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d’intention
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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du vendredi 18 décembre 1835
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre, notamment pétitions relatives à l’indemnisation des
victimes des événements de la révolution (Legrelle) et
aux droits sur les os (Verdussen)
2) Projet
de loi relatif aux droits de sortie sur les os
3) Projet
de loi portant le budget des voies et moyens pour l’exercice 1836. Discussion
générale. (A : Position diplomatique de
(Moniteur
belge n°354, du 19 décembre 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
M. Verdussen
fait l’appel nominal à midi et demi.
M. Schaetzen
donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est
adoptée.
M. Verdussen
fait connaître l’objet des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Des fabricants de
noir animal et raffineurs de sucre à Gand adressent des observations sur le
projet de loi relatif aux os et en demandent le retrait. »
_______________
« Le sieur J. Fenner, négociant à Anvers, demande à être indemnisé des
pertes qu’il a essuyées par le bombardement. »
_______________
M. Legrelle. -
Je crois que la dernière pétition devrait être renvoyée à la commission des
indemnités, qui vient d’être complétée ; d’autres pétitions semblables ont été
renvoyées à la même commission.
PROJET DE LOI RELATIF AUX DROITS DE SORTIE SUR LES OS
M.
Zoude, rapporteur de la commission d’industrie, est appelé à la
tribune, il propose l’adoption du projet de loi relatif à la sortie des os
présenté par le gouvernement.
- L’impression de son rapport est ordonnée.
PIECES ADRESSEES A
M.
Verdussen. - Parmi les pétitions dont l’analyse vous a été présentée,
il en est une relative aux os ; comme je l’ai lue et qu’elle contient de bons
renseignements, je demanderai qu’elle soit imprimée au Moniteur.
- L’impression au Moniteur est ordonnée.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DES VOIES ET MOYENS POUR L’EXERCICE 1836
Discussion générale
M.
le président. - M le ministre des finances se rallie-t-il au projet de
la section centrale ?
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Il n’y a de différence entre
le projet du gouvernement et celui de la section centrale qu’en ce qui concerne
l’article 1er. Une erreur d’impression qui se trouvait dans le projet du
gouvernement : « au 1er décembre » au lieu de « au 31
décembre, » a été rectifiée par la section centrale. Il est inutile de
dire que je m’y rallie.
La section centrale propose
de faire trois lois séparées de 3 articles du projet du gouvernement. Je crois
qu’il convient, avant de déclarer que je me rallie au projet de la section
centrale, de laisser commencer la discussion générale. Il pourra arriver
qu’après cette discussion l’on trouve utile de maintenir les articles tels
qu’ils ont été proposes. Je déclarerai donc, lorsque la discussion générale
sera close, si je me rallie ou non au projet de la section centrale.
M.
Rogier. - Je ne sais pas si dans le rapport se trouvent des extraits
suffisants des pièces qui y sont citées ; ces pièces viennent des chambres de
commerce et des commissions d’agriculture, et sont importantes.
M.
Zoude. - J’ai fait connaître les avis des différentes chambres de
commerce.
M.
Rogier. - C’est fort bien ! mais la force des raisons
sur lesquelles étaient appuyés leurs avis vaut mieux ; je demande l’impression
de ces pièces.
On a cité en outre
l’exportation pour les années 1834 et 1835, il faudrait que ce tableau fût
aussi imprimé.
M.
Verdussen. - La même loi nous a occupés l’année dernière, et beaucoup
des pièces dont il s’agit sont au greffe ; on peut les consulter, et il n’est
pas nécessaire de les imprimer, il ne faut imprimer que les pièces nouvelles. (Adhésion.)
M.
le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Messieurs,
dans l’état actuel des choses, la demande de renseignements faite par un
honorable membre dans une séance précédente m’a causé quelque surprise. Bien
que l’impossibilité de communications diplomatiques soit, je le pense du moins,
évidente pour tout le monde, je ne veux pas, néanmoins, qu’on puisse tirer
aucune induction fâcheuse de mon silence. Je vais autant qu’il dépendra de moi,
aller au devant des désirs exprimés par l’honorable représentant.
Messieurs, l’état de la
question belge vous est connu à tous. Le dernier acte publié est une note
remise à la conférence de Londres par les plénipotentiaires belges sous la date
du 28 septembre 1833. Cette note vous a été communiquée par mon prédécesseur
sous le ministère précédent, quelques jours après qu’elle eut été remise à la
conférence, et, par ordre de la chambre, elle a été imprimée et distribuée.
L’intervalle écoulé depuis
cette époque a été marqué par des tentatives pour obtenir notre désistement des
conditions qui avaient été mises à la reprise des négociations. Ces tentatives
sont restées sans aucun résultat. Il serait, je pense, contraire à toutes les
convenances de vous faire un rapport sur des tentatives, sur des incidents qui
n’ont amené aucun fait nouveau.
Il doit suffire à la
représentation nationale et au pays de recevoir ici l’assurance la plus
positive que depuis le rapport fait en septembre 1833, sur les négociations, il
n’est intervenu aucun acte quelconque qui ait changé en rien notre situation
politique.
On me demandera peut-être
ce que la diplomatie a fait depuis cette époque. Son rôle, à la vérité, a été
presque négatif, mais il n’a pas été inactif.
Il est souvent tout aussi
difficile de conserver une position que de savoir en prendre une. Notre tâche,
messieurs, a été de maintenir le statu quo à l’abri de toute atteinte.
Cette tâche n’a pas
toujours été facile. Elle a été quelquefois délicate et laborieuse. Le
gouvernement du Roi l’a poursuivie avec bonheurs à travers une foule de
circonstances difficiles et inattendues.
Je ne vous rappellerai pas
les inquiétudes qu’avait fait naître, il y a une année à peu près, un
changement ministériel survenu dans un pays voisin. C’était là une nouvelle
épreuve qu’était destinée à subir notre situation politique ; elle est sortie
intacte de cette épreuve.
Je passerai sous silence et
les vives espérances conçues à une époque bien récente par les ennemis du pays,
et tous les événements qui, depuis 1833, ont paru à des personnes prévenues
devoir compromettre les engagements contractés envers
Ni les craintes manifestées
par les uns, ni les illusions des autres, ne se sont réalisées.
Jusqu’à présent, nous sommes
restés dans le statu quo, sur lequel il vous a été fait un rapport détaillé par
mon prédécesseur.
Nous avons traversé
les événements. Tout ce que nous avions acquis nous est resté, et le temps ne
nous a donné qu’une sanction de plus.
S’il y avait, messieurs,
quelque chose de nouveau dans la politique extérieure, je suis convaincu que le
Roi m’autoriserait à vous faire toutes les communications compatibles avec la
prudence politique. Dans ce cas, je m’empresserais, pour ma part de demander
vos conseils, d’invoquer vos lumières, bien persuadé que de cette manière je me
déchargerais, en partie, aux vœux du Roi et du pays, de la responsabilité qui
pèse sur moi. Mais je le puis déclarer eu pleine franchise, aucun événement
nouveau quelconque n’est venu changer notre état politique depuis le dernier
rapport fait par mon prédécesseur.
M.
Gendebien. - Comme l’espèce de rapport que vient de vous faire M. le
ministre des affaires étrangères ne dit rien, absolument rien, je n’ai pas à y
répondre. Je me réserve, lorsque l’on discutera le budget de son département,
de l’interpeller directement si je crois la chose utile. Quant à présent, nous
n’en avons guère le temps et je pense que ce serait abuser de vos moments que
d’entamer actuellement une discussion sur nos relations extérieures.
M.
Doignon. - Je n’ai à vous entretenir qu’un instant, et c’est
relativement à notre position vis-à-vis de la banque.
J’ai lu avec reconnaissance
le rapport de l’honorable M. Fallon sur les diverses questions relatives à la
banque dans ses rapports avec le trésor public. Je partage entièrement les
opinions émises dans ce rapport. Mais je demanderai au gouvernement s’il a
également fait consulter sur une autre question qui n’est pas traitée dans ce
rapport, et qui, selon moi, est préalable à quelques autres, celle de savoir si
le roi Guillaume avait le pouvoir d’aliéner les domaines cédés en vertu de la
loi du 20 août 1822, ou, en d’autres termes, si ces domaines lui ont été cédés
en nom personnel. Je ne prétends pas résoudre ici cette question, mais il me
semble que de fortes raisons militent pour la négative.
Je vois dans les statuts de
la banque approuvés le 3 décembre 1822 par le roi Guillaume une disposition
ainsi conçue :
« Art. 10. La société
aura la plus grande latitude pour l’aliénation de ces domaines ainsi que pour
la fixation des époques, la forme et les conditions des aliénations. »
Il me semble, messieurs,
que par cette clause, le roi Guillaume a usurpé un pouvoir qu’il n’avait pas.
Les domaines lui ont été cédés en vertu des articles 30 et 31 de la loi
fondamentale, dont voici les termes :
« Art. 30. Le roi
jouit d’un revenu annuel de 2,400,000 fl., payables
par le trésor public. »
« Art. 31. Si le roi
Guillaume-Frédéric d’Orange-Nassau, actuellement régnant, en fait la
proposition, il peut lui être assigné par une loi des domaines, en toute
propriété, à concurrence de 500,000 fl. de produit, lesquels seront déduits des
revenus déterminés par l’article précédent. »
C’est en exécution de ces
articles que, le 26 avril 1822, les états-généraux ont adopté une loi portant
un article unique ainsi conçu :
« Article unique. En
diminution de la somme de 2,400,000 fl. par an, qui,
d’après l’article 30 de la loi fondamentale, doit être payée par le trésor
public, et en paiement de cette somme jusqu’à concurrence de 500,000 fl., nous
acceptons en toute propriété, comme bien patrimonial, ainsi qu’il nous est cédé
par les présentes, les biens domaniaux et après désignés, savoir, etc.,
etc. »
D’après le rapprochement de
ces dispositions, il me paraît évident que ces biens ont été cédés au prince
d’orange- Nassau, non en privé nom, mais comme roi et à titre de roi. Les
articles 30 et 31 dont je vous ai donné lecture se trouvent au chapitre
intitulé : Du Roi, et sont compris dans la section intitulée : Des revenus de
la couronne.
Il est donc clair que cette
cession faisait partie de la dotation de la maison royale. Il me semble que le
roi Guillaume lui-même a reconnu ce point dans son arrêté du 28 août 1822.
Après avoir déclaré que ces domaines formeront le fonds de la société, il
ajoute que cependant il ne sera pas émis d’actions de ces domaines, « mais que
le montant de leurs revenus, pour autant qu’ils n’excéderont pas la somme de
500,000 florins, servira tant pour nous que pour nos successeurs à compléter le
revenu annuel, estimé à 2,500,000 florins par la loi
fondamentale. »
Le roi Guillaume avait
donc, en stipulant ainsi pour les successeurs de sa couronne, reconnu lui-même
que les domaines faisaient partie de la dotation. Or, toute dotation de cette
nature, dans un principe de droit public, est toujours inaliénable. C’est ce
que personne ne peut mettre en doute.
L’on a argumenté, il est
vrai, des expressions « bien patrimonial, » qui se trouve dans l’art.
1er de la loi du 26 août 1822, pour en inférer que la cession était faite au
roi Guillaume en son nom personnel. D’abord l’on ne peut pas présumer que les
états-généraux auraient voulu user d’un droit qu’ils n’avaient pas eux-mêmes et
disposer des domaines de l’Etat d’une manière contraire aux articles 30 et 31
de la loi fondamentale.
Or, ils ne pouvaient les
donner au roi que comme roi et à titre de roi. Mais l’expression de
« patrimonial » peut s’appliquer tout aussi bien à une semblable
dotation qu’à toute autre institution. On peut dire le patrimoine de la
couronne, le patrimoine de la dynastie, de la maison régnante, comme on dit le
patrimoine d’une commune. Il existe même une loi de 1791 qui distingue
formellement les biens des communes en biens patrimoniaux et biens communaux.
Les biens dont il s’agit ne
formant donc pas une propriété particulière du roi Guillaume, ce roi n’avait
pas le droit d’autoriser la banque à les aliéner ; il ne pouvait ainsi changer
de son autorité la nature de cette dotation immobilière en la mobilisant et en
la convertissant en une simple créance personnelle à l’époque de la dissolution
de la société.
Ces biens avaient
notoirement une valeur de 40 millions. Ils ont été cédés à vil prix pour une
somme de 20 millions. C’est là un acte de spoliation qui a indigné tout le
pays, qui a enrichi la banque aux dépens de la nation. Nous devons en accuser
la faiblesse des anciens états-généraux. Les faveurs et les prestiges de la
cour avaient alors corrompu la représentation nationale ; notre histoire
rappellera les noms des Belges qui ont dans cette circonstance trahi leur
mandat et la patrie.
