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Note d’intention
Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du samedi 12 novembre 1836
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre, notamment pétition relative à une demande en
naturalisation (Pollénus)
2)
Démission d’un membre de la chambre (Rouppe)
3) Projet d’adresse en réponse au discours du trône.
Discussion générale. Situation diplomatique de la Belgique (de
Nef), élections des bourgmestres et échevins, indépendance des
députés-fonctionnaires, situation de la société générale vis-à-vis du trésor
public, garde civique, instruction primaire (Doignon), situation
diplomatique de la Belgique (Nothomb, Dumortier, Lebeau, Gendebien, Lebeau, Gendebien, Gendebien, Dechamps, Gendebien, d’Hoffschmidt, Dechamps, Pollénus, Gendebien, de Muelenaere, d’Hoffschmidt,
d’Huart, Gendebien),
organisation communale (Gendebien, Dechamps, d’Huart, Gendebien, Dechamps),
organisation de l’enseignement primaire et moyen (d’Hoffschmidt,
Gendebien, Ernst, Dechamps, Gendebien, Demonceau), pêche nationale (Donny,
Desmet, d’Huart), politique
commerciale (notamment avec les Etats-Unis) (Gendebien,
de Muelenaere, Gendebien,
de Muelenaere), encouragements à la marine
marchande et à la pêche nationale (Dumortier, Smits, Gendebien, A. Rodenbach, de Muelenaere,
Desmet, Gendebien), (de Jaegher), exécution des travaux du chemin de fer (Donny, (+corps des ponts et chaussées et port d’Ostende) Desmet, de Puydt, Demonceau, de Theux, Dechamps, A. Rodenbach, Donny)
(Moniteur
belge n°319, du 13 novembre 1836 et Moniteur belge n°320, du 14 novembre 1836)
(Présidence de M. Raikem.)
(Moniteur
belge n°319, du 13 novembre 1836) M. de Renesse
fait l’appel nominal à midi trois quarts.
M. le président
procède à la composition des sections par la voie du tirage au sort.
M. Kervyn lit le
procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse
fait connaître l’analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur E. Robert, né à Paris en 1804, et
habitant
_______________
« Le sieur Dezautis,
substitut du procureur du Roi, à Ruremonde, par pétition subsidiaire demande
que la chambre lui accorde la petite naturalisation pour le cas où la grande
naturalisation, qu’il a sollicitée, ne pourrait lui être accordée. »
_______________
« Le sieur J. Daubresse,
marchand-saunier à Wervicq, habitant
_______________
« Le sieur J.-B. Heines,
conseiller de la commune de Deesel (Limbourg),
n’ayant pas fait la déclaration prescrite par l’article 133 de la constitution,
demande la naturalisation. »
________________
« Les boutiquiers et débitants de boissons de
la ville de Venloo adressent des observations contre certaines facilités
accordées au vivandière de la garnison de cette ville, qui portent préjudice à
leur commerce. »
________________
« Le sieur
Nicolas-Joseph Antoine, demeurant à Compogne
(Luxembourg) demande le paiement du secours qui était payé à son parent feu
Nicolas-Joseph Antoine, pour remplacer la pension à laquelle il avait droit, ou
l’indemnisation des frais qu’il a supportés pendant la longue maladie du
défunt. »
________________
« Le
sieur J.-A. Bouckens, à Ixelles, demande que la
pétition du sieur Deridder, d’Anvers, tendant à ce
que le gouvernement se constitue garant, comme l’avait fait l’ancien
gouvernement, aux porteurs d’obligations créées pour la construction d’un
entrepôt général à Anvers, soit rapportée à la chambre par la commission des
pétitions. »
________________
« Des
habitants de diverses communes du canton de Meersch
(Luxembourg) demandent la libre entrée du minerai. »
________________
« Le
sieur François Collens, ébéniste à Bruxelles, demande
le remboursement à titre d’indemnité d’une somme de 2,000 fr. qui lui ont été
enlevés par les Hollandais en 1830. »
________________
« Le
sieur Prosper Gally, coiffeur à Liége, ci-devant
sous-lieutenant au premier bataillon de la garde civique mobilisée de Liége,
réclame les deux mois de solde accordés par le Roi aux officiers qui étaient en
congé illimité depuis le 1er septembre 1834, paiement qui lui a été
refusé. »
« 140
fabricants et propriétaires des villages de Heusy,
commune de Stembert (Liége), demandent que Heusy soit érigé en commune séparée de Stembert. »
________________
« Le
conseil communal, les cloutiers, serruriers et maréchaux-ferrants d’Echternach,
demandent un abaissement des droits sur les houilles de
________________
M. Pollénus. - Je
demande que la pétition du sieur Dezautis soit
renvoyée à la commission des naturalisations, pour qu’elle en fasse un prompt
rapport. Déjà il a formé une demande sur laquelle des renseignements ont été
pris. Il est donc inutile de renvoyer celle-ci au ministère de la justice.
- La pétition du sieur Dezautis
est renvoyée à la commission des naturalisations, avec demande d’un prompt
rapport. Les autres demandes de naturalisation sont renvoyées à M. le ministre
de la justice. Les autres pétitions sont renvoyées à la commission des
pétitions.
DEMISSION D’UN MEMBRE DE
M. de Renesse.
donne lecture de la lettre suivante adressée à la chambre :
« Messieurs, placé de nouveau par le vœu de
mes concitoyens et par la confiance du Roi à la tête de l’administration de la
capitale, et considérant que l’accroissement incessant des affaires communales
ne me permettra plus de participer avec l’assiduité désirable aux nombreux et
importants travaux de la chambre, je me suis déterminé à vous prier de recevoir
ma démission de député de la nation, élu par le district de Bruxelles.
« En vous témoignant les regrets que j’éprouve de
me séparer de vous, messieurs, je vous supplie d’agréer l’expression de ma vive
et profonde gratitude pour les marques d’estime et de bienveillance que vous
avez bien voulu m’accorder pendant tout le temps que j’ai eu l’honneur de
siéger parmi vous.
« Recevez, etc.
« Rouppe. »
- Cette
lettre est prise pour notification ; elle sera communiquée à M. le ministre de
l’intérieur.
PROJET D’ADRESSE EN REPONSE AU DISCOURS DU TRONE
Discussion générale
M. le président. -
L’ordre du jour est la discussion de l’adresse.
La discussion est ouverte sur l’ensemble.
M. de Nef. - Je
demande la parole.
Messieurs, ne pouvant guère espérer une diminution
dans les dépenses que par le moyen d’une réduction de nos forces militaires, je
regrette certainement que l’attitude menaçante d’un Etat voisin nous force à
tenir l’armée sur un pied respectable.
D’un autre côté, cependant, la continuation de cet
état de choses offre aussi de tels avantages que, non seulement on peut
l’envisager avec tranquillité, mais qu’on peut même désirer d’en voir éloigner
le terme aussi longtemps que possible.
En effet, pendant ce temps
la navigation de l’Escaut est libre ; le chemin de fer marche vers son
achèvement, nos institutions libérales se développent successivement,
l’industrie fait des progrès rapides, et non seulement nous ne participons pas
aux charges de l’ancienne dette, mais nous avons de plus l’espoir fondé que les
intérêts arriérés devront rester exclusivement à charge de l’Etat dont
l’opiniâtreté aura empêché la conclusion des affaires.
Ce court aperçu suffit pour démontrer que l’annonce
de la continuation du statu quo doit être reçue par nous plutôt avec
satisfaction qu’avec déplaisir, tandis que dans un pays voisin elle est de
nature à n’inspirer que des sentiments d’impatience et d’inquiétude.
Le projet d’adresse indique successivement les
avantages de cette position, et fait voir qu’elle est appréciée de la même
manière par le chef de l’Etat et par la représentation nationale ; approuvant
également les autres parties, moins importantes, du projet d’adresse, je me
propose, en conséquence, de voter pour son adoption.
M. Doignon. - Je
demande la parole.
Messieurs, depuis 1834 nous n’avions pas eu le
bonheur d’entendre dans cette enceinte des paroles royales. Les gouvernements
constitutionnels sont dans l’usage, à l’ouverture de chaque session, de faire
connaître au pays la situation de ses affaires. La chambre a donc accueilli
avec joie la communication que lui a faite le gouvernement par le discours du
trône.
L’organisation communale et provinciale qui a été
dans cette assemblée l’objet de si longs et de si vifs débats, est enfin
terminée. Le calme admirable qui a généralement régné dans nos communes et nos
provinces a prouvé à l’Europe que
Le grand bienfait de l’élection directe, c’est,
nonobstant quelques inconvénients imparables de toute institution publique, de
donner au peuple le moyen de se délivrer peu à peu de tous ses mauvais
administrateurs. Un bon nombre de communes ont réussi cette fois à éliminer des
magistrats qui ne leur convenaient point, et jamais on n’eût osé espérer un
pareil résultat sans l’élection directe, car l’expérience ne nous prouve que,
trop souvent que ce sont surtout les plus mauvais fonctionnaires que le
gouvernement craint de déplacer.
Je persiste à penser qu’il eût été préférable de
laisser aux électeurs ou à la présentation du conseil le choix des bourgmestre
et échevins conformément à la constitution. L’agitation n’a été aussi grande
dans plusieurs communes que parce que, d’après la loi adoptée, le peuple se
voyait forcé d’exclure absolument certaines personnes du conseil chaque fois
qu’il voulait empêcher qu’elles fussent nommées par le Roi.
Mais encore, quand ces mauvais administrateurs
parvenaient malgré tout à se faire placer dans le conseil au nombre de ceux qui
avaient réuni le moins de suffrages, le ministère en tirait la conséquence
qu’il y avait lieu de les conserver, comme s’il n’était pas évident dans ce cas
que d’autres ayant obtenu un plus grand nombre de suffrages, c’était en général
à ceux-ci qu’il devait donner la préférence ; car tout ce qu’on pouvait
ordinairement inférer de la circonstance que ces anciens avaient été réélus,
mais avec moins de voix que plusieurs autres, c’est que les électeurs n’avaient
pu l’empêcher, ou que seulement ils consentaient à ce qu’ils fissent encore
partie du conseil.
Je reste donc persuadé que les électeurs ou le conseil
auraient ordinairement fait de meilleurs ou de moins mauvais choix que le
gouvernement lui-même. Je puis le dire, car sans doute mon district à moins à
se plaindre sous ce rapport que certains autres, le ministère s’est souvent
déterminé par des renseignements puisés à de mauvaises sources. Tous les
inconvénients d’une trop grande centralisation se sont reproduits dans
l’organisation communale, pour laquelle il n’a pu souvent agir que de confiance
et sur des rapports erronés.
On doit le reconnaître, nos élections communales et
provinciales ont en général produit une réaction dans un sens, je ne dirai
point libéral, mais démocratique et constitutionnel. Le peuple se montre
d’autant plus jaloux de ses droits qu’il s’aperçoit qu’on prétend les lui disputer.
Tous les ministères qui se sont succédé depuis 1831 ont, eux-mêmes, provoqué
cette réaction, notamment en luttant avec tant d’opiniâtreté contre
l’opposition, qui ne réclamait cependant pour la commune et la province que
l’exécution sincère et loyale de la constitution.
Le gouvernement a exprimé sa pensée dans le
discours du trône ; notre devoir est aussi de lui dire la nôtre.
On ne doute plus maintenant que, depuis 1831, il
existe au gouvernement une pensée, un système immuable, qui voir à regret, et avec
quelque répugnance, des institutions aussi libérales que celles que nous avons
conquises par la révolution : ainsi le pays est averti qu’il doit tenir les
yeux ouverts et veiller sur la conservation de ses droits acquis. Les communes
et les provinces, aujourd’hui constituées, seront donc les premières gardiennes
de nos libertés constitutionnelles, et elles s’uniront à nous pour opposer une
résistance légale contre tout empiétement, et défendre la constitution comme
autrefois la joyeuse entrée dans le cercle de leurs intérêts.
Depuis 1831, la tendance de tous les ministères à
introduire dans la chambre le plus grand nombre possible de fonctionnaires
amovibles frappe au cœur notre régime constitutionnel et décèle l’intention
bien décidée de fausser la représentation nationale : c’est là, à mon avis,
l’attentat le plus grave à la constitution dont tous les ministres se rendent
coupables depuis 1831. Comment la chambre saurait-elle défendre les libertés
constitutionnelles contre les envahissements du gouvernement, lorsqu’au moyen
de ses propres agents il se crée lui-même une majorité dans une assemblée ?
Comment obtenir des économies sur le budget de l’Etat lorsqu’elles doivent être
votées par ces mêmes agents qui vivent du budget ? Comment, en présence d’une
semblable majorité, oserait-on proposer une loi sur la responsabilité
ministérielle ? Je ferai la même interpellation pour toutes les questions
importantes où l’opposition est en lutte avec le ministère.
Je ne croirai jamais que des ministres veulent sincèrement
la constitution aussi longtemps qu’ils chercheront à faire entrer dans la
chambre autant de leurs agents ou qu’ils souffriront au pareil abus.
Rappelons-nous, messieurs, que la corruption
parlementaire est souvent la plaie des gouvernements représentatifs. C’est elle
qui a amené la chute de Guillaume et de Charles X ; c’est elle, dans la chambre
haute d’Angleterre, qui oppose aujourd’hui le plus grand obstacle aux justes
réformes demandées par ce pays ; c’est elle encore en Hollande qui entrave ou ajourne
indéfiniment tout arrangement de nos affaires avec ce pays ; car la volonté
bien connue du peuple hollandais est d’en finir avec
Si notre gouvernement pouvait comprendre ses vrais
intérêts et ceux du pays, il renoncerait à ce système d’influence
gouvernementale qui ne peut lui rendre sa tâche facile que pour un moment, mais
qui doit nécessairement pour l’avenir lui préparer de mauvais jours. Il faut
que lui-même se reconnaisse bien faible pour croire qu’il ne peut trouver ses
principaux appuis que parmi ses agents, et regarder comme suspects des députés
consciencieux indépendants de toutes fonctions.
Dans un gouvernement réellement représentant, le
véritable pouvoir central est tout entier dans la constitution ; mais, en
introduisant à la chambre législative une foule de fonctionnaires amovibles, il
est évident qu’au mépris de ce principe, on cherche à déplacer ce pouvoir
souverain pour le remettre entièrement à la merci du seul pouvoir exécutif.
Malheureusement pour les peuples, c’est le propre
des gouvernants de s’efforcer d’envahir par degrés les autres pouvoirs
constitutionnels et la discussion longue et pénible de la loi communale nous a,
elle seule, fourni la preuve que tel est aussi le faible de notre ministère.
Or, l’entrée de beaucoup de fonctionnaires dans la chambre est le premier moyen
que partout on emploie pour atteindre ce but.
Nous faisons donc ici un appel à la loyauté des
membres du cabinet, afin qu’il propose lui-même dans le cours de cette session
des mesures efficaces pour réformer la chambre elle-même. En France où la
chambre fourmille de fonctionnaires, le gouvernement s’est imposé lui-même
quelques restrictions.
