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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du lundi 10 août 1835
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre, notamment rejet par le sénat du projet de loi relatif
aux frais des chambres de commerce
2)
Vérification des pouvoirs d’un membre nouvellement élu de la chambre. Elections
contestées pour raison de nationalité (militaire ayant pris du service à
l’étranger avant 1830) (Nypels) (Bosquet,
Scheyven, Milcamps, Liedts, Pirmez, Trentesaux, Dechamps, A. Rodenbach, Legrelle,
de Brouckere, A. Rodenbach,
Nothomb, Liedts, F. de Mérode, Gendebien, de Behr, Dubus, F.
de Mérode)
(Moniteur belge n°224, du 11 août 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
M. Verdussen procède à l’appel nominal à midi et demi.
M.
Schaetzen donne lecture du procès-verbal de
la dernière séance dont la rédaction est adoptée.
- Un congé est accordé à M.
Vanden Wiele.
M. Verdussen présente l’analyse des mémoires adressés à la
chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Plusieurs habitants
des communes de Sulseique, Oost-Eecloo, Kuisselaere, Waerschot, Somerghem et Eecloo, demandent le maintien des libertés
communales. »
________________
« Plusieurs habitants
d’Ath demandent : 1° l’élection directe des magistrats municipaux ; 2° la
suppression des 10 centimes additionnels ; 3° l’égalité du cens électoral pour
les villes et pour les campagnes. »
________________
« Plusieurs
distillateurs de diverses communes du Limbourg adressent des observations sur
la loi des distilleries. »
________________
Le bureau du sénat fait
connaître par messages, à la chambre des représentants : 1° le rejet du projet
de loi relatif aux frais des chambres de commerce ; 2° l’adoption du projet de
loi relatif à la suppression des 10 centimes additionnels.
VERIFICATION DES POUVOIRS D’UN MEMBRE NOUVELLEMENT ELU DE LA CHAMBRE
Elections contestées de
Ruremonde
M.
le président. - L’ordre du jour est la discussion des pouvoirs du
général Nypels. Vous savez que trois membres de la
commission qui vous a présenté un rapport sur cet objet, ont été d’avis
d’admettre le général Nypels ; que trois autres
membres ont été d’un avis contraire et qu’un membre s’est abstenu d’émettre une
opinion.
La parole est à M. Bosquet,
rapporteur de cette commission.
M. Bosquet, rapporteur. - Messieurs, membre de la commission qui a été
chargée de la vérification des pouvoirs du général Nypels,
je désire avoir l’honneur de soumettre à la chambre quelques considérations sur
la question que vous êtes appelés à résoudre, savoir, si M le général Nypels, resté militaire au service de France, resté citoyen
français, a fait tout ce que nos lois prescrivent pour recouvrer la qualité de
citoyen belge.
Ce problème a paru être une
question d’état-civil, une question de droit civil, qui devait être résolue par
les règles tracées par le code qui nous régit. Or, d’après ce code il me semble
que tout Belge qui aurait pris du service à l’étranger sans autorisation de son
gouvernement, n’est plus citoyen belge, et ne pourrait recouvrer cette qualité
qu’en se soumettant aux épreuves exigées par l’article 21 de ce même code.
La cas où se trouve le
général Nypels m’a paru d’abord réunir ces deux
conditions, et j’ai pensé qu’il n’était pas apte à siéger dans cette enceinte.
En émettant cet avis, je
dois déclarer que je me suis prononcé avec cette réserve, avec cette défiance
qu’il est facile de comprendre lorsqu’il s’agit de prononcer en moins de deux
fois 24 heures sur une question aussi grave. Depuis, j’ai eu le loisir
d’examiner la difficulté et de bien me pénétrer de la situation dans laquelle
se trouve l’élu de Ruremonde. Cet examen a fait naître des doutes en mon esprit
; et s’ils ne sont pas détruits par suite des débats qui vont avoir lieu, je
voterai pour son admission, l’opinion la plus favorable étant celle qu’il faut
faire prévaloir lorsqu’il s’agit de l’application de dispositions rigoureuses.
Voici, messieurs, les
réflexions qui ont fait naître chez moi des doutes.
Je me suis dit : Lorsqu’un
Etat vient de se former et qu’il se donne des lois, ou bien qu’il adopte les
lois d’un peuple auquel il était antérieurement réuni (et c’était à peu près la
position de
Mais, parce que, par la
force des baïonnettes,
D’un autre côté est-il bien
démontré que le législateur, en rédigeant le code civil, en voulant punir en
quelque sorte celui qui abdiquerait sa patrie, et qui prendrait du service à
l’étranger, a songé à une position semblable à celle où se trouve le général Nypels et d’autres militaires ? Je vous avoue que ceci est
tort douteux.
La loi civile, qui est
faite pour un ordre régulier de choses, s’applique souvent difficilement
lorsqu’on veut l’invoquer pour des événements, pour des faits qui sont la
conséquence de bouleversements politiques et de révolutions.
Voilà, messieurs, les
réflexions qui ont fait naître des doutes chez moi.
En me livrant à l’examen de
cette question : Le général Nypels est-il dans le cas
de l’article 21 ?, j’ai d’abord raisonné comme juge et comme juge d’un tribunal
chargé d’appliquer les lois, quelques rigoureuses qu’elles soient ; cependant
je crois que la chambre est dans une autre position et que, comme corps
délibérant, elle ne se trouve pas restreinte, dans ses délibérations, par un
cercle tracé d’avance.
Dans le doute où je suis, et s’il n’est pas détruit
par les discours de mes honorables collègues, je croirai, je le répète, devoir
adopter le parti le plus favorable au général Nypels
D’autres orateurs, plus
familiers que moi aux débats parlementaires, ne manqueront pas de vous exposer
toute la portée des considérations politiques qui se présentent en foule en
faveur d’un citoyen qui s’est rangé dans nos rangs au moment des dangers, au
moment où il s’agissait de recouvrer notre indépendance ; aussi je n’abuserai
pas plus longtemps des moments de la chambre. Je lui demanderai seulement la
permission de lui faire une observation sur un passage du rapport que j’ai eu
l’honneur de lui soumettre.
Dans ce rapport il a été
dit que M. le général Demonceau n’était rentré dans sa patrie qu’en 1817 : le
fait est que ce général y est rentré en 1815, alors que le royaume des Pays-Bas
venait d’être constitué après l’événement de Waterloo. J’ai dit.
M. Scheyven. - Aux termes de
l’art. 50 de la constitution, la première condition d’éligibilité est celle
d’être Belge de naissance, ou d’avoir obtenu la grande naturalisation ; il est
donc de notre devoir d’examiner d’abord si celui qui est appelé à la représentation
nationale, réunit une de ces conditions, ou en d’autres termes, s’il a la
qualité de citoyen belge. Ainsi, avant de prendre une décision sur la validité
de l’élection de M. le général Nypels , élu par le
district électorat de Ruremonde, voyons s’il a cette qualité.
Voici les faits tels qu’ils
ont été posés par l’honorable rapporteur, au nom de la commission chargée de la
vérification de ses pouvoirs.
M, Nypels
est né à Maestricht le 25 septembre l790. En 1815, époque à laquelle
Le 6 juin 1821, il obtint
en France des lettres de naturalité. En 1830, et bien immédiatement après les
premiers événements de la révolution, il revint en Belgique, et fut nommé le 10
décembre de la même année colonel d’état-major, et après général de l’armée
belge.
Le 2 mars 1833, désirant
recouvrer la qualité de Belge, il a fait devant l’officier de l’état-civil de
la ville de Bruxelles la déclaration de vouloir se fixer en Belgique, et
renoncer à toute distinction contraire aux lois de ce pays. Le 3 mars suivant,
il obtint l’autorisation mentionnée dans l’art. 18 du code civil.
Tels sont en peu de mots,
messieurs, les faits qui doivent servir de base à la décision que vous avez à
prendre sur le sort de l’élection de M. le général Nypels.
Au simple récit de ces
faits, chacun de nous, messieurs, conviendra que M. Nypels
a perdu la qualité de Belge ; mais ceci étant reconnu, la première et la seule
question que la chambre a à examiner, et dont la solution entraîne la décision
que nous avons à porter, est à mes yeux celle de savoir quelle est la cause qui
lui a fait perdre la qualité de Belge ? ou, comme l’a dit l’honorable
rapporteur, se trouve-t-il dans le cas de l’article 18 ou de l’article 21 du
code civil ?
Si c’est l’art. 18 qui est
applicable, nul doute que M. Nypels ne soit Belge,
puisqu’il a satisfait aux vœux de la loi, en faisant la déclaration requise et
en obtenant l’autorisation de résider en Belgique ; mais si au contraire l’art.
