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Note d’intention
Chambre des représentants
de Belgique
Séance
du jeudi 23 février 1837
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi relatif aux distilleries (Zoude, Dumortier, d’Huart, Desmet) et au sucre (Berger)
3) Projet de loi portant le budget du département de la guerre pour 1837
4) Fixation de l’ordre des travaux de la chambre (budget de la guerre et
organisation de l’école militaire) (Raikem, Dumortier, de Brouckere, de Puydt, Dumortier, de Puydt, d’Huart)
5) Projet de loi portant le budget du département des travaux publics.
Rapports sur les amendements présentés (Rogier, Dubus, d’Huart)
6) Projet de loi portant le budget du département des finances pour
l’exercice 1837. Caissier général de l’Etat et société générale (+cour des
comptes) (d’Huart, Doignon, Verdussen, Fallon, d’Huart, Fallon, Dubus,
Verdussen, de Theux, de Brouckere, Coghen, Dubus, de Brouckere, (+intérêt
et risque des associations commerciales (société anonyme)) Devaux,
Dubus, de Brouckere, Jullien, Dumortier, Coghen, Dumortier, Verdussen)
(Moniteur
belge n°55, du 24 février 1837)
(Présidence de M. Fallon,
vice-président.)
M. de Renesse
fait l’appel nominal à l’heure accoutumée (midi et un quart).
M. Kervyn donne
lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse
présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« La chambre de commerce et des fabriques de
Charleroy adresse des observations en faveur de l’industrie des sucres
indigènes. »
- Renvoyé à la commission des sucres.
________________
« Le sieur Engels, délégué des distillateurs
de l’arrondissement de Ruremonde, adresse des observations sur le projet de
modifications à la loi des distilleries, et demande que le bureau de Venray soit déclaré bureau de sortie pour l’exportation des
genièvres indigènes avec décharge de l’accise. »
- Renvoyé à la commission des distilleries.
________________
« Un
grand nombre de personnes, avant pris une part à la révolution, demandant qu’il
soit nommé une nouvelle commission des récompenses honorifiques, afin qu’elle
statue sur leur demande en obtention de la croix de fer. »
________________
« Le
sieur A. Vase, journalier à Orbais (Brabant), se
plaint de ce que son fils milicien de 1835, soit appelé sous les drapeaux, par
suite d’un faux certificat d’indigène, donné à un autre milicien de sa
commune. »
________________
« Le
sieur Vreucop, ancien officier de la garde civique,
demande une loi de réorganisation de cette garde civique. »
________________
« Quelques habitants de la commune d’Asper demandent que le droit de patente soit augmenté et
rendu uniforme pour les débitants de boissons dans le plat pays, et que les
personnes qui ne paient pas de contributions personnelles ni d’impôt local ne
puissent plus obtenir de patente pour le débit des boissons. »
________________
« Plusieurs cultivateurs de la commune d’Eeckeren demandent que l’entrée des foins hollandais soit
prohibée. »
________________
- Les cinq derniers mémoires sont renvoyés à la
commission des pétitions.
________________
« Les
habitants des communes d’Oorderen, Eeckeren, Wilmarsdonck, Lillo, Stabroeck, etc., adressent des observations en faveur du
projet d’endiguement du polder de Lillo, et de resserrement de l’inondation de
Liefkenshoek. »
________________
M. de Renesse
fait ensuite lecture de la lettre suivante, adressée par M. le ministre des
travaux publics à M. le président de la chambre :
« M. le président, outre les diverses branches
d’administration attribuées à mon département par arrêté royal du 13 janvier
1837, les attributions suivantes été confiées :
« Les pensions civiques ;
« Les secours sur le fonds spécial aux blessés
de septembre 1830 ;
« Les pertes essuyées par suite de l’agression
hollandaise ;
« Le casernement et les affaires relatives à
la gendarmerie nationale ;
« Les logements et affaires militaires en
général.
« Diverses réclamations rentrant dans l’une ou
l’autre des catégories précitées, ayant été renvoyées à M. le ministre de
l'intérieur par la chambre des représentants, depuis la création du département
des travaux publics, j’ai cru devoir vous donner connaissance de ce qui
précède, pour que les affaires qui appartiennent à l’une ou à l’autre de ces
catégories, soit à l’avenir renvoyées au département ministériel chargé de les
traiter.
« Agréez, M. le président, etc.
« Nothomb. »
M. le président. -
Je demanderai à M. Zoude si la commission de distilleries a terminé ses
opérations.
M. Zoude. - Elle a
terminé son travail sur le premier projet et non sur le second.
M. Dumortier. -
Messieurs, dans une des séances précédentes, l’honorable ministre des finances
a insisté pour demander la présentation du rapport sur la loi des distilleries
; il a parfaitement raison d’insister, il y a 18 mois que le projet a été
présenté, il faut pourtant qu’on arrive à faire un rapport. Nous allons
augmenter les dépenses ; il faut trouver le moyen d’augmenter les recettes, et
les distilleries le présentent.
On a aussi envoyé la question relative au sucre à
une commission ; je demanderai à quel point en sont les travaux de cette
commission ? Si je suis bien informé, on dit qu’elle ne s’est pas réunie. Nous
devons sortir de l’état actuel des choses. Les questions des sucres et des
distilleries sont importantes pour le trésor public.
M. Zoude. - La
commission des distilleries rencontre plusieurs questions assez embarrassantes
; et, par mon organe, elle doit vous témoigner son étonnement de ce que M.
Dumortier, qui en fait partie, et qui n’y a pas encore paru, soit celui qui se
plaigne de ce qu’elle ne ferait rien. (On rit.)
M.
Dumortier. - L’honorable membre se trompe ; la mémoire ne lui est pas
fidèle ; je me suis présenté dans le sein de la commission ; mais comme j’ai vu
que j’étais seul de mon opinion, je n’ai pas cru devoir m’y rendre de nouveau.
Je suis d’avis que le système du ministre des finances est bon et qu’il aurait
dû être adopté comme il a été présenté.
M. Zoude. - M.
Dumortier n’a paru qu’une fois dans la commission et j’ajouterai que nous
sortions quand il est venu. (On rit.)
M. Dumortier. -
Je ne veux pas récriminer ; mais le fait est inexact. Quoi qu’il en soit, il s’agit
de la loi sur les distilleries et des intérêts du trésor, et pas d’autre chose.
M.
Berger. - Je répondrai à M. Dumortier relativement à la question des
sucres. Je lui rappellerai ce que j’ai dit dans une séance précédente ; c’est
que l’objet soumis à la commission était important, qu’il ne fallait pas se
presser, et qu’il fallait donner à toutes les opinions le temps de se produire.
Déjà de nombreux mémoires ont été adressés à la chambre de la part des
raffineurs de sucre, et des fabricants de sucre de betteraves ; aussi la
commission croit avoir actuellement assez de pièces sous les yeux pour prendre
des conclusions. Depuis dix jours, elle n’a pu se réunir à cause de l’état de
maladie de plusieurs de ses membres ; mais le retour de l’honorable M. Donny
lui permettra de se réunir mardi prochain.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je trouve, comme M. Dumortier, qu’il est assez
insignifiant pour la chambre de savoir si cet honorable membre s’est rendu une
ou plusieurs fois dans le sein de la commission des distilleries ; mais je
pense qu’il est urgent de statuer sur la loi concernant cet objet. Si le
travail de la commission est terminé, et que l’état de santé du rapporteur
l’empêche de présenter les conclusions à la chambre, qu’on charge un autre
membre des fonctions de rapporteur. Quelle qu’elle soit, faites connaître
l’opinion de la commission à la chambre ; il y a urgence, la moralité et les
intérêts du trésor réclament une prompte solution.
M. Desmet. - A qui
la faute si la commission n’a pas présenté de rapport ? La faute c’est à M. le
ministre des finances. Un premier projet est présenté ; la chambre nomme une
commission pour l’examiner, elle fait son travail ; mais le ministre présente
un second projet ; voilà donc un nouveau travail à faire. On dit que ce second
projet ne doit être considéré que comme amendement au premier ; mais la
commission a vu autre chose que des amendements dans la nouvelle proposition ;
ainsi le ministre ne doit attribuer qu’à lui seul les retards dont il se
plaint.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - L’honorable membre m’a déjà adressé des
reproches lorsque j’ai présenté de nouvelles dispositions concernant les
distilleries, alors que je n’ai pas cru devoir y prendre garde ; aujourd’hui,
laissant aussi de côté ce qu’il peut y avoir d’aigreur dans les nouveaux
reproches qui me sont adressés, je dirai que c’est en 1835 que le ministre a
présenté son premier projet, et que c’est en janvier 1837 seulement que la
commission est venue nous présenter le résultat de son premier examen. Si donc
il y a eu retard, ce n’est pas au gouvernement qu’il est imputable. Quoi qu’il
en soit, l’intérêt du pays exige que nous en finissions, et si l’opinion de la
commission n’est pas favorable à la proposition du gouvernement, qu’elle le
dise au moins, la chambre en jugera et prononcera ; mais qu’on nous mette en
position d’aborder ce point important. Il s’agit, je le répète, de la morale
publique et des intérêts du trésor.
M. Desmet. - La
commission avait été formée pour examiner un projet, et elle s’est occupée de
ce travail ; il est hors des convenances parlementaires de remplacer un projet
dont une commission est saisie par un autre. Cependant la commission s’est
réunie pour prendre des conclusions sur ce nouveau projet ; elle a par
conséquent recommencé son travail : que pouvait-elle faire de plus ? Qu’on
laisse la commission présenter son projet, et que le ministre considère ses
nouvelles propositions comme étant des amendements à celle de la commission, et
tout sera fini.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Il s’agit de savoir si la commission a examiné
le nouveau projet qui lui a été renvoyé, si elle a pris une résolution
relativement à ce nouveau projet, et si nous avons l’espoir d’obtenir un prompt
rapport.
On dit que la commission a terminé son travail…
M. Berger. - C’est
vrai !
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Eh bien, qu’on présente ce travail.
M. Berger. - Le
rapporteur est malade.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Nommez-en un autre !
M. Zoude. - Je puis
assurer le ministre que le rapport sera présenté la semaine prochaine.
M. de Brouckere.
- Je demanderai l’impression dans le Moniteur
de la lettre écrite par M. le ministre des travaux publics au président de la
chambre : il faut que chacun de nous connaisse les attributions du nouveau
ministère. (Adhésion.)
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DEPARTEMENT DE
M. Desmaisières.,
au nom de la commission chargée de l’examen des amendements présentés au budget
de la guerre par M. le ministre de ce département, dépose son rapport sur le
bureau.
- La chambre ordonne l’impression et la
distribution de ce rapport, et fixe l’ouverture de la discussion du budget de
la guerre à lundi.
M. Raikem. - Il
faut mettre en même temps à l’ordre du jour de lundi le projet concernant
l’école militaire.
M. Dumortier. -
Il est impossible de discuter simultanément le budget de la guerre et le projet
sur l’école militaire qui est en cent articles. Il faut avant tout que les
budgets soient votés.
M.
de Brouckere. - Mais la loi sur l’école militaire est un article du
budget de la guerre.
M. de Puydt. - La
loi sur l’école militaire a un rapport direct avec le budget de la guerre. Tous
les ans, quand on arrive, dans la discussion du budget de la guerre, à
l’article de l’école militaire, on se plaint de ne pouvoir fixer le chiffre
relatif à ce chapitre, et la chambre a décidé que la discussion de la loi
organique de l’école militaire aurait lieu en même temps que le budget de la guerre,
afin de le rendre complet. Cette loi n’a pas cent articles, mais douze ou
quinze, et encore sont-ils réglementaires. Les principes de la loi sont très
clairs.
M.
Dumortier. - Je crois que l’honorable membre se trompe relativement à
la portée de la loi concernant l’école militaire. Il vous dit que la discussion
de cette loi ne durera pas plus d’un jour. C’est manifestement impossible ; car
elle a cent articles. Vous ne pouvez pas intercaler dans la discussion du
budget le vote d’une loi semblable. Qu’on s’en occupe immédiatement après la
discussion du budget de la guerre, soit ; mais interrompre la discussion de ce
budget pour s’occuper de l’organisation de l’école militaire, cela n’est pas
possible.
Le budget de la guerre va soulever des questions de
la plus haute importante : la question du service de santé qui ne sera pas
décidée en un jour, et la question des lits militaires qui est encore d’une
très haute importance.
Pourquoi à ces questions très graves venir encore
en ajouter une autre ? Si, indépendamment des deux objets que je viens de
signaler, vous alliez mettre à l’ordre du jour la loi sur l’école militaire, le
budget de la guerre ne pourrait jamais être voté assez tôt pour que le sénat
puisse l’examiner. Les branches du pouvoir législatif se doivent des égards
réciproques, et ce serait en manquer vis-à-vis du sénat que de le mettre dans
la nécessité de voter le budget le la guerre sans examen.
Au reste, la loi concernant l’école militaire est
indépendante du budget.
M.
de Puydt. - Je pense que l’honorable préopinant ne m’a pas compris. Je
lui ferai observer qu’il est impossible de voter le budget de la guerre sans
arrêter le chiffre de l’allocation pour l’école militaire, et que ce chiffre ne
peut être arrêté sans voter l’organisation de l’école, puisque cette
organisation doit déterminer la dépense. Après cela, que l’on discuté avant ou
après le budget l’organisation de l’école, peu importe. Mais je persiste à
croire, malgré l’opinion émise par le préopinant, que la discussion de la loi
concernant l’école militaire ne durera pas plus d’un jour. Je n’ai pas dit
qu’il contenait cent articles, mais seulement quinze.
M. Dumortier. -
Et les règlements ?
M. de Puydt. -
Les règlements ne font pas partie de la loi.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Nous sommes d’accord sur l’urgence de la
discussion du budget de la guerre : il faut donc la simplifier autant que
possible faire en sorte que le premier et le deuxième vote aient lieu au plus
tôt. Mais je demanderai, et à peu près ce que demande l’honorable M. de Puydt,
pour ne pas perdre de temps, que la discussion de la loi concernant l’école
militaire arrive immédiatement après le vote du budget de la guerre. On pourra
porter, par un crédit spécial, le chiffre nécessaire pour ce service. Tout le
monde paraissant d’accord, je n’en dirai pas davantage.
M. le président. -
Puisqu’il n’y a pas d’opposition, le budget de la guerre est mis à l’ordre du
jour de lundi, et après ce budget on s’occupera de la loi concernant l’école
militaire.
M. Desmet est
appelé à la tribune pour présenter le rapport de la section centrale sur
l’augmentation de 10 mille francs demandée par M. le ministre des travaux
publics au chapitre premier de son budget, personnel de l’administration
centrale.
Plusieurs
voix. - L’impression !
M.
le président. - Peut-être la discussion de ce rapport pourra-t-elle
avoir lieu avant l’impression ; alors il vaudrait mieux en entendre la lecture.
M. Rogier. - Je
pensais qu’on avait décidé que l’ordre du jour serait la suite de la discussion
du budget des finances.
M. le président. - Les
deux budgets des travaux publics et des finances étant à l’ordre du jour, j’ai
cru devoir commencer par le budget des travaux publics qui avait été mis en
discussion avant le budget des finances.
M.
Dubus (aîné). - Je ne vois pas d’inconvénient à ce que le rapport de M.
Desmet ne soit pas discuté aujourd’hui, puisqu’il y a un autre amendement
concernant les travaux publics sur lequel la section centrale n’a pas terminé
ses opérations. M. le ministre a promis un mémoire contenant des développements
qui devront être imprimés. En retardant le vote de l’amendement sur lequel on
vient de faire un rapport, cela n’entraîne aucun retard pour l’adoption du
budget. On peut donc faire imprimer le rapport de la section centrale ; chacun
de nous en prendra connaissance à loisir.
M. le président. -
Ce rapport sera imprimé et distribué ; on le discutera quand un rapport
ultérieur de la même section centrale sur un autre amendement sera fait à la
chambre.
Le rapport sur le service de la poste rurale a été
distribué. La chambre est-elle disposée à s’en occuper ?
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je me rallierai à l’opinion de l’honorable M.
Rogier tendant à achever d’abord la discussion du budget des finances. Ou
pourra de cette manière examiner en même temps les articles du budget des
travaux publics qui ont été ajournés. On vient de distribuer le rapport sur le
service de la poste rurale à peine le ministre des travaux publics a-t-il pu en
prendre connaissance. Quant au temps, c’est la même chose que nous discutions
un budget avant l’autre.
M. le président. -
Nous reprendrons alors la discussion du budget des finances.
Discussion des articles
Chapitre II. - Administration du trésor dans les provinces
Article 3
« Art. 3. Caissier général de l’Etat : fr.
