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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du jeudi 10 septembre 1835
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre, notamment pétition (Lebeau),
avis des chambres de commerce et note diplomatique, relatifs à l’industrie
cotonnière (de Muelenaere, de
Theux, Lebeau, Legrelle, A. Rodenbach, de Theux, Rogier, Eloy de Burdinne, Legrelle)
2)
Vérification des pouvoirs des membres récemment élus (Duvivier
et Bernard Dubus) (élections contestées) (Liedts, Gendebien, Lebeau, Gendebien, Liedts, d’Huart, Dumortier, Gendebien, Legrelle, Gendebien, F. de Mérode)
3) Proposition
de loi relative à l’industrie cotonnière. Politique commerciale du gouvernement
(de Roo, Eloy de Burdinne, de Brouckere, Smits, Zoude, Doignon), mesures de contrôle
douanier, notamment prohibition, estampille et visites domiciliaires (de Brouckere, A. Rodenbach, d’Huart, C. Rodenbach, de Theux, de Brouckere, de Jaegher, Desmaisières, Smits, Pirmez, de Muelenaere, A. Rodenbach,
Dumortier, Rogier, Desmet, Gendebien, Lejeune, d’Huart, Desmet,
A. Rodenbach, de Muelenaere,
Desmaisières, F. de Mérode,
A. Rodenbach, (+renforcement du service de la douane)
d’Huart, Gendebien, Dechamps, de Brouckere, Pirmez, A. Rodenbach, Desmaisières, Coghen, Gendebien, Legrelle, Dumortier, Dechamps, A. Rodenbach, Lardinois, C. Rodenbach, Desmaisières,
Dumortier, Gendebien, Legrelle, Dumortier, Desmaisières, A. Rodenbach,
Verdussen, Coghen, Dumortier, Manilius, Eloy de Burdinne, Dumortier, Desmaisières, Gendebien, F. de Mérode, Desmet, Lebeau, d’Huart, F. de Mérode, de Foere, de Brouckere, A. Rodenbach, Desmaisières, (+renforcement du service de la douane)
d’Huart, Rogier, C. Rodenbach, Dumortier, Lebeau, d’Huart, de Muelenaere, Dumortier)
(Moniteur
belge n°255, du 11 septembre 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse
fait l’appel nominal à midi et demi.
M. Schaetzen
donne lecture du procès-verbal de la séance précédente. La rédaction en est
adoptée.
M. de Renesse
lit l’analyse des pièces envoyées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Les fabricants de draps de Petit-Rechain (Verviers) demandent le rejet de la proposition
relative à l’industrie cotonnière. »
______________
« Des habitants de Calloo
réclament contre les logements militaires ; ils demandent l’élection directe
des bourgmestres et échevins, et demandent encore qu’il soit alloué des secours
à leur commune pour désastres de guerre. »
______________
« La régence
de la ville d’Ath réclame un tribunal de première instance. »
______________
M. le président. -
La pétition relative à l’industrie cotonnière peut rester sur le bureau pour
que l’on puisse en prendre connaissance ; les autres sont renvoyées à la commission
des pétitions.
M. Lebeau. -
Qu’elle soit imprimée au Moniteur
comme on a fait pour les autres.
(Note du
webmaster : suit le texte de cette pétition et de deux autres pétitions, non
repris dans la présente version numérisée.)
________________
M. le président. -
M. le ministre des affaires étrangères a adressé à la chambre l’analyse de la
note qui lui a été remise par l’agent diplomatique de
Plusieurs
membres. - Lisez-la ! lisez-là !
M. de Renesse.
procède à cette lecture.
M. Rogier. - Je
demande qu’on la fasse imprimer.
M.
le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Si la chambre
veut en ordonner l’impression, je demanderai que l’analyse que je présente soit
imprimée séparément, ce qui revient au même.
M. de Brouckere.
- Et pas dans le Moniteur ?
Des
membres. - Non !
- L’impression séparée est ordonnée.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- La chambre a désiré connaître tous les documents parvenus au ministère de
l’intérieur sur la question cotonnière ; alors je n’en avais aucun à vous
communiquer. Depuis, les avis des chambres de commerce me sont parvenus. J’en
ai reçu 15 ; il en reste 2 qui ne sont pas arrivés. Dans ces avis on examine
les questions relatives à la prohibition, à l’estampille... Je les dépose sur
le bureau de la chambre.
Plusieurs membres. - L’impression ! l’impression séparée !
D’autres
membres. - L’impression au Moniteur !
D’autres
membres. - Qu’on nous en fasse une analyse !
M. Lebeau. - On a
imprimé les 16 avis des chambres de commerce qui nous sont parvenus avant
l’ouverture de la discussion ; c’est un précédent de la chambre ; je ne
comprendrais pas pourquoi on placerait les avis récemment reçus, et que le
ministre nous communique aujourd’hui, dans une autre catégorie.
Il est utile d’entourer les deux chambres
législatives de tous les documents propres à éclairer leurs délibérations. Les
documents ne sont pas volumineux. Quant à une analyse, je ne sais qui voudrait
se charger de la faire. Il est trop facile de se livrer à des imputations plus
ou moins spécieuses contre les auteurs des analyses pour qu’on veuille accepter
ce travail.
M. Legrelle. - Les avis des chambres de
commerce que l’on nous a communiqués précédemment, n’avaient trait qu’au projet
présenté par les députés des Flandres, et point au projet de la section
centrale lequel est tout différent du premier. Dans le projet primitif, il ne
s’agissait pas d’estampille, de prohibition, de visites domiciliaires et
d’autres choses qui méritent d’attirer toute l’attention de la chambre.
M. le ministre de l’intérieur a bien fait
d’interroger les chambres de commerce sur toutes ces gentillesses ; leur avis
mérite donc d’être imprimé ; vous avez fait imprimer celui qu’elles ont émis
sur le premier projet ; à bien plus forte raison devez-vous faire imprimer
celui qu’elles adressent maintenant.
M.
A. Rodenbach. - Je ne m’oppose pas à l’impression ; mais je voudrais
que M. le ministre de l’intérieur voulût bien nous faire connaître le résumé de
toutes ces pièces. Sont-elles contraires, par leur majorité, à l’estampille,
aux visites domiciliaires ? Nous discutons maintenant le projet de loi, et ce
qui m’intéresse c’est de connaître les conclusions que prennent les chambres de
commerce dans leurs avis motivés.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Sur les quinze avis qui me sont
parvenus, il n’y en a que quatre qui soient favorables aux mesures proposées
par la section centrale. Les onze autres n’ont pas approuvé ce système.
M. Rogier. -
Quelles soit les villes dont les chambres de commerce sont favorables aux
prohibitions ?
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Ce sont les villes de Gand, St-Nicolas,
Courtray et Ypres.
M. Rogier. - Cela
n’est pas étonnant !
M.
le président. - Veut-on l’impression séparément ou l’impression dans le
Moniteur ?
M. Rogier. - Je
demanderai en outre l’impression d’une pétition adressée par des fabricants de
tulle. Cette industrie occupe beaucoup d’ouvriers. On doit traiter le tarif
relatif aux tulles dans la loi en discussion, La première pétition sur les
tulles a été égarée ; les pétitionnaires ont adressé un double de leur mémoire,
et c’est de ce double que je demande l’impression.
M. Eloy de Burdinne. - L’impression de
toutes les pièces au Moniteur me
paraît suffisante ; je ne vois pas la nécessité d’augmenter les dépenses en les
imprimant séparément.
M. Gendebien. -
Mais l’impression au Moniteur ne se
fait pas gratuitement.
M. Legrelle. -
L’honorable membre qui demande l’impression au Moniteur de tous les documents ne fait pas attention qu’il en coûte
à peu près autant en procédant de cette manière qu’en faisant imprimer
séparément. Je ferai observer que le Moniteur
ne pourrait publier demain les pièces dont nous avons besoin, ou les avis des
chambres du commerce.
M. de Renesse.
- Je dois faire remarquer aussi qu’il sera impossible d’obtenir pour demain
l’impression séparée des documents déposés sur le bureau.
- L’impression séparée des avis des chambres de
commerce est ordonnée.
M. Gendebien. -
Qu’on les envoie immédiatement à l’imprimeur en l’invitant à hâter son travail.
VERIFICATION
DES POUVOIRS DES MEMBRES RECEMMENT ELUS.
M. Liedts, organe de la
commission chargée de l’examen des élections de Soignies, est appelé à
la tribune. - Messieurs, dit-il, votre commission de vérification des pouvoirs
s’est réunie aujourd’hui et a terminé l’examen des procès-verbaux des élections
de Soignies. Vous savez que c’est d’après une décision prise par la chambre que
les électeurs de cette localité ont été convoqués une seconde fois. Ils se sont
divisés en trois sections. Le nombre total des électeurs qui ont pris part à la
dernière opération était de 690. La majorité absolue est par conséquent de 346.
D’après le dépouillement des scrutins, M. Bernard Dubus de Ghysignies,
fils, à Bruxelles, a obtenu dans la première section 184 suffrages, dans la
deuxième 170, dans la troisième 78. En tout, 432 suffrages.
M. Auguste Duvivier, ex-représentant, a obtenu dans
la première section, 187 suffrages, dans la deuxième 178, dans la troisième,
88. En tout, 453 suffrages.
M. Henry Anciaux de Casteau, fils, a obtenu dans la première section, 78 suffrages,
dans la deuxième 37 suffrages, dans la troisième 121 suffrages. En tout, 236
suffrages.
M. Alexandre de Robaulx, ex-représentant, a obtenu
dans la première section 75 suffrages, dans la deuxième 45, dans la troisième
109 suffrages. En tout, 221 suffrages.
Quelques voix ont été données à d’autres personnes
; quelques bulletins n’ont pas été comptés parce qu’ils ne portaient pas de
désignations suffisantes. Quoi qu’il en soit, d’après le résultat général du
scrutin il suit que M. Bernard Dubus de Ghysignies,
fils, et M. Auguste Duvivier, ex-représentant, ayant obtenu des suffrages
au-delà de la majorité absolue, ont été proclamés membres de la chambre des
représentants.
Mais la lecture des pièces relatives à ces
élections a fait connaître à votre commission des irrégularités dans les
procès-verbaux et dans les opérations électorales elles-mêmes.
Une première observation qui a frappé votre
commission, c’est que le procès-verbal du bureau principal ne fait pas une
mention détaillée de l’accomplissement des formalités exigées par la loi
électorale.
Vous savez que la loi électorale exige, par
exemple, que le secrétaire donne lecture de tels et tels articles de la loi
électorale, que tel autre articlé a été affiché à la porte de la salle, que la
force armée n’a point paru au milieu des électeurs, etc.. Le procès-verbal du
bureau principal des élections de Soignies dit seulement : « Toutes les
formalités ayant été observées, on a procédé au dépouillement du scrutin. »
Cependant, comme aucune réclamation ne s’est élevée
contre ce procès-verbal, et comme on y dit que toutes les formalités exigées
par le décret du congrès ont été observées, votre commission, à la majorité de
cinq voix contre une, est d’avis de reconnaître qu’en effet ces formalités
n’ont pas été omises.
Cette question n’est pas la seule que nous ayons eu
à discuter. Dans le deuxième bureau une autre irrégularité a été commise.
Aussi, quand le dépouillement du scrutin a été fait, une protestation a été
déposée. Elle est conçue en ces termes :
« Après avoir terminé l’opération électorale,
M. Carion
, électeur de la ville de Lessines, a protesté coutre la validité des
opérations, attendu que le président avait reçu les bulletins des mains d’un
scrutateur sans que celui-ci les ait dépliés, quoique les ayant eus tous en
mains, et, qu’après les avoir lus à haute voix, il ne les a pas remis entre les
mains d’un autre scrutateur, chose qu’ont avouée les scrutateurs membres du
bureau. Cette protestation a eu lieu pendant que l’on brûlait les bulletins.
« Le même électeur a aussi protesté contre la
qualité d’électeur de M. de Bagenrieux comme ne
payant pas le cens requis. »
C’est sur la première partie de la protestation que
la commission a eu à se prononcer.
L’article 29 de la loi électorale dit en effet que
le nombre des bulletins doit être vérifié avant le dépouillement ; qu’ensuite
un des scrutateurs prendra chaque bulletin, le défera, le remettra au président
qui en fera lecture, et le remettra lui-même à un autre scrutateur.
Cette formalité n’ayant pas été remplie, il faut
savoir si son inobservation doit entraîner la nullité de l’élection.
La minorité de la commission a été d’avis que cette
formalité était si essentielle que son omission invalidait l’élection ; elle a
pense que cette formalité était un contrôle, était une garantie. Voici en quels
termes la minorité a désiré que son vote fût formulé :
« Les formalités prescrites par l’art. 29 de
la loi électorale n’ont pas été remplies ; c’est un fait avoué par le bureau.
« Mais, dit-on, si la réclamation du sieur Carion avait précédé le brûlement des bulletins, le bureau,
dans ce cas, recommençait le dépouillement. Il y aurait eu une seconde
opération qui eût réparé l’omission dont le sieur Carion
se plaint. Cela est possible. Il n’en demeure pas moins constant que la loi n’a
pas été exécutée.
« La chambre peut, dit-on, passer sur cette
irrégularité. Je ne sais si elle le doit. Elle a annulé les premières élections
de Soignies pour une irrégularité peut-être moins sérieuse. Il me semble qu’il
faut que tout le monde respecte les lois, et que pour ne pas les observer, il
est inutile d’en faire. »
La majorité de la commission a pensé que
l’irrégularité, quoique reconnue en fait, n’est pas de nature à entraîner la
nullité de l’élection. En examinant la loi électorale avec attention, on doit
devenir convaincu qu’il n’existe pas de formalité substantielle, c’est-à-dire
qu’il n’existe pas dans la loi électorale des formalités de telle nature que si
on manque de les remplir, l’élection doive être toujours infirmée. Ce sont les
circonstances qui rendent une formalité substantielle ; telle formalité peut
paraître insignifiante en elle-même, et peut devenir importante selon les faits
qui accompagnent son observation. Le placement du bureau en est un exemple. Je
crois que si un bureau était placé contre un mur, et que si on ne réclamait pas
contre cette disposition matérielle vicieuse, il n’y aurait pas lieu à annuler
l’élection, quoiqu’on doive pouvoir circuler autour du bureau. Mais si les
électeurs, pendant l’opération, demandaient que le bureau fût placé
régulièrement, et si l’on refusait de faire droit à leur demande, il y aurait
ici présomption de fraude, de collusion et par conséquent l’annulation devrait
être prononcée.
Dans l’élection qui nous
occupe, si la réclamation avait été faite pendant le dépouillement des
bulletins, ou même pendant que les bulletins existaient encore ; si l’on avait
exigé que relût tous les bulletins, et si le bureau avait refusé de faire droit
à cette demande, je croirais qu’il y aurait des présomptions de fraude, et
qu’il y aurait lieu à invalider les élections de Soignies. Mais ici on a
attendu que les bulletins fussent brûlés pour réclamer, et je pense que par
cette circonstance il n’y a pas lieu à soupçonner aucune espèce de fraude.
On objecte : Mais il est
inutile de faire des lois si on ne les observe pas. Je le répète, la question
n’est pas de savoir si la loi a été observée, mais bien de savoir si
l’inobservation de la loi a été faite en vue de quelque fraude. Or, comme dans
l’espèce il n’y a pas présomption de fraude, la commission est d’avis, à la
majorité de cinq contre un, qu’il n’y a pas lieu à invalider les élections de
Soignies, et qu’il faut admettre MM. Bernard Dubus et Auguste Duvivier comme
membres de cette chambre : telle est sa conclusion.