Il importe d’autant plus
que le gouvernement sache à quoi s’en tenir sur cette question que l’on a vu la
banque s’empresser d’aliéner les domaines depuis 1830. Elle avait sans doute de
bonnes raison pour en agir ainsi. Quant aux acquéreurs, ils ont dû courir les
chances de la question ; ils ne pouvaient ignorer les droits de la banque
fondés sur les actes des états généraux, et ils ont dû savoir que la banque ne
pouvait leur transmettre plus de droits qu’elle n’en avait elle-même.
Je demanderai également au
gouvernement s’il a examiné la même question à l’égard du palais du prince
d’Orange. Ce palais ne faisait-il pas aussi partie de la dotation du prince
royal ? Si je ne me trompe, il a dû être construit aux dépens de l’Etat, en
sorte qu’il constituait également la dotation de l’héritier présomptif de la
couronne. Or, encore une fois pareille dotation n’est point une propriété privée,
mais elle est inaliénable et appartient au domaine public ; elle serait donc
dévolue aujourd’hui à l’Etat belge par suite du droit de conquête.
L’art. 37 de l’ancienne loi
fondamentale portait :
« Le prince d’Orange,
en cette qualité, à l’âge de 18 ans accomplis, jouit sur le trésor public d’un
revenu annuel de 100.000 florins, qui sera porté à 200,000 florins lorsqu’il
aura contracté un mariage, en se conformant à l’article 13. »
Il est bien certain que
cette dotation de 100,000 fl. n’était acquise au prince d’Orange qu’à titre
d’héritier présomptif de la couronne. Il est tout naturel de penser que le
palais lui a été donné au même titre.
Je demanderai encore à M.
le ministre des finances quelle suite il a donnée au rapport de la commission
depuis que ce rapport lui a été communiqué et nous a été distribué ? En lisant
ce rapport, je n’ai éprouve qu’un regret, c’est que le gouvernement n’ait pas
plus tôt fait décider les différentes questions qui ont été débattues dans ce
rapport. Car, en total, ce rapport n’est qu’un avis de jurisconsultes. Cet avis
pouvait être obtenu il y a cinq ans comme il y a quelques mois.
L’on a négligé les intérêts
du pays de la manière la plus grave. Nos intérêts ont été trop longtemps en souffrance.
Le premier devoir du gouvernement en 1830 était de constater le solde de la
banque. L’on s’est borné à entamer avec cette société une correspondance tout à
fait inutile et des pourparlers superflus. La banque étant elle-même dans une
position embarrassée, il n’y avait d’autre parti à prendre qu’à aller droit au
but et à l’appeler directement devant nos juges. Mais non, on s’en est même
référé à ses propres déclarations pour régler son compte.
Je pense avec la commission
que la transaction conclue par le dernier ministre des finances est évidemment
nulle, c’est là un acte qui excède les bornes de l’administration. Le ministre
n’avait pas le droit d’aliéner un capital aussi considérable, en ajournant son
remboursement à une époque indéterminée, celle du traité à intervenir entre
Cette banque
proteste vainement de sa nationalité : il est un fait manifeste, c’est que le
roi Guillaume est propriétaire des 5/6 de toutes les actions. Cependant la loi
confie tous les ans le maniement de nos fonds, c’est-à-dire de 80 millions à la
banque. Si l’on ne nous démontre pas qu’il est évidemment avantageux que la
banque continue à gérer nos intérêts financiers, c’est un acte de faiblesse de
notre part et une imprudence de continuer à lui laisser ainsi le maniement de
nos deniers.
Quant au projet de
loi en lui-même j’ai vu avec plaisir le gouvernement proposer une augmentation
de droits sur les eaux-de-vie indigènes. Je donnerai mon assentiment à cette
augmentation que j’ai toujours désirée.
Pour le surplus je réserve
mon vote.
M.
F. de Mérode. - (Nous publierons
son discours dans un prochain numéro.) (Note
du webmaster : ce discours n’a pas été retrouvé. Compte tenu des réponses
à ce discours dans le courant de cette même séance parlementaire, il est
probable qu’il portait sur l’inopportunité de procéder trop rapidement à des
réformes fiscales dont l’effet est d’affaiblir l’équilibre entre les recettes
et les dépenses. Il semble que de Mérode faisait notamment allusion à la
décision de supprimer le droit de mouture et celui d’abattage au moment de la
révolution de 1830).
(Moniteur
belge n°354, du 19 décembre 1835) M. Seron. - Dans l’exposé des motifs du budget des
voies et moyens de
Suivant le budget, l’accise du sel s’élèvera à 3,700,010 fr., mais l’accise sur les eaux-de-vie indigènes
n’excédera pas 2,000,000 de fr., malgré l’addition des centimes proposée par le
ministre, au droit de 22 centimes établi par la loi du 18 juillet 1833. Je
voudrais, n’en déplaise aux administrateurs de cette loi, que l’augmentation du
droit fût plus forte, afin de diminuer la consommation, comme boisson du moins,
d’une liqueur pernicieuse qui abrutit le peuple et détruit sa santé. Elle est
maintenant au plus bas prix, et les distilleries sont dans la plus grande
activité. Je ne sais si la société y gagne quand j’entends dire surtout que l’agriculture,
dont ces distilleries devaient augmenter la prospérité, est demeurée
stationnaire dans les deux Flandres.
Il n’est apporté aucune modification aux lois sur
les patentes. Ainsi, faute d’un tarif précis où chacun pourrait, comme en
France, connaître à l’avance la taxe à laquelle sa profession est assujettie,
tout est encore laissé à l’arbitraire des agents du fisc, libres de vous
assigner la classe où ils entendent que vous serez portés ; car, à moins d’une
réclamation en forme, c’est le directeur qui décide, et les observations des
répartiteurs ont peu d’influence sur ses décisions. D’un autre côté, le
patentable continuera de payer autant de droits qu’il exerce de différentes
professions, même quand aucune de ces professions n’est capable de le faire
vivre, tandis que la raison voudrait qu’il ne payât qu’un seul droit pour la
profession la plus imposable.
Quant à la contribution personnelle, à cela près
que M. le ministre propose des modifications relatives à la taxe sur les
chevaux, les bases n’en seront pas non plus changées pour 1836. Cependant elles
sont si vicieuses, elles donnent si peu la mesure des facultés du contribuable,
que, souvent, dans la même commune, un pauvre locataire paie autant et même
plus qu’un riche propriétaire, et que les villes sont surchargées, tandis que
les communes rurales ne paient rien. Je connais, par exemple, dans
l’arrondissement de Philippeville, un village, celui de Cerfontaine,
où autrefois la contribution personnelle et mobilière et les portes et fenêtres
s’élevaient à plus de 1,400 francs qui, aujourd’hui, ne supporte pas 300 francs
d’impôt personnel. Cela vient de ce que, dans le système néerlandais,
l’ancienne cote personnelle est supprimée, et le contribuable, dont le loyer ne
va pas à 20 florins, affranchi de l’impôt.
C’est donc la population laborieuse et industrielle
des villes qu’atteint principalement l’impôt personnel, et pour comprendre à
quel point elle en est surchargée, il suffit d’observer qu’il s’élève à 8,211,526 francs c’est-à-dire aux 4/9 du montant de la
contribution foncière. Cependant, une imposition manquant de bases raisonnables
n’est tolérable qu’autant qu’elle est modérée. On a dit : Les contribuables
n’élèvent aucune plainte. Non ; ils ont crié longtemps ; aujourd’hui ils se
taisent, parce qu’ils ont vu que leurs doléances étaient inutiles.
Je le sens, messieurs, la fin de 1835 approche,
l’Etat a besoin d’argent à partir du 1er janvier 1836, et d’ici là vous ne
pouvez vous occuper d’une révision ordonnée par le congrès et d’une réforme inutilement
réclamée depuis plus de cinq ans.
Mais il est du moins des mesures partielles que
vous pouvez adopter dès à présent, parce qu’elles n’exigent pas une longue
discussion et sont de nature à être incontinent exécutées, sans qu’il en
résulte le moindre inconvénient.
Dès le mois de novembre 1830, je proposai au
congrès le rétablissement du droit de 2 p. c. sur toutes les ventes mobilières,
droit dont la loi du 22 frimaire an VII avait ordonné la perception et qu’une
loi de mai
Il y a deux ans, cette proposition fut renouvelée
ici par mes honorables amis MM. Gendebien et de Robaulx, et adoptée, du moins
en partie, par la chambre. Mais ils en avaient fait l’objet d’une loi spéciale
et non d’une disposition de la loi sur les voies et moyens. Le sénat, à une
grande majorité, rejeta le projet.
Ainsi, le droit d’enregistrement sur les ventes
publiques de marchandises, de récoltes sur pied, de coupes de bois, propriété
des riches est demeuré réduit à 50 centimes sur cent francs, tandis que les
guenilles du pauvre, de l’orphelin, mises à l’encan par autorité de justice,
ont continué d’être frappées du droit quadruple de 2 p. c. Ce privilège si
contraire à votre constitution, au bon sens, à la justice distributive, et
qu’avait imaginé le roi Guillaume dans son propre intérêt, ce privilège, je le
dis à notre honte, a duré trop longtemps. Abolissez-le enfin, messieurs, en
remettant en vigueur, quant aux ventes mobilières et par un article de votre
loi sur les voies et moyens, la disposition de la loi du 22 frimaire an VII,
abrogée par la loi de mai 1824. En même temps que vous ferez un acte de
justice, vous augmenterez les revenus de l’Etat.
Il est un autre abus non moins scandaleux et que
vous devez, également faire cesser. Je veux parler du pro justitia
ou du pro deo, institution des temps barbares, renouvelée par le gouvernement
néerlandais en faveur des plaideurs pour les exempter du paiement des droits
d’enregistrement de timbre et de greffe. Il ne faut pas croire qu’elle ait été
avantageuse aux pauvres ni qu’ils en eussent besoin ; car lorsque leur cause
est bonne, ils ne manquent jamais d’avocats pour s’en charger et pour faire
l’avance des frais ; elle n’a favorisé que la chicane ; elle a donné naissance
à une foule de prétentions absurdes, de procès ridicules. Mais si presque
toujours les demandeurs out succombé, ces mêmes procès n’en ont pas moins
occasionné des déplacements coûteux et des frais de procédure au défendeur,
toujours obligé de payer les hommes de loi qu’il emploie, sans pouvoir se faire
rembourser par sa partie qui ne possède rien au monde et qui se moque de lui.
Maintenant j’ai quelques mots à dire de la banque.
Je suis l’un de ses agents, et en cette qualité intéressé à sa conservation.
Mais ce n’est pas un motif pour moi d’oublier le mandat en vertu duquel je
siège ici, ni pour vous, messieurs, de rejeter mes raisons, si, d’ailleurs,
elles sont bonnes.
Depuis
quelques années cette société est l’objet de vives et nombreuses attaques. Ses
ennemis l’accusent de sentiments et de penchants orangistes, ou du moins, peu
favorables au nouvel ordre de choses. Ainsi, disent-ils, quand, dès l’origine
de la révolution,
Pour moi, messieurs, je ne vois, je l’avoue, dans
ces prétendus griefs que le résultat nécessaire de la marche incertaine et
timide de votre révolution. En effet, les hommes qui l’ont dirigée et amenée au
point où elle est arrivée, ont-ils osé proclamer et mettre en pratique le même
principe que le droit de conquête dépouille le vaincu et saisit le vainqueur ?
Ont-ils déclaré nationales les propriétés de votre ennemi ? Ont-ils tenté de
repousser par la force des armes ses injustes prétentions ? Non, ils se sont
bornés à séquestrer des châteaux et des meubles, à vendre des vins et des
chevaux. Ils ont voulu la paix ; ils ont accepté et l’armistice et le traité
des 24 articles qu’on leur a envoyé tout fait. Au lieu de solder à coups de
canon une dette annuelle de huit millions quatre cent mille florins, uniquement
fondée sur le bon plaisir de la conférence, ils l’ont reconnue conjointement
avec votre neutralité ; ils ont reconnu que le débet de la société générale,
comme caissière de l’Etat et comme banque de Bruxelles, appartient en partie
aux Hollandais et doit faire l’objet d’une liquidation à l’amiable entre elle
et vous. Après cela, faut-il s’étonner des refus de cette société ? Ne
pouvait-elle pas dire à ceux auxquels elle les opposait : « J’agis dans le
sens de vos pacifiques intentions ; je me conforme aux conditions d’un traité
solennel que vous avez vous-mêmes déclaré renfermer le droit public du
pays » ?