21, qui dit que l’on perd sa qualité de citoyen en prenant du service militaire
à l’étranger sans l’autorisation du Roi, doit recevoir ici son application,
rien ne justifie sa qualité de Belge, et il doit par conséquent être assimilée
à un étranger.
Quant à moi, messieurs, je
n’hésite pas à le dire, mon opinion est que M. Nypels
tombe sous la disposition de l’art. 21, et qu’ainsi il n’est pas citoyen belge
; et voici sur quoi elle est fondée : M. Nypels était
au service militaire de France, alors que
L’on dira peut-être que
l’art. 21 exige que quelqu’un ait pris du service, et qu’il n’est pas
applicable alors que quelqu’un continue à rester au service : c’est une
subtilité qui ne peut pas être admise, puisque l’esprit de la loi est le même
pour l’un et pour l’autre ; en effet, pourquoi celui qui a perdu sa qualité par
le fait d’avoir pris du service militaire à l’étranger, est-il traité avec plus
de sévérité que celui qui l’a perdue par une tout autre cause ? C’est parce que
par sa volonté il s’est placé dans le cas de devoir peut-être porter les armes
contre sa patrie primitive ; eh bien, messieurs, les mêmes motifs
n’existent-ils pas pour celui qui continue à servir, et pour celui qui prend du
service militaire dans un autre pays que son pays natal ?
Mais je veux admettre pour
un moment que cet article contient une pénalité, qu’une disposition pénale est
de stricte interprétation, qu’elle ne peut pas être étendue, et qu’il faut en
conséquence qu’il ait pris du service militaire alors que
Voulez-vous avoir la
preuve, messieurs, que M. le général Nypels crut
lui-même, et cela déjà avant 1821, avant qu’il eût obtenu la lettre de déclaration
de naturalité, qu’il n’avait plus la qualité de Belge ? la voici ; je la trouve
dans cette lettre de déclaration de naturalité elle-même, dont une copie est à
la suite du rapport de la commission. Voici ce qu’elle dit :
« Lettre de
déclaration de naturalité.
« Louis, par la grâce
de Dieu, roi de France et de Navarre, à tous présents et à venir, salut !
« Le sieur
Dominique-Hubert Nypels, major du régiment des
dragons du Rhône, officier de l’ordre royal de la légion d’honneur, né le
vingt-cinq septembre 1790, à Maestricht, royaume des Pays-Bas, nous expose
qu’il est entré au service de France le 1er mai 1813, qu’il y a toujours servi
sans interruption ; que son plus vif désir est de consacrer le reste de ses
jours à notre service et à celui d’une patrie qui est la seule qu’il connaisse
aujourd’hui ; qu’il nous supplie en conséquence de vouloir bien lui accorder
des lettres de déclaration de naturalité ;
« A ces causes,
voulant traiter favorablement l’exposant ; sur le rapport de notre
garde-des-sceaux, ministre de la justice ;
« Vu la déclaration
faite par le pétitionnaire, devant le maire du onzième arrondissement de Paris,
le vingt-un mars 1818, portant qu’il persiste dans la volonté de se fixer en
France ;
Vu la lettre de notre
ministre secrétaire d’Etat de la guerre, constatant que le sieur Nypels est entre au service de France en 1813, en qualité
de garde d’honneur ; qu’il a passé successivement par tous les grades jusqu’à
celui de major des dragons du Rhône, et qu’il est fort bien noté ;
« De notre grâce
spéciale, pleine puissance et autorité, ayant dit et déclaré, voulons et nous
plaît qu’il soit admis, comme nous l’admettons par ces présentes, signées de
notre main, qui seront publiées et insérées au Bulletin des lois, à jouir des
franchises, privilèges, droits civils et politiques dont jouissent nos vrais et
originaires sujets. Défendons, sous quelque prétexte que ce puisse être, de le
troubler dans la jouissance d’iceux, tant qu’il résidera dans notre royaume.
« Mandons et ordonnons
à nos cours et tribunaux, préfets, corps administratifs et autres, que ces
présentes ils gardent et maintiennent, fassent garder, observer et maintenir,
et, pour les rendre plus notoires à tous nos sujets, les fassent publier et
enregistrer toutes les fois qu’ils en seront requis, car tel est notre bon
plaisir ; et afin que ce soit chose ferme et stable à toujours, nous y avons
fait mettre notre sceau.
« Donné au château des
Tuileries, le sixième jour du mois de juin de l’an de grâce 1821, et de notre
règne le vingt-sixième.
« LOUIS.
« Par le Roi ;
« Le garde-des-sceaux, ministre secrétaire
d’Etat au département de la justice, de Serre
« Vu au sceau : Le
garde-des-sceaux, ministre secrétaire d’Etat au département de la justice, de
Serre. »
Vous voyez donc, messieurs,
qu’il avoue lui-même que c’était
Messieurs, avant de
terminer, je me permettrai de vous dire que moi-même, élu par le district
électoral de Ruremonde, j’ai cru de mon devoir de faire connaître les motifs de
mon vote, afin que l’on sache que ce n’est point dans des considérations
particulières, mais dans la loi et dans la loi seule, que j’ai puisé mon
opinion.
M.
Milcamps. - Messieurs, M. le général Nypels,
élu membre de la chambre des représentants par le collège électoral de
Ruremonde, peut-il être admis à siéger dans cette chambre ? Telle est la
question qui nous est soumise.
Cette question est
subordonnée à l’appréciation d’une autre, celle de savoir si M. le général Nypels, à l’époque de son élection, était citoyen belge
dans toute la plénitude de ce terme
C’est la une question
d’état de la compétence exclusive des tribunaux ; mais il nous est permis de
l’apprécier pour déterminer notre vote, soit pour la confirmation, soit pour
l’annulation de l’élection de M. le général Nypels.
Pour savoir si M. le
général Nypels est citoyen belge, il y a deux choses
à considérer : sa position et la législation.
Quant à sa position, elle a
été nettement établie dans le rapport de la commission chargée de la
vérification de ses pouvoirs.
M. le général Nypels est né Belge ; pendant la réunion de
Quant à la législation, je
commencerai par faire observer qu’en général, et c’est ici un point de
jurisprudence, au civil comme au politique, il n’y a rien de si naturel que
d’exiger, pour détruire une chose, l’action des mêmes principes qui l’ont
formée.
Ainsi, comme par la réunion
de
D’après ces règles fondées
sur la nature des choses, M. le général Nypels, par
l’effet du démembrement en 1814, est redevenu Belge. En continuant après la
séparation à servir en France, il n’a point conservé la nationalité française
qu’il avait eue temporairement pendant la réunion. Et il ne semble pas avoir
perdu la qualité de Belge.
Ce qui prouve, messieurs,
que M. le général Nypels n’avait pas conservé la
nationalité française, c’est la loi du 14 octobre 1814, qui a accordé à tous
ceux qui appartenaient aux départements réunis à
Ce qui semble établir qu’il
n’a pas perdu la qualité de Belge, en continuant de servir en France, c’est la
jurisprudence de la seconde chambre des états-généraux des Pays-Bas. Le général
Dumonceau, bien, et ceci résulte du rapport de votre
commission, qu’il fût resté au service de France jusqu’à la fin de 1815, et
quoiqu’en temps de guerre avec les Pays-Bas, n’était rentré dans les Pays-Bas
qu’à la fin de 1817.
Ainsi, d’après la
jurisprudence de la seconde chambre des états-généraux, si M. le général Nypels eût quitté le service de France à la fin de 1817, ou
postérieurement, et fût rentré dans les Pays-Bas avec la permission du chef du
gouvernement, il eût pu être admis au sein des états-généraux à l’exemple du
général Dumonceau.
Mais l fallait pour cela
que le général Dumonceau n’eût pas perdu la qualité
de Belge, car à la fin de 1817 il n’y avait plus pour lui possibilité d’obtenir
des lettres d’indigénat, qui n’ont pu être accordées que dans l’année après la
publication de la loi fondamentale, ou bien il fallait, s’il n’est revenu qu’à
la fin de 1815, qu’il obtînt des lettres d’indigénat, ou que son retour dans le
pays le relevât des peines prononcées par l’art. 21 du code civil.
Mais M. le général Nypels n’est pas rentré dans les Pays-Bas, et non seulement
il a continué son service militaire en France, (et ici je ne fais pas de
distinction entre l’action de prendre du service, et de continuer le service,
car c’est moins le service que la soumission d’obéissance et de fidélité à un
prince étranger qui fait perdre les droits de citoyen dans son pays), mais il y
a de plus obtenu des lettres de naturalité.
Sa naturalité a été établie
par un contrat qui résulte de la demande qu’il a faite de cette laveur et de la
concession que lui en a faite le roi des Français, le tout conformément aux
dispositions de la loi du 14 octobre 1814.