M. Gendebien. -
Je demande que l’on veuille bien imprimer les procès-verbaux. On signale des
irrégularités, il faut que la chambre soit éclairée sur la nature de ces
irrégularités.
M. Lebeau. -
Messieurs, il n’y a véritablement de difficulté un peu sérieuse à examiner que
celle que vous a exposée, d’une manière très lucide et très impartiale,
l’honorable rapporteur de la commission, à savoir, que les bulletins n’ont pas
été, dans la seconde section, ouverts par un scrutateur, pour être remis au
président, qui en fait lecture et qui les remet à un deuxième scrutateur.
Ce qu’a dit M. le rapporteur sur le procès-verbal
de la première section se borne à une critique de rédaction : au lieu
d’énumérer les différentes formalités et de déclarer que chacune à été
observée, le procès-verbal dit simplement que toutes les formalités voulues par
la loi ont été remplies. Je crois que cette énonciation est très générale. Mais
le fait qui, seul, a arrêté la commission, et qui a motivé l’opposition de ses
membres, c’est l’inobservation du contrôle exercé par les scrutateurs, avant et
après que le président a rempli une partie de ses fonctions.
La chambre est à même de
délibérer maintenant ; il n’y a pas d’autres faits.
La question se simplifiant à ce point unique, il me
paraît de toute justice d’en aborder l’examen. On veut faire participer à la
discussion de la loi sur la fabrication des cotons, loi qui éveille de jour en
jour la sollicitude du pays, les députés nouvellement élus s’ils doivent être
admis ; c’est dans ce but que la chambre a nommé une commission de vérification
avant même que les pièces fussent arrivées au bureau de la chambre ; et je
crois que la chambre persistant dans les vues qui l’ont déterminée dans une des
précédentes séances, se prononcera immédiatement sur la validité des élections
de Soignies.
M. Gendebien. -
C’est une chose extraordinaire que M. Lebeau vienne réduire à une seule les
nombreuses irrégularités signalées par le rapporteur lui-même ; M. Lebeau,
membre de la commission, prétend que vérification faite, il n’a trouvé qu’une
seule irrégularité ; M. Lebeau a examiné, mais moi je n’ai pas eu les pièces
sous les yeux, et j’ai comme M. Lebeau le droit d’examen.
Tout ce que je sais, c’est que M. le rapporteur a
fait mention de plusieurs irrégularités, et je dois le croire plutôt qu’un
membre de la commission, si la chambre veut décider de suite je le veux bien.
Cependant quand elle s’est montrée
si scrupuleuse relativement aux premières élections, quand elle a demandé
plusieurs rapports sur cette première élection contre laquelle aucun électeur,
personne ne réclamait, et par cela seul qu’un membre de cette assemblée a élevé
une difficulté, comment voudrait-elle procéder aujourd’hui avec moins de
précautions ? A moins que vous n’ayez deux poids et deux mesures, il faut faire
actuellement ce que vous avez fait précédemment.
Si la chambre veut passer outre je demanderai dans
ce cas à M. le rapporteur quel a été le résultat comparatif des bulletins dans
les divers bureaux, afin de constater si dans le bureau où des irrégularités
ont été signalées, le nombre des suffrages en faveur de MM. de Robaulx et Anciaux se trouvent en rapport avec ceux qu’ils ont obtenus
dans les autres.
M. Liedts, rapporteur.
Si par irrégularités on doit entendre la non-observation des formalités voulues
par la loi, votre commission n’en a rencontré que deux. La première résulte de
la rédaction du procès-verbal de la première section qui dit d’une manière
générale et sans énumération que les formalités légales ont été remplies ; la
seconde résulte de ce que les bulletins n’ont pas été ouverts par un scrutateur
avant d’être lus par le président, et n’ont pas été remis par le président à un
autre scrutateur après la lecture. Si j’ai employé l’expression de nombreuses
irrégularités, c’était pour signaler le défaut d’énumération des formalités
légales dans le procès-verbal de la première section ; mais ces nombreuses
irrégularités ne présentent réellement qu’une question : Voici comment
s’exprime le procès-verbal :
« Toutes les formalités voulues par le prédit
décret ayant été observées, le bureau principal a constaté… »
Je vous ai fait connaître l’opinion de votre
commission sur ce point.
Quant au résultat
comparatif des votes obtenus par chacun des candidats dans le bureau de la
deuxième section, où l’irrégularité a été commise, je ferai remarquer que c’est
dans ce bureau que les candidats élus ont obtenu le plus de voix et que MM.de
Robaulx et Anciaux en ont réuni le moins. En effet,
M. de Robaulx a obtenu seulement 45 voix et M. Anciaux
37, tandis que dans les autres bureaux, le premier en avait obtenu 75 et 109,
et M. Anciaux 78 et
Une vingtaine d’électeurs de la deuxième section se
sont réunis séance tenante pour protester contre la validité des élections de
ce bureau. Cette protestation fait partie du dossier transmis à la commission.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Il se trouve parmi les pièces transmises à la
commission sur l’élection de Soignies une déclaration du président de la
deuxième section. Il serait bon d’en faire la lecture. Je pourrais, s’il y a
lieu, prendre la parole pour défendre, comme membre de la commission, la
validité des élection de Soignies.
M. Gendebien. -
Qu’on donne lecture de toutes les pièces.
M. Liedts, rapporteur.
- Voici le procès-verbal de la deuxième section :
« Nous soussignés membres du bureau de la
seconde section, composée du canton de Lessines et d’une partie du canton
d’Enghien, déclarons qu’en ladite section le nombre des votants s’élevait à 220
et que le dépouillement du scrutin a présenté le résultat suivant :
« «MM. Auguste Duvivier, ex-représentant, 178
« Bernard Dubus de Ghisignies, 170
« Henri Anciaux de Casteau, 37
« de Robaulx, ex-député, 45
« De Ghisignies, 2
« Bernard Dubus, 4
« Bernard Dubus, 1
« Duvivier, 1
« Duvier, 1
« Un bulletin blanc, 1
« Total, 440.
« Après avoir terminé l’opération électorale, M. Carion, électeur de la ville de Lessines, a protesté contre
la validité des opérations électorales, attendu que le président avait reçu les
bulletins des mains d’un scrutateur sans que celui-ci les ait dépliés quoique
les ayant eus tous en mains, et qu’après les avoir lus à haute voix il ne les a
pas remis entre les mains d’un autre scrutateur, chose qu’ont avouée les
scrutateurs membres du bureau. Cette protestation a en lieu cependant pendant
que l’on brûlait les bulletins. Le même électeur a aussi protesté contre la
qualité d’électeur de M. de Bagenrieux, comme ne
payant pas le cens requis.
« Ainsi fait à Soignies. le 5 septembre 1835. »
(suivent les signatures.) -
Je vais lire la déclaration du président de la
deuxième section :
« Je soussigné Charles de Bagenrieux,
bourgmestre de la commune des Acren, président de la
seconde section aux élections du cinq septembre 1835, du district de Soignies,
déclare qu’il m’a été impossible d’insérer dans mon procès-verbal les
circonstances qui ont accompagné la fin des opérations du bureau de la susdite
section, à cause du tumulte, des cris et du désordre extraordinaires faits par
plusieurs électeurs et occasionnés par la protestation du sieur Carion, notaire et échevin de la ville de Lessines contre
la validité des opérations électorales. Ledit sieur Carion,
après avoir avoué publiquement et au milieu des électeurs, réunis dans la
section, au moment où le dépouillement était terminé, et lorsque les bulletins
étaient en feu, qu’il avait vu et lu tous ces bulletins, pendant qu’il en était
fait lecture, attendu qu’il se trouvait debout derrière moi, excepté pendant
quelques minutes qu’il est sorti de la salle ; qu’ayant inséré son aveu dans
mon procès-verbal, à sa lecture, il a exigé, avec violence, et en criant,
malgré que comme président je réclamais le silence, que je raye cette phrase
dudit procès-verbal, en disant qu’il n’était pas vrai qu’il avait dit cela, et
qu’il n’avait ni vu ni lu aucun bulletin, et a terminé en protestant contre ma
qualité d’électeur ; laquelle protestation il m’a oblige d’insérer dans mon
procès-verbal.
« Je déclare, en outre, que les bulletins qui
m’ont été donnés pour en faire la lecture, tantôt ouverts, tantôt fermés, par
M. Lonfant, scrutateur, ont tous été déposés ouverts,
et de manière à ce qu’ils puissent être lus sur un plat mis sur la table, et la
position de ce plat permettait non seulement que les scrutateurs, mais que tous
les électeurs qui entouraient, pussent les vérifier.
« Je déclare enfin que ledit Carion, malgré qu’il ait déclaré n’avoir rien vu, m’a dit
que s’il avait manqué un point sur un i, il l’aurait vu aussi bien que moi,
chose qui peut être constatée par le témoignage des électeurs présents lors de
la discussion.
« Je proteste, en
dernier lieu, contée la violence qui m’a été faite pour me forcer à signer un
procès-verbal inexact.
« Fait à Soignies, le cinq septembre 1800
trente-cinq.
« Charles de Bagenrieux,
bourgmestre des Acren. »
Messieurs, si je n’ai pas donné d’abord lecture de
cette dernière pièce, c’est que j’ai cru que la chambre aussi bien que votre
commission devaient trouver la preuve de la validité des élections dans les
procès-verbaux et non dans les pièces qui sont en dehors des opérations
électorales. Ce n’est pas là que nous pouvons chercher la preuve de
l’accomplissement de la loi. (Approbation.)
M. Dumortier. -
Je ne pense pas que ce soit sérieusement que l’on invoque l’annulation de
l’élection de Soignies. Lorsque la première annulation des élections de
Soignies a été mise aux voix, j’ai voté négativement. Je crois devoir le faire
encore. Les électeurs qui viennent réclamer contre la validité de celle-ci se
fondent sur ce que les scrutateurs n’ont pas déplié les bulletins. L’art. 29 de
la loi électorale dit que l’un des scrutateurs prendra successivement chaque
bulletin et le présentera déplié au président. Le devoir du scrutateur est donc
uniquement de déplier le bulletin et de le remettre au président. S’il le
dépliait sans le lire, on ne pourrait invoquer la nullité de l’élection. C’est
une formalité purement mécanique que de déplier un bulletin. Je ne pense pas
que l’on puisse annuler une élection pour une formalité purement mécanique. Si
pendant le scrutin un électeur venait à réclamer coutre le mode suivi par un
scrutateur, et si le bureau se refusait à faire droit à sa réclamation, il y
aurait lieu dans ce cas à annuler l’élection. Mais aucune réclamation n’a été
faite pendant les opérations électorales. On a laissé brûler les bulletins, et
c’est après que les bulletins ont été brûlés et qu’il n’a plus été possible de
vérifier les pièces que l’on a dressé une protestation.
De pareilles protestations,
messieurs, on peut en faire sur toutes les élections. Une élection, quoique
régulière qu’elle soit, présentera toujours l’oubli d’une petite formalité qui
pourrait dans ce système en entraîner l’annulation. C’était avant que les
bulletins avaient été brûlés qu’il fallait présenter des observations et non
pas protester après qu’il s’était plus possible de vérifier les faits. Ce n’est
donc pas sérieusement, je le répète, que l’on vient demander l’annulation des
élections de Soignies.
Mais je suppose que l’on annule tous les bulletins
de cette deuxième section, le résultat des élections serait encore l’admission
des deux élus. En effet, il y a eu 690 votants. Supprimez de ces 690 votants
les 280 électeurs de la deuxième section, il en restera toujours 410. Otez à M.
Dubus celui des deux élus qui a obtenu le moins de voix, les 170 du deuxième
bureau, il aura encore la majorité absolue dans les deux autres bureaux. Dans
aucun système il n’y a lieu d’annuler l’élection, Il faudrait que l’on eût
signalé une nullité substantielle. L’on ne dira pas que la formalité de déplier
les bulletins soit une formalité substantielle.
M. Gendebien. -
Je ne comprends pas cette différence de langage pour l’élection dont vous vous
occupez aujourd’hui avec le langage que l’on tenait lors de la discussion du
mois dernier. Alors, messieurs, une simple irrégularité qui n’entraînait avec
elle aucune conséquence, dont personne ne se plaignait, a motive la nullité de
l’élection de Soignies.
Un article de la loi électorale exige que lorsqu’il
y a plus de 400 électeurs, l’on forme plusieurs bureaux, Il résultait du relevé
des bulletins qu’il y avait 441 électeurs, par conséquent 41 seulement de plus
que la loi autorisait pour un seul bureau ; il résultait du même procès-verbal
que l’on avait essayé de former les bureaux, que l’on n’avait pu le faire, que
les électeurs avaient demandé eux-mêmes le maintien d’un seul bureau. Le
procès-verbal faisait foi de ces particularités.
Cependant on vous a dit que s’il avait été possible
de former plusieurs bureaux, les opérations électorales se seraient terminées
plus tôt. L’on a présenté une autre supposition. L’on a dit qu’il était
possible que si les opérations n’eussent pas duré aussi longtemps, la majorité
se fût portée sur le concurrent du candidat élu. C’est sur ces deux
suppositions que l’on a annulé les élections de Soignies, alors que personne ne
se plaignait, que personne n’avait présenté de réclamation ni de protestation.
Aucun candidat non plus ne protestait ni ne réclamait, Aujourd’hui, messieurs,
qu’il y a protestation de la part de certains électeurs, qu’il y a pétition de
la part d’autres électeurs, l’on ose vous dire que ce n’est pas sérieusement que
l’on a réclamé l’annulation des élections de Soignies.
Voyez la différence dans le texte et l’esprit de
l’article 29 et de l’art. 19 de la loi électorale. L’art. 19, comme l’avait
reconnu l’honorable M. de Mérode, contient seulement une disposition purement
réglementaire en faveur des électeurs, afin qu’ils restent le moins longtemps
possible aux élections. Personne n’avait réclamé contre la formation du collège
électoral en un seul bureau, tout le monde au contraire y avait consenti,
personne n’avait donc le droit de s’en plaindre. Voici comment est conçu le
paragraphe de l’art. 19 cité par M. de Mérode :
« Lorsqu’il y a plus de 400 électeurs, le collège
est divisé en sections dont chacune ne peut être moindre de 200 et sera formée
par cantons ou communes, ou fractions de communes les plus voisines entre
elles. »
Cette disposition est évidemment en faveur des
électeurs, et son inobservance ne peut entraîner aucune conséquence,
lorsqu’elle a été consentie par tous les intéressés.
L’art. 29 au contraire n’est pas fait dans
l’intérêt des électeurs, c’est pour s’assurer de la validité des opérations
électorales, c’est pour s’assurer qu’il ne s’est point introduit de fraude dans
le dépouillement du scrutin que cet article a été porté. Pour s’en convaincre,
il suffit de le lire ;
« Un des scrutateurs prendra successivement chaque
bulletin, le dépliera, le remettra au président qui en fera lecture à haute
voix et les passera à un autre scrutateur. »
C’est là une formalité toute substantielle, puisque
le sort de l’élection peut dépendre de la régularité des opérations. Quelles
sont les formalités que l’on appelle substantielles ? Ce sont celles d’où
dépend l’existence de tel ou tel acte. Comment vous assurerez-vous que
l’élection a produit tel ou tel résultat ? C’est lorsque vous aurez la
certitude que les formalités qui établissent la réalité des votes ont été
remplies. A-t-on rempli ces formalités ? Il résulte des faits que l’un des
scrutateurs a présenté les billets fermés au président, au lieu de les déplier
comme la loi l’exige.