Depuis un certain temps il se passe dans le pays
quelque chose tout à fait remarquable : c’est un parti pris de saisir toutes
les occasions, d’exploiter tous les événements pour déprimer et décrier
absolument dans l’opinion publique le principe démocratique en lui-même,
principe qui est cependant la pierre fondamentale de notre édifice
constitutionnel. Il semble que l’on veuille faite oublier qu’en Belgique tous
les pouvoirs, y compris le pouvoir royal, émanent du principe démocratique.
N’est-ce pas en vertu de ce principe que nous siégeons dans cette chambre ?
N’est-ce pas à lui que nos communes et nos provinces doivent leurs franchises ?
Il est donc vrai que les ennemis de ce principe sont, par cela même, les
ennemis de la constitution que nous avons jurée.
D’autres, se jetant dans un autre extrême, veulent
la démocratie sans le principe monarchique également adopté par la charte
belge.
Craignons, messieurs, de nous laisser entraîner par
ces doctrines dangereuses, et qui les unes comme les autres cachent le dessein
de détruire notre pacte fondamental, palladium de nos libertés
constitutionnelles. Repoussons les insinuations de ceux qui, sous prétexte des
inconvénients ou des excès de la démocratie pure, voudraient dans leur cœur
déchirer les plus belles pages de notre constitution pour étendre
arbitrairement le pouvoir exécutif au-delà de ses limites et nous ramener même,
s’il était jamais possible, au régime des ordonnances.
Je dirai à ces gouvernements qui ont accepté malgré
eux le régime constitutionnel, que le temps n’est point venu de réaliser leur
arrière-pensée. Je leur dirai plus, je leur dirai que le plus sûr moyen
d’abolir peu à peu les constitutions qu’ils n’aiment point, c’est de les
accepter sincèrement avec toutes leurs conséquences ; c’est de s’en montrer
très fidèles et très religieux observateur, afin d’acquérir ou plutôt de
récupérer de cette manière toute la confiance et tout le respect des peuples :
car les constitutions ne sont au total que des actes de défiance et de
garanties contre les injustices, les abus et les passions des gouvernants ; et
le jour où ceux-ci administreront avec assez de sagesse, de loyauté et de
justice pour faire tomber ces défiances, ce jour-là même on pourra se passer de
chambres législatives et de lois de budget. Je leur dirai enfin : Faites aimer
le principe monarchique en rendant la nation heureuse par votre sincère
attachement à la constitution jurée, par votre amour pour la justice, par votre
respect pour ses droits et ses libertés, par une sage économie des deniers du
peuple, et vous ferez même oublier tout à fait jusqu’au système républicain.
Mais je verrais à regret que mes paroles fussent
mal interprétées : je n’entends point soulever ici une question de ministère :
je l’ai déjà dit, cette guerre déclarée contre nos libertés publiques vient de
la pensée immuable qui préside constamment notre cabinet depuis 1831 comme tous
les cabines du Nord. Dans l’état actuel des choses, je ne doute pas que si nos
ministres se retiraient nous aurions à nous repentir de ce changement en voyant
arriver au banc ministériel des hommes plus ardents encore à poursuivre le but
des adversaires de nos droits constitutionnels.
Relativement à nos finances, le discours du trône
garde le plus profond silence sur l’affaire la plus grave dont la chambre ait
eu à s’occuper : je veux parler de nos rapports avec la société générale de
Guillaume qui continue, malgré nos protestations et celles du sénat, à tenir la
caisse de l’Etat.
Que sont devenues ces résolutions fermes et
énergiques que M. le ministre des finances semblait d’abord manifester à
l’égard de cette société qui jouit en paix de presque tous les domaines de
l’Etat dont Guillaume a dépouillé la nation d’une manière aussi scandaleuse
qu’elle est illégale ? qui nous expliquera cette condescendance ou plutôt cette
mollesse pour une société qui ne mérite certainement pas de tels égards ?
M. le ministre accusera-t-il la chambre de n’avoir
point discuté le rapport dans la dernière session ? Mais ce n’est certes point
la chambre qui a fait disparaître cet objet de l’ordre du jour, et s’il avait
plu à M. le ministre de faire décider les questions, il n’aurait point manqué
de lui en témoigner l’intention. Je demeure donc dans cette opinion que si l’on
n’a point abordé cette discussion c’est que M. le ministre ne l’a point voulu.
C’est que peut-être le courage lui a manqué pour refuser des délais ou des
ajournements favorables aux vues de la banque, et il s’est d’autant plus
gravement compromis qu’il paraît qu’avant même toute décision de la chambre, il
s’est engagé dans des instances judiciaires sans lui en faire aucun rapport ni
aucune communication, et que d’ailleurs il ne pouvait ignorer que des
prescriptions couraient contre l’Etat à l’égard des principales questions dont
on a négligé l’examen.
Le projet de convention avec la banque, présenté
dans la séance d’hier, laisse à mes yeux subsister tous les torts de M. le
ministre. Si, comme plusieurs le pensent, ce projet, qui n’est d’ailleurs
relatif qu’à un seul point en litige, n’est point acceptable, il n’aura servi
encore qu’à traîner cette affaire en
longueur et déjà, à la seule lecture qui en a été donnée, il semble aisé
d’apercevoir que son adoption emporterait, de la part des chambres, une
approbation des spoliations du roi Guillaume, une reconnaissance au moins implicite
de sa part que tous les domaines lui ont appartenu et lui appartiennent
légitimement et irrévocablement, même en privé nom, enfin une renonciation aux
droits et actions de l’Etat, tandis que rien n’est stipulé pour prix de
pareilles reconnaissance et renonciation. J’espère que la chambre ne donnera
pas dans un semblable piège.
Nous
l’avons déjà dit, c’est une haute imprudence et une duperie inconcevable de
laisser le maniement de nos millions de recettes à une banque dont Guillaume
possède à lui seul et en son nom les 19/24 des actions. Chez toutes les nations
qui ont renversé des rois despotes, l’on a toujours reconnu qu’il était d’un
danger immense de permettre à ceux-ci de continuer après leur chute à posséder
des domaines et encore moins de grands établissements en activité dans les pays
qui les avaient expulsés. Ici, le gouvernement marche dans un sens absolument
opposé au sens commun des nations. La banque du roi Guillaume, exclu à
perpétuité de tout pouvoir en Belgique, n’est pas seulement protégée, favorisée
par tous les moyens, mais on souffre que sa puissance s’étende d’une manière
effrayante dans tout le pays ; que, sous son nom ou le nom de financiers
affilés, elle achète partout des établissements considérables d’industrie et de
commerce ; qu’elle ait ainsi dans sa dépendance ou à sa solde 50 et peut-être
100.000 ouvriers dont le moindre mécontentement, si facile à susciter quand les
maîtres le veulent, peut troubler l’ordre et la tranquillité dans le royaume,
et provoquer de graves désordres dont on ne saurait prévoir toutes les suites :
et l’on permet à cette banque de se livrer librement à toute espèce
d’entreprise, lorsqu’aux termes de l’art. 21 de ses statuts, dont la
surveillance appartient à l’Etat, tout commerce lui est interdit à l’exception
seulement des opérations de banque énumérées dans l’art. 22, et lorsque l’art.
61 donne formellement au gouvernement le droit d’empêcher ou de suspendre les
opérations de la société qu’il croirait contraires à la sûreté et aux intérêts
du royaume. On laisse ainsi toute liberté, et l’on abandonne à l’implacable
ennemi de notre royauté et de notre indépendance et la caisse de l’Etat et
toutes les facilités possibles de nous nuire, et de jeter la perturbation dans
le pays. Je conçois qu’en général il soit dans l’intérêt d’un Etat de voir
s’élever chez lui des établissements avec des capitaux venant de l’étranger.
Mais
si cet étranger lui-même est le souverain chassé du pays à perpétuité, n’est-il
pas clair que ce n’est là qu’une prospérité perfide et qui peut couver ou les
plus mauvais desseins ou les plus grands dangers pour le présent et pour
l’avenir. Pourquoi ne pas adopter le
droit des autres nations, qui déclarent, en pareil cas, que le roi déchu est
par cela même désormais inhabile à posséder aucun bien directement ou
indirectement, et l’obligent à s’en défaire de la manière et dans certains
délais voulus par la loi ? Si, par des cessions simulées, le roi déchu cherche
à se soustraire à cette mesure toute politique, la législature décrète alors d’autres
moyens plus efficaces encore. A plus forte raison, la simple prudence du droit
des gens nous fait-elle un devoir de lui refuser toute protection et faveur.
Au milieu de tout ce que nous voyons relativement à
cette banque, est-ce à la négligence, à la faiblesse, à l’imprévoyance ou à un
fatal aveuglement qu’il faut attribuer l’état actuel des choses Je me garderai
de prononcer les mots de connivence, de corruption, de trahison ; j’attends
qu’on nous donne enfin des explications franches et précises.
Dans ce moment où, si je ne me trompe, on est à la
veille de renouveler le personnel de la banque, qui est à la nomination du Roi,
on voit la société générale faire sa cour et s’insinuer partout. Pour moi, je
l’avoue franchement, je ne me puis défendre d’un sentiment de défiance contre
les hommes de la haute finance. A mon avis rien n’est impossible au génie
financier ; il est habile à saisir l’à-propos, et pour arriver à ses fins, il
empruntera le désintéressement, la philanthropie et le patriotisme comme toute
autre chose.
Sans attendre l’avis des chambres de commerce, le
gouvernement ne devait pas hésiter un seul instant pour refuser son
autorisation à la dernière association projetée par la société générale.
L’intérêt politique du pays est lui seul un motif suffisant pour justifier ce
refus.
Sous prétexte de s’unir à d’autres et de travailler
en commun pour faire des bénéfices, la banque de Guillaume, il n’en faut pas
douter, s’y ménagera pour elle-même la plus grande part d’intérêt, et elle y
puisera de nouveaux moyens pour étendre de plus en plus son influence déjà
redoutable et toutes ses ramifications dans le pays. On lui donnera un titre
pour s’immiscer dans toutes nos sociétés et entreprises industrielles et
commerciales, et les dominer à son gré. On l’armera d’un nouveau moyen de faire
hausser on de décréditer à volonté les fonds nationaux comme les autres actions
et fonds publics. On la rendra ainsi de plus en plus maîtresse de faire naître
quand elle le voudra des commotions terribles dans tout le commerce et
l’industrie du royaume.
Dans
toute société, les directeurs et administrateurs ne sont-ils pas sous
l’influence directe des actionnaires à qui ils doivent compte ? Je dirai donc
toujours, malgré toutes leurs protestations, qu’ils sont sous la dépendance du
roi Guillaume. Moyennant encore le droit de dissolution qui lui appartient
comme propriétaire de presque toutes les actions, il peut même les congédier
tôt ou tard. Certes, il est grandement de leur intérêt personnel de maintenir
chez nous une pareille institution. Mais l’intérêt du pays, mais notre
indépendance et le salut de la patrie ne sont-ils donc comptés pour rien ?
Il paraît que cette nouvelle société n’émettrait dès
le principe que le quart ou la moitié de ses actions, en tenant le surplus en
réserve. Serait-il vrai qu’elle ne ferait cette réserve que pour la jeter
ensuite à la bourse au moment où elle aurait fait mousser assez haut les
actions aujourd’hui offertes, afin d’obtenir de cette manière un bénéfice
certain de plusieurs millions sur ces autres actions tenues en réserve ? Que
nos capitalistes et nos industriels se tiennent donc en garde contre ces sortes
d’opérations, qu’ils se bornent à un intérêt modéré plutôt que de prêter la
main à de pareils agiotages.
Enfin, je me permettrai de demander encore à M. le
ministre des finances pourquoi lui-même n’a point examiné plus tôt ou fait
examiner deux questions préalables a toutes les autres, questions dont on ne s’est
même peut-être pas encore sérieusement occupé : celle de l’inaliénabilité des
domaines assignés au roi Guillaume en paiement d’une partie de la liste civile
par la loi du 26 août 1822, et celle de savoir si dans la circonstance que
cette assignation a eu lieu en masse, et sans être accompagnée d’aucune
estimation préalable, elle ne peut avoir eu d’autre effet que de transmettre au
roi Guillaume, non la totalité de ces domaines en propriété, mais une part
indivise seulement à concurrence de 500 mille florins de revenus, afin
d’assurer annuellement à la liste civile le paiement de pareille somme en tant
moins des 2,400,000 fl., formant alors la dotation de la couronne ? Ces deux
questions n’ont été posées ni à la commission de la chambre ni aux avocats consultés
par le gouvernement dont on a vu les avis dans certaine brochure.
L’objection tirée de la prescription, si on la
croit sérieuse au premier aperçu, devait également être soumise à l’examen ; et
dans tous les cas, en la supposant fondée, ne reste-t-il pas au gouvernement le
droit de réclamer des détenteurs les prix des ventes non remboursés ou des
dommages et intérêts équivalents aux prix, et en outre le droit de revendiquer
sa part dans les biens non encore aliénés.
M. le ministre voudrait en vain se retrancher
derrière le travail de la commission pour décliner sa responsabilité ; car la
nomination d’une commission ne diminue en aucune façon la responsabilité
ministérielle, et du reste le rapport lui-même prouve que M. le ministre ne
devait pas attendre l’institution de pareille commission, pour soigner ici les
intérêts de l’Etat et exercer ses droits.
J’aurais voulu au moins que dans l’adresse on émit
le vœu de voir compléter de suite l’instruction de toutes nos affaires avec la
banque ; car si la chambre est une assemblée de législateurs, elle n’est point
une assemblée de jurisconsultes. J’aurais également désiré qu’elle contînt
quelques paroles de blâme contre la conduite du gouvernement à l’égard de cette
banque.
J’espère que M. le ministre de l'intérieur est
maintenant convaincu de la nécessité de proposer dans cette session une loi
nouvelle pour l’organisation de la garde civique. Les obstacles insurmontables
que cette organisation rencontre dans toutes les provinces ne laissent plus de
doute que la loi actuelle est vicieuse et surtout trop onéreuse pour le
citoyen. Ce qui le prouverait encore, c’est que dans les provinces, malgré les
plus grands efforts des autorités, on est à peine parvenu à obtenir des
officiers, bien que l’attrait des épaulettes et la distinction attachée à ces
fonctions aient dû faire paraître cette charge assez légère.
J’inviterai aussi le gouvernement à fixer son
attention sur le nombre tout à fait extraordinaire des associations
commerciales et industrielles qu’on voit en ce moment éclore de tous les côtés.
Je voudrais qu’avant d’accorder d’autres autorisations le gouvernement fît aux
chambres un rapport détaillé sur cette matière. Il est désirable qu’on puisse
mettre un frein à cette insatiable avidité de faire des bénéfices sans qu’il en
coûte aucun travail. L’esprit d’agiotage et de monopole ne peut fonder une prospérité durable ; mais
la démoralisation et les malheurs qui en sont la suite, doivent en être les
effets.
