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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du lundi 21 décembre 1835 (après-midi)
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre, notamment observations de la
cour des comptes sur les comptes définitifs de 1830, pétitions relative à
l’impôt sur les distilleries (de Behr, A. Rodenbach) au droit de chasse (David)
et à la construction d’une route par l’Etat (de Renesse,
Eloy de Burdinne)
2) Mode
de nomination des membres du jury d’examen universitaire et règlement de la
chambre (Dubus, de Nef, Verdussen)
3) Projet
de loi portant le budget des voies et moyens pour l’exercice 1836.
a)
Discussion générale. Situation de la société générale vis-à-vis du trésor
belge et biens du domaine octroyés au roi Guillaume (Desmet),
inégalité de la répartition des impôts) (contribution foncière) (Eloy de Burdinne), idem (contribution personnelle, patente
des bateliers) (Dechamps), droit sur les bois (Lejeune), inégalité de la répartition des impôts (Duvivier)
b)
Discussion des articles. Contribution foncière (Eloy de
Burdinne, (+contribution personnelle) d’Huart, Eloy de Burdinne, d’Huart, Dubus, Eloy de Burdinne, Jadot, d’Huart, Dubus,
A. Rodenbach, (+mesures de soutien à l’agriculture) (Rogier, Eloy de Burdinne, Dubus, de Theux, F.
de Mérode, Eloy de Burdinne), patente (Gendebien, d’Huart, Jullien, Jadot, (+taxe sur les
célibataires) (Gendebien, F. de
Mérode), Dubus, de Theux, d’Huart, Devaux, Dubus,
d’Hoffschmidt), droit d’entrée sur les bestiaux (Verdussen, d’Huart, Rogier, de Theux) et sur les
soieries (Meeus, d’Huart), impôt
sur le sel (Gendebien, d’Huart),
impôt sur le sel et le vinaigre (A. Rodenbach, d’Huart, Desmet), impôt sur le sel (Gendebien)
(Moniteur
belge n°357, du 22 décembre 1835 et Moniteur belge n°358, du 23 décembre 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
M. Schaetzen fait l’appel nominal à onze heures et
demie.
Il fait ensuite lecture du procès-verbal de la
séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Verdussen
fait connaître l’objet des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Des distillateurs de
la ville de Liége demandent que la chambre adopte l’ajournement proposé par la
section centrale sur la disposition concernant les distilleries, proposée dans
le budget des voies et moyens, et combattent l’augmentation du droit de 22 à 30
centimes proposée par cette section ; ils demandent aussi que cette disposition
soit élaguée du budget et qu’elle fasse l’objet d’une proposition
spéciale. »
________________
« Des habitants de Dinant demandent que le droit de 30 francs sur les permissions
de port d’armes soit réduit à 10 francs. »
________________
« Des fabricants de la
commune de Bassevelde demandent la construction du
canal de Zelzaete à Blankenberg. »
________________
« Des habitants de Bruxelles demandent
que la garde civique soit divisée en trois bans. »
« Des habitants de Huy réclament contre
l’ordre, donné par M. le ministre de l’intérieur, de fermer la chasse le 1er
janvier dans la province de Liége ; ils voudraient que le permis de chasse
durât jusqu’au 1er mars. »
M.
de Behr. - Je demande que la pétition des distillateurs de Liège,
relative aux distilleries, reste sur le bureau, et qu’elle soit insérée au Moniteur, puisque nous aurons à délibérer
sur l’objet de cette pétition dans une de nos prochaines séances. Si cependant
on devait discuter aujourd’hui l’article relatif aux distilleries dans le
budget des voies et moyens, je demanderais la simple lecture de la pétition.
M.
A. Rodenbach. - Je demanderai la lecture de la pétition parce que je
pense qu’aujourd’hui nous avons à nous occuper des distilleries.
M.
le président. - Quand nous aurons statué sur les pétitions, on donnera
lecture de celle-ci
M.
David fait observer que c’est lui qui a déposé sur le bureau la
pétition des habitants d’Huy, relative au port d’armes. A Liége, d’après les
ordres de M. le ministre de l’intérieur, la chasse serait fermée au 1er
janvier, tandis qu’à Namur la chasse est permise jusqu’au 1er mars.
Cet honorable membre ne
voit pas de motif de cette différence : il pense que tous ceux qui ont des
ports d’armes doivent en jouir pendant le même temps, qu’ils ont tous les mêmes
droits ; et, en conséquence il demande que la pétition soit renvoyée à M. le
ministre de l'intérieur.
________________
M.
Verdussen fait connaître à la chambre que la cour des comptes lui a transmis
ses observations sur les comptes définitifs de l’exercice de 1830.
- L’impression de ces
documents est demandée et ordonnée.
________________
M. Desmanet de Biesme écrit pour
demander un congé.
- Ce congé est accordé.
M.
Verdussen donne lecture de la pétition des distillateurs de Liège.
(Cette pétition, reprise au Moniteur belge du jour, n’est pas incluse
dans la présente version numérisée.)
M.
le président. - Il est d’usage d’imprimer les pétitions lues à la
chambre. Cette pétition sera insérée dans le Moniteur.
M.
de Renesse. - Messieurs, une pétition des principaux habitants du
canton de Bilsen, tendant à obtenir la construction
d’une route de Tongres à Bilsen, a été analysée dans
la séance du 13 avril dernier ; par oubli, elle est restée entre les mains de
l’un de MM. les rapporteurs des pétitions du mois d’avril et n’a pu être
inscrite au feuilleton numéro 7, qui vous a déjà été distribué il y a quelque
temps. J’ai l’honneur, en conséquence, de demander à la chambre de vouloir
ordonner le renvoi de cette pétition à la commission des travaux publics avec
invitation d’en faire un prompt rapport, afin qu’elle puisse être envoyée au
plus tôt à M. le ministre de l’intérieur qui s’occupe actuellement d’un travail
général sur les constructions de routes à faire dans les différentes provinces.
M. Eloy de Burdinne. - Je demande la
parole non pas pour m’opposer au renvoi, mais pour l’appuyer, et pour demander,
en outre, que les pétitions ayant le même but soient toutes renvoyées au
ministre de l’intérieur : il y a six mois qu’une pétition semblable a été
adressée à la chambre, et je ne la vois pas encore inscrite au feuilleton ; je
demande qu’il n’y ait aucun privilège, et que toutes les pétitions ayant
rapport aux routes soient traitées de la même manière. (Appuyé ! appuyé !)
- L’objet de la pétition
dont M. de Renesse a entretenu la
chambre est analysé dans les termes suivants :
« Les membres des
conseils communaux et les principaux habitants des communes du canton de Bilsen, demandent la construction d’une route, se dirigeant
de la ville de Tongres par Bilsen vers Maseyk. »
- La chambre en ordonne le
renvoi à la commission des travaux publics avec invitation de faire un rapport
dans le plus bref délai.
MODE DE NOMINATION DES MEMBRES DU JURY D’EXAMEN UNIVERSITAIRE
M.
Dubus (pour une motion d’ordre.) - Dans la dernière séance vous avez
ordonné, sur la motion d’ordre que j’ai faite, qu’il y aura une séance ce soir
; mais vous n’avez pas indiqué l’heure ; je demanderai à la chambre qu’elle se
réunisse à 7 heures.
Plusieurs membres. - A 8 heures !
M.
Dubus. - Eh bien, si on le veut, que ce soit à 8 heures.
M.
de Nef. - Il me semble que la motion ne saurait entraîner une longue discussion,
et qu’on pourrait s’en occuper immédiatement. (Non ! non ! à 8 heures.)
M.
Verdussen. - Je demande qu’on se réunisse ce soir, et je demanderai en
même temps, comme l’objet dont on aura à s’occuper n’entraînera pas une longue
discussion, que l’on mette à l’ordre du jour de la séance de ce soir les lois
urgentes que nous devons porter avant la fin de l’année ; par exemple, la loi
concernant les péages, la loi tendante à autoriser
les états provinciaux à dresser les budgets des provinces.
- La chambre consultée
décide que la réunion aura lieu ce soir à huit heures, et qu’après avoir pris
une décision sur la proposition de M. Dubus, elle s’occupera de la loi sur les
péages et de la loi portant autorisation aux états provinciaux de dresser leurs
budgets.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DES VOIES ET MOYENS POUR L’EXERCICE 1836
Discussion générale
M.
Desmet. - Messieurs, dans une de vos dernières séances l’honorable M.
Doignon a fait l’observation qu’il trouvait assez étrange que la commission qui
s’était chargée de revoir et faire un rapport à la chambre sur tous les points
litigieux qui concernaient la banque de Bruxelles, n’avait pas touché le
principal, celui de savoir de quel droit Guillaume avait aliéné les biens de la
couronne à une société particulière et s’il n’y aurait pas moyen de faire
déclarer cette vente nulle, tant sous le rapport du défaut de droit du vendeur
que de la lésion qu’en avait soufferte
Deux articles de la
constitution octroyée par le roi Guillaume en 1814, lors de la formation du
royaume des Pays-Bas auquel
« Art. 30. Le roi
jouit d’un revenu annuel de deux millions 400 mille florins payables par le
trésor public. »
« Art. 32 ; Si le roi Guillaume-Frédéric-d’Orange-Nassaun actuellement régnant,
en fait la proposition, il peut lui être assigné, par une loi, des domaines en
toute propriété, jusqu’à concurrence de 500,000 florins de produit, lesquels
seront déduits des revenus déterminés à l’article précédent. »
Le roi Guillaume profita de
la faculté qui lui était laissée par ce dernier article de la constitution dont
nous venons de citer le texte.
En conséquence, il fit
présenter en 1822 un projet de loi pour opérer cette conversion aux
états-généraux.
Elle fut adoptée, et une
loi la sanctionna le 20 août 1822. Les considérants s’appuient sur les articles
précités de la constitution ; il est essentiel de relater les termes du
dispositif.
L’article unique de cette
loi porte :
« En diminution de la
somme de 2 millions 400 mille fl. par an, qui, d’après l’article 30 de la loi
fondamentale, nous doit être payée par le trésor public, et en paiement de
cette somme jusqu’à concurrence de 500 mille florins, nous acceptons en toute
propriété comme bien patrimonial, ainsi qu’il nous est cédé par les présentes
en toute propriété comme bien patrimonial, les biens domaniaux ci-après
désignés. »
(Suit annexée à la loi, et
comme en faisant partie, la nomenclature des biens cédés au roi Guillaume pour
la conversion dont il s’agit.)
Partie de ces domaines est
située eu Belgique (alors connue sous la désignation de provinces
méridionales), partie en Hollande dite provinces du Nord.
L’Etat s’était ainsi dessaisi
de la propriété de ces biens au profit du roi régnant et ce aux termes de
l’article 31 de la constitution.
Celui-ci ne tarda pas à
réaliser le bénéfice de cette cession pour son compte privé ; et en effet, le
28 août 1822, il rendit un arrêté royal qui assigna à la société (instituée
dans le but, disait-on, de protéger l’industrie nationale et le commerce) pour
premier fonds les domaines ci-dessus qui lui avaient été cédés par la loi
relatée du 26 août 1822.
L’estimation de ces
domaines évaluée dans cette loi reposait sur la base calculée de vingt fois
leur revenu et conséquemment pour dix millions qui, à 5 pour cent, auraient dû
donner un intérêt de 500 mille florins.
Guillaume les transmit à la
société pour une valeur en capital de 20 millions au denier 40.
Cette société pour protéger
l’industrie, etc., plus vulgairement connue sons le nom de banque de Bruxelles,
accepta cette cession qui constituait le noyau et la représentation immobilière
de ses fonds et de l’émission autorisée de ses billets de banque.
Un arrêté royal approuva
ses statuts, et le roi garantissait en outre aux actionnaires 5 p. c. d’intérêt
de leurs actions.
Un acte notarié passé
devant le notaire Thomas, à Bruxelles, reçut les intervenants qui formèrent
l’établissement, mais il n’y est point fait mention du nombre d’actions
appartenant à chaque actionnaire ou accumulativement
à tous.
Le versement des actions
était destiné à constituer le fonds en numéraire de la société, et celles-ci
avaient pour hypothèque les biens cédés par Guillaume.
Le prix présumé de ces
biens fixés à vingt millions de florins sera versé à la caisse de l’Etat, en
argent comptant ou en effets publics, rendant un million d’intérêt par an, à
l’époque de la dissolution de la société, qui aura lieu en 1849, ou plus tôt si
les actionnaires, réunissant les 3/4 des actions l’exigent ; jusqu’alors elle
payera pour intérêt annuel, savoir au roi, à partir de 1823, 500 mille florins,
et à la caisse d’amortissement, à partir de 1825, 50,000 fl., laquelle somme de
50,000 fl. augmentera chaque année de pareille somme, jusqu’à ce qu’elle soit
portée à 500,000 fl. qui continuerait à être payée, jusqu’à l’époque de la
dissolution de la société.
Deux observations doivent
compléter cet exposé.
Si ces domaines cédés ne
valaient (nonobstant la réserve du tiers de la forêt de Soignes, dont je pense
que la banque a déjà disposé) que vingt millions, on pourrait s’abstenir de
toute réflexion à l’égard de la valeur réelle de ces biens fonds ; mais on est
avec cette somme bien loin de cette véritable valeur, comme nous allons le
démontrer.
Les domaines étaient
situés, partie dans les provinces du nord, partie dans les provinces du midi.
Les propriétés du nord
consistent en dîmes et biens à prélever et situés dans les provinces de
Les propriétés du midi,
c’est-à-dire, des provinces belges consistaient :
1° Dans la province du
Brabant, en la forêt de Soignes, contenant 11,718 bonniers.