Je prie MM. Legrelle et de Sécus qui m’interrompent
par leur conversation de vouloir bien ménager ma poitrine et de ne pas me
forcer à élever la voix, Il se peut que leur conviction soit arrêtée. Ils me
permettront cependant de faire connaître la mienne à l’assemblée ; libre à eux
de la combattre s’ils le peuvent.
J’avais l’honneur de vous dire que la loi a voulu
qu’il y eût trois personnes chargées de dépouiller le scrutin. Parmi ces trois
personnes, il y a deux contrôleurs, ce sont les scrutateurs qui vérifient les
noms que le président proclame. Dans le cas dont il s’agit le contrôle voulu
par la loi a-t-il été établi ? Non. Je n’ai aucun motif de défiance contre le
président d’un bureau électoral quelconque, encore moins contre le président du
second bureau de Soignies. Mais je dis que la loi n’a pas été observée, et qu’à
moins de vous constituer grands électeurs du royaume, vous ne pouvez vous
soustraire à l’obéissance de la loi pas plus que les autres citoyens. Vous
devez exiger que toutes les formalités en soient remplies.
Veuillez remarquer que c’est dans ce deuxième
bureau que les candidats non élus ont eu le moins de voix ; ils n’y ont obtenu
qu’un cinquième des voix, tandis que dans les autres bureaux ils ont eu un
nombre double de voix ou un nombre à peu près égal à leurs concurrents. L’autre
jour vous supposiez que la prolongation des opérations électorales avait pu
influer sur le résultat des élections, et ce motif vous a suffi pour les
annuler. Vous voyez aujourd’hui que dans le bureau où les formalités prescrites
par la loi n’ont pas été remplies, les candidats qui n’ont pas été élus ont à
peine obtenu le cinquième du total des voix ; cette circonstance est très
grave, vous ne pouvez pas la passer sous silence. J’espère que les raisons que
je viens de donner sont assez plausibles pour invalider l’élection.
Avant de présenter un autre moyen de nullité, je
dols répondre à une observation faite par un honorable préopinant. On a dit que
les protestations avaient été faites tardivement, au moment où l’on brûlait les
bulletins. Je demanderai quelle est la disposition de la loi qui exige que les
protestations soient faites pendant les opérations électorales, ou pendant que
l’on brûle les bulletins ou après qu’on les a brûlés. L’on peut protester
jusqu’au moment où le procès-verbal du bureau principal est terminé. Même après
la clôture du procès-verbal, l’on serait encore en droit de protester.
Seulement dans ce cas, il pourrait y avoir lieu à une enquête pour savoir si la
protestation est fondée ou non.
Il peut se présenter mille circonstances où les
protestations arrivent après que les bulletins ont été brûlés. En général, on
assiste peu au dépouillement des votes. Personne à Bruxelles n’assiste au
dépouillement des bulletins. Il est très possible que quelqu’un ait remarqué
aux élections de Soignies l’irrégularité signalée par la protestation et soit
venu le dire à une personne qui aura osé élever la voix. Car sur les 690
électeurs qui ont concouru aux élections, il n’y en a peut-être pas dix qui
osent parler en public. Rien donc de plus naturel que de voir protester contre
le dépouillement du scrutin au moment où l’on brûle les bulletins.
Mais l’oubli de la formalité requise par l’art. 29
n’attaque pas la substance de l’élection. Je dis moi qu’il attaque l’existence
même de l’élection. En effet, rien ne justifie le nombre de voix attribué à
chaque candidat, et le défaut d’accomplissement des formalités doit être pris
en sérieuse considération, d’autant plus qu’il y a une disproportion notable
dans la répartition des voix comparée aux suffrages des autres bureaux. L’on a
dit qu’il pourrait y avoir un vice substantiel dans l’élection si l’on avait
réclamé dans le cours des opérations.
Est-ce que ce qui tient à la substance d’un acte ne
peut dépendre de circonstances en dehors de la confection de l’acte ? Quand un
acte dépend d’une formalité, ce ne sont pas les circonstances concomitantes que
l’on consulte, ce sont les formalités mêmes. La loi ne dit pas que les
protestations doivent être faites avant ou après les opérations électorales.
Qu’est-ce que l’époque où la protestation a été présentée fait à la chose en
elle-même ? En êtes-vous plus ou moins certains que le deuxième bureau a
proclamé le résultat réel des élections ?
Je conviens que si l’on avait fait la protestation
avant que les bulletins eussent été brûlés, on aurait pu immédiatement vérifier
les choses. Mais si vous reconnaissez la nécessité d’une vérification, vous ne
pouvez en conclure qu’à défaut de cette vérification l’élection est régulière.
Vous devez en conclure qu’il y a doute au moins, et vous ne pouvez pas
proclamer immédiatement les candidats élus.
Il y a d’ailleurs d’autres irrégularités. Le
procès-verbal dit que toutes les formalités ont été remplies. Mais quelle
garantie avez-vous de cette assertion ? Il faut que la mention de chacune des
formalités que la loi exige soit insérée dans la loi afin que l’on puisse
vérifier s’il est exact ou s’il est inexact que toutes les formalités aient été
remplies. Voilà la première irrégularité. La seconde c’est que le président
nommé n’était pas électeur, La troisième c’est que les bulletins n’ont pas été
ouverts par l’un des scrutateurs, ni vérifié par un deuxième scrutateur. 4° La
loi exige que les 4 membres les plus jeunes du conseil de régence soient nommés
scrutateurs du bureau principal avec le juge de paix pour président dans les
villes où il n’y a pas de tribunal de première instance. Il n’est pas dit dans
le procès-verbal que les quatre conseillers choisis fussent les membres les
plus jeunes. Rien ne nous dit que l’on n’a pas choisi pour scrutateurs des
hommes appartenant à telle ou telle nuance. C’est encore une irrégularité que
l’on avait signalée lors de l’élection de M. Eloy de Burdinne et qui avait
motivé les conclusions de la commission qui tendaient à l’ajournement de
l’élection.
Ce n’est que sur
l’assurance donnée par l’honorable M. Eloy de Burdinne que l’on n’avait pu
choisir les quatre plus jeunes membres du conseil, attendu qu’il n’y en avait
que quatre, que la chambre a bien voulu déclarer valide l’élection de Waremme.
Ainsi au mois d’août dernier, on considérait comme une formalité essentielle
celle de savoir si les quatre membres les plus jeunes du conseil municipal
avaient été choisis pour scrutateurs.
Le procès-verbal ne dit pas que cette formalité a
été remplie. Pourquoi aujourd’hui ne considéreriez-vous pas comme un motif
d’annulation ce qui en était un au mois d’août dernier ? Je déclare que pour ma
part je regarde les élections de Soignies comme nulles, et à moins que l’on ne
me prouve par l’exhibition d’autres pièces que toutes les formalités dont j’ai
signalé l’omission ont été remplies, je voterai dans le sens de l’opinion que
je viens de développer. A moins d’avoir deux poids et deux mesures, vous ne
pouvez voter autrement.
M. Legrelle. -
Il y a une grande différence entre les motifs de l’annulation des premières
élections de Soignies et ceux que l’ont présente aujourd’hui. Les premières
élections n’ont pas été annulées par défaut de formalité, mais parce qu’il y
avait 41 votants de plus que le nombre de 400, qui est la limite voulue par la
loi pour la formation d’un seul bureau. L’on a prouvé l’influence que la
non-exécution de la loi avait eue sur le résultat de l’élection, puisque par
suite du départ d’un grand nombre d’électeurs, les candidats non élus avaient
évidemment perdu un certain nombre de voix qui auraient pu leur être
appliquées. Ce n’est donc pas parce qu’il n’y avait que 41 électeurs de plus que
le nombre voulu par la loi, mais parce que l’inexécution de la loi a eu de
graves conséquences pour les élections. Il ne s’agit ici que de deux
irrégularités. La première consiste dans la non-énonciation des formalités
prescrites par la loi. Je doute que l’on fasse mention de ces formalités dans
les autres procès-verbaux. Si ma mémoire est fidèle, il y a une infinité de
procès-verbaux où ces formalités n’ont pas été énumérées. Je ne vois pas en
quoi cette omission pourrait entraîner une irrégularité. Je ne vois cela ni
dans la constitution ni dans la loi électorale.
Je ne puis concevoir que l’on puisse argumenter de
ce chef.
La deuxième irrégularité est plus grave.
Le scrutateur qui a présenté les bulletins au
président, ne les a pas dépliés, comme la loi l’ordonne. Je demanderai si
l’acte de déplier les bulletins est assez important pour que le défaut de cette
formalité puisse annuler toute élection possible.
Mais on n’a pas insisté
pour savoir si la seconde formalité de l’article
M. Gendebien. -
J’ai demandé la parole, Messieurs, je n’entends pas prolonger cette discussion,
mais je veux rectifier un fait allégué par l’honorable préopinant, par M. Legrelle. Il vous a dit qu’on n’avait
omis qu’une simple petite formalité insignifiante, et que si on annulait une
élection parce qu’on n’a pas déplié un bulletin, il faudrait annuler toutes les
élections.
Je lui répondrai que ce qu’il appelle une simple
petite formalité insignifiante fait tout dans une élection. En effet, pourquoi
la loi a-t-elle établi deux contrôleurs à côté du président ? C’est pour
s’assurer que les noms lus sont bien ceux portés sur les bulletins.
M. Legrelle vous à dit ensuite que les bulletins
avaient été remis ouverts au deuxième scrutateur. Ce fait est faux. M. Legrelle
n’a pas lu le procès-verbal.
Voici ce qu’il porte :
« Attendu que le président avait reçu les
bulletins des mains d’un scrutateur, sans qu’il les ait dépliés, et qu’après
les avoir lus à haute voix, il ne les a pas remis entre les mains du deuxième
scrutateur. »
Vous entendez, M. Legrelle, il ne les a pas remis
entre les mains du deuxième scrutateur. Vous voyez donc qu’il n’y a eu aucun
contrôle, ni avant la remise du bulletin au président ni après la lecture. Ces
faits sont avancés par le bureau tout entier, par les trois scrutateurs, le
président et les deux contrôleurs.
Maintenant, si vous voulez nier l’évidence, votez
comme vous voulez, mais ne dénaturez pas les faits. Car le fait est constant et
avoué par les scrutateurs eux-mêmes qu’une formalité prescrite par la loi n’a
pas été remplie, et ce n’est pas une simple petite formalité comme le prétend
M. Legrelle, car sans cette formalité on n’a aucune certitude que les noms
proclamés soient ceux qui se trouvaient sur les bulletins. J’ai la plus grande
confiance dans le citoyen qui présidait la section, mais ce n’est pas ma
confiance, ce n’est pas ma prudence personnelle que je dois ici consulter, je
ne dois consulter que la prudence de la loi.
Or, la loi a exigé que les
bulletins fussent lus et vérifiés par les scrutateurs, nous ne pouvons pas nous
mettre au-dessus de la loi. On le peut d’autant moins, quand on considère que
dans ce bureau les députés élus ont obtenus les 4/5 des voix, tandis que dans
les autres, ou les suffrages se sont trouvés partagés, ou MM. de Robaulx et Anciaux ont eu le double des voix obtenues par leurs
concurrents.
Je persiste à dire que si vous n’annulez pas cette
élection, vous démontrerez que vous avez deux poids et deux mesures quand vous
procédez à des vérifications de pouvoirs.
M. F. de Mérode.
- Quand le président a donné lecture des noms inscrits sur les bulletins, il
avait derrière lui une foule d’électeurs intéressés au succès des candidats qui
n’ont pas été élus ; si des erreurs avaient été commises. ils n’auraient pas
manqué de les signaler. Ce n’est que quand les bulletins ont été brûlés que des
réclamations se sont élevées, parce qu’on a cru trouver dans l’omission
signalée un moyen de faite annuler l’élection.
Je ferai observer que l’irrégularité dont il s’agit
ici n’a pas la moindre ressemblance avec celle que j’ai signalée lors de la
première élection. Voici ce que je disais :
« Messieurs, l’article contre la violation
duquel je réclame a été inséré dans la loi, non pour la satisfaction des
électeurs, mais pour assurer la sincérité des élections.
« Eh bien, il est certain qu’il y a eu au
premier tour de scrutin 411 votants, tandis qu’au second qui a eu lieu à 11
heures, il n’y en avait que 331, différence 110, et le candidat qui a été élu
n’a obtenu qu’une majorité de 10 voix. Je vous demande si c’est là une majorité
suffisante pour compenser l’absence de 109 électeurs. »
Voilà une différence immense.
On ne peut donc pas dire que j’agirai avec
partialité, en votant pour l’admission des nouveaux élus, tandis que j’ai voté
contre les autres. (Aux voix ! aux voix !)
- L’admission de MM. Duvivier et Dubus de
Ghisignies est mise aux voix et prononcée.
M. Seron s’est levé seul contre leur admission.
M. le président. -
En conséquence MM. Duvivier et Dubus de Ghisignies sont proclamés membres de la
chambre. Ils seront admis au serment prescrit par la constitution, quand ils se
présenteront.
PROPOSITION DE LOI RELATIVE A L’INDUSTRIE COTONNIERE
Discussion générale
M.
le président. - Nous passons à l’ordre du jour.
M.
de Roo. - Messieurs, hier, dans mon discours, j’ai pu dire en parlant
de M. Hauman, libraire à Bruxelles, assez
favorablement connu, qu’il était Hollandais. Cette qualification avait été
rectifiée par moi sur la demande de M. Lebeau, et le Moniteur y avait fait droit en n’insérant pas ces paroles de mon
discours. Mais plusieurs journaux ayant relevé cette qualification, comme elle
pourrait faire du tort à M. Hauman, je déclare que
les renseignements qu’on m’avait donnés à son égard sont inexacts, et que M. Hauman est Belge et non Hollandais.
M. Eloy de
Burdinne. - Comme j’ai eu l’honneur de le dire hier, cette discussion
s’est prolongée assez, et je consens à renoncer à la parole. Mais M. le
rapporteur de la section centrale ayant demandé à résumer les diverses opinions
émises, la chambre a décidé qu’on lui accorderait la parole à cet effet. Je
pense qu’après avoir entendu son rapporteur, elle jugera à propos de fermer la
discussion.
J’ai bien quelques observations à faire, mais elles
trouveront leur place quand on en sera à la discussion des articles.
M. de Brouckere.
- La discussion générale a déjà duré trois jours entiers. Hier, plusieurs
membres avaient demandé la clôture, et la chambre l’a rejetée. J’attribue cette
décision au désir qu’avait manifesté le rapporteur de la section centrale de
résumer la discussion générale et de réfuter quelques-unes des objections
faites contre son rapport. Il me semble qu’il conviendrait de donner d’abord la
parole au rapporteur, car il est probable qu’après que la discussion générale
aura été par lui résumée, la chambre se trouvera suffisamment éclairée en ce
qui concerne la discussion générale qui alors pourra être close.