Ou est dans ce temps trop avide de bonheur
matériel, sans songer aux intérêts moraux. Cette passion pour tout ce qui se
rattache au bien-être matériel, exerce aussi une fâcheuse influence sur
l’éducation et l’instruction. Il convient sans doute de favoriser les progrès
de l’intérêt matériel ; mais c’est une erreur funeste de leur donner plus
d’importance qu’aux intérêts moraux. En livrant trop exclusivement la jeunesse
aux sciences physiques et d’application, insensiblement on
« matérialisera » l’enseignement : on formera des hommes au cœur
étroit et égoïste, et non au cœur noble et généreux ; et peu à peu, avec ce
système, l’amour de la justice et l’amour de la patrie ne seront bientôt plus
connus que de nom.
En un mot, si l’on veut des études fortes pour tout
ce qui tient à la prospérité matérielle, il faut au moins que l’instruction
morale et religieuse soit forte au même degré, sinon votre système d’éducation
est aussi faux qu’incomplet ; car, rappelez-vous toujours que l’intérêt
matériel, tout prospère qu’il paraît, n’est rien par lui-même sans la force morale
qui doit le dominer et le diriger.
Le jury d’examen établi par la loi a bien rempli sa
mission, mais l’expérience qu’on en a faite doit maintenant avoir démontré que
les matières d’examen sont trop multipliées ; et que si l’on désire des études
approfondies, il devient nécessaire de limiter ces matières dans un cercle
moins étendu. Nous prions donc le gouvernement de nous proposer quelques
modifications à la loi d’août 1835.
Le gouvernement, en reproduisant dans le discours
du trône son projet sur l’instruction primaire, nous a donné une nouvelle
preuve qu’il ne recule pas d’une ligne quand il s’agit des projets qui portent
atteinte à nos libertés les plus chères. Il est manifeste que son projet,
calqué en partie sur la loi française, viole l’art. 17 de la constitution, en
imposant à toutes les communes du royaume des conditions préventives pour
l’enseignement, à péril même d’agir contre elles d’office et à leurs frais. Les
bases de ce projet sont tellement inconstitutionnelles qu’aucun amendement ne
saurait le faire admettre. Ce n’est pas le moment de nous expliquer plus au
long sur cette matière.
Mais, en l’examinant avec attention, le système
ministériel dans ses conséquences donnerait avec le temps au gouvernement le
monopole de fait dans nos communes ; car on ne doit pas s’y tromper, sous
quelque forme que le gouvernement veuille cacher son action dans ce projet, il
est certain que toute école établie par la loi doit finir par être une école de
gouvernement puisque c’est à celui-ci qu’il appartient de surveiller, de
diriger l’exécution de la loi, et qu’il le ferait ici par ses commissaires, ses
inspecteurs et l’influence de tous ses agents.
S’il existe des lacunes, il ne manque point de
moyens au gouvernement pour les combler : on lui alloue chaque année de sommes
considérables pour l’enseignement primaire, et si cela est absolument
nécessaire, qu’il crée des écoles à part et à ses frais avec l’autorisation des
chambres, mais qu’il n’enlève pas à nos communes leur liberté.
Au surplus, on peut
aujourd’hui se reposer sur la sollicitude des conseils provinciaux. Tous les
rapports des gouvernements provinciaux font foi que jamais l’enseignement
primaire n’a été autant en progrès qu’a cette époque. Pour ne parler que d’un
seul de ces rapports, je dirai qu’il résulte de celui du Hainaut qu’en 1829 on
comptait dans cette province 509 écoles et 35,755 élèves, et au 1er janvier
1836, 762 écoles et 62,611 élèves, par conséquent 253 écoles et 28,856 élèves
de plu qu’en 1829. Un pareil résultat est la réponse la plus victorieuse aux
attaques dirigées contre la liberté de l’enseignement.
En tout cas, s’il était vrai, ce que je ne pense
pas, que cette branche de l’instruction fût en souffrance dans une province, ce
n’est nullement un motif pour faire une loi qui s’appliquerait à toutes les
autres ; et une simple allocation au budget suffirait pour remplir le but
désiré.
C’est dans le sens des explications qui précédent,
que je voterai pour le paragraphe du projet relatif à l’instruction primaire.
Pour le surplus, je réserve mon vote.
M. Nothomb. -
Messieurs, à la fin de la séance dernière je m’étais réservé de prendre la
parole dans la discussion générale de l’adresse ; cependant j’y renoncerai pour
la seconde fois si la chambre est disposée à fermer la discussion générale pour
commencer la discussion partielle des paragraphes. Si au contraire la
discussion générale continue je maintiendrai mon droit.
Un grand
nombre de voix. - Parlez ! parlez !
M. Nothomb. - Je
ne ferai pas un reproche à l’honorable M. Dumortier d’avoir anticipé sur la
discussion générale de l’adresse par sa motion d’ordre ; tout en demandant des
explications au ministère, il les a rendues inutiles, en définissant lui-même
la position acquise au pays ; cette position, selon lui, et je suis de son
avis, est déterminée par la convention du 21 mai, convention dont l’honorable
député de Tournay a été, dans l’origine, un des plus ardents adversaires.
Voilà plus de trois ans que cette convention est
venue suspendre, par rapport à
Menacé de voir démembrer la province à laquelle
j’appartiens, j’ai accueilli avec joie ce sursis, qui, sans détruire le passé,
nous laisse néanmoins toutes les chances de l’avenir ; je souhaitais, dans
votre séance du 20 juin 1833, que cet état de choses, qui alors n’avait pas
encore un mois de durée, pût être éternel, et aujourd’hui, après une expérience
de plus de trois animes, je n’ai pas d’autre vœu à former. En le réitérant, je
reste conséquent avec moi-même, et je me tiens dan les limites de nos droits.
Depuis la convention du 21 mai 1833, notre position
n’est point changée ; cette position a été attaquée, le ministère l’a défendue,
et il nous a déclaré qu’il a su la maintenir. Faut-il exiger davantage ?
Faut-il qu’il nous rende compte de ces diverses tentatives, faut-il qu’il nous
dise comment on s’y est pris pour attaquer notre position, comment il s’y est
pris pour la défendre ?
Je ne le pense pas, messieurs : le gouvernement ne
conteste pas ses obligations ; s’il les niait, s’il cherchait seulement à les
affaiblir, une manifestation de notre part pourrait être nécessaire.
Lorsque le ministère est arrivé au pouvoir, il a
trouvé l’arrangement définitif avec
Je tiens compte sans doute de la réaction générale qui
s’est opérée dans les esprits, mais cette réaction elle-même a été hâtée par
cet acte. Et le ministère actuel, heureux légataire du ministère précédent,
renoncerait bénévolement à la convention du 21 mai qui lui donne et force et
repos ; il sortirait complaisamment ou se laisserait entraîner sans résistance
hors de cette belle position, pour se rejeter avec le pays dans la tourmente
diplomatique. J’ai l’habitude de juger les hommes d’après leurs intérêts, et je
dis que personne n’est plus intéressé au statu quo que le ministère lui-même.
Je ne rechercherai pas quels étaient les partisans
ou les adversaires de la convention du 21 mai ; peu m’importe ; je consulte les
nécessités actuelles. Si l’on vaut tenir compte des circonstances, il est vrai
de dire que l’exécution intégrale du traité du 15 novembre emportera une plus
grave responsabilité que celle qui retombe sur la proposition même de cet acte.
Cette considération qui ressort des faits, me suffit ; c’est pour une puissance
garantie. Grâce à la convention du 21 mai, le cabinet actuel est,
principalement, un ministère d’administration intérieure.
Au-dehors, il n’a à défendre qu’une position
négative, restée sans atteinte jusqu’aujourd’hui, d’après les assurances qu’il
nous donne et dont nous devons nous borner à prendre acte. Si donc le ministère
précédent a eu le mérite d’amener la convention du 21 mai, le ministère actuel
aura celui de l’avoir maintenue ; en la maintenant, il a déjoué bien des
prédictions ; il a donné à l’ancienne opposition le plus éclatant démenti. On
avait annoncé que si le statu quo était avantageux, on nous obligerait d’en
sortir ; les avantages du statu quo ne sont plus contestés par personne, et
nous y sommes restés.
Nous avons donc, messieurs, pour garant de la
sincérité du ministère, son propre intérêt, l’intérêt de sa conservation.
« La position acquise au pays a été défendue avec persévérance, »
est-il dit dans le discours du trône, « elle a donc été attaquée, »
ont observé deux honorables membres ; « comment l’a-t-elle été ? »
Rien d’étonnant, messieurs, que la position de
Rien donc de plus naturel que les tentatives du roi
Guillaume ; pour croire à ces tentatives, je n’ai pas besoin d’avoir sous les
yeux un document diplomatique ; la force des choses me dit qu’il a dû en être
ainsi.
Le ministère a déjoué ces tentatives ; quels moyens
a-t-il employés ? C’est ce que nous n’avons pas le droit de lui demander ; nous
n’avons aucun intérêt à le savoir. Loin de là : le ministère commettrait une
grave imprudence dont vous seriez les complices, s’il venait vous révéler ses
moyens de défense. Qui nous assure que les mêmes tentatives ne se
renouvelleront pas, et que les mêmes moyens ne seront pas nécessaires ? Vous
demandez le maintien d’une position que vous appréciez enfin ; et vous voulez
l’affaiblir par des révélations prématurées ! Est-il d’usage de jeter les armes
avant la fin du combat ? Vous renfermez le ministre dans la convention du 21
mai, vous lui dites de se défendre jusqu’à la dernière extrémité, et vous
exigez qu’il publie une description de la place, qu’il fasse connaître les
mines et les contre-mines !
Que le gouvernement annonce chaque année, à
l’ouverture de la chambre, qu’il a défendu et su maintenir la position acquise
au pays, je n’en demande pas davantage ; ces deux lignes sont pour moi très
significatives ; je me tiens pour satisfait comme député belge et comme
Luxembourgeois, et chaque année, je croirai pouvoir me féliciter d’avoir
conservé cette position. Je ne lui demanderai pas le récit de ses combats de
cabinet, parce qu’en divulguant ses moyens de défense, il les rendrait
probablement inefficaces pour l’avenir ; comme député, je lui laisserai bien
volontiers le secret de la stratégie diplomatique. S’il offrait à cette
assemblée de lui communiquer tous ces détails, j’engagerais cette chambre à
refuser cette offre ; à laisser au ministère et tous ses moyens et toute la
responsabilité. Mais si le gouvernement venait nous dire que la position n’est
plus intacte, alors les explications, les justifications deviendraient
nécessaires ; alors il aurait à nous prouver qu’il a compris toutes les ressources
de la situation que lui a faite la convention du 21 mai, il aurait à nous
montrer qu’après avoir tout épuisé, il en est arrivé à cette alternative où il
ne reste qu’a opter entre la nationalité belge ou l’exécution du traité du 15
novembre ; il aurait à nous prouver qu’il n’a point été en son pouvoir de
prévenir cette alternative.
Je voudrais, messieurs, pouvoir aller plus loin ;
je voudrais pouvoir dire que le traité du 15 novembre n’existe plus, ou qu’il
est libre de la révoquer.
Pourquoi s’obstiner, m’objectera-t-on à regarder
comme valable un acte que
J’ai dit que, depuis 1833, notre situation était
restée intacte, et ceci me semble vrai, par rapport à
Toutefois, je n’exagère pas les conséquences de ces
actes que je considère d’un point de vue particulier ; abandonné par la diète
germanique, le roi Guillaume a vu s’agrandir l’intervalle qui le sépare des
puissances au nord comme au midi ; son refus ne s’adresse plus à la conférence
de Londres, mais à la diète, sur l’appui de laquelle ou croyait qu’il pouvait
compter. Il lui restait un moyen de justification aux yeux de son peuple :
c’était la non-adhésion de la diète aux arrangements territoriaux : ce moyen
lui manque aujourd’hui. Il est devenu plus évident encore qu’il n’existe qu’un
seul et grand intérêt pour le roi Guillaume, intérêt à côté duquel tous les
autres ne sont que secondaires : l’intérêt dynastique. Il s’agit de savoir si
le roi Guillaume abdiquera ses droits sur
C’est devant cette question
que le roi Guillaume recule ; c’est pour en ajourner indéfiniment la solution
qu’en 1833 il a accepté la convention du 21 mai qui prive
En terminant, messieurs, je ne puis m’empêcher
d’exprimer le désir de ne plus voir se renouveler ces discussions ; à force de
parler de notre belle position, nous pourrions bien finir par la compromettre.
(Moniteur
belge n°, du 14 novembre 1836) M. Dumortier.
- Je n’attendrai pas jusqu’à demain pour répondre à ce que vient de dire l’honorable
préopinant ; je vais répondre à l’instant à l’allusion qu’il a faite aux
paroles que j’ai prononcées dans la séance d’hier.
L’honorable préopinant prétend que je suis en
contradiction avec moi-même par la manière dont j’envisage aujourd’hui la convention
du 21 mai. Je pourrais me borner à dire : peu importe comment j’ai pu envisager
à une autre époque la convention du 21 mai ; mon devoir de patriote est de
considérer l’intérêt actuel du pays et de prêcher l’union pour le défendre.
Mais j’en appelle à vos souvenirs, je pense qu’ils sont encore assez frais pour
que chacun de vous puisse se rappeler la manière dont je me suis exprimé dans
la discussion sur la convention du 21 mai. J’ai envisagé cette convention sous
une double considération. Sous le rapport du statu quo, j’ai reconnu que la
convention était très avantageuse ; je suis donc encore d’accord avec moi-même.
Mais sous quel point de vue ai-je blâmé la
convention du 21 mai ? C’est sous le rapport des conséquences qui découlaient
de la rédaction. Le Luxembourg entier se trouvait placé sur la même ligne que
la partie du Limbourg qu’on voulait céder à la hollande.
Je l’ai blâmée en outre par cette grave
considération que le ministère avait commis une faute énorme en ne saisissant
pas la belle occasion qui se présentait de soustraire le pays à une clause
onéreuse que le traité du 15 novembre lui imposait. Puisqu’on a fait de
l’histoire ancienne, rappelons-nous quelle était la position de
Le ministère de cette époque avait un tel désir
d’arriver à une reconnaissante qu’il offrait de céder les parties du Limbourg
et du Luxembourg réclamées par
Il était donc de l’intérêt de
Voilà sous quel rapport j’ai blâmé la convention du
21 mai. J’aurais encore les mêmes choses à dire, si j’examinais la question
sous ce point de vue. Mais quant au statu quo, quant à la conservation de nos
frères du Luxembourg et du Limbourg, et le non-paiement de la dette, personne
n’a été plus ami que moi de cette position. J’aurais désiré que l’honorable
membre fût toujours dans ces sentiments, nous aurions toujours été d’accord.