L’arrangement du 8 novembre 1833, entre la banque
d’une part et le gouvernement de l’autre, a été la conséquence de cette
situation. Le gouvernement s’est cru en droit de le conclure, comme il a cru
pouvoir accéder à la convention de Zonhoven ; le discours du trône, à
l’ouverture de la session de 1833 à 1834, le suppose avantageux au pays.
Comment se fait-il qu’aujourd’hui le ministre abandonne ce même arrangement
signé par son prédécesseur, après une longue délibération, m’a-t-on dit, du
conseil des ministres ?
Dans le projet de budget des voies et moyens le
débet de la banque est porté par le ministre des finances pour mémoire ; la
section centrale ne s’explique pas sur cet article ; elle le laisse tel qu’il
est ; mais la 4ème section a été d’avis de l’élever à la somme de 14 millions
306,643 francs, qu’elle suppose être le montant en principal du solde dû par la
banque en sa qualité de caissière de l’Etat ; à quoi on ajouterait encore les
intérêts à partir de 1830. Faut-il, en effet, adopter cette mesure ? Voici mes
raisons de douter :
1° A moins de mettre de côté les protocoles, ce à
quoi je suis pour ma part très disposé, le débet de la banque ne peut
appartenir en totalité à
2° En supposant exact le chiffre du solde, le
porter au budget n’est-ce pas annuler la convention du 8 novembre ? En
avons-nous le droit ?
3° Mais si ce chiffre figure au budget des voies et
moyens, en serons-nous plus riches ? La banque, en dernière analyse, nous
devra-t-elle un sol de plus ?
4° Dans cette même hypothèse, les 14 millions et
les intérêts seront-ils dépensés ? Mais alors vous n’avez pas besoin, pour couvrir
vos dépenses, de toutes les autres recettes. Il faut nécessairement supprimer
une partie des impôts. Les contribuables ne demandent pas mieux.
5° Les 14 millions et les intérêts sont-ils au
contraire, et supposé qu’ils vous appartiennent en totalité, destinés à
demeurer en réserve afin d’être plus tard affectés à l’acquit d’une partie des
intérêts de votre dette envers
6° Enfin veut-on nous
mettre en situation de créer une moins grande quantité de bons du trésor et de
payer moins d’intérêts ? Mais dans ce cas vous allez perdre d’un côté ce que
vous gagnerez de l’autre ; car, lorsque vous aurez fait rentrer dans vos
caisses les effets de la dette publique dont la banque est dépositaire, et que
vous les aurez mis en circulation, vous devrez en payer les intérêts, au lieu
que maintenant les intérêts restent au trésor par la remise gratuite des
coupons que la banque vous fait à chaque échéance.
Messieurs faites payer la
banque jusqu’au dernier sol, j’y consens, car je suis de bonne composition.
Mais, pour être conséquents avec vous-mêmes, déclarez, il en est temps encore,
que vous n’obéirez ni aux 18 ni aux 24 articles. Pour moi, en votant avec vous
dans ce sens, je ne dévierai pas de mes principes et ne serai pas déterminé par
des considérations d’intérêt personnel.
M.
Duvivier. - Je ne répondrai pas en ce moment au reproche que m’a
adressé comme ancien ministre des finances l’honorable M. Doignon. Je crois que
mes observations trouveront mieux leur place dans la discussion de l’article
relatif à la banque.
M. Lebeau. - Tout à
l’heure un honorable préopinant, en parlant de la négociation intervenue entre
le gouvernement et la banque, a paru penser que l’ancien ministre des finances
était seule partie dans ce contrat. Il est très vrai que M. le ministre des
finances à cette époque a signe seul. Mais cette convention est l’œuvre de
l’ancien ministère tout entier. Nous en assumons tous la responsabilité. En
conséquence je prie nos honorables collègues de vouloir bien dorénavant nous
comprendre dans les attaques dirigées contre l’honorable M. Duvivier.
M. Pollénus. - M.
le ministre des finances a déclaré au commencement de la séance qu’il ferait
dépendre son adhésion au projet de la section centrale qui renvoie à des lois séparées
trois articles du budget des voies et moyens, de la tournure que prendrait la
discussion générale.
J’aurais désiré que M. le
rapporteur de la section centrale donnât des explications qui auraient pu
déterminer l’opinion de M. le ministre des finances. Il conviendrait donc que
M. le rapporteur voulût bien prendre la parole et déterminer ainsi la
conviction de M. le ministre, cela simplifierait singulièrement la discussion.
Si l’on improvise des changements à des lois
laborieusement discutées il y a quelques années, sans que l’on ait appelé sur
ces modifications les lumières de l’industrie, bien certainement je ne pourrai
y donner mon vote. En général je consentirai difficilement à admettre des
modifications de cette nature, parce qu’il me semble qu’un budget doit être
uniquement une loi de chiffres.
Je crois que ceci est
d’autant plus désirable que si la discussion est engagée sur le terrain où veut
la porter M. le ministre, elle entraînera de longs débats. Je demande donc que
M. le rapporteur soit entendu, afin que M. le ministre des finances puisse nous
dire s’il se raille ou non au projet de la section centrale.
M. Jadot, rapporteur.
- L’honorable M. Pollénus m’a laissé peu de chose à dire. Nous avons pensé dans
la section centrale que la discussion des modifications demandées par M. le
ministre entraînerait des longueurs. Peu de membres de cette assemblée sont
disposés à entamer cette discussion. Je pense donc qu’il serait convenable que
M. le ministre des finances adoptât l’ajournement proposé.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je demande la parole pour répondre
spécialement aux observations de l’honorable rapporteur de la section centrale,
qui portent sur les modifications à introduire dans quelques-unes des lois
financières.
Messieurs, si vous voulez ouvrir les budgets des
voies et moyens des années antérieures, vous y trouverez des modifications
analogues à celles que nous proposons aux lois financières préexistantes.
Ainsi, en présentant des modifications à nos lois financières, dans le budget
de 1836, nous ne sommes pas entrés dans une voie nouvelle, nous n’avons fait
que suivre celle tracée dans les budgets précédents.
Si on avait examiné à fond les modifications
proposées dans la loi des voies et moyens, on aurait pu facilement se mettre
d’accord pour leur adoption. Ces modifications sont très simples et peuvent
très convenablement être votées actuellement, quoi qu’on en dise.
En effet, quelles sont ces modifications ? A
l’article 2, il s’agit de modifier une des bases de la contribution personnelle
qui a été l’objet de vives réclamations et de contestations entre les
contribuables et l’impôt sur les chevaux. La question de savoir si dans
certains cas tel cheval devait être considéré comme cheval de luxe ou cheval
mixte, a soulevé fréquemment des difficultés, qu’il importe de faire cesser.
Cet article me paraît n’avoir qu’une petite portée,
car il est très facile de prendre un parti sur une simple interprétation de
l’article de la loi sur l’impôt personnel qui concerne les chevaux.
Pour ce qui concerne les distilleries, l’article
que j’ai proposé a été commandé par les vives réclamations qui ont souvent
retenti dans les chambres contre la modicité du droit d’accises établi sur les
eaux-de-vie indigènes.
Les modifications que nous proposons sur ce point
sont de deux natures ; nous proposons d’abord d’augmenter le droit et ensuite
d’imposer tous les vaisseaux servant à la distillation.
L’augmentation de droit ne rencontre pas
d’opposition, et je pense que la section centrale elle-même propose de
l’admettre. Je ne me trouve donc en désaccord avec elle qu’en ce qui concerne
l’imposition de tous les vaisseaux quelconques servant à la distillation. La
courte expérience qu’on a faite de la loi sur les distilleries a démontré que
la fraude se faisait à peu près exclusivement au moyen des vaisseaux
actuellement exemptés du droit ; il a été reconnu par l’administration que le
vice de la loi de juillet 1832 consistait principalement dans l’exception
établie en faveur de certains vaisseaux non destinés à la fermentation des
matières.
Si avec un droit minime la fraude trouve déjà
avantage à s’exercer au moyen de l’exception établie pour les vaisseaux non
imposés comme ne devant pas servir à la macération, ni à la fermentation des
matières, elle trouvera un nouvel appât dans l’augmentation de droit. Une
modification ne peut donc convenablement être adoptée sans l’autre, et il y
aurait de l’imprudence à augmenter le droit sans imposer tous les vaisseaux qui
servent à la distillation.
Presque tous les procès-verbaux dressés pour
contravention à la loi sur les distilleries, résultent de l’exception dont je
viens de parler. Ainsi c’est bien là que réellement se trouve le vice.
L’imposition de tous les vaisseaux servant à la
distillation a nécessité une disposition particulière pour les petites
distilleries qui ne travaillent pas avec des appareils perfectionnés. La note
que j’ai déposée sur le bureau, et qui est imprimée à la suite de la loi,
justifie la réduction de 10 p. c., que je propose en
faveur des petites distilleries ; elle fait connaître que les vaisseaux non
imposés des distilleries qui travaillent avec des appareils perfectionnés, sont
proportionnellement plus petits que ceux des distilleries agricoles. Si on
imposait également dans l’une et l’autre usine les vaisseaux qui ne sont pas
censés servir à la fermentation des matières, ces vaisseaux étant relativement
plus grands dans les petites usines, celles-ci seraient proportionnellement
plus imposées.
Une autre considération qui résulte des
renseignements obtenus par le gouvernement, c’est que les grandes distilleries
ont encore trouvé moyen de travailler avec plus d’avantage que les petites,
sous la législation actuelle. Sous ce rapport, le but de la loi n’a pas été
rempli.
On avait eu en vue de disséminer les distilleries
sur tous les points du pays, afin que les engrais qu’elles produisent se
disséminant aussi, la culture y trouvât partout un moyen de s’améliorer. Mais
de grandes distilleries se sont soutenues à peu prés exclusivement dans
quelques endroits ; elles fournissent des engrais plus qu’il est nécessaire
d’en employer dans les localités où elles se trouvent, tandis que les petites
distilleries qu’il serait désirable de voir disséminées çà et là, ne peuvent
travailler que pendant une très petite partie de l’année, ou doivent même
cesser tout à fait de travailler, ne pouvant soutenir la concurrence.
Les motifs des modifications proposées me
paraissent justifiées par ces simples explications, jointes à celles renfermées
dans la note que je viens de rappeler.
Voici l’avantage qu’il y a à introduire des
modifications aux lois financières, par le budget des voies et moyens, lorsque
ces modifications sont urgentes, c’est que l’on est certain de les obtenir en
temps utile, dans un délai déterminé, tandis que si nous présentons des projets
de loi spéciaux, comme ces projets ne sont pas aussi importants que les
nombreuses lois dont la chambre est déjà saisie, on ne peut pas prévoir
l’époque de leur adoption.
Les retards qui se succèdent portent préjudice à la
rentrée des impositions auxquelles les propositions se rapportent, parce qu’il
se crée des intérêts dans l’intervalle qui a eu lieu entre la présentation et
l’adoption de la proposition. Le trésor éprouve ainsi de nouvelles pertes par
les projets publiés qui sont destinés à rester longtemps dans les cartons de la
chambre.
Il en sera ainsi pour les distilleries, si vous
décidez que la proposition qui nous occupe est l’objet d’une loi spéciale ; les
distillateurs vont travailler avec une activité extraordinaire dans l’attente
d’un changement ; prévoyant une augmentation de droit, ils produiront des
quantités considérables de genièvre, pour échapper à la surcharge.
On dira, je sais, que l’administration pourra se
rendre dans les magasins des distillateurs, constater la quantité existante
d’eau-de-vie et les frapper de la différence de l’augmentation de droit.
Je répondrai que ces recensements sont presque
toujours l’écueil des lois d’accises ; car ils sont entourés d’une multitude de
fraudes et d’abus.
En adoptant dès maintenant ma proposition, le
recensement ne serait pas nécessaire, parce que les quantités qu’on pourrait
produire d’ici à la promulgation de la loi ne seraient pas tellement
considérables, qu’elles puissent avoir une influence sensible sur le chiffre de
l’impôt.
Voila des motifs qui me font penser qu’il y a
urgence à adopter, dès à présent la mesure que je propose sur les distilleries.
A l’égard de l’article 4 du projet qui concerne une
exemption en matière de timbre et d’enregistrement, la section centrale a
trouvé la disposition si simple qu’elle a proposé d’en faire une loi spéciale
qu’elle a elle-même formulée, afin de la faire voter de suite ; je pense
qu’elle aurait pu tout aussi bien laisser introduire cette exception dans la
loi des voies et moyens.
Je regrette toutefois que la section centrale n’ait
pas formulé en loi les deux autres articles dont elle demande l’ajournement ;
ces deux articles dont on semble vouloir ajourner la discussion sont beaucoup
plus importantes pour le trésor public, que l’autre
qui n’est qu’une réduction des droits d’enregistrement et de timbre.
