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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du mardi 22 décembre 1835
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre, notamment pétitions relatives à l’impôt des
distilleries (Jullien)
2) Projet
de loi relatif à la surveillance des condamnés libérés
3) Projet de loi portant le budget des voies et moyens pour l’exercice
1836. Discussion des articles. Législation sur les poids et mesures
(introduction du système métrique) (A. Rodenbach, Jullien, d’Huart, Pirmez,
Mast de Vries, A. Rodenbach, Desmet, Gendebien, d’Huart, Jullien, d’Huart,
Demonceau, Lebeau, d’Huart, de Muelenaere, Demonceau), droit d’enregistrement sur la vente des bois
(Seron, d’Huart, Gendebien, Seron, Seron,
Jadot, Jullien, de Theux, Seron), impôt des
distilleries (Jadot, d’Huart),
droit d’enregistrement sur la vente des bois (Gendebien),
comptabilité militaire : 1° vente de biens de l’armée (Evain,
Jadot, Jullien, A. Rodenbach, Jullien, d’Huart, Gendebien, Jadot, Evain) et 2° recouvrement des
avances pour masse d’habillement ((+réplique aux attaques personnelles sur sa
gestion) Evain, Jadot, Evain, A. Rodenbach, Jadot, d’Huart, Evain,
Jadot, de Muelenaere, Dechamps, Dubus, Evain,
de Muelenaere, (+cour des comptes) d’Huart), produit des diplômes d’examen universitaire (Devaux, d’Huart), produit des
brevets d’invention (Gendebien, de
Theux, Legrelle, Gendebien,
de Theux), aliénations du domaine public (calamine de Moresnet, Cockerill à Seraing, charbonnage de Kerkrade) (Gendebien, d’Huart, Lardinois)
4) Fixation de l’ordre des travaux de la chambre, notamment situation de
la société générale vis-à-vis du trésor public (d’Huart),
crédits provisoires pour le budget du département de la guerre (Evain)
(Moniteur
belge n°359, du 24 décembre 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
La séance est ouverte à 11 heures et demie.
M. Verdussen
procède à l’appel nominal.
M. Schaetzen lit le procès-verbal de la séance
précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Verdussen
donne connaissance des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Le sieur Willems, saunier, propose diverses
modifications à la loi sur les sels. »
________________
« Les distillateurs de la commune de Hermalle-sous-Argenteau (Liége)
demandent que la chambre adopte la disposition concernant les distilleries,
proposée dans le budget des voies et moyens. »
« Le
sieur J.-B. Deville, déclare se joindre aux distillateurs de Bruxelles et de Genappes, et prie la chambre de ne pas adopter le projet du
ministre des finances, tendant à augmenter les droits et à établir un nouvel
impôt sur les chaudières, cuves de réunion, etc., etc. »
________________
« Le
sieur J.-B. Verraert, docteur en lettres et philosophie,
se présente comme candidat au jury d’examen pour la faculté des lettres et de
philosophie. »
________________
M. Jullien. - La
pétition du sieur Deville se rattache à l’objet en discussion, et comme elle
est très courte, je voudrais qu’on en donnât lecture à la chambre.
M. le président. -
Il y a encore une autre pétition relative aux distilleries ; puis il y a la
pétition du sieur Verraert qui demande à être
candidat au jury d’examen.
M. Jullien. - Je
demande que cette pétition soit déposée sur le bureau, et qu’on ajoute le nom
du pétitionnaire à la liste qui sera présentée par M. le ministre de
l’intérieur.
M. Verdussen
donne lecture de la pétition du sieur Deville sur les distilleries.
PROJET DE LOI RELATIF A LA SURVEILLANCE DES CONDAMNES LIBERES
M. le ministre de la justice
(M. Ernst) présente un projet de loi relatif à la surveillance des
condamnés libérés.
- Il est donné acte au ministre de la présentation
du projet dont l’impression est ordonnée.
M. le ministre de la justice
(M. Ernst). - Le projet a pour but de remplacer les articles du code
pénal concernant la surveillance des condamnés ; ce code les met sous la
surveillance de la haute police.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DES VOIES ET MOYENS POUR L’EXERCICE 1836
Discussion des articles
Contributions directes, douanes, accises, poids et mesures, garantie
Garantie
M. le président. -
Nous en sommes à l’article « garantie. »
« Garantie.
« Droits de marque des matières d’or et
d’argent : fr. 150,000. »
- Adopté sans discussion.
Poids et mesures
« Droit de poinçonnage des poids et mesures, fr.
120,000. »
M. A. Rodenbach.
- Messieurs, l’introduction du système métrique dans nos contrées a été
l’occasion de nombreuses vexations. Dernièrement, à Bruxelles, la vérification
des mesures a occasionné 700 procès-verbaux ; on en a fait à peu près une
centaine à Gand. Jamais les mallotiers de Napoléon et
de Guillaume n’ont vexé les boutiquiers comme on l’a fait il y a deux mois.
Est-il bien dans l’intérêt
du pays que l’on verbalise ainsi ? Les vérificateurs ont la moitié des amendes,
et vous devez comprendre par là quel zèle et quelle adresse ils déploient pour
trouver des contraventions. Je suis partisan du nouveau système des poids et
mesures ; je crois qu’il peut être très bon pour les marchands en gros ; mais
je crois qu’il n’est pas aussi utile aux détaillants ; une expérience de 25
années a prouvé que le système s’applique mal aux petites opérations des
débitants. En France on n’a pas pu l’exécuter : aussi, par décret du 12
frimaire an XII, on a permis de diviser le kilog. par moitié, quart, etc., ou par quarterons et par onces.
Depuis cette division on ne verbalise plus en France. Ici malheureusement on
verbalise par trop ; on fatigue les boutiquiers ; on met en émoi la population.
Il y a deux mois, dans Bruxelles, à entendre les clameurs du peuple dans les
rues, on aurait cru être en révolution. Par amour pour la science, il ne faut
pas froisser les particuliers. Si le pays peut prospérer sans cela, pourquoi
implanter forcément un système qui n’est pas dans nos mœurs ? Le gouvernement
n’y gagne rien ; il se dépopularise, et voilà tout.
On m’a remis un poids français ; et l’on m’a envoyé
un ouvrage qui contient toutes les dispositions législatives françaises sur les
poids et mesures ; j’ai montré le poids et l’ouvrage à un grand nombre de mes
collègues, à des ministres même, et tous ont compris qu’il serait utile
d’introduire chez nous les mêmes modifications au système métrique.
J’appellerai sur cet objet l’attention du
gouvernement. Puisque depuis 25 années, et malgré des procès-verbaux, des
amendes, des emprisonnements, on n’a pas pu faire entrer ce système dans nos
mœurs, je conclus de là qu’il ne faut pas persister.
M.
Jullien. - J’appuierai les observations qui viennent de vous être présentées
par l’honorable préopinant, et je crois que, bien éclairée sur ce point, ce que
la chambre aurait à faire de mieux, ce serait de supprimer cet impôt. De tous
les impôts qui chargent le peuple, il n’en est pas un seul qui présente plus
d’arbitraire et qui ait moins de motifs que celui-là pour être établi : il est
de principe qu’un impôt quelconque frappe sur une matière imposable, sur un
revenu, sur un profit de contribuables ; mais ici on fait payer un droit de
poinçonnage au débitant, à cause de la vérification de ces mesures ; mais aucun
profit ne résulte pour lui de cette vérification. Pour exécuter les lois sur
les poids et mesures, on envoie un agent du fisc dans les boutiques ; il frappe
d’un poinçon un poids, ou il met un plomb aux verres ; et on fait payer une
rétribution de deux francs, quatre francs aux malheureux boutiquiers qui ont
quelquefois de la peine à vivre. Que l’on fasse payer le plomb que met le
vérificateur je le conçois ; mais que l’on fasse payer sa peine, voila ce qui
ne se conçoit pas, et ce qui dépasse tous les principes reçus en matière
d’impôt.
Dans le district de Bruxelles, il y a eu 700
procès-verbaux, et par conséquent il y aura autant de jugements de
condamnation, quoique les juges gémissent d’être obligés d’appliquer la loi. On
prononce des amendes de dix florins contre de petits boutiquiers. Ainsi par
suite des 700 jugements il y aura 700 malédictions de 700 familles contre le
gouvernement. Si vous voulez que le système métrique, bienfait de notre époque,
s’infiltre dans les idées populaires, il faut s’y prendre d’une manière plus
paternelle ; ce n’est pas avec des poursuites correctionnelles que vous
obtiendrez des réformes. Les mesures fondées sur le système décimal, n’ayant
pas assez de subdivisions, il est presque impossible de s’en servir
aujourd’hui. J’appelle aussi sur cet objet l’attention du gouvernement. Je
désirerais également que les malheureux condamnés se pourvussent en révision
devant le gouvernement et qu’on leur fît remise des amendes pécuniaires prononcées
contre eux. Je ne sais pas ce qui se passe dans les autres provinces ; je crois
que la même chose a eu lieu à Gand et dans d’autres villes ; nous devons faire
attention à cet objet ; la classe pauvre mérite la bienveillance et la
protection de la législature.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Tout ce que les honorables membres viennent de
dire fait le procès à la loi concernant les poids et mesures ; en ce qui
concerne le gouvernement, il doit exécuter cette loi aussi longtemps qu’elle
existera. Le nombre des procès-verbaux qui ont été dressés contre des
détaillants pris en contravention est très grand, je l’avoue ; mais il ne
prouve autre chose sinon que l’on ne veut pas se soumettre à la loi.
On demande un autre système de division des poids,
on voudrait leur appliquer la division binaire, et partager, par exemple, le kilog. par moitié, quart, huitième
et seizième ; mais n’est-il pas évident que ces subdivisions rencontreraient
autant de difficultés que les subdivisions purement décimales, à l’égard de
ceux qui veulent obstinément s’en tenir aux anciens poids et aux anciennes
mesures ? Et, en effet, comme le poids des livres anciennes varie
dans chaque province et même dans chaque canton, il sera aussi difficile d’introduire
l’usage du kilogramme divisé par seizièmes que par grammes, puisque son poids
ne concordera pas mieux avec les anciennes livres et ses subdivisions par
onces.
Si on veut avoir en Belgique un système uniforme de
poids et mesures, il faut exécuter la loi sur la matière, mais il faut aussi
que toutes les administrations se donnent la main ; il importe surtout que les
administrations communales fassent enseigner par les maîtres d’école, aux
enfants, les principes du système métrique décimal. Ce système est, à mon avis,
le meilleur et le plus simple que l’on puisse former, et il serait un bienfait
pour la civilisation aux progrès de laquelle il coopérait si on en appréciait
les avantages.
M. Desmet. - Dans
un siècle ou deux !
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Si, au lieu de mettre de l’indifférence et
quelquefois même de la résistance à l’emploi des nouveaux poids et mesures, les
administrations communales cherchaient à en faire apprendre l’usage aux enfants
dans les écoles, il n’y aurait plus de contraventions et tout le monde
reconnaîtrait bientôt combien il est utile d’avoir des moyens uniformes de
mesurage et de pesage dans tout un pays : bientôt tout le monde sentirait
combien même il serait avantageux qu’il y eût dans toute l’Europe et le même
système monétaire et le même système des poids et mesures. Quoi qu’il en soit,
à moins de renoncer au système métrique il faut bien continuer d’exécuter la
loi.
Reste à savoir sil conviendrait de la modifier dans
le sens qu’indique M. Rodenbach ; cette question mérite un sérieux examen, et
pour mon compte je suis porté à croire que cette modification rencontrerait les
mêmes répugnances de la part des populations qui ne veulent pas changer des
habitudes invétérées.
M.
A. Rodenbach. - Mais l’expérience de
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - On a parlé de l’impôt que prélèvent les
vérificateurs des mesures ; cet impôt est très minime, il ne sert d’ailleurs
qu’à compléter les traitements et les frais de tournée auxquels ces agents ont
droit par suite d’une opération faite dans l’intérêt de tous.
L’honorable M. Jullien a engagé le gouvernement à
être indulgent envers les personnes condamnées pour contraventions à la loi sur
les poids et mesures. Messieurs, cette indulgence est dans les habitudes et les
mœurs du gouvernement belge : nos prédécesseurs, ainsi que nous, nous nous
sommes toujours empressés de présenter au Roi la remise des pénalités en faveur
des contrevenants qui paraissaient avoir été de bonne foi et n’avoir manqué aux
prescriptions de la loi que par suite d’ignorance, et non par obstination ;
aussi le nombre des grâces accordées en matière de poids et mesures est
considérable ; nous continuerons à user de la même modération.
M.
Pirmez. - Je suis de l’avis du ministre des finances ; il faut une
vérification des poids et mesures. Les frais de cette vérification sont payés
par les débitants ; qu’en résulte-t-il ? C’est que ces frais sont un supplément
ou droit de patente. Toutefois, tous ceux qui ont de l’expérience relativement
au débit des marchandises en détail, reconnaissent que le système métrique
décimal est impraticable ; le gouvernement français l’a reconnu lui-même. Il
faudrait absolument modifier la loi sur le système des poids et mesures. Si le
gouvernement ne présente pas une loi dans ce but, je proposerai à quelques
membres de la chambre de se réunir, afin de présenter un projet de lui tendant
à l’établissement des divisions métriques par moitié, quart, huitième.