Je crois que quand on aura entendu le rapporteur et
fermé la discussion, il faudra mettre aux voix tout simplement la question de
principe relativement à la prohibition, la question de savoir si la prohibition
sera ou non consacrée par la loi. Si cette question est résolue négativement,
il faudra nécessairement que le projet soit renvoyé soit à la commission
actuelle, soit à une nouvelle commission ou à la commission actuelle à laquelle
on adjoindrait quelques membres, car il faudrait un autre travail sur lequel la
chambre aurait à décider. Si vous n’adoptez pas cette marche, vous verrez qu’il
s’écoulera plusieurs jours encore avant que vous puissiez avoir aucune décision
définitive. Je ne crains pas de dire que pour peu que la discussion générale
continue encore, la chambre pourrait bien ne plus se trouver en nombre, car il
y a des membres qui ne croyaient pas que cette discussion durerait aussi
longtemps et que leurs affaires forceront de retourner chez eux.
Ce serait sans, utilité
d’ailleurs qu’on entendrait encore d’autres discours, car après la manière dont
a été traitée la question, et on peut dire que de part et d’autre elle a été
traitée avec beaucoup de talent et d’instruction, il est impossible que chacun
n’ait pas son opinion formée sur la question de prohibition, qui est celle sur
laquelle a principalement porté la discussion jusqu’à présent.
Je propose donc à la chambre d’entendre le
rapporteur, et je demande en outre qu’après l’avoir entendu, on mette la
clôture aux voix.
M. Smits. - Je
partage entièrement l’opinion émise par l’honorable M. de Brouckere, mais je
crois qu’indépendamment de la question de savoir si on admettra ou non la
prohibition il faudra que la chambre statue encore sur d’autres questions. J’ai
demandé la parole pour fixer l’attention de la chambre sur ces questions. Les
voici : D’abord la question de savoir s’il y aura estampille, et ensuite si on
admettra la recherche à l’intérieur, car la question relative à la prohibition
peut être résolue affirmativement sans qu’il s’en suive nécessairement qu’on
doive admettre l’estampille et la recherche à l’intérieur.
Indépendamment de ces questions, il en est encore
une autre, c’est celle de savoir si les droits seront perçus au poids et à la
mesure ou bien à la valeur, ainsi que l’honorable M. Dechamps l’a proposé.
Ainsi, voila trois
questions préalables qui devront être vidées avant d’entamer la discussion du
tarif.
J’ai fait ces observations afin que les membres de
cette assemblée puissent se préparer en conséquence.
M. le président.
met aux voix la question de savoir si on entendra M. le rapporteur avant les
autres orateurs inscrits.
- Elle est résolue affirmativement.
M. le président. -
En conséquence, la parole est à M. Zoude.
(Moniteur
belge n°256, du 12 septembre 1835) M. Zoude,
rapporteur. - Après tant de lumières répandues sur la question par les
habiles orateurs qui ont parlé à cette tribune, il n’est guères possible
d’invoquer des arguments nouveaux, soit pour défendre le projet soit pour l’attaquer.
Toutefois j’essaierai de parcourir la série des
raisonnements sur lesquels on s’est particulièrement appuyé pour nous
combattre.
Mon honorable ami, M. Desmaisières, ayant répondu
aux principaux passages du discours de M. Pirmez, il ne me reste qu’à repousser
les reproches qu’il a adressés aux fabricants sous le rapport de l’infériorité
de leurs produits et de leurs prix ainsi que sur l’impôt inappréciable que
l’adoption du projet ferait supporter aux consommateurs à leur profit.
Quant aux prix et qualités il a été démontré à
satiété que le tissu commun, celui que consomme le peuple, c’est-à-dire la très
grande majorité de la nation, que ce tissu, dis-je, ayant été suffisamment
protégé, il est aujourd’hui livré au commerce à meilleur compte et de meilleure
qualité que nulle part en Europe.
Quant à la fraction minime de la nation, la classe
riche, elle paiera à la vérité momentanément le tissu blanc un peu plus cher.
Mais par la raison que font valoir nos adversaires que l’impression doit être
moins chère en Belgique, parce que nous nous y procurons, disent-ils, les
matières tinctoriales à meilleur compte, la balance des prix entre les tissus
blancs et ceux imprimés se rétablira à peu près, et ce qu’il y aura de
différence sera réparti entre le trésor et l’ouvrier.
Et c’est ainsi qu’après avoir procuré du travail à
la classe ouvrière, et avoir fourni des vêtements solides et à bon compte à la
portion la plus nombreuse de la nation, vous aurez établi parmi ses membres
l’union qui fait la force.
Abordant le discours de l’honorable M. Smits, je ne
m’arrêterai pas à la déposition faite par la régence de Gand en 1831, d’après
laquelle il dit que cette régence avait reconnu que le droit à l’importation du
coton étranger était suffisant, c’est une erreur que la régence avait commise
et contre laquelle elle a réclamé cent fois depuis.
Il parle ensuite d’un rapport fait par la
commission d’industrie de la chambre. Veuillez croire, messieurs, que je ne
veux pas à ce sujet soulever le moindre ferment d’aigreur, J’en parle seulement
pour rappeler à l’honorable orateur, que c’est après les paroles de prohibition
que j’ai prononcées à la tribune qu’il a trouvé le ministre de France plus
disposé à l’écouter.
Pour le moment je ne veux tirer aucune conséquence
de cette circonstance.
L’honorable orateur pour prouver que les moyens de
production en Belgique sont au moins aussi favorables qu’en France et en
Angleterre, établit les droits que l’on paie dans chacun de ces pays sur les
cotons, les matières servant au blanchiment et à la teinture ; je regrette
infiniment de me trouver ici en opposition avec cet estimable collègue sur une
matière qu’il devait posséder mieux que moi, et il aurait évité l’erreur dans
laquelle il est tombé, s’il s’était livré à l’examen même le plus superficiel
du mémoire des Gantois en réponse à celui des marchands étrangers.
D’abord, il parle des droits imposés sur la
garance, la potasse et la soude qui sont très élevés en France et presque nuls
en Belgique ; mais qui ne sait que pour
M. Smits a bien indiqué les chiffres du tarif, mais
il s’est gardé d’en faire l’application à nos fabriques.
Il poursuit en disant que
Le même orateur semble glisser assez légèrement sur
les frais généraux que l’on aurait pu éviter, dit-il, puisqu’il ne dépendait
que de petits industriels d’agglomérer leurs capitaux pour former leurs
établissements.
Loin de convenir avec M. Smits que les frais
généraux ne diffèrent entre les petits et les grands établissements que de 1 à
4 nous soutenons que dans beaucoup de cas, cette différence s’élève infiniment
plus haut et il résulte d’un tableau comparatif de deux établissements dont
l’un est en France et l’autre en Belgique que les frais généraux de ce dernier
seraient par pièce de 9-25, tandis qu’en France il ne serait que de 4-15.
Notre adversaire nous attend encore sur un autre
terrain ; les tentatives, dit-il, de verser sur nos marchés les tissus hors de
goût ont échoué en Belgique, et il le prouve parce qu’en 1828 et 29 on a dû en
faire transiter par
Le fait peut-il prouver autre chose ou bien que
L’on veut encore argumenter d’un état statistique
pour prouvez qu’en France, proportion gardée, on travaille un tiers de coton
moins qu’en Belgique ; mais on nous disait, quelques lignes plus haut, que le
droit à l’entrée en France était de 11 fr. par 50 kil.,
tandis qu’il n’est chez nous que de 96 c., c’est-à-dire que le droit chez nous
est si minime qu’il ne prête pas à la fraude, tandis qu’en France il y présente
un appât considérable.
Pour vous faire apprécier les documents
statistiques qui jouent un si grand rôle chez notre adversaire, j’ai l’honneur
de vous dire qu’ayant eu mission de me procurer un relevé des ardoises
déclarées au bureau de sortie de France par
Voilà, messieurs, la valeur de tous les tableaux
avec lesquels on voudrait obtenir vos convictions. Les choses telles qu’elles
sont en réalité n’y croyez pas, mais ayez foi dans les tableaux.
L’argument tiré des monts-de-piété, a été
victorieusement réfuté par divers orateurs, je n’y reviendrai pas.
Quant au plus petit nombre de protêts et à celui
des inscriptions hypothécaires qu’on invoque comme signe de prospérité, ce
n’est suivant moi que la suite naturelle du décroissement du mouvement
commercial.
Mais, dit-on, il y a un plus grand nombre de
machines à vapeur ; on voudrait, je crois, nous donner à croire que le nombre
des établissements s’est accru par là, mais voici la chose : c’est que pour
soutenir la concurrence avec ceux qui avaient déjà des machines, force a été à
ceux qui en avaient les moyens, d’en monter également, ceux qui n’ont pu en
supporter les frais, ont dû cesser entièrement leurs travaux et voilà
précisément la cause de la disparition de ces 19 filatures à manége qui
existaient à Bruxelles en 1830.
L’établissement de ces machines était la condition
de vie ou de mort, et on n’argumentera pas de leur nombre, pour prouver la
prospérité des fabriques, mais elles constateront les efforts des industriels
pour résister au torrent qui les entraînera dans l’abîme, si vous ne leur
tendez une main secourable.
On voudrait aussi tirer quelques considérations des
importations faites pour le port d’Anvers en 1828 et 1829 ; mais ce port
n’était pas alors le régulateur de toutes les affaires commerciales du royaume
des Pays-Bas.
On tire encore des conséquences d’une comparaison
entre les importations de colon brut de 1825 à 1827 avec celles qui ont eu lieu
en 1831, 32 et 33.
On manque, dit-on, de renseignements sur les années
1828, 29 et 30 ; je veux bien croire que cela soit vrai, tout invraisemblable
que cela paraisse. La connaissance de ces importations était cependant
nécessaire pour autoriser la conclusion qui vous a été présentée.
M. Smits n’a-t-il pas dit, en effet, que les
importations à Java n’avaient cessé d’augmenter. Il fallait donc aussi une
augmentation proportionnée dans les importations de coton en laine.
Mais comme il faut toujours des tableaux, en voici
encore un officiel au moyen duquel on vous prouve que l’importation des tissus
étrangers va toujours en décroissant, donc que le marché intérieur aurait
offert des placements plus considérables à nos fabriques.
Mais de bonne foi, lorsque les bureaux de garantie
pour les introductions frauduleuses se multiplient à Lille, à Valenciennes, que
les tarifs d’assurances sont au rabais, qu’il n’est pas de marchands qui
n’avouent ingénument qu’ils alimentent leurs magasins par la fraude, vous
viendrez opposer des documents officiels à l’évidence des faits ; vraiment je ne
sais comment qualifier ces assurances.
Eh bien, je vous parlerai encore de moi, et vous
dirai qu’il n’y a pas longtemps que, me trouvant chez un négociant très
respectable, je lui demandais par forme de conversation combien il payait
d’assurances pour les tissus français, qu’il introduisait en fraude. Je puis
vous satisfaire à l’instant, me dit-il ; je viens de recevoir un ballot ; il
ouvre la lettre d’envoi, l’assurance y était cotée à 6 p. c. Ce négociant se
trouve peut-être parmi ceux qui nous écoutent.
On nous oppose un aveu de M. Schumaker
; je viens de parcourir de nouveau son interrogatoire, et j’y vois qu’il
déclare que la matière première qu’on est forcé d’acheter à Liverpool nous
revient à 10 p. c. plus cher qu’à nos voisins et dans 25 passages il répète que
les tissus fins ne sont pas protégés, et quand il ajoute qu’il ne s’est jamais
tenu pour battu, il ne parle que des tissus communs blancs pour lesquels nous
avons toujours dit n’avoir aucune concurrence à craindre. Y trouver autre
chose, c’est lui faire l’application de ce que disait, je crois, un ministre de
France : donnez-nous quatre lignes du plus honnête homme et j’y trouverai de
quoi le faire pendre.
On réclame aussi le témoignage de M. Soyez, agent
du gouvernement près de la fabrique d’Andenne ; je respecte en lui l’homme qui
a mérité la confiance du gouvernement mais sa position est-elle bien telle
qu’il doive nous inspirer toute confiance ?
Je l’estime de la plus haute probité ; mais son
intérêt exige qu’il parle en faveur de la bonté de son établissement auquel le
gouvernement à pris part.
Mais pourquoi pas un mot de l’interrogation de M.
Alexandre, directeur de ce même établissement au nom de M Cockerill ? c’est que
M. Alexandre à lui seul a répandu pour ainsi dire autant de lumières sur la
question cotonnière que l’enquête toute ensemble.
Je vous prie, messieurs, de lire cet
interrogatoire, et de le relire encore avant d’émettre votre vote sur la loi
qui vous est soumise ; vous y verrez la réfutation la plus complète et tous les
arguments par lesquels on vient vous prouver que l’industrie cotonnière est en
prospérité ; vous y verrez combien l’adoption du projet des Flandres promet de
prospérité à
Répondant à un autre orateur dont le discours est
un des plus séduisants que l’on eût prononcés à mon avis, et qui prétend que,
par l’adoption du projet, vous imposez la moitié de la nation au profit de
l’autre, je le prierai de se rappeler que partout où l’industrie a dû être
protégée, elle a toujours fini en un temps très rapproché à amener une
réduction de prix inespérée jusqu’alors ; j’en atteste les faits en Angleterre,
en France, en Belgique, en Prusse, en Russie, partout enfin ; j’en appelle à
une autorité qu’on n’accusera pas d’être rétrograde, celle de Chaptal, dont
l’opinion sur la matière est reproduite dans les feuilles du jour.
M. Desmaisières ayant savamment répondu à toutes
les argumentations de M. Lardinois, je borne ici mes observations sur son
discours, me réservant d’y revenir lors de la discussion des articles.
Un autre orateur a renvoyé ensuite à M.
Desmaisières la réponse qu’il a donnée à l’argument tiré de la situation des
monts-de-piété. Je dirai à cet égard que lorsque l’ouvrier a perdu l’espoir
d’être mis en position de pouvoir retirer un gage qui serait encore chargé
d’intérêts usuraires, il ne le dépose plus, il le vend, et c’est ainsi que
j’explique le nombre de gages retirés et le petit nombre de ceux déposés, les
uns et les autres ont été vendus. Des détails des plus affligeants m’ont été
donnes à cet égard par des personnes dont je n’ai pas lieu de suspecter la
véracité.
Pour diminuer l’importance du débouché de Java, cet
orateur a établi la moyenne de quatre années, c’était la progression qu’il
devait nous présenter pour nous inspirer de la croyance.
Le gouvernement céda, non sans répugnance, dit-il,
à l’établissement d’une société cotonnière ; sans nier les services que cette
société a rendus, nous avons toujours cru avec beaucoup de personnes que ces
services n’auraient qu’une durée éphémère, les sociétaires eux-mêmes
conviennent pour la plupart que la plaie restera toujours ouverte, que par elle
s’écouleront, sans espoir de guérison, tous les fonds que le gouvernement
pourrait réserver à l’encouragement des autres industries parce que là n’est
pas le remède, il n’y en a qu’un, c’est le marché intérieur, garantissez-le et
disposez pour ailleurs des fonds que vous perdez ici sans retour et que vous
pourrez appliquer avec tant d’utilité à d’autres industries.
Il a été répondu aux observations auxquelles ont donné
lieu l’interrogatoire de M. Schumaker, celui du
commissaire du gouvernement sur la prospérité de l’établissement d’Andenne,
comme aussi sur l’accroissement du nombre des machines. Enfin on argumente
d’une plus grande quantité de houilles expédiée du Hainaut pour les Flandres,
donc l’industrie cotonnière a pris plus d’activité. Admirable conséquence !
Mais les bois n’ont-ils pas disparu en partie en
Flandre comme dans les autres provinces du royaume ; dès lors l’emploi du
combustible minéral n’a-t-il pas dû augmenter.
La loi sur les distilleries en aura accru le nombre
en Flandre comme ailleurs, et de là une plus grande consommation de charbons.