Quoi qu’il en soit,
je déclare qu’avant de me rallier à l’ajournement qu’on propose, je désirerais
entendre les objections qu’on oppose, quant au fond, à l’admission des
dispositions présentées. L’objection ne peut pas consister à l’égard de la
forme, puisque dans les budgets précédents nous avions inséré des dispositions
analogues à celles dont il s’agit en ce moment. C’est donc sur le fond même des
modifications que doivent porter les arguments de ceux qui s’opposent à leur
adoption.
M. Jadot, rapporteur.
- Je ne conteste pas les vices de la loi sur les distilleries, mais si M. le
ministre veut consulter les procès-verbaux des sections, il verra qu’elles
n’ont pas approfondi la question et qu’elles se sont bornées à dire que les
modifications à apporter à la loi sur les distilleries devaient faire l’objet
d’une loi spéciale. Il était impossible à la section centrale, qui n’est que
l’organe des diverses sections, de faire autre chose que de rapporter l’opinion
émise par ces sections.
M. A. Rodenbach.
- Messieurs, je ne pensais pas prendre la parole dans la discussion générale,
mais puisque M. le ministre des finances a parlé de la loi relative aux
distilleries, je demanderai la permission de dire aussi quelques mots sur le
nième sujet. Comme j’ai plusieurs fois entretenu la chambre de la question des
distilleries, je tâcherai d’être fort court ; mais j’aurai sur d’autres points
des questions à adresser à M. le ministre, et si la chambre veut fermer la
discussion générale, j’attendrai pour les faire la discussion des articles.
Je dirai d’abord que le vœu général en Belgique et
dans la chambre est d’augmenter le droit sur le genièvre. Je partage cette
opinion parce que les alcools sont extrêmement bon marché dans notre pays.
Cependant il ne faut pas outrer ce système, car sans cela
Je vous prie, messieurs, de remarquer que depuis la
loi de 1832, les distilleries qu’on avait établies sur nos frontières
n’existent plus ; vous avez pu voir que les distillateurs de Schiedam s’étaient
plaints de ce que la loi belge avait été fatale aux distilleries hollandaises. Ceci
doit entrer en considération dans les nouvelles dispositions que nous voulons
adopter concernant les distilleries.
Si l’amendement que propose M. le ministre frappait
d’un droit égal tous les distillateurs, comme cela devrait être aux termes de
la constitution, je concevrais qu’on le plaçât dans le budget des voies et
moyens. Mais cet amendement détruit toute l’économie de la loi, et établit deux
inégalités choquantes. Je suppose qu’un distillateur, au milieu de l’année, ait
vendu les trois quarts de son bétail et n’ait plus besoin de tant distiller ;
il devra payer pour toutes ses cuves, puisqu’il ne les emploie pas, parce qu’il
ne saurait que faire de son résidu, mais alors le droit de 33 centimes par
hectolitre dont vous frappez toutes ses cuves s’élèvera pour lui en réalité à
60 et 70 centimes par hectolitre. Quand les magasins du distillateur seront
remplis, et qu’il voudra diminuer sa fabrication, la même chose arrivera.
La section centrale a été frappée de la portée de
cet amendement, et elle a eu raison de ne pas vouloir introduire dans le budget
des voies et moyens une disposition qui détruit tout le principe d’une loi
spéciale.
Il ne faut pas comme cela d’un trait de plume
détruire une loi qui, après tout, a été avantageuse au trésor, car il y a eu
une augmentation de produit de 500 mille francs.
Le droit existant sous le précédent gouvernement
était beaucoup plus fort, il rapportait de trois à quatre millions ; s’il avait
été intégralement payé, il aurait rapporté au moins 16 millions, de sorte que
c’est 12 millions dont profitait la fraude. C’est ce qui arrive toutes les fois
qu’on élève trop un droit : on encourage la contrebande, ce trafic immoral
qu’on ne peut trop flétrir.
Messieurs, l’honorable M. Félix de Mérode a exprimé
le regret qu’on eût aboli le droit de l’abattage et même l’impôt monture, car
il aurait voulu qu’on continuât à payer 50 p. c. de l’impôt mouture, et tout
cela pour enrichir le trésor public. Toujours augmenter les impôts est sans
doute chose très commode pour administrer, mais il faut aussi consulter le
contribuable. Si on a fait une révolution, était-ce pour continuer à payer tant
de millions ? Sans doute les intérêts moraux ont été pour beaucoup dans la
révolution ; mais les intérêts matériels ont été aussi pour quelque chose ; et
je ne pense pas que si on avait cru
payer après la révolution autant de millions que sous le gouvernement de
Guillaume, la révolution eût été accueillie comme elle l’a été par les sept
huitièmes de
Je demanderai s’il n’y aurait pas moyen de mettre
quelque léger droit sur le café. Maintenant, on en consomme en Belgique environ
16 millions de kilogrammes, ce qui fait une moyenne de
Je sais qu’on va dire que le café est une boisson
du peuple et que ce serait vouloir le grever encore que d’imposer davantage le
café. Messieurs, le peuple, quand il boit du café, il le prend très faible et
il y met de la chicorée, tandis que le riche le prend plus pur et plus fort ;
ainsi cet impôt frappera plus le riche que le pauvre.
Je ferai observer que le sel qui est plus
particulièrement consommé par le pauvre est considérablement imposé. C’est une
contribution exorbitante que celle-là et qu’on devrait diminuer. On devrait
augmenter le droit sur le café et diminuer celui sur le sel.
Je sais qu’on me dira que si on élève le droit sur
le café, il sera facile de le frauder sur une frontière de plus de 50 lieues
d’étendue. Mais il y a d’autres objets de commerce interlope. Pour moi je suis
persuadé qu’un droit sur le café serait facilement perçu.
En France, messieurs, le café paie un droit de 50
francs par kil., quand il arrive par navires français, et il paie un droit
double quand il est importé par navires étrangers ou par terre. En Angleterre,
le droit est de 125 francs par kil., et le commerce de
cette denrée n’est pas anéanti pour cela, parce qu’il y a en Angleterre comme
en Belgique des entrepôts libres. En Prusse, le droit est environ d’un louis
par
Voici encore un moyen de trouver de l’argent. Vous
savez qu’il existe une loi qui impose le vinaigre de bière. C’est encore le
peuple qui consomme ce vinaigre, tandis que les vinaigres artificiels que
consomment les riches ne sont pas imposés. Les vinaigres de cidre qu’on
consomme dans le midi de
Je crois qu’il y aurait
encore une amélioration à faire pour cette branche. Maintenant le port d’armes
est de 50 fr. ; en France, par la loi de 1818, on l’a réduit à 15 fr. En
diminuant cet impôt, on augmenterait le revenu du fisc : il n’y a que les gens
riches qui puissent payer 30 fr ; la classe bourgeoise ne peut se déterminer à
payer une aussi forte somme, tandis qu’elle consentirait volontiers à payer 15
fr.
Il est encore un moyen d’accroître les revenus.
Pourquoi ne pas accélérer la construction du chemin de fer et ne pas travailler
à l’embranchement de Gand à Ostende ? De nombreux voyageurs en profiteraient.
Qui empêche d’employer à d’aussi utiles travaux ? Le budget de la guerre à lui
seul absorbe la moitié de nos ressources ; pourquoi laisser nos soldats l’arme
au bras ?
M.
F. de Mérode. - Je demande la parole pour un fait personnel.
M. Rodenbach m’attribue des paroles que je n’ai
point prononcées. Je n’ai pas regretté les impôts de mouture et d’abattage tels
qu’ils étaient perçus sous l’ancien gouvernement ; j’ai dit qu’on devait
réduire de moitié le montant de ces impôts et en adoucir beaucoup la perception
dans les formes. Le trésor en aurait tiré un revenu moindre mais deux ou trois
millions sont une valeur appréciable. Je prie aussi de remarquer que rien n’en
serait venu dans ma poche et que je n’ai parlé que dans l’intérêt du trésor
public.
Je n’ai pas demandé non plus qu’on rétablît de
quelque manière la mouture et l’abattage, et il serait certainement bien difficile
de les créer de nouveau ; en un mot, qu’ai-je dit ? Qu’il fallait des revenus
considérables afin de pouvoir créer des moyens de richesse. Je ne veux pas que
l’on bâtisse des châteaux, mais que l’on construise des routes, des canaux,
travaux productifs.
J’ai soutenu, j’en conviens, une thèse désagréable
; mais je ne crois pas être là pour acquérir une vaine popularité aux dépens
mêmes du peuple, et quand je soutiendrai une opinion dans l’intérêt nationale,
je m’exprimerai toujours franchement quoi qu’on en puisse dire, car je ne me
laisserai jamais guider que par les impulsions de ma conscience.
M. Desmet. -
Messieurs, comme la discussion générale continue, je ne parlerai pas dans ce
moment ; je me réserve de parler quand on en sera arrivé à l’article qui
concerne les distilleries et de répondre à l’honorable M. d’Huart, et de lui
démontrer que sa note explicative qu’il a fait distribuer aux membres de la
chambre est loin d’être exacte.
Je dois cependant demander à l’honorable M. d’Huart
si le droit tel qu’il propose est de 30 centimes en y comprenant le décime
additionnel, ou s’il est de 33 centimes, comme nous devons le soupçonner si
nous confrontons le projet avec le tableau annexé, dans lequel on voit qu’outre
le principal on y ajoute encore 10 centimes additionnels.
Je dois aussi engager l’honorable ministre des
finances de daigner nous procurer comme renseignement quelle sera
l’augmentation du droit en imposant, comme il le propose, les capacités de tous
les vaisseaux distillatoires. On devra pouvoir faite ce calcul approximatif
dans le bureau du fisc, où on doit connaître la proportion des appareils
distillatoires avec les cuves de macération déclarées. Il serait assez curieux
de voir ce calcul ; alors on pourrait se convaincre combien est extraordinaire
le projet de M. d’Huart.
Avant de terminer, je dois
cependant montrer tout mon étonnement que l’honorable M. d’Huart a tant
d’attention pour les habitants de quelques provinces et qu’il n’accorde pas la
même à ses concitoyens du Luxembourg ; il veut faire augmenter le droit sur la
distillation des eaux-de-vie de grains, afin de tâcher de diminuer la
consommation du genièvre et ne plus rencontrer autant d’ivrognerie, et il ne
veut en rien augmenter les droits sur la distillation des fruits : on sait que
dans le Luxembourg on ne distille que des fruits et que cette distillation est
libre de tout droit ; l’honorable membre devrait cependant étendre sa charité
jusqu’aux habitants de sa propre province.
M. Legrelle. -
Quelle est la motion d’ordre qui vient d’être faite ?
M. le président. -
L’honorable membre demande que l’on mette préalablement aux voix le principe de
savoir s’il convient d’introduire des changements à une loi générale par un
article du budget des voies et moyens.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je demande la parole pour un rappel au
règlement.
Nous nous occupons
maintenant de la discussion générale, cependant on veut discuter d’une manière
spéciale l’art. 3. Il faut d’abord que la discussion générale continue sur tous
les points, et c’est quand on arrivera à l’article concernant les distilleries
que l’on examinera la question que quelques orateurs ont agitée. On parle des
dangers qu’il y aurait à modifier la loi ; mais on devrait signaler ces dangers
; on devrait prouver que la liste que j’ai jointe au budget relate des faits
erronés. On prétend que par les modifications que je propose, on change
l’économie de la loi : on changera son principe ; mais loin de changer le
principe de cette loi, je n’ai voulu que le rendre plus pur. Ce sont les
vaisseaux qui servent de base à l’application de l’impôt. On a excepté de la
règle générale certains vaisseaux, au moyen desquels on fraude aujourd’hui. Eh
bien, en laissant le principe entier, la fraude cessera, puisque tous les
vaisseaux seront soumis à l’accise. Au reste, quand nous en serons à l’art. 3,
la chambre décidera s’il y a lieu de porter une loi spéciale pour modifier la
législation qui concerne la fabrication des spiritueux.
M.
Jadot, rapporteur. - Il est impossible que la chambre s’occupe de la
note que cite M. le ministre des finances, car on ne s’en est pas occupé dans
les sections.
M. le président. -
On ne peut s’occuper maintenant que de l’ensemble de la loi sur les voies et
moyens.
M. Jadot, rapporteur.
- Je reconnais cela ; mais ce n’est pas moi qui ai amené la discussion sur ce
terrain.
Le ministre a voulu justifier sa note ; j’ai dû
faire remarquer à la chambre que cette note n’avait été l’objet d’aucun examen
dans les sections, parce que généralement on a pensé que pour modifier la loi
sur les distilleries, il fallait une loi spéciale.