260,000. »
M. le ministre des finances
(M. d'Huart). - Messieurs, le chiffre de l’article concernant le
caissier général de l’Etat, demandé au budget et montant à 260 mille francs,
doit être réduit, d’après l’amendement que j’ai transmis à la section centrale,
de 40 mille francs. Et le chiffre à mettre en discussion serait celui de 220
mille francs.
Je pense qu’avant d’entamer cette discussion il
sera utile que je donne quelques explications sur la convention passée avec le
caissier de l’Etat, et que je rencontre sommairement les observations faites
sur cette convention à la section centrale.
Chaque année, à l’occasion des budgets, l’on a
demandé, au sein des chambres législatives, qu’il fût apporté des modifications
dans les conditions du service confié au caissier de l’Etat.
Les critiques de ce service ont particulièrement
porté sur l’élévation du denier de recette accordé depuis 1830 ;
Sur le défaut de relations directes entre la cour
des comptes et le caissier ;
Sur l’absence d’un cautionnement comme garantie de
la gestion.
L’on a aussi agité la question de savoir s’il n’eût
pas été convenable, dans l’intérêt financer et politique du pays, de retirer
entièrement la caisse de l’Etat à la société générale, pour la conférer, à
l’instar de qui existait précédemment, à des agents comptables du gouvernement
placés sous les ordres immédiats du département des finances.
La convention conclue le 7 novembre dernier entre
le gouvernement et la société générale a paru de nature à donner tout
apaisement aux chambres sur la première partie des réclamations dont je viens
de parler.
Nous avons au moins, messieurs, fait tous nos
efforts pour parvenir à rectifier ainsi, autant que possible, tous les points
du service du caissier de l’Etat, qui auraient donné matière à contestation
sérieuse.
L’article premier de cette convention, imprimée à
la suite du rapport de la section centrale, réduit le denier de recette du
quart au cinquième p. c.
L’art 3 stipule les relations directes du caissier
avec la cour des comptes.
L’art. 4 procure à l’Etat un cautionnement de cinq
millions de francs.
Quelqu’opinion que l’on puisse avoir du service
confié à la société générale comme caissier de l’Etat, on sera forcé de
reconnaître que la convention dont il s’agit a introduit de notables
améliorations dans l’état de choses existant depuis 1830.
J’ajouterai que si ces améliorations n’ont pas été
plus grandes encore, ce n’est pas la faute du gouvernement : il ne faut pas
perdre de vue, messieurs, que nous n’avons pas combiné, tout seuls, les
nouvelles conditions du service du caissier ; elles ont dû être débattues et
arrêtées de commun accord avec la direction de la société générale, qui n’a pas
cru que ses intérêts et ses convenances lui permissent d’aller au-delà de ce
qui est stipulé dans la convention du 7 novembre dernier.
Quoi qu’il en soit, messieurs, le gouvernement a
cru trouver dans cet acte des conditions acceptables, et pensant que si
l’existence du service du caissier de l’Etat, tel qu’il est maintenant réglé,
pouvait laisser quelque chose à désirer, il présentait, sous bien des rapports,
des avantages positifs en faveur du commerce et de l’industrie qui trouvent,
par l’établissement des agents de la banque dans chaque chef-lieu
d’arrondissement des moyens de relations financières précieux pour la facilité
et le développement de leurs opérations.
Nous avons donc été appelés, messieurs, à choisir
entre le service du caissier de l’Etat tel qu’il est déterminé par la
convention nouvelle, et l’organisation d’un service nouveau reposant sur des agents
comptables placés dans les attributions du département des finances.
Instruits par l’expérience du passé, craignant
d’ailleurs de troubler, par une perturbation toujours inévitable en pareille
occurrence, quelque légère qu’on la suppose, les relations établies, et en ce
moment si actives, de l’industrie et du commerce, nous avons cru qu’il serait
peu convenable de modifier radicalement le système de l’encaissement des
recettes du trésor. Nous n’eussions pas toutefois hésité de consacrer ce
changement fondamental si nous avions eu de l’inquiétude sur les garanties de
solvabilité que présente la société à laquelle sont confiés les deniers du
trésor ; mais, messieurs, vous penserez avec nous que, outre les garanties
matérielles et morales que présente les notabilités financières qui
administrent la société générale, outre le cautionnement de cinq millions qui
nous est conféré, cette société offre dans son immense capital social un
recours assuré contre toutes les éventualités les plus éloignées.
Je n’insisterai pas davantage, messieurs, sur cette
question de garanties, parce qu’il me semble que le véritable motif de
l’opposition que la convention du 7 novembre dernier a rencontrée dans les
sections et à la section centrale, réside dans la seule question de savoir s’il
faut, ou non, continuer la concentration des recettes de l’Etat dans les mains
de la société générale : or, messieurs, le gouvernement est favorable au
maintien de l’état de choses existant, par les raisons que je viens de déduire
sommairement ; sa pensée à cet égard est résumée dans la convention dont il
s’agit ; les chambres sont donc appelées à décider si elles veulent s’associer
en 1837 à la responsabilité de cette convention en allouant le crédit
indispensable pour son exécution, ou si elles préfèrent la responsabilité du
refus de ce crédit, refus qui consacrerait l’inexécution de ce même acte.
Vous aurez remarqué, messieurs, par la lecture du
rapport de la section centrale, qu’il a été question, entre elle et le
gouvernement, du projet d’un nouveau mode de comptabilité rédigé en quelque
sorte de concert entre la cour des comptes et le département des finances, qui
serait probablement mis en vigueur dans le courant de cette année si le
gouvernement est en mesure d’exécuter, comme il le demande, la convention
conclue avec la société générale.
Nous pensons, messieurs, que ce mode de
comptabilité ne saurait être en ce moment l’objet d’une discussion, puisque,
n’existant encore qu’en projet, la chambre n’en a pu être régulièrement saisie.
En votant le crédit de 220,000 fr. que nous
demandons, la chambre ne ferait donc, en réalité, rien autre chose que de
continuer, en 1837, dont deux mois, notez-le bien, sont à peu près écoulés, ce
qui existe, sans inconvénient préjudiciable, depuis 1830, sauf qu’elle adopterait en même temps les trois
modifications incontestablement avantageuses à l’Etat que la nouvelle
convention présente sur l’ancienne.
D’ici à l’exercice prochain
le règlement de comptabilité qui n’est qu’un projet pourrait être mis en
vigueur, et si lors de la discussion des budgets pour l’exercice 1838,
discussion qui, il faut bien l’espérer, aura lieu avant le 1er janvier, la
législature trouvait alors le système des opérations de la caisse de l’Etat mal
assuré, elle serait dans toute la plénitude de ses pouvoirs par le vote annal
des dépenses, de porter à l’état de choses où l’on serait arrivé tel remède que
lui suggéreraient les intérêts du pays.
J’entends dire derrière moi que la convention doit
durer trois ans ; mais, messieurs, nous connaissons trop bien le régime
constitutionnel pour dénier à la chambre le droit de voter chaque année les
dépenses. La constitution porte que chaque année les chambres votent les
dépenses de l’Etat ; par cela même les dépenses qui ne sont pas prévues par la
constitution même peuvent être chaque année admises ou rejetées par les
chambres, à moins qu’elles ne se soient engagées précédemment à les admettre.
J’ai cru devoir entrer dans les considérations qui
précèdent pour faire bien comprendre que si la chambre adopte le crédit tel que
je le demande (nous n’appelons pas son approbation sur la convention
elle-même), elle adopte l’état de choses existant jusqu’à ce jour et les trois
modifications importantes qui y ont été introduites, modifications dont les
antagonistes du service du caissier général, s’il en existe, ne pourraient pas
méconnaître les avantages pour le trésor.
(Moniteur
belge n°56, du 25 février 1837) M. Doignon.
- Messieurs, j’ai déjà eu l’honneur de vous entretenir de la question de la
banque. Je ne sais si je dois m’en occuper encore, car je crois avoir déjà
rempli ma tâche sur cet objet.
La section centrale me paraît avoir procédé avec
beaucoup de circonspection. Dans son rapport elle se borne à vous soumettre les
renseignements qu’elle a recueillis, mais elle ne prend aucune résolution. Elle
se plaint de ce que la convention nouvelle passée avec la banque n’ait pas été
soumise à l’examen des sections, de ce que le nouveau règlement de comptabilité
ne lui ait pas été présenté ; et, dans cet état de choses, elle s’abstient de
prononcer.
Il me semble donc que cette affaire n’est pas
instruite ; du moins elle ne l’a pas été régulièrement. Si la convention avait
été communiquée aux sections, celles-ci auraient fait connaître leur opinion,
et la section centrale vous aurait présenté des conclusions motivées
conformément au règlement. Votre section centrale conclut en disant qu’elle ne
peut pas conclure.
Il y aurait donc lieu, selon moi, au renvoi de
l’affaire en sections, afin de prendre un parti définitif.
Quoi qu’il en soit, vous aurez à examiner d’abord
s’il y a lieu de continuer à la banque les fonctions de caissier de l’Etat. Sur
ce point je me suis déjà longuement expliqué, je ne me répèterai pas. Cette
question pourrait être traduite en ces termes : La législature peut-elle
permettre que les deniers du contribuable soient employés par une société
particulière pour servir à alimenter ses opérations et ses spéculations ? Car
il résulte de l’état des choses actuelles qu’il y a constamment dans le courant
de l’année un encaisse considérable disponible, dont cette société fait usage à
son singulier profit. Vous aurez à voir si ce n’est pas violer la loi du budget
que de permettre de détourner de leur destination les deniers des
contribuables, si ce n’est point là une gratification en faveur de la banque,
gratification qu’on ne pourrait faire qu’en vertu d’une loi, aux termes de la
constitution ; et à qui profite-t-elle ? Au principal actionnaire, le roi
Guillaume, qui est propriétaire des cinq sixièmes de toutes les actions.
Je désirerais savoir quel est le montant
approximatif de cet encaisse disponible dont la banque fait son profit. Il
serait curieux de connaître sur quelle somme roule cet encaisse ; je crois que
jusqu’ici ce point est tout à fait inconnu.
Sous le régime du roi Guillaume, il était reconnu
que la banque avait assez régulièrement à sa disposition une somme de 10
millions de fr.
Le système actuel a encore un autre inconvénient
que j’ai déjà signalé, c’est que le caissier de l’Etat n’est pas soumis aux
obligations ordinaires d’un comptable. Un véritable comptable doit répondre non
seulement des deniers versés dans sa caisse, mais même de ceux qui doivent y entrer
conformément à la loi.
La banque, au contraire, se borne à remettre les
fonds versés dans sa caisse, mais elle ne doit faire aucune diligence pour la
rentrée ; c’est là un vice essentiel de la comptabilité actuelle : la banque
est un receveur qu’on ne peut jamais forcer en recette.
La banque doit aussi être justiciable de la cour
des comptes et cependant cette obligation est méconnue jusqu’aujourd’hui. Sous
le gouvernement précédent, ce point ne pouvait faire naître le moindre doute
aux termes de l’art. 30 de la convention du 22 septembre 1823.
Cet article 30 est ainsi conçu :
« Le compte courant annuel sera vérifié et
arrêté par la chambre générale des comptes ; le double, revêtu de l’arrêté de
ladite chambre, sera renvoyé à la société par le ministre des finances. »
Or, il est certain qu’aujourd’hui la cour des
comptes remplace cette chambre des comptes.
Il est donc évident qu’aux termes mêmes des
conventions précédentes, la banque doit être soumise à la juridiction de la
cour des comptes, juridiction qu’elle a cependant constamment éludée jusqu’ici.
Aux termes du droit commun, le mandataire ou même
le dépositaire, d’après la jurisprudence, est tenu aux intérêts des sommes qui
lui ont été confiées à dater du jour où ils en ont fait emploi à leur profit.
Ainsi, que la banque soit mandataire ou
dépositaire, dans tous les cas elle serait tenue aux intérêts, puisqu’il est
notoire qu’elle fait usage de nos deniers ; et cependant le gouvernement fait
le sacrifice de ces intérêts en sa faveur, ou plutôt indirectement en faveur de
notre roi déchu, pour une grande partie. Puisque la banque se prétend
simplement dépositaire, d’après le droit commun, elle devrait rendre la chose
en la même nature qu’elle l’a reçue, s’il s’agit d’ure somme monnayée, la
restitution devrait avoir lieu en une somme monnayée, la banque, se
reconnaissant elle-même dépositaire, devrait être assujettie à cette
obligation, mais d’un autre côté, comme simple dépositaire, elle ne serait
point tenue aux cas de force majeure.
Il reste encore à examiner s’il n’est point
politique de mettre un terme aux envahissements de la banque ; si cette
puissance qui chaque jour ne doit pas être arrêtée dans ses projets. Or, un des
moyens qu’on peut employer à cet effet, c’est de lui retirer la caisse de l’Etat.
Il me paraît inutile, messieurs, de m’étendre sur
ce point ; il est certain que l’institution de la banque fait ombrage à l’Etat,
au gouvernement, au ministère lui-même : il nous en a donné des preuves il n’y
a pas bien longtemps.
Le gouvernement doit donc avoir à coeur de mettre
un frein aux désirs d’envahissement de cette société.
A l’occasion de la discussion qui nous occupe, je
me permettrai d’adresser au gouvernement quelques interpellations qui ne sont
pas d’ailleurs étrangères à la question.
Aux termes de l’art. 7 de ses statuts, le fonds de
la société générale doit se composer de 50 millions, de 20 millions provenant
des domaines, et de 60 mille actions de 500 fl. chacune.
Personne n’ignore que la société a fait, il y a peu
de temps, une nouvelle émission, afin de compléter le nombre de 60 mille
actions dont il est question dans l’art. 7 des statuts. L’on a avancé que par
cette nouvelle émission on avait surtout en vue de diminuer la prépondérance du
principal actionnaire, le roi Guillaume, en faisant entrer de nouveaux
actionnaires dans la société.
Je désirerais savoir si, aujourd’hui que cette
émission a eu lieu, le but a été atteint. Aux termes des statuts, des personnes
même étrangères peuvent prendre des actions ; le roi Guillaume pourrait dès
lors avoir pris de nouvelles actions, sinon par lui-même, au moins par des
prête-noms.
Je demanderai aussi si la société de la
« mutualité » a obtenu une autorisation quelconque du gouvernement ;
car il paraît avéré aujourd’hui que cette société est constituée, qu’elle
marche, qu’elle fait des opérations. Le gouvernement l’aurait-il autorisée
d’une manière quelconque ?
Si elle est parvenue à éluder son autorisation, on
devrait nous le faire connaître ; et s’il en est réellement ainsi, je dirai que
le gouvernement aurait dû prendre l’initiative, et nous proposer des moyens
pour empêcher cette société de se constituer.
Nous avons vu dernièrement un arrêté de la société
générale, par lequel elle offre d’échanger ses actions nominatives contre des
certificats au porteur de la mutualité ; il est évident que cet échange a pour
objet de rendre au porteur les actions de la société qui ne devaient être que
nominatives ; mais en cela la société aurait violé l’art. 15 de ses statuts qui
porte :
« Les actions ne pourront être mises au
porteur ; elles seront représentées par une inscription nominale sur les
registres de la société. »
On aperçoit facilement le but de la société dans
cette nouvelle opération : en convertissant les actions nominatives en
certificats au porteur de la mutualité, leur transfert devient bien plus
facile, et l’on ménage ainsi, à certains actionnaires surtout, bien plus de
moyens pour opérer à volonté la hausse et la baisse et se livrer à l’agiotage.
Le gouvernement était en droit de s’opposer à cette
opération. L’art. 61 des statuts déclare que l’Etat peut empêcher ou suspendre
tout acte de la société, contraire à l’intérêt général. Si donc le gouvernement
n’a pas empêché cette opération, c’est qu’il a voulu lui-même la favoriser.
Je ferai encore une autre interpellation au
gouvernement.
L’art. 5 des statuts porte que « la société
aura la faculté d’émettre des billets au porteur payables à présentation ; que
les époques de leur émission, leur montant, le taux et la valeur des coupons, la forme et toutes autres
circonstances, seront fixés par un règlement qui sera soumis à l’approbation du
Roi, et successivement lorsqu’il y aura lieu. »
Ainsi, comme il est constant que depuis 1830 de
nouvelles émissions ont eu lieu, le gouvernement, en exécution de cet article,
a dû exiger l’approbation du Roi, je lui demanderai s’il a exécuté cette
disposition en approuvant les époques des émissions, le taux ou la valeur de
chacune d’elles, etc.