Messieurs, je ne fatiguerai
pas plus longtemps votre attention, la discussion des articles présentera
l’occasion de réfuter les arguments qui pourront encore être restés debout ; je
me permettrai seulement encore une observation, c’est que tous les orateurs qui
ont parlé ont été d’accord que cette industrie nationale, comme le prouve M.
Dechamps, mérite toute la sollicitude du gouvernement et la sympathie publique
; mais en émettant des vœux sur une protection à lui accorder, aucun ne vous a
proposé les moyens de la lui assurer d’une manière efficace ; c’est qu’il n’y
en a qu’un, et c’est celui que la section centrale vous a indiqué.
Je terminerai donc en répétant les expressions que
vous a adressées notre honorable collègue, M. Ch. Vilain XIIII : Gand éprouve,
a-t-il dit, depuis cinq ans de graves et de pénibles embarras, il dépend de
vous d’y mettre un terme, d’apaiser bien des haines ; tendez-lui généreusement
la main, elle la pressera en signe de ralliement.
(Moniteur
belge n°255, du 11 septembre 1835) M. le président.
- Je vais mettre la clôture aux voix.
M.
Doignon. - Depuis deux jours, je suis inscrit pour parler dans la
discussion générale. J’ai des observations nouvelles à présenter. Pas un seul
mot n’a été dit sur l’objet dont j’ai à vous entretenir. Je crois qu’il serait
utile que la chambre m’entendît avant d’aborder les articles. Cependant si elle
croyait devoir fermer la discussion, je demanderais qu’au moins on nous permît
d’insérer nos discours au Moniteur.
Plusieurs
voix. - Oui ! oui !
- La chambre, consultée, ferme la discussion.
Elle ordonne ensuite que les discours des membres
inscrits pour parler dans la discussion générale, et qui n’ont pas été
entendus, seront insérés au Moniteur.
Question de principe :
Y aura-t-il recours aux mesures douanières que sont la prohibition, l’estampille
et le droit de rechercher à l’intérieur ?
M.
de Brouckere. - Je crois qu’il faut maintenant poser les questions de
principe. Si elles sont rejetées, si la chambre décide qu’il n’y aura ni
prohibition, ni estampille, ni droit de recherche, il faudra renvoyer le projet
à la section centrale qui devra nous faire de nouvelles propositions. Je crois
que la grande majorité de la chambre pense que l’industrie cotonnière est dans
un état qui mérite de fixer l’attention de la législature. Il est à désirer que
des mesures puissent être prises pour venir a son secours. Si les moyens
proposés par la section centrale ne sont pas admis, il sera nécessaire qu’elle
nous présente un autre travail établi sur d’autres bases.
D’après ces considérations, je persiste dans la
proposition de mettre aux voix le principe de la prohibition ; en second lieu,
on mettra aux voix l’estampille, et en troisième lieu, le droit de recherche à
l’intérieur. Quant à la quatrième question dont a parlé l’honorable M. Smits,
celle de savoir si le droit sera perçu au poids ou à la valeur, je pense qu’il
faut en laisser l’examen à la section centrale qui sera chargée de nous
présenter un nouveau travail. Pour le moment, je pense qu’il ne faut poser à la
chambre que les trois premières questions que j’ai énumérées.
M. A. Rodenbach.
- L’honorable préopinant est dans l’erreur. La question dont a parlé
l’honorable députe d’Anvers et qu’il veut renvoyer à la section centrale est à
mon avis la question essentielle du projet. Le point important est de savoir si
on percevra l’impôt à l’entrée sur la déclaration de la valeur ou d’après le
tarif et le mode présenté par la section centrale. C’est là toute la
difficulté. Ce point éclairci, nous avancerons beaucoup plus vite.
Outre les questions dont on
vous a entretenus, il en est d’autres qui ne sont pas moins importantes. Nous
devons décider le taux auquel nous devrons fixer le droit, et ensuite examiner
les moyens que le gouvernement a entre ses mains pour assurer l’exécution du
tarif. Si nous laissions ces questions de côté, nous serions obligés de
recommencer ce que nous avons fait. La proposition de l’honorable député de
Bruxelles, au lieu d’abréger la discussion, aurait pour effet de la prolonger
beaucoup.
Moi-même, dans l’opinion que je me propose
d’émettre, je poserai un principe qui sera beaucoup plus étendu que celui de
l’honorable député de Bruxelles.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ne pense pas que
l’honorable député de Bruxelles veuille exclure toute discussion quand les
questions seront posées. L’honorable M. Rodenbach ne l’a pas compris. Lorsque
la question du mode de perception sera posée, elle sera discutée, et la chambre
verra si elle est assez éclairée pour la décider. Jusqu’ici cette question n’a
pas été examinée, et je me réserve de prendre la parole sur cette question qui
concerne plus particulièrement le département des finances.
M.
C. Rodenbach. - Je pense qu’il conviendrait de mettre un intervalle
entre la discussion générale et la discussion des articles, par suite des
nouveaux avis envoyés par les chambres de commerce qui présentent d’autres
moyens que la section centrale. Ne pourrait-on pas renvoyer le tout à la
section centrale pour faire un rapport sur ces documents et remettre la
discussion à lundi ? C’est selon moi le seul moyen de faire une bonne chose.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - L’honorable préopinant est dans
l’erreur, quand il dit que les chambres de commerce ont proposé de nouveaux
systèmes. Elles ont été appelés à donner leur avis sur la prohibition,
l’estampille et la recherche à l’intérieur, mais elles n’ont rien proposé de
nouveau.
M.
de Brouckere. - J’ai demandé la parole pour faire connaître que jamais
mon intention n’a été d’empêcher qu’une discussion s’ouvrît sur la question de
savoir si le droit serait perçu à la valeur ou au poids. Mon intention était
qu’une discussion roulât sur cette question, mais plus tard. La chambre n’est
éclairée que sur les questions de prohibition, d’estampille et de recherche à.
l’intérieur ; la discussion générale n’a porté que sur ces points.
Il est certain que quand vous les aurez résolus,
nous aurons d’autres questions à décider. Mais la chambre verra si après avoir
résolu les premières questions, elle croit devoir entamer celle du mode de
perception du droit, ou s’il ne vaut pas mieux charger la commission de revoir
son travail. Cette commission pourrait s’entourer de nouvelles lumières qui
faciliteraient son nouveau travail et abrégeraient la discussion. C’est un
point que la chambre décidera plus tard ; mais pour le moment, je le répète,
elle doit se borner à prononcer sur les questions de prohibition, d’estampille
et de recherche à l’intérieur.
M.
de Jaegher. - Dans les calculs que vous a présentés M. Smits, il ne
vous a pas parlé de la quantité de kil. de cotons bruts entrés de 1828 à 1830 ;
il a opposé les quantités entrées de 1824 à 1827 à celles entrées de 1831 à
1834. Et cette comparaison s’est trouvée défavorable aux premières années.
M. le ministre de l’intérieur doit avoir demandé
des renseignements à une chambre de commerce du chef-lieu d’une province
voisine, sur les cotons bruts entrés de 1828 à 1830. Je pense qu’il a reçu ces
renseignements, ne jugerait-il pas à propos de les communiquer à la chambre ?
M. Desmaisières.
- Au point où est arrivée la discussion, nous sommes tous d’accord, je crois,
sur un principe, c’est qu’il y a lieu de faire une loi protectrice de
l’industrie cotonnière.
M. Lebeau et plusieurs
membres. - Mais, c’est la question en discussion !
M. Desmaisières.
- Mais nous ne sommes pas d’accord ni sur la prohibition, ni sur l’estampille,
ni sur la visite domiciliaire.
Jusqu’ici aucun des membres qui nous ont combattus
n’a proposé d’autre mode d’exécution à substituer à celui de la section
centrale. Maintenant, aussi longtemps qu’on ne nous en a pas présenté d’autre,
nous sommes obligés de persister dans celui que nous avons cru le seul capable
de rendre la loi une vérité, car si nous faisons une loi, il faut qu’elle soit
efficace. Nous savons que de nouveaux avis ont été demandés par le ministre de
l’intérieur aux chambres de commerce sur l’estampille et les visites
domiciliaires ; nous venons même d’ordonner l’impression de ces documents qui
doivent nous éclairer. Pour savoir quel vote nous devrons émettre par suite de
ces nouvelles lumières, je crois que nous ne devons pas voter sur les questions
de principe posées par M. de Brouckere sans avoir préalablement un nouveau
rapport de la commission. MM. les ministres de l’intérieur et des finances
pourraient se rendre dans le sein de la commission, y présenter leurs
observations, et je crois qu’il y aurait moyen de se mettre d’accord et
d’arriver à un mode d’exécution qui obtiendrait l’assentiment de l’unanimité
des membres de cette chambre. La loi qui nous occupe. messieurs, est très grave
et nous devons désirer qu’elle soit votée à l’unanimité ou à la presque
unanimité des membres de la représentation nationale.
Pour ce qui concerne la
prohibition, je déclare quant à moi, dès à présent, que j’accepterai toute
proposition de droits sur les articles pour lesquels nous avons demandé la
prohibition pour autant que le droit serait accompagné d’un mode d’exécution
convenable, d’un mode qui assure la perception du droit.
Je demande donc que pour le moment on ne se
prononce sur aucun principe, et qu’on donne le temps aux ministres de conférer
avec la section centrale dans le sein de laquelle pourront se rendre les
membres qui auront des propositions à faire. De cette manière on pourra arriver
à un système qui nous mette tous d’accord.
M. Smits. - J’ai
demandé la parole pour répondre à la question posée par l’honorable M. de Jaegher. Si dans les calculs que
j’ai présentés j’ai pris pour points de comparaison des années antérieures à
1828, c’est parce que les travaux statistiques des Pays-Bas se sont arrêtés à
cette année. Le gouvernement hollandais, lors de la révolution ayant emporté
toutes les archives, il n’est resté aucun document pour établir des calculs.
J’ai été obligé de faire venir d’Amsterdam le livre où sont consignés ceux sur
lesquels je me suis appuyé, mais ils ne vont que jusqu’à 1828.
Quant aux renseignements
qu’une chambre de commerce aurait fournis sur ce point, je n’en ai pas
connaissance, je ne sais pas même de quelle chambre de commerce il a voulu
parler.
M. de Jaegher.
- C’est de Gand !
M.
Smits. - Voilà les motifs pour lesquels j’ai dû baser mes calculs sur
les importations de 1825, 1826 et 1827. C’est parce que je n’ai pas pu me
procurés de documents officiels sur les années subséquentes.
M. Pirmez. - Un des
honorables préopinants, en parlant sur la position de la question, pour écarter
la proposition de M. de Brouckere, est parti d’une base fausse. Il a dit que
tout le monde était d’accord sur ce point, qu’il fallait protéger l’industrie
cotonnière. La question est de savoir de quelle manière on pourra la protéger.
C’est pour faire cette recherche que M. de Brouckere a fait sa proposition.
M. le ministre des
affaires étrangères (M. de Muelenaere). Messieurs ce que vient de vous
dire l’honorable préopinant prouve malheureusement que les débats auxquels on
s’est livré pendant plusieurs jours n’ont fait faire aucun pas à la discussion.
Car on met en doute s’il faut accorder à l’industrie cotonnière une protection.
On vient de déclarer qu’on n’était pas d’accord sur ce point. Or, c’est ce
point qui doit dominer la discussion, c’est la question de savoir si
l’industrie cotonnière par l’importance qu’elle a en Belgique, par le rôle
qu’elle joue parmi les autres industries, par l’état dans lequel elle se trouve
en ce moment, est digne de fixer l’attention de la chambre, mérite oui ou non
d’être protégée.
M. Gendebien. -
Comme les autres industries.
M. le ministre des
affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Voilà une question première.
Cette protection selon nous, doit être réelle,
efficace. Il est incontestable que nous qui réclamons en faveur de l’industrie
cotonnière parce que nous avons la conviction qu’elle est souffrante, nous ne
voulons pas d’une protection illusoire, mais d’une protection qui produise des
effets. Or, pour pouvoir se prononcer sur les différentes questions qui vont
être successivement soumises à notre délibération, il faut nécessairement
savoir en cas de rejet de ces questions, quels moyens vous emploierez pour
rendre efficace et réelle la protection que vous accorderez à l’industrie
cotonnière. Si vous mettez aux voix la question de savoir si on doit admettre
la prohibition, je vous avoue que dans l’état actuel des choses, je n’en sais
rien.
La prohibition est peut-être un mal en principe
général, mais si vous n’avez pas d’autre moyen de faite droit à de justes
réclamations, qu’en admettant la prohibition, l’estampille et le droit de
visites et de recherches, si vous n’avez pas d’autre moyen de venir au secours
de l’industrie cotonnière, il faudra bien y recourir, parce que selon moi,
c’est un devoir pour nous de lui accorder une protection réelle. Si dans les
débats, comme vient de le faire observer très judicieusement l’honorable M.
Desmaisières, on indiquait d’autres moyens d’atteindre le but que nous nous
proposons, si on proposait un moyen qui conciliât ce que l’on doit au commerce
de détail, ce qu’on doit aux particuliers et en même temps ce que l’on doit à
cette industrie dont l’état mérite toute votre sollicitude, mais évidemment,
nous voterions pour ce moyen-là. Mais dans l’état actuel, de la discussion,
aussi longtemps que personne ne proposera de mesure qui puisse assurer la
perception du droit, je ne puis me prononcer sur la prohibition, l’estampille
et le droit de recherche. Dans l’opinion de plusieurs autres membres aussi ce
sont les seuls moyens de rendre la loi efficace, ils ne peuvent y renoncer
qu’autant qu’on leur en présente un autre.
Si vous n’assurez pas la perception du droit, la
protection que vous accorderez à l’industrie cotonnière sera illusoire, elle
sera même un mal, car en lui accordant une protection qui n’est pas réelle,
vous ne ferez qu’accumuler des désordres dont la chute de l’industrie
cotonnière serait le signal dans le pays. C’est là ce que nous voulons éviter.
Nous ne demandons pas mieux qu’on emploie les
mesures les plus douces et les moins vexatoires, mais c’est à la condition
qu’elles seront efficaces, qu’elles assureront la perception des droits que
vous établirez et que ce droit au lieu de favoriser ne deviendra pas une
nouvelle prime à la fraude, n’enrichira pas les fraudeurs, au lieu de favoriser
les fabricants et les ouvriers.
Vous voyez donc que si vous
mettez aux voix les questions de savoir s’il y aura prohibition, estampille et
recherches à l’intérieur, la plupart des membres se trouveraient hors d’état de
se prononcer sur cette question. Dans le doute, ils devront se prononcer pour
la prohibition, l’estampille et les visites domiciliaires, aucun autre moyen
n’étant présenté pour assurer une protection régulière ; on devrait examiner la
question de savoir s’il y a d’autres moyens qu’on puisse substituer
efficacement à ceux proposés par la section centrale.
Y a-t-il d’autres moyens que la prohibition,
l’estampille et les visites domiciliaires ? Si on peut me le prouver, je
m’empresserai de les adopter, mais jusque-là, je le répète, je suis hors d’état
de me prononcer.
M. A. Rodenbach.
- Dans la section centrale, je me suis prononcé avec la minorité contre la
prohibition, l’estampille et la visite domiciliaire. Si la chambre veut me
permettre d’énoncer mon opinion, je démontrerai qu’il existe d’autres moyens de
rendre la loi efficace.
Plusieurs
voix. - Vous le ferez après !
M.