M.
Mast de Vries. - Dans ma ville il y a une population de 14,000
habitants environ ; le vérificateur y vient une fois chaque année ; le
boutiquier soumet ses mesures au contrôleur, mais les mesures qui suffisent
dans les temps ordinaires ne sont pas assez nombreuses pour les kermesses :
aussi ces jours-là les vérificateurs ne manquent pas de venir dresser des
procès-verbaux à raison des mesures nouvelles que le débitant a dû se procurer,
et le malheureux débitant est obligé de consacrer les petits bénéfices qu’il a
faits un jour de fête, avec beaucoup de peine, à payer des amendes qui
profitent en partie au vérificateur.
On fait encore une autre observation dans ma
contrée. On remarque que les vérificateurs n’agissent pas de même dans les
communes aux environs tandis qu’ils déploient leur funeste habilité contre les
communes des environs de Malines.
M.
A. Rodenbach. - On accorde des grâces, dit le ministre des finances,
aux condamnés pour contravention à la loi sur les poids et mesures ; mais
savez-vous comment on les accorde ? On demande l’avis du contrôleur ; si son
avis n’est pas favorable, la grâce est refusée. Il y a plus. Des contrôleurs
font commerce de poids et mesures ; si le contrevenant s’empresse d’aller
acheter des mesures chez ces contrôleurs, l’avis sera favorable ; mais s’il a
la maladresse d’aller acheter des mesures ailleurs, il n’a pas sa grâce. C’est
un assez bon trafic que celui qui se fait au moyen de la vérification des poids
et mesures.
M.
Desmet. - Je viens aussi appuyer la proposition de l’honorable M.
Rodenbach qui tend à modifier la loi de police sur les poids et mesures et à
faire cesser ces terribles vexations, parce que d’après moi, et comme l’a très
bien observé l’honorable M. Pirmez, il y a impossibilité de la faire exécuter ;
aucun détaillant n’en fait usage : si vous voyez dans les boutiques les mesures
légales, elles n’y sont que pour la forme, on ne s’en sert jamais.
Et, messieurs, c’est parce qu’il y a impossibilité
dans ce moment de mettre à exécution cette loi de police, je viens aussi
appuyer de toutes mes forces la demande qu’a faite l’honorable M. Jullien, de
donner décharge d’amende à tous les malheureux boutiquiers victimes des gens du
fisc, et même je pense qu’il y a obligation de la part de M. le ministre des
finances d’accorder cette grâce ; car il doit reconnaître avec moi qu’il y a
vraiment impossibilité de la part des détaillants d’observer la police des
poids et mesures.
Je pense aussi que M. le ministre des finances a
tort de croire qu’en mettant en usage le système usuel, on déferait entièrement
le système décimal des poids et mesures ; la subdivision binaire ne détruira
point le système, on conservera toujours le type décimal, et il me paraît même
que c’est un excellent moyen pour faire faire des progrès au système, car il
faut tâcher d’y habituer le public qui a présent n’y est pas du tout et même en
est dégoûté, parce qu’on a voulu l’imposer par des mesures tellement vexatoires
et tyranniques qu’il n’y a qu’un cri général dans le pays contre le système
décimal. En le mettant donc quelque temps imparfaitement en usage, on pourra
arriver à l’époque qu’il pourra l’être entièrement.
Avant de terminer, je ferai encore une démarche
près de M. le ministre des finances afin qu’il écoute la chambre pour gracier
cette nombreuse masse de pauvres boutiquiers qui on été si vilainement victimes
de la vexation des agents fiscaux.
M.
Gendebien. - Je réclame aussi contre les vexations auxquelles les
boutiquiers sont en butte. Toutefois, ce n’est pas le moment d’entrer en
discussion sur les poids et mesures. Ce n’est pas dans le budget des voies et
moyens qu’on peut changer le système décimal Qu’une proposition soit faite dans
le but d’obtenir des changements utiles, je l’appuierai. Je ne peux pourtant
pas m’empêcher de faire observer que les fractions un demi, un quart, un
huitième, un seizième, ne rentrent pas dans les calculs décimaux, et
occasionneraient des comptes plus difficiles à dresser. Quoi qu’il en soit, il
faut mettre le système métrique à la portée de tout le monde ; alors admettons
les divisions binaires, si absolument c’est cela que l’on veut. Je pense que ce
sera beaucoup si l’on peut faire connaître le mètre, le litre, le kilogramme,…
partout.
Relativement aux vexations dont on a parlé, j’ai lu
dans un journal un trait qui montrerait quelle adresse on emploie pour trouver
en contravention les débitants. Un cabaretier venait de faire visiter ses
litres et demi-litres ; deux jours après, le contrôleur se transporte chez lui
et trouve un vase non à l’usage du cabaret, et non vérifié par conséquent, et
procès-verbal est dressé.
Je n’admets pas d’une
manière absolue l’allégation du cabaretier. Cependant, comme je ne l’ai pas vu
démentir, il y a présomption qu’il dit vrai.
J’invite donc le ministre des finances à faire en
sorte, tout en s’assurant que l’on suit la loi, que les vérifications ne
dégénèrent pas en vexations. Il ne faut pas qu’un citoyen qui vient de faire
acte de soumission à la loi, soit mis en état de contravention et condamné,
parce que, deux jours après, on trouve chez lui un seul litre qui n’est pas
contrôlé. Il y a excès de zèle, s’il n’y a pas excès d’habileté dans une
semblable manière d’agir. Pour faire aimer la loi, il faut la faire exécuter
avec douceur, avec indulgence ; la rigueur ne provoque qu’à la rébellion à la
loi, car elle devient une loi de haine.
Je demande que l’on cesse toute discussion sur cet
objet et que l’on passe à l’ordre du jour.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - L’honorable M. Rodenbach a engagé le
gouvernement à tâcher d’éviter les vexations auxquelles donne lieu l’exécution
de la loi sur les poids et mesures, à examiner s’il n’y aurait pas lieu de
modifier le système dans le sens de ses observations. Je déclare que je
m’occuperai de l’un et de l’autre point le plus tôt qu’il me sera possible.
M. Jullien. - J’ai
attaqué l’impôt dans sa base, et il ne me semble pas qu’on ait réfuté mes
observations d’une manière satisfaisante. J’ai dit que l’impôt tel qu’il
existait était un impôt singulièrement arbitraire ; que tout impôt devait être
basé sur une matière imposable, qu’ici il n’y avait aucune espèce de matière
imposable, que c’était une simple vérification exécutée pour assurer
l’exécution d’une loi.
L’on a établi que ce sont
la plupart du temps des cabaretiers qui donnent lieu à ces contraventions, et
qu’il est nécessaire qu’ils paient un impôt suffisant pour indemniser les
vérificateurs. Je vous demande si un pareil système est admissible. Il faudrait
autant dire que tout individu traduit en justice doit payer pour obtenir un
jugement. C’est sur un principe aussi faux que repose un impôt qui en
définitive ne rapporte qu’une misérable somme de 120,000 francs et que vous
faites payer tous les ans pour ne rien donner au contribuable. Un pareil impôt,
comme l’a fort bien dit M. Pirmez, qui pourtant ne partage pas entièrement mon
opinion, est un supplément à sa patente. Quand un contribuable a payé ses
contributions et sa patente, comment voulez-vous qu’il paie encore les procès-verbaux
dressés par les agents de la vérification des poids et mesures ? Faites-lui
payer les plombs que l’employé appose sur les objets soumis à sa vérification.
Mais que ce soit tout. Il n’y a pas de raison pour qu’il paie le traitement des
commis. Il n’y a pas plus de raison pour qu’il soit soumis à cette charge que
pour que l’on paie les visites de la douane.
Quand aux vexations dont on se plaint, je dirai
qu’elles sont réelles. Dans les estaminets l’on a l’habitude de plomber les
verres. Les particuliers qui n’aiment pas à boire dans un verre banal, ont en
dépôt chez les cabaretiers un verre à leur usage. Lorsque les employés
procèdent à la vérification des mesures, s’ils trouvent deux ou trois de ces
verres non plombés et dont la capacité très souvent n’est pas la même que celle
qui est fixée par la loi, dressent procès-verbal, et le malheureux cabaretier
est obligé d’aller justifier, en justice, que les verres saisis ne lui
appartiennent pas. Les propriétaires de ces objets sont appelés en témoignage, et
le tribunal qui comprend la position du cabaretier l’acquitte. Il n’en a pas
moins été victime du zèle véritablement vexatoire des employés. Il faut y
prendre garde. De pareils abus souvent renouvelés feront détester le
gouvernement actuel comme le gouvernement précédent l’a été à cause de ses
iniquités fiscales. L’on ne saurait trop recommander ce point à l’attention du
gouvernement. Je voterai contre l’impôt. Car je ne trouve ni équité ni raison
dans le maintien de cet impôt.
Je ne dirai rien du système décimal ; il me semble
que ce qui a été trouvé bon et d’une exécution facile en France, peut l’être
également en Belgique.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - L’honorable M. Jullien a parlé
de vexations auxquelles étaient exposés les cabaretiers chez lesquels sont
déposés des verres appartenant à des particuliers. Je lui ferai remarquer que
l’on n’a soumis au poinçonnage que les verres qui servent à mesurer les
liquides comme ceux qui contiennent une capacité d’un demi-litre, mais que les
verres qui servent seulement à la consommation de la boisson ne sont pas
poinçonnés. En un mot, chez les cabaretiers, les employés ne soumettent à une
vérification que les vaisseaux servant à mesurer les liquides. Il est donc
difficile que l’abus signalé par l’honorable membre ait pu se reproduire. Une
semblable vexation serait sévèrement punie. Quant au droit en lui-même que
l’honorable M. Jullien voudrait voir supprimer, je dirai que le droit en
lui-même n’est pas assez considérable pour gêner les contribuables. Il ne
dépasse guère le prix du plomb apposé sur les objets vérifiés ; c’est plutôt la
perception du droit, ce sont plutôt les mesures dont on est forcé d’entourer
cette perception, qui semblent vexatoires aux individus qui y sont soumis.
Du reste, le plomb employé pour plomber les
marchandises en transit ou dirigées sur un entrepôt est payé aux employés de la
douane. C’est une rétribution dont personne ne se plaint. Je suis persuadé que
si dans les communes l’on habituait de bonne heure les enfants aux calculs
décimaux, les plaintes que ne cesse d’exciter l’exécution de la loi sur les
poids et mesures diminueraient sensiblement.
M.
Demonceau. - M. le ministre des finances a dit qu’il tiendrait note des
observations qui ont été faites au sujet des poids et mesures. Je me permets
aussi de joindre ma voix à celle de mes collègues, et de signaler une
singulière anomalie qui résulte de la double application des dispositions du
code pénal et d’un arrêté du roi Guillaume (erratum
inséré au Moniteur belge n°360, du 25 décembre 1835 :) dont la date
n’est pas présente à ma mémoire, mais qui est de 1819 ou 1822. de 1822.
D’après l’art. 479 n°5, sont punis d’une amende de
11 à 15 francs ceux qui ont de faux poids ou de fausses mesures dans leurs
magasins ; et ils peuvent se servir de ces faux poids ou mesures. D’après un
arrêté du roi Guillaume, ceux qui ont des poids anciens ou des poids légaux non
poinçonnés à la marque de l’année où la contravention est constatée, sont
passibles d’une amende de 10 florins au moins. Ainsi, celui qui se trouve
possesseur d’un poids faux, dont il peut cependant faire usage, est puni moins
sévèrement que celui qui est en possession d’un poids ancien, ou d’un poids non
poinçonné de l’année. Suivant le n° 6, ceux qui emploient des poids ou mesures
différents de ceux établis par les lois, sont punis de la même peine ; et,
d’après le même arrêté, celui qui est possesseur d’un poids ancien, sans qu’il
soit prouvé qu’il en a fait usage, est puni ainsi que je viens de le dire,
d’une peine de 10 florins au moins. C’est une anomalie que je signale à
l’attention du gouvernement. Il n’y a aucune équité dans la différence des
pénalités.
Les tribunaux ont cherché à éluder l’application de
la loi de 1822. Mais les procureurs du roi ont cru de leur devoir de porter les
affaires de ce genre en appel. Ainsi les malheureux chez lesquels les poids
d’un poinçonnage trop ancien ont été trouvés, se sont vus obligés de plaider en
appel, et les frais que cette nécessité leur a occasionnés, ont bientôt dépassé
le montant de l’amende qu’ils avaient voulu éviter. Je sais bien que le
gouvernement n’a jamais poursuivi l’exécution des condamnations prononcées.