Nous avons entendu dernièrement M. le ministre des finances
professer sur ce point une doctrine un peu singulière ; il vous a dit qu’à
l’égard des papiers-valeur, c’était aux particuliers à voir s’ils avaient ou
non confiance dans le crédit des sociétés. Mais cette observation peut être
vraie pour les sociétés particulières dans lesquelles le gouvernement n’a pas
le droit de s’immiscer. Il n’en est pas de même d’une société placée sous la
surveillance du gouvernement, telle que la société générale. Le gouvernement ne
doit pas souffrir que cette société émette des billets en nombre illimité.
L’intérêt public exige qu’il surveille sévèrement les opérations de la banque
en cette matière. Car quelque puissante que soit la banque, quel que soit son
crédit, il est certain que ce crédit a a des limites,
dans la circonstance surtout qu’elle se livre à une foule d’opérations
commerciales qui nous sont inconnues.
Il me reste à faire une dernière interpellation.
Aux termes de l’art. 21, tout commerce est interdit
à la société générale, si ce n’est celui des matières d’or et d’argent.
Le but de la société a été effectivement de
favoriser et le commerce ; mais comment ? au moyen d’avances de fonds à un
intérêt modéré. Mais pour bien remplir cette mission, il convenait qu’elle
restât elle-même étrangère aux opérations commerciales et industrielles qu’elle
était seulement appelée à aider et encourager.
Eh bleu, il est notoire aujourd’hui qu’en violation
de cet article, la société générale se livre à toute espèce d’opérations, car
il n’est pas de provinces, de villes, même un peu considérables je crois, où la
banque n’ait déjà accaparé quelque industrie.
Il résulte donc de ces
observations que le gouvernement est excessivement indulgent envers la banque ;
vous l’avez entendu, il se constitue en quelque sorte l’avocat de cette institution
; c’est donc de son consentement qu’elle accapare, qu’elle envahit en grande
partie notre commerce et notre industrie au détriment des autres classes
industrielles. Le gouvernement assume ici une responsabilité immense ; car
maintenant ce n’est plus à la société générale qu’il faut en vouloir, mais bien
au gouvernement lui-même qui, aux termes des statuts, a le droit d’empêcher
tous les abus qu’on reproche à cette institution.
Il est certain, messieurs, que le pays est alarmé,
à cause des développements toujours croissants des opérations de cette société
; c’est donc au ministère, s’il est sage, à aller au-devant de ces alarmes ;
s’il veut qu’elles cessent, qu’il nous fasse un rapport sur cette matière : il
est en droit de connaître toutes les opérations de la banque, qui ne peut avoir
rien de secret pour lui.
Je ferai observer, en terminant, que je n’attaque
pas l’institution en elle-même ; si je ne puis donner mon approbation aux
opérations actuelles de cette société, c’est que manifestement elles dénaturent
le but pour lequel elle a été créée : ce but a été l’intérêt général ; et il
est hors de doute aujourd’hui qu’elle existe principalement dans l’intérêt d’un
certain nombre de personnes.
Je crois superflu d’ajouter que ce n’est pas le
principe de l’association que j’attaque, mais uniquement ses abus.
(Moniteur
belge n°56, du 25 février 1837) M. Verdussen.
- Messieurs, puisqu’à l’occasion d’un article du budget des finances nous
sommes appelés à examiner la convention qui a été conclue entre M. le ministre
des finances et la banque, relativement au service du caissier de l’Etat, je me
permettrai d’entrer dans quelques considérations qui se rattachent à ce
contrat, que je critiquerai en plusieurs endroits et sous plusieurs rapports.
J’ai appris avec beaucoup de plaisir de la bouche
de M. le ministre des finances, que le vote que nous allons émettre peut
entraîner l’annulation du contrat dont il s’agit, et qu’il s’en est référé à la
législature pour ce qui concerne ce contrat, qui a été conclu la veille même de
l’ouverture de nos séances parlementaires.
Je pars d’une supposition générale, c’est qu’il
n’existe pas d’autre convention antérieure autre que celle dont le rapport que
l’honorable M. Fallon a présenté à la chambre sur les différends qui existent
entre la banque et le gouvernement, fait mention, et qui porte la date du 27
septembre 1823, convention qui avait été modifiée en ce seul point que le
tantième, qui était de un huitième sous l’ancien gouvernement, avait été porté
à un quart ; si je me trompais à cet égard, je désirerais que M. le ministre
des nuances voulût bien rectifier mon erreur, mais je pense que réellement il
n’existait entre le gouvernement et le caissier de l’Etat, la banque, aucune
autre convention que celle que j’ai citée.
Je trouve, messieurs, que le langage dont on s’est
servi dans l’art. 1er de la nouvelle convention est tout à fait différent de
celui dont on s’était servi dans l’ancien contrat : en effet le premier
paragraphe de l’art. 1er du nouveau contrat est ainsi conçu : « Le service
du caissier-général de l’Etat est assuré à la société générale pour un terme de
trois ans, à dater du 1er janvier 1837, » tandis que l’ancienne convention
portait : « La société générale est chargée du service du caissier-général
à dater, etc. » Ce dernier langage, messieurs, était digne d’une nation
qui parle à une institution particulière qui lui est subordonnée ; mais il n’en
est pas de même des termes qui sont employés dans la nouvelle convention, car
ici le gouvernement fait une promesse de donner un avantage à la banque, tandis
qu’autrefois le pays chargeait cette institution de remplir une fonction.
Maintenant le gouvernement s’engage d’une part, tandis que la banque de son
côté ne prend aucun engagement ; car je ne trouve dans tonte la nouvelle
convention aucun engagement formel de la part de la banque. Il y a plus,
messieurs. Il dépend, me semble-t-il, de la banque de s’assurer le service de
caissier de l’Etat pour six ans, car il est dit dans la convention que si elle
n’est pas modifiée pendant la durée du terme de 3 ans qui y est stipulé, ce
terme sera prolongé de 3 nouvelles années ; l’art 2 dit en effet :
« Dans le cas où, avant l’expiration du terme de
trois années ci-dessus fixé, il n’interviendrait pas entre parties de
disposition nouvelle, la présente convention conservera ses effets, et
continuera de s’exécuter pour un second terme de trois années. »
Il faut donc, messieurs, que les parties consentent
de part et d’autre à des dispositions nouvelles pour que le contrat ne soit pas
de fait prorogé pour trois nouvelles années, et si la banque trouve convenable
de continuer à faire le service de caissier de l’Etat pendant ce nouveau terme,
elle peut le faire, malgré le gouvernement, en se refusant à toute modification
que celui voudrait introduire dans la convention.
Le deuxième paragraphe de l’article premier ne
renverse point ce qui a existé précédemment, mais ne fait au contraire que le
corroborer ; or, messieurs, cela me paraît tout à faire contraire aux
intentions que la législature a plusieurs fois manifestées en émettant l’avis
qu’il est nécessaire d’introduire des modifications importantes dans les
relations du gouvernement avec la banque, comme caissier de l’Etat.
Je pense, messieurs, qu’au lieu de se référer à un
contrat antérieur, il eût beaucoup mieux valu d’en faire un tout nouveau et de
puiser dans l’ancien ce que l’on voulait conserver ; car il sera toujours fort
difficile d’établir d’une manière positive par les articles du nouveau contrat
quels sont les articles de l’ancien qui se trouvent modifiés. Il vaut
d’ailleurs toujours infiniment mieux de renfermer dans un seul cadre toutes les
dispositions qui doivent lier deux parties, plutôt que de renvoyer à une
convention antérieure qui a déjà été modifiée en partie et qui a été faite sous
une législation tout autre et dans un état de choses politique tout à fait
différent.
La provision de 1/4 p. c. à laquelle le
gouvernement belge avait consenti en 1832, et qui remplaçait l’ancien droit de
causse de 1/8 p. c. fixe par le contrat de 1823, se trouve maintenant réduite à
1/5 p. c., ce qui fait une différence de 40,000 fr. ; mais cette différence
tourne-t-elle entièrement au profit de l’Etat ?
Non, messieurs, car autrefois la banque était
chargée de faire tous les paiement sur ordonnances ou mandats des directeurs du
trésor qui ne maniaient pas les deniers de l’Etat, tandis qu’aujourd’hui,
quoique cela ne se trouve pas dans la convention, mais peut-être dans une pièce
que nous ne connaissons pas, les directeurs du trésor, dans les provinces,
auront le maniement des deniers publics : or, cela entraînera nécessairement
une augmentation de frais et d’un personnel nouveau qu’il faudra payer. La
section centrale a demandé des explications sur la somme qui serait nécessaire
pour payer le nouveau personnel ; il a été répondu qu’elle s’élèverait
peut-être à 12,000 fr. ; mais quand on dit 12,000 fr., je prévois que ce sera
30,000, car quand il s’agit d’une semblable augmentation de personnel, on
ignore jusqu’où peut s’étendre l’augmentation de dépenses qui en résulte.
Je passe à l’art. 3 de la nouvelle convention, qui
dit :
« La société générale s’engage à fournir
exactement à la cour des comptes des états semblables à ceux qu’elle adresse
par quinzaine au département des finances. »
Déjà un honorable préopinant a dit que la
législature devait surtout s’attacher à placer la banque, en sa qualité de
caissier de l’Etat, sous la juridiction de la cour des comptes, dont elle
prétend s’affranchir, soutenant qu’elle n’est pas agent comptable du
gouvernement : je vous le demande, messieurs, l’article que je viens de citer
est-il de nature à atteindre ce but ? Changera-t-il la position de la banque
envers la cour des comptes ? N’est-ce pas une niaiserie (pour dire le mot) que
de stipuler dans une convention que la banque enverra à la cour des comptes une
copie des états qu’elle transmet au département des finances ? Mais ce
département pouvait bien charger un de ses employés de faire ces copies, ce
n’était pas la peine de faire d’une semblable stipulation un article d’une
convention.
Il y a plus, messieurs, cette stipulation n’est pas
seulement inutile, mais elle est même de nature à porter atteinte à tous les
articles du contrat de 1823, par lesquels on pourrait encore établir que la
cour des comptes doit étendre sa juridiction sur les opérations de la banque
qui sont relatives au maniement des deniers publics ; car, quoi qu’en dise,
d’après la convention de 1823, la banque était un véritable agent comptable du
gouvernement.
L’art. 4 porte :
« La société générale s’engage à fournir à
l’Etat un cautionnement de cinq millions de francs, en garantie de sa gestion
comme caissier de l’Etat, à dater du 1er janvier 1837.
« Ce cautionnement sera fourni au moyen d’une
inscription en grand-livre de la dette de
A la lecture du premier paragraphe seul de cet
article, on croirait que la banque verserait dans les caisses de l’Etat une
somme de 5 millions de francs, et que pour lui en garantir la propriété, le
gouvernement porterait au livre général de la dette publique une inscription
nominative de pareille somme, au profit de la banque ; mais, d’après le
deuxième paragraphe du même article, aussi que par les explications données à
la section centrale, nous avons vu au contraire que le cautionnement consistera
dans une remise que fera le caissier au département des finances, des titres
d’emprunt belge qui seront immobilisés au grand-livre de la dette publique par
une déclaration d’affectation en cautionnement de la gestion du comptable.
Cet article ainsi entendu, ainsi rédigé, l’a été au
moins d’une manière extrêmement légère ; car il devient indifférent, d’après
cette rédaction, que ce soit une immobilisation d’un capital de 5 millions à 5
p. c. ou de 5 million à 4 p. c. Il n’y a aujourd’hui que ces deux espèces de
dettes publiques, créées directement par
Pour que l’article fût bien rédigé et répondît à la
garantie que le gouvernement doit avoir, il aurait dû porter, non sur le capital
nominal des obligations, valeur qui n’est établie que par le taux de l’intérêt
qu’elles produisent, mais sur l’intérêt même de ces obligations. Il faut
spécifier un nombre d’obligations qui représentât un intérêt annuel de 250,000
fr. Alors la garantie eût été réellement de 5 millions de capital, quand il se
serait agi d’obligations Rothschild donnant 5 p. c. d’intérêt. Au contraire,
s’il s’agissait des obligations de l’emprunt de 30 millions, il faudrait
au-delà de 6 millions du capital nominal pour assurer à l’Etat la même garantie
réelle de capital effectif.
Je vous ferai remarquer encore, messieurs, que dans
le contrat de 1823 la garantie de l’Etat reposait sur un intérêt de dix
millions de florins. Aujourd’hui la garantie repose sur cinq millions de francs.
Vous voyez dès lors qu’il n’y a pas de proportion entre ces deux garanties ;
car, en supposant que l’ancien royaume des Pays-Bas soit divisé en deux parties
égales, il faudrait cinq millions de florins pour représenter la garantie dont
jouissait l’ancien gouvernement.
Cependant c’est une somme de 5 millions de francs
seulement qui constitue la nouvelle garantie. Mais à cela on peut répondre, et,
d’après ce que j’ai eu l’honneur de dire, répondre d’une manière victorieuse,
que l’article du contrat de 1823 portait que ces 5 millions auraient été
immobilisés en dette active, ne portant que 2 et demi p. c. d’intérêt. C’est ce
qui prouve la justesse de mon observation, lorsque j’ai dit qu’il fallait faire
porter la garantie sur l’intérêt et non sur le capital ; car il est certain que
la dette active de l’ancien royaume des Pays-Bas à deux et demi p. c. d’intérêt
n’est en réalité et effectivement que la moitié en valeur des obligations
Rothschild qui donnent 5 p. c. d’intérêt.
D’après toutes ces considérations, que j’aurais pu
étendre davantage si j’avais eu plus de loisir devant moi, je pense qu’il est à
désirer que la convention projetée par M. le ministre le 7 novembre dernier ne
soit pas ratifiée ; et c’est pour cela que je disais en commençant que j’ai appris
avec plaisir de la bouche de ce haut fonctionnaire que du vote que nous allons
émettre dépend la non-réalisation ou l’exécution de cette convention.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Il est certain que si vous ne
votez rien, on ne pourra pas exécuter la convention.
M. Raikem remplace
M. Fallon au fauteuil.
M. le président. -
La parole est à M. Fallon.
M. Fallon. - Il
n’est pas possible de bien apprécier la convention du 7 novembre, puisqu’elle
se rattache, dans son application, à un règlement dont nous ignorons les
dispositions.
Il est peu convenable, d’ailleurs, de s’occuper
d’un règlement soumis à la sanction royale avant qu’il soit revêtu de cette
sanction.
Cependant, comme il est préférable de prévenir le
mal que de chercher le remède alors qu’il est arrivé, je pense que dans les
circonstances actuelles, il est prudent de s’expliquer sur les principes que
l’on semble vouloir mettre en action par ce règlement.
Si ce règlement est rédigé dans le sens des
explications données par le ministre, je pense qu’il renferme une
inconstitutionnalité et tout à la fois une illégalité.
L’art. 116 de la constitution veut que tout
comptable envers le trésor rende compte de sa gestion, et que ce compte soit
soumis à l’examen et à la liquidation de la cour des comptes.
Suivant le nouveau projet de comptabilité, soumis à
l’approbation du Roi, M. le ministre nous dit que la société générale ne serait
à l’avenir que simple dépositaire des fonds de l’Etat.
S’il veut dire qu’en cette qualité de simple
dépositaire des fonds de l’Etat, elle ne doit pas être envisagée comme
comptable des deniers du trésor, ce serait là une double erreur.
Celui qui reçoit les deniers de l’Etat, à quelque
titre que ce soit, à la charge de les rendre, soit en nature soit en valeur,
est nécessairement comptable des deniers qu’il reçoit, et il est bien comptable
envers le trésor public, puisque ce sont bien les deniers du trésor public
qu’il reçoit.
Peu importe donc à quel titre la banque recevra le
produit des impôts et les autres revenus de l’Etat ; elle en devra
nécessairement compte au trésor public, et dès lors elle est comptable des
deniers de l’Etat, et dès lors elle tombe sous l’application de l’art. 116 de
la constitution.
Il ne faut pas, d’ailleurs, se faire illusion sur
la qualification que M. le ministre donne à la gestion qu’il se propose de lui
conférer. Ce n’est pas aux mots qu’il faut s’attacher ; ce sont les choses qu’il
faut pénétrer.
Elle ne sera, dit-on, que simple dépositaire des
fonds de l’Etat.
On entend, par simple dépositaire, celui qui se
charge de recevoir, de garder et de rendre la chose en même nature sans pouvoir
en oser.
Or, ce n’est pas là le service dont on se propose
de charger la société générale.
Elle recevra les deniers de l’Etat ; elle les
emploiera comme elle trouvera convenir à ses propres spéculations, et elle
versera chez les directeurs du trésor sur les ordonnances qui lui seront
présentées.
Si c’est là un dépôt, c’est évidemment un dépôt
irrégulier. En fait comme en droit, le contrat se transforme en véritable prêt
et en mandat tout à la fois.