A. Rodenbach. - Il y a des orateurs qui ont dit qu’ils ne pouvaient pas
voter sur la prohibition, l’estampille et la recherche à l’intérieur tant qu’on
ne leur aurait pas démontre qu’il existe d’autres moyens d’assurer une
protection efficace à l’industrie cotonnière. Ainsi vous allez mettre ces
honorables membres dans le cas de ne pouvoir voter. Si j’ai bien compris M. le
ministre des affaires étrangères, lui aussi veut avant de voter sur la
proposition de la section centrale, savoir s’il y a d’autres moyens de donner une protection réelle à l’industrie
cotonnière. Si on veut me le permettre, je suivrai le ministre sur ce terrain
et j’essaierai de lui démontrer que ces moyens existent.
Cependant si la chambre le juge à propos, je le
ferai plus tard.
M. Dumortier. -
La question n’est pas de savoir si l’industrie cotonnière mérite ou ne mérite
pas de fixer l’attention de la chambre, si elle est digne ou si elle n’est pas
digne de figurer parmi les industries du pays, ce sont là des mots, rien que
des mots. A coup sûr l’attention que la chambre a prêtée à la discussion qui
nous occupe depuis quatre jours a prouvé qu’elle accueillait les réclamations
de l’industrie cotonnière aussi bien que celles de quelque industrie que ce
soit.
Nous voulons tous comme le ministre des affaires
étrangères venir au secours d’une industrie qu’il appelle nationale, mais qui
n’est pas plus nationale que toutes les autres industries, mais qui est tout
aussi nationales qu’elles ; nous voulons tous lui assurer protection, car je ne
pense pas que personne ait demandé la suppression des droits qui existent à
l’entrée sur les fabricats de cotons étrangers.
Messieurs, il y a ici deux ordres de systèmes en
présence.
D’abord ce qui est relatif à l’introduction dans le
pays des marchandises étrangères (et je montrerai qu’il y a trois systèmes),
ensuite les moyens coercitifs pour prévenir et pour réprimer la fraude.
Quant à l’introduction des marchandises étrangères,
il y a des droits existants, et ces droits ne sont pas peu de chose sur
certains produits. On a proposé, je le sais, de modifier le tarif, et d’établir
les droits à la valeur. Puis vient la section centrale, qui vous propose des droits
infiniment élevés, et la prohibition, soit nettement, soit sous l’apparence de
droits protecteurs, enfin la prohibition absolue, ou la prohibition presque
absolue. Voilà donc trois systèmes : modifications au tarif ; droits équivalant
à la prohibition ; prohibition absolue.
A côté de ces systèmes, s’en présente un que l’on
tenté pour la première fois d’introduire dans le pays ; c’est le droit de faire
des visites domiciliaires, le droit de fouiller dans le domicile des citoyens.
De telles recherches sont odieuses à la société, et elles le seront toujours
quoi qu’on fasse. Voici la question qui domine toute la discussion :
Admettra-t-on ou non les visites domiciliaires ? Admettrez-vous dans l’intérêt
de 3 ou 4 fabricants, un système dont tout le pays aurait à souffrir ? Voila
toute la question. C’est sur ce terrain que je la place. C’est donc là
évidemment ce qu’il faut mettre aux voix.
Je suis parfaitement d’accord avec l’honorable M.
de Brouckere. Si vous ne commencez pas par résoudre la question qu’il a posée,
vous ne résoudrez rien.
Que demande-t-on ? Le renvoi à l’examen de la
section centrale de tout ce qui a été fait et dit. Mais l’assemblée doit savoir
que la section centrale a fait son rapport. Elle n’a donc plus de rapport à
faire.
Elle a terminé sa besogne, quant au rapport ; elle
n’a plus qu’à défendre les conclusions qu’elle a présentées. Pour qu’il y eût
lieu à un rapport de la section centrale, il faudrait que vous eussiez adopté
un système quelconque qui ferait la base de ce rapport.
Si vous adoptez la
proposition de M. de Brouckere, vous déciderez qu’il n’y aura ni visites
domiciliaires, ni estampille. Qu’il y eût alors un rapport sur les autres
moyens de protéger l’industrie cotonnière, je le comprendrais. Mais à quoi bon
un rapport de la section centrale, alors que vous n’avez rien décidé ? Car la
section centrale composée des mêmes personnes, ayant se prononcer sur les
questions sur lesquelles elle vous a déjà présenté un rapport, ne pourra que
répéter ce qu’elle a dit et vous aurez allongé la discussion sans aucun profit.
La discussion fait au contraire un grand pas, si vous décidez d’abord la
question de savoir s’il y aura des visites domiciliaires. Si cette question est
résolue négativement, nous aviserons alors à d’autres moyens de protéger
l’industrie cotonnière, à des moyens vigoureux de réprimer la fraude.
Nous ferons à cet égard comme en Prusse,, comme en
Angleterre. Car l’estampille et la visite domiciliaire ne sont pas les seuls
moyens qu’il y ait de protéger une industrie. Comme je l’ai dit hier, en France
les cotons ne sont soumis ni à l’estampille, ni à la visite domiciliaire, et
les fabricants de tissus de coton sont néanmoins suffisamment protégés.
Avant de demander un rapport à la section centrale,
je demande que vous décidiez si vous admettez oui ou non l’estampille et la
visite domiciliaire. Je demande que cette question soit mise aux voix.
M. Rogier. - Je
viens, messieurs, appuyer la proposition de M. de Brouckere. Je crois qu’il est indispensable, si nous voulons
avancer un peu, de résoudre la question qu’il a soumise à la chambre. En effet,
la discussion générale a surtout porté sur la prohibition et ses conséquences.
Je crois même que la discussion eût été de part et d’autre moins animée, moins
chaleureuse, si la section centrale avait proposé un système plus raisonnable,
plus en harmonie avec les précédents de la chambre et les habitudes du pays.
Remarquez que la section centrale a déjà, jusqu’à
un certain point, modifié son opinion, puisque son honorable rapporteur a dit
qu’il n’était pas éloigné d’adopter un système qui s’écarterait de celui qu’a
proposé la section centrale.
Mais il ne faut pas croire que tout sera décidé,
quand vous aurez résolu la question relative à la prohibition et à ses
conséquences. Il y a une multitude de questions. Je pourrais en citer plus
d’une. Il y a entre autres celle-ci : Les cotons filés seront-ils soumis au
même tarif que les tissus teints et imprimés ?
On croit qu’il y aura nécessité d’augmenter les
droits sur les tissus imprimés, attendu que nous ne savons pas faire ces tissus
aussi fins qu’en Angleterre et en Suisse. En même temps on propose d’établir
des droits sur les cotons fins filés. Rien n’est plus difficile à introduire ;
et cependant on veut en même temps prohiber l’entrée des tissus de coton fins.
Voilà donc une première grande division à examiner, après qu’on aura résolu la
question de prohibition.
Maintenant quel sera le montant des droits, la base
des droits ? Cette question n’a pas été touchée.
Quant à nous, nous voulons protéger l’industrie
cotonnière. Il faut que cette industrie soit protégée comme toutes les autres.
Elles ont toutes des droits égaux à notre intérêt. Mais il n’y a pas de motifs
pour admettre des droits énormes, des droits exorbitants et inopéraux,
comme l’a très bien dit la chambre de commerce de Gand.
Nous voulons pour la
fabrique des tissus de coton une protection aussi efficace que celle que
demande pour cette industrie M. le ministre des affaires étrangères. Seulement
j’ai vu avec surprise qu’il n’était pas d’accord avec M. le ministre de
l’intérieur sur les moyens de protéger cette industrie, car il est évident que
l’honorable M. de Theux s’est prononcé d’une manière absolue contre la
prohibition, l’estampille et les visites domiciliaires. De son côté, M. le
ministre des affaires étrangères n’est pas éloigné d’admettre la prohibition,
si on ne trouve pas d’autres moyens de protéger l’industrie cotonnière. Quant
aux autres moyens, il dit à la chambre : Cherchez ! J’aurais voulu que M. le
ministre des affaires étrangères aidât la chambre de ses lumières, pour trouver
un système plus en harmonie avec le tarif en vigueur et avec les habitudes du
pays que ne l’est la proposition de la section centrale.
Ce serait avec grand plaisir que je rétablirais
l’hommage que j’avais adressé au cabinet tout entier, le croyant unanime pour
repousser le système proposé.
M. Desmet. - Je ne
puis appuyer la proposition de l’honorable M. de Brouckere.
Jusqu’à présent il n’a pas été soumis à la chambre
de propositions tendant à changer la proposition de la section centrale.
L’argument qu’a fait valoir l’honorable préopinant, à savoir que la question de
la prohibition n’est pas la seule, que cette question une fois résolue, il s’en
présente encore une multitude d’autres ; cet argument, dis-je, va directement
contre la proposition de M. de Brouckere, et fait sentir la nécessité de voter
article par article, comme le propose la section centrale.
Nous sommes tous d’accord
sur la nécessité de protéger l’industrie cotonnière. Mais nous ne sommes pas
sur les moyens. On demande : Faut-il ou non établir la prohibition ? Mais vous
ne pouvez pas résoudre cette question avant d’avoir arrêté le tarif. C’est
seulement quand vous aurez voté le tarif que vous pourrez décider si la quotité
des droits rend ou non la prohibition nécessaire.
Qu’a dit l’honorable M. Dumortier ? Qu’il faut voir
si le pays peut ou non supporter les recherches à l’intérieur, conséquence de
la prohibition. Non, messieurs, ce n’est pas là la question. La question est de
savoir si l’intérêt du pays est que l’on protège l’industrie cotonnière. Or,
pour savoir sur ce point l’opinion de la chambre, pour savoir le degré de
protection qu’elle veut accorder à cette industrie, il n’y a qu’un moyen, c’est
de voter sur les articles du tarif proposé par la section centrale.
M.
Gendebien. - Je crois que la discussion a été assez longue pour ne pas
la prolonger ; je me bornerai à une seule observation qui, je pense, pourra
arrêter les débats. Le pays souffrirait-il ou non le droit de visite
domiciliaire ? J’ose dire que l’immense majorité du pays ne le souffrirait pas.
Dès l’instant que la nation ne souffrirait pas
paisiblement le droit de visite domiciliaire, que devient le système de
prohibition et l’estampille dont le droit de visite domiciliaire est la
conséquence nécessaire ?
Je le répète, la question de savoir si le pays
souffrirait les visites domiciliaires est celle que vous devez résoudre avant
tout. Pour moi, je dis : Non, le pays ne le souffrirait pas. Qu’on aille donc
aux voix, que la chambre prononce sur cette question que je considère comme
préalable.
M.
Lejeune. - Messieurs, la motion faite par MM. de Brouckere et Smits
tend à démembrer pièce à pièce la proposition de la section centrale, sans que
l’on mette rien à sa place.
Je crois que la majorité de la chambre est
convaincue que l’industrie cotonnière est en souffrance, et qu’il faut venir à
son secours. Mais les membres de la chambre ne sont pas d’accord entre eux sur
les moyens de la secourir.
Que ceux qui croient qu’il y a des moyens de
protéger l’industrie cotonnière autres que ceux proposés par la section
centrale veuillent bien les soumettre à notre examen. Mais, avant cet examen,
il ne faut pas exclure la proposition de la section centrale.
Je déclare, quant à moi que mon vote dépendra des
amendements ou des propositions que l’on fera ; mais je ne puis rejeter
d’emblée la proposition de la section centrale, sans savoir ce que l’on propose
de mettre à sa place.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Messieurs, on dit toujours que l’on ne propose
aucun système à substituer à celui présenté par la section centrale. C’est là
une grave erreur. Déjà des amendements ont été présentés qui établissent un
système différent. L’honorable M. A. Rodenbach a voulu tout à l’heure
développer aussi un nouveau système.
Si vous admettez la
proposition de la section centrale, vous avez comme moyens d’exécution
l’estampille et les recherches à l’intérieur. Si vous admettez un autre
système, les moyens d’exécution ne nous manqueront pas non plus. Plusieurs déjà
ont été indiqués ; et je me réserve, dans ce cas, de soumettre à la chambre un
projet tendant à renforcer le service de la douane, et à assurer davantage la
répression de la fraude. (Approbation
dans toutes les parties de l’assemblée.)
Lorsque la chambre aura décidé la question de la
prohibition, si elle la résout négativement, j’aurai à soumettre à la chambre
divers moyens tendant à assurer une protection efficace à l’industrie
cotonnière. (Nouvelles marques
d’approbation générale.)
M. Desmet. - Je
demanderai à M. le ministre des finances si le tarif étant seulement révisé, il
pourrait en garantir l’exécution.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je pourrais retourner cette question, et
demander à l’honorable M. Desmet si l’estampille et les recherches à
l’intérieur étant adoptées, il pourrait garantir l’exécution de ces mesures.
Mais je pense que si le tarif est révisé de manière à présenter des droits
assez élevés pour protéger efficacement l’industrie cotonnière mais non tellement
élevés qu’ils offrent un appâté la fraude, je pense, dis-je, qu’alors il sera
possible d’assurer l’exécution du tarif. Voilà mon opinion sur ce point de la
question.
Un grand nombre de membre. - La clôture.
M.
Desmet. - Je demande la parole contre la clôture.
Il y a eu trois motions d’ordre Ces motions n’ont
pas été discutées. Je demande que la chambre me permette de dire deux mots sur
ces motions. (Aux voix ! aux voix !)
M. A. Rodenbach.
- Je demande que la chambre se prononce d’abord sur ma motion d’ordre, tendant
à résoudre cette question : « Y aura-t-il ou non augmentation des droits
protecteurs de l’industrie cotonnière ? » Quand on devra discuter cette
question, on viendra alors aux motions de MM. de Brouckere et Desmet. Si nous
ne suivons pas cet ordre, nous resterons trois heures sans rien décider.
M. le ministre des
affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Il me semble que l’on n’est
pas d’accord sur la position de la question.
M.
le président. - La clôture n’a lieu que sur la motion d’ordre. Aux
termes du règlement on peut toujours avoir la parole sur la position de la
question. Apres la clôture prononcée on pourra se mettre d’accord sur la
position de la question.
- La clôture sur la motion d’ordre est mise aux
voix et prononcée.
La proposition d’ajournement de la discussion à
lundi, faite par M. Rodenbach, est mise aux voix ; elle n’est pas adoptée.
M.
le président. - Je vais maintenant mettre aux voix la question de
savoir si l’on votera par questions de principes ou article par article.
M.
Desmaisières. - Je demande la parole sur la position de la question.
Messieurs, il y a plusieurs principes : Il y a le
principe de prohibition, et les principes d’exécution. Si vous décidez la
question de prohibition, avant d’entrer dans l’examen du tarif, cela reviendra
à dire que vous votez sur les moyens d’exécution avant de savoir ce qu’il y
aura à exécuter. (Aux voix ! aux voix !)
M.
F. de Mérode. - Il me semble que M. Desmaisières a raison. J’appuie son
opinion. (Aux voix ! aux voix !)
- La question de savoir si la chambre votera par
questions de principe est mise aux voix et résolue affirmativement.
M.
A. Rodenbach. - Je demande la parole pour obtenir la priorité pour ma
motion d’ordre. Y aura-t-il augmentation de protection pour l’industrie
cotonnière ? Voilà comment j’ai formulé ma motion d’ordre. Je demande que la
chambre lui donne la priorité sur celle de M. de Brouckere.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Il me semble que la longue discussion qui nous
occupe prouve évidemment que nous sommes d’accord sur ce point qu’il faut
modifier l’état actuel de la législation, de manière à protéger l’industrie
cotonnière. (Adhésion.)