2° Dans la province de
Liége, en 4,073 bonniers de bois et forêts.
3° Dans la province de
Namur, idem en 9,633 bonniers de bois et forêts.
4° Dans la province du
Hainaut, idem en bois et forêts, contenant ensemble 2.524 bonniers, et dans le
Limbourg en 312 bonniers de terre labourable.
En tout… 28,320 bonniers.
On ne connaît pas au juste
la valeur vénale des propriétés n’en ayant pas l’évaluation en détail ; mais
d’après d’exactes données, on peut évaluer le bonnier
l’un dans l’autre au prix de 1,500 florins, donc pour le tout des 28,320
bonniers une somme de 42,480,000 de florins
Je ne crains point que la
banque donne un démenti à mon calcul, et si elle voulait faire connaître le
montant des prix de vente, on y trouvera la preuve que mon calcul est encore
au-dessous de la réalité.
Le roi Guillaume, d’un
esprit essentiellement calculateur, réalisa aussi une somme importante de ses
biens, et à l’aide de complaisants intervenants, dont je tairai ici les noms,
quoiqu’on pourrait bien signaler au public qui sont ceux des Belges qui ont
aidé dans cette occasion l’avide Guillaume à voter nos antiques domaines.
De l’exposé de ces faits
découlent naturellement plusieurs graves questions à résoudre.
1° Les domaines cédés par
le roi Guillaume à la banque, estimés à 20 millions de florins et reconnaître
plus tard valoir 40 millions, faisant partie de la liste civile, étaient-ils
aliénables ? Les intérêts de l’Etat n’ont-ils pas été ainsi annihilés ?
Pourra-t-on, pour résoudre
affirmativement le premier paragraphe de cette question, arguer au moyen des
termes du dispositif de la loi du 26 août 1822, par lesquels l’acceptation a eu
lieu en toute propriété et comme bien patrimonial, et la cession qui en a été faite
reconnue l’avoir été au même titre ?
Le nouvel Etat belge ne
serait-il pas fondé à opposer à ce raisonnement, et en sa précédente qualité de
faisant partie du royaume des Pays-Bas, que la conversion effectuée en
immeubles était destinée à représenter entre les mains du roi possesseur, les
560 mille florins, complément de la liste civile ; et c’est altérer la
constitution annuelle qui fut établie de ce douaire, qu’aliéner les biens dont
le revenu remplaçait l’Etat dans le paiement du solde de la liste civile.
La liste civile n’est-elle
pas une véritable donation dont le représentatif
repose sur les ressources mobilières et immobilières de l’Etat ? N’est-elle pas
lors de sa fixation constituée sur ce capital sacré ? et
dès l’instant que l’Etat a consenti d’après la loi fondamentale aux
modifications qu’elle permettait, n’a-t-il pas entendu qu’il ne serait pas
touché aux garanties dont il transmettait la propriété pour concourir avec lui
au paiement de la liste civile ?
Le chiffre déterminé par la
charte, doit-il perdre de sa base par la vente des biens destinés, en
remplacement de l’Etat, à le compléter, et la liste civile n’est-elle pas
constituée autant dans son intérêt que dans celui du monarque : c’est-à-dire…
Dans la sauvegarde du
monarque qui y voit consacrés au pair de la dette publique les revenus du
trésor.
Dans l’intérêt dé la nation
qui veut assurer par cette donation la dignité de la couronne.
Dès lors peut-on admettre
le droit d’aliénation, et l’expression de bien patrimonial n’équivaut-elle pas,
motivée par l’origine et le but de la cession relatées dans la loi, à celle de
bien spécial de la couronne ; car différemment ce serait établir que l’Etat a
voulu bénévolement capitaliser le sixième de l’aliénation annuelle, fixée pour
la liste civile, et le donner de plein débours, au roi Guillaume, tandis que la
constitution ne l’oblige qu’au paiement chaque année d’une rente due à la liste
civile, et jamais au remboursement calculé du capital, ce qui serait le comble
de l’absurde.
2° Par le fait de la
déchéance prononcée contre les Nassau, le roi Guillaume n’est-il pas comptable
envers le nouvel Etat belge de la partie des domaines à lui cédés par la loi du
26 août 1822 situés dans les ci-devant provinces méridionales ? Ils étaient
évidemment consacrés à représenter la moitie des 500,000 fl., complément de la
liste civile, au paiement de laquelle, par la cessation du règne de Guillaume,
S’arroger la solution
contraire, ne serait-ce pas faire résulter que
3° Les deux questions
ci-dessus résolues en faveur du royaume de Belgique, n’y a-t-il pas lieu à son
profit à exercer une action en revendication contre la banque, véritable
prête-nom, qui a acquis des immeubles d’un vendeur qui n’avait pas qualité pour
aliéner ? C’est à l’acheteur à examiner si les titres de son cédant sont
valides.
4° Dans le cas de solution
favorable de la deuxième question, n’y a-t-il pas lieu à exercer une reprise en
restitution du domaine contre le roi Guillaume, lors de la liquidation à
effectuer avec lui les arrérages des 500 mille florins annuels qui lui sont
payés par la banque n’appartiennent-ils pas à
Outre ce moyen pour faire
annuler l’aliénation qui a été faite de nos domaines, il y en a encore un autre
que la commission n’a pas examiné, c’est celui du dol dont Guillaume s’est
servi quand il a enlevé ces propriétés nationales ; aucune expertise en régie
desdites propriétés n’a été faite, et il a été démontré dans le moment même que
la valeur était plus que le triple de celle pour laquelle Guillaume nous les
avait enlevés ; la lésion prévue par le code civil, dans la cession de ces
biens, est incontestable.
Mais, messieurs, tout en
approuvant mes observations, vous pourrez cependant m’objecter que c’est un peu
tard pour les faire valoir et qu’il y avait même une espèce d’impossibilité de
revenir sur cette cession. Mon but n’est pas de conclure à prendre telle ou
telle mesure, il n’a été que de traiter une question, qui, me semble-t-il,
n’avait pas été assez approfondie.
D’après mon opinion, il y a
longtemps que le gouvernement aurait dû agir, et c’est lui seul qui a les
véritables armes en main pour faire entendre raison à cette banque, si elle
reste récalcitrante, et si elle ne veut pas, d’accord avec le gouvernement,
marcher dans une voie nationale. Les autres moyens comme ceux de la justice ne
sont d’après moi que des demi-mesures qui ne sont bonnes que pour traîner les
choses en longueur et ne jamais obtenir de solution ; si la banque n’a pas en
vue de s’entendre avec le gouvernement, ce sont les moyens des tribunaux
qu’elle préférera. Dépenser quelque argent n’est rien pour elle et elle ne sait
que trop bien que les avocats savent mettre en pratique la bonne méthode pour
faire traîner une affaire et ne jamais la finir.
Cependant, messieurs, jusqu’à présent nous ne savons pas si réellement
la banque a refusé d’entrer en accommodement avec le gouvernement et si elle a
voulu lui donner tous les éclaircissements dont il pourrait avoir besoin pour
terminer le litige, et s’assurer si elle marche dans un sens national et si
l’association de Guillaume me serait pas nuisible aux intérêts politiques du
pays.
J’aime même d’en douter, car je ne pourrais croire que le gouverneur,
qui est un enfant de la révolution, voudrait laisser travailler une société
dont il a la direction, contre les intérêts de sa patrie, et tramerait de
concert avec le roi déchu, pour la perdre ; jamais je n’ai bien pu croire que
la banque de Bruxelles avait fourni des fonds à Guillaume pour faire la guerre
contre nous, et que tous les trimestres ou semestres la banque envoyât deux
commissaires en Hollande pour s’entendre avec les gens de Guillaume.
Je suis donc d’avis
que c’est le gouvernement seul qui peut avec efficacité traiter l’affaire de la
banque ; j’émets le vœu que le ministère ne tarde pas à faire des démarches
afin de terminer à l’amiable, et si ses relations soient sans succès, alors je
l’engage de toutes mes forces à faire usage des moyens qu’il a dans son
pouvoir, et qui, d’après moi, sont suffisants pour la terminer et mettre à
l’abri les intérêts de la Belgique. Je compte donc sur la sollicitude du
ministère dans cette importante affaire, et je me hâte qu’il ne voudra pas
rester en retard ; car il doit être persuadé qu’il assumerait toute la
responsabilité, et s’il ne peut revenir sur le passé, au moins il pourra
prendre des garanties pour l’avenir, en assurant au trésor le remboursement qui
doit être effectué en 1849 et les intérêts annuels avec les arrérages que la
banque lui doit.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, le peu
de temps qui nous reste pour voter le budget des voies et moyens, le budget de
la guerre et plusieurs autres lois, opération qui doit avoir lieu avant la fin
de l’année, et assez à temps pour que le sénat puisse les discuter et les voter
également avant le 1er de janvier, nous place dans une position fâcheuse. Il ne
nous reste guère que quatre ou cinq jours pour discuter ces différentes lois ;
et, selon moi, cet espace de temps est insuffisant, ce sera encore de confiance
que nous voterons le budget de la guerre. Le temps nous manque pour y
introduire les améliorations que dans nos opinions nous croyons qu’ils
réclament. Il en est de même du budget des voies et moyens.
Depuis trois ans, l’impôt
foncier accable la propriété boisée, aussi que les terres arables ; les terres,
en un mot, qui produisent les céréales, et plus particulièrement les localités
où on ne peut cultiver le lin et autres denrées qui ne sont pas destinées à la
nourriture de l’homme. Le bétail est tombé à vil prix depuis un an. Le
cultivateur qui en a élevé en quantité, ne peut s’en défaire. Il doit, en étant
surchargé et son exploitation ne lui fournissant pas de la nourriture
suffisamment par suite du déficit occasionné par la sécheresse de l’été
dernier, acheter à des prix très élevés du foin pour les nourrir, ce qui place
ces cultivateurs dans une position déplorable,
Depuis deux ans les
produits des terres arables donnent au plus les frais de culture et des contributions
dans bien des localités, au Hesbaye par exemple ; ce que j’avance ici je
pourrais le prouver : nous n’en avons pas le temps, et je dois y renoncer pour
que le gouvernement puisse marcher plus régulièrement C’est ainsi que quand le
froment que
On me répondra peut-être
que mes calculs ne sont pas à l’abri de contestations, mais on conteste tout
quand on veut contester, mais le temps nous manque pour en administrer la
preuve. Si on le désire, je peux en démontrer l’exactitude.
Pour le motif que je viens
de déduire, qu’on ménage autant que possible la propriété dans le moment actuel
sauf à y revenir quand elle sera dans un état de prospérité.
Faites disparaître les 10
centimes additionnels, si vous pouvez trouver le moyen de faire face à la
dépense strictement nécessaire ; diminuez l’impôt sur le sel d’après la loi en
projet, et destinée à produire une augmentation de recette, tout en allégeant
la classe malheureuse qui consomme du sel en bien plus grande abondance que le
riche. Apportez des modifications à la loi sur les bières, particulièrement
dans les campagnes, où si le droit était réduit pour les bières de ménage, il
en résulterait une augmentation de produit en impôt, vu qu’on en fabriquerait,
tandis que le malheureux petit cultivateur et les ouvriers de récoltes sont
obligés de boire de l’eau et du genièvre. Augmentez l’impôt sur le genièvre,
comme on vous l’a déjà demandé grand nombre de fois.
Ajournez des
dépenses qui ne sont pas d’une nécessité urgente, frappez d’impôt les produit
étrangers s’il le faut, en un mot faites en sorte de ne pas ruiner votre
agriculture, principale industrie de
Nous reviendrons sur ce
point, lorsque nous passerons à la discussion des articles, et je vous en
conjure, faites en sorte que les propriétaires des provinces appelées à une
augmentation dans l’impôt foncier, ne s’aperçoivent pas trop que cette
augmentation est le résultat d’une réduction accordée aux Flandres et à la
province d’Anvers.
En diminuant l’impôt
foncier sur le rapport des centimes additionnels, les Flandres et Anvers seront
appelées à une réduction plus forte, et les provinces appelées à une
augmentation ne recevront pas une augmentation qui dans le moment n’est pas
supportable.
Le taux actuel est non pas
du cinquième du revenu, qui est le maximum voulu par le décret de l’assemblée
constituante, mais il est environ de
Quand nous parviendrons aux
articles, je proposerai un amendement.
Méditez, je vous prie, mes
observations, qui ne tendent qu’à maintenir la bonne harmonie entre toutes les
provinces du royaume.
M.
Dechamps. - Messieurs, depuis que le congrès a déclaré que notre
système financier devait être révisé dans le plus bref délai possible tous les ministres
du département des finances, et tous les rapporteurs des sections centrales qui
ont été chargés d’examiner les budgets des voies et moyens ont manifesté tous
les ans le regret de ce que les circonstances avaient empêche le gouvernement
de présenter à la législature un projet de loi sur cette matière ; dans
l’exposé des motifs du budget des voies et moyens présenté l’année dernière, M.
le ministre des finances nous a parlé d’une commission instituée pour la
révision de notre système financier, et chargée par le pouvoir royal de
présenter les bases d’un nouvel impôt sur le sel ; le ministre des finances
nous avait en même temps donné l’espoir que le travail de cette commission
serait présenté sans beaucoup de retards à la législature : je ne sais s’il
conserve encore cet espoir ; mais, à en juger par un passage d’un discours
qu’il prononcé dans une des précédentes séances, j’ai tout lien d’en douter.
Voici en effet dans quel sens a parlé M. le ministre.