Il y a mandat puisqu’elle se charge de recevoir et
de rendre, et il y a prêt puisqu’elle est autorisée à se servir des deniers
qu’elle reçoit à ses propres affaires.
Sous le rapport du prêt, je ne pense pas que
personne puisse soutenir que le pouvoir exécutif puisse prêter les deniers de
l’Etat sans l’assentiment des chambres.
Sous le rapport du mandat, si y a gestion des
deniers de l’Etat, il y a recette et dépense, et la banque devient
incontestablement comptable envers le trésor public.
Or, si la banque est comptable, elle doit
nécessairement rendre compte, et si elle doit
rendre compte, il faut nécessairement que son compte soit soumis chaque année à
l’examen et à la liquidation de la cour des comptes.
Si le règlement
projeté ne le dit pas ainsi, s’il n’astreint pas la banque à soumettre son
compte chaque année à l’examen et à la liquidation de la cour des comptes, il y
aurait violation de l’art. 116 de la constitution.
Si maintenant le
règlement ne dit pas que, du chef de la recette générale dont elle se charge,
la société générale reste soumise en tous points à la juridiction de la cour
des comptes ; si par voies juridiques, dont parle M. le ministre des finances,
il entend parler de poursuites des autres tribunaux ordinaires ; si, à défaut
de paiement sur ordonnances du ministre,
le moyen de contrainte doit être autre chose qu’un arrêt de la cour des
comptes exécutoire sans autre obstacle que le recours en cassation, outre
l’inconstitutionnalité, le règlement renfermerait en outre une illégalité,
puisqu’il soustrairait un comptable de l’Etat à la juridiction exceptionnelle,
établie par la loi du 30 décembre 1830, sur l’organisation de la cour des
comptes.
Il est d’autant
plus important que le règlement nous donne des garanties sur ce point, que la
société générale n’a cessé de prétendre qu’en vertu de la convention primitive
du 22 septembre 1823, qui lui a conféré la recette générale, elle n’est pas
justiciable de la cour des comptes, mais bien seulement des tribunaux
ordinaires,
Il n’est pas
inutile que la chambre se rappelle ce que lui dit, sur ce point, le rapport de
la commission spéciale sur les relations de cette société envers le trésor.
« Deuxième
question. A qui appartient de régler définitivement ce solde ?
« La solution
de cette question n’a présenté aucune difficulté sérieuse.
« Soit qu’on
se renferme dans la convention du 2 septembre 1823, soit que l’on consulte la
législation qui a régi cette convention, il est évident que c’est à la cour des
comptes qu’il appartient de régler définitivement le solde.
« Il avait été
statué constitutionnellement, par l’art. 202 de la loi fondamentale de 1815 :
« qu’il y aurait pour tout le royaume une chambre générale des comptes,
chargée de l’examen et de la liquidation des comptes annuels des départements
d’administration générale, de ceux de tous comptables de l’Etat et autre,
conformément aux instructions données par la loi.
« Cette
institution avait été organisée par la loi du 21 juin 1820, qui soumettait à la
chambre des comptes la vérification et la liquidation de tous les comptes des
revenus de l’Etat, et qui assujettissait à sa juridiction tous les comptables
quelconques qui toucheraient des deniers public à la charge d’en rendre compte.
« C’est sous
l’impression de cette législation que la convention du 22 septembre
« En présence
d’une disposition d’ordre constitutionnel aussi précise, à laquelle il n’était
pas même permis de déroger par une loi, il n’a pu entrer dans la pensée
d’aucune des parties contractantes de soustraire au contrôle, à la vérification
et au jugement de la chambre des comptes, la recette générale des deniers de l’Etat
que l’on allait confier à la société générale.
« Aussi n’y
a-t on pas dérogé en ce point. Il suffit de parcourir la convention pour s’en
convaincre.
« La société
générale accepte, « en termes », les fonctions de caissier-général de
l’Etat. En cette qualité elle n’est déchargée de l’application des articles
2098 et 2121 du code civil, concernant le privilège et l’hypothèque légale du
trésor sur les biens des comptables de l’Etat, qu’au moyen d’un cautionnement
déterminé. En la même qualité, elle doit clore, tous les 15 jours, un compte
courant auquel elle doit annexer les pièces justificatives, et qui doit être
soumis à l’approbation du ministre des finances et de la chambre générale des
comptes ; elle doit en outre, à l’expiration de chaque année, faire parvenir au
ministre des finances un compte de l’année écoulée, qu’il est encore réservé a
la chambre des comptes de vérifier et d’arrêter. Enfin, sauf la dérogation aux
articles 2098 et 2121 du code civil en ce qui concerne le privilège et
l’hypothèque légale du trésor, la société générale s’est soumise à toutes les
obligations et actions dont la loi rendait passible tout comptable des deniers
de l’Etat.
« C’est là un
fait que l’on peut d’autant mieux contester que la convention elle-même fournit
la preuve que c’est bien ainsi que le mandat a été compris.
« Si les
fonctions que la société générale acceptait n’eussent dû produire d’autres
effets que ceux résultant du mandat ordinaire de particulier à particulier, la
décharge du privilège et de l’hypothèque n’eut pas eu de sens, puisque la loi
n’entoure pas de ces garanties le mandat du droit commun.
« S’il eût été
entendu que la société générale ne serait pas astreinte, par son acceptation,
aux obligations légales d’un comptable du trésor, le gouvernement se serait
borné à stipuler un cautionnement ou une hypothèque conventionnelle ; il n’eût
point ajouté qu’il renonçait, à l’égard de la société et de ses membres, au
privilège et à l’hypothèque légale du trésor, car la renonciation à des droits
suppose nécessairement que, dans la renonciation, on en serait resté investi.
« Cette autre
circonstance, que la société générale se soumet à la juridiction de la chambre
générale des comptes, pour la vérification de ses gestions et le règlement de
ses comptes n’est pas moins concomitante.
« Les
comptables seuls du trésor étaient assujettis à cette juridiction
exceptionnelle, et comme les juridictions sont d’ordre public, auquel il n’est
pas permis de déroger par des conventions particulières, la stipulation qui soumet
la société générale à cette juridiction ne peut être considérée que comme
conséquence de la nature du mandat que la convention avait pour objet de
conférer, celui de receveur comptable des deniers de l’Etat.
C’est, au surplus,
dans ce sens que la convention a été sanctionnée, dans son exécution, par le
règlement général sur l’administration des finances, décrété le 24 octobre
1824, règlement qui était dans les attributions du pouvoir royal auquel l’art.
61 de la loi fondamentale accordait la direction suprême des finances ;
règlement qui est resté en vigueur et qui forme encore le code de procédure du
régime financier de
« On y lit ce
qui suit :
« Art. 428. Le
caissier-général du royaume enverra, deux fois par mois, à la trésorerie
générale, son compte courant avec ladite trésorerie, auquel seront jointes les
pièces justificatives mentionnées sur des bordereaux. »
« Art. 429.
Après avoir été examinés au département des finances, les bordereaux,
accompagnés des pièces justificatives, seront envoyées à la chambre générale
des comptes, pour y être examinés et liquidés. Un exemplaire de ces bordereaux
restera déposé à la chambre générale des comptes, et l’autre exemplaire, muni
par elle d’un acte de décharge, sera renvoyé au ministère des finances, pour
qu’il les fasse parvenir, avec l’arrêt de clôture du compte courant dont il est
parlé à l’article précédent, au caissier-général du royaume. »
« Art. 430.
Les pièces justificatives resteront également déposées à la chambre générale
des comptes. »
« Art. 431.
Immédiatement après l’expiration de chaque année, le caissier-général du
royaume enverra au ministre des finances un compte courant pour l’année entière
et dressé en double, contenant en débet la récapitulation des bordereaux de
paiement, lesquels devront y être joints, et en crédit celle des versements
compris dans les comptes courants mentionnés à l’art. 428. »
« Art. 432. Ce
compte annuel sera examiné et clos à la chambre générale des comptes ; la
minute y restera déposée, et le duplicata, muni de l’arrêt qu’elle aura porté,
sera envoyé par elle au ministre des finances, pour qu’il le fasse parvenir au
caissier-général du royaume. »
« Ce ne sont
pas à des dispositions générales destinées à régir la comptabilité d’un emploi
supérieur, à créer dans l’administration des finances ; elles sont toutes
spéciales au nouveau caissier-général qui se trouve déjà en exercice ; elles ne
sont que la transcription, pour ainsi dire littérale, des conditions du mandat
qu’il venait d’accepter ; tellement qu’en supposant qu’il n’y eût eu d’abord
que soumission conventionnelle à la juridiction de la chambre des comptes, le
règlement d’ordre et d’administration publique, sur l’application de cette
juridiction exceptionnelle, eût assuré l’exécution de cette soumission en
légalisant ses effets.
« Ainsi donc,
soit que l’on soumette aux dispositions de la loi existante au moment du
contrat, le mandat dont la société générale s’est chargée par la convention du
22 septembre 1823, soit que l’on veuille n’en déterminer les effets que par les
stipulations mêmes de cette convention, stipulations sanctionnées immédiatement
après par un règlement d’administration générale qui forme encore aujourd’hui
la loi de la matière, il paraît incontestable que c’est bien à la cour des
comptes qu’il appartient exclusivement de régler le solde du compte du trésor à
l’époque du 30 septembre 1830.
« C’est à cette
cour que la loi du 30 décembre même année a conféré toutes les attributions
exceptionnelles qui appartenaient à la chambre générale des comptes, organisée
par la loi du 21 juin 1820. C’est donc à sa juridiction que la société générale
doit soumettre la liquidation de sa gestion non épurée, comme caissier-général
du gouvernement précédent.
« Cette
conséquence, qui paraît évidente, a cependant été fortement contestée par la
direction de la banque qui, comme nous l’avons vu précédemment, n’a pas moins
persisté à décliner cette juridiction. Mais les exceptions qu’elle a opposées,
dans cette correspondance avec cette cour, sont tellement dépourvues de raison
qu’aucune d’elles ne résiste au plus léger examen. »
C’est bien à cette
convention du 22 septembre 1823 que fait allusion M. le ministre des finances
dans la nouvelle convention du 7 novembre dernier, par ces mots : « Les
conditions actuellement convenues entre le gouvernement et cette société
continueront à subsister, etc. »
Or, si elle
soutient qu’en vertu de cette convention primitive elle n’est pas justiciable
de la cour des comptes du chef du solde existant à l’époque de la révolution,
elle soutiendra, le cas arrivant, qu’elle n’est pas davantage justiciable de
cette cour, du chef de la gestion que lui continue la nouvelle convention.
Si le nouveau
règlement ne tranche pas cette difficulté, ce sera une faute grave, et s’il ne
la tranche pas de manière à ce qu’il soit bien entendu que la société générale
reste soumise en tous points à la juridiction de la cour des comptes, que c’est
à elle qu’elle devra rendre compte ; que c’est par elle que les comptes seront
examinés et liquidés, et qu’enfin c’est au moyen d’un arrêt de cette cour qu’on
pourra, au besoin, la contraindre à payer, je persiste à dire que la
constitution et la loi organique de la cour des comptes seront violées.
Telle est mon
opinion sur la convention du 7 novembre, si je comprends bien les explications
qui ont été données à la section centrale sur les questions que soulève cette
convention.
Abordant maintenant
les détails, elle me laisse beaucoup à désirer.
Alors qu’il est de
règle fondamentale en bonne comptabilité des deniers de l’Etat que tout
comptable soit en tout temps révocable, je conçois peu comment on veut de
nouveau soumettre l’Etat à la tutelle de la banque pour trois ans, comme si
l’on reconnaissait qu’il est impossible d’organiser d’ici à trois ans, une
bonne comptabilité dans nos finances sous le patronage de cette société.
Alors que, tandis
que sous le gouvernement précédent on avait exigé d’elle un cautionnement de 10
millions de florins, je conçois peu comment on se contente aujourd’hui d’un
cautionnement de 5 millions de francs seulement.
Elle possédait
alors pour plus de 60 millions d’immeubles, et on lui demande 10 millions de
florins en garantie. Aujourd’hui il ne lui reste pas en Belgique pour 10
millions de florins en immeubles, et ce n’est que 5 millions de francs que l’on
exige pour garantie des deniers de l’Etat.
Je conviens avec M. le ministre que la solvabilité de cette société est
bien notoire ; mais ce n’est pas moins une société anonyme où il n’y a personne
de responsable ; et si, ce qui s’est déjà vu, se livrant à des entreprises
colossales, elle venait à éprouver des malheurs, ce n’est toujours qu’au marc
le franc que l’Etat pourrait récupérer ce qui pourrait lui être dû au-delà des
5 millions de francs de cautionnement : car il ne faut pas oublier qu’aux
termes de la convention primitive le trésor n’a aucun privilège ni sur la forêt
de Soignes ni sur les autres immeubles de cette société.
Quant à la
réduction du 1/4 au 1/5, je la trouve, quant à moi, fort peu avantageuse au
pays.
Dès lors que l’on voulait
faire de la recette générale de l’Etat un objet de spéculation et de confiance,
je pense qu’il y avait moyen de placer sa confiance à meilleur marché, dès lors
que c’était toujours avec une société anonyme que l’on voulait traiter.
En résultat je ne
puis, quant à moi, voter le chiffre demandé qu’à raison que je ne veux pas
entraver le service de la comptabilité de l’Etat, et sous la protestation
formelle de ne vouloir en aucune manière approuver, par ce vote, la convention
du 7 novembre, me réservant de m’en expliquer ultérieurement alors qu’en
présence du règlement qui est encore en projet, il me sera plus facile de
l’apprécier en pleine connaissance de cause,
M. le ministre des finances (M. d'Huart). -
Evidemment, messieurs, si la convention nouvelle entre le gouvernement et la
société générale avait pour résultat d’ôter au caissier de l’Etat sa qualité
primitive d’agent comptable, dont les comptes doivent être examinés et apurés
par la cour des comptes, cette convention serait plus nuisible qu’avantageuse.
Si cette convention, dis-je, avait pour effet de modifier l’ancienne convention
dans laquelle l’intervention de la cour des comptes était stipulée, vous
devriez la rejeter. Mais il est formellement stipulé dans la convention du 6
novembre que les conditions du service de caissier de l’Etat, telles qu’elles
étaient établies, continuent à subsister, sauf les trois dérogations dont on a
parlé.
L’art. 30 de
l’ancienne convention portait : « Le compte courant annuel, du caissier de
l’Etat, sera vérifié et arrêté par la chambre générale des comptes ; le double,
revêtu de l’arrêté de ladite chambre, sera renvoyé à la société par le ministre
des finances. » Qu’on veuille lire attentivement notre nouvelle
convention, et on sera convaincu que rien n’est changé à cette disposition qui
consacre bien expressément l’intervention et l’autorité de la cour des comptes.
Mais, dit-on, vous
avez introduit dans la nouvelle convention une disposition que vous vantez et
qui ne signifie rien. L’art. 3 portant que « la société générale s’engage à
fournir exactement à la cour des comptes des états semblables à ceux qu’elle
adresse, par quinzaine, au département des finances, » ne renferme rien
que d’insignifiant ; car, soit que les états parviennent à la cour des comptes
directement, soit qu’ils lui parviennent par l’intermédiaire du ministre des
finances, cela est indifférent. Je pense, messieurs, que, sous ce rapport, la
convention nouvelle contient une modification importante dont les préopinants n’ont
pas bien saisi la portée.
Il résulte, selon
nous, des rapports plus directs introduits ainsi entre la cour des comptes et
le caissier de l’Etat (rapports qui n’avaient lieu précédemment que par
l’intermédiaire du ministre des finances), que la cour des comptes pourra
elle-même demander au caissier de l’Etat les explications qu’elle jugera
nécessaires sur les pièces qu’il aura produites, explications qu’elle ne
pouvait demander précédemment qu’au ministre des finances, sauf à lui à les
transmettre au caissier de l’Etat.
Ainsi l’action de
la cour des comptes sera plus immédiate, plus directe, plus digne en un mot de
l’institution de la cour des comptes. Voilà dans quel sens nous avons entendu
la modification que l’on a trouvée ne signifier rien.
Parce que, dans une
explication que j’ai fournie à la section centrale, je me suis servi, en
parlant du caissier, des mots « dépositaire des fonds de l’Etat »,
l’honorable M. Fallon craint que je n’attribue à cette expression appliquée au
caissier de l’Etat le sens et la portée que le code civil attache à la
qualification du dépositaire qu’il définit.
Si la chambre veut
me permettre de lire l’une de mes réponses à la section centrale, elle verra
que j’ai dû être loin de donner à la qualification de dépositaire que j’ai
employée à l’égard du caissier le sens contre lequel on vient de s’élever.
Voici ce que j’ai
répondu à cette question :
« Quel est le
contrôle de la cour des comptes sur le caissier de l’Etat ?