Mais il est inutile de
s’arrêter à la naturalisation en France de M. le général Nypels
; il s’est relevé de cette naturalisation en rentrant en Belgique, en octobre
1830, et en remplissant pour recouvrer la qualité de Belge, les conditions de
l’art. 18 du code civil, article qui se réfère a l’art. 17. La difficulté pour
admettre M. le général Nypels à siéger dans cette
chambre, ne résulte pas de sa naturalisation en France.
La difficulté qui peut
exister est tout entière dans les dispositions de l’art. 21 du code civil.
Cet article porte :
« Le Français qui, sans l’autorisation de l’empereur, prendrait du service
militaire chez l’étranger … perdra sa qualité de Français.
« Il ne pourra rentrer
en France qu’avec la permission de l’empereur, et recouvrer la qualité de
Français qu’en remplissant les conditions imposées à l’étranger pour devenir
citoyen. »
Quelles étaient, à l’époque
de la promulgation de l’art. 21 du code civil, les conditions imposées à
l’étranger pour devenir citoyen français ?
C’étaient, messieurs,
celles de l’art. 3 de l’acte constitutionnel de l’an VIII qui porte :
« Qu’un étranger devient citoyen français, lorsqu’après avoir atteint
l’âge de 21 ans accomplis, et avoir déclaré l’intention de se fixer en France,
il y a résidé pendant dix années. »
La constitution de l’an
VIII excluait la naturalisation par acte particulier.
Mais l’art. 3 de la
constitution de l’an VIII ne subsiste plus en France comme loi
constitutionnelle. La restauration de 1814 lui en a ôté le caractère. Mais elle
y subsiste encore avec une légère modification comme loi implicitement
renouvelée par le code civil. Je devrais, messieurs, pour établir cette
proposition, entrer dans des développements dont je m’abstiens comme inutiles,
puisque pour les Pays-Bas et pour
D’après l’art. 7 de la loi
fondamentale de 1815, nul ne pouvait être membre des états-généraux, s’il
n’était habitant des Pays-Bas, né dans le royaume de parents qui y sont
domiciliés. Et pendant une année seulement après la promulgation de la loi
fondamentale, d’après l’art. 2, le roi pouvait accorder à des personnes nées à
l’étranger et domiciliées dans le royaume les droits d’indigénat.
D’après l’art. 50 de la
constitution belge, pour être éligible dans l’une ou l’autre des deux chambres,
il faut être Belge de naissance ou avoir reçu la grande naturalisation.
Ainsi, si vous considérez
les Belges ayant pris du service en France et y ayant continué leur service
après la séparation, comme ayant perdu la qualité de Belge, il faut en conclure
que ces Belges, servant en France après la séparation, n’auraient pu siéger aux
états-généraux qu’en obtenant des lettres d’indigénat dans l’année de la
promulgation de la loi fondamentale ; mais s’il en est ainsi, comment se
fait-il que le général Dumonceau qui avait continué
son service militaire en France après la séparation, et qui n’est rentré dans
les Pays-Bas qu’à la fin de 1817, ait pu être et ait été admis à siéger au sein
des états-généraux, alors qu’il n’avait pas recouvré sa qualité de citoyen belge
par des lettres d’indigénat ? Il n’en a pu être ainsi, messieurs, que par cette
considération que le général Dumonceau, en continuant
de servir en France, n’avait pas perdu la qualité de Belge, qu’il avait acquise
par la séparation d’avec
Ainsi encore, si vous
considérez les Belges qui ont continué leur service militaire en France après
la séparation, comme ayant perdu la qualité de Belge, ces Belges, à l’époque de
la révolution et jusqu’à la promulgation de notre constitution, ne pouvait
recouvrer leur qualité de Belge que par la toute-puissance du gouvernement
provisoire ou du congrès national.
C’est un principe bien
ancien que la naturalisation peut s’établir par un contrat qui résulte de la
demande qui en est faite et de la concession qu’en accorde le souverain, et
même par la seule volonté du souverain. C’est ainsi que l’ordonnance d’Antonin
rapportée dans la loi 17 ff. de statu hominum, déclara citoyens romains tous les habitants de
son vaste empire, qualité précédemment réservée aux habitants de l’Italie, et
plus anciennement à ceux de l’ancienne Rome.
C’est ainsi que la loi du 5
ventôse an V a déclaré citoyens français indistinctement, et sans qu’ils
l’eussent demandé, tous les habitants des communes de Belgique dont la
souveraineté n’était dévolue à la république que par droit de conquête. Un
profond jurisconsulte, M. Merlin, va même jusqu’à enseigner que la qualité de
Français étant exigée pour l’admissibilité aux places de préfet, pour
l’éligibilité au corps législatif, le chef d’Etat en nommant un préfet, et le
sénat en nommant un membre du corps législatif, décident qu’ils sont Français.
Cela est hardi, messieurs, mais c’est écrit.
Il est vrai qu’à l’égard de
ceux qui, au moment où la révolution de septembre a éclaté, étaient au service
militaire de France, il n’existe aucune disposition du gouvernement provisoire
ni du congrès national qui les rappelle, et rende la qualité de Belge à ceux
qui répondraient à cet appel. Je ne connais que la proclamation du gouvernement
provisoire du 31 décembre 1830.
Mais est-il bien certain
que dans cette grande commotion politique où ces militaires au service de
France ne pouvaient recouvrer leur qualité de Belge que par la toute-puissance
du gouvernement provisoire ou du congrès, il fallait une déclaration expresse
et formelle pour concéder et accepter la qualité de Belge ? Est-il bien vrai
que cette faveur ne pouvait être accordée et acceptée tacitement et par des
faits indicatifs de leur volonté ? car la volonté se manifeste, les contrats se
forment aussi bien par des faits que par des paroles, que par des écrits.
Or, dès le mois de décembre
1830, le gouvernement provisoire porte un arrêté qui nomme M. Nypels colonel d’état-major. Certes, il ne l’a pas nommé
comme officier étranger, mais comme officier rentré en Belgique et la lettre
d’envoi de cet arrêté porte que c’est en reconnaissance des services qu’il a
rendus antérieurement, et que sa nomination sortira son effet à dater du 20
octobre 1830.
Ainsi, voilà le général Nypels qui pour son service militaire en France avait perdu
sa qualité de Belge, pour s’être exposé à servir contre son pays ; le voilà,
dis-je, qui rentre en Belgique avec la permission du gouvernement provisoire :
il est nommé, par ce gouvernement provisoire, colonel d’état-major, et il ne
pourra invoquer cette règle qu’il n’y a rien de si naturel que pour détruire
une chose, l’action des mêmes principes qui l’ont formée, règle d’après
laquelle nous avons établi que, par la séparation de
Mais réfléchissez,
messieurs, que l’art. 21 du code civil qui fait perdre au Belge qui prend du
service chez l’étranger la qualité de Belge, est motivé sur ce que, s’il prend
du service chez l’étranger contre son pays, sa conduite est odieuse ; que si
c’est contre un autre pays, en s’étant seulement exposé à porter les armes
contre son pays, sa conduite est seulement répréhensible.
C’est une peine que la loi
prononce contre lui, et en rentrant dans son pays, y recevant un haut grade militaire,
il ne sera pas relevé de cette peine ; et malgré que par sa rentrée en
Belgique, par sa nomination au grade de colonel, il ait perdu sa nationalité
française, il n’aura pas recouvré sa qualité d’origine, sa nationalité belge !
Cela est bien dur, bien exorbitant, mais le pays en a pensé autrement.
D’abord la deuxième chambre
des états généraux a cru que la continuation du service en France du général Dumonceau après la séparation ne lui avait pas fait perdre
la qualité de Belge. Le gouvernement provisoire et le congrès national ont été
dans la même opinion, car par quelle aberration aurait-il, je ne dis pas permis
au général Nypels à rentrer, mais conféré le grade de
colonel, à lui dont la conduite, si elle ne devait pas paraître odieuse, devait
au moins paraître répréhensible ? Les électeurs de tout le district de
Ruremonde ont été dans la même erreur puisqu’ils l’ont appelé, sans qu’il se
fût élevé aucune réclamation, à siéger à la chambre des représentants. La ville
de Bruxelles n’a fait aucune difficulté de porter M. le général Nypels sur la liste des électeurs. Il exerce dans cette
ville ses droits politiques. Le gouvernement actuel a partagé cette erreur,
puisque, dans le système de ceux qui attaquent l’élection, le général Nypels ne pouvait recouvrer la plénitude des droits de
citoyen belge que par la grande naturalisation ; et cependant nous voyons le
gouvernement accorder par arrêté du 5 mars 1833 l’autorisation mentionnée non
pas dans l’article 21 du code civil, mais bien dans l’article 18.