Il faut introduire des
modifications aux lois financières par le budget des voies et moyens
lorsqu’elles sont urgentes, parce qu’on est certain de les obtenir en temps
utile, ou dans un temps déterminé, tandis que, si nous présentons des projets
de lois spéciaux, comme ils ne seraient pas toujours aussi urgents que d’autres
projets dont les chambres seraient déjà saisies, on ne pourra prévoir l’époque
de leur adoption.
Il paraît, d’après cette
déclaration, que le ministre des finances adopte l’opinion, partagée par
plusieurs économistes, ou par plusieurs membres de cette chambre, de laisser
les bases actuelles de l’impôt telles qu’elles sont, puisque les contribuables
y sont habitués, et de n’y porter que des modifications partielles et
successives, par des changements dans le budget des voies et moyens.
Si telle est l’intention du
ministre des finances, je crois que la question qui résulte d’une semblable
façon d’opérer est assez grave pour qu’on l’examine et la discute
attentivement.
Si telle n’est pas son
intention, je pense cependant que l’exemple que lui et ses honorables
prédécesseurs ont donné en apportant des modifications partielles dans les
budgets des voies et moyens, sera suivi par bien des membres de cette assemblée
qui ont des amendements à présenter ; il s’en suivrait que le budget finirait par
être un assemblage de réformes financières, faites successivement. Suivant moi,
ce serait là un inconvénient grave, et c’est pour éviter cet inconvénient qu’au
sein de la section centrale j’ai voté le rejet des modifications proposées à
l’impôt sur les distilleries et à une partie de l’impôt sur le personnel.
En attendant que la chambre
statue sur les divers modes de révision de nos lois financières, je me propose
de présenter quelques observations sur les vices les plus saillants qui
entachent notre système d’impôts ; je m’attacherai surtout à vous entretenir de
ceux qui ont essuyé le plus d’attaques aux états généraux en juillet 1821 et en
juin 1822.
Si la chambre adoptait des
modifications partielles dans le budget des voies et moyens, je proposerai des
amendements pour réformer quelques vices sans changer les bases des impôts
actuels. D’abord je parlerai de la contribution personnelle, qui a subi le plus
d’attaques lorsqu’elle a été établie en juin 1822 ; la manière dont les quatre
premières bases de cet impôt sont fixées a paru dénoter l’esprit qui a présidé
la rédaction de cette loi.
Ce sont les experts nommés
par la commission instituée par l’art 58 de la loi, qui vicient ces bases ;
car, messieurs, ces experts sont payés à tant pour cent du montant de la
contribution à laquelle leurs opérations se rattachent, et de plus, ils
perçoivent pour chaque base vingt centimes, à acquitter par le contribuable.
Vous voyez, messieurs, que
l’esprit de fiscalité ressort de cette loi ; il me paraît immoral de placer
ainsi la conscience de ces experts en présence de leur intérêt privé ; il me
paraît immoral d’accorder, pour ainsi dire, une prime d’encouragement aux
vexations de la fiscalité. Il serait aisé, selon moi, de donner de plus grandes
garanties d’impartialité pour le gouvernement et pour le contribuable, en
faisant fixer les quatre premières bases de l’impôt personnel
contradictoirement par les contribuables, le contrôleur, et par les
commissaires répartiteurs de la commune, dont les fonctions sont gratuites.
Ces quatre premières bases
pourraient être fixées une fois pour toutes de cette manière. Nous obtiendrions
un résultat favorable. II y aurait de l’économie, puisque les commissaires
répartiteurs des communes ne seraient pas rétribués. En second lieu, les mesures
vexatoires dont on s’est plaint si vivement aux états-généraux, ne se
renouvelleraient plus tous les ans. Ainsi le système que j’ai l’honneur de vous
proposer aurait l’avantage d’apporter plus d’impartialité et de justice.
Un autre point qui mériterait
une réforme, c’est celui sur lequel un honorable membre a appelé votre
attention dans une séance précédente, C’est l’exemption dont jouissent les
bâtiments ayant une valeur locative de moins de 20 florins. L’honorable M.
Seron vous a démontré combien cette exemption serait injuste ; il vous a prouvé
que les classes indigentes, en faveur desquelles elle a été adoptée, n’y
participaient pas du tout. Plusieurs orateurs même qui défendaient aux
états-généraux les bases de l’impôt personnel se sont élevés contre cette
exemption. Je sais que le ministre des finances d’alors a dit que si l’on
faisait peser l’impôt personnel sur toutes les habitations, il en résulterait
un plus grand nombre de non-valeurs. Par conséquent le trésor public n’y
gagnerait rien.
Si cette objection était
vraie, elle aurait dû l’être également pour la contribution foncière et pour
les autres bases de l’impôt personnel, pour les fenêtres, les foyers, etc.
Il me paraît qu’il n’y a
pas plus de raison de dévier de ce principe général que chacun doit contribuer
aux charges publiques en raison de ce qu’il possède, de dévier, dis-je, de ce
principe quant à la valeur locative, qu’à l’égard de la contribution foncière
ou de toute autre base de l’impôt personnel.
Je pense, messieurs, que
l’on pourrait réduire les 4 p. c. à 2 p. c., sans que
le trésor y perdît rien, parce que l’impôt étant mieux réparti rapporterait
davantage. Nous y gagnerions cet avantage que l’impôt serait moins senti.
Un autre vice de notre
système financier et qui n’est pas moins révoltant que celui dont je viens de
parler, c’est l’exemption accordée sur les foyers qui dépassent le nombre de
12. Ce privilège est plus injuste que l’autre. Il n’a pas le prétexte de
favoriser les classes indigentes. Ce sont les classes aisées qui en profitent,
et cela au détriment des classes pauvres. Il me semble qu’il serait injuste de
faire jouir le riche d’une exemption pour les cheminées qui, dans sa demeure,
dépassent le nombre de 12, tandis que l’artisan voit imposer l’unique foyer
autour duquel sa famille se réunit. Peut-être pourrait-on apporter des
modifications à la cinquième et à la sixième base de l’impôt pour les
domestiques et les chevaux. L’on pourrait peut-être revenir aux principes de la
loi somptuaire du 3 nivôse an VII.
Je sais bien que cette loi,
dans son application, a rencontré beaucoup d’inconvénients ; qu’il est souvent
dangereux d’établir un impôt sur le luxe, parce que lorsque l’impôt est trop
élevé, l’usage de l’objet imposé diminue et qu’ainsi le trésor n’y gagne rien, tandis
que s’il est peu élevé, le trésor ne perçoit rien non plus.
Cependant il me paraît que
sans froisser les objets sur lesquels l’impôt serait établi, on pourrait
modifier les cinquième et sixième bases d’après les principes du 3 nivôse an
VII. Car il me semble toujours injuste que le cheval nécessaire à l’usage d’un
particulier paie précisément autant que le cheval attelé au carrosse de l’homme
opulent.
L’article 2 de la loi du 28
décembre 1834 avait accordé un dégrèvement aux patentes des bateliers. Ils ont
joui dans cette loi d’un douzième du droit de patente pendant l’année pour
chaque terme de 30 jours écoulés dans l’inactivité. Cette disposition a été
adoptée en faveur des bateliers ; mais je dois dire qu’elle leur a été
parfaitement illusoire, parce qu’il arrive très rarement que les bateaux
chôment 30 jours consécutifs, Dans notre climat, il y a rarement 30 jours de
gelée. Je ferai en outre une remarque, c’est que depuis l’invention des bateaux
dragueurs, la navigation des canaux ne se trouve presque jamais interrompue.
Ainsi, puisque la faveur accordée aux bateliers est pour ainsi dire illusoire,
il serait plus convenable de réduire le droit d’une manière fixe et sans
éventualité.
Messieurs, je me rallierai
volontiers à une proposition dont vous a parlé l’honorable M. Gendebien, dans
une séance précédente, laquelle a rapport à la loi sur les distilleries. Je
demanderai que la consommation du genièvre soit restreinte par une augmentation
de droits sur cette liqueur, ou bien par une augmentation de patentes pour les
débitants, afin d’empêcher les progrès de la consommation d’une boisson qui
démoralise les populations des campagnes.
Je finirai par une
observation qui se rattache à la question.
En dehors de cette chambre
l’on a voulu nous diviser en deux camps, en ce lui regarde notre système
financier. Dans l’un, on a voulu placer les partisans de la propriété foncière,
et dans l’autre ceux qui voudraient la grever et qui s’opposent à tout impôt
sur les accises et sur les denrées coloniales.
Sans entrer dans le
fond de la discussion (car je ne pense pas que ce soit sa place et cette
discussion pourra avoir lieu lors de la réforme du système financier proposé
par le gouvernement), je veux seulement faire remarquer une méprise grossière,
dans laquelle on est tombé à cet égard. On a reproché aux partisans du système
qui consiste à ne pas imposer plus qu’il ne l’est l’impôt foncier, d’être les
héritiers du système hollandais, du système de Van Maanen
et d’Appelius, et l’on a soutenu, au contraire, que
les défenseurs du système opposé qui consiste à grever l’impôt foncier, en
déchargeant les accises et les denrées coloniales, comprenaient seuls la
direction que la révolution a voulu donner à notre système d’impôt.
C’est là une erreur que je
crois devoir rectifier,
Aux états-généraux, c’était
la fraction hollandaise qui défendait la liberté commerciale, tandis que les
députés belges étaient unanimes pour adopter le système prohibitif et les
mesures qui en sont les corollaires.
Si nous voulions refondre
notre système financier d’après les idées des députés belges aux
états-généraux, si nous voulions suivre leur réaction qui a été un des éléments
de la révolution, nous devrions nous placer parmi les partisans du système
favorable à la propriété foncière, et adopter les mesures qui frappent les
denrées coloniales et les accises. Mais, messieurs, tons ces systèmes exclusifs
sont faux et la propriété foncière aussi bien que tout autre genre d’industrie
doit participer aux charges publiques, d’après une balance de justice et
d’impartialité.
M. Lejeune. - J’ai à faire une observation qui ne
se rapporte qu’indirectement, si vous voulez, au budget des voies et moyens,
mais que je recommanderai spécialement à l’attention de M. le ministre des
finances,
Il y a une loi qui est sans
doute passablement ignorée dans le pays, parce que, en général, elle ne fait,
dans mon opinion, ni beaucoup de bien ni beaucoup de mal. Mais cette loi gêne
quelques-uns de nos concitoyens, surtout les habitants des communes qui
touchent à
Je demanderai à M. le
ministre des finances s’il y a nécessité de laisser subsister cette loi qui
prononce la prohibition du bois de chauffage inutilement pour le pays, et qui
gêne une partie de nos concitoyens sans que nous en
retirions aucun avantage.
M.
Duvivier. - Messieurs, au moment où vous allez clôturer la discussion
générale du budget des voies et moyens, je crois utile de rectifier une
citation faite par un orateur dans une précédente séance. Il a été dit à
l’ouverture de cette discussion que le budget, aujourd’hui soumis à la chambre,
se balance exactement en voies et moyens et en dépenses. Déjà (c’est dans
l’intérêt des travaux antérieurs de la chambre que je fais cette observation),
déjà et dès le 14 novembre 1833, j’eus l’honneur de présenter un budget général
offrant ces résultats ; en vous présentant ce travail, je m’expliquai ainsi
devant la chambre :
« Messieurs, la
régularité qui s’introduit chaque jour davantage dans la marche des affaires de
l’Etat me permet de soumettre à la chambre, pour la première fois depuis la
révolution, et dès l’ouverture de la session, un budget général dont les
recettes et les dépenses se balancent, sans qu’il eût été besoin de recourir à
d’onéreux moyens. »
En effet, le budget des voies
et moyens de
Les dépenses soumises à la
chambre (ce n’est pas le chiffre qui a été voté) s’élevaient pour le même
exercice, à fr. 84,122,440-97
Il y avait par conséquent
un excédant des voies et moyens sur les dépenses de fr. 157,137-13
Ce qui est plus avantageux
qu’une balance exacte des dépenses et des voies et moyens.
Mais, dans la discussion du
budget des dépenses, le chiffre des dépenses fut réduit de fr. 849,830-65
Nous eûmes par conséquent,
au 1er janvier 1834, un boni de fr. 1,006,967-68
Telle était notre situation
à l’ouverture de l’exercice 1834. En conséquence, les dépenses d’abord
proposées au chiffre de fr. 84,122,440-97 ayant été
réduites de (somme à déduire), fr. 849,830-65, le budget définitif des dépenses
a été porté à fr. 83,272,610-32. Ce qui est conforme à la situation que je
viens d’avoir l’honneur d’indiquer.
- La chambre prononce la
clôture de la discussion générale.
Discussion des articles
Contributions directes, douanes, accises, poids et mesures, garantie
Contributions directes.
Foncier
M. le président.
- Je suppose que la chambre veut discuter en premier lieu les articles du
tableau annexé au budget (Adhésion.)
L’article premier du tableau
est ainsi conçu :
« Foncier.
« Principal : fr. 15,879,327.
« 5 p. c. additionnel
ordinaire d. 2 pour n. val. : fr. 793,966
« 10 p. c.
additionnels extraordinaires : fr. 1,587,932.
« Total : fr. 18,261,225. »
M. Eloy de Burdinne vient
de déposer une proposition ainsi conçue :
« J’ai l’honneur de
proposer de supprimer les 10 c. additionnels extraordinaires à la contribution
foncière.
La parole est à M. Eloy de
Burdinne pour développer sa proposition.
M. Eloy de Burdinne. - Je crois que dans
la position de l’agriculture, il n’est guère possible de faire payer à la propriété ces 10 centimes additionnels.
