le ministre seul a été coupable.
Une pareille faute
aurait dû nous servir de leçon. Eh bien qu’a-t-on fait depuis 6 ans ? J’excepte
le moment où M. Charles de Brouckere et le général Desprez
dirigeaient notre armée. Depuis 6 ans l’armée est dans un état de dislocation
complète qui pourrait avoir les plus graves conséquences.
Dans une séance
précédente, j’ai dit que, dans les circonstances actuelles, un général
déterminé, avec quelques milliers d’hommes, pourrait faire une pointe sur
Bruxelles. Ces paroles ont été mal comprises ou ont été mal interprétées. Loin
de moi, messieurs, l’idée de contester la bravoure du soldat, de l’armée belge.
Ce n’est pas moi qui en ai toujours appelé à l’épée de notre chef pour trancher
les liens de la diplomatie, qui viendrait révoquer en doute la bravoure du
soldat belge. Mais cette bravoure ne peut se montrer que quand on place le
soldat en face de l’ennemi ; et vous le placez à la frontière de France. Au
lieu de cela, faites comme
Dans l’état actuel
de dislocation de notre armée, il est positif qu’en fort peu de temps l’armée
hollandaise peut arriver jusqu’à la capitale. En trois jours d’étape, on peut
être de la frontière de Hollande à Bruxelles. Admettons qu’au moment où je
parle l’armée hollandaise envahisse la frontière. Aujourd’hui elle aura fait
une étape ; elle aura fait le tiers du chemin avant que le ministre de la
guerre ait été informé de l’invasion. Le ministre donnerait immédiatement des
ordres pour que les troupes qui se trouvent à la frontière de France se portent
sur la capitale. Mais pendant que ces ordres seront expédiés l’année
hollandaise fera une autre étape ; et pendant que les troupes en garnison à
Tournay, à Ypres, à Mons et à Namur quitteront ces villes, l’armée hollandaise
arrivera jusqu’à la capitale. Voilà dans quel sens j’ai dit que dans les
circonstances actuelles un général déterminé pouvait avec quelques milliers
d’hommes faire une pointe sur Bruxelles, Ce fait est incontestable, et la responsabilité
en pèse entièrement sur le ministre de la guerre.
Député de Tournay,
si je ne défendais que des intérêts de localité, je préférerais voir dans cette
ville une forte garnison qui y verse nécessairement beaucoup de numéraire. Mais
avant tout j’appartiens au pays. J’aime mieux voir compromettre les intérêts de
la ville que je représente, plutôt que ceux de la patrie.
Que le gouvernement
laisse les dépôts dans les villes où ils sont parce qu’ils sont à l’abri d’un
coup de main et qu’ils donnent du travail aux ouvriers pour le confectionnement des effets nécessaires à la troupe, mais
que l’on envoie les troupes à la frontière hollandaise, ainsi que je ne cesse,
depuis 6 ans, de le demander dans cette enceinte.
J’ai dit que tous
les fonds votés pour les fortifications avaient été exclusivement employés à
des constructions sur la frontière de France ; et cependant depuis 6 ou 8 ans
vous avez voté de 6 à 8 millions pour le matériel du génie. Eh bien, je vous le
demande, au lieu d’employer ainsi ces millions, ne pouvait-on pas fortifier
quelques points sur les rives de
Mais tandis que le
gouvernement fait réparer les forteresses sur la frontière de France, voyez
jusqu’où va son incurie d’un autre côté. Ostende, la clef maritime de
Vous voyez donc que
l’on a méconnu les enseignements de l’expérience qu’on ne devrait pas perdre de
vue dans des objets qui intéressent à un si haut degré l’avenir de la patrie.
Quant à la
construction de casernes, je l’ai dit depuis longtemps, construisez des
casernes sur les bords de
En répondant à mes
observations sur la création de nouveaux états-majors, le ministre de la guerre
a cru répondre en disant que le corps d’état-major était incomplet, ce n’est
pas du corps d’état-major que j’ai parlé, mais bien de l’état-major des corps.