Au reste quand je me serais trompé lors de la
première discussion, ce qui n’est pas, et je viens de le prouver, quel besoin
était-il de faire de l’histoire ancienne ? Ce que nous devons faire, c’est de
maintenir le statu quo, la position créée par la révolution. Ne récriminons pas
sur les fautes commises par le ministère ; il les a réellement commises, mais
n’en parlons pas ; le moment est venu où il faut de l’union pour arriver à la
fin de nos affaires. Sachons profiter de la situation du pays et des embarras
que l’Espagne et le Portugal donnent à l’Europe, pour tirer
Mais ce n’est pas par de vaines récriminations que
nous arriverons à ce résultat. Ce qui a été fait a été fait ; n’en parlons
plus, abdiquons tous nos dissentiments sur l’autel de la patrie,
réunissons-nous pour conserver ce que la révolution a fondé et ne consentons
jamais à la ruine, à la honte et au déshonneur de notre patrie.
C’est là le langage que j’ai tenu hier, et je crois
avoir obtenu à tous votre assentiment.
Aujourd’hui que
Quant au traité du 15 novembre, il est tombé devant
la convention du 21 mai qui est devenu le droit de
Nous devons être heureux devoir se réaliser cette
prédiction qu’on nous a faite dans le congrès : Vous aurez le Luxembourg et
vous n’aurez pas la dette.
Que les choses restent ainsi, je le désire du fond
de mon cœur, et j’ai assez de confiance dans mon pays et dans la chambre pour
croire qu’il en sera ainsi. En effet, cela dépend de vous. Si le gouvernement
n’abdique pas ses devoirs, cette parole sera une vérité que
M. Lebeau. -
Messieurs, c’est bien à regret que je me trouve entraîné dans une discussion
que je regarde comme un peu surannée et assez oiseuse.
Mais si, de mon côté, je suis toujours disposé à
éviter de prolonger une discussion de cette nature, si je suis toujours disposé
a répondre à un appel fait à l’union, je ne puis le faire au prix de l’amnistie
offerte à l’ancien ministère par le préopinant.
J’ai été trop intimement associé aux actes qui
viennent encore d’être attaqués avec assez de violence, pour ne pas revendiquer
en tout temps ma part de responsabilité dans ces actes.
Je m’honore d’avoir compris la pensée de
l’honorable général qui a dirigé avec tant de courage, avec tant de sagacité et
au milieu de tant de difficultés, nos relations extérieures ; je m’honore de
m’être associé à ces actes et notamment à celui qui a valu au pays la
libération de sa métropole commerciale, libération qui, après avoir été mal
comprise, a été l’objet d’un remerciement national voté par les chambres. Je
m’honore aussi d’avoir été associé aux négociations qui ont amené la convention
du 21 mai, convention que le préopinant a violemment attaquée lorsqu’elle fut
conclue, et dont il est aujourd’hui le premier à proclamer les heureux fruits.
Je ne lui en sais cependant pas trop de gré, car l’opinion publique le
forcerait au besoin à tenir aujourd’hui ce langage.
Je ne sais comment l’honorable préopinant entend
l’exécution des traités.
Je rappellerai que, pendant longtemps, le vœu des
chambres manifesté dans plusieurs circonstances, la première obligation imposée
au gouvernement, était, avant toute négociation ultérieure, l’évacuation du
territoire. Cela ne peut pas être nié : les discours prononcés dans les deux
chambres et insérés au Moniteur l’attestent.
Or, à quel titre avons-nous invoqué l’intervention des puissances pour obtenir
l’évacuation du territoire ? C’était évidemment au nom du traité du 15
novembre.
Ainsi, si nous faisions appel à l’intervention des
puissances pour obtenir ce résultat, c’était, ce ne pouvait être qu’en
acceptant les conditions onéreuses que ce traité nous imposait quant à la
question territoriale. Il n’y a pas d’autre manière d’entendre un traité, pas
plus entre nations qu’entre particuliers ; vous ne pouvez réclamer les clauses
d’un contrat qui vous sont favorables et rejeter celles qui vous sont
onéreuses.
De quel droit, lorsqu’on avait obtenu la libération
de la citadelle d’Anvers, et rendu la vie et la sécurité au commerce du pays,
de quel droit nous serions-nous refusés à livrer les autres parties du
territoire qui, par le traité que nous invoquions, étaient attribuées à
Lorsqu’il s’est agi de la convention du 21 mai,
lorsque nous avons vu le moyen d’échapper pour le moment à l’exécution entière
du traité du 15 novembre, forts de l’assentiment du pays, sûrs que tôt ou tard
on rendrait justice à nos intentions, nous nous sommes précipités au-devant du
moyen d’ajournement qui nous était offert.
Nous nous sommes bien gardés de dire aux
puissances : « Vous ne vous retirerez pas, vous ne cesserez pas le
blocus avant l’exécution entière et immédiate du traité du 15 novembre. »
Nous nous sommes bien gardés de tenir ce langage.
Un moyen nous était offert d’ajourner l’exécution
d’un traité auquel nous n’avons pas plus applaudi que le préopinant. Ce moyen
dilatoire qui nous était offert dans la convention du 21 mai, nous n’avons pas
hésité à l’accepter.
Je ne sais pas dans quelle intention, je ne sais
même si c’est sérieusement que le préopinant a reproduit ces éternels reproches
au sujet de cette phrase qui m’est échappée dans l’improvisation, et que je
n’ai pas du reste à désavouer : « Nous aurons le Luxembourg et nous
n’aurons pas la dette. » Je ne sais quel caractère je dois donner à cette
citation du préopinant. Je maintiens, du reste, ce que j’ai dit. Mais je fais
observer qu’il n’est pas juste d’isoler de tout ce que je disais alors la
phrase qu’on a citée. Quand j’ai dit : « Nous aurons le Luxembourg et nous
n’aurons pas la dette, » je parlais avec un texte sous les yeux. Je
commentais les 18 articles et non les 24 ; et, les 18 articles à la main, je
soutenais que les conséquences que j’en tirais étaient indéniables.
Si par la suite un désastre
s’est placé entre les 18 et les 24 articles il était en dehors de toutes nos
prévisions. Les 18 articles ont péri dans les plaines de Louvain. Nous n’avons
pas à supporter les conséquences d’un fait dont nous n’avons pas moins gémi que
le préopinant ; nous n’avons pas à supporter les conséquences d’un fait qui a
anéanti les 18 articles. Si ce document eût été commenté sous l’influence d’une
victoire, au lieu de l’être sous l’influence d’une défaite, ou même toutes
choses étant en état, il eût dû être interprété et appliqué comme je
l’avançais.
En parlant comme je l’ai fait, j’ai dit alors ce
qu’ont dit aussi, en d’autres termes peut-être, mais aussi explicitement, plus
de 20 députés au congrès, dont le préopinant ne contestera ni la conscience ni
les lumières.
Je regrette, messieurs, d’avoir eu à prolonger ces
débats, ce n’est qu’avec un profond dégoût que je me mêle à des discussions qui
ont quelque chose de personnel et de récriminant. La chambre sait avec quelle
sobriété je prends part à de telles polémiques. Il a fallu que j’y fusse
contraint pour entrer dans les détails que je viens de donner.
M. Gendebien. -
Je dirai peu de mots, car ce n’est pas le moment, comme a dit le préopinant, de
renouveler une discussion surannée et oiseuse. Au reste, ce n’est pas à moi que
ce reproche s’adresse, mais à l’ami de M. Lebeau ; car c’est de son banc qu’est
partie la nouvelle édition de cette histoire ancienne et bien
malencontreusement reproduite d’une manière irritante.
Je ne dirai qu’un mot pour répondre à un prétendu
démenti donné à l’ancienne opposition ; je dois une réponse, car j’ai toujours
joui de la même faveur auprès du gouvernement ; il m’a toujours placé parmi les
hommes de l’opposition ; je n’ai jamais eu des motifs pour repousser cette
épithète, car je n’ai jamais eu à rougir de mes opinions, et je ne les ai
jamais niées ni rétractées.
Quelle que soit donc l’intention dans laquelle elle
m’a été adressée, je n’hésite pas à l’accepter.
Quant au démenti donné à l’opposition, ce n’est pas
une simple allégation qui puisse justifier un démenti. Il faudrait le prouver,
et j’attends une démonstration que je défie d’établir. Et dans quelle
circonstance un des préopinants se permet-il de nous donner un démenti ? C’est
en présence de la protestation solennelle, énergique et toute patriotique de la
province du Luxembourg contre les 24 articles. Voilà un démenti formel et
authentique auquel j’essaierais de répondre, avant de me hasarder à donner des
démentis.
N’avons-nous pas le droit de nous étonner que, sous
l’impression d’un démenti si récent, on prétende mettre l’opposition en
contradiction avec elle-même, précisément sur les faits, sur les actes auxquels
on a concouru, et qui ont été, il y a 15 jours, l’objet d’une solennelle
protestation, ou, pour imiter le langage de nos adversaires, qui ont été flétri
par un démenti ?
Si j’avais prévu que l’on revînt sur cette
discussion surannée, j’aurais recherché les textes, et je prouverais par
quelques citations de mes discours, que ce n’est pas nous qui méritons des
démentis. Car, dans la discussion du traité de Zonhoven, que s’est-il passé ?
Avons-nous nié certains avantages qu’il causerait ? Non. Nous les avons
reconnus. Mais c’est précisément parce que nous étions d’accord avec vous sur
ces avantages que nous vous reprochions ne les avoir pas fait consacrer par un
traité, ainsi que les puissances réunies à Londres, c’est-à-dire,
Nous vous avons reproché d’avoir agi avec mollesse,
alors que nous avions 120 mille hommes à opposer au roi Guillaume, pour
soutenir les avantages et les droits que nous avait reconnus la conférence de
Londres. Voilà ce que nous vous avons reproché, voilà ce que nous avons flétri
et non pas toutes les dispositions du traité de Zonhoven.
D’un autre côté nous disions que le statu quo
était, à cette époque, déplorable pour le roi Guillaume. Pourquoi ? Parce que
la garnison de Maestricht était aux abois, parce qu’il n’y avait pas de
communication de la garnison de Maestricht avec l’intérieur de
Nous vous avons reproché d’avoir donné à notre
ennemi un point stratégique dangereux pour
Je prie les membres qui n’ont pas assisté à cette
discussion, ou qui l’ont oubliée, de la cherchera à la fin de novembre 1832 ;
ils verront que j’ai dit l’exacte vérité et rien de plus, et que je n’ai pas
tout dit.
Maintenant je n’ai pas à répondre aux observations
que M. Lebeau vient de présenter à M.
Dumortier. Il répondra s’il juge que cela en vaut la peine. Quant à moi,
je me bornerai à lui rappeler que si des remerciements ont été votés et à
l’unanimité, ce n’est pas au ministère de cette époque, mais à l’armée
française et au brave maréchal qui la commandait. Quant au ministère, il n’a
encouru que des reproches graves, et entre autres celui d’avoir abandonné,
préalablement à tout traité définitif, les parties cédées du Limbourg et du
Luxembourg, de les avoir abandonnées provisoirement et de fait, sans les
garanties d’amnistie stipulées précédemment par le traité des 24 articles ;
voilà le reproche qui a été adressé au ministère de cette époque ; et on ne
contestera pas que ce fut de sa part un acte d’inhumanité, pour ne rien dire de
plus, Nous lui reprochions d’avoir flétri nos drapeaux, en consentant au siége
d’Anvers sans l’intervention de notre brave armée. Mais personne n’a jamais
contesté l’utilité de l’évacuation de la citadelle d’Anvers.
Avions-nous le droit, dit M. Lebeau, de nous
refuser à l’exécution du traité, en ce qui concernait l’abandon du territoire,
alors que nous en demandions l’exécution sur d’autres points ? Mais ce n’est
pas là ce que nous vous reprochions. Il ne s’agissait pas de l’exécution du
traité du 15 novembre ; nous avons dit que vous vous étiez déshonorés en
abandonnant, sans aucune garantie d’amnistie, 400,000 Belges qui avaient
concouru à notre révolution : voila le point capital sur lequel nous avons
insisté. C’était une question d’honneur et d’humanité et non une appréciation
des avantages de l’évacuation d’Anvers, qui pouvait se faire et s’est faite
contre votre attente et malgré vos imprudences sous le sacrifice honteux auquel
vous aviez souscrit.
Maintenant on nous accuse de changer d’opinion.
Mais quelle ligne de conduite a été suivie avec persévérance ? Le ministère
venu aux affaires en octobre 1832 n’y est arrivé que parce qu’on accusait le
ministère de ne pas savoir finir nos affaires diplomatiques, et qu’il se
flattait et se vantait de forcer les puissances à l’exécution du traite du 15
novembre. Le nouveau ministère a pris à son arrivée l’engagement de les
terminer promptement. Il considérait alors une prompte terminaison des affaires
comme un point d’honneur, comme la source de la plus haute prospérité pour
Depuis trois ans et demi
que nous sommes dans le statu quo, il trouve admirable cette position qui
n’était pas tenable, disait-il, en 1832, alors que le roi Guillaume avait
intérêt à faire cesser le premier le statu quo, pour dégager Maestricht, pour
obtenir communication avec cette place, et en tirer parti, en cas d’attaque
contre
Le tort le plus grave que nous avons sans cesse
reproché au ministère de cette époque, c’est la prétention d’être quelque chose
par lui-même après avoir étouffé la révolution ; c’est la prétention d’être
fin, d’être fort en diplomatie, alors qu’il s’est toujours laissé entraîner ;
c’est d’avoir toujours revendiqué comme des succès ce qui se réalisait contre
toutes ses prévisions, et malgré les engagements qu’il prenait solennellement
envers le pays. Je ne veux récriminer aucun antécédent, aucune déconvenue ; je
reconnais même que si je m’étais trouvé aux affaires dans les mêmes conditions,
j’aurais été entraîné par la même fatalité, ou par les mêmes exigences, si
j’avais consenti à les servir.
Qu’on ne vienne pas nous dire que c’est par suite
de zèle, par suite de négociations habilement conduites, vigoureusement
soutenues, que nous avons obtenu notre position ou plutôt les diverses
positions qui nous ont été successivement imposées. Car nous devons notre
position au hasard selon les uns, à la providence selon les autres, à la force
des choses selon moi, c’est-à-dire à la prudence ou à l’impuissance de nos
voisins, et non à la puissance ou à la sagacité de nos hommes d’Etat. Voilà le
secret de notre position. Sous ce point de vue j’admets le statu quo ; mais
gardons le silence sur les causes de son existence ; et sans faire les
fanfarons, n’ayons pas l’air de craindre les menaces de nos ennemis. Marchons
librement dans la voie du progrès que la révolution nous a ouverte ; laissons
faire notre commerce et notre industrie ; ils nous consoleront de tous les maux
passés qu’on a beaucoup exagérés, et nous fourniront les moyens de nous
défendre contre les chances de l’avenir.
M.