M. Pollénus. - Je
crois que je n’encourrai pas le reproche de sortir de l’objet de la discussion
générale, puisque je me bornerai à suivre le ministre des finances dans les observations
qu’il a présentées, en répondant au rapporteur de la section centrale. Si je
prends la parole, c’est principalement pour ce qui concerne les distilleries.
La chambre voudra bien se rappeler que les
distilleries forment une des branches d’industrie les plus importantes de la
province qui m’a honoré de son mandat.
Le ministre des finances a dit qu’il préférait
apporter un changement à la loi générale sur les distilleries par un article du
budget que par une loi spéciale, parce que, a-t-il dit, ces changements sont
plus faciles par ce moyen. Je pense que la chambre doit préférer, non les
propositions qui passent plus facilement, mais les propositions qui sont les
plus mûries.
Mais, dit le ministre, signalez donc les dangers
qu’il y aurait à introduire des changements ; messieurs, n’y a-t-il pas
toujours des dangers à agir avec précipitation, à bouleverser l’économie d’une
loi qui a été péniblement élaborée ? N’y a-t-il pas toujours danger à changer
sans information préalable ? Rappelez-vous combien d’observations ont été
faites et au congrès, et dans cette chambre, sur les distilleries, et vous
verrez si une loi sur cette matière est si facile.
Je ne suis pas dans le cas de préciser actuellement
tous les dangers qui pourraient résulter des mesures proposées par le ministre
; cependant je puis dire, d’après l’avis d’hommes versés dans cette matière,
que la loi serait détruite en imposant les vaisseaux distillatoires qui,
jusqu’ici, n’ont pas été imposés.
Le ministre prétend qu’il n’y a pas de danger et
qu’il y a urgence à modifier la loi. Mais qu’invoque-t-il pour justifier cette
assertion ? Des procès-verbaux ; sont-ce-là des documents suffisants ? Qu’il
nous fournisse la statistique des jugements, alors nous connaîtrons seulement
les cas de fraude. Dans toutes les questions où des industries plus ou moins
importantes sont intéressées, vous prenez les avis des industriels, des
chambres de commerce ; pourquoi ne feriez-vous pas de même, quand il s’agit des
distilleries ? Il est toujours dangereux de toucher à une loi, sans information
préalable. C’est d’abord au ministre à nous prouver l’opportunité des
changements qu’il propose ; c’est à lui à prouver que les changements qu’il
veut introduire ne paralyseront pas l’économie de la loi.
Ce serait voter en aveugle que de voter des
changements sans information ; voilà pour les distilleries.
Quant à la partie de la loi de finance, relative
aux changements sur le personnel, le ministre nous a dit qu’il considérait sa
proposition comme utile, en tant qu’elle présentait une interprétation de la
loi existante.
Il est vrai que les avis
sont partagés sur ce point de la législation. Pour ma part, je crois que les
chevaux mixtes ne doivent être soumis qu’à la contribution qui frappe les
chevaux de cette catégorie ; d’autres sont d’un avis contraire ; mais qu’y
a-t-il à faire dans cette circonstance ? laisser agir les tribunaux.
Je vois que récemment les tribunaux ont repoussé
l’opinion que soutient le ministre ; mais laissez intervenir la cour de
cassation, avant d’avoir recours à une loi interprétative. Dans l’état des
choses, il n’y a pas lieu à faire une semblable loi.
Je me résume. D’après les avis des industriels, et
ces avis nous ont été officiellement transmis par des pétitions qu’on a
adressées quelques jours après la présentation du projet de loi sur les voies
et moyens, tout changement porterait préjudice aux distillateurs.
Quant à la question relative à la quotité du droit,
je crois que l’on peut sans inconvénient l’augmenter ; la morale publique est
peut-être intéressée à cette mesure, et je crois que ce que propose le
ministre, ne dépasse pas les mesures raisonnables. Quant à tout autre
disposition qui frapperait le système de la loi sur les distilleries, je ne
puis être de son avis.
M. Donny. - Je
désirais soumettre à la chambre quelques observations sur les distilleries.
Mais puisqu’elle a décidé que l’on réservait ce point pour l’art. 3, je
renoncerai à la parole. Si cependant la chambre veut m’écouter pendant quelques
minutes, j’exposerai mon opinion, j’ai peu de chose à dire. (Parlez ! parlez !)
Je partage l’avis de la section centrale sur
l’inopportunité qu’il y aurait d’insérer, dans la loi des voies et moyens, des
dispositions semblables à celles que le ministre propose pour les distilleries.
Je crois qu’elles changent en réalité l’économie de la loi actuellement en
vigueur, et de plus, je vois qu’elles augmentent les droits beaucoup plus qu’on
ne le croirait au premier abord.
Il y a, en effet, deux augmentations au lieu d’une
dans la proposition du ministre ; d’abord une augmentation d’environ un tiers,
qui porte le droit de 22 à 30 centimes ; ensuite une autre augmentation,
résultant de ce que le droit de 30 centimes frapperait sur tous les vaisseaux
distillatoires, tandis qu’à présent il ne frappe que sur les cuves de
macération.
Je suis disposé a croire que, par sa proposition,
le ministre porte ces droits au double de ce qu ils sont actuellement, et c’est
la une augmentation que je ne suis pas du tout préparé à voter. Les
augmentations sont un appât à la fraude, et c’est ce qu’on a surtout voulu
éviter par la loi sur les distilleries.
J’ai reçu une pétition concernant les dispositions
proposées pour les distilleries ; elle m’a été remise trop tard pour que j’aie
pu la déposer aujourd’hui sur le bureau ; mais elle n’est pas longue, et si la
chambre le permet, je vais la lire. Voici comment elle est conçue :
« Lors de la présentation du budget des voies
et moyens pour l’exercice
« En effet, messieurs, de
trop fortes quantités de genièvre en magasin ou plusieurs autres motifs nous
obligent fréquemment à diminuer nos travaux ; nous réduisons alors le nombre de
nos cuves à fermentation, sans pour cela cesser de faire usage de tous nos
appareils distillatoires ; ces appareils ne sont employés qu’une partie de la
journée ; souvent même ils ne le sont pas journellement ; le droit n’en sera
pas moins dû comme s’ils étaient constamment en activité.
« Pour surcroît, les alambics spécialement
affectés à rectifier ou distiller qui n’étaient pas imposés, même sous la
désastreuse législation hollandaise, seront taxés.
« Voilà, messieurs, les dispositions fiscales
du gouvernement : elles dénaturent le système d’une loi libérale que les
chambres ont accordée à
« Nous confiant à la sollicitude des
représentants de la nation, nous osons espérer qu’ils auront égard à la justice
de nos réclamations. »
Cette pétition porte la signature de la dame veuve
Serruys, propriétaire d’une des principales distilleries de
M. Demonceau. -
Messieurs, c’est pour dire ce qui s’est passé dans la section centrale que j’ai
pris la parole.
Les délibérations de la section centrale ont établi
ce principe : que généralement il ne convenait pas de déroger à une loi par le
budget. Ensuite elle s’est dit : Il s’agit de changer deux lois différentes ;
le temps ne nous permet guère d’examiner avec attention les modifications dont
elles sont susceptibles ; et alors nous ne pouvons pas nous occuper de
pareilles questions.
Voilà les motifs qui ont engagé la section centrale
à admettre le principe, auparavant admis dans tontes les sections, à savoir :
qu’il ne faut pas faire des changements aux lois par des articles de budget.
Quant à ce qui concerne les modifications à
apporter au personnel, on les a examinées avec attention ; on a trouvé un
changement total de jurisprudence dans la proposition du gouvernement, qui
institue les conseils provinciaux juges de questions qui sont soumises
maintenant aux tribunaux, d’après la loi de 1822 ; et l’on s’est dit que les
tribunaux devaient rester juges en ces matières.
Un autre motif était déterminant dans le parti qu’a
pris la section centrale : dans la position où sont les conseils provinciaux,
peut-on les considérer comme étant capables de rendre justice ?
Vous voyez quelles sont les
considérations puissantes qui ont déterminé la section centrale. Si vous lisez
attentivement le rapport qu’elle vous a présenté, vous verrez, relativement à
l’art. 2, que l’on voulait une exemption pour un cheval dans telle profession,
que l’autre voulait une exemption pour telle autre profession...
D’autres enfin ont dit que l’administration
pourrait porter la solution de cette question devant les tribunaux, qui
examineraient la loi sérieusement et abstraction faite des instructions données
par le gouvernement hollandais à ses employés, et qu’il pourrait se faire que
les tribunaux jugeassent que les chevaux dont les médecins ont besoin pour
l’exercice de leur profession, dans les villes et dans les campagnes, ne
devaient pas payer un droit de 20 fl. lorsque ce droit n’est pas payé pour des
chevaux que l’on voit tantôt attelés à de riches équipages dans les rues de
Bruxelles, tantôt, mais plus rarement, traînant un chariot de marchandises,
attendu que ces chevaux sont considérés comme chevaux mixtes.
Voilà les motifs qui ont été admis par la section
centrale.
M. Desmet. -
Messieurs, je n’ai pas demandé la parole pour prendre part à la discussion
générale, je ne l’ai demandée que pour parler sur l’espèce de question
préalable que l’honorable rapporteur de la section centrale a présentée, afin
de remettre à un projet spécial les changements que l’honorable M. d’Huart
voudrait nous faire porter à la loi sur les distilleries, et l’engager à se
rallier à l’opinion de la section centrale qui a conclu à l’ajournement de
cette importante question et à la rayer du projet général des voies et moyens.
Je n’entrerai donc pas dans le fond et je me
bornerai à conjurer l’honorable M. d’Huart de retirer du projet de loi les
dispositions qui concernent la loi sur les distilleries ; il raccourcira
beaucoup la discussion sur les voies et moyens et ne mettra pas la chambre dans
le péril d’adopter des dispositions qui seraient destructives de l’industrie de
la distillation des grains et porteraient un grand tort à notre agriculture, en
servant extraordinairement les industries hollandaises et faisant augmenter la
consommation de nos genièvres dans notre pays. Si l’honorable M. d’Huart veut
nous forcer à discuter dans ce moment son projet de changement à la loi sur les
distilleries, c’est peu délicat de sa part, tandis qu’il sait bien que la
section centrale, après avoir eu une communication avec lui, n’a pas délibéré
sur son projet, dans l’attente qu’elle était que l’honorable membre se serait
rallié à sa proposition d’ajourner la discussion de son nouveau système ;
peut-être que l’honorable auteur des changements proposés dans le projet de loi
sur les voies et moyens voudrait faire réussir ce qu’il a dit, d’après ce qu’on
m’a rapporté, qu’il n’y avait qu’un seul moyen de faire passer en chambre son
projet, c’était de l’intercaler dans une loi générale.
C’est d’autant plus étrange
que l’honorable M. d’Huart soit si obstiné à ne pas remettre la discussion de
son projet de changement à une loi spéciale, que dans la discussion sur le
bétail l’honorable membre a soutenu par quatre ou cinq fois qu’on ne pouvait
modifier par quelque disposition particulière l’économie d’une loi générale ;
c’est ce qu’il a répondu à nos honorables collègues, MM. Pollénus et Demonceau,
qui proposaient de diminuer les peines infamantes contenues dans la loi
générale sur la douane dont vous connaissiez l’origine et tout le luxe fiscal.
Je pense donc que l’honorable M. d’Huart, pour être conséquent avec lui-même,
devrait faire ce qu’il a proposé il y a quelques jours, de ne pas modifier une
loi de principe dans une loi générale sur les voies et moyens.
Je sais bien que l’honorable M. d’Huart voudra
répondre que son projet ne modifie pas l’économie de la loi ; mais quand on en
discutera l’objet, il sera facile de lui démontrer qu’au contraire il y porte
un changement marquant et tel que les distillateurs seront forcés de changer
tous leurs appareils et arrêter les progrès qu’ils ont faits depuis l’existence
de la loi actuelle. Cependant c’est bien désagréable pour une industrie et
ruineux pour les industriels que d’improviser ainsi tous les ans des
changements et surprendre des industriels qui ont fait tout récemment de
grandes dépenses pour élever des appareils distillatoires.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je demande la parole pour répondre à l’espèce
d’interpellation qui m’est adressée. On me demande comment j’entends le droit
de 30 centimes ; si je l’entends avec, ou sans, les centimes additionnels. Je
réponds que j’entends la perception de cet impôt conformément à la loi,
c’est-à-dire, avec les 20 centimes additionnels qui ont été maintenus par
exception sur les distilleries, lors du retrait des 10 centimes de subvention
de guerre sur les autres contributions. C’est ainsi que je le comprends, et je
ne puis pas l’entendre autrement.