Nous voyons le même
gouvernement nommer le général Nypels chef du
personnel et aussi lui confier un emploi d’administration générale. Le général Nypels dont la volonté de recouvrer sa qualité de Belge est
si manifeste, a aussi partagé la même erreur. Car à quoi lui servait de remplir
les conditions prescrites par l’art. 18, s’il s’était trouvé dans le cas de
l’art. 21 du code civil, article qui le soumettait pour devenir Belge aux mêmes
conditions que l’étranger, c’est-à-dire à celle d’obtenir des lettres de grande
naturalisation ?
D’après ces circonstances,
ne vous paraîtra-t-il pas, messieurs, qu’on peut conclure qu’il a été dans
l’intention et la volonté du gouvernement provisoire de rendre ou restituer au
général Nypels sa qualité de Belge, et dans l’intention
et la volonté du général d’accepter cette qualité ? et que toutes ces
circonstances ont formé un contrat tacite entre le gouvernement et M. le
général Nypels ? C’est jusqu’à présent mon opinion.
M.
Liedts. - Messieurs, si, pour résoudre la question qui nous est
soumise, il m’était permis de céder aux sentiments d’estime que je professe
pour M. le général Nypels, assurément je n’hésiterais
pas à me déclarer pour la validité de son élection. Ce serait encore pour la
validité de l’élection que je me prononcerais, s’il m’était permis de céder au
désir de voir se renforcer les rangs trop éclaircis de l’opposition dans cette
chambre ; car quelque ministériel qu’on suppose M. le général Nypels, il ne pourra jamais l’être autant que le membre
qu’il remplace et qui probablement reviendrait, si le général était écarté de
la représentation ; Mais telle n’est pas notre position, et lorsque la loi a
parlé, il n’est permis d’écouter ni ses sympathies, ni ses désirs.
Messieurs, il n’est pas
sans exemple dans cette chambre qu’un rapporteur, après avoir entendu la
discussion, change d’avis ; mais c’est la première fois aujourd’hui qu’on voit
un honorable rapporteur, après avoir savamment élaboré un rapport, venir au
début de la discussion élever des doutes sur son propre travail. Si, en
changeant d’avis, M. le rapporteur n’a fait qu’user de son droit, il nous
permettra d’espérer de le voir changer une seconde fois d’opinion après la
discussion.
Vous savez qu’aux termes de
notre constitution, personne n’a le droit de siéger au sénat ou dans cette
enceinte, s’il n’est Belge de naissance ou s’il n’a obtenu la grande
naturalisation. Voyons si M. le général Nypels est
dans l’un ou l’autre de ces deux cas.
Deux points sont hors de contestation
; le premier, c’est que le général Nypels est né
Belge. Le deuxième, qu’il a perdu la qualité de Belge, avant la révolution de
1830.
Le seul point à examiner
consiste à savoir s’il a rempli les conditions voulues par la loi, pour
recouvrer la qualité de Belge.
Ces conditions diffèrent
suivant la manière dont on a perdu la qualité de Belge. Il y a cinq manières
différentes de perdre cette qualité. On peut la perdre en se faisant
naturaliser citoyen d’un autre pays, en acceptant en pays étranger des
fonctions sans l’autorisation de son roi, en formant à l’étranger un
établissement de commerce, d’industrie ou autre, sans esprit de retour ; une
femme perd sa qualité de Belge en épousant un étranger ; enfin un citoyen belge
peut perdre sa qualité en prenant, sans l’autorisation de son roi, du service
militaire à l’étranger.
Lorsqu’on perd sa qualité
de Belge d’après l’une des quatre premières manières que je viens d’énoncer, il
suffit pour la recouvrer que l’on rentre en Belgique avec l’autorisation du roi,
après avoir déclaré qu’on est dans l’intention d’y rester.
Mais si on a perdu sa
qualité de Belge en prenant du service militaire en pays étranger sans
l’autorisation de son roi, il ne suffit plus pour recouvrer cette qualité
d’obtenir l’autorisation de rentrer dans le pays après avoir déclaré qu’on est
dans l’intention d’y résider, il faut remplir une autre condition, il faut
remplir la condition imposée à tout étranger pour devenir citoyen belge. Or,
quelles sont ces conditions ?
Sous l’empire, aux termes
de la constitution de frimaire an VIII, qui régissait la matière, il fallait
dix années de stage. Aujourd’hui, d’après notre constitution, la grande
naturalisation seule assimile les étrangers aux Belges quant à l’exercice des
droits politiques. Par conséquent, outre l’autorisation du Roi de revenir dans
le pays, il faut obtenir la grande naturalisation pour recouvrer sa qualité de
Belge si on l’a perdue en prenant du service à l’étranger, et sans
autorisation.
Tonte la question se réduit
à savoir si le général Nypels a perdu la qualité de
Belge de l’une des quatre premières manières dont j’ai parlé, et dans ce cas il
a suffi pour la recouvrer d’obtenir du Roi l’autorisation de rentrer en
Belgique ; ou bien s’il a perdu cette qualité en prenant du service à
l’étranger : dans ce cas, il ne l’a pas recouvrée, attendu qu’il n’a pas rempli
les conditions voulues par la loi.
Il semblerait qu’il suffît
de poser la question pour qu’elle soit résolue.
Tout le monde, en effet,
convient que le général Nypels a servi dans les
armées françaises après l’époque où, par le traité de paix,
La première objection à
l’applicabilité de l’art. 21 porte sur le mot « prendre du service. »
Cet article porte :
« Le Belge qui, sans autorisation du Roi, prendrait du service militaire
chez l’étranger, ou s’affilierait à une corporation militaire étrangère, perdra
sa qualité de Belge. »
Or, dit-on, le général Nypels n’a pas pris du service militaire en France après la
séparation de
En effet, lorsqu’en avril
1814, l’empereur abdiqua, les militaires furent dégagés du serment de fidélité
; par conséquent M. le général Nypels a pris et
réellement pris du service en France sous la restauration après avoir été délié
du serment qu’il avait auparavant prêté. Dans tous les cas, je dis que ce
serait une subtilité que de s’attacher à la lettre de la loi ; il faut voir
quel est son esprit. Eh bien, cet esprit est défavorable au général Nypels, soit qu’il ait pris du service en France sous la
restauration ou qu’il ait continué le service qu’il avait sous l’empire.
Pour se convaincre que
l’art. 21 du code a pour but d’empêcher qu’on ne s’expose à porter les armes
contre son pays, si une guerre venait à s’allumer, il suffit de jeter les yeux
sur Locré, Esprit du code civil.
« Il ne faut pas,
disait le premier consul, traiter avec faveur celui qui, sans l’autorisation du
gouvernement, prend du service à l’étranger. Il est possible qu’on le dirige contre
En plaçant le mot Belgique
au lieu de celui de France, vous voyez que ces motifs s’appliquent à M. le
général Nypels. En restant au service de
Messieurs, ceux qui ont
inventé l’argutie que je combats, car je ne puis l’appeler autrement, en
ont-ils calculé les conséquences ? n’ont-ils pas vu que si ce système venait à
prévaloir, ce serait déclarer en principe que tous les Belges qui sont restés
au service de Guillaume n’ont fait que continuer un service légitimement
commencé, et que s’ils rentraient, fût-ce dans dix ans, ils pourraient venir
dans cette enceinte ?
Je dis qu’ils auraient même
des motifs plus plausibles à faire valoir, car ils pourraient dire qu’ils n’ont
fait que continuer à servir le même souverain qui n’a pas voulu les délier de
leur serment, et qu’ils ont été dans l’impossibilité de quitter son service.
Le général Nypels ne peut pas tenir le même langage. Il servait
l’empire, il a été délié de son serment par l’abdication de l’empereur en 1814,
il lui était donc loisible de revenir en Belgique.
Une des plus fortes
objections en apparence que vous font nos adversaires, c’est celle tirée du
traité de Paris du 30 mars 1814, art. 17.
Voici ce que porte cet
article :
« Dans tous les pays
qui doivent ou devront changer de maîtres, tant en vertu du présent traité que des
arrangements qui doivent être faits en conséquence, il sera accordé aux
habitants naturels et étrangers, de quelque condition et nation qu’ils soient,
un espace de six ans à compter de l’échange des ratifications, pour disposer,
s’ils le jugent convenable, de leurs propriétés acquises, soit avant, soit
depuis la guerre actuelle et se retirer dans tel pays qu’il leur plaira de
choisir. »
Ainsi, dit-on, en vertu de
cet article, le général Nypels avait la faculté de
choisir la patrie qu’il voulait adopter, et en se retirant en France il est
devenu Français et a pu prendre du service dans l’armée française sans manquer
au souverain des Pays-Bas, parce qu’il avait cessé de faire partie du royaume
des Pays-Bas depuis le traité de Paris du 30 mai 1814.
Il suffit de lire
attentivement ce traité, en le rapprochant des grands principes de droit
public, pour se convaincre qu’on attache à cet article un sens qu’il n’a pas.