« Le contrôle
de la cour des comptes sur le caissier de l’Etat s’exerce par le rapprochement
qui s’opère des états fournis mensuellement par les directeurs des diverses
branches d’administration des recettes, et dans lesquels se trouvent indiqués
les versements qui ont été opérés, et au moyen des talons des récépissés des
versements qui, à la fin de chaque mois, lui sont transmis par la trésorerie.
« S’il était
constaté par la cour qu’un versement n’a point été renseigné par le
caissier-général, elle rendrait un arrêt qui déclarerait ce caissier
reliquataire du montant dudit versement. »
Vous voyez,
messieurs, que j’ai formellement entendu que la cour des comptes exercerait
directement et efficacement son action, et qu’il n’a pu s’agir dans mon
opinion, lorsque j’ai parlé de juridiction dans l’une de mes réponses à la
section centrale, de la juridiction ordinaire des tribunaux, mais uniquement de
la juridiction spéciale de la cour des comptes constitutionnellement établie en
matière de finances.
D’honorables
préopinants se sont demandé comment il se faisait que le gouvernement se
contentait maintenant d’un cautionnement de 5 millions de francs, alors que
précédemment il y avait un cautionnement de 10 millions de florins. Mais,
messieurs, veuillez-vous rappeler qu’ainsi que je l’ai fait remarquer en
interrompant tout à l’heure l’honorable M. Fallon, il n’existait plus aucun
cautionnement.
La banque avait été
déchargée par l’ancien gouvernement de toute espèce de garantie pour sa gestion
des recettes de l’Etat. Ainsi, en stipulant aujourd’hui un cautionnement de 5
millions de francs, nous avons réellement apporté sons ce rapport une
amélioration notable dans l’Etat de choses préexistant. Du reste il ne me
paraît pas si étrange que le cautionnement ne soit que de cinq millions de
francs aujourd’hui, tandis que l’ancien cautionnement était en capital de 10
millions de florins de dette active. Cette garantie me paraît ainsi toute
rationnelle. Les recettes confiées aujourd’hui au caissier ne sont plus que
celles d’une des deux grandes fractions de l’ancien royaume des Pays- Bas, et
d’ailleurs, en raison du taux de 2 1/2 p. c. d’intérêt auquel était la dette
active du royaume des Pays-Bas, un capital de dix millions inscrit au pair n’a
en réalité qu’une valeur de la moitié.
On a semblé croire
que l’absence d’un cautionnement pouvait sous certain rapport être préférable,
attendu que de cette manière le trésor conservait au moins la plénitude du
privilège hypothécaire attribué par les articles 2098 et 2121 du code civil à
l’égard des dépositaires comptables des fonds de l’Etat.
Je pense,
messieurs, que le cautionnement de 5 millions qui nous est offert n’altère
aucunement ce privilège. A la vérité, dans l’art. 6 de l’ancienne convention on
donnait à la société générale la -faculté de se soustraire à l’application des
articles 2098 et 2121 du code civil, en immobilisant un capital de 10 millions
de florins de la dette active ; mais c’était à cette seule condition qu’elle
pouvait échapper à l’application de ces deux articles du code civil. L’art. 6
est explicite à cet égard.
Par conséquent
aujourd’hui il s’agit, non d’un cautionnement de 10 millions de florins, mais
seulement d’un cautionnement de 5 millions de francs, le privilège résultant
des articles 2098 et 2121 du code civil subsiste incontestablement, puisque
aucune disposition explicite qui y soit contraire ne peut être invoquée.
L’abandon d’un droit ne se présume pas, il doit être formellement énoncé.
L’honorable M.
Verdussen trouve que l’art. 1er de la nouvelle convention qui assure le service
du caissier de l’Etat à la société générale n’est pas aussi convenablement
rédigé que l’article de l’ancienne convention qui chargeait la société générale
du service de caissier de l’Etat.
L’honorable M.
Verdussen trouve que les mots « service assure à la société
générale » doivent exprimer autre chose que ceux qui se trouvent dans
l’ancienne convention, où l’on se bornait à dire que la société générale était
chargée du service de caissier de l’Etat. Il me semble, messieurs, que c’est
ici une question de mots ; car si par une convention on déclare que la société
générale est chargée du service pendant un temps déterminé, n’est-ce pas comme
si l’on disait que le service lui est assuré pendant un tel nombre d’années ?
Quant à moi,
j’avoue que je n’ai pas réfléchi à cette distinction et que je n’y ai rien vu
et n’y vois rien d’important.
L’art. 2 de la
convention du 7 novembre me paraît avoir été aussi mal interprété par
l’honorable M, Verdussen. Il pense que cette convention doit nécessairement
subsister pendant six années ; que seulement après trois années il peut être
introduit des modifications dans la convention ; nous n’avons pas compris
l’art. 2 ainsi ; nous avons cru en disant : « dans le cas où, avant
l’expiration du terme de trois années ci-dessus fixé, il n’interviendrait pas entre
les parties de disposition nouvelle, la présente convention conservera ses
effets et continuera de s’exécuter pour un second terme de 3 années ; »
que ces mots « disposition nouvelle » se rapportaient à l’existence
même de service entre le caissier et l’Etat. Voilà comment la convention est
comprise par nous, et nous n’entendons pas la comprendre autrement. Si les mots
« disposition nouvelle » avaient été écrits au pluriel, peut-être
pourrait-on leur donner le sens que leur attribue l’honorable membre ; mais ils
ont été écrits au singulier pour exprimer qu’il s’agit de la continuation même
des relations de la société générale, comme caissier, avec le gouvernement.
On a trouvé qu’il
eût été convenable de transcrire dans la nouvelle convention tous les articles que
l’on maintient de l’ancienne ; que cela eût été mieux que de s’y référer : je
dois faire observer que les conventions anciennes ont toujours été exécutées
sans la moindre difficulté, et que, sauf la question de l’ancien encaisse, il y
a toujours eu, à cet égard, accord parfait entre le caissier général et le
gouvernement ; que dès lors ces anciens articles étant bien compris et bien
exécutés, ils pouvaient continuer à exister là où ils se trouvent.
Je dois dire encore
deux mots en ce qui concerne le cautionnement de cinq millions, parce que M.
Verdussen a semblé croire qu’il pourrait bien n’être en réalité que de 4
millions, ou de trois millions, ou même de deux millions et demi, selon que le
capital inscrit porterait un intérêt de 4, 3 ou 2 1/2 p. c. mais ce n’est pas
ainsi que cela doit s’entendre. Si, par exemple, c’est de la dette deux et demi
que l’on affecte sur notre grand livre, le cautionnement sera établi à raison
de 50 p. c. du capital.
Les 5,000,000 ne
doivent pas être une illusion à nos yeux ; ils doivent être à la disposition du
gouvernement, en leur entier, s’il arrivait un événement malheureux : c’est, en
un mot, de 5,000,000 effectifs qu’il s’agit.
Messieurs, un
honorable préopinant a adressé au gouvernement différentes interpellations qui
se rattachent plus ou moins à la question en discussion. M. Doignon a demandé
si l’émission des actions récemment faites par la société générale avait
atteint le but que l’on disait s’être proposé par cette émission ;
c’est-à-dire, si d’autres intéressés que le roi Guillaume dans la société
générale avaient été admis à prendre part au bénéfice que procure cette
société.
Je pense qu’à cet
égard l’on doit avoir tout apaisement. Pour être actionnaire, il faut être
Belge, il faut être du pays, d’après les statuts de la société générale ; et
l’on ne peut être admis à avoir de ces actions qu’autant qu’on prouve sa
nationalité.
Une voix. - Non, non, ce sont les administrateurs qui doivent satisfaire à ces
conditions.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Eh
bien, soit ; mais certes le roi Guillaume n’a pu souscrire.
Relativement à
l’émission de ces actions, on a critiqué cette espèce de transfert que les
porteurs des actions en ont fait ; et l’on a semblé croire que la société
générale avait émis, contrairement à ses statuts, des actions au porteur.
Messieurs, les actions de la société générale sont nominatives ; mais si une
autre société a, par des transferts, pris ces actions en son nom, pour les
remplacer près des cédants contre d’autre papier au porteur, c’est une mesure
qui est en dehors des pouvoirs du gouvernement, puisqu’elle est en dehors de la
société générale ; la société qui a obtenu ces transferts les a acceptés sous
sa responsabilité en donnant des actions au porteur contre des actions
nominatives, il s’est opéré des conventions entre tiers, dans lesquelles nous
ne pouvons intervenir.
On a demandé si le gouvernement avait déterminé les conditions pour
l’émission des billets de la société générale : comme le gouvernement n’a
point, jusqu’à présent, autorisé la société générale à émettre de nouveaux
billets, il ne circule que des billets anciens que vous connaissez tous ; ils
sont écrits en florins et en hollandais. Il est vrai qu’elle a demandé d’émettre
de nouveaux billets ; maïs lorsque le gouvernement statuera sur cette demande,
il aura soin de déterminer les conditions convenables de l’émission.
Si une autre
société, affiliée à la société générale, a émis de son propre gré des billets
de caisse, il serait bien difficile, dans l’état actuel de la législation, que
le gouvernement empêchât cette émission, car il suffit que le timbre
proportionnel soit sur ces billets pour que ce papier soit légal. Tout
particulier peut en émettre de semblables en se conformant de même aux lois
existantes.
On a parlé de la
société de mutualité ; mais comme cette question regarde particulièrement M. le
ministre de l'intérieur, je le laisserai répondre sur ce point.
M. Fallon. - Je me félicite, messieurs,
d’avoir appelé votre attention sur des observations qui ont provoqué des
explications de la part de M. le ministre, de nature à lever mes scrupules
constitutionnels. D’après ce qu’il nous a dit, la banque se soumettrait
désormais au contrôle et au jugement de la cour des comptes pour la contraindre
à payer, il suffirait d’un arrêt de cette cour : toutefois je ne suis pas
convaincu que ce soit bien ainsi que le comprend cette société. Je ne crois pas
du tout que la société générale ait dans l’idée que par suite de l’art. 3 qui
l’oblige à envoyer des états de situation à la cour des comptes, elle se soit
soumise à fournir tous les documents, écritures et renseignements que cette
cour trouverait convenir d’exiger d’elle pour liquider ses comptes et les arrêter.
Si la cour des comptes se permettait de semblables exigences, je ne crois pas
qu’elle crût être dans l’obligation d’y déférer.
La banque fera
encore ce qu’elle a fait dans des cas pareils, elle dira à la cour des comptes
: je ne vous reconnais d’autorité qu’en ce qui concerne l’exécution de
l’article 3 ; or, par cet article, je dois vous envoyer les états de situation
; les voilà, je n’ai plus rien à vous donner. Vous pouvez compter qu’avec une
société qui s’est montrée aussi rebelle à toutes les demandes du gouvernement
dans tant de circonstances, vous ne parviendrez pas à arranger les choses de
manière à la soumettre aux exigences de la cour des comptes.
M. Dubus (ainé). - Messieurs, d’année en
année, et par mesure provisoire, la banque a continué de faire le service de
caissier général de l’Etat ; à cette situation provisoire le gouvernement veut
substituer une situation stable pour un terme de trois ou même de six années ;
je pense que la chambre, avant de sacrer par son vote un pareil changement,
devrait exiger qu’il lui fût démontré que le nouveau système, résultat de
l’exécution de la convention de novembre 1836, présente des avantages assez
grands pour qu’il soit de l’intérêt évident du trésor de l’adopter et de prendre
avec la société générale un engagement pour un terme de trois ou même de six
années : or c’est ce qui ne me paraît aucunement démontré. Quant à moi, je
dirai que les explications données par M. le ministre des finances ne m’ont pas
satisfait du tout ; j’ai toujours les mêmes craintes et toujours la même
incertitude ; et assurément je ne voterai pas de chiffre pour le caissier
général de l’Etat sans connaître la portée de mon vote.
J’ai parlé du terme
de trois ou six années ; et je dirai que, même sur le terme je ne suis pas
rassuré. L’honorable M. Verdussen a fait remarquer que la stipulation où le
terme de trois ou six est écrit, n’est pas claire. On ne voit pas qu’il dépende
du gouvernement seul de faire cesser l’exécution de la convention au bout de
trois années. Lisez l’article 2.
« Art. 2. Dans
le cas où, avant l’expiration du terme de trois années ci-dessus fixé, il
n’interviendrait pas entre parties de disposition nouvelle, la présente
convention conservera ses effets, et continuera de s’exécuter pour un second
terme de trois années. »
Que résulte-t-il de
cet article ? C’est que la convention doit continuer à exister pendant un autre
terme de trois années à moins que la condition dont il y est parlé n’arrive. Si
donc cette condition n’arrive pas, la convention continue ses effets pendant
trois autres années. Et quelle est la condition dont il s’agit ? C’est qu’il
intervienne entre les parties une stipulation nouvelle. Or, quelle peut être la
nature de la stipulation qui pourrait intervenir entre les parties ? C’est une
stipulation par laquelle les parties résilient ou modifient la convention. Si
donc l’on ne modifie pas la convention et si on ne la résilie pas, elle
continuera ses effets pendant un nouveau terme de trois années. Cela présente,
me semble-t-il, de véritables et très graves inconvénients et je suis loin
d’être rassuré à cet égard par la confiance qu’exprime M. le ministre des
finances, car je crains fort qu’il n’ait pas bien saisi la portée des termes
employés dans la convention.
Voulez-vous,
messieurs, engager l’Etat pour six ans ? Voulez-vous même l’engager pour trois
ans ? Mais voyons quels avantages on nous offre pour obtenir un semblable
engagement ? D’abord, il n’est pas nécessaire de vous rappeler, messieurs,
toutes les réclamations qu’a excitées dans cette enceinte l’état de choses qui
a existé jusqu’ici ; une foule de voix se sont, depuis la révolution, élevées
contre cet état de choses tout provisoire qu’il était. Voulez-vous maintenant
le continuer pendant trois ou six ans encore ? Voulez-vous continuer à donner à
la société générale les moyens de battre monnaie en jetant dans le pays une
masse de billets, que, par cela seul que la banque fait le service de caissier
de l’Etat, tous les receveurs publics reçoivent comme écus et qui deviennent
une véritable monnaie comme s’ils portaient le cachet de l’Etat qui leur
imprimât la garantie du gouvernement, billets qui procurent à la banque des
avantages, si grands, qu’elle devrait acheter, en nous donnant de l’argent, la
faculté de les faire circuler, loin de recevoir de nous un salaire de ce chef.
Voilà, messieurs,
une observation qui a été faite chaque année et à laquelle il me paraît qu’on
n’a jamais répandu d’une manière satisfaisante. Otez à la société générale le
service de caissier de l’Etat, et toutes les caisses publiques seront fermées à
ses billets. Croyez-vous, messieurs, qu’alors les billets de banque seraient
encore reçus comme argent par tout le monde sans exception. Il me semble que
cela ferait une grande différence.
Si j’ai bon
souvenir, une autre société offrait de faire le service de caissier de l’Etat
non pas à raison d’un quart ou d’un cinquième p. c., mais à raison d’un
huitième, tellement ceux qui dirigeaient cette société apercevaient les
avantages qu’il y avait à pouvoir ainsi faire de toutes les caisses de l’Etat
les caisses particulières de la société et à voir circuler comme argent les
billets qu’elle émet, à voir même les contribuables payer leurs contributions
avec ces billets.
On vous disait, il
y a peu de jours, en vous citant l’exemple d’un pays voisin ; vous avez un
moyen infaillible d’émettre des bons du trésor sans intérêt : « c’est
d’obliger les contribuables à payer une partie de leurs contributions en bons
du trésor. »
Vous le voyez donc,
c’est en ouvrant les caisses de l’Etat à ces sortes de billets que vous leur
donnez du crédit et vous abandonnez cela gratuitement à la société générale ;
vous faites plus, vous lui donnez encore de l’argent pour qu’elle veuille bien
l’accepter, en faisant le service de caissier de l’Etat.
Le gouvernement
a-t-il l’intention, en exécutant la convention du mois de novembre 1836, de
défendre aux receveurs des contributions publiques de recevoir autre chose que
des écus ? Le gouvernement tolère ouvertement depuis longtemps que les agents
reçoivent des billets de banque en acquit des contributions que paient les
habitants du royaume, et je crois que le gouvernement a l’intention (les
paroles de M. le ministre des finances me permettent d’avoir cette opinion,) je
crois, dis-je, que le gouvernement a l’intention d’exécuter la nouvelle
convention, comme a été exécutée l’ancienne, et de laisser à la société
générale tous les avantages dont elle a joui jusqu’ici. Eh bien, messieurs, ni
pour 6, ni pour 3 ans, je ne consentirai abandonner à la banque, un pareil
moyen crédit et de puissance ; je crois que le moment est venu plus que jamais
de prendre en sérieuse considération les développements immenses que menacent
de prendre la puissance et le crédit de la société générale, qui fera bientôt
des lois au gouvernement et à l’Etat tout entier. Quant à moi je n’aurai garde
de donner mon vote à aucune proposition qui aurait une semblable portée.