Car il ne faut pas se faire illusion, la propriété ne donne guère en dessus des
frais de culture, au moins dans les localités où, comme j’ai eu l’honneur de le
dire, les terrains ne produisent guère autre chose que des céréales. Il est un
autre motif qui me paraît très positif sur le rapport de la réduction des 10
centimes additionnels, c’est que, malgré cette réduction, le principal
éprouvera une augmentation par suite de la péréquation.
Si on trouve le chiffre de
la contribution élevé, on sera d’autant plus porte à se plaindre que vous avez
déjà voté une augmentation du chiffre par rapport aux Flandres et à la province
d’Anvers. Il pourra en résulter des motifs de pétitions transmises à la chambre
de toutes parts. Je crois que sur ce rapport il serait nécessaire d’éviter ces
motifs de pétitionner. Au surplus, je crois que M. le ministre des finances
trouverait les moyens de récupérer cette réduction qui n’est pas un objet bien
extraordinaire, bien supérieur. Il ne s’agit que de 1,587,932
francs. Il récupérera, j’en suis très persuadé, le tout sur un autre produit ;
ainsi, par exemple, sur le rapport de la loi sur le sel, quoique tout en
réduisant de beaucoup cet impôt, mais par suite des mesures pour en assurer la
perception, on pourra trouver une augmentation sur cet objet
Au surplus,
j’ajoute que si on ne trouve pas ce moyen, on pourra augmenter les autres
produits, car dans tous les cas il est impossible que l’on paie ces centimes
extraordinaires, surtout dans les localités dont vous serez obligés d’augmenter
les contributions par suite du dégrèvement accordé aux Flandres et à la
province d’Anvers. Au surplus, si toutefois le ministre ne trouve pas le moyen
de pouvoir récupérer sur autre chose les centimes additionnels montant à 1,587,932 fr., eh bien que l’on réduise, où on le peut, le
budget des dépenses ; il y a beaucoup de dépenses qu’on pourrait ajourner. Au
surplus, j’ajoute que pour moi, quand j’ai 100 fr., je n’en dépense pas 150.
Ainsi, que le gouvernement agisse de même. Vous ne vous attendez pas à ce que
le ministre se rallie à ma proposition. Un ministre des finances tâche d’avoir
le plus d’argent qu’il peut ; c’est de l’argent, encore de l’argent, toujours
de l’argent, qu’il faut à un ministre des finances. C’est à vous à voir si vous
partagez son opinion. Mais dans ce moment je crois qu’il ne faut pas que la
propriété soit grevée. N’allez pas surcharger de nouveau la propriété, dans un
moment où l’agriculture est dans un dépérissement complet. Au surplus, évitez
de ruiner cette agriculture. Car, comme je l’ai dit, en ruinant l’agriculture
vous ruinez l’Etat, car l’Etat reçoit son tantième de la propriété. La
propriété est commune à celui qui possède et à l’Etat.
- La chambre est consultée
sur l’amendement de l’honorable M. Eloy
de Burdinne. Une première épreuve est douteuse ; l’épreuve est
renouvelée ; l’amendement est appuyé.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je pense qu’il n’y a pas lieu
à s’arrêter à la proposition de l’honorable M. Eloy de Burdinne tendant à
supprimer les 10 c. qui se rattachent au principal de la contribution foncière
au même titre que les centimes additionnels des autres contributions. Il n’y
aurait aucune bonne raison de faire une distinction à l’égard de cet impôt.
L’honorable membre a dit
dans son premier discours que dans beaucoup de localités l’impôt foncier est,
relativement au produit net de la culture, de 99 p. c.,
c’est-à-dire qu’il ne resterait au cultivateur pour ses peines qu’un p. c. Vous
sentez qu’une allégation semblable ne doit pas être réfutée, elle se combat
d’elle-même. Il est évident, au contraire, que les cultivateurs conservent, après
le paiement de l’impôt foncier, les neuf dixièmes environ de leur produit net,
et que fermage et frais payés, il leur reste un honnête bénéfice.
Je n’ai point pris la
parole dans la discussion générale, parce que j’ai pensé qu’il serait plus
utile que je parlasse sur chacun des articles. Ici je vais suivre cette marche
en rattachant ce que j’ai à dire sur l’impôt foncier à une observation faite
dans la discussion générale relativement à l’impôt personnel dans les
campagnes.
Vous avez entendu
plusieurs honorables membres réclamer des modifications à l’impôt personnel,
afin d’atteindre les habitations rurales sans exception ; ils ont prétendu que
les campagnes, par la limite de la valeur locative à 20 florins pour
l’application de l’impôt, étaient favorisées au détriment des villes ; en un
mot, que tous les citoyens, sauf les indigents, fussent appelés à contribuer
dans l’impôt personnel, quelle que puisse être la valeur locative de
habitations ; il résulte donc de là qu’en réalité le cultivateur devrait être
plus imposé qu’il ne l’est, quant à la personnelle, et nous devons donc bien
être éloignés de diminuer encore d’un autre côté les contributions qui lui
incombent, aussi longtemps qu’il jouit de l’espèce de privilège que lui procure
l’exception de la loi du personnel.
L’honorable M. Eloy de
Burdinne dit que l’on n’a qu’à chercher d’autres branches de revenu. Mais je
crois qu’alors même qu’on les trouverait (ce qui n’est pas aussi facile qu’on
pourrait le croire), il ne faudrait pas encore réduire l’impôt foncier. Je
pense avec l’honorable M. F. de Mérode qu’il faudrait alors améliorer la
situation du trésor public, combler peu à peu la dette flottante ou exécuter
des travaux d’utilité générale qui en définitive enrichissent le pays.
On dit qu’il est des dépenses
qu’on pourrait ajourner, et que par suite on serait en position de réduire le
budget des voies et moyens ; mais je ne sais quelles dépenses on pourrait
ajourner, je n’en vois aucune. S’il s’opère quelque réduction dans le budget
des dépenses, ce sera fort peu de chose, et il s’en faudra de beaucoup que ces
réductions s’élèvent à la somme de 1,587,000 fr., dont l’honorable député de
Waremme propose la suppression dans nos recettes.
Par ces considérations, je
pense que l’on ne doit pas admettre l’amendement présenté.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, M. le
ministre vous a dit qu’il ne pourrait partager mon opinion, ni admettre mon
amendement. Je vous avais prévenus d’avance de l’opinion de M. le ministre. Un
ministre ne refuse jamais de l’argent, et il en prend le plus qu’il peut.
M. le ministre vous a dit
que les centimes additionnels à la contribution foncière avaient été ramenés au
taux des centimes additionnels sur les autres impôts. En cela il a parfaitement
raison. Mais je demanderai que M. le ministre veuille me dire si lorsque
l’agriculture était dans un état de prospérité, sans que cette prospérité fût
cependant extraordinaire, si alors l’on n’a pas imposé la propriété à 40 p. c., tandis que les autres impôts ne payaient que 20 p. c.
Or, je répète, ce que j’ai
déjà dit, qu’il reste en revenu net réalisable 1 sur 100 au propriétaire, le
cultivateur ayant déduit ses frais de culture. Comme M. le ministre pourrait en
douter, je vais le lui prouver.
Si j’appuyais mon opinion
des évaluations du cadastre, si je réduisais les chiffres au taux auquel ils
doivent être réduit, parce qu’il faut toujours faire la part des exagérations,
les résultats de mes calculs seraient encore plus frappants.
Cependant, dans
Une récolte en froment est
considérée comme donnant le revenu de deux années.
Soit, 8 hect.
de froment étant le revenu d’une année, qui, vendu à
raison de 20 fr. l’hectolitre, prix que l’on doit considérer comme n’étant ni
trop élevé pour le consommateur et en rapport avec les intérêts bien entendus
des propriétaires ;
Soit, 8 hectolitres de
froment, vendu à 20 fr., porte le revenu brut à fr. 160.
A soustraire les frais de
culture que je fixe à un taux modéré, et que je porte à une somme ronde, 100
Reste net, 60.
Soixante francs sont donc
le revenu net d’un hectare de terre labourable, terre de première classe dans
le centre de
Voulez-vous connaître le
revenu net d’un hectare de première classe dans les mêmes localités, dans le
moment actuel, l’an 1835 par exemple ? Eh bien, la récolte en froment, en
1835, n’a pas donné seize hectolitres de froment par hectare, taux moyen et de
bonne qualité, de manière que huit hectolitres de froment est et doit être
considéré comme le produit de chaque hectare supérieur à la réalité, mais je
l’adopterai pour le motif que tel est le taux moyen adopté.
Je porte donc à huit
hectolitres le produit en froment d’un hectare de terre en 1835, qui, vendu à
45 francs taux moyen et qualité moyenne. (Note. Si la rasière de froment
surpasse le chiffre de 13 francs sur le marché de Liège, je ferai observer que
c’est pour le motif qu’il s’y vend du froment étranger d’un poids supérieur et
pour ce motif à un prix plus élevé.)
Soit donc 8
hectolitres de froment vendu à 13 francs donne en revenu brut d’un hectare de
terre de première classe. 104 fr.
A soustraire comme
ci-devant les frais de culture et de transport au marché des grains, soit 100.
Qui, soustrait du produit
brut, reste net 4.
Je dis que, l’an 1835, le
revenu d’un hectare de terre de première classe a donné en revenu net quatre
francs.
L’hectare de terre première
classe paie à l’Etat cinq francs environ plus les centimes additionnels à la
province et à la commune,
Plus la répartition
pour entretien des chemins vicinaux ; et tout compris on peut fixer qu’un
hectare de terre paie un impôt foncier de huit francs et plus, de manière que
la propriété paie dans le moment actuel 99 p. c. au moins dans l’impôt foncier.
D’après ce que je viens
d’exposer, si M. le ministre doute de l’exactitude du total pour frais de
culture et produits, je suis à même de lui administrer la preuve que je n’ai
nullement exagéré. Voilà la position véritable de l’agriculture. Elle n’est pas
rassurante. Ce n’est pas cependant l’idée que l’on s’en forme. On néglige
d’entrer dans les détails. C’est pour ce motif qu’on la croit toujours
florissante. Vous voyez bien qu’il n’en est pas ainsi. Prenez donc garde,
messieurs, de ruiner l’Etat en ruinant la propriété. Car l’Etat ne vit que de la
propriété.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je dirai un seul mot pour
prouver l’exagération des assertions de l’honorable M. Eloy de Burdinne. Je lui
demanderai si les fermiers qui paient à raison de 60 francs le bonnier ont continué de payer à leurs propriétaires 60
francs ou 4 francs seulement par hectare. C’est une simple question que je me
permets de poser. La réponse de M. Eloy de Burdinne décidera pour ou contre
moi. Si les fermiers continuent à payer 60 francs il faut bien qu’ils trouvent
le moyen de faire un bénéfice suffisant pour satisfaire aux conditions qui leur
ont été imposées par leurs baux. Cette observation que l’on ne pourra réfuter,
je le crois, détruit les calculs de l’honorable M. Eloy de Burdinne.
M. Dubus. - J’ai l’honneur, par
sous-amendement à la proposition de l’honorable M, Eloy de Burdinne, de
proposer à la chambre de réduire les centimes extraordinaires sur la
contribution foncière à 5. Ce sont les objections qui ont été opposées à la
proposition de l’honorable M. Eloy de Burdinne qui m’ont déterminé à présenter
mon sous-amendement. En l’adoptant vous ne courez pas le risque de détruire la
balance entre le budget des voies et moyens et celui des dépenses.
En effet, le premier
suppose tel qu’il est présenté un excédant de 200,000 francs sur le second. Or,
si nous consultons les précédentes discussions du budget, nous savons que nous
obtiendrons au moins sur le budget des dépenses une diminution de 600,000 francs.
La diminution de recette qui résulterait de l’adoption de mon amendement et qui
serait portée à 795,960 fr. et ne romprait donc pas l’harmonie entre les
recettes et les dépenses.
En second lieu, vous ferez
un acte de justice et de bonne politique. Je ne puis m’en référer à cet égard
qu’aux développements de M. Eloy de
Burdinne. En effet, vous ne pouvez vous dissimuler que l’exécution de la
loi de péréquation soulèvera beaucoup de
mécontentement dans plusieurs provinces.
Dans les autres pays, en
France, par exemple, l’on n’a pu établir la péréquation que par dégrèvement,
mais jamais en augmentant des départements favorisés jusque-là dans la
répartition de l’impôt. En Hollande également, l’on a été obligé d’en revenir
au système de libérer par dégrèvement. Chez nous seulement, le gouvernement a
proposé un accroissement de charge pour certaines provinces. Il est au moins
juste que l’on fasse disparaître de l’impôt foncier les centimes additionnels
et qu’on le réduise à son taux ordinaire.
La proposition de supprimer
la totalité des centimes additionnels me paraissant devoir rencontrer trop
d’obstacles dans la chambre, j’ai cru devoir ne demander qu’une suppression
partielle de 5 centimes pour 1836 ; la suppression des autres cinq centimes
aurait lieu en 1837, époque à laquelle les provinces grevées auront un nouveau
tiers à payer.
Tels sont les
développements que j’avais à donner à la proposition que j’ai l’honneur de
faire à la chambre.