Aussi c’est précisément cette clémence du gouvernement qui multiplie les
contraventions. Les contrevenants se disent toujours : je serai condamné ; mais
le Roi me fera grâce. Le meilleur moyen de diminuer le nombre des
contraventions serait de supprimer la quote-part des employés dans le produit
des amendes : ils en perçoivent la moitié pour amendes portées contre ceux qui
négligent de soumettre leurs poids et mesures aux poinçonnages. Comme ils ne
perçoivent rien pour les faux poids, leur zèle se porte moins sur la découverte
de ces objets. J’engage donc M. le ministre des finances à examiner s’il n’y aurait
pas lieu de revenir sur les dispositions de l’arrête du roi Guillaume que j’ai
cité.
M.
Lebeau. - J’ai à dire quelques mots qui se rattachent à l’article en
discussion. C’est relativement au système décimal. Il faut que ce système
devienne populaire comme en France. Je crois pouvoir affirmer qu’un des plus
grands obstacles qui s’opposent à la propagation de ce système dans le peuple,
ce sont les dénominations absurdes, barbares, souvent même ridicules, que le
gouvernement hollandais, dans son aveugle antipathie pour tout ce qui venait de
C’est ainsi que l’hectare
s’est trouvé converti en bonnier. Et comme le bonnier légal est bien diffèrent de l’ancien bonnier, l’on s’est trouvé obligé dans les actes d’y
ajouter le mot de métrique afin d’éviter le doute.
Je choisirai cette occasion pour rappeler au
gouvernement la proposition de l’honorable M. Seron, proposition si simple
qu’elle pourrait être adoptée en une demi-heure. Ce serait le meilleur moyen de
faire cesser les plaintes auxquelles donne lieu l’application des lois en
matière de poids et mesures, plaintes qui proviennent en grande partie de la
difficulté qu’éprouve le peuple à retenir les dénominations du système
hollandais.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - L’honorable M. Seron et la chambre se
rappelleront que j’ai réclame dans le temps avec beaucoup d’instance la
discussion ou plutôt l’adoption du projet présenté par l’honorable M. Seron. Je dis l’adoption ; car
l’assemblée doit trouver avec l’honorable membre qu’il est utile et convenable
de substituer aux dénominations barbares du système hollandais, comme il les a
appelées, des dénominations intelligibles pour tous et surtout plus françaises.
Je rappellerai à la chambre que l’honorable M.
Dumortier, rapporteur de cette loi, m’avait promis de présenter son rapport à
la chambre en quelques lignes. Il l’aura oublié sans doute. Comme il n’est pas
présent en ce moment à la séance, je me charge de le prier de vouloir bien
remplir sa promesse le plus tôt possible.
M.
le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Un honorable
député de Verviers vous a signalé une contradiction qui existe, selon lui,
entre les pénalités prononcées par le code pénal et par un arrêté du roi
Guillaume dont je ne me rappelle pas la date. Comme les paroles de l’honorable
membre pourraient avoir fait impression sur vos esprits, je crois devoir lui
faire observer qu’il est dans l’erreur. Il n’est pas exact de dire que celui
qui se sert d’un faux poids est puni moins sévèrement que celui qui se sert
d’un poids non conforme au nouveau système. Il est vrai que, d’après l’arrêté
de 1819, auquel l’honorable député a fait allusion, celui qui se sert d’un
poids non conforme au nouveau système est puni d’une amende de 10 florins. Mais
il n’est pas exact de dire que celui qui se sert d’un faux poids n’est puni que
d’une amende de simple police. Le code pénal fait une distinction. Il punit
d’une amende de 11 à 15 francs ceux qui ont de faux poids ou de fausses mesures
dans leurs magasins, etc. Mais l’usage de ces faux poids ou fausses mesures
constitue un délit correctionnel, que le code frappe d’une pénalité
indépendante de l’amende. Ce qui le prouve, c’est qu’au paragraphe 6 de l’art.
479 du code pénal, le législateur se sert des mots « ceux qui emploieront des
mesures, etc., différentes de celles qui sont établies par les lois en
vigueur, » tandis qu’il s’est servi des expressions « auront de faux
poids, etc., dans leurs magasins, » dans le paragraphe précédent. La pénalité
de l’art. 479 ne frappe donc pas l’usage, mais simplement la possession de faux
poids ou mesures.
M. Demonceau. -
M. le ministre ne m’a pas compris. Je n’ai pas parlé de l’usage du faux poids
ou du poids non poinçonné, j’ai seulement établi que celui qui a en sa
possession un faux poids est puni moins sévèrement que celui qui a en sa
possession un poids non poinçonné à la marque de l’année. Dans l’un et l’autre
cas, s’il est possible que les possesseurs ne s’en servent pas, il y a aussi
une présomption qu’ils en font usage. II n’en est pas moins vrai que les
premiers sont punis moins sévèrement que les seconds.
- L’article est mis aux voix et adopté.
Recettes diverses
« Droits divers d’entrepôt (loyers) : fr.
20,000.
« Remboursements pour instruments fournis par
l’administration : fr. 1,000.
« Recettes extraordinaires et accidentelles :
fr. 9,000.
« Ensemble, fr. 30,000. »
- Adopté.
Enregistrement
Droits additionnels et amendes
Timbre
« Timbre : fr. 2,060,000. »
- Adopté.
_______________
Enregistrement
« Enregistrement : fr. 7,300,000. »
M. Seron. -
Messieurs, la loi du 22 frimaire an VII avait fixé à 2 p. c. le droit
d’enregistrement sur toutes les ventes mobilières indistinctement ; la loi du
31 mars 1824 le réduisit à /2 p. c. à l’égard des ventes de marchandises, de
récoltes sur pied et de coupes de bois. Dès le mois de novembre 1830, je
demandais au congrès le redressement de cet abus si contraire à la justice
distributive et établi dans l’intérêt privé du roi Guillaume. Ma proposition
fut rejetée comme inopportune, car alors on disait, comme on a dit depuis, que
le moment n’était pas venu de refondre le système d’impôts ; on le dira dans
dix ans. Elle fut reproduite en 1833, par mes honorables collègues et amis MM.
Gendebien et de Robaulx ; mais, adoptée dans cette chambre, le sénat la mit à
néant, pour ainsi dire, sans discussion.
Ainsi, messieurs, malgré l’article 112 de la
constitution, un privilège absurde, en matière d’impôts, a subsisté
jusqu’aujourd’hui.
Ainsi, et comme je l’ai déjà dit, lors de la
discussion générale, tandis que les guenilles du pauvre et de l’orphelin, mises
à l’encan par autorité de justice, sont frappées d’un droit de vente de 2 p. c., les marchandises, les récoltes sur pied et les bois
vendus publiquement, ne supportent qu’un droit de 50 c. pour 100 fr.
Et à qui profite cette
inégalité révoltante ? Elle profite surtout aux propriétaires de bois, tous
riches, ou du moins aisés, aux mains-mortes, aux communes dont les fonds ne
s’aliènent pas, n’entrent pas dans le commerce et ne paient jamais de droits de
mutation ; aux communes pour lesquelles vous devez entretenir une
administration forestière fort coûteuse et pourtant nécessaire.
Remarquez, en outre, que ce
droit si faible d’un demi p. c. sur les ventes de coupes favorise la fraude du
droit sur les ventes de fonds, en ce que le propriétaire, avant d’aliéner le
fonds, le déprécie considérablement par la vente de la superficie, en sorte
que, souvent, il fait perdre à l’Etat plus de la moitié du droit de 4 p. c.
Enfin, messieurs, le privilège accordé par la loi
du 31 mai 1824 est nuisible au trésor, qu’il prive d’une recette assez
considérable lorsqu’il est si important d’augmenter vos ressources.
En voilà assez pour justifier l’amendement que mon
honorable ami M. Gendebien et moi avons l’honneur de proposer, et que voici :
« Les dispositions de la loi du 22 frimaire an
VII, qui fixent à 2 p. e. le droit d’enregistrement sur toutes les ventes
mobilières, sont rétablies et seront exécutées à partir du 1er janvier 1836 ;
et les disposition, contraires de la loi du 31 mai 1824 demeurent abrogées
aussi à partir de 1er janvier prochain.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je rappellerai à la chambre
qu’une disposition semblable a été rejetée au sénat. Mais elle ne concernait
que les fruits pendants par racines.
M. Seron. - Ma
proposition a pour objet de rétablir les dispositions de la loi du 22 frimaire
an VII. Je crois nécessaire d’en demander dans le moment l’insertion dans le
budget des voies et moyens. Le sénat, qui la rejetterait probablement dans une
loi particulière, se montrera plus traitable si l’on emploie ce moyen. Vous
comprenez tous ma pensée. (Hilarité.)
M. Gendebien. -
Je crois que nous ne devons discuter l’amendement de l’honorable M. Seron que
quand nous serons arrivés à l’art. 1er du projet de loi.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je pense que la proposition de
l’honorable M. Seron, si elle
pouvait être admise dans le budget, devrait l’être où l’indique l’honorable M.
Gendebien, c’est-à-dire dans la loi. Mais je crois qu’il y a de bonnes raisons,
sans compter celle qu’a donnée franchement, en terminant, l’honorable auteur de
la proposition, pour qu’une disposition semblable ne soit pas introduite dans
le budget de voies et moyens.
Vous sentez d’abord qu’une proposition aussi
importante mérite un mûr examen. Je demanderai donc que, sans passer par toutes
les prescriptions du règlement, elle soit renvoyée directement à l’examen des
sections.
On a parlé de faire des lois spéciales des trois
articles proposés par le gouvernement dans le projet de loi du budget des voies
et moyens. Mais si jamais ce fût le cas de procéder ainsi, c’est assurément
pour la proposition de M. Seron.
Il n’y a même pas de comparaison à établir ; car la proposition de M. Seron n’a
subi aucun examen préalable, tandis que les propositions du gouvernement ont
été examinées par les sections et par la section centrale.
Je conclus donc au renvoi aux sections de la
proposition de M. Seron.
M. Seron. - Ma
proposition est fort simple ; c’est une disposition d’une loi reconnue
parfaitement sage, originairement sortie des ateliers de la constituante. C’est
cette disposition que je prétends faire revivre. Peut-on opposer à celle idée
une conception néerlandaise, faite uniquement dans l’intérêt du roi Guillaume ?
car il faut arriver à dire la vérité ; cette loi avait pour objet d’exempter
les bois de la banque de l’impôt de 2 p. c., et de les
assujettir à l’impôt de 2 p.c.
Je crois vous avoir déjà assez entretenus de ma
proposition. Je suis persuadé que c’est une mesure juste. A moins que vous ne
vouliez favoriser l’aristocratie des richesses, je crois que vous devez
l’adopter. Mais si ma proposition est renvoyée à l’examen des sections pour
faire l’objet d’une loi particulière, je déclare que de ce moment je la
considère comme enfoncée. (On rit.)
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je soumettrai à la chambre
encore une considération, tendant à appuyer le renvoi aux sections de la
proposition de M. Seron.
Récemment, lorsque nous avons discuté la loi de
péréquation cadastrale, d’honorables membres, notamment des députés de Namur,
se sont opposés aux opérations cadastrales, en ce qui concerne les bois.
M. Seron. - Ce n’est
pas moi !
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Quoi qu’il en soit, un honorable représentant
de Namur a soutenu que cette nature de propriété était trop imposée ; je le
crois dans l’erreur. Mais maintenant c’est une considération de plus en faveur
du renvoi aux sections ; car s’il est vrai que cette allégation soit fondée, à
savoir que les bois sont trop imposés, convient-il d’aggraver encore la
position des propriétaires de bois en adoptant la motion de M. Seron ?
La disposition proposée par l’honorable
représentant de Philippeville me paraît bonne ; elle est tirée d’une loi,
véritable chef-d’œuvre de législation, et dont le rétablissement serait sans
doute désirable, il est fort possible que la chambre le juge ainsi ; mais elle
ne peut, ce me semble, décider en une matière aussi importante qu’après
l’examen préalable en sections. Je persiste dans la proposition que j’ai faite a cet égard.
M.
Jadot, rapporteur. - M. le ministre des finances a rappelé que la
section centrale avait proposé de faire une loi spéciale de la disposition
proposée par le gouvernement dans la loi des voies et moyens, relativement aux
distilleries. La section centrale a dû en agir ainsi, parce qu’il ne s’est
trouvé personne dans son sein, qui pût apprécier le taux des évaluations
résultant de la base nouvelle de l’impôt.
Quant à la proposition de M. Seron, je pense qu’il
serait possible de l’admettre. Mais je demanderai qu’elle fasse l’objet d’une
loi séparée, j’y ferai alors un amendement ; c’est un changement admis dans la
législation française et qu’il sera bon, je pense, d’introduire dans la nôtre.
M.
Jullien. - Je ne désire pas que la proposition de l’honorable M. Seron
soit enfoncée, mais je désire qu’elle soit mûrement examinée.
Je prie la chambre de se rappeler que la loi de
1824 n’a pas été faite uniquement dans l’intérêt du roi Guillaume, mais
principalement pour faire droit aux réclamations d’un grand nombre de
propriétaires de bois. Vous savez qu’il n’y a pas de propriétés dont la
conservation soit plus difficile et plus dispendieuse. Il faut attendre, dans
certaines provinces, 7 ou 9 ans, dans d’autres 20 ans, avant de jouir du revenu
de ces propriétés. Si encore, au bout de ce terme, on obtenait toujours ce
revenu, ce serait fort bien ; mais dans presque toutes les localités, lors des
hivers rigoureux, les propriétés boisées sont ravagées ; il n’y a pas alors de
mesures de police, de gardes-champêtres, de gendarmes qui puissent empêcher les
pauvres, dans les environs des villes et même dans les campagnes, de ravager
ces propriétés.