Depuis la
révolution la banque publie sur les toits qu’elle ne se reconnaît pas
justiciable de la cour des comptes ; la banque, dans la correspondance avec la
cour des comptes, dont nous connaissons tous les résultats, a protesté contre
l’exercice que la cour des comptes voulait faire de sa juridiction ; comment se
fait-il que dans la nouvelle convention il ne se trouve pas un mot qui puisse
conduire à trancher cette difficulté ? L’honorable député de Namur vient de
dire que d’après la réponse de M. le ministre des finances il espère trouver un
apaisement dans le nouveau règlement de comptabilité ; mais en avons-nous la
garantie que la banque respectera ce règlement-là plus que celui qu’il doit
remplacer, et dont les art, 4 et 28 à 32 établissent aussi la juridiction de la
cour des comptes ? Si la banque a méprisé l’un, pourquoi ne mépriserait-elle pas
l’autre ? Dès lors ne devons-nous pas, messieurs, considérer comme une
véritable omission que le gouvernement n’ait rien stipulé à cet égard dans la
convention dont il s’agit ? Est-il convenable de conserver les fonctions de
caissier de l’Etat à une société qui se refuse à dire qu’elle reconnaît la
juridiction de la cour des comptes, alors que naguère elle a dit tout haut
qu’elle entendait s’y soustraire ? La première chose qu’il y avait à faire,
c’était de dire à la banque qu’elle perdrait le service de caissier de l’Etat,
si pour première condition elle ne se soumettait d’une manière pure et simple à
la juridiction de la cour des comptes ; elle aurait répondu oui ou non, et si
elle répondait non, il ne fallait pas traiter avec elle.
Maintenant vous
faites un nouveau traité, vous faites un nouveau bail (car c’est un véritable
bail) pour trois ou six ans, pendant lesquels la société fera le service de
caissier-général de l’Etat, tout en contestant la juridiction de la cour des
comptes ! M. le ministre pense que la cour rendra un arrêt : il me paraît,
messieurs, que jusqu’ici on a eu l’occasion de faire rendre un arrêt par la
cour des comptes ; on dit qu’elle n’avait qu’à en rendre ; mais je prie la
chambre de se rappeler dans quelles circonstances la cour des comptes a rompu
sa correspondance avec la banque : on sait que le ministre des finances d’alors
soutenait la banque dans son refus de reconnaître la juridiction de la cour des
comptes, cela est constaté par le rapport de l’honorable M. Fallon ; voilà, messieurs,
dans quelles circonstances la cour des comptes s’est trouvée obligée de rompre
ses rapports avec la société générale. Je pense donc, messieurs, qu’il y avait
quelque chose à faire sous ce rapport avant de faire avec la banque une
convention nouvelle pour trois ou six ans.
Quant aux garanties
des deniers de l’Etat qui seront versés dans la caisse de la société, on nous
dit : Mais cette société est colossale : elle a un crédit immense, une fortune
immense. On vous a déjà répondu que cette société colossale fait des
spéculations et des entreprises colossales, et qu’on peut supposer des
événements qui amènent pour résultat, des entreprises colossales, des pertes
également colossales et devant de pareilles éventualités il est toujours bon,
et d’ailleurs il est du devoir du gouvernement, de stipuler ce que la loi
prescrit qu’on stipule : une garantie.
Du reste,
messieurs, de la manière dont les choses se passent, en quoi peut consister en
définitive la caisse de l’Etat entre les mains de la société générale ? mais en
papier de la société elle-même. Qu’il survienne une crise, et qu’au lieu
d’argent, vous trouviez dans la caisse uniquement du papier de la société, l’on
vous dira que les contribuables ont donné du papier et qu’ils en aient le droit
; la crise serait là, et l’argent peut-être serait sorti du pays. Evidemment,
messieurs, vous êtes sans garanties ; ce qui reste de garantie en propriétés
immobilières vous échappe chaque jour.
J’ai été étonné
d’entendre le ministre des finances, en traitant des difficultés d’exécution
que plusieurs honorables membres redoutent, parler du bon accord qui, dans
l’exécution, a existé jusqu’ici entre le gouvernement et la banque. Car, alors
que la banque conteste la juridiction de la cour des comptes, qu’elle n’a pas
voulu, paraît-il, s’y soumettre dans la convention, et que, selon les
apparences, elle continue donc à contester cette juridiction, le gouvernement
ne doit pas supposer que le bon accord existe entre lui et la société générale
Elle a reçu, elle a payé, soit ; mais elle a prétendu se soustraire à tout
contrôle, à toute juridiction comme comptable ; elle a nié qu’elle fût
comptable.
A propos de cette
discussion, on a reproché au gouvernement de ne pas assez surveiller
l’exécution des statuts, et à cette occasion, on a parlé de la transformation
des actions nominatives en actions au porteur ; aux termes de l’art. 15, les
actions ne peuvent être émises au porteur ; on conçoit, messieurs, l’intérêt
que le gouvernement pourrait avoir à tenir la main à l’exécution d’une
semblable clause.
Mais, dit le
gouvernement, les actions aujourd’hui sont encore nominatives, c’est une autre
société qui les aurait converties en nouveaux titres au porteur qu’elle aurait
émis ; et, par parenthèse, cette nouvelle société se trouve précisément
administrée par les mêmes personnes qui dirigent la société générale, en sorte
qu’on peut voir là une seconde société générale, sous un titre un peu modifié.
Mais que
résulte-t-il de la combinaison de ces deux sociétés, de la combinaison de ces
deux sortes de titres ? La société générale a manifestement pris ce biais, pour
éluder l’art. 15 de ses statuts. Je pense que le gouvernement aurait bien fait
d’examiner cette question et de s’opposer à cette transformation des actions
nominatives en actions au porteur.
Il n’est personne
qui ne reconnaisse sur ce simple exposé des faits qu’en définitive cela revient
au même, et que c’est comme si les actions avaient été constituées au porteur
dès l’origine.
On a reproché encore
au gouvernement de n’avoir pas tenu la main à l’exécution d’un autre article
des statuts qui limite la faculté qu’a la banque d’émettre des billets au
porteur ; à cela on répond que c’est une autre société qui a émis ses billets.
Et remarquez que cette autre société est composée pareillement des mêmes
personnes ; et, ici encore, vous allez toucher au doigt une violation des
statuts qui sont également éludés : c’est que comme les directeurs de cette
nouvelle société et les directeurs de l’ancienne sont toutes têtes sous un même
bonnet, comme on dit proverbialement, il en est résulté que la société générale
ouvre les caisses publiques aux billets de la société nouvelle, comme elles
sont ouvertes aux billets de la société ancienne. N’est-ce pas dès lors la même
chose que si la société générale avait émis ces billets ? Et dès lors
encore ne viole-t-elle pas scandaleusement ses statuts ?
Messieurs, après
tout ce qui a été dit par d’honorables préopinants, je crois pouvoir borner là
mes observations que je n’ai faites que pour dire en quoi je trouvais peu
satisfaisantes les réponses de M. le ministre des finances. J’ajouterai que je
suis embarrassé maintenant pour émettre un vote ; car, quelque chiffre qu’on
mette aux voix, en présence de la nouvelle convention, la crainte de la
sanctionner indirectement devra m’obliger à voter négativement. Il faut
cependant qu’il y ait un moyen de pourvoir à la recette des deniers publics. Je
désirerais qu’un membre présentât une disposition qui levât cette difficulté.
S’il n’est pas proposé d’amendement qui me satisfasse, je voterai contre tout
chiffre qu’on pourra présenter pour l’article en discussion.
(Moniteur belge n°56, du 25 février 1837)
M. Verdussen. - Messieurs, comme
d’honorables préopinants n’ont pas tout à fait rencontré mes idées sur les
réponses à faire à M. le ministre des finances, je me permettrai quelques mots
à ce que j’ai déjà dit, et aux considérations émises par ces honorables
collègues.
Je ne suis pas
d’accord avec M. le ministre des finances en ce qui concerne la portée de
l’art. 3 du nouveau contrat qui exige qu’un envoi par la banque soit fait de
quinzaine en quinzaine à la cour des comptes ; je ne pense pas que cette clause
soumette la banque, de son aveu, à la juridiction de la cour des comptes. C’est
une obligation semblable à celle qui aurait pu lui être imposée à l’égard de
bien d’autres corps supérieurs de l’Etat.
On aurait pu
l’astreindre à envoyer tous les quinze jours des états dans les provinces,
ainsi qu’à tous les ministères ; et par là la banque se serait-elle soumise aux
décisions de chaque ministère, de chaque corps auquel elle s’était engagée à
faire un envoi d’états ? Pour moi, je ne le pense pas.
M. le ministre des
finances nous a dit qu’il n’avait jamais entendu étendre la durée du contrat à
six années, puisqu’il dépendait d’une de parties contractantes de renoncer au
contrat au bout de trois ans, si elle le jugeait à propos.
Déjà d’honorables
préopinants ont répondu à cette observation : qu’il fallait que les changements
fussent établis de commun accord, et qu’il n’appartenait pas à une seule des
parties contractantes d’établir la non-existence du contrat pour 6 ans.
Le ministre des
finances a dit enfin que son intention était que les garanties données par la
banque au gouvernement fussent effectives et non d’une valeur nominale ; je
n’ai rien trouvé de semblable dans le contrat.
Je n’ai pas voulu
faire mention de la possibilité de déposer des papiers, à charge de l’Etat, qui
ne porteraient que 2 1/2 p. c., comme, par exemple, les obligations du livre
auxiliaire, parce que je n’ai pas envisagé ce papier comme une dette à charge
de l’Etat actuel ; car j’envisage toujours le paiement, effectué par
On a critiqué la
remarque que j’avais faite sur la convenance d’insérer dans la nouvelle
convention les articles de l’ancien contrat qu’on voulait conserver.
Mais je me
permettrai une remarque, pour prouver combien il est dangereux de mettre dans
une convention nouvelle que les stipulations antérieures continueraient
d’exister, à moins, qu’elles n’aient été spécialement et positivement changées
par le contrat nouveau, en mettant en regard ce qui a été dit à l’art. 4
nouveau qui correspond à l’art. 6 du contrat de 1823.
Dans l’art. 4
nouveau, il est parlé du cautionnement ; et si toutes les parties de l’ancien
contrat non modifiées devaient être conservées, la mortification ne porterait
que sur le changement du chiffre du cautionnement qui, au lieu de 10,000,000
fl. en inscriptions sur l’ancien livre du royaume du Pays-Bas, ne sera plus que
de 5 millions en obligations de création belge ; mais cela n’anéantit pas le
second paragraphe de l’article 6 ancien, où il est dit que le gouvernement
renonce, à l’égard de la société générale, à l’application des articles 2098 et
2121 du code civil actuellement en vigueur. Puisque l’article quatre ne modifie
pas expressément en cela l’article 6, cette partie de l’article est maintenue.
On pourrait soutenir, je crois, victorieusement.
Ceci est un exemple
du danger qu’il y a souvent à conserver par une disposition générale toutes les
dispositions qui existaient antérieurement, et sur la conservation desquelles
on pourrait élever des doutes.
Je serais fâché,
quand j’ai dit que je voyais avec plaisir que de votre vote dépendra
l’exécution ou la non-exécution du contrat nouveau, je serais fâché, dis-je,
qu’on pût en conclure que je veux retirer à la banque la confiance qu’elle
mérite.
A ce propos, je
vais rencontrer les observations de l’honorable M. Doignon. Quant à moi, loin d’avoir des craintes sur la
solvabilité de la banque, j’ai toute confiance en elle, et je n’oublie pas la
somme colossale de son capital primitif qui, par les opérations heureuses qui
se sont succédé d’année en année, a encore été augmenté par le fonds de réserve
composé du tiers des dividendes.
M. Doignon vous a
dit : Comment voulez-vous laisser à la banque la jouissance des fonds que
l’Etat laisse sans emploi dans ses coffres ? Mais si nous ôtions à la banque sa
qualité de caissier général pour la donner à une autre société, il en serait de
même. Si la société générale trouve moyen de profiter de ces fonds, je dis tant
mieux, puisque le pays n’en jouirait pas davantage, s’il avait pour caissiers
des directeurs particuliers. Cette somme, réunie aujourd’hui en masse dans une
seule caisse, peut présenter des profits ; mais si elle était éparpillée dans
dix ou douze caisses, le pays ni le gouvernement n’en retirerait absolument
rien. D’un autre côte, le gouvernement n’aurait aucun moyen, sans y être
autorisé par une disposition législative, de faire fructifier les fonds restés
sans emploi.
L’honorable M.
Doignon a dit encore qu’il voudrait que la banque, comme caissier de l’Etat,
fût soumise à la visite d’agents du gouvernement pour constater l’existence
dans sa caisse de fonds équivalents à la somme versée par le gouvernement et
non employée.
Je ferai observer
que cela n’amènerait aucun résultat, car il est certain qu’aujourd’hui, comme
l’ont dit M. le ministre des finances et la section centrale, la banque jouit,
terme moyen, d’une somme de cinq millions de francs sans emploi qui doivent se
trouver dans ses caisses. Peut-on penser qu’une société aussi colossale n’ait
pas toujours cinq millions dans ses coffres pour faire face à ses différents
besoins ? Ou n’aurait pas le droit de lui faire ouvrir ses registres pour
vérifier si, indépendamment de la somme due à l’Etat, il se trouve dans les
coffres de la banque tous les fonds que d’autres établissements généraux ou des
sociétés particulières peuvent avoir versés entre ses mains comme leur caissier
général. Nous n’aurions que le droit de constater l’existence des cinq millions
appartenant à l’Etat, et si ces établissements et ces particuliers ne viennent
pas exiger la même preuve, la visite des agents du gouvernement n’aboutirait à
rien.
J’ai cru devoir donner cette explication avant d’en venir à mon vote qui
sera contre l’adoption du chiffre, non que je veuille retirer à la banque la
qualité de caissier de l’Etat, mais pour que la convention ne soit pas
maintenue.
Je ne partage pas
l’opinion de M. Fallon qui vous dit qu’il votera le crédit avec cette réserve
qu’on ne pourra pas inférer de son vote qu’il approuve la convention, et
seulement parce qu’il ne veut pas entraver le service. Je ferai observer que le
service ne sera pas entravé, parce qu’il ne s’agit pas ici d’employés qu’on
doit payer au jour le jour, mais d’un tantième, qu’on ne paie qu’après
l’exercice écoulé. Ainsi ce ne serait qu’à la fin de l’année 1837 que pourrait
se présenter l’embarras dont a parlé l’honorable M. Fallon.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux). - Messieurs, un honorable préopinant a parlé
de la société de mutualité et a demandé si elle était autorisée, ou comment il
se faisait que déjà elle opérait. Je répondrai que le gouvernement n’a pas
encore prononcé à cet égard. Il s’est borné à réclamer l’avis des diverses
chambres de commerce. Ensuite il a donné en communication aux fondateurs
directeurs de la société la substance des moyens développés par les chambres de
commerce, soit contée le principe de la société, soit contre les articles de
ses statuts. Jusqu’à présent le gouvernement n’a pas été mis à même, par les
fondateurs de la société, de prononcer sur leur demande.
On a demandé
comment il se faisait que, sans avoir obtenu d’autorisation. Elle ait émis des
actions. Elle a procédé comme d’autres sociétés qui ont demandé l’autorisation
de se constituer en sociétés anonymes, et qui, avant d’avoir obtenu
l’autorisation, ont émis des actions. La conséquence en est qu’en cas de refus
d’autorisation, les administrateurs demeurent responsables de leur gestion
comme les administrateurs des sociétés en commandite. Ainsi, jusqu’à présent,
rien n’est décidé sur cette question.
On a parlé aussi
des bons de caisse émis par la société de commerce. Les statuts de cette société
ne s’expriment en aucune façon sur l’émission de bons de caisse, ils ne les
autorisent ni ne les défendent. Il est évident que l’on pourrait au besoin
interdire la réception de ces bons de caisse en paiement des contributions
publiques. Mais jusqu’à présent une telle mesure n’a pas paru nécessaire.
En second lieu, messieurs, il resterait une question à examiner que nous
n’avons pas eu besoin de trancher ; c’est celle de savoir si le gouvernement
pourrait empêcher l’émission de ces bons de caisse, si on pourrait considérer
une émission semblable comme contraire à des statuts où il n’en serait pas fait
mention. L’intérêt général ne nous paraissant pas jusqu’à présent compromis,
nous avons cru devoir nous abstenir de prendre une décision. Dans tous les cas,
il est toujours du domaine de la législature de mettre des bornes à l’émission
de billets de ce genre.