C’est un droit naturel que
la faculté de se retirer dans quelque pays que ce soit, d’abdiquer sa patrie.
Quoique ce principe de droit naturel soit reconnu par tous ceux qui ont écrit
sur cette matière, cependant, comme on avait vu en fait des souverains
s’opposer à ce que leurs sujets vendissent leurs biens pour aller s’établir à
l’étranger, comme on avait également vu, après des démembrements d’empires, des
souverains se refuser à recevoir des personnes qui avaient émigré de leur pays,
on a voulu prévenir ces deux cas, et l’on a dit qu’après cette longue guerre
qui venait de terminer les luttes européennes, il serait permis à chacun de se
retirer dans tel pays qu’il lui plairait de choisir, sans que les souverains
pussent s’y opposer. Mais on n’a fait là que consacrer un droit naturel. Aussi
toutes les personnes qui ont écrit sur ce traité ont dit que cette clause
n’établissait rien de nouveau, qu’elle ne faisait que consacrer un droit
naturel, inscrit dans tous les traités du monde. Et Pailliet
va même jusqu’à dire que cet art. 17 ne contient qu’une clause qui est de style
dans les traités.
Vous voyez que le traite de
Paris ne conférait aucun nouveau droit au général Nypels
; il est resté après le traité ce qu’il était avant et ce qu’il aurait été s’il
n’était pas intervenu de traité. Si vous voulez une preuve convaincante que M.
le général Nypels n’est pas devenu Français par suite
du traité de Paris, il vous suffit de jeter les yeux sur la loi française du 14
décembre 1814 qui détermine les conditions à remplir pour obtenir la qualité de
Français. Si le général Nypels était devenu Français
par suite du traité de Paris, il eût été inutile de présenter aux chambres de
France une loi spéciale qui déterminât les conditions auxquelles le général Nypels et ceux qui se trouvaient dans le même cas devaient
se soumettre pour obtenir cette qualité.
Une preuve que le général Nypels a reconnu qu’il était dans le cas prévu par cette
loi, c’est qu’après plusieurs années de résidence an France, il a demandé des
lettres de naturalité. Ce n’est donc que depuis cette époque que le général Nypels, considéré dans ses rapports avec
Messieurs, l’on a tiré
parti de ce fait, que M. le général Nypels occupait
en 1814 un poste brillant dont il eût été souverainement injuste d’exiger
l’abandon pour venir servir sous le drapeau de Guillaume, et l’on s’est demandé
s’il est dans l’esprit de la loi de forcer le général Nypels
à se sacrifier. La réponse est facile : Si M. Nypels
ne tenait pas à sa qualité de Belge, il faisait bien de ne pas quitter le drapeau
français ; s’il voulait la conserver, il devait revenir en Belgique.
C’est une maxime de droit
public incontestable, que lorsqu’un pays est démembré et qu’une autre nation
est formée de ce démembrement, tous les sujets de la portion constituée en pays
en font partie de plein droit. Ainsi, du moment que
C’est ce principe,
messieurs, que l’honorable M. Bosquet a perdu de vue constamment. Il a toujours
raisonné comme si M. le général Nypels n’avait pas
cessé de faire partie de l’empire français à la restauration. Il est, comme je
l’ai dit, devenu Belge par le démembrement de l’empire français. S’il voulait
recouvrer la qualité de Belge, il devait savoir que, d’après l’art. 21, il ne
pouvait rentrer en Belgique qu’en obtenant des lettres de grande
naturalisation. Cette question n’est pas neuve. Sous l’empire, l’on s’est
demandé si ceux qui servaient à l’étranger avant la réunion à
« Les sujets des pays
réunis à
Le conseil d’Etat décida
sur cette question que tout sujet d’un pays réuni à
C’est évidemment la
même question qui se présente aujourd’hui. Je sais qu’il est des personnes qui
se croient plus de lumière que le conseil d’Etat ; j’avoue en toute humilité
que pour moi c’est une grande autorité.
Ce qu’il y a de plus
fâcheux dans une discussion de cette nature, c’est cette disposition qu’on
remarque chez certaines personnes à décider des questions de droit par des
considérations politiques. J’entends souvent dire : Nous sommes des hommes
politiques ; nous devons décider les questions comme tels. Savez-vous où cela
nous mènera, messieurs ? Au renversement de toutes nos institutions. Qu’est-ce
qu’en effet une loi qui peut être interprétée différemment selon que
l’interprète est jurisconsulte ou homme politique ? Qu’est-ce qu’une loi dont on
plie le sens d’après l’intérêt du moment ou les passions politiques qui
dominent dans une assemblée ? Pour moi qui n’ai pas l’habitude d’interpréter
ainsi les lois, je veux sauver notre constitution du naufrage. Ce ne seront
jamais des considérations politiques ou des relations d’amitié qui me feront
dévier du véritable sens de la loi.
Je voterai en conséquence
pour l’annulation de l’élection de M. le général Nypels.
M. Pirmez. - S’il s’agissait
de traiter les questions de droit qui sont soulevées dans ce moment
certainement, je m’abstiendrais de prendre la parole ; mais si je me lève, ce
n’est que pour placer la question sur un terrain où elle ne l’a pas encore été.
La commission ainsi que les
orateurs qui viennent de parler ont établi tous leurs raisonnements pour
prouver que M. le général Nypels avait perdu la
qualité de Belge pour la recouvrer de telle ou telle manière.
Avant d’aborder cette
question, il fallait se demander si M. le général Nypels
a jamais été Belge avant 1830. Si l’on avait examiné la question de cette
manière, certainement il aurait été inutile d’examiner s’il était encore Belge
après 1830.
M. Nypels
est né à Maestricht en
Quatre ans après la naissance
de M. Nypels, la ville de Maestricht a été conquise,
ainsi que tout l’évêché de Liége, par les armées françaises.
M. Nypels est devenu
citoyen français de citoyen liégeois qu’il était. Il a conservé la qualité de
Français que lui avait donnée la conquête jusqu’en 1814. Sa patrie jusqu’en
A cette époque, M. le
général Nypels était sous nos drapeaux. C’est alors
qu’il a été fait Belge. Ainsi M. Nypels n’a pas perdu
une qualité qu’il n’avait pas antérieurement à la constitution belge.
M. Trentesaux.
- Il y a un moyen de satisfaire tout le monde (explosion d’hilarité), de satisfaire aux exigences de la loi, en
offrant à M. Nypels le moyen d’être citoyen belge.
C’est que le pouvoir législatif accorde la naturalisation. Il n’a qu’à la
demander pour l’obtenir. Tout le monde est disposé à la lui accorder. Pour ma
part, je lui donnerai ma voix de bon cœur, car c’est au désir de reconnaître
dans M. Nypels un concitoyen, qu’il faut attribuer la
découverte de toutes les subtilités par lesquelles on a cherché à assouplir les
dispositions constitutionnelles et civiles. Je pense que M. Nypels
fera bien, aussitôt après l’annulation de son élection (annulation qui ne me
paraît pas douteuse), de demander la grande naturalisation ; je suis sûr de
l’empressement que les chambres mettront à lui accorder l’objet de sa demande.
On s’est prévalu de cet
argument que M. le général Nypels n’était pas Belge
avant 1830. Notre pacte fondamental a constitué le royaume de Belgique de
toutes les provinces méridionales de l’ancien royaume des Pays-Bas qu’elle a
citées nominativement. Il faut maintenant en excepter la cession de territoire
faite plus tard, et qui, je l’espère, n’est pas définitive. Je crois que
l’objection que je combats a été faite, parce que l’on désire admettre M. Nypels en qualité de Belge. J’en reviens à ce que je
disais. Le moyen le plus court d’en finir, c’est de lui accorder des lettres de
naturalisation.
M.
Dechamps. - Avant de suivre les honorables préopinants dans tous les
circuits, dans tous les détails que peut présenter l’interprétation judaïque de
l’art. 21 du code civil, il est nécessaire de bien se poser en face du fait
dont il s’agit. Or, je le demande, ne trouvez-vous de bonne foi aucune
différence entre la position du général Nypels qui
demeure attaché à l’armée française, laquelle était l’armée nationale de son
pays quand il y est entré, qui, après s’être tenu éloigné de
Arrivant sur le terrain des
objections, je ne crois pouvoir mieux faire que de suivre toutes celles
consignées dans le rapport de la commission.
Voici la première de ces
objections :
« D’abord, il a été
observé au sein de votre commission que c’était la loi civile, et la loi civile
seule qui devait être consultée pour résoudre la question qui nous
occupe. »
Je soutiens, moi, que des
considérations de haute politique sont nécessaires pour apprécier les cas
auxquels l’art. 21 est applicable ; puisqu’il s’agit de savoir si un citoyens a
quitté le drapeau national pour se placer sous celui de l’étranger, il faut
savoir s’il existait un drapeau national.