Il ne faut donc point voter précipitamment une
disposition qui pourrait aggraver la position des propriétaires de bois.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Il est assez singulier de voir que des membres qui demandent l’ajournement de
propositions faites par le gouvernement dans le projet de loi du budget des
voies et moyens, propositions qui ont subi l’examen des sections et de la
section centrale, et qui sont du moins en partie extrêmement simples, ne voient
aucune difficulté à voter à l’instant même une proposition très compliquée.
Lorsque je dis très compliquée, j’en appelle à vos souvenirs. Vous vous rappelez
qu’une proposition semblable adoptée dans cette chambre, après une longue
discussion, fut après un sérieux examen rejetée par l’autre chambre ; et c’est
lorsque le sénat aura à peine le temps d’examiner le budget des voies et
moyens, qu’on propose d’introduire dans ce budget une telle disposition. Je me
bornerai à attirer votre attention sur ce fait, pour vous prouver qu’il est
impossible d’admettre la proposition de M. Seron, mais qu’il y a lieu de
l’ajourner comme le demande M. le ministre des finances.
M. Seron. - Je
retire ma proposition.
M.
Jadot, rapporteur. - Je veux répondre à l’espèce de reproche adressé
par M. le ministre de l’intérieur à la section centrale parce qu’elle ne s’est
pas occupée de la proposition du gouvernement relative aux distilleries.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Il n’a pas dit cela.
M. Jadot, rapporteur.
- Je vous demande pardon. Je réponds que la section centrale ne s’en est pas
occupée parce qu’aucun de ses membres n’a été à même d’avoir des données sur
les nouvelles bases de l’impôt. On veut imposer le nombre des vaisseaux ; et on
ne sait pas quel sera l’effet de cette imposition.
Quant au reproche de demander l’insertion dans le
budget de la proposition de M. Seron, je réponds que je ne l’ai pas demandé ;
j’ai demandée, au contraire, que cette proposition fût ajournée et fît l’objet
d’une loi spéciale ; et j’ai dit que je proposerais un amendement tiré de la
législation française.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - J’ai été mal compris par l’honorable M. Jadot.
Je n’ai adressé à personne aucun reproche de ce qu’on aurait examiné ou de ce
qu’on n’aurait pas examiné la proposition du gouvernement. J’ai dit seulement
qu’on avait demandé l’ajournement de propositions de gouvernement, et qu’il
était singulier que d’honorables membres qui ont proposé cet ajournement, veuillent
que l’on discute immédiatement une proposition beaucoup plus compliquée : en
effet, s’il y a deux propositions du projet de loi de budget dont on demande
l’ajournement, ce n’est pas parce qu’elles n’ont pas été examinées, mais parce
que, dit-on, il ne faut pas insérer dans le budget des voies et moyens des
modifications à la loi générale.
En même temps que l’on vous
propose ainsi l’ajournement de dispositions qui n’ont rencontré aucune
opposition dans les sections, on vous propose la discussion immédiate d’une
proposition qui n’a pas été examinée par les sections. Je pense que ce serait
plutôt le cas ici de faire une loi spéciale, que préalablement les sections
examineraient et qui ne serait discutée que d’après le rapport d’une section
centrale.
M. Jadot, rapporteur.
- Je me borne à déclarer de nouveau que je n’ai pas demandé la discussion
immédiate de la proposition de M. Seron.
M. Gendebien. -
Pour éviter de prolonger inutilement la discussion, mon honorable ami M. Seron
m’a autorisé à déclarer qu’il ferait de sa proposition l’objet d’un projet de
loi séparé qui serait discuté dans les sections. Cependant je me permettrai de
dire un mot. Lorsque mon honorable ami M. de Robaulx et moi eûmes l’honneur de
proposer une disposition analogue, la chambre était tellement convaincue que
cette disposition était utile et juste qu’elle voulait l’adopter immédiatement
; nous fûmes obligés, M. de Robaulx et moi, de prier l’assemblée de ne pas se
presser autant, attendu que ce pourrait être un prétexte de rejet pour l’autre
chambre.
On retarda la discussion ; la proposition fût
examinée dans les sections, une longue discussion eut lieu dans la chambre ; la
proposition fut adoptée à la presque unanimité, et néanmoins elle fut repoussée
par l’autre chambre.
Ce que je viens de vous dire ce n’est pas pour vous
détourner de prononcer l’ajournement, mais pour vous rappeler que quoique vous
ayez jugé cette proposition utile, et bien que vous l’ayez adoptée à la presque
unanimité, le sénat ne l’a pas moins repoussée ; et comme le moyen de la faire
passer dans le budget nous manque, je prévois qu’elle aura le même sort.
Je dis ceci afin qu’on ne croie pas que nous sommes
des dupes sans le savoir.
M. le président. -
M. Seron a retiré sa proposition ; je n’ai donc à mettre aux voix que l’article
suivant :
« Enregistrement : fr. 7,300,000. »
- Cet article est mis aux voix et adopté.
_______________
Les articles suivants sont mis aux voix et adoptés
sans discussion :
« Greffe : fr. 200,000. »
« Hypothèques : fr. 655,000. »
« Successions : fr. 3,140,000. »
« 26 centimes additionnels : fr. 3,460,000. »
« Amendes : fr. 185, 000. »
« Ensemble : fr. 17,000,000. »
Domaines
Produits annuels et
périodiques
« Produits des canaux appartenant au
domaine, droits d’écluse, ponts, navigation : fr. 400,000. »
_________________
« Produits de
_________________
« Prix
des coupes de bois, d’arbres et de plantations ; ventes d’herbes, extractions
de terre et sables : fr. 330,000. »
_________________
« Intérêts de créances du fonds de
l’industrie : fr. 110,000.
_________________
« Intérêts ordinaires, d’avances faites
pour bâtiments d’écoles : fr. 30,000. »
_________________
« Produits
des houillères domaniales de Kerkraede : fr.
150,000. »
_________________
« Fermage de biens-fonds et bâtiments, de
chasse, de pêche ; arrérages de rentes, revenus des domaines du département de
la guerre : fr. 300,000. »
_________________
« Produits
des droits de bacs et passages d’eau : fr. 95,000. »
Valeurs capitales
« Rachats et transferts de rentes : fr.
85,000. »
_________________
« Capitaux du fonds de l’industrie : fr.
300,000. »
_________________
« Capitaux de créances ordinaires et d’avances
pour bâtiments d’écoles : fr. 63,000. »
M. le président. -
La discussion est ouverte sur l’article suivant :
« Prix de ventes d’objets mobiliers ;
transaction en matière domaniale ; dommages-intérêts ; succession en déshérences
; épaves : fr. 500,000. »
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Le rapport de la section centrale contient l’observation
suivante :
« Dans la deuxième section, un membre a fait
remarquer que les objets mis hors de service du département de la guerre
constituent une partie du mobilier appartenant à l’Etat, et que, lorsque la
vente doit en être faite, c’est toujours aux employés des domaines à y procéder
sur la remise qui leur en est faite par les intendants, qui toutefois doivent
assister à ces ventes.
« Cette marche n’est pas généralement suivie,
et toutefois il peut résulter bien des inconvénients d’une marche contraire :
celle indiquée est suivie en France. »
Maintenant, je conviens que le mode indiqué ici est
celui suivi en France depuis 20 ans. Mais le devoir d’un administrateur est de
se conformer à la législation établie dans le pays. Cette législation est fort
simple ; je n’ai trouvé nul inconvénient à la suivre.
Je vais donc vous donner, messieurs, les
explications demandées par la section centrale.
Par arrêté royal du 10 décembre 1816, il a été
ordonné que tous les louages et affermages de bâtiments militaires, terrains,
herbages, ainsi que les ventes autorisées de propriétés de l’Etat appartenant
aux fortifications, et des vieux matériaux du génie et objets d’artillerie, se
feraient à dater du 1er janvier 1813, en présence des intendants militaires ou
de ceux autorisés à en remplir les fonctions, par le ministère d’un notaire,
d’un greffier de justice de paix, ou d’un huissier.
Une instruction du 8 février 1817 détermine les
formes à suivre pour l’exécution des dispositions prescrites par cet arrêté, et
fixe le salaire à accorder aux officiers publics chargés d’opérer les ventes
d’objets immobiliers.
Enfin une circulaire du 25 novembre 1817 informe
les agents du département de la guerre que les dispositions qui précèdent sont
applicables aux ventes de chevaux, d’effets d’hôpitaux et de tous autres objets
de quelque nature que ce soit.
Toutes ces dispositions ont été confirmées par deux
arrêtés royaux : le premier, du 25 janvier 1816, n°112 ; et le second du 7
juillet 1827, n° 1051, qui prescrivent en outre la manière dont les agents du
département de la guerre, chargés de faire opérer les ventes d’objets
mobiliers, doivent rendre compte de leur produit.
Ces divers arrêtés et instructions sont
ponctuellement suivis par les agents du département de la guerre, conformément
à une circulaire du 28 janvier 1835, n° 3753, qui leur en a recommandé la
stricte exécution.
Lorsqu’une vente d’objets
mobiliers est autorisée, l’agent chargé d’y faire procéder en fait publier
l’annonce, par affiches et par la voie des journaux, au moins quinze jours à
l’avance. Les déclarations de ces ventes sont faites, conformément à la loi, au
bureau du receveur de l’enregistrement du lieu où la vente se fait. Dès que la
vente est terminée, l’agent en présence de qui elle a été effectuée, en verse
immédiatement le produit chez le receveur des domaines, chargé du recouvrement
des produits divers, sous la déduction des frais occasionnés par la vente. Il
en établit ensuite le compte présentant le montant de la recette en principal,
plus les dix pour cent additionnels, et celui des dépenses pour droits
d’enregistrement, frais d’affiches, de publications, etc.
Ce compte est transmis en
triple expédition au département de la guerre, avec toutes les pièces à
l’appui, telles que le procès-verbal de vente tenu par l’officier public, le
récépissé du versement du produit, les quittances de déboursés occasionnés par
la vente. Ce compte est adressé ensuite à la cour des comptes, qui, après
l’avoir vérifié, accorde, par un arrêt, décharge au comptable des sommes dont
il s’était chargé en recette.
Telle est la législation que j’ai trouvée dans le
pays ; elle m’a paru très sage, ne présentant pas d’inconvénients dans son
exécution et je n’ai pas jugé nécessaire de proposer d’adopter la législation
suivie en France.
M. Jadot, rapporteur.
- Je reconnais que le compte-rendu par M. le ministre de la guerre est conforme
à ce qui se passe ; mais c’est précisément là ce que nous avons critiqué ; nous
pensons que tous les objets appartenant à l’Etat et susceptibles d’être vendus
doivent l’être par les agents du domaine.
M.
Jullien. - L’observation de M. le rapporteur me paraît très juste. Je
voudrais savoir si M. le ministre de la guerre persiste dans le système suivi
jusqu’à présent, ou s’il est dans l’intention d’adopter le système suivi en France
où il est établi une comptabilité régulière du domaine.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Quand les ventes ont lieu dans des localités éloignées
(par exemple les ventes de chevaux réformés qui se font dans les cantonnements),
il serait difficile qu’elles aient lieu par le ministère des agents du domaine.
Du reste, cette législation était établie depuis
1817, et je n’y ai rien changé.
On m’a rappelé ce qui se passe en France. Je sais
qu’en France tous les objets susceptibles d’être vendus le sont par
l’intermédiaire des receveurs du domaine. On croit ce mode préférable. Je ne
puis, sans y avoir réfléchi, m’engager à le suivre ; mais je l’examinerai, et
si j’acquiers la conviction qu’il présente plus
davantage sous le rapport de la garantie que celui qui est suivi dans le pays,
je proposerai au gouvernement d’adopter ce nouveau mode de vente des effets
mobiliers du dépôt de la guerre.
M.
A. Rodenbach. - La clameur publique m’a appris que plusieurs objets
appartenant à l’Etat avaient été vendus à Anvers et que le produit de ces
ventes n’aurait pas été versé au trésor. On en a même parlé dans les journaux.
J’avoue que je ne puis le supposer. S’il en était ainsi, il faudrait prendre
des mesures pour faire rentrer ces fonds au trésor.
M.
le ministre de la guerre (M. Evain). - Toutes les ventes faites à
Anvers ont eu lieu par l’intermédiaire des intendants militaires ; tout le
produit de ces ventes a été versé dans les caisses de l’Etat. Mais l’armée
française avait laissé divers objets qui ont été vendus à la fin de 1832 et au
commencement de 1833 ; le produit de ces ventes a été porté en déduction de ce
que nous devait
M. Jullien. - La
demande d’explications faite et les explications données font ressortir tous
les inconvénients qu’il y a à s’écarter des règles d’une bonne administration.