M. Eloy de Burdinne. - M. le
ministre des finances m’a demandé de lui expliquer comment le cultivateur qui
reçoit 4 à 5 francs par hectare en paie 60 à son propriétaire : le fermier qui
a contracté une obligation par son bail est obligé de la remplir tant qu’il
dure. Il ne peut se dispenser de payer. Avec quoi, me demanderez-vous ? d’abord avec du capital engagé dans son exploitation,
intérêt qui doit être réduit du revenu brut conformément à la loi du cadastre
que connaît si bien M. le ministre des finances. Il faut déduire encore ce
qu’il a mérité pour le soin qu’il donne à la culture des terres. Quand le
fermier est dans cette position, il ne fait plus aucune amélioration, il
n’achète plus d’engrais. Aussi ses terres deviennent plus mauvaises, il réduit
ses frais de culture, et s’il possède en propre quelques parcelles de terre, il
les vend, il emprunte de l’argent s’il a du crédit. Dans la période de 1820 à
1827, nous avons vendu dans
Cependant M. le ministre
des finances a établi qu’en général il revenait 9/10 cent. au
fermier sur son exploitation. Quand un hectare de terre ne produit que 104, le
propriétaire peut en recevoir 400, s’il a un bail. Le fermier n’en sera pas
moins ruiné. C’est ce qui résulte toujours du bas prix des céréales. Je
soutiens donc ce que j’ai eu l’honneur de dire, et je le prouverai quand on
voudra.
M.
Jadot, rapporteur. - Je répondrai à l’honorable M. Dubus qu’on ne peut
réduire d’une somme de 800,000 francs le produit des recettes. S’il y a un
excédant sur les dépenses, M. le ministre de la guerre, comme il nous l’a fait
pressentir, nous présentera un budget additionnel, aux charges duquel il faudra
faire face. De toutes les manières, notre excédant pourra être appliqué à nos
besoins éventuels. On ne peut donc admettre l’amendement de M. Dubus.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je pense avec l’honorable
rapporteur de la section centrale que l’on ne peut dans aucun cas diminuer nos
recettes. Il y aurait plutôt lieu de chercher à les augmenter afin de pouvoir
exécuter de nombreux travaux d’utilité publique réclamés avec tant d’instance
par les pétitions qui nous viennent de tous les points du royaume.
Il me reste à examiner une
seule observation à l’égard du dégrèvement que l’on demande pour la
contribution foncière. C’est celle qu’a présentée l’honorable M. Dubus.
Cet honorable
représentant a dit que par suite de la mise à exécution de la péréquation
cadastrale, quelques provinces vont supporter une augmentation accablante dans
la contribution foncière. Ne perdez pas de vue, messieurs, qu’en vertu de la
loi que vous venez de voter, la péréquation générale ne s’opérera que par
tiers. Ainsi, pour l’exercice 1836, cette augmentation ne sera pas aussi
considérable qu’on veut bien le dire. Elle ne dépassera pas 8 à 10 p. c. au
maximum. En effet cela ferait une augmentation totale de 24 à 30 p. c., chiffre auquel elle se trouvera portée en 1838 dans le
Hainaut, province qui souffrira le plus du cadastre.
On oublie toujours,
messieurs, lorsque l’on parle d’opérer la péréquation cadastrale par
dégrèvement, que nous avons déjà dégrevé l’impôt d’une manière assez notable en
1832 et 1833, que le trésor y a perdu plus de 400,000 fr. qu’il n’a pas encore
réclamés ; et il croit ne devoir le faire que quand l’impôt foncier pour les
provinces du Limbourg et du Luxembourg sera mis au niveau de celui des autres
provinces, opération dont le résultat sera loin cependant de compenser les
pertes éprouvées par le trésor en 1832 et en 1833.
(Moniteur belge n°358, du 23 décembre 1835) M.
Dubus. - D’après ce que vient de vous dire M. le ministre des finances,
la péréquation cadastrale n’amènerait cette année qu’une surcharge de 8 p. c.
pour le Hainaut. Mais il est impossible de faire mentir les chiffres. Le calcul
que j’avais fait présentait pour le Hainaut une augmentation de 33 1/2 p. c.
comme résultat de la péréquation totale, au lieu de 24 que supposerait le
chiffre de 8 p. c. posé par le ministre pour le tiers de la surcharge. Un de
mes honorables collègues député de Mons avait calculé de son côté que la
surcharge pour le Hainaut s’élèverait à 31 p. c. Ainsi le tiers pour l’année
prochaine, quant au principal, serait déjà de 11 à 12 p. c. Mais si vous
considérez que le gouvernement propose 15 centimes additionnels et que ces 15
centimes se prendront sur l’augmentation que va recevoir le principal, vous
tirerez la conséquence que ces 11 à 12 p. c. s’élèveront de 13 1/2 à 14 p. c.
C’est une augmentation très
sensible dans un moment où l’agriculture souffre, et souffre particulièrement
du bas prix des céréales. Je dis que cette augmentation pèse principalement sur
l’agriculture. Je regarde pour l’année prochaine, et pour le
années qui suivront, le propriétaire foncier comme à peu près
désintéressé. Les clauses de tous les baux mettent les éventualités
d’augmentation d’impôt à la charge des fermiers. C’est donc sur le fermier, sur
le cultivateur que va peser cette augmentation, et elle continuera à peser sur
lui jusqu’au renouvellement des baux. Ainsi, c’est surtout dans les
commencements de la péréquation que vous devez tempérer la surcharge qui en
résulte, par des mesures d’équité telles que celle que j’ai eu l’honneur de
recommander à la chambre. De cette manière vous diminuerez les effets fâcheux
que la loi de péréquation doit avoir sur l’agriculture dans les provinces qui
vont être surchargées.
Messieurs, je
m’étais fondé en second lieu sur ce que l’amendement que je propose ne romprait
pas la balance entre les recettes et les dépenses. L’honorable rapporteur a
répondu en disant que vraisemblablement le ministre de la guerre aurait un budget
supplémentaire à nous présenter, qui augmenterait la dépense telle qu’elle sera
votée par la chambre.
Messieurs, il y a des
raisons de croire qu’il n’y aura pas de budget supplémentaire présenté par le
ministre de la guerre, Je pense bien que le ministre, d’après la manière dont
son budget avait été calculé, aurait eu un supplément à demander
ultérieurement, si la section centrale du budget de la guerre n’avait pas
comblé la lacune qui existait relativement aux cantonnements. Mais cette lacune
a été comblée, et la proposition de la section centrale, malgré quelques
économies introduites sur quelques articles, présente, à 50 mille francs près,
le même chiffre que le gouvernement ; ce budget supplémentaire est donc tout
dressé, et le chiffre des dépenses ne sera pas augmenté en définitive.
Vous pouvez donc, comme je
le disais tout à l’heure, sans craindre de rompre la balance entre les recettes
et les dépenses, accorder cette réduction de 5 centimes sur les centimes
additionnels extraordinaires. Et je crois qu’au budget prochain, vous
n’hésiterez pas à accorder la réduction des autres 5 centimes additionnels
extraordinaires, Il ne me paraît pas que la péréquation puisse s’opérer sans
cette réduction.
M. A. Rodenbach. - Je ne pense pas que nous
puissions diminuer l’impôt foncier en ce moment. Il y a une foule d’autres
impôts, entre autres la contribution personnelle et celle des portes et
fenêtres, qui sont beaucoup plus lourds que l’impôt foncier. Vous savez que
dans les villes, indépendamment de la contribution personnelle, il y a des
droits d’octroi qui sont excessifs. Si une réduction était possible, c’est
plutôt sur ces contributions qu’on devrait la faire porter que sur l’impôt
foncier.
Je répondrai quelques mots
à ce que vient de vous dire M. Eloy. Il a prétendu que dans
Cependant je tiens de
plusieurs collègues du pays de l’honorable membre, que quand dans ce pays une
ferme est vacante, on se la dispute. Il est impossible dès lors que les calculs
que nous a présentés M. Eloy soient exacts, car s’ils l’étaient, il n’y aurait
plus d’agriculture dans
M.
Rogier. - Messieurs, les tableaux de développement produits par le
ministre des finances à l’appui du budget des voies et moyens, présentent des
détails intéressants sur divers impôts. Relativement à la contribution
foncière, je crois qu’il eût été utile de donner des renseignements plus
développés, et de diviser le contingent de chaque province en deux catégories,
d’indiquer la quotité payée par les villes et celle payée par les campagnes. Je
pense que cette division eût pu rectifier les idées de quelques honorables
membres sur la quotité payée par la propriété foncière dans les campagnes,
qu’ils croient exagérée. Je demanderai donc que pour l’année prochaine on nous fisse connaître ces deux catégories d’impôt.
J’aurais désiré connaître
aussi le chiffre de l’impôt personnel dans les villes et dans les campagnes. Je
crois que là encore il y a une grande disproportion, et que les villes sont
surchargées relativement aux communes rurales. J’espère que pour l’année
prochaine M. le ministre voudra bien nous fournir ces renseignements, que je
crois de nature aussi à rectifier les idées de certains membres qui pensent que
les campagnes sont surchargées.
Quant à moi, je ne fais pas
de distinction entre ces deux intérêts. Nous devons éprouver pour l’un et pour
l’autre une égale sympathie, et nous devons à l’un et à l’autre une égale
protection. Cependant, comme on est encore revenu sur les surcharges dont
l’agriculture a eu à souffrir depuis la révolution, je dois encore une fois
rappeler ce qu’on a fait pour elle pour démontrer l’inexactitude des assertions
que vous venez d’entendre.
L’agriculture, dont je suis
aussi chaud partisan que qui que ce soit, a subi beaucoup de dégrèvements
depuis la révolution. Plusieurs lois ont été faites en vue de la favoriser.
Je rappellerai de l’impôt
mouture, l’abolition du droit d’abattage ; je rappellerai qu’on lui a donné une
loi sur les céréales, une loi sur les distilleries ; que, toujours en vue de
protéger l’agriculture, on vient de faire une loi contre la concurrence du
bétail étranger ; qu’on a modifié en beaucoup de points la loi sur les
barrières, dans l’intérêt de l’agriculture. On a de plus supprimé tous les
droits d’accises sur les vins indigènes. On a ensuite doté l’agriculture de
roules de toute espèce, auxquelles on consacre près d’un million par an.
Voilà, messieurs, les
avantages qu’a reçus l’agriculture ou qu’on a voulu lui donner. Je serai
toujours prêt à appuyer les mesures qu’on proposera en sa faveur quand je les
croirai justes ; mais qu’on ne vienne pas dire qu’on ne fait rien pour elle.
Qu’on jette un regard en arrière, et on verra qu’il ne s’est point passé
d’année où on n’ait adopté des mesures dans son intérêt, et qu’on a diminué de plusieurs chefs les impôts qui portent sur elle.
Messieurs, je crois aussi
qu’il serait avantageux de supprimer 5 c. additionnels sur l’impôt foncier.
Mais remarquez-le, cette décharge viendrait surtout en faveur des villes qui
par suite de la péréquation cantonale se trouvent surchargées cette année, à
tel point que plusieurs ont réclamé.
Dans la ville d’Anvers
notamment, beaucoup de propriétaires qui payaient 50, par suite de la
péréquation cadastrale vont payer 150, tandis que dans les campagnes une
diminution se fera sentir dans la même proportion ; que là où on payait 75,
l’on ne paiera plus que 25. C’est une justice distributive contre laquelle les
villes ont voulu protester ; mais on n’a pas appuyé leurs démarches, parce
qu’on a cru qu’il était temps de faire cesser une injustice qui existait depuis
nombre d’années.
Si nous étions en position
de diminuer 5 centimes extraordinaires sur l’impôt foncier, la réduction se
ferait principalement sentir dans les villes qui ont éprouvé une surcharge
immédiate assez considérable. Je pense qu’il en est de même dans les autres
provinces que dans la province d’Anvers. Je pense que Bruges et Ostende ont
réclamé. A Ostende l’impôt foncier est triplé.
Mais la situation du trésor
ne permet pas de faire ces dégrèvements, car le trésor présente un découvert
considérable, sans que les voies et moyens présentent un excédant équivalent.
On fait bien balancer les recettes et les dépenses, mais on compte à tort parmi
les recettes une ressource qui n’en est pas une en réalité.
On compte comme
recettes les bons du trésor ; mais les bons du trésor, quand ils ne trouvent
pas de compensation dans les revenus de l’Etat, ne sont qu’un emprunt, un
emprunt déguisé, si vous voulez, mais c’est un dépôt dans le trésor.
Il serait facile de
supprimer tous les impôts et de les remplacer par cette ressource qui ne repose
sur rien, par des bons du trésor, tant qu’on trouverait à les placer, mais un
pareil système conduirait l’Etat à sa perte.
Il ne faut donc pas grever
la propriété foncière légèrement et sans réflexion. D’ailleurs, les centimes
additionnels qui existent maintenant sur la contribution foncière, comparés à
ceux qui pèsent sur l’impôt des patentes et l’impôt personnel, sont à un taux
raisonnable, modéré ; et malgré mon désir de faire éprouver un dégrèvement aux
villes, je ne puis appuyer la proposition qui vous est faite.
M.
le président. - M. Eloy a demandé la parole ; comme il l’a déjà eue
deux fois, le règlement me fait un devoir de consulter la chambre avant de la
lui donner une troisième fois.
Plusieurs membres. - Parlez ! parlez !
M.
le président. - S’il n’y a pas d’opposition, la parole est à M. Eloy de Burdinne.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs,
l’honorable préopinant vous a dit que la révolution nous avait débarrassés de
la mouture, et il considère que l’anéantissement de cet impôt est un avantage
pour l’agriculture. Je dirai que sans doute l’agriculture a profité, comme
toute la nation, de l’abolition de la mouture ; mais je dirai que ce n’est pas
la révolution qui a anéanti cet impôt, il était anéanti lors de la révolution,
et dans le moment de la révolution on était occupé, pour remplacer la mouture,
d’un projet de loi tendant à imposer les denrées coloniales.