Lebeau. - Il semblerait que le reproche que M. Gendebien vient
d’adresser encore à l’ancien ministère, à savoir qu’il aurait livré, pieds et
poings liés, les populations du Luxembourg et du Limbourg, serait resté sans
réponse lorsqu’il a été fait, à l’occasion des mesures qui ont produit la
libération de la citadelle d’Anvers ; mais il n’en est pas ainsi et puisqu’on
paraît avoir oublié cette réponse, je vais la reproduire.
Jamais il n’a été dans l’intention de l’ancien
ministère de livrer, pieds et poings liés, les populations du Luxembourg et du
Limbourg, et jamais ses actes n’ont donné le droit de lui attribuer de telles
intentions. Les mesures à prendre pour la remise de ces territoires
entraînaient par elles-mêmes l’exécution de tontes les clauses du traité.
On a cité la réponse faite par le cabinet belge aux
sommations que
M. Gendebien. - Je
n’entends pas prolonger cette triste et pitoyable discussion ; toutefois
permettez-moi un mot de réponse.
Pour prouver l’inexactitude des allégations de M.
Lebeau, je prie la chambre de se rappeler qu’en 1832 le ministère mit pour
condition à la reprise des négociations l’évacuation des territoires,
c’est-à-dire l’évacuation par
Au reste, je ne tiens pas à avoir raison dans ces
tristes discussions, parce qu’elles ne peuvent avancer en rien le bonheur du
pays.
Discussion des paragraphes
Paragraphe
premier
M. le président. -
Nous allons passer à la discussion des paragraphes.
« Sire, les circonstances heureuses au milieu
desquelles notre session vient de s’ouvrir, ajoutent à la vive satisfaction que
la chambre des représentants éprouve toujours en revoyant dans son sein le Roi
que la nation s’est choisi. »
- Ce paragraphe est adopté sans discussion.
Deuxième
et troisième paragraphes
« La justice de notre cause et l’intérêt des
autres nations nous assuraient que nos rapports politiques ne pouvaient que
s’affermir ; nous voyons avec plaisir que cette assurance ne nous a pas
failli. »
M. Gendebien. -
Il me semble qu’il y a tout au moins redondance entre ce second paragraphe
qu’on vient de lire et le troisième. Je crois qu’il faudrait refondre ces deux
paragraphes en un seul, et faire quelque chose de plus logique, ou au moins de
plus français. Je ne sais pas, par exemple, si on peut dire qu’une assurance ne
nous a pas failli. Je demande lecture du troisième paragraphe avant la
discussion du second.
M. le président. -
Voici le troisième paragraphe :
« La nation, appuyée sur ses droits qui
seront, nous en avons la confiance, de mieux en mieux compris et respectés à
mesure que les circonstances fâcheuses que nous avons subies s’éloigneront, la
nation, Sire, attendra avec calme la fin de nos démêlés politiques dans la
position que les traités lui ont faite, position que votre gouvernement,
soutenu par les mandataires de la nation, saura défendre avec
persévérance. »
M. Dechamps, rapporteur
de la commission de l’adresse. - Messieurs, la commission a cru devoir répondre
à deux paragraphes du discours du trône, par les paragraphes 2 et 3. Le
paragraphe 2 concerne les relations d’amitié entre notre gouvernement et les
puissances étrangères ; le troisième est relatif aux traités qui devraient
avoir lieu entre
Pas plus que le gouvernement, la commission ne
voulait trancher les points litigieux dans notre diplomatie ; elle a voulu
interpréter dans un sens tout national le paragraphe du discours du trône
auquel elle devait répondre, et mettre cette réponse en harmonie avec les
explications données hier par le ministre des affaires étrangères. Je pense que
la commission a réussi.
La position du statu quo, position que la
convention du 21 mai nous a faite, personne n’a dit qu’elle nous fût
désavantageuse ; et
Le devoir du gouvernement,
selon nous, est de maintenir le statu quo et de le prolonger indéfiniment s’il
lui est possible, pour faire entrer de plus en plus dans l’ordre des faits
accomplis la situation de
Ces explications, messieurs suffiront pour
manifester clairement les intentions de la commission. Comme rapporteur, je ne
suis pas autorisé à proposer un changement de rédaction, et ce n’est
qu’individuellement que j’adopterai les modifications que l’on propose. En voici
une que je présenterai moi-même. On dit : « La position que les traités
nous ont faite ; » il est évident que cela veut dire : « La position
acquise à
Je crois que pour ne pas équivoquer, il faut faire
dans la rédaction un léger changement, de manière à rentrer dans les intentions
de la commission et dans celles du ministre des affaires étrangères ; or il me
semble que ces mots : « La position que la convention du 21 mai lui a
faite, » seraient plus précis et satisferaient tout le monde.
M.
Gendebien. - C’est ce point que je voulais plus particulièrement
amender. Ce que l’on propose est déjà une amélioration sensible ; mais il reste
encore quelques corrections à faire sur la rédaction du second paragraphe. Je
ne sais pas si l’on peut dire : « Cette assurance ne nous a pas failli, »
et je ne vois pas pourquoi on ne supprimerait pas cette dernière partie de
l’alinéa. Il n’y aurait pas d’inconvénient à rédiger le second paragraphe en ces
termes :
« La justice de notre cause et l’intérêt des
autres nations nous assurent que nos rapports politiques ne pourront que
s’affermir. »
Je crois que le sens serait tout aussi complet et
que la phrase vaudrait mieux ; je crois même qu’elle serait plus significative.
Je voudrais ensuite que le troisième paragraphe fût
conçu en ces termes :
« La nation, appuyée sur ses droits qui
seront, nous en avons la confiance, de mieux en mieux compris et respectés,
attendra avec calme la fin de nos démêlés politiques, dans la position que la
convention du 21 mai lui a faite ; position que votre gouvernement, soutenu par
les mandataires de la nation, saura défendre avec persévérance. »
De cette manière l’on éviterait de rappeler des
circonstances fâcheuses, et cela me semble convenable, car je ne pense qu’il
soit bon de rappeler sans cesse que la nation a été humiliée, quoiqu’elle n’ait
rien à se reprocher, et qu’elle sache que la faute doive en être attribuée à
d’autres qu’à elle-même. Il n’est pas convenable. Il est peut-être, pour cette
raison, prudent, de ne pas renouveler de trop justes douleurs.
M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, je viens
appuyer les observations de M. Gendebien en vous proposant la rédaction
suivante que j’avais l’intention de vous soumettre lorsqu’il a pris la parole :
«
Je crois, messieurs, que cette rédaction rendrait
parfaitement l’idée de M. Gendebien, et en même temps celle que vient d’énoncer
M. le rapporteur de la commission d’adresse ; d’un autre côté elle serait
conforme aux vues du ministère lui-même, puisque M. le ministre des affaires
étrangères nous a donné hier l’assurance que la position que le gouvernement
continue à défendre est celle que nous a acquise la convention du 21 mai.
J’aime donc à croire que MM. les ministres ne s’opposeront pas au changement de
rédaction que nous réclamons dans le paragraphe en discussion.
Je puis borner ici mes observations sur la question
politique qui nous occupe, car, messieurs, les protestations énergiques qui ont
été faites par les conseils provinciaux du Luxembourg et du Limbourg contre
toute espèce de déchirement du territoire belge, sont plus expressives et plus
significatives que tout ce que nous pouvons dire sur la même question ; en
effet, ces protestations votées par acclamations et enthousiasme feront
connaître à l’Europe entière que les populations qui étaient cédées à
Je le répète donc,
messieurs, les protestations éclatantes et unanimes des populations du
Luxembourg et du Limbourg sont tout ce que l’on peut exprimer de plus fort à
l’appui de nos droits politiques. Car il faut remonter à la source de ces
droits, et sans doute nous avons eu celui de secouer le joug de l’étranger
comme les autres provinces de
Ce n’est plus au siècle où nous vivons que les
souverains peuvent impunément traiter de nous et sans nous ; aussi ce n’est que
par la force brutale qu’une pareille iniquité pourrait se consommer, et alors
c’est les armes à la main que nous protesterions. Que l’on cesse donc
d’invoquer le traité du 15 novembre comme étant le droit public de
Je n’en dirai pas davantage à l’occasion de
l’adresse sur notre question politique, sur laquelle tout a déjà été dit à
plusieurs reprises.
Je vais avoir l’honneur de déposer mon amendement,
qui est en même temps signé par mon honorable collègue M. Pollénus, député du
Limbourg.
M.
Dechamps, rapporteur. - Messieurs, je ne sais pas s’il est
véritablement prudent d’omettre dans l’adresse la phrase que M. Gendebien
propose d’en ôter ; je crois, au contraire, qu’il est de l’intérêt de
Mais je crois qu’en tout état de cause la phrase
qui fait l’objet de la discussion doit demeurer dans l’adresse, et qu’il
convient de proclamer solennellement que ce n’est que par suite de
circonstances malheureuses.
M.
Pollénus. - L’honorable rapporteur de la section centrale regarde comme
imprudent de ne pas faire mention des circonstances fâcheuses qui ont amené un
précédent traité : je crois comme lui que ce ne serait pas une humiliation de
convenir de ces circonstances, mais je demanderai s’il y a utilité à rappeler
toujours le souvenir de nos malheurs ? Je pense qu’il n’y en a aucune, mais
qu’il y a, au contraire, inconvenance. En effet l’opinion de tous les membres
qui ont parlé sur l’adresse est qu’il est désirable que le statu quo, dans
lequel nous nous trouvons, devienne définitif ; eh bien, la prolongation du
statu quo efface le souvenir du fatal traite du 15 novembre, et si nous voulons
que ce traité demeure complètement oublié et que la convention du 21 mai
devienne définitive, nous devons nous garder de perpétuer le souvenir des
circonstances déplorables qui ont amené le premier de ces actes, car si nous
rappelions continuellement les événements dont il s’agit, l’on pourrait y voir
un motif pour chercher à nous replacer dans la position qui s’en est suivie.
Il me semble donc qu’il est conforme aux intentions
des rédacteurs du projet d’adresse eux-mêmes de ne pas parler de ces
événements, et quand ce ne serait que par la considération que c’est inutile,
il me semble que cela suffirait pour vous déterminer à voter dans ce sens, et
pour engager les auteurs du projet d’adresse à ne pas insister pour le maintien
des mots dont il est question.
Je crois, avec l’honorable M. d’Hoffschmidt, qu’on
pourrait convenablement supprimer les deux premières lignes du troisième
paragraphe, car il me semble que ce n’est qu’une répétition en autres termes de
ce qui est déjà dit dans le paragraphe précédent : toutefois je n’attache pas
une grande importance à ce changement ; mais pour ce qui concerne la mention
des événements qui ont donné naissance au traité du 15 novembre, je pense qu’il
est convenable de la retrancher, et qu’en la maintenant nous rendrions mal
l’opinion de la commission du projet d’adresse et de tous ceux qui ont parlé en
faveur de ce projet.
M.
Gendebien. - Je regrette de devoir prendre de nouveau la parole ; il me
semble que chacun de nous devrait sentir combien il est humiliant pour le pays
d’entendre parler sans cesse d’une défaite dont la nation, elle le sait, n’est
pas coupable, mais dont elle a été victime humiliée plus que les vrais
coupables.
Mais je dis plus, il serait impolitique et
inconvénient de rappeler aux puissances étrangères les revers que nous avons
essuyés, tout en attribuant à de ces revers une plus grande considération au
dehors et une plus grande confiance dans nos moyens de défendre nos droits. Ce
n’est pas parce que nous avons été humiliés il y a 5 ans, plutôt qu’hier, que
notre position s’améliore ; ce n’est pas en parlant de nos défaites que nous
rendrons les puissances favorables. Ce qui nous peut rendre l’estime des
peuples, c’est de montrer la nation forte et prospère, marchant avec confiance
dans sa force et sa liberté ; de montrer à l’Europe que nous sommes forts et
heureux, malgré notre révolution, on plutôt par les libertés que notre
révolution nous a conquises ; de donner un démenti à ceux qui prétendent que la
liberté est incompatible avec l’ordre et le bonheur, mensonge à l’aide duquel
les despotes tiennent tant de peuples sous un joug humiliant.
Ajoutez à cela des preuves vivantes, palpables, d’une
prospérité toujours croissante ; ce sont là les seuls moyens de faire respecter
notre indépendance ; rappelez ces circonstances, la nation en sera fière, et ce
sera pour elle un puissant encouragement à se défendre, si on l’attaque un jour
; mais, en lui remettant sous les yeux des circonstances malheureuses, vous ne
faites que l’humilier, et un peuple humilié est à demi vaincu.
Croyez-moi, retranchez tout ce qui rappelle de
fâcheux souvenirs. Admettez après cela l’un ou l’autre des amendements proposés,
peu m’importe ; mais j’insiste pour qu’on supprime la phrase que j’ai signalée.
M.
le président. - M. Gendebien propose, dans le deuxième paragraphe, la
suppression des mots : « Nous voyons avec plaisir que cette assurance ne
nous a pas failli. »
Dans le troisième paragraphe, le même membre
propose de supprimer : « 1° les mots : « A mesure que les
circonstances fâcheuses s’éloigneront. » 2° Les mots « les traités, » et
de les remplacer par ceux-ci : « Par la convention du 21 mai 1833. »
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere). - Messieurs, ne vois aucune nécessité de modifier la
rédaction primitive de votre commission ; en effet, il était impossible de se
méprendre sur le sens que la commission avait attaché à ses paroles. Toutefois,
messieurs, il me semble qu’il n’y a pas d’inconvénient non plus à admettre la
nouvelle rédaction qui vous est proposée. En effet, de quoi s’agit-il ? La
convention du 21 mai fait à
Messieurs, cette pensée se trouvait tout entière dans
la rédaction primitive ; car, par les mots : « les traités, » on
devait nécessairement se reporter à la convention du 21 mai ; mais, je le
répète, je ne vois aucun inconvénient à substituer à la première rédaction
celle qui a été proposée par un honorable préopinant.
M. d’Hoffschmidt. - D’après la déclaration
de M, le ministre, mon collègue M. Pollénus et moi, nous nous rallions à
l’amendement de M. Gendebien.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Messieurs, je pense qu’il faut maintenir la
suppression qui a d’abord été proposée par MM. d’Hoffschmidt et Pollénus, celle
des mots : « qui seront, nous en avons la confiance, de mieux en mieux
compris et respectés... ; » parce que ces mots formaient un sens complet,
logique, avec la suite de phrase que M. Gendebien propose de supprimer.
M. Gendebien. -
Je prie M. le ministre des finances de remarquer que la phrase présente un sens
complet tout en retranchant ce qu’il considère comme la conséquence de ce qui
est conservé. Si l’on croit un complément nécessaire, j’ai fait comprendre
qu’on pourrait l’expliquer autrement que dans l’adresse ; si l’on veut ajouter
que c’est par la volonté d’être libre et par la marche ferme, éclairée, du pays
vers la prospérité, je le veux bien, mais cela n’est pas nécessaire, cela se
comprend de reste.