Maintenant on me fait une question à laquelle il
est impossible de répondre. On voudrait savoir exactement quelle sera
l’augmentation de droits, à raison de l’imposition de tous les vaisseaux. L’on
ne saurait prévoir quelle sera cette augmentation, parce que si l’on adopte
l’imposition de tous les vaisseaux, la marche des distilleries changera
vraisemblablement ; ceux qui employaient deux alambics ou plusieurs colonnes
distillatoires (ce qui leur était indifférent, puisqu’ils ne payaient pas
davantage pour cela) et qui travailleraient seulement 2 ou 3 heures par jour à
la distillation, n’emploieront plus à l’avenir qu’un alambic et travailleront
toute la journée.
Puisque j’ai la parole, je répondrai en deux mots à
la pétition dont on a donné lecture ; il y est dit : « De temps en temps
on suspend les travaux, et après la suspension des travaux, on n’emploie que
pendant quelques heures les colonnes distillatoires ou les alambics ; en les
frappant les uns et les autres de l’impôt, on va être injuste. » Quant à
la suspension des travaux, il n’y a aucun préjudice, puisque pendant la
suspension des travaux on ne sera pas passible du droit, puisque l’on ne paiera
plus qu’en raison du temps de travail comme actuellement. Maintenant, quant aux
alambics ou aux colonnes distillatoires, au lieu de les employer pendant deux
heures de la journée, on réglera la distillation de telle sorte que l’on puisse
les employer pendant toute la journée ; et cela sera facile, car l’on pourra
faire fermenter les matières dans les alambics comme dans les autres vaisseaux.
M. A. Rodenbach.
- Mais c’est impossible !
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - C’est déjà ce qui se fait aujourd’hui, et
c’est de là que naissent toutes les contraventions.
M. Pollénus prétend que rien ne justifie la mesure
proposée ; mais qu’il veuille au moins examiner les renseignements fournis par
le gouvernement ; la note jointe au budget explique suffisamment l’utilité et
l’urgence de l’art. 3, dont nous demandons l’adoption. Qu’on prouve que cette
disposition n’est pas utile, qu’elle n’est pas urgente, alors je me rallierai à
la proposition de la section centrale. Jusqu’à ce qu’on ait fourni ces preuves,
je maintiens la proposition du gouvernement.
Et que dit-on
d’ailleurs pour s’opposer à son adoption ? que
quelques membres dans les sections et dans la section centrale ne l’ont pas
examinée. Mais s’ils ne l’ont pas examinée, ils ont eu tort ; ils auraient dû
se livrer à son examen. Car suffit-il du défaut d’examen de la part d’une
section, pour ajourner un projet de loi présenté par un membre ou par le
gouvernement ?
Non, cela ne peut pas être ; il faut, pour
justifier une demande d’ajournement, prouver que la disposition proposée n’est
pas justifiée ou bien que l’on n’y trouve ni utilité, ni urgence. Mais on ne
peut pas ajourner une disposition parce que quelques membres n’ont pas voulu
prendre la peine de l’examiner en sections ; il est impossible que la chambre
admette un pareil système.
M. Jadot, rapporteur.
- La section centrale a dû nécessairement consulter l’opinion des sections ; or
il a été reconnu dans presque toutes les sections qu’à une fin d’année, où nous
avons tant d’objets à discuter, alors qu’il nous reste aussi peu de temps, il était
impossible de s’occuper de la disposition proposée. La section centrale s’est
donc opposée à cette disposition, mais sans nier les principes et les raisons
que M. le ministre des finances a fait valoir ; elle a en outre été d’avis,
ainsi que les sections, de renvoyer les articles 2 et 3 à la loi spéciale sur
les distilleries.
M. Dumortier. -
Un principe fondamental à mes yeux, en matière de budgets, c’est qu’il faut que
le budget des dépenses soit balancé avec celui des recettes, c’est qu’il faut
nécessairement éviter les déficits. Cette idée a également été énoncée par un
honorable ministre d’Etat, qui a parlé au commencement de la séance. Je pense
comme lui qu’il est fort fâcheux que nous ayons par des moyens quelconques dérogé
à cette règle fondamentale en matière de finances. Je le pense d’autant plus
que nous savons que le découvert du trésor s’élève non en écritures, mais en
réalité, c’est-à-dire en émission de bons du trésor, à une somme de plus de 30
millions.
Il est déplorable que nous suivions depuis tant
d’années une marche si perverse en finances, et que chaque année, l’un portant
l’autre, nos dépenses, au lieu d’être réduites à un taux modéré, s’élèvent de 6
millions au-delà de nos recettes.
Il y a beaucoup de vérité dans ce qu’a dit
l’honorable député de Nivelles, mais il est facile cependant de combattre son
opinion. Il est parti de ce principe qu’il faut que les dépenses couvrent les
recettes et que les recettes couvrent les dépenses. Mais pour arriver à ce résultat,
deux moyens sont possibles.
Ainsi c’est un moyen, mais qui, selon moi, ne doit
pas être employé, que de revenir à des impôts flétris sous l’ancien
gouvernement, qui ont rendu ce gouvernement odieux et ont puissamment contribue
à sa chute.
Un autre moyen, c’est d’apporter de l’économie dans
les dépenses. Si vous voulez balancer les dépenses et les recettes, vous le
pouvez, en diminuant les dépenses et en augmentant les revenus des impôts
existants.
Ces deux moyens sont bien simples ; la révolution
vous les avait indiqués, la révolution qu’on invoque tant, mais que l’on ne
suit guère ; car sur le drapeau du gouvernement provisoire, à côté des mots :
« liberté, ordre public » était écrit celui de
« économie. » Ce mot a été bien perdu de vue depuis 5 ans, puisque
chaque année nous apporte une augmentation dans les dépenses et la création de
nouveaux déficits.
Quant au moyen de couvrir les dépenses par les
recettes, on peut y arriver par deux systèmes différents : le premier, c’est
d’augmenter les impôts et d’en créer de nouveaux ; le second, c’est de donner
aux impôts existants une direction nouvelle qui leur fasse produire davantage.
Il me semble que ce dernier système est à préférer ; j’indiquerai tout à
l’heure les moyens de le suivre. Quant à créer de nouveaux impôts, songez que
préconiser un pareil mode, c’est bien mal connaître l’opinion du pays et de la
représentation nationale.
Si, au lieu d’avoir chaque année fait des budgets
comme des enfants qui ne calculent pas, comme des enfants prodigues, on avait
réduit les dépenses ; si on n’avait pas voulu faite en cinq années ce qu’on ne
pouvait faire qu’en dix années, nous n’aurions pas un énorme déficit. Mais on a
voulu trop faire et c’est ainsi qu’on est arrivé au point où nous sommes. On a
réduit outre mesure certaines branches de revenus ; ce que l’on n’aurait pas dû
faire. Ainsi, pour la loi des distilleries, n’aurait-on pas dû opposer une
volonté ferme à la demande de ceux qui demandaient une réduction de droits, et
ne devait-on pas maintenir des droits tendant à empêcher des atteintes à la
morale publique, qui deviennent de jour en jour plus fréquentes !
Quant aux dépenses, il eût fallu rester dans les
limites du budget adopté par le congrès, et de celui voté par la première
législature. Je me trompe ; déjà la première législature avait été trop loin ;
elle avait trop augmenté les dépenses. Eh bien, que faisons-nous ? nous augmentons sans cesse, et sans nécessité les dépenses.
Quel besoin avions-nous, par exemple, d’augmenter chaque année le chiffre des
états-majors de l’armée ? c’est là une ruine pour le
pays. Si nous avions continué de marcher dans la ligne tracée par un honorable
général, dont
On comprend ce luxe d’état-major dans les pays où
il existe par suite du grand nombre des armées, mais ici il était facile de
rester dans le système d’économie qu’avait adopté l’illustre général Desprez.
Il fallait éviter ces entreprises qui coûtent
énormément au pays et qui, si l’on n’y prend garde, augmenteront
considérablement nos dépenses. J’en citerai deux exemples, lorsque nous
viendrons au budget de la guerre. J’entends que l’on demande à quoi je fais
allusion. Je fais allusion notamment à l’entreprise des lits de fer qui coûtera
chaque année un demi-million ou un million de dépenses.
Voilà des économies que l’on pouvait faire ; ce qui
vaudrait mieux assurément que de rétablir des impôts tels que ceux de la
mouture et de l’abattage.
Il était donc inutile de parler dans cette enceinte
de pareils impôts. Si je me suis trouvé d’accord, avec l’honorable préopinant
auquel je réponds, sur les prémisses de son discours, je ne puis partager sa
manière de voir, en ce qui concerne ces impôts odieux dont il nous a en quelque
sorte présenté le retour en perspective.
Maintenant j’appuierai de tous mes moyens la
proposition du gouvernement tendant à augmenter les droits sur les distilleries
: chacun de nous doit sentir que c’est indispensable. Pour mon compte je
déclare que dans la ville que j’habite la consommation des spiritueux est plus
que triplée depuis la réduction des droits.
Qu’est-ce qu’un droit qui repose sur l’immoralité
du peuple ? Comment, dans un moment où les pays les plus avancés dans la
civilisation prennent des mesures pour réprimer l’ivresse ; alors qu’aux
Etats-Unis l’esprit d’association est dirigé vers ce but, et qu’il se forme des
sociétés de tempérance, nous au contraire nous exciterons à l’ivresse le peuple
qui n’y incline que trop, en réduisant l’impôt sur les spiritueux ! Il est un
fait incontestable, c’est que depuis l’abaissement du droit sur les spiritueux,
le nombre des crimes contre les personnes s’est singulièrement accru dans les
provinces où il existe des distilleries ; et il n’y a pas de jour ou les
journaux de ces provinces ne nous apprennent quelqu’assassinat ou quelque
tentative d’assassinat. Est-ce au peuple qu’il faut s’en prendre de ces crimes
? Non, messieurs, c’est à nous qui votons les lois d’impôt d’où résulte ce
déplorable état de choses.
Dans la ville que j’habite, je tiens de personnes
chargées de soigner les pauvres, que l’ivresse est un vice très commun dans le
peuple ; et vous savez tous les maux qu’il traîne à sa suite.
J’appuie donc la proposition du gouvernement ; car
je la considère comme bienfaisante pour l’humanité, favorable à la morale et
utile au trésor.
Qu’on ne vienne pas nous proposer d’écarter cette
proposition par une fin de non-recevoir. Cela nous siérait bien peu à nous qui,
depuis 4 ans, insérons dans les budgets des clauses définitives. Soyons
conséquents : si nous avons inséré des clauses définitives dans le budget, nous
ne devons pas trouver mauvais que le gouvernement agisse de même ; nous devons
donner notre assentiment à sa proposition, car elle tend à améliorer la
civilisation du pays. Au reste, quand viendra la discussion de cet article, je
me réserve de parler ultérieurement.
Quant aux autres moyens d’augmenter les recettes,
il en est plusieurs qui s’offrent à nos regards. D’abord je désire que l’on
porte les yeux sur la question des eaux-de-vie exotiques. Il est incontestable
que la réduction de ces droits me manquerait pas d’en augmenter le produit ;
car dans l’état actuel le trésor ne reçoit de ce chef rien ou très peu de chose
; toutes les eaux-de-vie étrangères s’introduisent dans le pays en fraude ;
c’est ce qui résulte à l’évidence de la comparaison des états de la douane
belge avec les états de la douane française concernant la sortie des spiritueux
par la frontière belge ; il faudrait donc aviser à enlever ce revenu aux
fraudeurs ; c’est la fraude qu’il faut combattre ; et c’est ce que vous feriez
avec succès pour le trésor en réduisant les droits sur cet objet.
Je sais qu’il est un argument que l’on ne manquera
pas de faire valoir. On dira que des droits élevés ont été établis pour
déterminer
Je pense que l’on pourrait aussi adopter la
proposition de MM. Gendebien et Seron, tendant à augmenter les revenus du
trésor public sur les ventes de fruits pendant par racines ; c’est un moyen
d’augmenter les revenus sans établir de nouveaux impôts, et cela vaut mieux que
de ressusciter des impôts qui n’existent plus.
Les moyens que je viens d’indiquer méritent, je
crois, de fixer l’attention du gouvernement ; et ils contribueront à diminuer
le déficit existant que les réductions d’impôt que l’on pourrait voter dans
l’intérêt de telle ou telle localité.
Mais si l’on porte les yeux au-delà du présent,
quel avenir financier avons-nous ? Un avenir effrayant, si nous n’entrons pas
une bonne fois dans la voie des économies, si nous ne cherchons pas à réduire
nos dépenses.
J’ai lu aujourd’hui un journal nouveau-né (l’Observateur) qui nous présente le
traité des 24 articles comme une planche de salut. Mais le journaliste a-t-il bien
songé à ce que c’est que le traité des 24 articles ? Comme je craindrais que
cet article de journal ait fait quelque impression dans le pays et dans la
chambre, je dirai quelques mots relativement à notre situation financière et
politique.