Au surplus, ce qui
s’est passé à l’égard de la société de commerce nous a suggéré la pensée de
stipuler, dans les autorisations données depuis à des sociétés anonymes,
qu’aucune émission semblable ne pourrait avoir lieu qu’après avoir été
autorisée par le gouvernement.
M. de Brouckere. - Mon intention n’est pas
de me livrer à l’examen de toutes les questions soulevées relativement à la
société générale. Ce qui doit nous occuper principalement aujourd’hui, c’est la
convention du 7 novembre 1836. Vous avez entendu que la plupart des orateurs
qui ont parlé aujourd’hui, ont été arrêtés dans leur vote par la considération
que les articles de cette convention ne sont pas rédigés d’une manière qui les
satisfasse. Ils ne veulent donc pas par un vote quelconque approuver la
convention du 7 novembre. Jusqu’à certain point, je dois convenir qu’ils n’ont
pas tort, parce qu’ils entendent la convention d’une autre manière que le
ministre des finances.
M. le ministre des finances doit avouer que les termes de la convention
ne répondent pas d’une manière précise à ses intentions et même aux intentions
de la société générale. Cependant il ne peut entrer dans les intentions d’aucun
de nous d’entraver le service du trésor, et ce serait l’entraver que de nous
refuser au vote d’une somme quelconque pour les frais de perception. Je crois
qu’il est un moyen très simple de nous tirer d’embarras, et de lever les
scrupules qu’ils arrêtent quelques membres de la chambre et qui sont réellement
de nature à être pris en considération. Je proposerai à la chambre de voter le
chiffre demandé, mais en stipulant d’une manière bien expresse que la chambre
n’entend ni approuver ni désapprouver la convention du 7 novembre 1836.
De cette manière la
société générale serait avertie que la chambre ne prend aucun engagement, et
qu’elle conserve la faculté et le pouvoir d’aviser comme bon lui semblera pour
le budget de 1838.
D’un autre côté le
ministre des finances fera interpréter la convention du 7 novembre dans le sens
où lui-même l’entend, et ce ne sera que sous sa responsabilité personnelle
qu’il pourra exécuter cette convention du 7 novembre.
Je propose donc
d’ajouter à l’article de 220,000 fr. : « sans rien préjuger sur la convention
du 7 novembre 1836. »
M.
Coghen - Je n’ai pas entendu le discours de l’honorable M. Doignon. J’en ai du regret parce
que j’aurais dû répondre quelques-unes de ses observations, Je crois que
l’honorable M. Verdussen et le ministre de l’intérieur y ont en partie répondu.
Toutefois, quant à moi, j’ajouterai à leurs réponses que la société mutuelle
n’a pas encore été autorisée par le gouvernement, mais qu’elle a commencé ses
opérations comme l’ont fait beaucoup d’autres sociétés, parce qu’une grande
question divise les hommes les plus savants du pays et même de l’étranger ;
c’est celle de savoir si, par l’arrêté du 16 octobre 1830 et par la constitution,
l’art. 27 du code de commerce est abrogé.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux). - Cette question est décidée.
M.
Coghen - Dans ce doute les sociétés nouvelles se mettent en avant et il
ne peut en résulter pour elles d’autre conséquence que peut-être la
responsabilité personnelle.
Je continue à
parler de la société mutuelle parce qu’on a paru lui contester le droit qu’elle
est une maison puissante de Paris se sont arrogé de délivrer des certificats
des actions de la société générale. Je ne sais vraiment en vertu de quelle loi,
de quel pouvoir on viendrait défendre à des établissements ou à des
particuliers le droit de délivrer des certificats d’actions émises par l’une ou
l’autre société, par l’un ou l’autre Etat.
Les dispositions
qui ont été prises sont tout à fait à l’avantage du pays et sont bien comprises
par ceux qui entendent l’économie sociale. Nous avons intérêt à appeler dans le
pays des capitaux étrangers, parce que les capitaux belges étant insuffisants
pour le développement que nous donnons à notre industrie, le seul moyen
d’appeler les capitaux étrangers dans le pays est de rendre nos valeurs
négociables sur toutes les place de commerce, c’est-à-dire de les mettre au
porteur.
Un des honorables
orateurs a parlé du cautionnement fourni par la société générale dans la
convention faite par M. le ministre des finances, et a opposé à ce
cautionnement réduit à 5 millions effectifs, comme vient de l’expliquer
l’honorable M. d’Huart, l’ancien cautionnement fourni sous l’ancien royaume des
Pays-Bas : en effet, le cautionnement était alors de 10 millions de florins.
Mais c’était un cautionnement fourni en dette active, dont le cours, lorsqu’il
a été fourni, n’était qu’à 46 p. c. ; c’est-à-dire que le cautionnement fourni
alors ne représentait pas même 10 millions de francs. Par conséquent, le
cautionnement de 5 millions de francs est en proportion égale avec l’ancien, et
par conséquent celui exigé par le gouvernement est à l’abri et ne mérite pas
les observations qui ont été faites.
Quant aux garanties
de la société générale, quant à ses ressources, le gouvernement provisoire lui
confia la caisse de l’Etat au moment où les Hollandais étaient aux portes de
Bruxelles. Le gouvernement provisoire trouva dans la société générale des
garanties suffisantes ; il n’ignorait pas qu’elle n’avait pas fourni de
cautionnement ; et il n’en exigea pas. Depuis cette époque, par une nouvelle
émission le capital de la société générale a été renforcé de 43 millions de
francs, et pour un encaisse qui serait, d’après ce qu’a dit M. le ministre des
finances, terme moyen, de 5 millions de francs, l’immense capital de la société
générale donne au pays toute la garantie, toute la tranquillité désirable.
Quant à moi je
ferai volontiers ma profession de foi. Je l’ai déjà faite dans une autre
circonstance. Il m’importe peu à quel établissement on donne la caisse de
l’Etat. Je veux avant tout l’intérêt du trésor, c’est-à-dire l’intérêt du pays.
Dès l’instant qu’on proposera de donner les fonctions de caissier de l’Etat à
un autre établissement qui offrira, avec les mêmes garanties et la même
sécurité, des avantages réels pour le trésor, je n’hésiterai pas à donner à
cette proposition mon vote approbatif.
Toutefois ce qu’on
donne à la société générale pour encaisser les fonds de l’Etat ne lui laisse,
je crois, aucun bénéfice direct, parce que les dépenses que la société doit
faire acquitter par ses 28 agents qu’elle paie dans les provinces, et le
mouvement obligé des fonds pour assurer tous les services doivent absorber une
grande partie de ce qu’accorde l’Etat.
Jadis c’était 1/8
p. c. que payait l’Etat. Nous avons dû majorer cette remise et la porter à un
quart. Pourquoi ? Parce que sous l’ancien gouvernement il y avait une masse de
millions en caisse. Jamais il n’y avait moins de 10 millions de florins. Après
la révolution nous avons été dans l’embarras, non parce que nous étions trop
riches, mais parce qu’on ne savait souvent la veille comment payer le
lendemain, parce qu’enfin on n’avait pas d’encaisse. La société générale
n’avait donc aucun avantage à être dépositaire des fonds de l’Etat toujours
insuffisants. On porta alors le taux de ses remises à 1/4 p. c. pour les
recettes ordinaires, en fixant le taux des remises à 1/8 pour les recettes
extraordinaires.
M. le ministre des
finances a obtenu la réduction de la remise du quart au cinquième, en
maintenant celle d’un huitième pour les recettes extraordinaires.
Quant à moi je
trouve que ce moyen d’encaisser et de payer est économique et offre toutes les
garanties au pays. Je suis disposé à voter la somme demandée par M. le ministre
des finances. Et si on propose une autre combinaison avantageuse pour le
trésor, je l’adopterai avec empressement, parce que je veux avant tout
l’intérêt de mon pays et que jamais je n’y préférerai l’intérêt d’un
établissement quelconque.
M. Coppieters remplace M. Raikem au fauteuil.
M. le président. - M. Dubus vient de proposer l’amendement suivant
:
« Caissier de
l’Etat : 260,000 fr. (sans entendre approuver la convention du 7 novembre 1836,
ni aucune autre qui ait pour objet de faire durer les fonctions de caissier de
l’Etat au-delà de l’exercice 1837). »
M. Dubus. - Il me reste peu de mots
à dire pour justifier cet amendement. J’expliquerai en quoi il diffère de
l’amendement de M. de Brouckere.
Il diffère quant au
chiffre. J’ai proposé le chiffre de 260,000 fr. pour nous reporter à l’état de
choses existant avant la convention de novembre 1836. Le chiffre de 220,000 fr.
étant proposé en exécution de la convention, je pense que nous ne devons pas
l’adopter.
En second lieu, mon
amendement est plus explicite que celui de M. de Brouckere. J’explique que quant à présent la chambre ne
considère pas que le gouvernement puisse être engagé pour un exercice
postérieur à 1837.
Au moyen de
l’amendement fait de cette manière je crois que la cause reste entière et que
l’on ne pourra induire du vote de la chambre le droit d’exécuter aucune
convention, et notamment celle du 6 novembre 1836, dont je crois devoir faire
une mention expresse.
M. de Brouckere. - Je n’ai proposé
le chiffre de 220,000 que parce que le gouvernement a déclaré qu’avec 220,000
on peut faire le service du trésor, Je ne vois pas pourquoi nous donnerions au
gouvernement 40,000 fr. de plus que ce qu’il nous demande.
Mais, dit-on, vous
donnez 220,000 fr. parce que cette somme suffit en vertu de la convention du 7
novembre. Non ; car je déclare de la manière la plus formelle que je n’approuve
pas plus que je ne désapprouve la convention du 7 novembre. Je persiste à
admettre le chiffre de 220,000 fr., parce que cette somme suffit et que je n’ai
pas l’habitude de donner au gouvernement plus qu’il ne demande.
L’honorable M.
Dubus pense qu’il faut mettre dans le budget que la chambre n’entend approuver
ni la convention du 7 novembre, ni toute autre convention ; mais on ne nous a
pas communiqué d’autre convention, et il va sans dire que nous n’approuvons pas
une convention dont nous n’avons pas connaissance.
Il va sans dire
aussi que nous n’approuvons pas la convention du 7 novembre, et que le ministre
ne faisant de demande que pour l’exercice 1837, nous ne faisons pas
d’allocation pour une autre année ; nous ne pouvons nous lier en déclarant que
nous n’approuvons pas la convention de novembre.
M.
Devaux. - Dans les quelques mots que j’ai à dire à la chambre, je
m’occuperai peu de la question d’économie. Je ne crois pas que les économies
introduites par la convention puissent être grandes ; les dépenses que l’on
ferait de moins d’un côté seront bien près d’être compensées, sinon dépassées,
par celles qu’il faudra augmenter de l’autre. Je n’insiste pas sur le
cautionnement ; j’avoue que, quoique l’art. 4 soit rédigé assez vaguement,
quant au chiffre du capital effectif, je n’attache pas un grand prix à la hauteur
de ce cautionnement ; je ne serai pas éloigné, pour ce qui me concerne, de me
passer de cette garantie et de me contenter de la solvabilité connue de la
banque. Je ne reviendrai pas non plus sur les formes de la comptabilité du
caissier, cette question vient d’être traitée avec assez d’étendue ; je veux me
borner à indiquer un côté politique de la question. A ce mot de politique ne
croyez pas que je veuille renouveler contre la société générale les accusations
dont elle a souvent été l’objet, de professer une opinion hostile au régime
actuel de
Messieurs, depuis
deux ans nous assistons en Belgique à l’accomplissement d’un fait bien étendu
dans ses conséquences, bien nouveau pour nous et pour tout le monde, c’est le
subit et immense développement des associations. Pris dans son ensemble, ce
mouvement doit être sans doute la source d’un grand bien pour l’industrie ;
mais, dans cet ordre de choses si nouveau auquel l’expérience manque
complètement, il est impossible de se dissimuler qu’il reste bien des choses
obscures pour l’avenir. Si nous pouvons prévoir jusqu’à certain point la nature
des avantages qui doivent résulter pour le pays de ces vastes applications de
l’esprit d’association, il est beaucoup plus difficile aujourd’hui de
déterminer la nature des divers genres d’inconvénients qu’elles peuvent
entraîner. Car les associations ne sauraient espérer de se soustraire à la loi
de ce bas monde, où les meilleures choses ont leur mauvais côté. Toute
puissance nouvelle qui naît dans la société, toute influence qui acquiert
subitement des forces inconnues jusqu’alors, crée nécessairement à côté d’elle
quelque danger nouveau.
Ce danger,
messieurs, que plusieurs personnes pressentent et qu’elles envisagent de
diverses manières aujourd’hui, il serait impossible de les préciser aujourd’hui
avec quelque certitude. Le vague de l’avenir les enveloppe encore. Mais ce
qu’on peut dire, je crois, en toute assurance, c’est que sous le rapport
politique la question des associations est pleine d’incertitudes ; j’ajouterai
qu’elle est pleine de difficultés, car si d’une part il ne faut pas fermer les
yeux sur la responsabilité des dangers politiques ou autres, il importe d’autre
part de ne pas arrêter l’essor du développement industriel.
Au milieu de ces
incertitudes et de ces doutes, le rôle d’une sage prudence n’est-il pas celui
qui convient le mieux au gouvernement ? Et le plus prudent dans l’affaire dont
il s’agit aujourd’hui ne serait-il point de s’abstenir de donner de ses propres
mains, et sans profit notable pour l’industrie, des forces nouvelles à la plus
puissante de nos sociétés, à celle que je puis appeler prédominante, sans
rivale, et qui résume en elle la force de la plus grande partie des
autres ?
C’est lui donner
des forces que de lui fournir les moyens d’assurer la circulation non seulement
de ses propres billets, mais même des billets non autorisés de toutes les
sociétés qu’elle protège, et par là même, le moyen d’exclure de cette
circulation les billets des sociétés rivales qu’on pourrait lui opposer comme
contrepoids. C’est augmenter à la fois sa force et sa prédominance.
Je ne crois pas
qu’il résulte un grand avantage pour l’industrie de la faculté laissée à la
banque d’employer l’encaisse du trésor. La discussion nous a appris, et
l’émission des bons du trésor l’indique assez, que l’encaisse est en général
peu considérable aujourd’hui. Les capitaux d’ailleurs ne manquent pas à la
banque. Et nous voyons la banque de Liége et la banque de Belgique rendre de
grands services à l’industrie, sans avoir besoin de la même faveur que la société
générale, qui déjà se trouve seule en possession d’un autre privilège, celui
d’être dotée d’un capital national.
Messieurs, le
caractère de la société générale, il est impossible de le contester, a changé
considérablement depuis deux ou trois ans. Par suite des autres sociétés
qu’elle a agglomérées autour d’elle, par suite des actions qu’elle a émises et
qui ont ajouté à son capital 20,000 000 de florins, elle a pris une position
entièrement différente de celle qu’elle avait il y a quelques années. Savons-nous
si d’ici à trois ans, je pourrais dire d’ici à six ans (car, sous le rapport du
terme de la convention, la rédaction me paraît au moins fort ambiguë), la
position de cette société ne recevra pas encore des modifications considérables
?
Il est possible, je
ne le dissimule pas, et je le désire beaucoup, que le temps se hâte de dissiper
les diverses incertitudes que je vous ai signalées, et qu’aucune crainte
raisonnable ne survive à deux ou trois années d’expérience de l’ère nouvelle où
nous ne faisons que d’entrer. Mais je crois que, jusque là, le plus sage pour
le gouvernement serait de faire ses affaires lui-même, d’opérer lui-même ses
recettes et ses paiements, lui en coûtât-il au besoin vingt à trente mille
francs de plus. Quand l’avenir aura prononcé il pourra alors, s’il y trouve son
avantage, remettre ce soin en connaissance de cause à une société de banque.
Que si l’on veut
absolument dès aujourd’hui charger une société anonyme de la recette du trésor,
à mon avis, celle qu’il faudrait choisir pour cette opération, ce ne serait pas
la plus puissante de toutes. Le gouvernement ferait chose beaucoup plus
politique, à mon sens, de préférer la banque de Belgique, non pas par une
préférence de personnes, d’opinions ou d’antécédents, non pas même par raison
d’économie, mais parce que cette société est moins puissante, que le
gouvernement a sur elle une grande action, et qu’en l’élevant il pourrait
peut-être en faire la rivale de l’autre banque, qui domine de si haut les
autres sociétés aujourd’hui qu’il n’y a parmi elles aucun contrepoids à lui
opposer.