Sur le rapport de
l’abattage, je dirai avec lui que la révolution l’a anéanti.
Mats je ferai observer
qu’il pesait peu sur l’agriculture en ce que l’agriculture ne mange pas de
viande ; ce sont les habitants des villes qui ont profité de cela. Quant aux
distilleries, je regrette qu’on ait adopté cette loi en vue de protéger
l’agriculture : il n’est pas exact de dire que l’agriculture en ait profité :
cette loi a profilé à l’immoralité et au désordre, mais non à l’agriculture. On
a fait valoir qu’on avait fait disparaître les droits d’accises sur les vins du
pays. Pour quelques hectares qui sont employés à la culture des vins indigènes,
je demande ce que l’anéantissement de cet accise a
produit à l’agriculture ?
Un membre. - 100,000 fr.
M. Eloy de Burdinne. - C’est une
plaisanterie.
Le même orateur a dit qu’on
avait doté la propriété de routes. Sans doute les routes sont indispensables à
la propriété, mais la propriété les avait bien payées ces routes ; c’est une
restitution qu’on lui fait, puisque les localités où les nouvelles routes ont
été faites ont payé les routes qui ont été faites ailleurs.
Je pense donc, sur le
rapport des avantages que l’agriculture aurait reçus, avoir démontré qu’il est
dans l’erreur. Les propriétaires ont profité de la révolution sur le rapport de
l’effet moral, mais non sur le rapport du matériel. En effet, qu’a fait la
propriété ? Elle a payé les emprunts, elle a payé 40 centimes additionnels.
Voila les avantages matériels que la révolution a donnés à la propriété. La
propriété ne s’en est pas plainte ; la propriété sait faire les sacrifices que
le pays exige, mais il est temps de s’arrêter, et dans la position où elle se
trouve, il faut lui apporter les secours convenables.
M.
Dubus. - L’honorable député du Hainaut, dans la discussion de
l’amendement et du sous-amendement proposé au premier chiffre du tableau, a
témoigné le désir de connaître combien dans ce chiffre payaient les villes, et
combien payaient les campagnes. Je crois que nous n’avons pas besoin d’avoir
ces renseignements pour apprécier l’amendement et le sous-amendement en
discussion. Mon opinion est que l’adoption du sous-amendement que j’ai
présenté, est aussi juste pour les villes que pour les campagnes.
A la vérité, dans les
villes, l’impôt est payé plus généralement sur le propriétaire, de sorte que
l’augmentation résultant de la péréquation pèsera sur le propriétaire foncier.
Mais là les propriétaires fonciers sont réellement la classe moyenne et non la
classe des riches propriétaires.
On voit rarement dans les
villes des propriétaires d’un grand nombre de maisons, comme on voit dans les
campagnes des propriétaires d’une grande quantité de terres. On voit plus
généralement un habitant être propriétaire de sa maison. C’est donc sur le
propriétaire et surtout sur le petit propriétaire que pèsera l’impôt dans les
villes.
L’honorable membre a fait
valoir une considération qui pourrait exercer quelque influence sur l’esprit de
plusieurs d’entre vous : c’est qu’indépendamment de la péréquation de province
à province, il y a une péréquation de canton à canton et de commune à commune,
etc., et que les résultats de ces péréquations seront très onéreux pour
certaines villes ; mais je ferai observer qu’ils seront très onéreux aussi pour
certaines communes rurales et même pour certains cantons tout entiers.
Cela ne rendra la
péréquation générale que plus blessante dans ces cantons et ces communes, ce
qui me parait être une raison pour adopter
l’amendement plutôt que pour le rejeter. Pour ces villes, ces communes, ces cantons,
l’augmentation, quant au principal même de l’impôt, au lieu d’être de 12 p. c., comme je le pensais, sera, selon l’honorable préopinant
lui-même, de 100 p. c. et même au-delà ; est-ce le cas d’aggraver leur position
en ajoutant au principal des centimes additionnels ? Il me paraît qu’on devrait
tirer une conséquence contraire à la conclusion de l’honorable membre, et
supprimer les centimes extraordinaires, pour diminuer la surcharge qui va peser
sur les propriétaires de ces villes, de ces communes, de ces cantons.
L’honorable préopinant a
fait valoir les avantages accordés à l’agriculture par les lois votées depuis
la révolution. Parmi ces avantages, il compte l’abolition de l’impôt mouture.
Je ferai observer que
l’abolition de l’impôt mouture remonte à une date antérieure à la révolution.
Par là, après tout, on améliore la condition du consommateur, mais non du
propriétaire foncier et de l’agriculture.
Quant aux autres prétendus
avantages qu’il a signalés, ils signifient peu auprès de la mesure que vous
avez prise pour la péréquation cadastrale.
Le même orateur auquel je
réponds a terminé par une considération tirée du découvert du trésor,
représenté par une émission de bons du trésor qui s’élèvent à plus de 20
millions. Je vois, en effet, qu’un article de la loi des voies et moyens
propose de maintenir la circulation de bons du trésor pour une somme de 26,490,000 fr. Mais il me paraît qu’il n’est pas exact
d’appeler cela déficit. Car une partie notable de cette somme a été et est
encore employée pour les dépenses que nécessite la construction du chemin de
fer. Je ne crois pas que l’honorable préopinant veuille considérer les sommes
employées à la construction du chemin de fer comme formant déficit.
Il a toujours pense que le
chemin de fer paierait au-delà de ce qu’il coûte, qu’il présenterait un
excédant, un bénéfice pour le trésor.
M.
Rogier. - C’est ce qu’il fait !
M.
Dubus. - On dit, c’est ce qu’il fait : je ne pense pas qu’on puisse
établir un jugement certain sur une expérience faite sur un simple rayon de
Bruxelles à Malines, où le principal produit a été obtenu en exploitant la
curiosité des habitants du pays et de l’étranger pour parcourir le chemin de
fer. Mais je répète que je désire beaucoup que la dépense présente un bénéfice.
Mais s’il en est ainsi, il ne faut pas présenter comme un déficit les 20
millions résultant de l’émission de bons du trésor. Si le chemin de fer, comme
l’honorable membre en a la conviction, présente un bénéfice, ce bénéfice
viendra diminuer d’autant le découvert du trésor, et rien de ce que ce chemin
aura coûté ne viendra former déficit.
Je répète, en terminant,
que je me suis principalement appuyé sur cette considération, qu’en adoptant la
réduction de cinq centimes additionnels, vous ne romprez pas la balance entre
les recettes et les dépenses ; vous ne péjorez pas la position du trésor.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je viens combattre la proposition qui vous est faite de réduire les centimes
additionnels sur la contribution foncière. Tous les motifs me semblent se
réunir pour faire rejeter cette proposition. On a prétendu que vous pouviez
opérer la réduction, sans rompre l’équilibre entre les dépenses et les recettes
; cette assertion n’est pas prouvée. L’on sait qu’il n’y a pas de recette
imprévue à espérer, tandis qu’il y a toujours des dépenses imprévues dans le
courant d’un exercice. Il est donc d’une sage comptabilité d’avoir un excédant
de recette sur les dépenses présumées.
J’ajouterai que si l’on est
assez heureux pour avoir un excédant de recette sur les dépenses au bout de
l’année il pourrait servir à diminuer d’autant la dette arriérée, à combler le
déficit existant. D’ailleurs, il se présente un emploi excellent à faire de
l’excédant de recette : ce serait de l’appliquer à la construction des routes,
construction qui est si vivement désirée dans le pays, et dont la chambre a si
souvent manifesté le désir.
Un second motif,
pour écarter l’amendement, se trouve dans l’équilibre qu’il faut maintenir
entre tous les citoyens pour les impôts. Il n’y a pas de raison pour diminuer
la contribution foncière au détriment des autres contributions.
L’année dernière, le
gouvernement a insisté pour que la contribution foncière ne fût pas plus grevée
que les autres propriétés quand il s’est agi des 10 centimes additionnels ; eh
bien, aujourd’hui le gouvernement doit insister pour que la contribution
foncière ne soit pas dégrevée aux dépens des autres contribuables.
Si cette année vous
diminuiez la contribution foncière des centimes additionnels, que ferez-vous en
1839 et en 1838 ? On proposera donc dégrèvement sur dégrèvement ? Alors, on
sera conduit à des déficits considérables.
Il ne faut pas perdre de vue
que la surcharge résultant de la péréquation cadastrale ne sera pas
considérable en 1836 ; le tiers de cette péréquation ne sera pas grandement
senti, car l’année dernière on a payé 10 centimes additionnels ; de plus, on a
mis en application la péréquation cantonale, et cette péréquation a produit une
secousse plus grande que celle que produira la péréquation de province à
province.
Il n’y a aucune raison pour
admettre l’amendement, tandis qu’il y a plusieurs raisons pour le rejeter.
M. F. de Mérode. - Messieurs, s’il y avait
moyen d’établir des contributions sur les terres et les châteaux en Espagne
qu’on attribue à certaines personnes dans quelques journaux je consentirais au
dégrèvement proposé par M. Eloy de
Burdinne. Par exemple, si vous pouviez imposer les 52 fermes et les 20
châteaux que ces journaux m’ont accordés, ce serait déjà une ressource.
Malheureusement, les recouvrements sur la fumée sont impossibles. Je pense donc
que, dans l’intérêt de la propriété réelle, il faut maintenir nos voies et
moyens au niveau des dépenses, et même au-delà pour rembourser la dette
flottante.
M.
le président. - La discussion est close.
M. Eloy de Burdinne. - Je me rallie à
l’amendement de M. Dubus.
- L’amendement de M. Dubus
n’est pas adopté.
L’article est adopté.
Contributions directes.
Personnel
« Personnel, en
totalité : fr. 8,211,526. »
- Ce chiffre est adopté.
Contributions directes.
Patentes
« Patentes, en totalité
: fr. 2,570,000. »
M. Gendebien. - J’ai fait remarquer l’année
dernière que, tout en ayant l’air de diminuer les patentes, on les laisse
toujours au même taux : on retranche du principal 25 centimes ; on en ajoute
26, plus 10 centimes extraordinaires. Ne serait-il pas plus convenable de
rétablir le principal de la patente à la somme qui est portée pour les 3/4 du
principal ? C’est un mensonge que de réduire d’un côté et d’augmenter de
l’autre. On m’a dit l’année dernière qu’il était trop tard pour diminuer
l’impôt de la patente ; on me dira aussi cette année qu’il est trop tard.
Quoiqu’il est soit, mettez
donc dans la loi que la patente sera payée intégralement, et l’on saura que
l’on n’est pas diminué d’un quart. Je crois qu’il faut dire les choses comme
elles sont.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - On a
réduit le chiffre du principal des patentes aux 3/4 lorsque dans les temps l’on
a préjugé qu’en modifiant un jour cet impôt on pourrait réduire le taux de
chaque patente. Nous avons laisse subsister ce qui avait été décidé par les
chambres, afin de conserver des traces de la pensée de la législature. Le
calcul qui en résulte est assez bizarre, mais je viens de vous en exposer le motif
; ce calcul n’entraîne d’ailleurs aucun inconvénient pour la perception.
Toutefois je ne verrais pas
d’inconvénient à ce qu’on remît dans la loi le principal entier des patentes,
plus quatre centimes additionnels, ce qui amènerait la même somme à très peu de
chose près.
M. Jullien. - Je conçois très bien les motifs qui
ont déterminé le ministre des finances à laisser le chiffre concernant les
patentes. Il vous a dit que c’était en attendant que la loi sur les patentes
fût présentée ; et, en effet, dans les sessions qui se sont succédé, on a
toujours entendu des réclamations relativement aux patentes ; et toutes les
années, on a promis de changer le système de législation sur cet objet. J’ai
fait remarquer combien il était vicieux de laisser aux agents du fic la faculté
d’augmenter ou d’abaisser la patente : ce mode a excité les plus vives
réclamations : chaque année des promesses ont été faites pour remédier à ces
inconvénients, et cependant aucun remède n’a été apporté. Cette année on nous
fera sans doute les mêmes promesses, et nous n’en obtiendrons pas davantage.
Quoi qu’il en soit, j’appellerai l’attention du gouvernement et du ministre des
finances en particulier sur cet objet.
M.
Jadot, rapporteur. - Dans aucune des sections de la chambre on n’a fait
de réclamations contre la somme portée au budget des voies et moyens,
relativement aux patentes. Une seule section a demandé la diminution des 10
centimes additionnels mais la section centrale, à l’unanimité, a rejeté cette
proposition.
M.
Gendebien. - Je demanderai au ministre des finances quand il espère
présenter à la chambre un projet portant des modifications à la législation sur
les patentes, et si on s’occupe d’un tel projet.
Je ne comprends pas comment
on pourrait persister dans le système actuel car il est, en réalité, une espèce
de pénalité contre ceux qui travaillent. Ce sont les hommes laborieux et
industriels qui sont frappés, et on les frappe sans s’inquiéter si l’industriel
aura du succès dans ses entreprises.
Il y a tel
commerçant qui se ruine ; son travail a cependant contribué à enrichir l’Etat,
et on ne l’en fait pas moins payer patente. C’est l’oisiveté que l’on devrait
imposer, c’est à elle qu’on devrait demander une indemnité pour le tort qu’elle
fait à la société en consommant toujours, sans jamais rien produire. Notre
législation est en sens inverse de la raison et de la civilisation. Par
exemple, ne devriez-vous pas commencer par imposer les célibataires ? Je ne
sais pas pourquoi on ne s’est pas occupé de cette classe qui, en général,
supporte peu de charges On laisse le célibataire qui vit très bien, soit de son
traitement, soit de sa fortune, on le laisse, dis-je, en paix ; et on fait
payer des patentes à de malheureux pères de famille qui emploient souvent leur
intelligence, leurs travaux et leur avoir dans des entreprises qui les ruinent.