Quand des objets mobiliers appartenant à l’Etat doivent être vendus, cette
vente doit être faite per le ministère des agents du domaine. Mais si vous
laissez ces ventes se faire sans contrôle par des agents militaires, il est à
craindre qu’ils ne se laissent diriger par l’intérêt ou par d’autres
circonstances. Je demande donc qu’à l’avenir toutes les ventes d’objets
mobiliers, appartenant à l’Etat, soient faites par les agents du domaine, à
moins de cas de nécessité ou d’urgence, dont la chambre pourra apprécier les
motifs.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - M. le ministre de la guerre a
été parfaitement dans son droit en faisant opérer, par les agents de son
département, la vente d’objets mobiliers appartenant à l’Etat. Les décisions
prises pour ces ventes ont été basées sur les règlements actuellement
existants. Toutefois, je pense qu’il serait peut-être plus convenable de
revenir à la règle originelle, à l’arrêté du directoire exécutif de France, qui
porte que toutes les ventes doivent être faites par l’intermédiaire des agents
du domaine.
J’espère déterminer M. le ministre de la guerre à
adopter cette législation, afin que les soupçons d’infidélité contre les agents
subalternes du ministère de la guerre cessent de s’élever une fois pour toutes.
M.
Gendebien. - Je ne sais si en 1831 et 1832 il y a eu abus. Mais je sais
qu’en 1833 on a vendu à Anvers des objets mobiliers laissés par l’armée
française, après le siège de la citadelle. A la fin de 1833, dans la discussion
du budget de 1834, je pense, j’ai demandé des explications ; j’ai demandé ce
qu’on avait fait du produit de cette vente, lequel n’était porté en compte
nulle part. On me répondit que ces fonds avaient été employés soit pour
indemniser les entrepreneurs de fourrages de l’armée française, soit pour
suppléer à l’insuffisance des crédits relatifs aux fourrages. Je fis remarquer
qu’il pouvait résulter de là de graves abus, qu’on ne pouvait suppléer à un
crédit que par un crédit supplémentaire, qu’il fallait porter en recette tous
les produits, sauf à demander un crédit supplémentaire.
Si ma mémoire est bonne, M.
le ministre de la guerre promit alors de porter en recette tous les produits ;
je ne sais si la somme de 600,000 représente la totalité des retenues pour
masse d’habillement ; j’en doute, et je demanderai plus tard une explication à
cet égard.
Pour moi je pense que pour éviter toute espèce
d’abus et même de doute, on ne doit se permettre de faire des dépenses sans un
crédit formel ; les compensations ne sont pas admissibles en bonne
comptabilité, et les ministres, dans l’intérêt même de leur responsabilité, ne
doivent pas de ces règles.
M. Jadot, rapporteur.
- Du moment que M. le ministre des finances déclare que l’on adoptera la
législation française, je n’ai plus rien à dire. La législation suivie
actuellement est tout bonnement le règlement militaire de 1819, qui charge les
intendants militaires d’effectuer les ventes. Je ne sais même pas jusqu’à quel
point ces dispositions réglementaires peuvent être qualifiées de législation.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Jusqu’à la fin de 1818, en France, les ventes se
faisaient non seulement par les intendants militaires, mais encore par les
directeurs d’artillerie. M. Roy, alors ministre des finances, fit rendre une
ordonnance royale pour que ces ventes fussent faites à l’avenir par les agents
du domaine.
Quant à l’affaire dont a parlé l’honorable M.
Gendebien, il s’agit de gabions et de saucissons et d’une grande quantité de
fascines que l’armée française avait laissés à Anvers.
Ces objets ont été vendus ; et le produit de ces ventes a été porté au compte
de l’armée française. Dans le compte qui a été réglé avec elle, il a été
diminué 34,000 fr. montant du produit de ces ventes. Mais ç’a
été un compte à part, qui n’a pas dû figurer dans les comptes généraux de
l’Etat.
- L’article « prix de ventes d’objets
mobiliers, transaction en matière domaniale, dommages-intérêts ; succession en
déshérence, épaves : fr. 500,000. » est mis aux voix et adopté.
________________
« Ventes de domaines en numéraire : fr.
500,000. »
________________
« Amendes de toute nature : fr.
140,000. »
________________
« Passeports et ports d’armes : fr.
200,000. »
________________
« Soldes
de comptes : fr. 94,000. »
- Les quatre articles précédents sont mis aux voix
et adoptés.
Différentes rétributions établies par la loi
« Indemnité payée par les miliciens pour
remplacement, décharge de responsabilité du remplacement ; retenue de 2 p. c.
sur les paiements pour compte des saisies réelles, etc. : fr. 59,000. »
M. Jadot, rapporteur.
- Les deux objets énoncés dans cet article sont tout différents l’un de l’autre
; il me semble qu’ils devraient former deux articles distincts.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Cette observation me paraît juste. A l’avenir
on pourra faire de ceci deux articles réunis sous un même titre.
- L’article est adopté.
Les articles suivants sont successivement mis aux
voix et adoptés sans discussion.
Recouvrements d’avances
faites par le ministère des finances
« Frais de poursuites et d’instances ; frais
de justice en matière forestière : fr. 15,000. »
« Recouvrements sur les communes, les hospices
et les acquéreurs des bois domaniaux, pour frais de régie de leurs bois : fr.
170,000. »
« Cinq pour cent sur les recettes faites pour
le compte de tiers : fr. 45,000. »
Recouvrements d’avances
faites par le ministère de la justice
« Frais de justice en matière criminelle,
correctionnelle, de simple police, etc. : fr. 119,000. »
« Frais d’entretien, de transport et de
remplacement de mendiants ; d’entretien et de remplacement de mineurs, enfants
trouvés, etc. : fr. 16,000. »
Recouvrements d’avances
faites par le ministère de l’intérieur
« Frais de justice devant le conseil de
discipline de la garde civique : fr. 5,000. »
Fonds spéciaux
« Produits des barrières sur les routes de
première et seconde classes : fr. 2,200,000. »
Postes
« Taxe des lettres et affranchissements : fr.
2,000,000. »
« Ports des journaux : fr. 30,000. »
« Droits de 5 p. c. sur les articles d’argent
: fr. 27,000. »
« Remboursement d’offices étrangers : fr.
8,000. »
« Service rural : fr. 140,000. »
« Ensemble : fr. 2,225,000. »
Trésor public
« Produits du chemin de fer : fr.
650,000. »
« Remboursements d’avances faites aux ateliers
des prisons pour achat de matières premières et bénéfices sur le travail : fr.
980,000. »
« Produits divers des prisons (pistoles, cantines,
vente de vieux effets) : fr. 25,000. »
________________
M. le président. -
La discussion est ouverte sur l’article « Recouvrement d’une partie des
avances faites aux corps de l’armée pour masse d’habillement et d’entretien :
fr. 600,000. »
M. le ministre de la guerre
(M. Evain) s’exprime en ces termes. - Messieurs, je vais donner à la
chambre les explications que demande la section centrale, sur les observations
consignées dans son rapport, observations faites par un honorable représentant,
qui fait partie de la deuxième section.
Je dirai d’abord que je devais croire que les
explications très détaillées, contenues dans le rapport que j’eus l’honneur de
vous présenter le 11 décembre de l’année dernière, rapport imprimé par ordre de
la chambre et qui est cité par l’honorable membre de la deuxième section, me
garantiraient des assertions émises dans ces observations, et qui ne tendent à rien
moins qu’à m’accuser « de deux inconstitutionnalités : l’une pour avoir
disposé de l’argent appartenant au trésor public sans autorisation, et l’autre
pour avoir fait des dépenses non discutées par la chambre ni admises au
budget. »
Mais, pour arriver à une pareille conclusion,
l’honorable représentant part d’une base tellement erronée, que je ne conçois
pas comment il a pu établir son accusation sur un semblable fondement.
En effet, messieurs, il pose d’abord en principe
que j’ai épuisé tous les fonds des budgets qui m’ont été accordés ; que
conséquemment il n’y a pas eu d’économie possible, et par suite, pas de
réductions dans les dépenses prévues ; ce dont il trouve la preuve dans l’état
de situation du trésor au 1er octobre 1834, dans lequel, il est vrai, les fonds
portés en allocations définitives ne laissent que peu ou point d’excédant sur
les dépenses faites.
Mais il n’a pas fait attention que ces allocations
définitives portées aux budgets de la guerre de 1832, 1833 et 1834, dans les
situations du trésor, se trouvent diminuées du montant de toutes les réductions
que j’ai proposées sur ces divers budgets.
En consultant les lois qui accordent les fonds
alloués par ces budgets, et celles qui opèrent les retranchements des fonds
laissés libres et sans emploi, il aurait acquis la conviction que j’ai proposé,
et que la chambre a approuvé, les réductions suivantes
1° 5.603,737 fr. 37 c. sur le budget de 1832 ;
2° 15,068,000 fr. sur le
budget de 1833 ;
3° 2,140,000 fr. sur le
budget de 1834.
Total, 22,811,737 fr. 37
c.
Et je puis lui annoncer de plus qu’indépendamment
de ces sommes retranchées, d’après mes propositions formelles, sur les
allocations de ces budgets, il existe encore en fonds disponibles et laissés
sans emploi :
378,993 fr. 43 c. sur le budget de 1832 ;
83,449 fr. 51 c. sur le budget de 1833 ;
226,506 fr. 96 c. sur le budget de 1834.
Total, 688,049 fr. 90 c.
Vous voyez donc, messieurs, que d’abord je suis
loin d’avoir épuisé la totalité des crédits qui m’avaient été accordés, et
qu’au contraire j’en ai remis, par suite des économies que j’ai pu faire sur
les divers services, et par compensation des fonds provenant des retenues
opérées sur les soldats au compte de la masse d habillement, une portion très
notable de 23,499,787 fr 27 c., qui équivaut à peu près au septième de tous les
fonds dépensés sur ces trois exercices.
Je doute, messieurs, qu’il fût convenable de poser
comme un fait que j’avais épuisé les fonds de tous les budgets qui m’ont été
confiés, et d’en faire le fondement d’une grave accusation, quand il était si
facile à l’honorable membre qui m’accuse, de s’assurer du contraire, si sa
mémoire était en défaut sur des faits aussi patents, et qui ont eu lieu à six
reprises différentes.
Avant même que je connusse l’observation consignée
dans le rapport de la section centrale, je m’étais occupé de la reddition d’un
compte spécial sur la masse d’habillement des corps, ainsi que j’en avais pris
l’engagement, et je n’attendais que la rentrée, après vérification et
apurement, des revues du deuxième trimestre de l’exercice courant, pour pouvoir
vous présenter, à la date du 1er juillet 1835, la situation exacte de chacun
des corps qui composent notre armée, envers le trésor de l’Etat, à ladite
époque, comme pièce principale et nécessaire à l’appui du compte de la masse
d’habillement.
Le travail est à l’impression, et pourra être
publié et distribué dans dix jours. Il établira d’une manière claire et précise
que les divers corps de l’armée, ayant dû habiller les hommes qu’ils reçurent
en 1830 et en 1831, s’étaient trouvés dans l’obligation de faire les demandes
de fonds nécessaires pour l’achat des matières et leur confection, fonds qui se
sont élevés, d’après les explications données dans mon rapport du 11 décembre,
à 13,054,000 fr.
Je dois vous rappeler, messieurs, qu’il n’y eut à
cette époque aucun budget établi, et que le congrès et les chambres accordèrent
tous les crédits qui furent demandés.
Ce ne fut que dans le courant de l’année 1832,
qu’on put s’occuper de la vérification des revues trimestrielles de 1830 et de
1831 : on s’occupa en même temps de celles de l’exercice de 1832, et c’est de
l’apurement de ces revues, opéré d’abord par les membres du corps de
l’intendance, soumis ensuite à la vérification des bureaux de la guerre, et
revu de nouveau par la cour des comptes, qui l’arrêta définitivement, qu’il
résulta qu’à l’époque du premier janvier 1833, les corps avaient reçu du trésor
de l’Etat une somme de 10,537,756 fr. 59 c. en sus des allocations réglées par
les revues trimestrielles, ce qui constitue l’avance de l’Etat à l’armée, ainsi
que je l’ai bien et clairement expliqué dans mon rapport du 11 décembre, en
exposant les motifs et la nécessité de cette avance, et ce que je regarde comme
inutile de répéter ici.
Maintenant, messieurs, il résulte de l’apurement
des revues trimestrielles du deuxième trimestre de l’exercice courant, que les
corps de l’armée ne sont plus constitués débiteurs envers l’Etat que d’une
somme totale de 3,269,593 fr. 36 c ; ils se sont donc
acquittés, dans l’espace de deux années et demi, de la somme de 7,268,163 fr.
25 c.
Mais comment ont-ils donc pu ainsi s’acquitter ? En
ce point gît toute la question.
C’est en employant aux dépenses de la masse
d’habillement le montant des retenues et des versements volontaires, par
lesquels les soldats s’acquittaient de leurs dettes à la masse, et en ne
prenant pas au trésor la totalité des allocations qui leur revenaient, et qui
leur étaient acquises.