- Le deuxième paragraphe avec l’amendement de M.
Gendebien, est mis aux voix et adopté.
Le troisième paragraphe, également amendé par M.
Gendebien, est mis aux voix et adopté.
Quatrième paragraphe
« Cette situation nous a permis de doter le
pays des lois organiques de la commune et de la province et de celle réglant
l’enseignement supérieur aux frais de l’Etat. »
M. Dechamps, rapporteur.
- Il y a un léger changement de rédaction à faire dans ce paragraphe : au lieu
de dire : « celle réglant, » il faut dire : « de celle qui
règle. »
M. Gendebien. -
Messieurs, il me semble que ce paragraphe ne présente pas une idée juste, il
faudrait en changer la rédaction ; en effet, ce n’est nullement à raison de la
situation politique dans laquelle nous nous trouvons que nous avons pu
organiser la province et la commune ; car le gouvernement provisoire a organisé
la commune dès le 7 octobre 1830, pour ainsi dire sous le canon de l’ennemi. De
nombreuses élections ont été faites avec calme. Le congrès a organisé le pays
sans se trouver dans la situation dont l’adresse fait mention.
M. Dechamps, rapporteur.
- Messieurs, l’intention de la commission est ici bien évidente : si le pays
n’avait pas joui de cette position acquise par le statu quo, certainement il
n’aurait pu faire, comme il l’a fait, les lois de son organisation intérieure.
En se servant de cette expression : « cette situation nous a
permis, » la commission a voulu dire seulement que notre position nous
avait mis à même de nous occuper avec plus d’activité de nos lois
d’organisation intérieure. Du reste, si aux mots « nous a permis, »
on veut substituer un autre terme, je ne m’y oppose pas.
M. le président. -
M. Gendebien propose de rédiger le paragraphe comme suit :
« Le pays est doté des lois organiques de la
commune et de la province, et de celle qui règle l’enseignement supérieur aux
frais de l’Etat. »
- Le paragraphe, ainsi rédigé, est mis aux voix et
adopté.
Cinquième paragraphe
Nous passons au paragraphe 5.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je pense qu’il ne faut faire qu’un seul
paragraphe du paragraphe 4 amendé par M. Gendebien et du paragraphe 5. Il
serait ainsi rédigé :
« Le pays est doté des lois organiques de la
commune et de la province, et de celle qui règle l’enseignement supérieur aux
frais de l’Etat. Et nous partageons la persuasion que le gouvernement de
V. M. nous exprime, de voir les conseils communaux et provinciaux se laisser
toujours guider par cet esprit de sagesse et de modération si nécessaire à
l’intérêt de leurs commettants et au maintien de l’ordre public.
M. Gendebien. -
Je proposerai un léger changement à ce paragraphe ; ce serait de supprimer le
mot « laisser, » qui implique de la part des conseils communaux et
provinciaux une espèce d’abnégation.
M. Dechamps, rapporteur.
- Je pense inutile de m’étendre sur une chose aussi peu importante que le
changement proposé ; cependant, pour ma part, je ne vois ni humiliation, ni
abnégation à se laisser guider par un esprit de sagesse et de modération. Cette
phrase me paraît fort simple et fort naturelle.
M. Gendebien. -
Cela est vrai mais je crains qu’on ne considère l’esprit de sagesse comme
représenté par les gouverneurs et autres puissances gouvernementales.
- L’amendement de M. Gendebien est mis aux voix et
adopté, ainsi que le paragraphe amendé.
Sixième paragraphe
« La liberté d’enseignement a porté les fruits
que l’on devait en attendre : les établissements qu’elle a fondés, la
réorganisation des universités de l’Etat et l’institution impartiale du jury
d’examen, concourront à améliorer encore la situation morale et intellectuelle
du pays. S’il existe des lacunes dans notre système d’enseignement, elles
seront comblées par le vote que nous aurons à émettre sur le projet de loi
relatif aux écoles primaires et moyennes. »
M. d'Hoffschmidt.
- Je ne comprends pas pourquoi la commission a rédigé ce paragraphe comme elle
l’a fait. Il y est dit : « S’il existe des lacunes dans notre système
d’enseignement, elles seront comblées. » C’est d’une manière dubitative que la
commission s’exprime, tandis que nous n’avons pas de loi sur l’enseignement
primaire et moyen ; il est donc évident qu’il y a des lacunes. Je ne puis
comprendre les doutes que la commission a exprimés à cet égard. On me répondra
peut-être que la constitution a déclaré l’enseignement libre et que dès lors il
n’y a pas de loi à faire. Mais la constitution a dit aussi que l’instruction
donnée aux frais de l’Etat serait réglée par la loi. Or, chaque année nous
votons au budget 3 à 400 mille francs, pour l’instruction primaire et moyenne,
et il est nécessaire qu’une loi règle l’emploi de ces fonds. Il n’y a donc pas
de doute qu’il y a lacune.
Vous savez ce qui s’est passé lors de la discussion
de la loi relative à l’enseignement. On était à la fin de la session, on a
passé au titre III qui concernait l’enseignement supérieur, en disant qu’à la
session suivante on s’occuperait des deux premiers titres.
Nous avons consenti à voter le titre III, et
maintenant on élève des doutes sur la question de savoir s’il y a lacune
relativement à ce qui faisait l’objet des deux premiers titres de la loi qu’on
a ajournée, et quoique la constitution dise que l’instruction donnée aux frais
de l’Etat est réglée par la loi. Si vous admettez le doute exprimé par la
commission, on dira que puisqu’il n’y a pas de loi que règle l’enseignement
primaire et moyen, on ne doit pas donner de subsides, surtout, dira-t-on,
qu’ils ne sont pas nécessaires. Mais, quoi qu’en ait dit M. Doignon, je ne
pense pas que l’instruction primaire fasse des progrès. Je ne nie pas qu’il y
ait un grand nombre d’instituteurs et qu’un grand nombre d’élèves suivent leurs
leçons ; mais ce n’est pas à dire pour cela que l’instruction fasse des progrès
Je pense au contraire qu’elle rétrograde, parce que beaucoup d’instituteurs
n’ont pas les connaissances nécessaires.
Dans les Flandres, dans le Hainaut, l’instruction
pourrait peut-être bien se passer de loi et prospérer ; cela vient de ce que
les communes sont riches et peuvent par conséquent salarier des instituteurs ;
mais il n’en est pas de même dans les provinces le Namur, du Limbourg et du
Luxembourg, où les communes sont trop pauvres pour faire cette dépense. Si vous
ne voulez pas y protéger l’instruction, qui est la base de la moralité et de la
prospérité d’un pays, les communes de ces provinces en seront à jamais privées,
cela est positif.
Je ne comprends pas, je le
répète, la manière dont s’exprime la commission. Une loi nous a été proposée,
composée de trois titres ; nous en avons voté un, il nous reste à voter les
deux autres. D’ailleurs le discours du trône fait mention de cette loi, et le
sénat, dans sa réponse, parle également de la nécessité de s’en occuper. Voici
comment il s’exprime :
« Votre gouvernement, Sire, a compris aussi
l’importance de l’enseignement primaire et moyen ; nous examinerons avec le
plus grand soin les projets de loi qui doivent compléter notre système
d’instruction publique. »
Vous voyez, messieurs, que
le sénat s’est exprimé d’une manière positive, et il paraîtrait sans doute
singulier que la chambre ne se mît pas d’accord sur ce point avec la seconde
branche du pouvoir législatif.
Je ne crois pas que la commission tiendra à sa
rédaction dubitative, et je l’engage à la modifier elle-même, car elle ne se
justifie sous aucun rapport, si ce n’est par une pensée qui ressemble à du
jésuitisme.
M.
Gendebien. - J’ai prévu tout d’abord que le projet d’adresse
soulèverait une discussion très grave dans laquelle cependant il serait
prématuré d’entrer en ce moment. Je proposerai un amendement qui doit contenter
les plus exigeants parmi ceux qui pensent que nos lois sur l’enseignement ne
présentent pas de lacunes, car il laissera la question intacte. Pour éviter
d’entamer une discussion qui promet d’être assez orageuse, je propose de
rédiger ainsi le paragraphe :
« Nous prendrons en sérieuse considération le
projet de loi sur l’enseignement primaire et moyen qui nous est soumis. »
Cet amendement répond suffisamment au discours du
trône et ne renferme rien qui puisse constituer un engagement. Je demande qu’on
s’y rallie.
M. le ministre de la justice
(M. Ernst). - Messieurs, l’amendement de l’honorable M. Gendebien, que
je viens appuyer, préviendra des débats longs et inutiles : nous espérons que
la chambre, en l’adoptant, s’associera à la pensée du gouvernement : cette
pensée n’est pas douteuse. Le vœu d’une organisation prochaine de l’instruction
primaire et moyenne a été solennellement exprimé dans le discours du trône. Du
reste, l’amendement proposé ne préjuge rien sur le fond de la question ; la
chambre, en discutant le projet de loi qui lui est soumis depuis longtemps,
restera libre de consacrer les principes qui lui paraîtront les plus
convenables.
M. Dechamps, rapporteur. - L’intention de la
commission a été celle de l’honorable M. Gendebien et du ministre de la
justice, Elle a très bien senti que la chambre était divisée profondément sur
cette question d’instruction publique ; elle savait que parmi les membres qui
composent cette chambre, comme dans le pays, les uns pensent qu’une lacune
existe et que d’autres sont d’avis qu’il n’y a pas de lacune.
Dans ces circonstances, la commission, pour ne
froisser aucune opinion, a voulu laisser la question intacte et s’est servie
d’une forme dubitative. Je pense que l’amendement de M. Gendebien a le même
sens que la rédaction de la commission.
Cependant, nous avons cru rendre mieux compte de
l’état des choses, de la divergence des opinions, en disant : « S’il existe des
lacunes dans notre système d’enseignement, elles seront comblées. »
Nous supposons par là que nous aurons un vote à
émettre sur l’enseignement primaire et moyen. Le doute ne porte que sur la
question de savoir si une lacune existe ou non.
Le but de l’adresse est d’exprimer l’opinion de la
chambre ; nous avons cru que la rédaction que nous adoptions était la meilleure
manière de remplir ce but en ne froissant aucune opinion.
M. Gendebien. -
Quant au sous-amendement que j’ai proposé, plus tard la discussion sur l’objet
du message royal fera paraître une différence dont je ne veux pas m’occuper
maintenant, parce que cela nous entraînerait dans une trop longue discussion.
M. Demonceau. -
J’appuie l’amendement de M. Gendebien, et je pense que la rédaction proposée
par la commission laisse à entendre qu’il existe un doute dans son opinion ;
car on dit : « S’il existe des lacunes dans notre système d’enseignement, etc.
; » et si on se réfère à de la constitution portant : « L’instruction
publique donnée aux frais de l’Etat est réglée par la loi, » on
reconnaîtra qu’il y a une lacune dans notre système d’enseignement. Il est donc
nécessaire d’adopter l’amendement de M.
Gendebien.
- L’amendement de M. Gendebien est adopté. Le
sixième paragraphe est adopté avec cet amendement.
« Nous espérons, Sire, que les efforts du gouvernement
parviendront à étendre de nation à nation des relations commerciales basées sur
une équitable réciprocité. L’état florissant du commerce et de l’industrie s’en
accroîtra, et avec lui le bien-être du peuple entier. »
M. Donny. - Je ne
puis voter ce paragraphe sans dire quelques mots pour déterminer la portée que
j’attribue à mon vote.
Je pense avec le gouvernement et avec la commission
que l’on peut dire avec vérité que l’industrie de
Comme je n’ai pas l’intention de traiter d’une
manière incidente une question aussi importante, que je pourrai discuter dans
quelque temps d’ici d’une manière approfondie, je me bornerai pour aujourd’hui
à l’observation que je viens de faire.
M.
Desmet. - Messieurs, on a à répondre à l’honorable M. Donny que des
projets de loi nous sont présentés pour améliorer le sort de la pêche nationale
; mais, messieurs, ce ne sont pas des lois réglementaires, des règlements de
police, dont nous avons besoin pour faire revivre notre pêche de mer ; au
contraire, ces règlements ne pourront y porter que des entraves. Ce dont elle a
besoin, c’est de la prohibition à l’entrée du poisson étranger, du poisson qui
nous arrive en grande quantité de Hollande et qui vient totalement gâter notre
marché. Dans ce moment, nos pêcheurs sont tous rentrés de la pêche de la morue
; eh bien, il y a impossibilité de vendre un seul baril de ce poisson ; c’est
la même chose pour le poisson de marais, il nous est de même fourni par les
Hollandais ; informez-vous de ce qui se passe encore quotidiennement en face du
Doel ; vous apprendrez que les Hollandais y apportent
de fortes quantités de poissons qui se transbordent dans des bateaux soi-disant
de pêcheurs qui se rendent à Anvers et viennent à notre grand détriment fournir
nos marchés.
Le seul moyen donc pour améliorer notre pêche est
celui d’arrêter l’entrée du poisson hollandais, Il est assez étrange que le
gouvernement soit si complaisant pour un ennemi, qui ne néglige aucun moyen et
fait tout ce qui est en son pouvoir pour nous faire du mal. Je pense même que
si des mesures énergiques étaient employées contre l’entrée en Belgique des
produits hollandais, les arrangements que cette nation désire avec tant
d’ardeur pourraient plus tôt se conclure et forcer leur souverain à écouter les
justes plaintes du peuple qu’il gouverne.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je puis déclarer à la chambre que le
gouvernement s’occupe, en ce moment, de la question de la pêche maritime ; nous
espérons pouvoir présenter prochainement une loi qui complétera, avec le projet
déjà présenté sur les primes, tout ce qui concerne cette matière, en ce sens
qu’elle tendra à modifier convenablement le tarif des douanes en ce qui regarde
l’introduction du poisson de pêche étrangère. Nous espérons par là contribuer à
faire renaître cette industrie intéressante qui périclite en ce moment.
Je pense que cette déclaration satisfera à la
demande de M. Desmet. (Approbation.)
M. Gendebien. -
On se rappellera qu’à la fin de la session dernière, j’ai demandé une explication
sur le peu de faveur dont jouit notre navigation à l’étranger. J’ai cité comme
exemple les Etats-Unis. Le ministre des affaires étrangères avait promis de
s’occuper activement des justes réclamations du commerce. Les journaux ont
annonce dernièrement que le président des Etats-Unis, faisant droit à nos
réclamations, avait non seulement réglé pour l’avenir, mais encore avait
ordonné la restitution des sommes indûment perçues. Le commerce se plaint de ce
que le gouvernement n’a rien publié d’officiel à cet égard. Je prie M. le
ministre des affaires étrangères de vouloir bien nous dire si le commerce peut
regarder comme positif le fait que les journaux ont annoncé, et pourquoi il n’a
rien fait publier à cet égard.