Je demande si ce n’est pas
là un contresens en civilisation, J’invite très sérieusement M. le ministre des
finances… (On rit.) Messieurs, ce
n’est pas une mauvaise plaisanterie, je parle très sérieusement, J’invite M. le
ministre des finances à rechercher les moyens d’attaquer le célibat.
Si l’impôt doit être pris
sur le superflu, il y a davantage de superflu dans la bourse du célibataire que
dans celle du chef de famille. Un célibataire qui a dix mille livres de rente
est moins imposé que le père de famille ayant le même revenu ; et cependant
c’est ce dernier qui paie au trésor, tandis que le premier contribue beaucoup
moins et souvent pas du tout aux charges publiques.
M. F. de Mérode. - Si on veut imposer les
célibataires, il faudra faire des distinctions ; il faudra dire si l’on imposera
le célibataire mâle et le célibataire femelle. Il faudra dire aussi si l’on
imposera les conjoints qui n’ont pas d’enfants. Car ceux-ci, en réunissant leur
fortune, sont encore plus heureux que les célibataires. (On rit.) Je demanderai à M. Gendebien s’il faut imposer ces
personnes, et dans quelle proportion on les fera contribuer. (Hilarité générale.)
M. Gendebien. - Il paraît que M. de Mérode a
pris la chose gaiement, et je l’en félicite, puisqu’il a occasionné un moment
de gaîté dans la chambre. Il est en possession de faire rire, et je l’en
félicite. Oui, M. de Mérode, en attaquant le célibat, on peut aussi attaquer
les conjoints sans enfants. Il est certain que les citoyens doivent contribuer
aux charges publiques en raison de leurs moyens ; et il n’est pas moins certain
qu’un célibataire ou des conjoints sans enfants, ayant
M.
Dubus. - J’aurais voulu que la proposition de M. Gendebien eût été
formelle. Par la manière dont nous établissons l’impôt des patentes, nous
obligeons l’administration à faire des calculs inutiles, calculs qui donnent un
travail immense. Il faut qu’on établisse l’impôt des patentes en principal.
Comment opérez-vous maintenant ? Vous retranchez 25 p. c. sur la patente ;
ensuite vous ajoutez 26 p. c., et sur ce dernier
résultat vous ajoutez encore 10 p. c. ; voyez quel travail vous faites, et par
là vous arrivez à un droit de patente égal à 103-95 ou 104.
Il me semble plus
raisonnable de voter l’impôt en principal et de dire quelle est l’augmentation.
C’est déjà un grand avantage que d’éviter de nombreux calculs. Mais je crois de
plus qu’il ne faudrait que voter le principal et supprimer tous les centimes
additionnels. On a dit que l’on aimait à maintenir au tableau les traces de la
réduction sur le principal des patentes, afin de conserver aux patentables la
perspective qu’on leur a donné d’un dégrèvement : mais ce dégrèvement, quels
que soient les chiffres, sera toujours facile à opérer, et en conservant le
principal, on pourra, selon les occurrences, le réduire aux neuf dixièmes, huit
dixièmes.
Je proposerai un amendement
qui aura pour but de mettre le chiffre principal au budget, et de supprimer les
centimes additionnels.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Le préopinant est tout à fait dans l’erreur en pensant qu’il ne s’agit ici
que d’une simple position de chiffres ; ce qu’il propose tendrait à établir à
perpétuité une diminution de 125,979 fr. sur l’impôt des patentes. Pour le
prouver, je dois vous rappeler les faits tels qu’ils se sont passés.
Avant que l’on eût opéré la
diminution d’un quart sur les patentes, la somme des patentes était de 2,472,244 fr. L’année suivante on proposa 26 centimes
additionnels sur les 3/4 des patentes. Ces 26 centimes additionnels ne firent
que la somme de 2,336,265 fr. Ainsi, il y eut une
diminution de 135,979 fr. On avait proposé de rétablir les patentes à leur taux
primitif, de manière que cet impôt produisit une somme de 2,472,244
fr.
L’honorable M. Verdussen
s’est opposé à ce rétablissement, en faisant ressortir que les patentables ne
se trouvaient plus dans une position aussi favorable. Toutefois, la réduction
n’était toujours considérée que comme temporaire. Mais si vous adoptez
l’amendement de M. Dubus, vous considérez comme définitive une réduction qui,
je le répète, n’a été admise que comme temporaire, et doit essentiellement être
considérée comme telle. Je pense que vous ne pouvez sous aucun prétexte
admettre cette proposition.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - On a parlé de la difficulté
des calculs, pour vous faire admettre un changement à l’article qui nous occupe.
Mais on sait qu’il n’y a aucune espèce de difficulté dans le calcul du taux des
patentes. Il existe des formules qui s’appliquent facilement au système en
vigueur. Et ce qui le prouve, c’est que l’administration qui, s’il y avait des
difficultés, serait la première à s’en plaindre, demande au contraire que l’on
continue de procéder comme par le passé.
Si vous adoptiez
l’amendement de l’honorable M. Dubus, la réduction qui en résulterait serait
plus forte qu’il ne l’a dit, car aujourd’hui la somme des patentes représente,
avec les additionnels, le principal en entier, plus 4 centimes additionnels à
très peu de chose près ; voici comment je le prouve :
3/4 du principal représenté
par 75
26 p.c. additionnels sur
ces 3/4 donnent 19-50
Soit, 94-50
10 p. c. ajoutés ce
résultat, 9-45
Taux réel avec les
additionnels, 103-95.
Par conséquent, en
rétablissant le taux des patentes au principe entier, il faudrait y ajouter 4
centimes additionnels, ce qui apporterait une très légère augmentation au
profit du trésor ; tandis que le calcul de M. Dubus, consistant à rétablir le
principal en entier sans additionnels, ferait perdue 4 p. c. à peu près, ce qui
serait trop sensible.
Pourquoi d’ailleurs tant
s’apitoyer sur la question des patentes, alors qu’il ne s’élève de ce chef
aucune réclamation ; jamais en effet il ne vous arrive de pétitions contre
l’élévation de cet impôt, qui est en effet très modéré. Nous avons en Belgique
à peu près 300,000 patentes, d’où résulte que la moyenne de ces patentes,
centimes additionnels compris, ne s’élève pas à 9 fr. Il y a des patentes de 50
cents, 60 cents, 1 fl. 50 cents. C’est là le taux le plus ordinaire. Je vous
demande s’il est trop élevé, et s’il y a lieu d’après cela d’admettre une
réduction sur cet impôt.
Je ne pense donc
pas que la chambre doive admettre la proposition de l’honorable M. Dubus. Il en résulterait une
nouvelle diminution sur celle déjà assez considérable qui a été opérée depuis
1830 et que vous a indiquée tout à l’heure M. le ministre de l’intérieur : ce
n’est certes pas le moment maintenant de diminuer ainsi nos recettes sans aucun
motif plausible.
M.
Devaux. - Il me semble que la proposition de l’honorable M. Dubus est
plus défavorable aux patentables que l’état de choses qui existe aujourd’hui ;
car elle tend à faire considérer comme impôt ordinaire 10 centimes d’impôt
extraordinaire dont les patentables, dans l’état de choses actuel, ont droit
d’espérer le dégrèvement le jour où la situation du trésor permettra de
supprimer les 10 centimes additionnels aux autres contributions. Mais si vous
confondez ces centimes extraordinaires avec l’impôt ordinaire, quand on
dégrèvera les autres branches d’impôt de leurs centimes extraordinaires, comme
il n’y aura pas de centimes extraordinaires à déduire de l’impôt des patentes,
cet impôt ne recevrait aucun dégrèvement. Je pense donc qu’il est plus
avantageux de conserver ce qui existe aujourd’hui.
M.
Dubus. - Quand j’ai proposé l’amendement en discussion, c’était dans la
pensée de rendre meilleure la position des patentables. Mais de la manière dont
les ministres ont compris ma proposition, au lieu d’une diminution, il y aurait
une légère augmentation pour les patentables.
Il est certain que si la
chambre ne devait admettre la proposition de réunir l’extraordinaire au
principal qu’en ajoutant 4 centimes additionnels, je serais le premier à voter
contre cette proposition.
M.
d'Hoffschmidt. - Je crois que nous ne devons pas adopter l’amendement
de M. Dubus, parce que cet amendement tend à diminuer les recettes d’environ
cent mille francs sans pour cela améliorer le sort des patentables, car,
messieurs, la diminution proposée ne sera que de quelques centimes pour chacun
d’eux et surtout pour les petits contribuables, pour lesquels un tel
dégrèvement serait imperceptible. S’il s’agissait d’apporter une amélioration
au sort des patentables je me rangerais volontiers de l’avis de M. Dubus, si
l’on voulait abolir ou diminuer la patente des ouvriers pauvres, tels que
savetiers, etc., auxquels l’on fait payer mal à propos selon moi un impôt
qu’ils doivent tirer du fruit de leurs sueurs ; mais je ne puis adopter une
diminution générale dont profiteraient surtout nos gros négociants, qui ne sont
pas trop imposés. Si M. Dubus avait ajouté 4 centimes additionnels au principal
tel qu’il l’a établi, j’eusse voté pour son amendement.
M.
Dubus retire son amendement.
- L’article
« patentes » est adopté conforme au projet, ainsi conçu :
« Patentes.
« Principal réduit aux
3/4 : fr. 1,854,258.
« 26 centimes
additionnels : fr. 482,107.
« 10 centimes
additionnels extraordinaires : fr. 233,635.
« Ensemble : fr. 2,570,000. »
Redevances sur les mines
- L’article « redevances
sur les mines » est adopté sans discussion ; il est ainsi conçu :
« Redevances sur les
mines
« Principal : fr.
80,000.
« 10 centimes
ordinaires pour non-valeurs : fr. 8,000.
« 5 centimes sur les
deux sommes précédentes pour frais de perception : fr. 4,400.
« Ensemble : fr.
92,400. »
Douanes
- La chambre passe à la
discussion de l’article « douanes » ainsi conçu :
« Douanes
« Droits d’entrée (13
centimes additionnels), fr. 7,000,000.
« Droits de sortie
(idem) : fr. 520,000
« Droits de transit
(idem) : fr. 110,000.
« Droits de tonnage
(idem) : fr. 35,000.
« Ensemble : fr. 8,000,000. »
M.
Verdussen. - M. le ministre des finances nous a annoncé en présentant
le projet de loi de budget des voies et moyens qu’il baserait ses chiffres sur
les produits des 10 premiers mois de 1835 et des 2 derniers mois de 1834. En
effet, j’ai trouvé dans le tableau qui nous a été fourni qu’il a agi ainsi à
l’égard des douanes (droits d’entrée). On a trouvé que le produit de cette
branche d’impôt, pendant ces 12 mois, s’élevait (centimes additionnels compris)
à 6,946,000 et quelques francs, et l’on a proposé une
somme ronde de 7 millions.
Mais comme il faut tenir
compte et des augmentations et des diminutions à prévoir, je proposerai à la
chambre une réduction de 200,000 fr. sur ce chiffre. Cette proposition est
basée sur la loi que vous avez votée, relativement à l’entrée du bétail
étranger. J’ai établi mon chiffre, d’après les quantités énoncées par M. le
ministre des finances dans la discussion générale de cette loi. Il a dit qu’il
était entré en Belgique :
5,706 bœufs, taureaux ou
vaches au droit de fl. 10, soit fl. 57,607.
4,231 génisses, au droit de
fl. 5, soit fl. 21,155.
7,415 moutons, au droit de
c. 60, soit fl. 4,449.
3,989 agneaux, au droit de
30 c., soit fl. 1,196.
Total : fl. 83,860,
auxquels j’ajoute les 13 p. c., soit fl. 10,900. Total
général : fl. 94,760, c’est-à-dire un peu plus de 200,000 fr.
Je propose une
réduction de la somme ronde de 200,000 fr.
Ceux qui ont provoqué le projet
de loi relatif au bétail (ce sont principalement plusieurs pétitionnaires de
Tirlemont et de Louvain,) vous ont dit que pour protéger efficacement
l’industrie agricole, il fallait élever les droits d’entrée du bétail, de telle
sorte qu’ils devinssent droits prohibitifs. C’est aussi l’opinion qu’a exprimée
le rapporteur de la section centrale. L’honorable M. Desmaisières vous a dit
que son intention, et celle de la section centrale dont il était l’organe,
étaient d’établir des droits prohibitifs. Je suis aussi d’avis que le droit est
prohibitif et ne profitera qu’à la fraude. Mais puisque l’introduction, avec
déclaration aux bureaux de notre douane, doit cesser en raison de l’élévation
des droits, je demande une réduction équivalente au montant des droits que l’on
percevait de ce chef. Je demande cette réduction, parce qu’il est, je crois,
dangereux de porter les articles du budget des voies et moyens au-dessus de
leur produit présumé.
- L’amendement de M.
Verdussen (consistant en une proposition de réduction du chiffre de 200,000 fr.
sur l’article « douanes, droits d’entrée ») est appuyé.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ne
pense pas qu’il y ait lieu d’adopter la proposition de l’honorable M.