C’est à cause des fonds qui restèrent ainsi libres
et sans emploi, sur ces trois budgets, que j’ai pu faire annuler 7,000,000 fr.
et plus de crédits ouverts pour la masse d’habillement, tandis que les seize
autres millions d’annulations tiennent à des réductions réelles dans les
dépenses.
Il me suffira de vous citer un seul fait pour vous
donner la preuve que c’est de cette manière que les corps se sont acquittés
envers l’Etat des avances qu’ils en avaient reçues : jusqu’à la fin de l’année
1834, les corps faisaient recette et emploi des fonds provenant des retenues,
ce qui était la marche la plus rationnelle, la plus conforme au règlement,
comme je l’expliquerai tout à l’heure.
Mais on a changé ce mode au budget de 1835, et l’on
a voulu que les corps versassent directement au trésor le montant de leurs
retenues.
On me demanda alors la somme approximative que
pourraient produire ces retenues pour 1835, et j’en fixai le chiffre à fr. 1,300,000.
Or, les versements ont été pour le premier
trimestre de fr. 336,991 fr. 60 c., pour le deuxième
trimestre de fr. 357,794 40 c., pour le troisième trimestre de fr. 265,114.
Total : fr. 979,900 90 c., à valoir sur la somme de
fr. 1,300,000.
Eh bien, messieurs, si ces sommes eussent été
laissées à la disposition des corps, ils auraient pris autant de fonds de moins
sur les allocations de leur masse d’habillement ; la compensation se serait
établie dans les revues, où les corps n’auraient pas pris leurs allocations
jusqu’à concurrence du montant des sommes qu’ils ont versées au trésor, et
qu’ils ont portées à leur crédit sur ces revues. Il y a donc par le nouveau
mode adopté complication de plus dans les écritures des corps, du caissier de
l’Etat et de la trésorerie, et en outre la perte du droit prélevé sur la
recette.
Qu’en est-il résulté ? C’est que tous les corps ont
demandé et touché au trésor leurs allocations complètes de masse, au lieu
qu’autrefois ils y auraient laissé un montant égal à celui de leurs retenues,
et que j’en aurais proposé l’annulation ensuite, ainsi que je l’ai fait pour
les exercices précédents.
Vous voyez donc, je le répète, qu’il y a une
complication inutile à faire verser des fonds au trésor, pour les recevoir
immédiatement après, et les employer d’une manière toute semblable. Les
personnes qui peuvent encore conserver des doutes sur la réalité de l’acquittement
des corps envers l’Etat, ne connaissent certainement pas le mécanisme et
l’ordre établi dans les revues trimestrielles, soumises à la vérification et à
l’apurement de la cour des comptes.
Ces revues trimestrielles sont la base et le
résultat de toute la comptabilité militaire ; elles établissent à la fin de
chaque trimestre :
1° La situation des corps résultant de l’arrêté de
la revue du trimestre précédent.
2° Toutes les sommes touchées au trésor par le
corps, à quelque titre que ce soit.
3° Le montant des allocations résultant de
l’effectif et de ses diverses positions, ou traitements, solde, masses
d’habillement, de buffleterie, de pain, de fourrage, de casernement, de frais
de bureau et de cantonnement.
4° La balance de touts les allocations acquises
avec le montant des fonds reçus, et partant la nouvelle situation du corps
envers l’Etat à la fin du trimestre.
Or, il est constaté par l’arrêté et le résultat des
revues du deuxième trimestre 1835, qu’à l’époque du 1er juillet dernier, les
corps de l’armée étaient débiteurs envers l’Etat d’une somme de fr. 2,973,972 40 c. ;
A laquelle il fut ajouter le montant de la valeur
des effets fournis par les prisons pendant le premier semestre de l’année, et
qui est de 295,620 96 c. ;
Ce qui fait le total de fr. 3,269,593
36 c., ainsi que je viens de vous l’annoncer.
Maintenant, messieurs, je dois vous faire connaître
que les corps de l’armée possédaient en magasin, à la même époque du juillet
1835, des effets neufs pour une valeur de 2,671,775 fr. 84 c., et c’est
réellement le minimum des effets qu’ils doivent avoir à l’avance pour habiller
les 12.000 recrues qu’ils reçoivent chaque année, et pour suffire aux
consommations des hommes sous les armes.
L’Etat n’accordant aucun fonds pour la première
fourniture des effets d’habillement, et n’allouant que ceux qui sont
indispensablement nécessaires pour leur entretien, il en résulte qu’il est au
moins obligé, dans tout état de cause, d’être en avance envers les corps du
montant de la valeur des effets qu’ils ont en magasin.
Cette avance, réduite ainsi à ses moindres termes,
n’est pas susceptible de remboursement, puisque les corps ne peuvent en
recevoir sur des effets en magasin, et qu’ils n’en perçoivent que sur les
effets qu’ils distribuent aux soldats.
C’est donc d’après cette situation bien établie,
bien constatée à l’époque du 1er juillet dernier, que j’ai informé M. le
ministre des finances que je ne prévoyais pas que les versements que feraient
les corps en 1836, des retenues par eux exercées, pussent s’élever à plus de
600,000 fr. C’est après avoir pris connaissance de cette situation que M. le
ministre des finances a fixé cette somme éventuelle au budget des voies et
moyens de 1836.
Il ne reste plus qu’à vous prouver, messieurs, que
la marche suivie jusqu’à la fin de 1834, pour l’emploi du montant des retenues
à la masse d’habillement, était conforme aux règlements existants, et que je ne
pouvais m’en écarter.
L’art. 63 du règlement d’administration de l’armée
autorise la retenue d’une partie de la solde des sous-officiers et soldats pour
couvrir les dettes qu’ils peuvent avoir à la masse d’habillement et d’entretien
: c’est en me fondant sur cette disposition que j’ai ordonné des retenues, et
provoqué des versements volontaires qui se sont élevés dans ces trois exercices,
à la somme totale de 6,875,654 fr. 24 c.
Les corps ont pris ces sommes en recette, et
conformément à l’art. 69 du même règlement, ils ont inscrit tous les mois le
montant de ces retenues aux livrets des hommes.
En conformité encore de
l’art. 177 du règlement précité, les corps adressent le 15 de chaque mois, aux
intendants des directions d’administration, la demande des fonds nécessaires
pour le mois suivant.
Ces demandes sont basées sur l’effectif présent et
sont restreintes aux fonds strictement nécessaires pour le service, et les
corps sont tenus de déduire du montant de ces demandes celui des fonds restant
en caisse.
Il résulte donc de cette marche prescrite par le
règlement, et qui a été suivie jusqu’à la fin de 1834, que le montant des
retenues mensuelles est venue en déduction des fonds nécessaires, et qu’il est
conséquemment resté au trésor une somme égale au montant de ces retenues, et
qui aurait dû être perçue par le corps, si je ne m’étais pas conformé aux
dispositions du règlement qui a été constamment suivi dans l’armée depuis 1819.
Ainsi, messieurs, ces fonds ont été bien et dûment
employés pour le service des corps, et l’ont été pour les dépenses prévues au
budget.
Quant à la fixation du solde débiteur des corps
envers l’Etat aux diverses époques que j’ai citées, ce n’est pas moi qui l’ai
établi d’une manière arbitraire, comme semble le croire l’honorable
représentant ; mais cette fixation résulte de l’arrêté des revues
trimestrielles par la cour des comptes, et il pourra également s’en convaincre,
quand je présenterai les comptes détaillés de chacun des corps de l’armée à
l’appui des résultats généraux consignés dans cet exposé, et les vérifier
lui-même à la cour des comptes où ces revues sont déposées.
M. Jadot, rapporteur.
- Il me serait bien difficile de répondre aux longues observations que vient de
lire M. le ministre de la guerre, en réponse à celle qu’a faite une section et
qui est reproduite dans le rapport que j’ai eu l’honneur de soumettre à la
chambre ; toutefois, ce que j’en ai saisi m’a suffi pour me faire apercevoir
que cette réponse de M. le ministre ne détruit pas ce qui est avancé dans le
rapport.
Je ferai d’abord remarquer que c’est à tort que M.
le ministre considère comme une accusation ce qui est dit, qu’il a pu faire des
dépenses non autorisées, ou dépenser des sommes qui devaient être versées au
trésor, ce qui n’est qu’une supposition.
Il est à observer encore que, dans le rapport de M.
de Behr, sur la proposition faite par M. Dumortier, de porter les
remboursements faits par l’armée au budget des voies et moyens, on voit que M.
le ministre de la guerre a promis de justifier des remboursements
antérieurement faits ; en effet, on y lit :
« Vous sentez,
messieurs, que nous n’avons eu aucun moyen de vérifier les opérations dont il
s’agit ; mais M. le ministre s’est engagé à fournir le plus tôt possible des
états détaillés sur cet objet avec toutes les pièces justificatives. »
Or, messieurs, ces états détaillés, ces pièces
justificatives n’ont pas été fournies jusqu’à présent, car vous ne pouvez pas
considérer comme étant propres à en tenir lieu, ce qui est dit dans le rapport
du 11 décembre.
Je maintiens donc que M. le ministre n’a pas
détruit ce qui est avancé dans le rapport ; il n’a pas reçu en moins sur le
crédit destiné à la masse d’habillement la somme de 2,698,838
fr 38 c., puisqu’il a épuisé la totalité de son budget. S’il a reçu des soldats
en remboursement une somme de 2,845,473 fr. 35 c., il a
donc dépensé cette somme au-delà de ce qu’il était autorisé à dépenser en vertu
du budget.
Enfin si on a dépensé moins sur la masse
d’habillement, on a dépense plus sur d’autres articles, ce qui est facile au
ministre de la guerre qui dispose des 5/6 de son budget sur des ordonnances
régulières ; ce qui lui a permis, à défaut de crédit alloué au budget de la
guerre en 1834 pour la remonte, d’acheter des chevaux avec le crédit alloué
pour payer les fourrages.
Je ne vois pas d’inconvénient à ce que l’on passe
au vote de l’article auquel cette discussion se rattache ; je pourrai fournir
des observations sur celles du ministre en ma qualité de rapporteur de la
section centrale ; elles trouveront leur place dans la discussion du budget de
la guerre.
M.
le ministre de la guerre (M. Evain). - L’honorable préopinant raisonne
sur la question qui fait l’objet de l’article en discussion, comme si le
montant des budgets ne se trouvait pas considérablement réduit par les
annulations de crédits que j’ai proposées sur ces trois exercices.
Mais si, en 1832, 1833 et 1834, j’ai pu faire
verser pour retenues à des miliciens en congé, et à des volontaires congédiés
qui ont payé ce qu’ils devaient à la masse d’habillement ; si, dis-je, j’ai pu
faire verser, jusqu’à concurrence de la somme de près de 7 millions, les corps
ont pris au moins au trésor une somme égale au montant de ces retenues, sur les
allocations auxquelles ils avaient droit : par cela même leur dette a été
diminuée d’autant, et le montant des recouvrements à ce titre devra
nécessairement diminuer dans l’exercice prochain, puisque la dette des corps
envers l’Etat se trouve ainsi très considérablement diminuée.
Ainsi que j’ai eu l’honneur
d’en faire l’observation, les différents corps de l’armée ne doivent plus que 3,269,000 fr. ; ces corps possèdent dans leurs magasins des
effets neufs pour une somme de 2,671,000 fr. Il faut, dans tout état de cause,
que le gouvernement continue ses avances aux corps jusqu’au prorata de la
valeur des effets existants en magasin. C’est d’après ces bases que j’ai établi
mes calculs, pour faire connaître à M. le ministre des finances qu’il pouvait
porter, à titre de remboursement, au budget des recettes, une somme de 600,000
fr. Je crois qu’à la fin de 1836 les corps ne devront plus à l’Etat que la
valeur des effets qu’ils auront en magasin.
M.
A. Rodenbach. - Il me semble que l’honorable rapporteur de la section
centrale vient de dire que des fonds votés pour la fourniture des fourrages ont
été employés à des achats de chevaux, Je pense que ce serait là un grand abus,
car les fonds votés ne doivent pas être détournés de la destination spéciale
que nous leur avons donnée, à moins qu’une loi de transfert n’ait été portée.
Je voudrais à cet égard une explication.
M.
Jadot, rapporteur. - M. le ministre de la guerre semble toujours
restituer à l’Etat, quand il dépense moins que par le passé. Ainsi le budget de
la guerre qui s’élevait, de 1831 à 1833, de 71 à 73 millions par année, ne
s’élève plus maintenant qu’à 45 millions. La différence entre ces sommes
peut-elle être considérée comme des versements faits par le département de la
guerre ? Non, sans doute.
Au reste, j’examinerai les observations de M. le
ministre de la guerre pour y répondre catégoriquement. On peut maintenant voter
l’article. Je répondrai à M. le ministre de la guerre dans la discussion du
budget de son département.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Voici l’état de la question : M. le ministre
de la guerre a encore à recouvrer plus de 3 millions, à titre d’avances faites
aux corps pour masse d’habillement et d’entretien. Mais il ne vous propose de
porter en recette que 600,000 fr., attendu, dit-il, que le restant de la somme
a été employé en approvisionnements ; ce sont des valeurs qui sont en magasin.