Dès lors, je ne vois pas l’utilité de la question
posée par l’honorable M. A. Rodenbach.
M.
Gendebien. - Je ne conçois pas que l’on mette aux voix la question de
savoir si l’on protégera ou non l’industrie cotonnière. Car, d’après le texte
et l’esprit de la constitution, nous devons protection à toutes les industries.
Pour moi, je suis le premier à dire que nous devons protection à l’industrie
cotonnière comme à toute autre industrie. C’est donc un véritable non-sens, que
de demander si on la protégera ou non. Car si vous décidez que vous ne la
protégerez pas, vous manquez à votre mandat et à la constitution. Si vous
décidez que vous la protégerez, vous faites un non-sens, puisque c’est là une
obligation qui dérive de vôtre mandat.
Toute la question est dans les moyens de
protection. Adopterez-vous les mesures vexatoires de l’estampille et des
visites domiciliaires ? C’est là une première question. Cette question une fois
résolue (et il faut la résoudre, car c’est là un point capital),vous aviserez
aux moyens de protéger l’industrie cotonnière.
Je pense donc qu’on ne peut donner la priorité à la
proposition de l’honorable M. A.
Rodenbach.
M.
Dechamps. - Je suis parfaitement d’accord avec l’honorable préopinant
sur ce point qu’il ne s’agit pas de savoir si l’on protégera ou non l’industrie
cotonnière, puisque nous devons protection à toutes les industries. Mais je
pense que le préopinant n’a pas compris l’honorable M. A. Rodenbach. Car il y a un système défendu par M. Pirmez qui
consiste à ne pas accorder à l’industrie cotonnière une protection plus large
que celle dont elle jouit maintenant. Vous voyez donc que l’on peut poser cette
question : « Y aura-t-il des moyens de protection autres que ceux existant
d’après la législature actuelle ? »
M. A. Rodenbach.
- C’est ce que j’ai dit.
M. de Brouckere.
- Je ferai une observation sur l’inutilité de la proposition de l’honorable M. A. Rodenbach. Car nous voulons
(j’allais dire nous voulons tous, mais il paraît qu’il y a un honorable membre
qui ne le veut pas) ; nous voulons, en très grande majorité, faire pour les
fabricants de coton et leurs ouvriers tout ce qu’il est possible de faire, sans
blesser les intérêts généraux, les intérêts de la masse des habitants. Quand je
dis nous voulons, je parle en mon nom et en celui de mes amis politiques.
M.
A. Rodenbach. - Il ne s’agit pas de politique.
M.
de Brouckere. - De quoi donc s’agit-il alors ?
Nous devons examiner si les moyens proposés par la
section centrale : la prohibition, l’estampille et les recherches à l’intérieur
sont contraires à l’intérêt général. Nous devons nous prononcer sur les moyens
de protéger l’industrie cotonnière. Mais il est impossible de mettre en question
si nous protégerons ou non cette
industrie.
M.
Pirmez. - Je suis parfaitement d’accord avec les honorables
préopinants, MM. Gendebien et de Brouckere. Je veux protection à tous dans
l’intérêt général. Mais je veux que l’on protège simultanément l’industrie et
le consommateur C’est ainsi que je entends.
M.
A. Rodenbach. - Messieurs, je demande que ma proposition soit mise aux
voix pour l’effet moral qu’elle doit avoir à l’égard des fabricants des tissus
de coton et de leurs 80 mille ouvriers, auxquels elle prouvera l’intérêt que la
chambre porte à leur industrie.
M.
Desmaisières. - J’appuie la motion de l’honorable préopinant et je me
joins à lui pour demander qu’elle ait la priorité. Mais je voudrais qu’elle fût
formulée comme l’a indiqué l’honorable M.
Dechamps.
M. Coghen - Il me
semble que les débats qui viennent d’occuper la chambre pendant ces quatre jours,
prouvent assez l’intérêt qu’elle porte à l’industrie cotonnière et suffisent
pour produire l’effet moral que l’honorable M. A. Rodenbach attend de sa
proposition. Je pense donc que cette proposition ne doit pas avoir la priorité.
M. Gendebien. - J’insiste pour qu’on mette
d’abord aux voix la question posée par l’honorable M. de Brouckere : Y
aura-t-il prohibition, estampille et visites domiciliaires ? J’insiste sur ce
point, parce que, à la manière dont l’entend M. le ministre des affaires
étrangères, une fois que vous aurez décidé qu’il faut protéger l’industrie
cotonnière, il n’y a pas d’autre moyen que la prohibition et les visites
domiciliaires, il faudra en passer par là. Eh bien, je dis, moi que le pays ne
veut pas de visites domiciliaires.
M.
Desmet. - Moi, je dis le contraire.
M. Gendebien. -
Non, messieurs, le pays ne le veut pas, et vous adoptiez de telles mesures, le
peuple désobéirait à la loi. (Dénégations
dans une partie de l’assemblée.) Oui, messieurs, c’est un moyen vexatoire
et inexécutable. Il faut dès à présent que vous vous prononciez sur la question
de savoir si vous voulez ou non y recourir.
M. Legrelle. -
Je n’examinerai pas si le peuple désobéira à la loi. Le peuple a le sentiment
de son devoir ; et son premier devoir est d’obéir à la loi.
M. Gendebien. -
Et vos Anversois, pour le cadastre. Comme ils ont obéi à la loi alors ! (Hilarité générale.)
M. Legrelle. -
Je n’ai jamais dit que la loi n’était pas exécutable, quant au cadastre. J’ai
dit qu’elle n’était pas exécutée selon toutes les formes prescrites par la loi,
et qu’une partie de la nation, lésée par cette non-exécution de la loi, avait
le droit de protester et de faire entendre ses doléances.
Je reviens à l’objet en discussion.
Je crois qu’il est
rationnel de commencer par la proposition de l’honorable M. A. Rodenbach. Mais voici dans quels
termes je voudrais qu’elle fût conçue : « Y aura-t-il un changement au
tarif actuel ? » Car si nous décidons qu’une plus grande protection sera
accordée à l’industrie cotonnière, peut-être viendra--t-on dire que le seul moyen
d’accorder cette protection c’est d’établir la prohibition, l’estampille et les
recherches à l’intérieur.
Ce n’est pas dans ce sens que j’entends une
augmentation de protection. Voici mes principes. Je veux ce qui est favorable à
l’intérêt général : je veux accorder toute modification au tarif que je croirai
pouvoir être accordée. Je demande donc que la question soit posée de cette
manière :
« Y aura-t-il des modifications au tarif
actuel ? »
M. Dumortier. -
La proposition que j’ai déposée sur le bureau est relative à celle de M. de Brouckere. Je ne m’oppose pas à
ce qu’on mette aux voix celle de M.
Dechamps.
M.
le président. - Je vais mettre aux voix la question de savoir si l’on
accordera la priorité à la proposition de M. Dechamps.
M. Dumortier. - Il faut nous entendre. Il me
semble que la rédaction de cette proposition est vicieuse. Qu’entend-on par
d’autres moyens de protection ? Entend-on des moyens autres que ceux de douanes
et de tarifs ? (Non, non.) Il
faudrait employer le mot de modifications.
M. Dechamps. -
Pour qu’il n’y ait aucun doute sur ma proposition, je me rallie à l’amendement
de l’honorable M. Legrelle.
Ainsi, au lieu d’autres moyens de protection, je dirai des modifications au
tarif actuel.
M. A. Rodenbach.
- Je me rallie à l’amendement de M.
Dechamps.
M. Lardinois. -
M. Desmaisières a fait une proposition plus simple. Le tarif actuel est-il
suffisant pour protéger l’industrie cotonnière ? (Bruit.)
Par la proposition de M. Legrelle vous n’exprimez
aucune opinion. Celle de M. Desmaisières est plus positive. Moi, je répondrai
pour ma part que le tarif actuel est suffisant. Je veux savoir si la protection
que l’on accordera à l’industrie cotonnière entraînera la perte d’antres
industries.
Plusieurs voix. - L’on n’est pas
lié par le vote.
M. Lardinois. -
Je demande la priorité pour la proposition de M. Desmaisières.
- La question de priorité, soumise au vote de la
chambre, est décidée en faveur de la proposition de M. Legrelle.
La question posée par M. Legrelle : « Y
aura-t-il des modifications au tarif actuel ? » est résolue
affirmativement par l’assemblée.
M. C. Rodenbach.
- La chambre n’a rien décidé. Il faut mettre aux voix maintenant la proposition
de M. Desmaisières. (Bruit.)
M. le président. -
La chambre veut-elle que je mette aux voix la proposition de M. Desmaisières.
Une
partie de l’assemblée. - Non, non.
M. Desmaisières
(au milieu du bruit). - Nous voulons une solution franche. Il ne faut pas de
biais.
M. Dumortier. -
Permettez, avant de voter, il s’agit de savoir si la chambre ne voterait pas
deux fois la même chose. Il ne faut pas que l’assemblée se rende ridicule.
M. le président. -
La chambre semble demander la question préalable.
Plusieurs
membres. - Oui, oui.
M. le président. -
Je vais la mettre aux voix.
- La question préalable sur la proposition de M.
Desmaisières n’est pas adoptée.
M. le président. -
Je vais consulter maintenant la chambre sur la priorité de la proposition.
M. Desmaisières.
- Je demande l’appel nominal.
Plusieurs
membres. - Je demande la parole.
M. Desmanet de
Biesme. - S’agit-il de voter la question de priorité ou la proposition
même ?
M.
le président. - Il s’agit de la question de priorité.
- La priorité de la proposition de M. Desmaisières
est mise aux voix et adoptée.
M.
le président. - La proposition de M. Desmaisières est ainsi conçue :
« Le tarif actuel est-il suffisant pour protéger
l’industrie cotonnière ? »
M. Gendebien. -
La question posée par l’honorable M. Desmaisières a été décidée par le vote de
la chambre sur la proposition de M. Dechamps.
Si l’on persiste à la mettre aux voix, je
m’abstiendrai.
M.
Legrelle. - M. Desmaisières entend-il demander si le tarif dans son
ensemble est suffisant, ou si certaines parties du tarif ne sont pas
suffisantes pour protéger l’industrie cotonnière. (Bruit.) Quand j’ai présenté ma proposition, j’ai voulu savoir si
une partie du tarif actuel était susceptible d’être modifiée. La chambre a
répondu affirmativement, Si maintenant la proposition de M. Desmaisières
signifie la même chose, il est inutile de la mettre aux voix. Si elle a une
autre portée, il faut que nous connaissions le tarif. Il s’ensuit qu’il faut examiner
le tarif afin de décider la question. (Non,
non.)
M.
Dumortier. - Je suis fâché de devoir prendre la parole.
Plusieurs
voix. - Laissez voter et abstenez-vous.
M. Dumortier. -
Que demande M. Desmaisières ? C’est ce que je ne comprends pas. Il demande que
nous répondions comme les jurés en notre âme et conscience, si le tarif actuel
est suffisant, nous sommes forcés de convenir qu’il est suffisant. Il résulte
des déclarations mêmes des fabricants qu’on ne peut au moyen du tarif actuel
introduire une seule pièce de calicot dans le pays.
M. Desmaisières.
- Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. Dumortier. -
Ne m’interrompez pas ou citez l’article du règlement...
M. Desmaisières.
- L’on ne peut parler sur le fond de la question au moment de voter lorsque
l’on demande l’appel nominal.
M. Dumortier. -
Loin de clore la discussion, la chambre n’a pas même mis la question en
discussion. Nous pouvons donc discuter la question en elle-même, et démontrer
son absurdité. Votre rappel au règlement ne tient point puisque la discussion
n’a pas été entamée. Vous n’avez donc pas le droit de m’interrompre. Maintenant
je continue. (Hilarité.) De deux
choses l’une : ou la portée de la proposition de M. Desmaisières est de
déclarer que dans l’état actuel de l’industrie, le tarif n’est pas suffisant.
Les fabricants eux-mêmes ont démontré le contraire.
Une
partie de la chambre. - Non, non.
M.
Dumortier. - Ils ont dit qu’au moyen du tarif actuel, il n’entre pas
une seule pièce de calicot étranger. Donc le tarif suffit.
Si au contraire l’on veut demander si le tarif
actuel est suffisant pour le développement de l’industrie cotonnière l’on peut
voter pour la proposition de l’honorable M. Desmaisières. Il est incontestable que la proposition est à
double entente. Le vote sur cette proposition ne décidera rien. Il sera
ridicule ; dès lors, il vaudrait mieux l’écarter.
M. Desmaisières.
- Je demande la parole, mais ce n’est pas pour répondre aux observations de
l’honorable préopinant, que je crois inutile de réfuter. Je prierai seulement
la chambre de prononcer la clôture sur la discussion de ma proposition.
M.
A. Rodenbach. - Je répondrai à l’honorable M. Dumortier que les
fabricants n’ont pas déclaré que le tarif actuel suffit.
Plusieurs
voix. - Il n’a pas dit cela !
M. A. Rodenbach.
- Les articles fins ne paient que 2, 3, 4, 5 p. c. Les fabricants n’ont pu
faire la déclaration qu’on leur prête. (Marques
d’impatience.)
M.
Verdussen. - La proposition de M. Desmaisières ne pourrait être mise
aux voix de cette façon. Il demande un changement total du tarif présenté par
la section centrale. Si l’on décide que le tarif n’est pas suffisant, il faudra
donc accorder une augmentation.
Mais il y a des articles sur lesquels la section
centrale propose une diminution, sur les cotons en laine qui sont introduits
par les navires nationaux, sur les tissus de coton tisse de
Si vous déclarez que le tarif actuel n’est pas
suffisant, vous ferez un contresens. La proposition de M. Desmaisières ne peut
donc pas être admise telle qu’elle a été présentée.
M.
Coghen - L’honorable député d’Anvers a déjà fait ressortir les défauts
de la proposition. Il y a trop de protection pour les tissus communs. Si l’on
entend protéger les qualités que le tarif actuel ne protège pas assez, je
voterai pour.
Plusieurs voix. - C’est ainsi qu’on l’entend.
M. Desmaisières.
- J’ai entendu poser la question en termes généraux. (Aux voix ! aux voix !)
M. Dumortier. -
Je demande que l’on ajouta à la proposition de M. Desmaisières les mots
« dans sa généralité. »
M. Manilius. -
Moi, fabricant, je déclare que le tarif n’est pas suffisant.
- Le
sous-amendement de M. Dumortier est mis aux voix et adopté.
La proposition de M. Desmaisières
est mise aux voix et adoptée.
En conséquence la chambre décide que le tarif
actuel est insuffisant, dans sa généralité, pour protéger l’industrie
cotonnière.
M. le président. -
Je mettrai aux voix la question de savoir si la chambre admettra l’estampille
et la recherche à l’intérieur.
M. Eloy de
Burdinne. - Je demande la division.
M.
Dumortier. - Je demande la priorité pour la visite domiciliaire.
M. Desmaisières.
- Dans l’état actuel il est impossible de voter cette question. (Aux voix !) Vous allez voter sur les
moyens d’exécution avant de savoir ce que vous allez faire (L’appel nominal !)
M. Eloy de Burdinne. - Je trouve une
distinction à faire sur la visite domiciliaire. Je crois que l’on pourrait
accorder la recherche sans la visite domiciliaire. (Hilarité générale.) Permettez-moi de m’expliquer. Si l’on introduit
dans une ville des tissus de coton non estampillés parmi des tissus indigènes,
je demande que l’on recherche à l’entrée les produits du pays.