Il est impossible en se
renfermant dans le texte de l’article 21, de faire abstraction de
considérations politiques. Une preuve que des motifs ont toujours servi à
interpréter l’article 21, c’est que le roi Guillaume ne l’a pas appliqué au
général N.... qui était resté en Russie pendant le régime de Napoléon ; il ne
l’a pas appliqué non plus au général Merckx qui n’est rentré au service
d’Autriche qu’en 1814 et qui remplit actuellement en Belgique de hautes
fonctions militaires.
Si en France, sous
l’empire, on avait donné à l’art. 21 le sens qu’on lui attribue actuellement,
il en résulterait que les décrets des 26 août 1811 et 31 juillet 1812, par
lesquels on accordait des délais à ceux qui étaient restés au service de
l’Autriche, n’auraient pas dû être portés.
J’arrive à la seconde
objection consignée dans le rapport :
« Le motif principal
qui a déterminé le législateur à exiger des conditions plus rigoureuses dans le
cas de l’art. 21 que dans celui de l’art.
Sans doute, c’est là un des
motifs ; mais ce n’est pas le seul. Je pense que ce n’est pas le principal. Je
vais le prouver. Si c’était le seul motif, l’exception portée à l’art. 21 pour
le cas d’autorisation du Roi serait un non-sens, une absurdité. En effet, cette
autorisation n’empêcherait pas le militaire qui l’aurait reçue de devoir porter
les armes contre sa patrie. Cet acte n’en serait pas moins coupable avec ou
sans autorisation. Cela prouve, messieurs, que le législateur a été mû par un
tout autre motif. Ce motif principal c’est l’acte de félonie par lequel un
citoyen va offrir ses services à un autre pays que le sien.
L’on conçoit que de ce
point l’autorisation du gouvernement ôte le caractère de félonie. Ainsi, c’est
le caractère de félonie qui forme la culpabilité de l’article 21. Cette félonie
existe-t-elle dans le cas présent ? Qui soutiendrait qu’elle existe ? Qui
voudrait mettre sur la même ligne celui qui demeure passivement au service d’un
pays étranger qui n’était pas étranger pour lui lorsqu’il y est entré, et celui
qui prend activement ce service d’une manière, pour ainsi dire, hostile à son pays
? Il me paraît évidemment que non.
La quatrième objection
présentée par un orateur est celle-ci : c’est que tout exceptionnelle, toute
rigoureuse que soit la disposition de l’article 21, elle ne semblerait pas plus
avoir un caractère pénal que celle de l’article 18, l’autorisation du Roi pour
rentrer dans le pays étant requise dans les deux cas. La commission infère de
ce que l’autorisation est requise dans les deux cas, que l’article 21 n’a pas
plus un caractère pénal que l’article 18. Mais, messieurs, il me semble que la
conséquence qu’on en tire est prise au rebours. En effet, puisque
l’autorisation existe des deux côtés, les dispositions supplémentaires de
l’article 21 constituent donc une véritable exception, une peine plus
rigoureuse, puisqu’elle est surajoutée à la disposition générale, commune aux
deux articles 18 et 21.
Cette objection n’en est
donc pas une. Elle donne au contraire à l’art. 21 un caractère de pénalité.
Je poursuis l’examen du
rapport de la commission :
« Quant à l’argument
tiré de ce que, sous le gouvernement de la restauration des Bourbons,
Eh bien, messieurs,
tenons-nous-en rigoureusement à la lettre de l’art 22 du code civil. Je demande
comment nous ferons pour appliquer cet article au général Nypels
? Au mot de citoyen français, quel mot allez-vous substituer ? Vous ne pourrez
pas dire citoyen belge. Car cette dénomination ne s’appliquerait pas à
M. Nypels
n’a donc pas perdu sa qualité de Belge, mais celle de citoyen des Pays-Bas. Or,
ce n’est pas celle-ci qu’il a voulu recouvrer, mais bien celle de citoyen
belge. Cette dernière, il n’a pu la recouvrer qu’en 1830, que le jour où il a
su
J’arrive maintenant à
l’article 17 du traité de Paris : « Dans tous les pays qui doivent ou
devront changés de maîtres, tant en vertu du présent traité que des
arrangements qui doivent être faits en conséquence, il sera accordé aux
habitants naturels et étrangers, de quelque condition et nation qu’ils soient,
un espace de six ans à compter de l’échange des ratifications, pour disposer,
s’ils le jugent convenable, de leurs propriétés acquises, soit avant, soit
depuis la guerre actuelle et se retirer dans tel pays qu’il leur plaira de
choisir. »
Messieurs, je ne comprends
pas trop bien cette objection ; car évidemment l’art. 17 n’a pas voulu
permettre tout simplement de voyager dans tel pays que l’on voudrait ; un
passeport suffit pour cela, et l’art. 17 n’aurait alors aucun but. Mais selon
moi le but de cet article a été de lever les obstacles qui s’opposaient à ce
que l’on prît résidence dans un pays ou dans un autre. Or l’art. 21 est l’un des
principaux obstacles que l’art.
Je finirai par une observation qui n’est pas sans
importance, et qui même déterminera mon vote.
Je crois avoir prouvé que
l’art. 21 commine une peine rigoureuse. Or, pour que nous pussions appliquer
une peine rigoureuse, il faudrait que l’art. 21 nous apparût clair, précis,
enfin dans une complète évidence. Du moment qu’il y a doute, il y aurait de
notre part injustice à appliquer une peine.
Je la demande, en présence
des différentes opinions consciencieuses émises dans cette chambre par des
jurisconsultes d’un talent reconnu, quelqu’un oserait-il soutenir que ce doute
n’existe pas ? Je ne le pense pas.
Je dis qu’il y a doute et que
dès lors la décision de la chambre ne doit pas être douteuse. Quant à moi, je
voterai pour l’admission du général Nypels.
M.
A. Rodenbach. - Messieurs, des membres de cette chambre, jurisconsultes
distingués, pensent que le général Nypels ne peut pas
être admis député. D’autres députés, qui ont également des connaissances
spéciales et qui connaissent parfaitement les questions de droit, soutiennent
le contraire. Que devons-nous faire dans cette circonstance, nous qui n’avons
pas de connaissances spéciales ? Il me semble que nous devons être en quelque
sorte pyrrhoniens. (On rit.) Oui,
messieurs, ces opinions divergentes, soutenues l’une et l’autre avec un égal
talent, sont faites pour nous jeter dans le doute.
Mais ici nous formons un
jury ; or, dans un jury, quand il y a doute, on ne prononce pas une peine.
Rappelez-vous, messieurs,
qu’en 1830, lorsqu’on a formé à Paris un comité belge, M. Nypels
s’est rendu auprès de ce comité avec empressement ; il est parti aussitôt pour
Messieurs, si M. Nypels
avait été avoué, avocat, ou quelque peu clerc, il se serait empressé de se
rendre auprès du gouvernement provisoire et aurait demandé des lettres de
naturalisation. Il n’y avait pas alors de bureaucratie ; en quelques heures il
aurait eu ces lettres ; car on avait besoin de ses services. M. Nypels a oublié, a omis cette formalité. Est-ce un motif
pour exclure de cette chambre un Belge qui a glorieusement combattu pour son
pays ?
Messieurs, vous admettez dans
les chambres les Français qui résidaient dans le pays, avant
M. Legrelle.
- Dans le doute où je me trouve comme plusieurs de mes honorables collègues,
j’ai cru devoir consulter un jurisconsulte éclairé qui n’appartient pas à la
chambre, Il m’a dit que l’art. 21 du code civil était applicable au cas où
l’autorisation du roi aurait été refusée, et à celui où elle n’aurait pas été
demandée, mais qu’il n’était pas applicable au cas où nous nous occupons. En
effet, le général Nypels a eu l’autorisation du
souverain, de l’empereur qui régnait alors sur
Si vous n’admettez pas le
général Nypels, un honorable sénateur qui a porté les
armes en France après la bataille de Waterloo, devra cesser de siéger.
Cependant cet honorable citoyen a siégé au congrès. Personne ne lui a contesté
sa qualité de Belge, et maintenant encore il siège au sénat.
Ne pas admettre le général Nypels, ce serait avoir deux poids et deux mesures. Cette
considération suffira pour me faire voter son admission.
M.
de Brouckere. - J’eusse préféré ne pas prendre part à la discussion de
la question qui vous occupe. Mais puisque plusieurs honorables membres viennent
de déclarer qu’ils étaient encore incertains sur le vote qu’ils devaient
émettre, je crois devoir soumettre à la chambre les motifs qui me détermineront
à voter contre l’admission du général Nypels.