Le montant de ces valeurs sera porté en recette au fur et à mesure que les
effets d’habillement auront été fournis par les corps. Cette comptabilité est
parfaitement régulière.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - J’établis d’abord que ces 13,054,000
fr. provenaient de l’excédant des fonds que le congrès et les chambres avaient
accordés successivement sur les crédits éventuels, pour masse d’habillement et
d’entretien, pendant les années 1830 et 1831.
Quand je vins au ministère, je m’empressai de
prendre connaissance de la situation des choses. A la fin de 1832, ces avances
avaient subi une forte réduction ; car, dès le mois de juin 1832, j’avais fait
opérer les retenues autorisées par le règlement et dont le produit fut très
considérable, attendu l’effectif élevé auquel notre armée fut portée pendant
l’année 1832.
Maintenant on ne voit pas
que dans les exercices 1832, 1833 et 1834, 23 millions ont été réduits sur les
crédits alloués ; sur ces 23 millions, il y en a 16 qui se rapportent à des
économies réelles ; les 7 autres entrent en compensation avec les sommes que
nous avons recouvrées par les retenues.
A la fin de 1834, je dus apprécier les
recouvrements de 1835, et je connais tellement cette affaire que je ne me suis
pas trompé, car le premier semestre a produit fr. 356,000, le second, 357,000,
le troisième, 265,000.
J’espère que le quatrième trimestre produira
300,000 fr. environ, de sorte que nous atteindrons la somme éventuelle fixée au
commencement de l’année à 20,000 près.
Je suis assuré que mes prévisions pour 1835 ne
seront pas dépassées ; c’est tout au plus si nous arriverons à la somme de 1,300,000 francs, que j’ai prié M. le ministre des finances
de porter au budget des voies et moyens de cet exercice.
Quant à la somme, je dis qu’au 1er janvier 1833 la
somme totale due par les corps était de fr. 10,537,000
;
Qu’au 1er juillet 1835 elle n’était plus que de fr.
3,269,000.
Il résulte évidemment de là que les corps se sont
acquittés envers l’Etat de la somme de fr. 7,268,000,
qui comprend le montant des retenues et des versements volontaires touchés par
les corps ; plus, celui des économies faites sur diverses parties de leur service.
M. Jadot, rapporteur.
- M. le ministre de la guerre persiste à considérer comme des remboursements
effectués par les corps les sommes non dépensées sur
les allocations du budget ; je ne puis pas admettre ce système.
M.
le ministre de la guerre (M. Evain). - Il y a deux modes de s’acquitter
de dettes contractées ou d’avances reçues : le premier consiste à opérer le
versement en espèces, et c’est ce qui a lieu depuis le premier janvier de celte
année. Le second est de faire compensation au moyen des retenues exercées au
profit de celui qui a fait l’avance ; ce second mode a été suivi en 1832, 1833
et 1834, c’est-à-dire que les fonds ont été laissés au trésor qui avait fait
les avances et qui s’en est ainsi successivement remboursé. Un exemple fera, je
l’espère, facilement comprendre ce mode de remboursement.
Je suppose donc que le trésor était en avance pour
un des corps de l’armée, à l’époque du premier janvier 1833, de la somme de
100,000 fr.
Le total des allocations de
ce corps a été réglé par les revenus trimestriels de l’exercice 1835, à la
somme de fr. 720,800. Mais il n’a été touché au trésor que 680,000. Il a donc
touché en moins 40,000 fr. qui viennent en déduction de sa dette primitive de
100,000 fr. et la réduisent, au 31 décembre 1833, à la somme de 60,000 fr.
C’est ainsi, messieurs, que ces corps, en touchant du trésor des sommes
inférieures à celles qui leur étaient acquises en allocation, se sont ainsi et
successivement acquittés des avances qu’ils en avaient reçues en 1830 et 1832.
M. le ministre des
affaires étrangères (M. de Muelenaere). - La discussion qui s’élève
entre M. le ministre de la guerre et M. le rapporteur provient uniquement de ce
qu’ils ne sont pas d’accord sur les mots et de ce que M. le rapporteur ne veut
pas considérer comme versements faits par les corps, le montant des retenues
qui leur sont faites sur les sommes au paiement desquelles ils ont droit. Ce
sont des versements, en moins prenant ; mais des versements très réels et dont
le montant doit évidemment diminuer d’autant la dette des corps.
M.
Dechamps. - Les recettes présumées sur l’article « recouvrement
d’une partie des avances faites au corps de l’armée pour masse d’habillement et
d’entretien, » sont portées dans le budget de 1836 à 600,000 fr., tandis que
dans le budget de cette année celles-ci étaient évaluées à 1,360.000 fr.
M. le ministre de la guerre motive cette diminution
de recettes sur l’absence d’un grand nombre de miliciens en congé. Mais d’un
autre côté l’absence de ces miliciens procure des économies sur la solde, sur
les rations et sur l’indemnité que le gouvernement paie aux régences des villes
pour le casernement, indemnité qui ne se paie qu’en raison du nombre des
militaires présents. Je demanderai à M. le ministre de la guerre si ces
économies ne pourraient pas compenser en partie la diminution des recettes dont
il s’agit maintenant.
M. Dubus. - Je
n’ai pas parfaitement saisi les explications qui ont été données par M, le
ministre de la guerre en réponse à une observation de la section centrale. Mais
il me paraît résulter de cette discussion qu’il y a ici un vice de comptabilité
auquel il faut porter remède ; car je ne pense pas que nous puissions, quand
nous voudrions y donner les mains, nous mettre en dehors de la constitution et
mettre tout le ministère de la guerre hors de notre contrôle.
C’est précisément pour ces motifs que j’ai demandé
la parole. On a fait remarquer dans une section qu’il résultait des
explications de M. le ministre de la guerre que plusieurs millions auraient dû
être remboursés par des corps, mais que ces corps, par compensation, n’ont pas
reçu le montant des allocations auxquelles ils avaient droit, jusqu’à
concurrence de ce qu’ils devaient au trésor public. Mais l’on faisait observer
en même temps que cependant toutes les allocations du budget avaient été
épuisées.
M. le ministre de la guerre répond qu’il est très
vrai que, selon l’état de situation du premier octobre 1834, les crédits ont
été épuisés ou à peu près ; mais que ces crédits, dans plusieurs budgets
successifs, ont été réduits à une somme moindre en considération de ce que le
ministre avait recouvré sur les différents corps. Je crois que c’est ainsi que
les paroles de M. le ministre doivent être comprises.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - C’est tout à fait cela.
M. Dubus. - Il
est certain que si M. le ministre a besoin d’un crédit de 10 millions et qu’il
ne vous en demande que 7, parce qu’il en a 3 à recouvrer sur les corps de
l’armée pour masses d’habillement, on ne peut lui faire un reproche d’avoir
épuisé le crédit de 7 millions. Mais ce mode de comptabilité soulève une
observation très grave, c’est que des sommes considérables sont ainsi reçues et
dépensées en dehors de toute règle de comptabilité.
Il est à désirer que pour l’avenir on sorte d’un
pareil système. Si vous n’accordez que 7 millions au ministre quand il lui en
faudra 10, parce qu’il a 3 millions à recouvrer, il s’en suit qu’une partie du
crédit réel échappe à tout contrôle. Il y a ici une recette que vous n’avez pas
portée au budget des voies et moyens ; il y a une dépense que vous n’avez pas
portée au budget des dépenses.
C’est là une marche
extrêmement vicieuse. Déjà, messieurs, sans doute, parce que l’on n’a pas porté
la comptabilité à sa perfection, trop de choses échappent au contrôle de la
cour des comptes. Il est important que l’on rentre dans la voie normale à
l’égard de recettes et de dépenses qui, comme celles que je viens de signaler,
sont en dehors des budgets.
Au surplus, je pense que la véritable place de
cette discussion n’est pas dans l’examen du budget des voies et moyens.
D’abord, nous sommes un peu pressés par le temps. C’est lorsque vous discuterez
le budget du département de la guerre. Vous aurez à vous assurer que les
crédits demandés paient à tous les besoins et qu’il ne pourra en être dépensé
au-delà du crédit. Alors vous aurez le temps de fixer votre attention sur les
observations de M. le ministre de la guerre et de prendre les résolutions que
vous croirez nécessaires en votant le crédit.
Si le crédit était au-dessous des besoins du
ministère, il faudrait l’augmenter jusqu’à concurrence de ces besoins, afin que
les dépenses et les recettes figurent aux budgets. D’après les calculs de M. le
ministre de la guerre, il aurait consenti à des réductions sur les exercices de
1832, 1833 et 1834 pour une somme de 22,800,000 fr. Il
aurait laissé sans emploi pour ce troisième exercice 638,000 fr. Voilà 23
millions et demi environ. A coup sûr, ces réductions sont considérables, et
elles n’ont pu être motivées seulement sur des recouvrements à faire auprès des
différents corps. Il y a d’autres causes. Vous aurez à apprécier tout cela en
temps et lieu, et à établir un meilleur système de comptabilité et même de
budget.
M.
le ministre de la guerre (M. Evain). - L’honorable préopinant a très
bien saisi la question et l’a réduite à ses véritables termes. Il est très vrai
qu’en 1832 je portai le budget de mon département à 78 millions. A la fin de
l’exercice 3,615,000 fr. restèrent disponibles, en
partie sur l’allocation des masses, en partie sur d’autres allocations.
Sur cette somme l’on préleva 3,603,000
fr. pour payer les dépenses arriérées de 1830. Sur ce même exercice de 1832 une
somme de 2 millions fut transportée au budget de 1834 en vertu d’une loi. Vous
voyez, messieurs, qu’une somme de 5 millions fut retranchée du budget de … par
trois lois successives
Une réduction de 2,400,000 fr. fut opérée sur
l’observation faite par l’honorable rapporteur M. Brabant que les corps avaient
en magasin pour plus de 4 millions d’effets d’habillement, que c’était beaucoup
trop ; qu’au lieu de 4,800,000 francs pour masse d’habillement, à raison de 18
centimes par homme et par jour, il fallait en retrancher 6/10 et réduire le
chiffre à 2,800,000 fr. Conséquemment les états de situation sur lesquels
l’honorable rapporteur de la section centrale se fonde ne sont pas exacts en ce
qu’ils ne présentent que les allocations définitives amoindries de toutes les
réductions que j’avais proposées.
M. le ministre des
affaires étrangères (M. de Muelenaere). - M. le ministre de la guerre
n’a pas dépense au-delà des sommes allouées pour son budget. Des annulations de
crédits ont été proposées et fixées par des lois. Il résulte des comptes
présentés par M. le ministre de la guerre que sur le total de l’exercice de
1832 montant à 40 millions, il n’a dépensé que 35 millions. Il a proposé une
loi pour faire annuler l’excédant de crédit de 5 millions.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je répondrai à une partie du discours de
l’honorable M. Dubus. Il pense
que d’après l’économie actuelle du budget de la guerre, le ministre pourrait
faire des dépenses sans le contrôle de la cour des comptes. Cela ne peut plus
avoir lieu depuis la marche suivie l’année dernière par l’adoption d’un article
porté en recette au budget des voies et moyens pour 1835 et maintenu dans celui
de 1836.
Toutes les dépenses de la section 3 du budget de la
guerre devront être faites après investigation de la cour des comptes, et
toutes les recettes que ce département fait en recouvrement des avances pour
masse d’habillement, seront soumises au visa de la cour des comptes. Le
ministre de la guerre depuis 1835 ne peut plus, comme auparavant, procéder par
réductions ; la cour des comptes contrôle également les dépenses et les
recettes faites du chef de recouvrements pour masse d’habillement.
- L’article est mis aux voix et adopté.
_______________
« Intérêts de l’encaisse de l’ancien caissier
général, sans préjudice aux droits envers le même caissier dont il est fait
réserve expresse. »
M. le président. -
Cet article sera discuté dans la séance d’aujourd’hui.)
______________
« Produit de l’emploi des fonds de
cautionnements et de consignation : fr. 125,000. »
« Recettes diverses y compris les
remboursements d’avances faites à des provinces et à des communes : fr.
150,000. »
« Abonnement au Moniteur et au Bulletin
officiel : fr. 53,000 »
« Produit des brevets
d’invention : fr. 11,000. »
« Produit des diplômes des artistes
vétérinaires : fr. 2,000. »
« Produit des établissements modèles pour la
culture du mûrier et l’éducation des vers à soie : fr. 6,000. »
- Adopté.
M.
Devaux. - Je demanderai si l’on a porté au budget dont la discussion
est sur le point d’être terminée, le produit des diplômes qui seront délivrés
l’année prochaine par les nouvelles commissions d’examen.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - L’on n’a pas évalué le produit de ces
diplômes, parce que l’on n’a encore aucun point de comparaison pour l’établir
approximativement. Les recettes que se feront de ce chef, figureront, comme
toutes celles qui ne sont pas spécifiées, dans l’article « recettes
diverses, y compris le remboursement d’avance faites aux communes. »
M. Gendebien. -
Je n’ai pas voulu interrompre l’adoption des derniers chiffres du budget. J’en
attendais la fin pour présenter quelques observations. Mais puisqu’un orateur a
interrompu le vote, je demande la permission de dire quelques mots. Je ne puis
me dispenser de protester encore, comme les années précédentes, contre la
rétribution que l’on exige des personnes qui obtiennent un brevet d’invention.