Si le traité des 24 articles venait à recevoir son
exécution, que serait l’avenir de
En outre, si le traité des 24 articles venait à
être exécuté,
Maintenant, messieurs, vous rappellerai-je les
arriérés de la dette ? S’il était question de payer ces arriérés, dont il
existe déjà 100 millions, vous devriez faire un emprunt pour le paiement de ces
100 millions, et en admettant que vous puissiez négocier cet emprunt au pair
(ce qui n’est pas probable), voila encore 6 millions à ajouter à votre surcroît
de dépenses, de manière que si le traité des 24 articles venait à s’exécuter,
vous auriez une dépense de 30 millions par an en plus dans vos dépenses. Voilà
le traité que l’on préconise comme parfait.
Sur quoi établirez-vous les réductions qu’il faudra
opérer pour payer ces 30 millions ? ce ne sera pas sur
le budget de la justice. L’on demande tous les jours de créer de nouvelles
sections dans beaucoup de tribunaux. Ce ne sera pas sur le budget des affaires
étrangères. La paix définitive une fois obtenue, nous aurons de nouvelles
relations diplomatiques à ouvrir. Ce ne sera pas sur le budget de la marine.
L’on ne peut rien y réduire et nous aurons quelque chose à y ajouter. Car
l’intérêt du pays exige que la marine marchande soit protégée, soit par la
création d’une marine militaire, soit par un abonnement avec une puissance
étrangère.
Ce ne sera pas sur le budget des finances. Quand
vous voudrez percevoir de forts impôts, loin de réduire le personnel, il faudra
l’augmenter. Quand les impôts ont atteint une certaine élévation, il faut
déployer des moyens extraordinaires pour les percevoir. Ce ne sera pas sur le
budget de l’intérieur ; car à moins de supprimer l’allocation destinée à
encourager l’agriculture, les sciences et les arts, je ne vois rien à y
réduire.
Reste donc le budget de la guerre. Pensez-vous que
l’on puisse prélever sur ce budget une somme de 30 millions ? Mais il ne
resterait plus rien. Vous voyez donc que nous arriverons en définitive à devoir
augmenter de plusieurs millions l’impôt actuel.
Tandis que l’avenir financier de
Par suite de la bonne administration qu’un de nos
compatriotes a introduite dans les colonies hollandaises, celles-ci rapportent
une somme de 12 millions à la mère-patrie. Une partie de cette somme est absorbée
par l’emprunt contracté concurremment avec
Mais, messieurs, ce traité n’en est pas un pour
nous. Il ne peut être exécuté. Un traité seul nous lie, c’est la convention du
21 mai. Voilà le droit actuel de
D’ailleurs, dans la convention du 21 mai, il est
stipulé qu’il doit intervenir entre
J’ai dû dire ces paroles à cause des révélations
qu’a faites il y a quelque temps un journal anglais organe du parti tory, et
qui passe généralement pour être bien informé. C’est du Times que je parle.
Permettez-moi, messieurs, de vous lire un extrait
d’un article inséré dans ce journal, au mois d’octobre dernier, à propos du
discours du roi Guillaume.
« Le discours du roi Guillaume paraît n’avoir
pas été bien compris... Le passage dont on s’alarme offre au contraire le
premier fait d’une reconnaissance officielle de
« Léopold, de son côté, doit avoir proposé au
congrès qu’on fixât une période de 2 ans durant laquelle les deux partis
s’engageraient mutuellement à s’abstenir de toute mesure d’hostilité, que la
question financière fût d’abord résolue entre les deux pays, et,
« Cette proposition a été accueillie favorablement,
et l’on pense maintenant que, malgré la résistance du roi Léopold, l’affaire
prendra cette tournure. »
Ces révélations, messieurs, sont infiniment graves.
J’invite M. le ministre des affaires étrangères à s’expliquer catégoriquement à
cet égard.
Je dénie au gouvernement le pouvoir de prendre de
pareilles mesures. Je le lui dénie de la manière la plus formelle. Il a épuisé
son mandat. Il ne peut négocier sans un mandat nouveau, C’est ce qu’a fort bien
reconnu l’honorable M. Lebeau sous l’ancien ministère.
Aucun acte, depuis 1833, n’a changé notre situation
politique, a dit M. de Muelenaere. Si vous entendez par des actes des faits
consommés, nous le savons parfaitement bien. Nul de nous n’ignore qu’aucun fait
consommé nouveau n’est survenu depuis cette époque. C’était sur la conduite du
gouvernement dans les affaires politiques qu’un honorable membre avait
interpellé le ministère. Le discours de M. le ministre des affaires étrangères,
fait avec beaucoup de franchise, ne nous a absolument rien appris. (Hilarité.)
Pour mon compte je déclare
formellement que jamais, à quelque condition que ce soit, je ne consentirai à
ce que nous puissions perdre nos frères du Limbourg et du Luxembourg.
M. Seron. - A la
bonne heure.
M.
Dumortier, reprenant. - Nous avons pu dans un moment de douleur
consentir à des conditions humiliantes. Mais les jours de douleur sont passés.
Nous avons une armée forte et courageuse : nous sommes en mesure de résister à
toute agression étrangère. Il faut que le gouvernement sache que jamais
M. le ministre des
affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je ne pense pas qu’il entre
dans les habitudes ni dans les intentions de la chambre d’établir une
discussion sur un article de journal. Je m’empresserai cependant de déclarer
que les faits qui se trouvent consignés dans le journal cité par le préopinant,
au sujet de
M. Gendebien. -
Mon intention n’est pas de prolonger la discussion générale, quelque intérêt
que présente la loi de finances que nous sommes appelés à voter.
Je ne puis cependant me dispenser de protester de
nouveau, comme je l’ai fait tous les ans, contre le système financier suivi par
le gouvernement. Je vous rappellerai, messieurs, que le congrès pénétré de tous
les vices du système financier hollandais, qui n’a pas été une des moindres causes
de la révolution, a proclamé comme disposition constitutionnelle la nécessité
de réviser la loi d’impôt. Voici comment est rédigé l’article 139 de la
constitution :
« Le congrès national déclare qu’il est
nécessaire de pourvoir par des lois séparées, et dans le plus court délai
possible, aux objets suivants :
« 1° La presse.
« 2° L’organisation du jury.
« 3° Les finances,
« 4° Etc. »
Ainsi, les finances étaient placées en troisième ligne
parmi les objets au nombre de onze indiqués comme devant attirer
nécessairement, et dans le plus bref délai possible, l’attention de la
législature.
Depuis lors, conséquent avec tous les principes de
la révolution, j’ai constamment demandé qu’on s’occupât des changements à
apporter dans le système de l’impôt. Jusqu’ici, rien n’a été fait ; cependant,
je ne suis pas le seul qui ait réclamé à cet égard, un très grand nombre de
membres ont fait entendre les mêmes réclamations que moi.
N’est-il pas évident que l’impôt personnel et
mobilier, par exemple, qui a été repoussé par 53 députés belges comme mauvais,
n’est-il pas évident, dis-je, que cet impôt est aujourd’hui mauvais comme il
était alors ? Pourquoi laisser subsister un impôt dont les bases sont reconnues
mauvaises ; pourquoi laisser subsister des impôts aussi mal répartis qui
frappent tous les objets de première nécessité ?
Comme le disait très bien, dès 1832, l’honorable
abbé de Foere, que je regrette de ne pas voir ici, et comme il l’a dit plusieurs
fois depuis, y a-t-il rien d’injuste comme notre système d’impôts ? Une
famille, vous a-t-il dit, qui a 300,000 francs de rente, paie-t-elle 600 fois
l’impôt personnel que paie une famille qui n’a que 500 francs de rentes ? Une
famille qui a 300 mille francs de rentes consomme-t-elle 600 fois plus de sel,
de café, de sucre, de bière, de genièvre qu’une famille plus nombreuse qui n’a
que 500 francs de rentes ? Un négociant en position de gagner 500,000 francs
par an, paie -t-il 600 fois la patente d’un malheureux qui gagne 500 francs et
dont le travail suffit à peine pour le faire vivre ? Il en est, à peu près, de
même de tous les impôts, et vous les avez maintenus tous, et quoi qu’on en
dise, avec les mêmes mesures fiscales. Vous êtes condamnes tous les ans à faire
votre confession générale, et par écrit, de votre prospérité ou de vos
malheurs, pour établir voire contingent contributif.
L’impôt des chevaux de luxe et mixtes a été l’objet
d’un redoublement de vexations que le ministre actuel, je dois le reconnaître a
eu le bon sens d’arrêter, parce que le zèle indiscrètement stimulé des agents
subalternes avait fini par amener un conflit général. Depuis le ministre
Coghen, Charles de Brouckere et Duvivier jusqu’à M. d’Huart, tous ont reconnu
que le système de l’impôt était détestable et qu’il serait intolérable s’il
n’était provisoire, mais qu’il n’était que provisoire et qu’on s’occuperait de
le réviser. Presque tous les membres de cette assemblée ont proclamé cette
vérité. Eh bien, quoique les employés des finances soient largement rétribués,
pas une pensée d’amélioration et d’allégement de ces contributions si mal
réparties n’a été émise par eux.
Messieurs, je n’entends pas diminuer les impôts
outre mesure ; je ne prétends pas que le gouvernement puisse marcher sans
impôts. Si on reconnaît que les dépenses proposées sont indispensables, il faut
allouer les fonds pour y faire face ; mais au moins, après cinq ans de
promesses constitutionnelles, d’engagements constitutionnels, la nation a bien
le droit d’espérer des améliorations dans la répartition de l’impôt. Et cela
pourrait se faire sans diminuer les revenus. Pas exemple l’impôt sur le sel ;
je suis intimement convaincu, et quand je dis que je suis intimement convaincu,
c’est que j’ai des raisons de science en raison d’anciennes relations, je suis
convaincu que si vous diminuiez le droit au tiers ou au quart, que vous
n’accordiez plus d’exemption à personne sous aucun prétexte, ni de restitution
de droit à la sortie, cet impôt rapporterait autant qu’aujourd’hui ; la
consommation triplerait, quadruplerait, et il n’y aurait plus de fraude, parce
qu’il n’y aurait plus d’intérêt à frauder ; il n’y aurait plus de surveillance
ni de tracasseries ; tout se réglerait à la frontière. Quand un impôt est en si
grande disproportion avec la valeur intrinsèque de l’objet imposé, il est
impossible qu’il n’y ait pas fraude.
Mais en diminuant le droit et en supprimant les
exemptions, et en ne faisant plus de restitution de droit à la sortie, il n’y
aura plus de fraude, car ce sont principalement ces exemptions et restitutions
de droit qui donnent occasion à la fraude.
Au moins, si le pauvre consomme autant de sel que
le riche, et il est reconnu qu’il en consomme davantage, la disproportion de
l’impôt ne sera plus aussi grande si vous diminuez l’impôt.
On a parlé souvent de la nécessité d’encourager
l’agriculture, mais ne sait-on pas que l’impôt sur le sel pèse plus sur
l’agriculteur que sur tout autre, comme je le disais dans la discussion sur le
bétail. Car le cultivateur n’use pas seulement de sel pour lui et sa famille,
mais aussi pour ses bestiaux.
On a parlé d’autres impôts encore, mais j’y
reviendrai quand on en sera à la discussion des articles ; cependant je dois
vous dire quelques mots sur les soieries dont vous a déjà entretenus M. Dumortier. Le droit sur les
soieries est trop élevé, aussi on les fait entrer en fraude moyennant 5 p. c.
de prime. Je sais que des négociants qui font de grandes affaires en soieries
en Belgique ont dit qu’ils prendraient volontiers l’engagement de payer 6 p. c.
de droit, un pour cent de plus que la prime demandée par la fraude, par la
raison qu’ils ne courraient pas les risques de recevoir leurs marchandises plus
ou moins avariées ou chiffonnées. Qui profite de cet entêtement à ne pas
baisser les droits ? c’est la fraude. Au lieu de
recevoir un droit modéré de 6 p. c., vous n’avez rien,
parce que je pose en fait qu’on fraude les 99 p. c. des soieries qui se
consomment en Belgique : vous perdez non seulement le droit sur ce qui se
consomme en Belgique, mais vous entravez le commerce, qui ferait passer bien
des soieries de Belgique chez nos voisins.
Ce que je dis des soieries est applicable à presque
tous les objets soumis aux droits malencontreux de notre détestable système de
douanes.
Maintenant on vous dit : Prenez garde de toucher au
tarif, car nous sommes en négociations avec
Je n’entrerai pas dans la discussion sur les
distilleries parce que je n’y entends guère, et je pourrais même dire que je
n’y entends rien. J’ai cela de commun avec beaucoup d’autres qui en raisonnent.