Sous le général Desprez que je me plais à citer pour sa haute capacité,
nous n’avions que 15 régiments d’infanterie ; et notre armée était de 110 mille
hommes. Aujourd’hui avec une armée moitié moins faible, nous avons 24 régiments
! ainsi les états-majors ont été augmentes en raison inverse du nombre des
soldats : n’est ce pas une véritable absurdité ?
Quel besoin
avait-on de créer des états-majors en disponibilité ? Nous avons des régiments
dans lesquels il y a des officiers et des sous-officiers et pas un soldat ;
voilà les conséquences du système que je blâme et que j’ai raison de blâmer. Il
faut qu’il y ait des soldats dans la proportion des officiers. C’est une vraie
superfétation que d’avoir multiplié les états-majors dans le moment même où
l’on diminuait l’effectif de l’armée. On a aussi procédé beaucoup trop vite,
dans la nomination des officiers supérieurs ; toutefois je ne reviendrai pas
sur cette question que j’ai déjà agitée et à laquelle on n’a pas répondu.
Mais je répondrai à
ce qu’a dit le ministre de la guerre relativement aux officiers de la
révolution. Quand j’ai parlé de ces officiers, je n’ai pas entendu désigner
ceux qui sont devenus officiers à cette époque j’ai voulu encore désigner ceux
qui étant officiers sont venus les premiers dans nos rangs combattre pour
l’indépendance nationale, ou reconnaître l’ordre de choses nouveau.
Le ministre de la
guerre a dit qu’on était très sensible à ce qui les concernait, et que s’ils n’obtenaient
pas toujours ce qu’ils demandaient, c’est que leur conduite ou leur instruction
ne permettait pas de leur donner de l’avancement ou des commandements. Pour
réfuter ceci je ne citerai que quelques faits.
Les généraux qui
commandèrent pendant les jours de la révolution, où sont-ils ? aucun d’eux n’a
maintenant de commandement ; cependant ils avaient donné assez de gages à la
révolution pour que l’on eût confiance en eux ; mais au lieu de leur donner des
emplois, on est parvenu à les mettre de côté un à un, tandis que l’avancement
était dévolu aux hommes qui avaient pris part à la conspiration dit mois de
mars. S’il est des officiers de la révolution dans les rangs de l’armée ils
sont voués au dédain.
Ainsi les faits que
j’ai avancés sont vrais et les réponses du ministre de la guerre ne sont pas
pertinentes. Les faits que l’on a signalés retombent donc sur le ministère, et
la chambre est exempte de tout reproche.
Messieurs,
j’appelle maintenant votre attention sur un point également grave et qui est la
cause principale qui m’a fait prendre la parole.
Toujours vous avez
voté les fonds demandés au budget, et chaque année, comme l’a fort bien fait
observer M. Desmaisières, plusieurs millions sont restes sans emploi ; ainsi
nous avons constamment voté au-delà des besoins ; cependant on accuse la
chambre ; on la taxe de parcimonie ; on appelle sur elle l’animadversion de
l’armée.
Ce ne sont pas là
de simples allégations. Vous avez tous pu lire dans un recueil qui nous a été
distribué des paroles qui portent atteinte à la dignité de l’assemblée. Voici
en effet ce que l’on trouve dans ce recueil :
« Partout
ailleurs qu’en Belgique, le budget de la guerre peut passer au milieu des
préliminaires d’une session législative pour y occasionner beaucoup de tumulte ;
il n’en est pas de même chez nous. Cette présentation est et a toujours été
l’occasion d’attaques virulentes contre l’armée, comme si les hommes qui la
composent étaient hostiles ou à charge. »
Ainsi donc, on
signale cette assemblée comme dirigeant des attaques virulentes contre l’armée
à chaque discussion du budget ; on met la chambre des représentants en présence
de l’armée ; on veut commettre cette assemblée vis-à-vis de l’armée ; dans quel
but de telles manœuvres sont-elles employées ? Je ne sais. Ce que je sais du
moins, c’est que cet écrit, sans indication d’auteur, a été imprime au bureau
du Journal de l’armée belge, journal
qui paraît avec l’autorisation du ministre de la guerre. Il est par conséquent
destiné à parcourir les rangs de l’armée. C’est à vous à tirer les conséquences
de semblables faits ; je vous abandonne ce soin. J’ajouterai cependant qu’on
nous a distribué cet écrit, à nous qu’on signale comme dirigeant chaque année
des attaques virulentes contre l’armée ! Jugez par là jusqu’à quel point est
portée la hardiesse des accusateurs !