M.
le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je crois
avoir déclaré à la chambre dans une autre circonstance que le président des
Etats-Unis, sur nos réclamations, avait proposé aux chambres législatives un
projet de loi relatif à cet objet ; le projet a été présenté en effet. D’après
ses dispositions, nous devons être traités par les Etats-Unis sur le même pied
où nous étions en vertu du traité conclu entre les Etats de l’Union et l’ancien
royaume des Pays-Bas. En outre, le projet de loi avait pour objet de faire
restituer au propriétaire de l’Antonius les droits perçus sur ce navire.
Depuis lors, nous avons reçu des dépêches du
ministre résident dans ce pays ; elles nous annoncent que la session a été
close avant que les chambres législatives aient pu s’occuper de ce projet.
D’un autre côté, nous avons reçu de notre consul à
New-York une lettre d’après laquelle le président des Etats-Unis aurait pris
sur lui d’assimiler notre navigation à celle de
Comme ces renseignements ne s’accordent pas entre
eux, nous n’avons pas osé prendre sur nous de faire aucune publication. Nous
avons cru convenable (c’est dans ce sens qu’il a été répondu à toutes les
personnes qui se sont présentées aux affaires étrangères) d’attendre des
nouvelles plus certaines. Ces nouvelles nous les avons réclamées ; jusqu’à
présent nous ne les avons pas reçues. Dès que nous saurons quelque chose de
certain, nous nous empresserons de le publier.
M.
Gendebien. - Je remercie le ministre des affaires étrangères de ses
explications ; mais je regrette qu’elles ne soient pas plus complètes.
Je crois, que c’est au mois de juillet dernier que
des mesures ont été prises au sujet de la restitution des droits qui avaient
été perçus d’un navigateur belge, à un taux plus élevé que celui existant à
l’égard de la navigation hollandaise. Le ministre a donc eu tout le temps de
recevoir des communications ou de prendre des informations.
Si le président des Etats-Unis s’est cru
suffisamment autorise à ordonner cette restitution, c’est qu’il a reconnu que
la perception de ces droits ne devait plus avoir lieu à l’avenir. Cette
conséquence me paraît logique et incontestable.
J’insiste donc pour que le commerce ait au plus tôt
ses apaisements à cet égard. Je désire que le ministre sache au juste et sans
retard ce qui a été fait.
C’est par négligence que nous ne savons pas ce qui
s’est fait. Déjà on a restitué des droits ; on en doit conclure qu’il y a eu
une résolution prise qui a autorisé le président à faire cette restitution. Je
désire et je demande que l’on s’occupe au ministère des affaires étrangères des
intérêts de notre commerce ; car c’est le seul moyen de tirer parti de ce
ministère.
M.
le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je ne pense
pas que notre agent ait commis de négligence. Toutefois, je ne sais pourquoi je
n’ai pas reçu de lettre confirmative de ce qui a été résolu et fait à New-York.
Il est vrai que des retards peuvent être le résultat de circonstances imprévues
et indépendantes de la volonté de notre agent. Quoi qu’il en soit, nous avons
écrit depuis, et j’espère que nous recevrons une réponse à cette dernière
lettre ; alors nous saurons ce qui a eu lieu à cet égard. Nous n’avons pas cru
devoir publier la lettre de l’agent de New-York parce qu’elle était en
contradiction avec celle de notre agent : ce dernier nous mandait que le projet
n’avait pas pu être converti en loi par le congrès et qu’il n’y avait rien de
définitif.
M. Dumortier. - Il est encore un point digne de
fixer votre attention c’est la construction des navires en Belgique. Il
faudrait que la législature fît une bonne loi sur cette matière, afin de nous
assurer que nous aurons une marine nationale.
La pêche n’est pas moins digne de nos soins ; et,
comme je vous l’ai déjà dit, la pêche est l’agriculture de la mer. C’est une
source de richesses immenses pour les populations. Mais, pour pêcher, il faut
deux choses : il faut premièrement des lois protectrices de cette industrie, et
une loi pour la construction des navires. Ces lois manquent. Aussi qu’est-il
arrivé ? Nos navires ont émigré à l’étranger.
Messieurs, je crois qu’il faut mettre un mot sur ce
point dans notre réponse, encore que le discours du trône n’en ait rien dit.
Nous avons une grande prospérité industrielle en
Belgique ; mais cette prospérité amènera une fabrication qui dépassera les
besoins du pays ; une exportation de nos produits sera donc nécessaire ; mais,
pour exporter, il faudra une marine ; or, pour avoir une marine, il faut une
pêche nationale.
Je proposerai d’ajouter au paragraphe ces mots : «
La pêche, la navigation seront l’objet de nos soins particuliers. »
M. Smits. -
J’appuierai volontiers les observations présentées par M. Dumortier. Toutefois je ferai remarquer que le gouvernement a
pris l’initiative sur deux des branches de prospérité dont en vient de parler.
Il a, en effet, présenté un projet de loi sur la pêche nationale, et un projet
pour l’encouragement des exportations maritimes. Un rapport a été fait pour
l’un de ces projets, et je demanderai qu’il soit mis à l’ordre du jour
immédiatement après la loi concernant le traitement des vicaires. Il résulte de
ce que je viens d’avoir l’honneur de vous exposer, que le gouvernement a fait
son devoir ; et c’est uniquement ce que je voulais faire remarquer.
M. Gendebien. -
A propos de pêche j’ai une interpellation à faire à M. le ministre des affaires
étrangères.
J’ai vu dans les journaux que les pêcheurs belges
sont inquiétés dans l’Escaut ; que le gouvernement hollandais en a arrêté
plusieurs qu’il tient en prison. Je demanderai que l’on donne des explications
sur cette conduite tout à fait extraordinaire de
M.
le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je ne sais
pas de quoi il s’agit.
M. Gendebien. -
Je dis que les journaux ont annoncé que des pêcheurs belges ont été pris dans
l’Escaut par les Hollandais et mis en prison ; si cela est vrai, j’espère qu’on
fera les démarches nécessaires pour les faire mettre en liberté, et qu’on
prendra des mesures pour qu’à l’avenir de semblables faits ne se renouvellent
pas.
M. le ministre des
affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je n’ai vu au ministère
aucune réclamation sur ces faits.
M.
Gendebien. - Il y a sept à huit jours que les faits se sont passés,
s’il faut en croire les journaux.
M.
A. Rodenbach. - Tous les journaux, et notamment ceux des Flandres, ont
annoncé que des pêcheurs belges ont été mis en prison en Hollande. Il sera sans
doute difficile de les en faire sortir ; mais avec de l’énergie nous pouvons
mettre un terme à de pareils excès ; usons de représailles et montrons à nos
ennemis que nous ne les craignons pas.
Un honorable député d’Anvers a parlé de deux
projets de loi, sur la pêche et sur les exportations maritimes présentés par le
gouvernement ; mais le ministre des finances vient de parler d’un projet qui
réunirait ces deux lois. Pour atteindre le but désirable, un nouveau tarif est
nécessaire. Maintenant les pêcheurs vont en France, à Dunkerque, et là ils se
livrent à l’importante pêche de la morue. Cependant nous avons trois ou quatre
ports très favorables à la pêche ; il est donc urgent de faire en sorte que nos
pêcheurs ne soient pas obligés de s’expatrier, et que le poisson hollandais ne
soit plus introduit à Anvers sous le titre de poisson belge. Il faut prohiber
le poisson de
M.
le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je ne sais
pas à quel port appartiennent les pêcheurs que l’on dit avoir été arrêtés. Je
demande des renseignements ; les députés d’Ostende et d’Anvers n’en ont aucun à
me communiquer. Il m’en faudrait de précis à cet égard.
M. Desmet. -
Messieurs, il paraît que les bateliers qui ont été arrêtés et conduits dans les
prisons de Tergoes, comme les journaux l’ont
rapporté, n’étaient réellement pas des pêcheurs, mais des bateliers d’Anvers
qui se dirigeaient vers le Doel pour chercher du
poisson hollandais, et qui, en passant à Lillo, s’étaient rapprochés trop près
de la station hollandaise qui couvre les deux forts de Lillo et de
Liefkenshoek. J’ignore s’il y a une ligne fixée, laquelle nos bateliers ne
peuvent franchir ; mais, en tous cas, je dois aussi engager M. le ministre à
prendre des informations pour s’assurer si le fait est vrai de quelle manière
cette voie de fait a eu lieu, et si ces malheureux Belges se trouvent
réellement dans les prisons hollandaises.
M.
Gendebien. - Je prie M. le ministre des affaires étrangères de prendre
des informations sur le fait que nous avons allégué ; ce fait est grave
puisqu’il s’agit de privation de la liberté de plusieurs Belges.
M. le ministre des
affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je ne sais comment prendre
ces informations. Tous ceux auxquels je m’adressent ne peuvent me rien dire de
précis.
M. Gendebien. -
Ce sont des pêcheurs de Kieldrecht qui ont été
conduits dans la prison de Tergoes. Voilà les
renseignements que j’ai recueillis dans tous les journaux du pays.
M. de Jaegher.
- Je voudrais que l’on dît au paragraphe septième :
« Nous espérons, Sire, que les efforts du
gouvernement parviendront à étendre au-dehors des relations commerciales basées
sur une équitable réciprocité. »
Ces mots : « au-dehors » valent mieux que
ceux du projet : « entre les nations. »
- L’amendement présenté par M. de Jaegher est
adopté.
L’amendement de M. Dumortier, mis aux voix, est
adopté.
Le paragraphe 7 ainsi modifié est également adopté.
Huitième paragraphe
« L’exploitation de nos houillères, un moment
ralentie après la révolution, a repris une puissante activité. La loi sur les
mines, que nous avons à parfaire, en provoquant une plus large concurrence,
fournira un nouvel aliment à la consommation sans cesse croissante. »
M. de Jaegher.
- Je crois, messieurs, qu’il y a dans ce paragraphe une inversion qu’il faut
éviter, et qu’au lieu de dire « en provoquant une plus large concurrence,
fournira, etc., » il conviendrait de mettre : « fournira, en
provoquant une plus large concurrence, un nouvel aliment, etc. »
- Le paragraphe ainsi modifié est adopté.
Neuvième paragraphe
« La nation n’a pas oublié, Sire, qu’elle a
toujours dû une grande part de sa prospérité à sa riche agriculture, et avec
Votre Majesté elle remercie la providence d’avoir accordé une récolte abondante
aux vœux du cultivateur. »
- Adopté.
Dixième paragraphe
« Notre système de communications et le développement
qu’il reçoit, pourrait faire honneur à des nations plus vieilles en
organisation que la nôtre. La haute entreprise du chemin de fer, la confection
des routes ordinaires que la rivalité heureuse et féconde entre les provinces
fait entreprendre, et l’amélioration et l’extension des voies navigables,
permettront à
M. Donny. -
Messieurs, c’est avec la plus grande surprise que j’ai vu dans le discours du
trône que les travaux du chemin de fer se poursuivent avec activité. En jugeant
de ces travaux par ce qui se passe dans ma province, je m’étais figuré que
depuis que la route d’Anvers à Bruxelles est achevée, on ne travaillait plus
aux autres sections qu’avec une déplorable lenteur.
Comme député de la nation, j’ai été agréablement
détrompé en apprenant par le discours de la couronne que, partout ailleurs que
dans les Flandres et le Hainaut, les travaux sont poussés avec vigueur.
Mais, comme député des Flandres, je dois demander à
M. le ministre de l’intérieur quel peut être le motif qui le détermine à
négliger pour ainsi dire complètement l’embranchement de ces provinces pour
concentrer toute son activité sur les autres sections.
La section de Malines à Termonde qui devait, vous
le savez, messieurs, être terminée vers le milieu de l’été dernier, ne l’est
pas encore et ne le sera peut-être que pour le milieu ou même pour la fin de
l’été prochain.
La section de Termonde à
Gand ne marche pas avec beaucoup plus d’activité, et l’on ne peut encore
conjecturer pour quelle époque les travaux seront terminés.
La section de Gand vers Bruges vient seulement
d’être adjugée, il y a fort peu de temps, et ce qui est surprenant, c’est qu’à
l’époque de cette adjudication, déjà si tardive, le tracé définitif de la route
n’était pas encore arrêté ; j’ignore s’il l’est même encore aujourd’hui ; mais
s’il l’est, ce n’est certainement que depuis fort peu de temps.
Quant à la section de Bruges à Ostende, dont les
travaux auraient, en bonne justice, dû commencer en même temps que ceux
d’Anvers à Malines, celle-là n’est pas encore adjugée, et l’on ne peut prévoir
quand elle pourra l’être, car il paraît que jusqu’ici on ne s’est pas encore
occupé sérieusement d’en arrêter le tracé définitif.
Je le répète donc, parce que la chose est de toute
vérité, quoi qu’en dise le discours du trône, les travaux du chemin de fer dans
les Flandres marchent avec une déplorable lenteur.
Le gouvernement peut m’en croire : s’il tient à ce
que les habitants des Flandres croient à son impartialité et à sa volonté de
protéger leurs intérêts à l’égal des intérêts de toutes les autres parties du
royaume indistinctement, il est plus que temps qu’il s’occupe enfin
sérieusement de l’embranchement des Flandres et y fasse travailler d’une
manière active, et non pas d’une manière dérisoire, comme il l’a fait
jusqu’ici.
M. Desmet. -
Messieurs, nous devons reconnaître que depuis la révolution de septembre
beaucoup de travaux publics, très utiles, ont été exécutés dans le pays, et
qu’à cet égard
Les fonds sont votés, les terrains sur lesquels les
rails des sections de Termonde à Ostende doivent être placés, sont plats et ne
présentent aucune difficulté, ni n’obligent à aucun remblais ni déblais ; il
est donc très étrange pourquoi les travaux n’avancent presque pas.
Peut-être qu’on nous dira que les deux ingénieurs
qui ont la direction exclusive des travaux des chemins de fer, ne peuvent se
trouver sur toute la ligne et surveiller les travaux qui s’exécutent dans les
différentes provinces ; mais je demanderai si notre direction des ponts et
chaussées est si mal fournie en capacités, qu’il n’y a que les ingénieurs Deridder et Simon qui sachent diriger les travaux d’un
chemin de fer ; mais tout le monde sait le contraire, et il est de fait que
nous avons beaucoup d’excellents ingénieurs civils qui pourront, aussi bien que
les deux ingénieurs spéciaux, diriger ces travaux. C’est donc une chose
incompréhensible que M. le ministre ne veuille employer aux chemins de fer les
autres ingénieurs ; je voudrais bien qu’il nous en fît connaître les motifs.
Nous avons vu que pendant cet été un haut
fonctionnaire des ponts et chaussées a prêté ses soins et dirigé à peu près
comme conducteur les travaux de dévasement d’un canal, qu’exécutait
l’administration municipale d’une ville du royaume ; ce n’est pas que je
veuille critiquer le zèle que ce fonctionnaire a montré pour cette ville, mais
cependant il me semble que quand les travaux de l’Etat sont en souffrance, il
est du devoir des fonctionnaires des ponts et chaussées de soigner ceux-ci
avant de s’occuper de ceux d’une ville qui doit avoir ses employés propres.