Cependant, quand on a discuté cette loi, j’ai été convaincu et j’ai prédit que
les dispositions destinées à favoriser l’agriculture auraient un effet tout
contraire.
On est obligé de convenir aujourd’hui que les
petites distilleries ont souffert au lieu d’être favorisées par la dernière loi
; cependant mes paroles ont été accueillies alors avec la même faveur qu’hier
quand je défendais des droits aussi clairs au sujet de la péréquation
cadastrale. Quoi qu’il en soit, je dois le dire : je pense qu’il serait
imprudent de toucher à la loi sur les distilleries par un amendement au budget
; d’abord cela serait contraire aux bonnes règles en matière de finances. Le
budget ne doit être que l’application des lois générales de finances c’est
en-dehors du budget qu’on doit trouver toutes les lois qui règlent les matières
imposables.
Ensuite, je crois qu’il y aurait danger à toucher à
la loi sur les distilleries, sans s’être bien rendu compte des résultats que
devront avoir les modifications qu’on veut y introduire ; car
Je ne sais si je me trompe, mais je crois avoir lu
il y a huit ou dix jours, dans un journal, qu’on avait aboli en Hollande les
impôts existants sur la fabrication de tous les spiritueux. Il est possible que
je sois dans l’erreur ; le ministre des finances qui, par position et par
devoir, doit être au courant de tout cela, pourra vous dire ce qui en est.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Ce n’est qu’une pétition.
M. Gendebien. -
Il serait très important de savoir, disais-je, quels seraient les résultats des
modifications qu’on propose à la loi de 1832, et la possibilité de l’abolition
du droit analogue en Hollande doit être prise en sérieuse considération.
Je crois qu’il est indispensable de faire le plus
tôt possible à cette loi les changements nécessaires pour arriver au but qu’on
s’est proposé en la faisant, c’est-à-dire pour favoriser les petites
distilleries. Car la morale souffre trop du système adopté en faveur des
distilleries pour ne pas chercher quelque compensation en faveur de
l’agriculture.
Ne serait-il pas possible, par exemple, en
maintenant l’impôt au taux où il est, taux qui est déjà trop élevé, dans l’intérêt
du trésor, puisqu’il offre un appât à la fraude ; si vous l’augmentez, il lui
offrira le un appât plus grand ; ne serait-il pas possible, dis-je, tout en
laissant le droit au taux où il est, de mettre un impôt sur la consommation du
genièvre, d’imposer une forte patente à ceux qui le débitent, on même de
changer l’assiette de l’impôt ? Ne serait-il pas possible, par exemple,
d’établir pour les distillateurs des patentes de six mois et des patentes d’une
année ? Le distillateur agricole ne devrait prendre qu’une patente de six mois,
et la patente d’une année serait pour les distillateurs en grand. On pourrait
ainsi établir cet impôt sur de nouvelles bases que je n’indiquerai pas, parce
que je n’ai pas de notions sur la matière. On pourrait peut-être établir la
patente en raison du nombre de cuves qui servent à la distillation et faire
payer une forte patente à tous les débitants.
Si d’un côté il y a utilité à maintenir et à ne pas
élever le droit existant sur les distilleries, il y a d’un autre côté une
question bien autrement importante pour le pays, c’est celle de la morale
publique. Comme nous disait tout à l’heure un honorable membre, il n’y a pas de
jour qu’on ne voie consignés dans les journaux des assassinats, des meurtres,
des coups de couteau, des rixes qui affligent plus particulièrement les
localités où l’on fabrique et où on consomme le plus de genièvre.
Ce n’est pas en punissant ce genre de crimes que
vous les ferez cesser, c’est en tarissant la source, c’est en prenant des
mesures pour diminuer l’abus des liqueurs fortes dans les cabarets. Une patente
assez forte imposée aux débitants de spiritueux serait un moyen d’arriver à ce
but.
M. le ministre doit avoir des statistiques et
savoir quelle augmentation d’impôt résulterait de l’établissement de cette
patente, qui ne changerait rien aux avantages que les distillateurs peuvent
tirer des exportations qui seraient même favorisées par cette mesure.
La consommation intérieure serait seule diminuée. Si
cette patente ne diminuait pas tous les genres de consommation, elle
diminuerait du moins celle qui se fait dans les lieux publics, et c’est dans
ces circonstances que l’excès des liqueurs a les conséquences les plus
funestes, donne naissance à des rixes, à des meurtres. Qu’on puisse aller
chercher du genièvre chez le distillateur à meilleur marché, pour le boire chez
soi, l’inconvénient est très grave sans doute, mais il sera beaucoup moins
grave. Il pourrait, il est vrai, en résulter de grands inconvénients pour la
paix des ménages, mais il n’y aurait plus à craindre de meurtres dans les
cabarets et d’assassinats sur les grands chemins.
Je sais que la matière est délicate ; qu’il est
difficile de faire une bonne loi sur les distilleries ; le ministre est dans
une position fâcheuse ; d’un côté il se croit obligé de satisfaire des
provinces qui se montrent très exigeantes depuis quelque temps. (Bruit, interruption.) Je prends
l’engagement de le prouver à l’instant même aux interrupteurs.
Des voix. - Nous vous
répondrons.
M. Gendebien. -
Et moi, je répliquerai.
Je reprends. Il faut que le ministre satisfasse des
provinces qui se montrent très exigeantes depuis quelque temps. (Nouvelle interruption.) Oui, très
exigeantes ! Et puisque vous m’y provoquez, je vais le prouver : Vous
parlerai-je de la loi sur les cotons par laquelle vous vouliez une prohibition
? l’estampille et les visites domiciliaires avec tout
le cortége odieux des anciens droits réunis ? Vous parlerai-je de la loi sur
les lins... (Bruit.) Sur les lins
dont vous vouliez prohiber la sortie au détriment de nos provinces ? Vous
parlerai-je de la loi sur les distilleries, faite dans l’intérêt de vos
provinces ! (Exclamations !) Vous
parlerai-je de la loi sur le bétail, qui nous a occupés si longtemps... (Autres exclamations) qui nous a occupés
pendant quatorze séances, quoiqu’elle ne soit que d’un intérêt secondaire pour
vous et sans intérêt pour nous.
Vous parlerai-je enfin de la péréquation
cadastrale, toute dans votre intérêt ainsi que la loi sur le bétail ? (Bruit.) Vous avez discuté cette dernière
pendant quinze jours, et lors de la discussion de la péréquation cadastrale
vous ne vouliez pas nous entendre (nouvelles
exclamations), ou au moins vous ne cessiez d’interrompre les orateurs qui
ne parlaient pas dans le sens de vos exigences. Je maintiens ce que j’ai dit et
je me réserve de répliquer si on y répond.
Revenons au budget.
Messieurs, je n’indiquerai pas comme impôt à
reproduire celui de la mouture et de l’abattage, que M. de Mérode semble
regretter ou qu’au moins il désire voir rétabli.
Indépendamment de l’horreur que l’on éprouve dans
ce pays pour ces deux impôts, ils seraient sans équité puisqu’ils seraient sans
égalité proportionnelle, et de plus, ils seraient impolitiques, puisqu’ils
frapperaient la classe ouvrière, et par conséquent la main-d’œuvre dans un pays
essentiellement industriel, dans un pays qui serait le plus prospère de
l’Europe si on savait encourager son industrie par le laisser faire pris dans son
acception la plus générale ; dans un pays qui dépasserait tous ceux qui
l’environnent si on donnait aux industriels les encouragements sages et bien
calculés qu’ils doivent avoir. Et à cet égard qu’il me soit permis de dire un
mot.
Dans je ne sais quels intérêts, bien mal entendus
sans doute, on nous parle toujours de prohibitions ; eh bien, je vais citer un
fait.
Nos forgeries, alors qu’elles étaient encouragées
de toutes les manières, et alors qu’elles réclamaient sans cesse de nouveaux
encouragements, c’est-à-dire de nouvelles prohibitions, n’ont pas fait un pas
en plusieurs siècles. Toute l’habileté des propriétaires d’usines consistait à
s’entendre pour acheter le bois à bas prix, et pour obtenir le monopole
exclusif sur les marchés intérieurs et extérieurs. Vient une modification dans
les procédés de cette exploitation ; arrivent les hauts-fourneaux du coak, qui
détruisent le monopole. Aussitôt les capitaux se jettent dans les forgeries,
jusque-là dédaignées ; et voilà que tout à coup on conçoit les plus riches
espérances. C’est à ce point qu’aujourd’hui on a la conviction que si le
gouvernement voulait, par de bonnes communications, mettre le minerai en
rapport avec les hauts fourneaux, dans deux on trois ans nous irions fournir du
fer à Londres même.
M. A. Rodenbach.
- Les fers anglais sont protégés par un droit de 40 p. c.
M. Gendebien. -
Cela ne change rien à ma démonstration. Vous voyez que ce n’est pas le monopole
qui a fait avancer cette industrie ; et si aujourd’hui elle a besoin de
protection encore, c’est parce qu’il n’y a aucune communication dans ce pays ;
c’est parce que dans le Hainaut, qui depuis 20 ans a fourni 600 mille francs
pour les canaux et pour les routes des autres provinces, il n’y a pas de moyens
de communication entre les minières et les usines ; c’est parce que dans ce
pays, pendant huit mois de l’année, il faut six chevaux pour traîner la moitié
ou le quart du poids que transporterait un seul cheval sur un bon chemin. Voilà
pourquoi les minières ne peuvent être exploitées avec tous les avantages qui ne
manqueront pas de résulter de bonnes communications. Vous avez décrété un
chemin de fer d’Ostende à Gand, mais si on appliquait le quart de cette dépense
à l’établissement de communications convenables entre les minières et les
forges du Hainaut, en peu de temps on obtiendrait une réduction de 20 à 30 pour
cent sur le prix de revient du fer de fonte.
Je l’ai toujours dit, dans un pays comme le nôtre
toute l’attention du gouvernement doit se porter sur les moyens de
communication les plus faciles et les plus nombreux. Dans un pays comme le
nôtre il ne faudrait payer aucun impôt sur les grandes routes, ni sur les
canaux. Tout le monde en profiterait, l’industrie, le commerce, l’agriculture
elle-même ; car partout où on a fait des routes, les bruyères sont devenues des
terres labourables de troisième et même de seconde classe, et les autres
industries ont augmenté de valeur dans la même proportion.
Je finirai par une observation générale qui n’a pas
de rapport avec le budget, mais que je crois utile : au commencement de la
révolution, lorsque nous avons réorganisé l’administration des finances, tous
les employés de cette administration ont été maintenus à une infiniment petite
exception près, attendu qu’on ne les a pas considérés comme des hommes
politiques ; je regrette que sous un gouvernement représentatif on dévie de ce
principe, et que l’on veuille, bon gré malgré, faire des hommes politiques des
employés qui dépendent de ce ministère ; je regrette qu’on les distrait de
leurs occupations pour les engager dans des démarches relativement aux
élections.
Cette observation n’est pas sans gravit, car on
comprend qu’il pourra en être de même pour les élections des conseils provinciaux,
pour les conseils communaux.
Il est certain, messieurs, qu’il est dangereux pour
le gouvernement comme pour les employés d’introduire et de pratiquer de telles
manouevres et d’en faire des doctrines gouvernementales.
Vous savez, qu’en général les employés des finances
sont, à tort sans doute, rarement bien vus des populations ; si à cette espèce
d’odieux, plus ou moins mal fondé, vous joignez l’esprit de parti que suscitent
souvent les luttes électorales, il en résultera un sujet de haine de plus ; et
dans un moment d’effervescence les administrations auxquelles les hommes sont
attachés pourraient être désorganisées, ou au moins troublées dans leur
exercice. Il en résulterait enfin un malheur pour le pays, pour
l’administration des finances et pour les employés surtout.
Je n’en dirai pas davantage, j’espère que je serai
compris.
Je déclare qu’il n’y a rien de personnel, de ma
part, dans l’observation que je fais ; bien que j’aie été l’objet d’une
excitation à un zèle outré lors des dernières élections. Je pardonne de bon
cœur à tous ceux qui ont cherché à me nuire et j’espère qu’à l’avenir on leur
épargnera de semblables démarches : car lorsque mon mandat sera expiré, j’en
aurai assez comme cela et je renoncerai très probablement à toute candidature. Mon
observation est générale, non seulement dans l’intérêt du régime électoral,
mais surtout dans l’intérêt du gouvernement et dans l’intérêt de
l’administration des finances.
M. le président. -
On propose de fixer l’ouverture de la séance de demain à 11 heures du matin ? (Oui ! oui !)
- La séance est levée à 5 heures environ.