Mais est-ce l’armée que nous attaquons dans nos discussions ? Non ; ce
sont les abus dont elle est la première victime. Mais quant à l’armée, comment
dire que nous l’attaquons ; nous que l’on voit toujours opposés à la diplomatie
; nous qui avons toujours dit : appelez-en aux baïonnettes de nos braves et
faites des cartouches avec les protocoles. Ceux-là ont attaqué l’armée, qui ont
osé dire que nos succès dataient du jour où elle a été soumise au joug de la diplomatie
; ceux-là ont attaqué l’armée qui ont abandonné à une armée étrangère une
gloire qu’ils devaient réserver à la nôtre. Certes ceux-là attaquaient l’armée,
et les larmes qui roulaient à cette époque dans les yeux de nos braves ne le
témoignaient que trop. Mais quand la législature a-t-elle rien fait, rien dit
contre l’armée ? Je proteste de tous mes moyens contre toute accusation de ce
genre : non, dans cette enceinte, jamais aucune attaque n’a été dirigée contre
l’armée ; nous attaquons les abus sous quelque forme qu’ils se présentent, de
quelque broderie qu’on les couvre ; mais l’armée composée de nos enfants a
toujours été et sera toujours l’objet de notre vive sollicitude. Cependant
voilà les odieuses calomnies qu’on dirige contre la représentation nationale,
sous l’appui du ministère de la guerre, et que l’on fait circuler dans l’armée
pour rendre la chambre odieuse à l’armée.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar). -
L’importance que l’on attache à cette brochure m’oblige à vous déclarer qu’elle
a paru dans un établissement qui n’appartient pas au gouvernement, et que le
gouvernement ne dirige en aucune manière. Le journal dont il s’agit s’appelle Journal de l’armée belge, mais il est
indépendant de toute administration publique ; c’est une entreprise
particulière, et son éditeur tient et même temps la librairie militaire ; il est tout à fait en dehors du gouvernement
; beaucoup de militaires y sont abonnés, et il existe depuis 1832.
Il y a un journal
officiel militaire dont le gouvernement paie les frais ; mais ce journal est
semblable à celui des autres administrations publiques, et il sert à publier
tous les actes qui intéressent l’armée.
Messieurs, je ne
suivrai pas l’orateur dans tontes les parties de son discours ; je me bornerai
à vous présenter quelques réflexions sur un seul point.
Il a parlé d’une
pointe sur Bruxelles qui pourrait s’exécuter en trois jours : mais pour une
pareille tentative, il faudrait auparavant que l’armée hollandaise se
concentrât ; et c’est ce qu’elle ne pourrait faire convenablement sur sa
frontière sans employer au moins cinq jours ; ainsi il faudrait huit jours au
moins de mouvements dans l’armée hollandaise, pour qu’une partie pût se porter
en avant et arriver jusqu’à Bruxelles, et non pas trois ; or il est très
présumable que le ministre de la guerre serait prévenu du premier moment ou
s’opérerait la concentration, ainsi il aurait sept jours au moins pour placer
des bataillons devant l’ennemi et repousser une attaque aussi imprudente que
celle que l’on suppose.
Du reste, l’état
actuel de l’armée ne durera pas longtemps, et l’orateur peut se rassurer contre
toute folle entreprise.
- La chambre ferme
la discussion générale.
COMPTE-RENDU SUR
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb)
dépose sur le bureau de la chambre le compte rendu concernant le chemin de fer.
- La séance est
levée à quatre heures et demie.