Il n’y a que quelques jours que, sur le canal
d’Alost à Termonde, on vient encore d’avoir un témoignage du peu d’ordre et de
la grande négligence qui règnent dans les travaux d’exécution du chemin de fer
; on a choisi les derniers jours d’octobre pour baisser les eaux de ce canal
afin de pouvoir jeter les fondements des culées d’un pont qui doit servir de
passage au chemin sur ce canal ; vous devez avouer que l’époque de l’année est
on ne peut pas plus mal choisie ; la saison est souvent pluvieuse, et les jours
sont tellement courts, qu’on ne peut travailler que peu d’heures pendant la
journée et que les travaux ne peuvent avancer qu’avec une grande lenteur.
Aussi, au lieu que le travail de ces fondements eût été terminé en 15 jours ou
3 semaines, on a eu besoin d’environ 6 semaines, et tenir basses les eaux aussi
longtemps, et comme vous sentez, au grand détriment de la navigation, du
commerce et des usines qui se trouvent au bord du canal et de
Comme la section de ce chemin de Termonde à Ostende
présente tant de facilité pour son exécution, que les terrains sont tous
sablonneux et très plats, qu’il n’y a aucun mouvement de terrain à faire, qu’il
y a grande facilité à faire arriver en toute saison les matériaux nécessaires,
il nous semble qu’on peut faire continuer ces travaux pendant toute la saison
d’hiver. Ce sera un moyen de procurer du travail à la classe ouvrière qui en
manque souvent pendant cette saison, et comme nous l’avons vu il y a quelques
jours, par l’exposé de M. le ministre des finances, que le chemin de fer donne
un si grand revenu au trésor ; le gouvernement ne peut de même être que très
intéressé à ce que les diverses sections du chemin s’achèvent le plus tôt
possible, Il y a lieu d’espérer que l’honorable ministre de l’intérieur aura de
même quelque égard à ces considérations et qu’il ordonnera que les travaux de
la section de Termonde à Ostende soient mis en adjudication le plus tôt
possible, et qu’on les entame sans retard sur toute l’étendue ; ce serait tout
à fait contre l’intérêt du pays et au détriment du trésor que les sections des
Flandres devraient dépendre de l’avancement des travaux vers l’Allemagne.
On ne conçoit même pas quels en seraient les
motifs, car l’achèvement du chemin de fer entre Malines et Ostende ne peut
faire aucun tort aux villes de Liége et de Verviers : pourquoi devrait-on
priver le pays des avantages de cette partie achevée qui est très importante
puisqu’elle ouvre un chemin de fer vers la mer et vers l’Angleterre ?
Messieurs, je dois encore
signaler et attirer l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur un ouvrage
important de l’état qui est en souffrance ; je veux parler de la jetée et des
autres travaux qui doivent se faire au port d’Ostende. Vous avez, messieurs,
voté toutes les années de fortes sommes pour les travaux nécessaires et très
urgents de ce port de mer. Eh bien ! on ne voit aucun avancement dans ces
ouvrages, et pendant cette année on peut dire qu’on n’y a rien fait. On
répondra que ce n’est pas la faute de la direction des ponts et chaussées, que
ce n’est pas aux ingénieurs qu’on doit faire le reproche de négligence, mais
que c’est la faute des entrepreneurs.
Nous croyons bien que c’est la faute des
entrepreneurs ; mais pour un ouvrage si important, et qui requiert tant d’urgence,
le devoir des ingénieurs n’est-il point d’exécuter les conditions du cahier de
charge et de faire les travaux d’office ? Un tel exemple une fois donné, on ne
verrait pas tant d’entreprises faites à la légère et par des personnes qui
n’ont ni les moyens ni les capacités pour les entreprendre. Il nous semble que
les travaux à faire au port d’Ostende sont d’une telle importance, que le
gouvernement devrait tenir sur le lieu même et en permanence un ingénieur
spécial jusqu’à ce qu’ils soient entièrement achevés…
C’est surtout nécessaire
d’avoir un ingénieur spécial pour le port parce qu’il paraît constant que ce
port est dans ce moment négligé ; on en a encore eu un exemple il n’y a guère
longtemps : un pieu, dont la tête se pourrissait, avait été scié, et on n’avait
pas eu le soin de le scier à profondeur suffisant, un navire chargé, arrivant
dans le port, a couru dessus et s’est fait une telle ouverture, qu’une voie
d’eau s’y est pratiquée, qui a causé une perte d’au-delà de 100,000 à la
cargaison qu’il contenait ; tout le monde se demandait si le gouvernement
n’était pas tenu à dédommager une perte, qui avait eu lieu par la propre faute
de l’ingénieur du gouvernement. Il y a encore un autre point que je signale à
l’attention de M. le ministre de l'intérieur, c’est la négligence qu’on met à
faire manœuvrer les écluses de chasse : il paraît qu’on ne fait jouer que la
petite, nommée
M. de Puydt. -
J’ai à vous proposer, messieurs, un léger changement au paragraphe que nous
discutons en ce moment. Au lieu de dire : « La haute entreprise du chemin
de chemin, » qu’on dît : « Les entreprises des chemins de fer. »
Remarquez, messieurs, et l’adresse elle-même le reconnaît, que le grand
développement industriel, qui promet une si haute prospérité à
M. Demonceau. -
Je viens aussi me plaindre, messieurs, du défaut d’activité qui règne dans les
travaux du chemin de fer, et surtout dans la direction de Liége vers la
frontière prussienne. A entendre deux de nos honorables collègues des Flandres,
on travaillerait avec la plus grande activité partout ailleurs que dans les
Flandres et le Hainaut.
Pour moi, je déclare qu’on ne travaille pas du tout
du côté de Verviers ; et cependant je pense, et MM. les ingénieurs en sont même
probablement convaincus, qu’il n’y a pas une partie de route plus difficile à
faire que celle qui liera Liége à Verviers et cette ville à la frontière
prussienne ; j’élève en ce moment des réclamations parce qu’il est de la dernière
importance pour l’industrie en général et celle de Verviers en particulier, de
voir l’achèvement du chemin de fer.
Vous le savez, messieurs, les houilles ont subi une
hausse considérable, et si par la communication du chemin de fer on pouvait au
moins économiser dans les transports (car toutes les houilles doivent venir de
Liége et des environs), il y aurait moyen par là d’améliorer la position de nos
industriels.
Je ne fais pas un crime aux ingénieurs de ce que
les travaux n’avancent pas avec plus de rapidité ; je sais qu’ils font tout ce
qui dépend d’eux. Mais il me semble qu’il est impossible que deux hommes,
malgré la meilleure volonté du monde, puissent arriver à un résultat tel que
nous devons le désirer.
Je fais donc ici des vœux, pour qu’on s’occupe avec
plus d’activité de la partie de la route qui doit lier Liège et Verviers à la
frontière prussienne ; car je suis persuadé que cette route ne sera pas de
longtemps achevée, si les travaux se continuent avec la même lenteur
qu’aujourd’hui ; je crains même de voir achever toute la partie d’ici à Liége
avant qu’il ne s’agisse de mettre en adjudication celle de Liége à la frontière
de Prusse : il est cependant de l’intérêt du trésor et de tout le pays
d’atteindre le plus tôt possible cette frontière.
Je saisis donc cette
occasion pour engager le gouvernement à s’expliquer sur ma réclamation, et
j’ose espérer qu’il reconnaîtra que les plaintes qui s’élèvent de toute part
dans le district qui m’a fait l’honneur de m’appeler à siéger ici ont certain
fondement.
Le gouvernement nous dit que la charge de l’emprunt
contracté pour la continuation du chemin de fer pèse en entier sur le trésor
sans qu’il jouisse de tous les bénéfices à provenir de cette voie de
communication, Il est un moyen facile, selon moi, de faire cesser cet état de
choses, c’est de travailler à achever cette route le plus tôt possible,
aujourd’hui surtout que l’argent ne manque pas ; et, dans mon opinion, elle ne
sera réellement productive et avantageuse au pays que lorsqu’elle aura atteint la
frontière prussienne : alors vous verrez bientôt (j’en ai la conviction) les
industriels prussiens, secondés par leur gouvernement, s’entendre pour la
continuer jusqu’à Cologne.
Je borne là mes observations pour le moment, et
j’attends une explication des organes du gouvernement.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, je m’étonne de
l’empressement que témoignent quelques députés d’obtenir l’exécution des
travaux du chemin de fer dans leurs localités ; je prierai la chambre de porter
son attention sur plusieurs points qui sans doute lui donneront un complet
apaisement.
Le chemin de fer devait être commencé par la
capitale (c’est ainsi qu’on l’avait décidé), pour aboutir à Anvers. Pendant
qu’on a exécuté ces travaux, on s’est occupé également de la section de Louvain
à Tirlemont, et ensuite de celle de Tirlemont à Liége, attendu que ces sections
exigeaient des travaux plus longs ; on a aussi adjugé successivement la section
de Malines à Termonde, celle de Termonde à Gand puis celle de Malines à
Louvain, et enfin celle de Gand à Bruges : de cette manière les diverses
provinces se trouveront presque simultanément dotées des avantages du chemin de
fer.
Un honorable député d’Ostende a dit que jusqu’à
présent le tracé du chemin de fer de Gand à Bruges n’est pas arrêté ; c’est là,
messieurs, une grave erreur ; les terrains sur lesquels la route doit passer
entre ces deux villes sont presque entièrement acquis ; et, par cette
acquisition préalable, les travaux de cette section marcheront avec d’autant
plus de vitesse.
L’étude du tracé du chemin
de fer entre Bruges et Ostende se poursuit également avec activité ; et dès
qu’elle sera complète, on procédera à l’adjudication des travaux ; de telle
manière qu’on arrivera probablement à Ostende avant d’arriver à Verviers, ou au
moins en même temps car, comme l’a dit un honorable membre, il n’y a pas de
section du chemin de fer plus difficile à faire que celle de Verviers.
Messieurs, le zèle des ingénieurs ne s’est nullement
ralenti dans l’étude de la route de Liège à Verviers ; mais cette étude
présentait de très grandes difficultés. La question du plan incliné aux
environs de Liège, la traversée du bassin de Liège et la direction sinueuse
entre Liége et Verviers, présentaient de grands obstacles ; au surplus, j’ai la
satisfaction de pouvoir vous annoncer que depuis peu de jours j’ai obtenu une
partie des plans qui doivent servir à l’expropriation des terrains pour la
section de Verviers.
Nous venons de mettre en
adjudication la section de Bruxelles à Tubize et de cette manière le Hainaut se
verra aussi prochainement doté de son embranchement.
On a demandé pourquoi les travaux déjà entamés
n’avaient pas été confiés à la direction des divers ingénieurs en chef ; mais,
messieurs, pour peu qu’on connaisse ce que c’est que l’exécution des travaux du
chemin de fer, on comprend très facilement combien il était nécessaire qu’il y
eût unité de pensée dans la direction des travaux de la ligne principale ;
j’ajouterai que la décision prise sur les stations aux abords d’une ville sert
souvent de précédent pour les stations d’autres villes, et que l’expérience
qu’on acquiert dans ces sortes de questions en facilite la solution. Mais il
est à remarquer que les deux ingénieurs du chemin de fer ont des subordonnés
qui sont spécialement chargés de la conduite des travaux, tandis qu’eux
s’occupent des questions les plus importantes.
Pour moi, messieurs, j’ai examiné la marche des
travaux qui se font pour le chemin de fer, et je ne puis m’empêcher de déclarer
ici que j’ai remarqué beaucoup d’activité dans les travaux, quoi qu’on en dise.
M.
Dechamps, rapporteur. - Messieurs, vous voyez que tous les membres de
cette chambre sont loin d’être d’accord avec M. le ministre de l’intérieur sur
l’article des travaux du chemin de fer. La chambre s’est sans doute aperçue que
la rédaction du paragraphe dans le projet de la commission diffère de la
rédaction du paragraphe correspondant dans le discours du trône. Le projet de la
commission mentionne simplement « la haute entreprise du chemin de
fer, » sans s’expliquer sur la marche des travaux. Ainsi, messieurs, je
pense que la chambre ne peut mieux faire que d’adopter la rédaction du projet,
telle qu’elle vous est proposée, sauf toutefois la modification présentée par
M. de Puydt, et à laquelle, pour ma part, j’adhère bien volontiers.
M. A. Rodenbach.
- Vous savez, messieurs, qu’entre Gand et Lille il règne un immense mouvement commercial
; qu’il se fait annuellement entre ces deux villes pour plusieurs millions
d’affaire ; le chemin de fer qui joindrait ces villes offrirait donc des
avantages considérables aux concessionnaires, de même qu’au gouvernement.
Vous n’ignorez pas, messieurs, que les Flandres
avaient conçu le projet d’un chemin de fer de Gand jusqu’à la frontière
française ; toutefois, un amendement du sénat est venu entraver l’exécution de
ce projet ; sans cette entrave, peut-être on aurait déjà pu, au moyen d’une concession,
entreprendre les travaux de ce chemin de fer ; et le mouvement commercial déjà
si grand entre Gand et Lille, aurait pris plus d’extension encore. Je pourrais
citer de nombreux exemples ; je me bornerai à rappeler celui de Manchester et
de Liverpool : les affaires entre ces deux places, depuis l’érection d’un
chemin de fer, ont été triplées.
Je prie donc instamment M. le ministre de
l’intérieur de nous présenter un projet de loi, tendant à autoriser la création
d’une route en fer entre Gand et Lille ; et nous déciderons alors si
l’entreprise doit se faire aux frais de l’Etat, ou par voie de concession.
M. Donny. - M. le
ministre de l’intérieur vient en me répondant, de faire une déclaration qui,
j’en suis sûr, fera une impression pénible dans les Flandres : il a dit que la
section du chemin de fer vers Ostende serait terminée en même temps que celle
de Verviers ; or, celle-ci est une des plus difficiles et ne sera terminée que
dans plusieurs années d’ici, tandis que l’embranchement des Flandres est d’une
construction extraordinairement facile et peut être terminée promptement, si
l’on y met un peu de bonne volonté, Là, nulle difficulté, le terrain s’y trouve
pour ainsi dire de niveau d’un bout à l’autre, et d’ailleurs il n’y a qu’un
petit nombre de travaux d’art à exécuter. Une autre différence entre ces deux
sections, c’est que celle de Verviers ne peut être productive qu’autant qu’elle
soit liée aux autres sections ; jusque-là, elle ne peut être d’aucun rapport
tant soit peu considérable, tandis que l’embranchement pour les Flandres
donnera un produit notable aussitôt qu’il sera achevé.
J’espère donc que ce n’est que par erreur que le
ministre a fait une déclaration aussi peu faite pour me tranquilliser, et
qu’avant la fin de la discussion, il fixera à une époque plus rapprochée
l’achèvement de l’embranchement des Flandres.
Des
membres. - A lundi ! à lundi !
- La séance est
levée à 5 heures.