Je le répète comme je l’ai fait tous les ans : je ne comprends pas comment on
peut faire payer un brevet d’invention. J’ai toujours proposé ce dilemme. Ou le
citoyen qui demande un brevet d’invention a eu une idée heureuse, et alors il
ne faut pas le mettre à contribution. Il vaudrait mieux le récompenser. Ou celui
qui demande un brevet d’invention a eu une idée malheureuse, et alors il ne
faut pas lui imposer un nouveau sacrifice. Il faut se borner à le plaindre.
J’ajouterai une réflexion, c’est que je désire que la législation sur les
brevets d’invention soit révisée.
Je ne comprends pas comment on peut contester
administrativement, ou disposer de la propriété d’un auteur plutôt que de la
propriété d’une chose matérielle. Lorsque quelqu’un se présente pour obtenir un
brevet d’invention, l’on se permet de rechercher et de juger si l’idée qu’il a
eue est bonne ou mauvaise.
Je ne comprends pas que le gouvernement puisse
faire autre chose que d’enregistrer au dossier une date certaine à une
invention, à une découverte, à une idée bonne ou mauvaise, et aux risques et périls
de celui qui demande, sauf à lui à en tirer le parti qu’il jugera convenable.
Ce n’est pas ainsi que l’on agit au ministère. On refuse ou on accorde
arbitrairement et injustement un brevet avec ou sans rétribution, avec ou sans
prime, selon le bon plaisir de celui qui est chargé de les distribuer. J’ai
présenté à plusieurs reprises les mêmes observations.
Je n’entends pas élever une
discussion à cet égard ; mais je ne puis me dispenser de m’élever contre la
législation des brevets d’invention et contre la manière de l’appliquer.
J’ai une autre observation à faire. C’est que je
vois dans le rapport de la section centrale que le gouvernement a disposé d’un
objet du domaine public ou a disposé de la calamine de Moreslet.
Je n’ai pas vu la somme provenant de cette vente portée en recette ; au moins
je n’ai vu d’article spécial dans aucun budget. L’on aurait dû remettre les
pièces relatives à cette transaction.
Il y a eu également une transaction au sujet de
l’établissement de Seraing. Je ne sais s’il y a aliénation d’une portion du
domaine public, mais je désire également qu’on en dépose les pièces au greffe
de la chambre.
Je ne tends pas critiquer ce qui a été fait ; en
principe général, je reconnais que le gouvernement est un mauvais industriel.
Je désirerais, pour ma part, qu’il s’abstînt de toute entreprise et qu’il fît
pour les charbonnages de Kerkraede ce qu’il a fait
pour les autres propriétés ; mais je sais qu’il y a un obstacle qui ne permet
pas d’en disposer maintenant, mais ces obstacles disparaîtront, j’espère.
Les particuliers ont déjà beaucoup de peine à
maintenir les charbonnages dans un état de propriété. Le gouvernement est moins
favorablement placé qu’eux pour de pareilles entreprises.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- L’honorable préopinant se plaint de nouveau de ce que l’on ne procède pas à
la révision de la loi de 1817 sur les brevets d’invention. Il faudrait d’abord
qu’il démontrât la nécessité de cette révision. Les chambres de commerce en
général et beaucoup de personnes très versées dans ces matières trouvent qu’il
n’y a pas lieu à cette révision, et qu’il n’y a pas d’abus dans l’application
de cette loi. Quand même, d’ailleurs, il y aurait lieu à cette révision, ce ne
serait pas le moment de s’en occuper, alors que la chambre est saisie de
l’examen de tant de lois indispensables et que l’on ne peut prévoir l’époque où
elles seront adoptées.
L’honorable membre se plaint de ce que l’on paie
une rétribution pour les brevets d’invention. Cette rétribution, messieurs, est
payée en vertu de la loi. J’ajouterai en outre que cette rétribution n’est
qu’une juste indemnité des frais qu’occasionne l’obtention du privilège. En
effet, un brevet d’invention constitue un véritable privilège pour l’impétrant,
qui dès ce moment met exclusivement son invention à profit.
Il est naturel qu’il verse au trésor les frais
qu’il a faits pour constater son invention. Je dirai de plus que les sommes qui
proviennent de cette rétribution sont employées à l’encouragement de
l’industrie.
Quant au refus arbitraire de brevets, c’est une
allégation sans fondement. L’honorable membre voudrait que l’on accordât les
brevets sans examen. Mais il résulterait de la faculté qu’aurait chacun
d’obtenir un brevet d’invention, que les industriels ne pourraient employer un
procédé quelconque sans courir le risque de s’en voir contester l’usage par
celui qui s’en prétendrait l’inventeur. Il est donc nécessaire, avant
d’accorder un brevet, de constater si réellement il y a eu invention.
M.
Legrelle. - Je désire également que l’on révise la législation sur les
brevets d’invention. Il me semble plus utile d’excepter de tout droit ceux qui
présentent des inventions utiles. Quand je songe que sur un budget de 84
millions, les recettes qui se font de ce chef ne sont que de 10,000 francs, je
ne comprends pas que l’on puisse hésiter. Il est à remarquer que les inventeurs
sont très souvent dans l’impossibilité de payer le droit que l’on prélève sur
eux pour l’obtention au brevet. Je citerai, par exemple, un lampiste qui, à ma
connaissance, a découvert de nouvelles améliorations dans le système
d’éclairage par les lampes dites quinquets. Si j’en dois croire ce qui m’a été
dit sur cette invention, elle serait des plus utiles par l’économie qu’elle
apporterait. Cependant, l’inventeur n’a pas les moyens de payer 7 à 800 francs
pour l’obtention d’un brevet d’invention.
Il me semble, messieurs, qu’il serait convenable
d’effacer du budget des voies et moyens le chiffre de 10,000 fr. Augmentons un
autre article de recette d’autant, ou diminuons une dépense jusqu’à concurrence
de ce chiffre. Mais que le gouvernement cesse de prélever un impôt sur les
inventions de l’esprit. Les bonnes idées germent la plupart dans la tête des
personnes incapables de payer le droit élevé que l’on exige d’elles pour
constater leur invention. Au lieu d’exiger d’elles un tribut, la reconnaissance
de la nation leur devrait une récompense.
M.
Gendebien. - Le ministre de l’intérieur invoque l’opinion des chambres
de commerce. Mais il aura beau invoquer toutes les autorités du monde. Je lui
demande une réponse au dilemme que j’ai posé chaque année et que j’ai répété
tout à l’heure.
M. le ministre dit que la rétribution qu’on exige
n’est qu’une juste indemnité des frais qu’occasionnent les recherches faites
pour constater l’invention. Mais est-ce que la générosité de l’Etat ne
contribue pas aux frais d’administration ? Est-il juste de faire payer l’examen
d’une invention, d’une idée neuve ? De quel droit d’ailleurs vous immiscez-vous
dans cette question ? Avez-vous dans vos ministres des tètes encyclopédiques ? des hommes capables de tout juger ? Comment voulez- vous que
l’industrie ait confiance dans leur universalité ? Il n’y a pas plus d’hommes
universels au département de l’intérieur que partout ailleurs.
Je l’ai dit et je le répète, toute législation en
matière de brevets d’invention qui ne repose pas uniquement sur la constatation
de la date du brevet, est injuste et arbitraire. Il y a arbitraire, parce que
vous accordez à l’un ce que vous refusez à l’autre. De quel droit vous
constituez-vous juge de la question de savoir s’il y a invention on non ?
Quelle règle invariable pouvez-vous suivre pour refuser un brevet quand il vous
est demandé ?
Je sais que le temps nous manque aujourd’hui pour
discuter cette question. Mais tous les ans je protesterai contre cette
perception injuste. Tous les ans je me plaindrai de ce que l’on persiste à
disposer de la propriété, des productions de l’esprit. C’est une propriété
comme une autre, une propriété qui, si l’on en juge d’après les progrès de
l’industrie, deviendra plus précieuse que toutes les autres.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Je m’étonne véritablement que
l’honorable préopinant se plaigne si amèrement du droit sur les brevets
d’invention, alors que personne n’a pris la parole pour s’élever contre le
droit que l’on perçoit sur les diplômes accordés aux jeunes gens qui font leurs
études. Si l’on devait critiquer quelque chose, c’était plutôt ce droit-là.
Parmi les inventeurs de nouveaux procédés
industriels, il en est beaucoup qui n’en tirent aucun profit et qui livrent
généreusement leurs découvertes au public.
Il est juste de faire payer à l’inventeur d’un
procédé quelconque les bénéfices d’une invention dont il s’arroge le monopole
en demandant un brevet.
L’honorable préopinant
pense que l’on refuse arbitrairement les brevets d’invention. Il est
complètement dans l’erreur. Si l’invention ne paraît pas de nature à être
profitable au postulant, on l’avertir officieusement des frais auxquels il
s’expose eu pure perte, et la plupart du temps il a le bon esprit de ne pas
insister. Si cependant il persiste dans sa demande, on lui accorde le brevet à
ses risques et périls.
Il est une espèce de brevets que le gouvernement
n’accorde que difficilement : ce sont les brevets d’importation. Ce refus est
légitime. Parce qu’il aura plu à un individu d’aller consulter les cartons d’un
ministère à Londres ou a Paris, il faudra que le gouvernement l’autorise à
prélever un véritable impôt sur notre industrie pour la diffusion d’une
invention qui en définitive, au bout du terme fixé au brevet, tombera dans le
domaine public et nous reviendra par conséquent. Je ne crois pas que l’on
puisse faire un reproche au gouvernement d’une réserve qui est toute dans
l’intérêt de l’industrie nationale.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - L’on a demandé des renseignements
sur la transaction relative à la calamine de Moreslet.
Je dirai qu’un capital assez considérable a été versé dans le trésor public par
le propriétaire actuel. Si la chambre désirait prendre connaissance de cette
affaire, je m’empresserais d’en déposer les pièces sur le bureau. L’assemblée
verrait que les droits du gouvernement ont été soigneusement défendus et que le
propriétaire actuel verse une somme annuelle de 6,500 francs à titre de
redevance.
En ce qui concerne la transaction de Seraing, je
pense que l’examen de cet objet trouvera mieux sa place dans le budget des
voies et moyens de l’année 1837, quand le propriétaire aura opéré le premier
versement pour prix de sa cession.
L’honorable M. Gendebien a exprimé le désir de voir
le gouvernement se désister de ses intérêts dans différentes entreprises
industrielles. Le gouvernement partage entièrement son opinion, et chaque fois
que l’occasion s’en présentera, il se hâtera de se défaire des exploitations
qu’il dirige encore, parce que nous sentons qu’il n’est pas apte à gérer
convenablement des intérêts semblables.
M. Lardinois. -
M. le ministre des finances vient de vous dire qu’il ne verrait aucun
inconvénient à déposer les pièces relatives à la calamine de Moreslet. Je prierai la chambre d’en ordonner le dépôt, car
il paraît que le propriétaire actuel ne paie qu’une redevance de 6,000 francs,
tandis que cette redevance était auparavant de 35 à 40,000 francs, somme qui
était partagée entre
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je ne conçois pas que M. Lardinois propose à
la chambre d’ordonner le dépôt de pièces que je me suis offert à faire, dés que
la chambre en manifestera le désir. Je déclare que ce dépôt aura lieu
incessamment.
Recettes pour ordre
« Produit des saisies et confiscations opérées
par l’administration des contributions : fr. 120,000. »
« Cautionnement par les comptables de l’Etat :
fr. 80,000. »
« Expertise de la contribution personnelle :
fr. 40,000. »
« Produit d’ouverture des entrepôts : fr.
14,000. »
« Ensemble : fr. 254,000. »
- Adopté.
Fonds de dépôt
« Consignations : fr. 50,000. »
- Adopté.
FIXATION DE L’ORDRE DES TRAVAUX DE LA CHAMBRE
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je crois qu’il serait convenable de mettre à
l’ordre du jour de demain l’article ajourné et qui est relatif aux intérêts de
l’encaisse de l’ancien caissier-général.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Je demande également que l’on mette à
l’ordre du jour, après le budget des voies et moyens, les projets de loi
relatifs : 1° aux péages ; 2° aux budgets provinciaux ; 3° à la sortie des os.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Il me paraît bien certain que le budget de la guerre ne
peut être discuté avant le 1er janvier. J’aurai donc besoin d’un crédit
provisoire pour assurer le service du mois de janvier ; j’en aurai besoin pour
le 2 au plus tard, afin que les corps puissent puiser au trésor les fonds
indispensables pour payer la solde du mois. En conséquence, j’aurai l’honneur
de présenter demain à la chambre, de l’avis de mes collègues, un projet de loi
de crédit provisoire de la somme de 3 millions pour assurer le service du
département de la guerre.
- La séance est levée à 4 heures 3/4.