Je commence par dire que je
ne suis nullement étonné des efforts qu’ont faits quelques-uns de nos collègues
pour engager la chambre à décider que le général Nypels
avait encore la qualité de Belge. Tous, à la vérité ou à peu près, sont
convenus que la loi est contre lui. Mais on a mis en avant, en faveur de l’élu,
des considérations personnelles, et quelques considérations politiques.
Je conçois très bien qu’on
se laisse aller aux sentiments qu’on éprouve pour un homme digne sous tous les
rapports de l’estime de ceux qui le connaissent. Mais quant à moi, ma position
comme magistrat m’a habitué à décider les questions sur lesquelles je suis
appelé à prononcer, non d’après mes sentiments ou des considérations
personnelles plus ou moins avantageuses aux intéressés, mais uniquement d’après
la loi, la raison et la justice. Eh bien, je dis que la raison, la justice, et
la loi se prononcent contre la validité de l’élection du général Nypels.
Ainsi que j’ai eu l’honneur
de le dire en commençant, la plupart des orateurs qui se sont prononcés pour la
validité de l’élection du général Nypels sont
convenus que l’art. 21 est applicable, si on l’entend à la rigueur. Mais ils
ont cherché à détruire l’applicabilité de l’article, en faisant ce que l’on
peut appeler un jeu de mots.
L’art. 21, ont-ils dit,
porte : « Le Belge qui, sans autorisation du roi, prendrait du service
militaire chez l’étranger, etc. ; » et de ce mot « prendrait, »
ils ont tiré la conséquence qu’il fallait que l’individu qui prenait du service
militaire à l’étranger ne se trouvât pas au service de cette puissance, dans le
temps où elle gouvernait
Je dis que c’est là un jeu
de mots ; je crois qu’on l’a déjà prouvé.
En effet, lors de
l’abdication de Napoléon, les étrangers qui étaient au service de France n’y
sont pas restés de plein droit, n’ont pas obtenu ce que je puis appeler une
continuité de service ; ils ont été dégagés de leurs serments. Aucune
obligation ne les retenait plus en France, aucun lieu ne les y rattachait. Les
Belges qui y sont restés, n’y sont restés qu’à la suite de démarches plus ou
moins pressantes. Il y a donc eu de la part des Belges qui, après l’abdication
de Napoléon sont restes au service de France, acte formel, acte exprès, et
l’intention de prendre du service militaire sous le roi Louis XVIII.
Messieurs, ce que je viens
de dire est plus applicable peut-être au général Nypels
qu’à aucun autre militaire belge. En 1815, et jusqu’en 1814, le général Nypels faisait partie de la garde d’honneur. C’est ce qui
résulte du rapport fait par l’organe de votre commission. La garde d’honneur
était dissoute tout entière par l’abdication de Napoléon ; ainsi par cette
abdication, le général n’était plus au service de France ; il était dans la
position de choisir entre son pays et un pays étranger.
On s’empressera de me
répondre : Mais il ne savait pas quel accueil on lui ferait quand il se
présenterait en Belgique ? Messieurs, on a oublie un arrêté que je vais
rappeler à la chambre, et qui prouvera que le général Nypels,
s’il a été incertain un instant sur le sort qui l’attendait dans son pays, ne
l’a pas été longtemps.
Il a bientôt su qu’il était
libre de rentrer en Belgique, sa seule patrie, et qu’il était sûr d’y obtenir
le grade qu’il avait eu en France.
Voici les termes d un
arrêté du 14 août 1814 :
« Considérant qu’un
grand nombre de Belges au service de France (le hollandais dit : encore au
service de France), ou qui viennent de quitter ce service, nous ont présenté
des demandes à l’effet d’occuper dans les troupes belges des grades analogues à
ceux qu’ils occupaient au service de France, et que les arrangements préalables
à l’organisation des troupes ne permettent pas de les mettre de suite en
activité, et ne pourront avoir lieu que successivement ;
« Voulant, en attendant, donner une marque de
notre sollicitude particulière aux Belges que le désir de servir leur patrie a
engagés à quitter un service étranger ;
« Après avoir entendu
la commission chargée des fonctions du département de la guerre,
« Avons arrêté et
arrêtons :
« Art. 1er. Il est
accordé aux officiers belges de naissance et ayant servi eunFrance,
un traitement provisoire fixé ainsi qu’il suit : etc. »
« Art. 2. Ce
traitement commencera à courir du moment où il aura été satisfait aux
conditions ci-après indiquées. »
Vous voyez donc que le
général Nypels après l’entrée des alliés à Paris,
après la prise de possession du trône de France par la branche aînée des
Bourbons, a bientôt su qu’il n’était plus au service de France ; qu’il a fallu
un acte positif pour qu’il reprît du service à l’étranger, car il était sûr en
rentrant dans sa patrie, de conserver son grade.
M.
A. Rodenbach. - Il était sûr d’être mis à la retraite ou d’être envoyé
à Batavia.
M.
de Brouckere. - On m’interrompt sans raison. Je défie qu’on vienne me
citer un seul exemple d’officier rentré envoyé à Batavia ; on n’y a envoyé que
ceux qui sont rentrés longtemps après. Au reste, je n’approuve pas les envois à
Batavia. Le général Nypels a préféré prendre du
service en France. Faut-il l’en blâmer, faut-il l’en louer ? A cet égard, les
opinions sont libres ; et il n’entre pas dans mes intentions de déverser le
blâme sur le général Nypels ; il a préféré Louis
XVIII à Guillaume ; libre à lui. Mais, dit un orateur, vous lui en faites un
crime, vous le traitez comme un infidèle
et comme un félon (ce sont les expressions employées), et vous lui
appliquez une peine, et une peine sévère. Je voudrais bien savoir en quoi nous
appliquons une peine au général Nypels ?
Je crois que les
expressions dont s’est servi l’orateur sont sorties de son cerveau sans
fondement. Peut-on blâmer celui qui choisit une patrie d’adoption ? Mais nous
avons en Belgique des Français de naissance, naturalisés chez nous ; j’en vois
même un devant moi ; je vois le général Evain : peut-on lui en faire un
reproche ? Le général Nypels a préféré rester en
France, comme le général Evain a préféré venir en Belgique ; ces deux hommes
sont également honorables.
Le général Nypels a si bien voulu prendre
Où M. Dechamps peut-il voir
une peine, et selon lui, une peine presque infamante ? S’il devait rester une
tache, quelle qu’elle soit, sur le front du général Nypels,
j’hésiterais à annuler son élection ; mais il n’y aura aucune tache sur cet
honorable général ; il y aura seulement pour lui obligation de demander la
grande naturalisation au pouvoir législatif.
L’honorable M. Milcamps a
soutenu une opinion qui, je crois, ne doit pas subir un long examen pour être
anéantie. Il a prétendu que le gouvernement provisoire, en donnant au général Nypels le brevet de colonel, lui avait accordé par cela
seul la grande naturalisation. Mais vous vous rappelez tous qu’en 1830 l’on
donnait des brevets d’officiers à toutes les personnes ayant quelque expérience
dans l’art militaire et qui demandaient à entrer dans notre armée. Je demande
si dans les premiers temps de 1830 on pouvait exiger de chaque officier et son
extrait d’acte de naissance, et la preuve qu’il n’avait servi
Mais, à défaut de bons
raisonnements, on a recours à des exemples. Voyons si ces exemples sont bien
choisis.
On a cité d’abord, et à
plusieurs reprises, le général Dumonceau : ce général
est rentré en 1815 ; il a été nommé membre des états-généraux ; personne n’a
réclamé contre son admission ; ainsi, dit-on, il y a jurisprudence établie par
les états-généraux.
Et depuis quand le silence
d’une assemblée législative, d’une assemblée politique, suffit-il pour établir
une jurisprudence ? Personne n’a soulevé la question, dit-on, et personne n’a
pensé soulever cette question, et l’on prétend que ce silence, dans un temps où
l’on était peu sévère, que ce silence de la seconde chambre des états-généraux
a suffi pour établir une jurisprudence. Mais, dira-t-on, tout le monde était
d’avis que cela n’excitait aucune difficulté. Mais ici, ceux qui se décideront
pour l’élection du général Nypels, pensent, j’en suis
sûr, que la question est au moins douteuse. Dernièrement, à propos des
élections de Soignies, il y avait une nullité, la chambre l’a décidé. Eh bien,
si M. de Mérode n’eût été présent, il est probable que la nullité serait passée
inaperçue, et dans deux ans M. Milcamps serait venu dire : il y a jurisprudence
de la chambre. Il en est de même pour le général Dumonceau.
Mais voici un homme un peu plus connu et qui doit faire sensation. Le général
Bertrand a été au service de Napoléon, alors que Napoléon n’était plus souverain
de
Ce n’était pas
assez des citoyens, des individus ; on est venu citer des nations tout
entières. Que dirait-on, s’est-on écrié, si plus tard
Qu’a attendu le général Nypels depuis 1814 ? Attendait-il le retour de Napoléon ?