M.
Gendebien. - Il y a clôture. L’on peut demander la division, mais non
pas recommencer la discussion.
M. Desmet. - Il n’y
a pas de clôture.
M.
F. de Mérode. - Il est impossible de décider en ce moment une question
semblable. Il faut nous donner le temps de réfléchir.
Plusieurs
voix. - L’ajournement a été rejeté.
M. Desmet. - Ce que
vous allez voter est toute la loi et vous ne voulez certainement pas l’enlever
d’assaut. Je propose de remettre le vote à demain.
Plusieurs
voix. - Non, non, l’ajournement a été rejeté.
M.
Lebeau. - Je ne conçois pas l’observation de l’honorable préopinant. Il
y a décision de la chambre à l’occasion de la motion de l’honorable M. de Brouckere. Car remarquez que
c’est par suite de cette motion que l’on a décidé que l’on ferait des questions
de principe. C’est alors que les partisans de la loi ont proposé de faire voter
des questions qui, selon moi, n’ont rien résolu. C’est ainsi enfin, que l’on a
demandé s’il n’y aurait pas de modifications au tarif actuel.
Ce sont précisément les membres qui se plaignent en
ce moment de ce qu’on soumette des questions complètes, qui en ont proposé les
premiers.
L’on dit que nous ne pouvons pas savoir si nous
n’admettrons pas la prohibition avec le droit de recherche. Il y a beaucoup de
membres de cette assemblée, et je suis dans ce cas, qui ne veulent pas de la
visite domiciliaire à aucun prix (oui,
oui), ces mesures violeraient trop les mœurs du pays pour que nous pensions
à les sanctionner.
Ainsi mes amis politiques et moi nous ne sommes
nullement embarrassés pour nous prononcer, pour répondre oui ou non, à la
question que M. le président nous posera. Je ne crois donc pas qu’un examen
ultérieur soit plus nécessaire ici que pour la question posée par M.
Desmaisières et sur laquelle nous venons de voter. (Aux voix ! aux voix !)
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - La question posée par M.
Desmet doit être mise aux voix. Il demande qu’une discussion s’établisse sur la
question de savoir s’il y aura prohibition. Evidemment il est dans son droit.
Moi-même, lorsque j’ai dit à l’honorable M. Rodenbach qu’il n’avait pas compris
l’honorable M. de Brouckere, j’ai ajouté qu’une discussion serait ouverte sur
chacune des questions de principe qu’il voulait soumettre au vote de la
chambre. La clôture n’a donc pas été prononcée sur la question de prohibition
qui s’agite en ce moment et l’honorable M. Desmet, je le répète, est dans son
droit quand il demande qu’une discussion s’ouvre sur cette question.
Pour se décider sur la question de savoir si
l’estampille et la recherche à l’intérieur doivent être admise, plusieurs
honorables membres ont dit qu’ils voulaient connaître s’il y aurait d’autres
moyens pour assurer la perception des droits. C’est sur ce point que la
discussion devra porter. Moi-même, j’aurai à cette occasion des observations à
présenter sur le service des douanes. (Aux
voix ! aux voix !)
M. F. de Mérode.
- Un honorable préopinant a présenté des observations sur la recherche à
l’intérieur qu’il a qualifiée d’odieuse mesure, ces observations doivent être
réfutées. J’aurais quelques considérations à présenter, je désire faire
connaître mon opinion comme d’honorables préopinant ont fait connaître la leur
(Il y a clôture ! il y a clôture !)
Je ne conteste pas le désagrément de mesures
gênantes telles que des recherches à l’intérieur et l’estampille. Cependant
tout en reconnaissant les inconvénients de ces recherches, il m’est impossible
d’y apercevoir des monstres envahisseurs du domicile, privant les citoyens de
la liberté du ménage, éteignant en quelque sorte le foyer domestique ; je vois
qu’on prive pendant plusieurs années 50 ou 60 mille hommes et plus de toute
liberté quelconque, parce que l’intérêt de l’Etat l’exige, et certes, entre
l’obligation d’ouvrir de temps en temps des chambres ou armoires qu’on referme
ensuite et l’obligation d’obéir sans réserve à des chefs qui tous sont inconnus
depuis le colonel jusqu’au caporal, il y a une différence aussi grande que la
distance qui sépare la terre du soleil.
M. le président. -
On a dit qu’il y avait clôture !
M. F. de Mérode.
- Mais on ne peut pas m’interrompre comme cela au milieu de mes observations.
M. le président. -
Je ferai observer qu’on a clos la discussion générale, une seconde clôture a eu
lieu, elle portait sur la motion de M de Brouckere, sur la question de savoir
si l’on procèderait article par article. Voila les clôtures qui ont été
prononcées, je ne sache pas qu’il en ait été prononcé d’autre, je ne crois pas
qu’il y ait eu lieu de mettre aux voix la clôture sur les questions de principe.
La parole est en conséquence continuée à M. de
Mérode
M.
F. de Mérode. - Je ne serai pas long. Demandez au paysan à qui vous
prenez son fils pour en faire un soldat, s’il ne compterait pas toutes les
semaines devant un employé même ses habits et ses ustensiles pour conserver
celui dont il a besoin pour l’aider à vivre.
Messieurs, on vous a cité la mouture, les droits
acquis, comme ayant amené la chute de l’empire et du gouvernement hollandais.
Messieurs, c’est parce que ces gouvernements n’agissaient pas dans l’intérêt
général, mais dans leurs intérêts de conquête inutile ou d’avare exploitation
du pays que les mesures ont été si odieuses ; mais ici il s’agit d’intérêts
nationaux, et je répudie ces exemples pour me renferme dans la question
elle-même.
J’aime les bonnes sassons, messieurs, je me défie
de ces tableaux fantasmagoriques qui transforment une contrariété en torture
affreuse. Il faut connaître les faits qui se passent dans les pays où se
pratique l’estampille et la saisie intérieure, comment s’exerce-t-elle, et
c’est ce que les défenseurs du projet n’ont pas suffisamment indiqué. Ils
auraient dû particulièrement s’étendre sur cet objet, et nous instruire de
choses que plusieurs d’entre nous ignorent.
Ceux qui combattent ces mesures devraient bien nous
indiquer celles qu’ils veulent y substituer ; quant à moi, je le déclare,
jusqu’à ce que je les connaisse, il me sera impossible de voter contre
l’estampille et la visite domiciliaire, car je veux qu’on assure l’efficacité
de la protection qu’on accordera à l’industrie cotonnière.
M.
de Foere. - J’appuie les observations présentées par l’honorable
préopinant et par le ministre des finances. A ces observation, j’ajouterai que
les honorables députes de Bruxelles et de Mons sont précisément les membres qui
ont demandé la clôture sur la discussion générale, en appuyant cette demande de
clôture en disant que les membres qui auraient encore quelques observations à
présenter, pourraient le faire dans les discussions particulières.
M. de Brouckere
et M. Gendebien. - Dans la discussion des
articles !
M. de Foere. - Ce
sont ces deux honorables membres qui demandent maintenant une clôture sans
discussion sur la question la plus importante de la loi.
Je demande donc la continuation de la discussion,
je la demande parce que, sur la question dont il s’agit, nous ne pouvons pas en
ce moment nous prononcer en connaissance de cause. M. le ministre des finances
et M. A Rodenbach vous ont dit qu’ils vous présenteraient d’auntrs
moyens que ceux proposés par la section centrale, nous ne pouvons pas juger si
nous devons maintenir l’estampille et la recherche à l’intérieur avant de
savoir si les moyens que présenteront M. le ministre des finances, M. A.
Rodenbach ou tels autres membres, seront suffisants. (Aux voix ! aux voix !)
M.
de Brouckere. - La discussion générale a roulé spécialement sur ce qui
concerne la prohibition, l’estampille et la recherche à l’intérieur. C’est
particulièrement sur ces trois points que la discussion a porté. Lorsque j’ai
demandé qu’on votât par question de principe sur ces trois points après avoir
fermé la discussion générale, je n’ai nullement entendu qu’on pourrait encore
discuter chacun de ces points séparément. J’ai dit qu’on discuterait sur chacun
des articles que présenterait la commission après le rejet des questions de
principe. Il n’a pas pu entrer dans ma pensée qu’une nouvelle discussion
s’ouvrirait sur des points qui ont été traités pendant trois jours. Cependant
que la chambre ouvre une nouvelle discussion, après avoir décidé déjà deux
questions de principe dont l’une sur laquelle j’ai voté sans trop la comprendre,
a été proposée par M. Desmaisières, qui maintenant s’oppose à ce que la chambre
continue ce mode de délibération.
Maintenant, je le répète, que la chambre ouvre si
elle le veut une nouvelle discussion générale sur la question de savoir s’il y
aura prohibition, estampille et visite domiciliaire, mais quant à moi je me
retirerai jusqu’à ce qu’elle soit terminée parce que j’ai entendu assez de
discours pour former mon opinion.
M.
A. Rodenbach. - On n’a pas l’intention de recommencer une discussion
sur l’estampille et la visite domiciliaire, mais une discussion est nécessaire
pour rechercher les moyens qu’on substituera à ceux dont je viens de parler,
pour empêcher la fraude. Sans doute cette discussion ne pourra avoir lieu sans
rentrer quelque peu dans la discussion générale.
Je l’ai déjà dit, je ne veux ni estampille, ni
visites domiciliaires, mais il faudra bien chercher d’autres moyens pour les
remplacer. Et en présentant ces autres moyens, il est impossible de ne pas revenir
sur de mesures telles que les visites domiciliaires, car pour ma part je
partage cette opinion. (Aux voix ! Aux
voix !)
M. Desmaisières.
- Je regrette qu’on ait adopté le mode de délibération proposé par M. de Brouckere,
car il paraît qu’on ne veut pas discuter. Je le regrette d’autant plus qu’il
est possible que toute cette discussion pourrait devenir inutile par l’adoption
du tarif, car le tarif pourrait être tel qu’il n’y aurait besoin ni
d’estampille, ni de recherche à l’intérieur.
L’honorable M. de Brouckere a dit qu’il avait voté
pour la question que j’ai proposée sans la comprendre…
M.
de Brouckere. - Oui, et vous ?
M. Desmaisières.
- Je le regrette ; quant à moi, je ne voterai jamais pour une proposition sans
la comprendre. Si j’ai proposé cette question, c’est parce que je cru utile que
tout le monde se prononçât sur la nécessité d’accorder une plus grande
protection à l’industrie cotonnière.
Plusieurs
membres. - Aux voix ! aux voix ! finissons-en !
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je propose à la section
centrale de se réunir…
Plusieurs
membres. - Non ! la chambre s’est déjà prononcée.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Laissez-moi au moins finir.
Je propose à la section centrale de se réunir
demain de 10 à 11 heures pour prendre connaissance de tous les rapports des
chambres de commerce sur les nouvelles questions qui leur ont été posées. Elle
pourra ensuite vous faire connaître son opinion et sur les avis des chambres de
commerce et sur les explications que je me propose lui soumettre relativement
au service des douanes. C’est je pense le meilleur moyen d’arriver à une
solution, car si la section centrale peut se convaincre qu’il existe d’autres
moyens que ceux qu’elle vous a proposés pour assurer une protection efficace à
l’industrie cotonnière, elle viendra vous les proposer. Vous serez alors plus à
même de prononcer en connaissance de cause.
M. Rogier. - Il me
semble que de la part de ceux qui aiment à poser franchement des questions de
principe, il y a ici contradiction. Car si jamais question de principe a été
franchement posée, c’est celle sur laquelle nous insistons en ce moment. Y
aura-t-il prohibition ? Telle est cette question. Or, pour vous, qu’elle que
puisse être l’insuffisance du tarif, nous n en voulons dans aucun cas.
Veut-on renouveler la discussion sur ce point ?
Alors que l’on mette aux voix si l’on discutera de nouveau.
Eh bien, si vous recommencez la discussion, il en
résultera que, dans ces quatre jours de débats, vous n’aurez rien fait.
Mais si vous voulez décider une chose sérieuse, il
faut mettre aux voix cette question : « Y aura-t-il ou non prohibition ? »
Plusieurs membres. - Aux voix !
D’autres
membres. - A demain.
M. C. Rodenbach. - J’appuie la proposition de
M. le ministre des finances, parce qu’elle est semblable à celle que j’avais eu
l’honneur de soumettre à la chambre.
M.
Dumortier. - C’est précisément parce que la chambre a déjà statué sur
ce point, en rejetant la proposition de M. C. Rodenbach, que je demande qu’elle
maintienne sa décision, en rejetant la proposition de M. le ministre des
finances. Car le renvoi à la section centrale, en donnant lieu à un nouveau
rapport, occasionnerait sans doute un ajournement, or la chambre a rejeté
l’ajournement.
Par ce motif, je demande la question préalable sur
la proposition de M. le ministre des finances.
- La question préalable sur la proposition de M. le
ministre des finances est mise aux voix et n’est pas adoptée.
M. Lebeau. - Je
demande qu’il soit déclaré par la chambre, contrairement à l’interprétation de
l’honorable M. Dumortier, que c’est sans retard à la discussion que le renvoi à
la section centrale est ordonné, car trois fois déjà l’ajournement a été
repoussé.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je m’oppose à la motion faite
par le préopinant ; car il est évident que c’est pour gagner du temps et non
pas pour retarder la discussion que j’ai fait ma proposition. Les observations
que j’ai faites sont claires ; j’ai demandé que la section centrale se réunisse
demain à 10 heures, pour que je puisse lui soumettre des observations sur
l’objet en discussion. Or, la section centrale désire comme moi arriver à une
solution.
M.
Lebeau. - Ce que j’ai dit ne s’adresse ni à M. le ministre des
finances, ni à ses intentions. J’ai voulu parler de la force des choses. Il est
certain que si, par suite des communications de M. le ministre des finances
avec la section, centrale, il y a eu lieu à un rapport de la section centrale,
ce rapport devant être imprime et distribué, il pourra en résulter du retard.
Mais d’après la déclaration de M. le ministre des finances, je retire ma motion
d’ordre.
M. le ministre des
affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je ferai une seule
observation, c’est qu’il est étrange que ceux qui se sont opposés le plus à la
mise à l’ordre du jour du projet de loi, s’opposent le plus maintenant à
l’ajournement de la discussion. (Mouvements
en sens divers.)
M. Dumortier. -
J’ai été un de ceux qui se sont opposés à la mise en discussion du projet de
loi, et qui se sont opposés à l’ajournement. Je suis donc un de ceux auxquels
s’adresse le reproche de M. le ministre des affaires étrangères. Notre conduite
en cela a été parfaitement conséquente. Nous demandions que la chambre attendît
quelques jours pour commencer cette discussion ; mais cette discussion une fois
commencée, nous voulons que la chambre la conduise à son terme. Notre conduite
n’est-elle pas plus conséquente que celle des membres qui après avoir fait
mettre le projet de loi à l’ordre du jour, mettent constamment des bâtons dans
les roues pour en arrêter la discussion.
M. le ministre des
affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Pour me servir de
l’expression du préopinant, personne ne veut mettre des bâtons dans les roues ;
et la proposition de M. le ministre des finances aura pour effet, non de
retarder, mais de hâter la discussion.
- La proposition de M. le ministre des finances,
tendant à ce que la section centrale se réunisse demain pour recevoir les
communications et s’occuper des rapports des chambres de commerce, est mise aux
voix et adoptée.
La séance est levée à cinq heures.