Verdussen, car cette proposition est basée sur des évaluations qui ne sont pas
motivées. L’honorable membre s’est évidemment trompé dans les calculs qu’il a
faits sur les résultats probables de la loi relative au bétail étranger, il a
conclu, de l’adoption de cette loi, qu’un droit prohibitif frappant le bétail
étranger on n’introduirait plus de ce bétail dans le pays. Je ne suis pas
d’accord là-dessus avec M. Verdussen. Je ne regarde pas le droit établi comme
prohibitif, et je crois que la loi nouvelle n’empêchera pas le bétail étranger
d’être introduit dans le pays ; il n’en entrera peut-être pas en aussi grande
quantité, nous devons même le désirer ; mais d’autre part le droit ayant été
augmenté, je ne pense pas que la diminution dans la quantité du bétail
introduit ait en définitive une grande influence sur le chiffre que nous
discutons.
L’honorable M. Verdussen a
appuyé sa motion sur la prévision de lois prohibitives qui vous seraient encore
bientôt soumises ; je ne pense pas qu’il y ait lieu de prévoir cela, j’ignore
même quelles sont les lois de cette nature auxquelles l’honorable membre a fait
allusion. Du reste, loin que l’on doive supposer qu’il y ait diminution dans
nos produits de douanes, il y a plutôt lieu d’espérer de l’augmentation, à
raison du nouveau service de douanes récemment organisé, lequel, en assurant
une surveillance plus active, promet plus dans la répression de la fraude.
Outre l’amélioration du
service des douanes, dont je viens de parler, il vous sera proposé des
modifications à nos douanes, d’abord en ce qui concerne le rayon de douanes
autour de Maestricht, ensuite relativement à des mesures générales réclamées
dans cette enceinte dans une récente discussion.
Tout se réunit donc pour
faire espérer que l’évaluation du produit de nos douanes, porté à 7 millions,
est plutôt est dessus qu’en dessous de la réalité, et dès lors il serait
contraire à la raison de diminuer le chiffre.
M.
Rogier. - Je trouve la proposition de l’honorable M. Verdussen très
rationnelle.
Il résulte de la loi que
vous avez votée contre l’introduction du bétail hollandais, que ce bétail sera
probablement prohibé à l’entrée, qu’il ne paiera plus au trésor le droit de 10
fl. par tête qu’il paie aujourd’hui, soit qu’il entre en fraude, soit qu’il
n’entre pas du tout. Il faut donc retrancher du budget des voies et moyens ces
200,000 fr. que produit l’introduction de ce bétail ; car si la loi porte ses
effets, ce bétail ne sera plus introduit dans le pays.
A cet égard, je crois qu’il
serait utile que l’on nous fournît un état de développements indiquant le
produit des diverses branches d’impôt, ainsi que je l’ai indiqué précédemment.
Nous aurions intérêt à savoir ce que chaque nature d’impôt a produit en 1834 et
1835. Par exemple, pour les toiles vous avez voté une loi tendant à favoriser
la fabrication des toiles indigènes. Vous avez entendu frapper d’exclusion les
toiles étrangères, en élevant les droits sur cet objet. Il serait intéressant
de savoir quel effet a eu cette loi sur cette branche de produits de douane.
C’est pour cela que nous
demandons un tableau faisant connaître l’importation et l’exportation déclarées
à la douane, comme il en est établi dans tous les pays constitutionnels. Nous
ne cesserons de réclamer ce tableau jusqu’à ce qu’on nous l’ait fourni.
Cette observation se
rattache naturellement au budget des voies et moyens ; car il faut savoir si on
a tenu compte, dans l’évaluation portée au budget, de la diminution que doit
éprouver le produit des droits d’entrée, par suite de l’élévation des droits
sur les toiles étrangères ; cette différence n’a pu se faire sentir que dans
les derniers mois de 1834, car la loi n’a été portée qu’en 1834.
Dans ce moment, l’on
propose une loi sur la sortie des os ; je ne crois pas que le droit soit
prohibitif, mais il est plus élevé que le droit actuel.
On a calculé la diminution
de recettes que la loi sur le bétail ferait éprouver au trésor. Le trésor n’a
plus rien à toucher de ce chef. Je suppose que cette éventualité a été prévue
par M. le ministre. L’amendement de l’honorable M. Verdussen n’avait d’autre
but que d’appeler son attention sur ce point.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- La loi sur le bétail n’est nullement prohibitive. Elle a seulement pour objet
d’interdire l’introduction frauduleuse du bétail. Il est vrai que l’élévation
du droit diminuera l’importation. Mais, d’un autre côté, il en résultera de ce
chef une espèce d’augmentation pour le trésor.
En ce qui concerne le droit
sur les toiles étrangères, je ferai observer à l’honorable préopinant que la
loi étant en vigueur depuis 1834, le montant des recettes présumées a été
calculé dans le budget sous l’empire de cette loi. Il n’y a pas eu de nouveaux
calculs à établir de ce chef.
En ce qui concerne les
documents sur les importations et les exportations de
M. Meeus. - J’ai quelques observations à
présenter par rapport à la loi sur les douanes. Il me paraît très essentiel que
l’on prenne en considération ce principe reconnu généralement que les augmentations
de droits n’amènent pas toujours des fonds nouveaux au trésor.
On a parlé il y a longtemps
des soieries. Il est bien certain que le trésor reçoit très peu de chose par
les droits frappés sur les soieries. Cela provient de la trop grande élévation des
droits. Si on les réduisait, il est sans aucun doute que cet article produirait
beaucoup au trésor. Je demande donc que M. le ministre des finances veuille
bien donner à la chambre l’assurance qu’il portera son attention sur ce point
et sur beaucoup. Si les droits étaient abaissés, non seulement la morale y
gagnerait, puisque la fraude perdrait de son activité ; mais ce serait pour le
trésor public un moyen d’accroissement de recettes.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je répondrai à l’honorable M.
Meeus que le gouvernement compte proposer incessamment aux chambres des
modifications qui tendront à réduire les droits sur les soieries et sur
d’autres objets encore.
Ces propositions vous
seront proposées en conséquence des négociations actives qui se continuent avec
le gouvernement français. Nous espérons arriver à obtenir un tarif également
avantageux aux deux pays, pour les échanges qu’ils peuvent se faire de leurs
produits respectifs.
- L’amendement de M.
Verdussen est mis aux voix. Il n’est pas adopté.
L’article est mis aux voix
et adopté.
L’article suivant du tarit
est mis en discussion.
Accises
« Accises
« Sel (26 centimes
additionnels) : fr. 3,700,000.
« Vins étrangers
(idem) : fr. 2.900,000.
« Eaux-de-vie étrangères
(idem) : fr. 200,000.
« Eaux-de-vie
indigènes (10 centimes additionnels) : fr 2,000,000.
« Bière et vinaigre :
(26 centimes additionnels) : fr. 7,000,000.
« Sucres (idem) : fr.
1,700,000
« Timbres collectifs
sur les quittances : fr. 1,550,000.
« Timbres collectifs
sur les permis de circulation : fr. 20,000.
« Ensemble : fr. 19,070,000. »
M. Gendebien. - J’espère que M. le ministre des
finances prendra en considération les observations qui ont été faite dans cette
chambre sur un article du budget en discussion. Je veux parler de l’impôt sur
le sel. Je suis intimement convaincu que si l’on diminuait l’impôt sur le sel,
si on le réduisait même au quart, et si en même temps on n’accordait aucune
exemption, il rapporterait autant qu’il rapporte maintenant. Il pèserait moins
injustement sur les classes pauvres et les cultivateurs. J’invite M. le
ministre à y penser sérieusement, Il n’a pas à attendre, dans le cas qui nous
occupe, le résultat de négociations dont depuis 4 ans on nous promet d’heureux
résultats. Il peut prendre immédiatement une mesure et présenter un projet de
loi.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Comme
j’ai eu l’honneur de le dire hier à la chambre, un projet de loi relatif à
l’impôt sur le sel est à peu près terminé.
Sous ce rapport l’honorable
préopinant verra ses vœux accomplis, Mais je ferai remarquer que l’impôt sur le
sel est en Belgique plus bas que dans tous les autres pays. Il est de moitié
moindre qu’en France.
En effet le droit sur le
kilogramme de sel en Belgique est de 17 centimes avec les additionnels. Il est
en France de 33. Je ne sais pas quelle est la proportion avec le droit établi
en Prusse. Mais toujours est-il que les consommateurs de sel sont en Belgique
dans une position meilleure puisque nous expédions du sel dans ce pays.
Je dois prévenir la chambre
que, dans la loi qui lui sera présentée, le gouvernement ne demandera aucune
réduction de droit. La loi aura pour but d’attribuer au trésor les bénéfices
que font les fraudeurs, sans que la condition des consommateurs en soit
meilleure, La loi proposera également une modification importante, c’est celle
relative aux exemptions. Sauf deux ou trois cas, les exceptions accordées par
la législation existante seront supprimées. Il en résultera un grand
accroissement de recettes pour le trésor.
Cependant, les mesures dont
je vous parle ne seront pas fiscales, puisqu’elles laisseront le droit existant
aujourd’hui. La révision de la loi sur le sel offrira au trésor une nouvelle
ressource, sans grever le consommateur. Si le gouvernement n’a pas cru devoir
abaisser le droit, c’est, je le répète, parce qu’il est très modéré. Le calcul
est facile à faire. Il ne revient pas à un franc par habitant par an.
M. A. Rodenbach. - Je me joins à l’honorable
M. Gendebien pour demander une exemption sur le droit actuel imposé sur le sel,
au lieu de supprimer les exemptions comme le propose M. le ministre des
finances. Cette mesure ruinerait une foule d’industries.
En réduisant le droit sur
le sel, vous en retireriez cet avantage que vous favoriseriez le commerce
interlope de cette denrée, qui déjà sous la législation actuelle est ruineuse.
Puisque nos voisins
spéculent sur notre tarif de douanes, puisque la douane française elle-même
protège les fraudeurs en les escortant jusqu’à la frontière et en les
protégeant, s’ils sont poursuivis par nos douaniers, je ne vois pas pourquoi
nous serions plus délicats à leur égard.
C’est peut-être une
immoralité, mais les gouvernements n’y regardent pas de si près. Il est
important d’arrêter la fraude sur le sel qui se fait dans notre pays. Il y a
des fraudeurs qui ont gagné dans cette partie des fortunes scandaleuses :
j’aime à croire que l’on nous présentera le projet de loi le plus tôt possible.
Je réclamerai de toutes mes
forces la diminution de l’importation, persuadé que je suis que la loi
rapportera davantage.
Puisque nous sommes sur cet
article, je demanderai pourquoi le vinaigre artificiel n’est pas imposé. Il
s’en fabrique énormément dans le pays. Le vinaigre de pommes n’est pas imposé
non plus. C’est un acide pourtant. Je vous demande s’il y de la justice à
imposer le vinaigre de bière parce qu’il se fait à la chaleur du soleil, et à
ne pas imposer le vinaigre artificiel parce qu’il se fait dans une chambre
chaude à 26 degrés. Il faut absolument que le ministre des finances trouve le
moyen d’imposer tous les acides soit qu’ils soient extraits des pommes, soit
qu’ils soient produits par des moyens artificiels.
Il se consomme immensément
en Belgique de ce dernier produit.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je pense qu’il serait
extrêmement difficile, pour ne pas dire impossible, d’imposer le vinaigre de
pommes, sans exposer les citoyens à de véritables vexations.
Le vinaigre de pommes n’est
pas fabriqué par des industriels. Chaque petit propriétaire qui a des pommiers
fait sa provision de vinaigre.
Comment voulez-vous que l’on
établisse un impôt sur cette fabrication ? Il faudrait faire des visites
domiciliaires et revenir à ces mesures fiscales que nous avons flétries. Je
crois donc que l’on ne peut admettre la demande de l’honorable préopinant.
Je ferai remarquer que l’on
demande un droit sur le vinaigre tandis que l’on veut diminuer celui sur le sel
; il n’est pas d’impôt qui se perçoive plus facilement que ce dernier. Il se
perçoit par un déguisement tel que le consommateur ne s’aperçoit pas qu’il
paie. Je ne crois pas qu’il soit d’une bonne de remplacer un impôt dont la
perception est si douce sensible par un autre qui devrait être perçu
directement sur les consommateurs.
M. A. Rodenbach. - Je ne puis
admettre la doctrine de M. le ministre des finances. De ce qu’un impôt est
déguisé, il ne s’en suit pas que les basses classes sur lesquelles il retombe
doivent en supporter les charges.
Je répondrai ensuite au
ministre que s’il n’est réellement pas possible d’imposer le vinaigre de
pommes, il faut supprimer l’impôt sur le vinaigre de bière. Car il n’y a pas
plus de raison pour imposer l’un que l’autre. L’équité exige que la condition
des fabricants ou des consommateurs d’un même produit soit la même.
M. le ministre ne m’a pas
répondu au sujet du vinaigre artificiel. Il s’en fabrique énormément, surtout à
Bruxelles. Il me semble qu’il serait très facile de l’imposer.
M.
Gendebien. - J’aurais beaucoup de choses à répondre à M. le ministre au
sujet de l’impôt sur le sel, mais je ne veux pas retarder vos délibérations.
J’attendrai la discussion du projet que M. le ministre doit nous présenter pour
examiner les différentes questions qu’il soulèvera.
M.
Desmet. - Je me rallie aux observations de l’honorable M. Rodenbach ;
la franchise dont jouit le vinaigre de pommes est un véritable privilège en
faveur de certaines provinces. De ce que dans le nord on ne peut faire du
vinaigre de pommes, est-ce une raison pour imposer le vinaigre de bière ?
- L’article
« accises » est mis aux voix et adopté.
La séance est levée à 4
heures 1/2.