Le capital de la banque de Belgique est moindre, mais je crois qu’en
définitive, la garantie morale serait la même ; cette société étant sous la
main du gouvernement et lui ayant fait une part très large d’intervention, il
aurait tous les moyens de contrôle et pourrait lui interdire les spéculations
hasardeuses.
Enfin un troisième
moyen que je préférerais encore au régime de la convention, ce serait de
laisser les choses comme elles sont, de continuer le statu quo, avec la faculté
de le rompre quand on voudrait : au moins ainsi on réserve l’avenir, et on
conserve, par la crainte qu’elle aura de voir les dispositions du gouvernement
changer, un moyen d’action sur la banque.
Je ne dirai qu’un
mot des amendements, qui tous les deux sont rédigés dans une forme qui me
convient assez peu. Dans tous les cas je ne comprends pas celui de M. de
Brouckere. Il semble engager le ministre à tâcher de se défier de la
convention, et en même temps il le force à l’exécuter ou tout au moins il
l’empêche de revenir à ce qui existait puisqu’il ne rétablit pas l’ancien
chiffre.
M. Dubus (aîné). - Quand j’ai pris tantôt la
parole, j’avais exprimé le regret qu’aucune proposition ne fut déposée qui pût
me permettre de voter une somme pour assurer le service de la recette de l’Etat
; j’avais même manifesté l’intention de votée contre tout crédit, ne voulant
point émettre un vote qui pût approuver directement ou indirectement la
convention du mois de novembre 1836. Un honorable préopinant a depuis présenté
un amendement, mais il m’a semblé d’abord qu’il fallait changer le chiffre, car
si l’on ne veut pas que le gouvernement exécute la convention dont il s’agit,
il faut lui accorder un crédit qui le mettra dans la possibilité de ne pas
exécuter cette convention, c’est-à-dire le crédit qu’il regardait lui-même
comme nécessaire lorsque la convention n’était pas encore faite. Il va sans
dire que le gouvernement n’est pas pour cela obligé de dépenser tout : s’il trouve
le moyen de dépenser moins de 260,000 fr., tout en se renfermant dans les
conditions posées par mon amendement, il fera toutes les économies qu’il sera
possible de faire ; mais s’il ne trouvait d’autre moyen que d’exécuter la
convention ancienne, il faudrait bien alors dépenser les 260,000 francs.
J’ai pensé aussi qu’il fallait rendre très
explicite la stipulation dont on veut faire résulter que la convention n’est
pas approuvée, puisque, si nous voulons que le gouvernement nous comprenne,
nous devons lui parler clairement. C’est pour cela que je propose de dire
formellement que nous n’approuvons pas la convention du 7 novembre 1836, ni
aucune autre qui donnerait à la banque les fonctions de caissier de l’Etat pour
plus longtemps que l’exercice de 1837.
Du reste, si la
proposition était faite de faire cesser dans un
terme donné la perception des deniers de l’Etat par la société générale,
je déclare que je serais très incliné à y donner mon assentiment ; mais aucune
proposition de cette nature n’a été faite, et le gouvernement ne s’est pas, de
son côté, expliqué de manière que nous puissions connaître quel terme serait
nécessaire, soit pour donner à une autre société les fonctions de caissier
général de l’Etat, soit pour organiser un service au moyen duquel le
gouvernement recevrait les deniers de l’Etat par ses propres agents. Dans cette
situation, je crois ne pouvoir mieux faire que de persister dans mon
amendement.
M. de Brouckere. - Messieurs, pour
simplifier la discussion, je déclare retirer mon amendement.
M. Jullien. - Je commence par vous déclarer,
messieurs, que je ne suis aucunement effrayé du grand crédit de la société
générale, parce qu’à mon avis ce grand crédit, cette grande puissance n’atteste
qu’une chose, c’est la grande prospérité des affaires de cette société, et que
je suis de ceux qui pensent que la prospérité de l’industrie et du commerce
fait la prospérité de l’Etat. Je ferai donc des vœux pour que le grand crédit
et la grande puissance dont il s’agit augmentent au lieu de diminuer.
« Mais, vient
de dire un honorable préopinant, il y a dans la question quelque chose de
politique ; ne craignez-vous pas de voir augmenter encore la grande puissance
de la banque, si vous continuez à lui confier la recette des deniers de l’Etat
? » Je vous avoue, messieurs, que je ne suis point touché par cette
observation, parce que je ne vois pas où est cette question politique ; quand
même le crédit de la banque augmenterait par la recette des deniers de l’Etat,
je ne verrais encore là qu’une prospérité plus grande pour un grand
établissement qui fait honneur à
Il me semble aussi,
messieurs, que la question d’économie doit être prise en mûre considération. On
dit : Pourquoi le gouvernement ne ferait-il pas ses affaires lui-même, au lieu
de les faire faire par la société générale ? Mais c’est comme si on proposait
de rétablir les receveurs généraux et les receveurs particuliers, c’est-à-dire
de dépenser trois fois autant qu’on dépense actuellement. Si j’avais envie de
faire créer de nouvelles places, j’appuierais une semblable proposition ; mais
il me semble, que les idées d’économie doivent toujours prévaloir dans cette
assemblée.
« Mais, dit-on
encore, si vous ne voulez pas opérer vous-mêmes la recette de l’Etat, donnez-la
à une société, à la banque de Belgique, par exemple. » Ici, messieurs, je
vous dirai à mon tour : Si vous donnez la recette de l’Etat à la banque de
Belgique, vous allez augmenter le crédit, la puissance de cette société, et
alors la banque de Belgique, comme aujourd’hui la société générale, inspirera
des craintes, des terreurs politiques ; ce n’est pas la peine de déplacer la
chose.
« Restons
donc, a-t-on fini par dire, dans le statu quo, mais n’approuvons pas la
convention qui a été conclue à la fin de l’année dernière. » Je vous
avoue, messieurs, que je n’approuve pas non plus cette convention, parce que,
bien que M. le ministre des finances soit d’un autre avis, je la considère
comme conclue pour six ans ; car on a beau dire que la convention ne prendra un
nouveau cours de trois ans que pour autant qu’il ne soit pas intervenu entre
les parties de nouvelles dispositions, je regarde une semblable stipulation
comme tout à fait nulle. Je le demande en effet, s’il plaisait au ministre des
finances de faire cesser les effets de la convention au bout de trois ans, cela
dépendrait-il de lui ? Ne faut-il pas qu’il soit intervenu entre les parties
une disposition nouvelle, et cela est-il possible sans le concours de la banque
?
Je crois donc, messieurs, que ce que nous avons de mieux à faire, c’est
d’adopter un amendement dans le sens de celui qui avait été proposé par
l’honorable M. de Brouckere, et de dire qu’on ne préjuge rien relativement à la
convention du 7 novembre 1836, ou de voter celui de l’honorable M. Dubus qui
est formulé d’une manière plus explicite, et qui stipule formellement qu’on
n’entend s’engager à rien au-delà de l’exercice 1837.
M. le président. - Voici, messieurs, un amendement présenté par M. Dumortier :
« Je propose
d’ajouter à l’amendement de M. Dubus :
« Toutefois, à
dater du premier juillet prochain, le gouvernement ne pourra allouer qu’un
huitième pour cent au caissier de l’Etat. »
M. Dumortier est
appelé à développer son amendement.
M. Dumortier. - Comme vient de le dire
l’honorable M. Jullien, il s’agit en ce moment d’engager l’Etat pour une longue
durée ; si vous adoptez, messieurs, la proposition qui vous est faite par le
gouvernement, nous serons liés pour un terme de six années. Il importe de ne
pas émettre légèrement un vote, alors qu’il s’agit de perpétuer pendant six ans
encore les fonctions de caissier de l’Etat à une association dont nous avons, à
plus d’un titre, des raisons de nous plaindre.
Je pense,
messieurs, que le gouvernement aurait fort bien fait de cesser tonte espèce de
rapports avec la banque comme caissier de l’Etat : ce n’est point lorsque cette
société détient un encaisse qui nous appartient, lorsqu’elle est en possession
de nos forêts, lorsqu’il est démontré qu’elle nous a prêté nos propres fonds à
70 p. c., ce n’est point en présence de semblables faits que le gouvernement
devait continuer sa confiance à la
banque.
Un jour le
gouvernement a eu une velléité de mettre la banque à la raison, de la faire
marcher au pas ; il a créé une association rivale, la banque de Belgique : nous
avons tous applaudi à cette création, et pourquoi ? parce que nous avons pensé
que le gouvernement aurait eu plus d’énergie pour poursuivre sa volonté, et
qu’après avoir créé une banque dont il a la surveillance directe, il lui aurait
donné les fonctions de caissier de l’Etat ; nous étions d’autant plus fondés
dans cette opinion qu’il résulte des statuts de la banque de Belgique qu’elle
doit faire le service de la caisse de l’Etat, quand elle en sera requise par le
gouvernement, au taux d’un huitième pour cent, précisément la moitié de ce que
la société générale reçoit. Il y avait donc, indépendamment de la question
politique, une économie de, 130,000 fr. par an à retirer les fonctions de
caissier de l’Etat à la société générale, et il me semble qu’une économie de
130,000 fr. par an mérite d’être prise en considération.
Remarquez,
messieurs, que sous le gouvernement précédent la banque ne touchait qu’un
huitième p.c. de droit de recette, à titre de caissier de l’Etat, tandis que
depuis la révolution elle touche le double, c’est-à-dire un quart p. c.
Et dans quelles
circonstances avons-nous pu consentir aux conditions proposées par la société
générale ? Ce fut, messieurs, dans le flagrant de la révolution, alors que les
caisses publiques pouvaient à peine faire face aux besoins de l’Etat, alors que
la banque, pour y pourvoir, devait puiser dans sa caisse même. Que dans de
semblables circonstances on ait doublé le denier de la recette de la banque,
rien de mieux, c’était certes le seul moyen de sortir d’embarras à cette époque
; mais aujourd’hui, messieurs, nous sommes rentrés dans l’état normal, car
jamais notre état financier n’a été plus prospère que depuis trois années :
existe-t-il dès lors un motif pour que le denier de recette qu’on payait avant
la révolution soit doublé ? Pour moi, je n’en vois aucun.
Je pose en fait que
si demain vous mettiez en adjudication la recette des deniers de l’Etat, vous
finiriez par avoir un caissier qui ne vous coûterait pas un denier.
Et pourquoi,
messieurs ? Parce qu’il y a un immense avantage à avoir la caisse de l’Etat ;
et cet avantage vous allez le comprendre.
Un des plus grands
bénéfices d’une société anonyme, et même son bénéfice le plus réel, consiste
dans l’émission des billets de banque. Or, pour que ces billets aient un cours,
il faut que ces billets se trouvent dans le torrent de la circulation. Qui
est-ce qui émet ces billets dans la circulation ? C’est le caissier de l’Etat
qui paie les fournisseurs du gouvernement, et, en grande partie, avec son
papier dont elle touche l’intérêt, tandis que son papier circule pour rien dans
le pays.
Dans l’état actuel,
la société jouit encore d’un autre avantage qui se rattache toujours à
l’émission de son papier-monnaie.
Qu’est-ce qui donne
à une société anonyme une grande importance dans la circulation de son papier ?
C’est d’avoir sur tous les points du territoire des agents qui émettent et qui
reçoivent de ce papier ; or, la banque, comme caissier de l’Etat, a des
administrateurs dans chaque chef-lieu d’arrondissement ; elle a aussi, aux
frais du gouvernement belge, un bureau dans toutes les localités pour émettre
et pour recevoir son papier-monnaie.
On conçoit après
cela que ce sont les fonctions de caissier de l’Etat qui procurent à la société
générale ses plus grands bénéfices ; il est incontestable que si demain vous
lui reliriez ces fonctions, vous diminueriez peut-être de quatre cinquièmes
l’émission de sois papier-monnaie.
Je n’exagère donc
pas en disant que si l’on mettait en adjudication la caisse de l’Etat entre les
deux banques, vous finiriez par avoir gratuitement un caissier,
Messieurs, les
260,000 francs portés au budget ne sont pas le seul bénéfice direct fait par la
banque. Indépendamment de cette somme, la banque jouit encore de la franchise
du port de ses lettres et de ses paquets. Or, messieurs, je crois me rappeler
qu’au budget des finances de 1835, dont j’ai eu l’honneur d’être rapporteur, la
somme portée pour remboursement à la banque, du chef des lettres et paquets
envoyés par la poste, était d’environ 50,000 francs par an. Voilà donc une
somme que la banque économise aujourd’hui et dont elle devrait payer une
notable partie au trésor public, si nous faisions la recette des deniers de
l’Etat par nous-mêmes ou par l’intermédiaire d’une autre société.
Il faut donc
ajouter une somme de 30,000 fr. aux 260,000 postés au budget de manière que la
société générale réalise un bénéfice direct de près de 300,000 francs.
Vous voyez donc, messieurs, d’après ces détails, que la position de la
banque n’est pas très malheureuse, et il me semble que revenir aujourd’hui au
denier de recette qui lui était alloué avant la révolution, c’est pour nous un
droit, je dirai plus, un devoir ; car nous devons certainement prendre plus à
cœur les intérêts du trésor public que ceux d’une société dont les envahissent
alarment le pays.
Et à cet égard je
ne partage pas l’opinion d’un honorable préopinant, qui nous a dit que
l’existence de cette société ne lui inspirait aucune espèce de crainte ; quant
à moi, j’aurai toujours des craintes du fait d’un société, lorsque je vois
cette société résister au gouvernement et aux chambres, lorsque je la vois se
refuser pendant sept années à verser au trésor public les fonds dont elle est
détentrice, lorsque je la vois s’emparer de la presse par tous les moyens, et
amener la corruption dans tous les corps de l’Etat. (Bruit.)
M.
Coghen - Je demande la parole.
M. Dumortier, continuant. - Je pense, messieurs,
que ces considérations suffisent pour que la chambre adopte la proposition que
j’ai eu l’honneur de lui soumettre, et qui n’est qu’un sous-amendement à celle
qui a été présentée par mon honorable ami, M. Dubus.
M. Coghen, avec émotion. - Messieurs, on
ne fait que parler, dans cette enceinte, de sociétés puissantes, de sociétés
envahissantes, de monopole ; on ne cesse de faire des déclamations dont on
devrait, je pense, s’abstenir ici, pour les abandonner aux écarts du dehors :
non seulement on avance que ces sociétés accaparent toutes les industries, ce
qui est inexact et assez ridicule, mais on prétend encore qu’elles s’emparent
de la presse du pays.
Messieurs, je
déclare ici comme infâmes calomniateurs tous ceux qui avanceront que mon ami M.
Meeus ou moi avons un intérêt, soit direct, soit indirect, dans la propriété
d’un journal quelconque, soit une participation dans leur rédaction.
M. Dumortier, vivement - Est-ce à moi que les
paroles de M. Coghen s’adressent ? Qu’il s’explique ; je ne veux pas qu’on me
dise que je suis un infâme calomniateur.
J’ai dit et je dis
encore que la banque s’empare de la presse en Belgique ; c’est un fait notoire
pour tout le monde ; des journaux qui, précédemment, disaient la vérité sur le
fait de la banque, sont tombés aujourd’hui, à cet égard, dans une dépendance
qui contraste singulièrement avec leur conduite antérieure.
Je n’examine pas ce
qui concerne M Meeus, ni M. Coghen ; mais si l’honorable préopinant fait
allusion à moi en parlant d’infâmes calomniateurs, qu’il le dise clairement, je
saurai comment lui répondre.
M. Coghen - Il n’y a dans ce que j’ai
dit rien de personnel à l’honorable M. Dumortier ; j’ai dit seulement, et je le
répète, que ceux qui prétendraient que M. Meeus ou moi avons un intérêt direct
ou indirect dans un journal seraient d’infâmes calomniateurs.
De toutes parts. - La clôture ! la clôture !
M. Verdussen. - Messieurs, je n’ai qu’à faire
une simple observation.
A moins que M. le
ministre des finances ne s’explique positivement sur le fruit que portera
l’admission dans le budget d’une stipulation restrictive quelconque, j’avoue
franchement que je serai dans l’impossibilité de voter. Il me paraît très
important de faire voir à la chambre que l’admission d’une réserve dans le
budget ne donnera aucune garantie à la nation. (La clôture ! la clôture !)
- La clôture est
prononcée.
M. le président. - Je vais mettre aux voix l’amendement de M. Dubus.
- Cet amendement
est adopté.
Le sous-amendement
proposé par M. Dumortier est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
En conséquence, l’article reste tel qu’il vient
d’être adopté sur la proposition de M.
Dubus.
La discussion est ensuite renvoyée à demain.
La séance est levée à 4 1/2 heures.