Non, car pendant les 100 jours, il n’a pas pris de service. Il a suivi Louis
XVIII. Il attendait que
M.
Nothomb. - Messieurs, j’ignore si le député élu à Ruremonde sera ministériel
ou opposant, j’oublie quel est le député non réélu en faveur duquel votre vote
pourrait renouveler les chances d’élection ; mais ce que je sais, ce que je
n’oublie pas, c’est qu’il est interdit dans une assemblée délibérante de blâmer
la conduite parlementaire d’un ancien collègue, d’un député non réélu, d’un
homme absent qui ne peux plus se défendre ici. Nul de nous n’a le droit de
juger la conduite d’un de ses collègues ; chacun de nous doit respect à
l’opinion d’autrui, afin que l’on respecte sa propre opinion. Il me serait
facile de justifier le député non réélu dont la conduite a été si loyale et si
désintéressée, qui, dans les jours les plus difficiles, a toujours eu un
courage si rare, le courage de son opinion ; mais je dois m’arrêter, l’éloge
est ici interdit comme le blâme ; je dois me borner à constater l’incompétence
de chacun de nous pour le blâme comme pour l’éloge.
La question, réduite à ses
termes les plus simples, me paraît être celle-ci :
Le cas tout spécial où se
trouve le général Nypels est-il le cas prévu par
l’art. 21 du code civil ?
Je ne le pense pas ; je
crois que le cas où il se trouve n’est pas expressément prévu et n’a pu l’être
par le code ; en l’absence d’un texte formel, je me demande quelle est la
disposition qu’il faut appliquer par analogie.
Le code civil n’a pas prévu
le cas du démembrement d’un Etat, et il est même à remarquer que le
démembrement de l’empire français présente, par rapport aux provinces belges,
un caractère particulier. Séparés de l’empire français, les départements belges
ne constituent pas dès 1815 d’Etat à part, ayant une individualité propre ; ils
sont réunis à un autre Etat, et ce n’est que quinze ans après qu’ils forment un
Etat distinct.
C’est plus qu’une question
de droit civil que nous examinons ; c’est aussi une question du droit des gens.
Car tous les jurisconsultes de cette chambre se lèveraient pour m’opposer
l’article 21 du code civil, considéré matériellement, sans égard aux
circonstances, que je persisterais à leur répondre que les lois civiles ne
statuent pas, surtout à l’avance, sur les accidents qui résultent du
démembrement des empires.
Ce fait, messieurs, me
semble d’une haute importance : selon moi, toute la question est là. Le code
civil suppose l’existence antérieure d’une nation, et la défection en quelque
sorte d’un de ses membres ; lorsque le code a été fait il existait une France,
une nation française et le législateur a voulu qu’un Français qui quitte sa
patrie pour prendre du service militaire à l’étranger fût assimilé à l’étranger
ordinaire. Est-ce que le démembrement opéré en
Si dès 1814 les provinces
belges, au lieu d’être réunies à un autre Etat, au lieu de passer de la
domination française sous la domination hollandaise, s’étaient constituées en
Etat distinct, l’hypothèse prévue par le code civil eût existé ; tout Belge se
fût trouve par rapport à
Il est tellement vrai que
le démembrement de l’empire français créait des situations nouvelles, lors des
prévisions de la législation ordinaire, que l’art. 17 du traité de Paris, du 30
mai 1814, accorde aux habitants naturels ou étrangers des pays séparés de
Je crois avec M. Liedts
qu’il serait difficile d’en faire résulter le premier effet ; mais au moins
faut-il admettre le second, c’est-à-dire que l’étranger avait la faculté de se
retirer dans une partie quelconque de l’ancien empire, au point d’être dispensé
de demander une autorisation spéciale et personnelle, aux termes de l’article
13 du code civil ; en vertu du traité de Paris, cette autorisation lui était
acquise.
Cet article, a dit M.
Lieds, est d’usage ; il se trouve dans tous les anciens traités. C’est ce que
je ne puis ni affirmer ni nier ; je n’ai fait aucune recherche sur ce point ;
seulement je sais que cet article ne se trouve pas dans le traité du 15
novembre, et fort heureusement, car cette disposition pourrait nous mettre dans
un grand embarras, par rapport aux habitants nés dans les provinces
méridionales du ci-devant royaume des Pays-Bas, et qui sont restés au service
militaire ou civil de
M.
Liedts. - Attendez le traité définitif.
M.
Nothomb. - Eh bien, nous demanderons que ce texte ne soit pas introduit
dans le traité direct ; mais s’il y était, je ne saurais lui refuser une
signification. Puisque vous craignez cette insertion, c’est donc que l’article
a un sens.
Je dis en deuxième lieu que
le droit de se retirer où l’on voulait devait nécessairement influer sur les
obligations résultant du service militaire ; si ces obligations avaient existé
avec les pénalités qui y sont attachées, le droit de se retirer où l’on voulait
pendant six ans eût été entravé. En restant au service de France le militaire né
dans un des départements belges ne faisait qu’user de l’autorisation que lui
accordait le traité de Paris.
Je ne prétends donc pas que
le traité de Paris, en donnant pendant six ans à tout habitant d’un des pays
séparés de l’empire français le droit de se retirer dans une partie quelconque
du ci-devant empire, ait par là attaché à son choix la naturalisation, mais je
soutiens qu’il en résultait une autorisation de domicile, et la levée des
prohibitions concernant le service militaire. Si l’art. 17 du traité de Paris
n’a pas ce double sens, il faut dire qu’il ne signifie rien : ce que je ne puis
croire. Selon moi, le militaire né dans les départements belges, qui restait au
service français, pouvait invoquer la disposition de l’art. 17 et contre
La circonstance aggravante
par rapport au général Nypels, qu’on le remarque
bien, n’est pas le fait de sa naturalisation en France, c’est le fait du
service militaire ; cette circonstance me semble écartée par l’art. 17 du
traité de Paris qui lui donnait, de l’aveu du roi des Pays-Bas, le droit de
faire ce qu’il a fait. Ce n’est pas sans autorisation que le général Nypels est resté au service de France , cette autorisation
résultait pour lui du traité de Paris, et le roi Guillaume ayant adhéré à ce
traité, on peut donc dire que le général Nypels avait
l’autorisation du roi Guillaume.
Si, dans une guerre
survenue entre le royaume de France et celui des Pays-Bas le général Nypels avait été fait prisonnier, eût-il été un prisonnier
ordinaire ou bien eût-il été sujet à des poursuites criminelles dans le royaume
des Pays-Bas ? Je n’hésite point à dire
qu’il n’eût été que prisonnier de guerre, qu’aux termes du traité de Paris il
eût été impossible de le poursuivre. Les partisans de l’opinion que je combats
doivent soutenir que le général Nypels, restant en
France sans autorisation, aurait été dans le cas d’être poursuivi
criminellement s’il avait été fait prisonnier dans une guerre survenue entre
les deux pays : pour être conséquents avec eux-mêmes ils doivent aller jusque-là.
Ainsi l’art. 17 du traité de Paris est un non-sens ; loin d’être un bienfait,
c’est un piège.
La circonstance aggravante
du service militaire se trouvant écartée, l’analogie exige que le général Nypels soit considéré comme placé dans le cas de l’art. 18
du code civil. je dis que l’analogie l’exige, car je crois le cas hors des
prévisions ordinaires.
M’arrêterai-je à la
circonstance de savoir si le général Nypels a repris
du service en France à la suite de la dissolution de l’empire, ou s’il est
resté au service français ? Véritable jeu de mots, vous a dit M. de Brouckere.
Je le veux bien ; mais si je pouvais m’engager dans ce jeu, je vous donnerais
lecture de l’acte de naturalisation où il est dit : « Le sieur D.H. Nypels … nous expose qu’il est entré au service de France
le 1er mai 1813, qu’il a toujours servi sans interruption ; » ainsi
l’entrée au service remonte au 1er mai 1813, il n’y a pas eu interruption. Il
serait donc vrai de dire, si cette observation pouvait être de quelque
importance, que le général Nypels a été considéré
comme resté au service, malgré la dissolution de l’empire et le licenciement de
l’armée française.
Ce n’est pas seulement dans
l’intérêt du général Nypels que j’ai cru parler en
prenant part à cette discussion ; beaucoup de militaires nés dans les provinces
belges sont restés de 1815 à 1830 au service français et se sont empresses de
répondre à l’appel que leur a fait en 1830
Ce sont là, me dira-t-on,
des considérations que vous pourrez faire valoir avec succès lorsqu’il s’agira
de conférer la naturalisation aux militaires dont vous parlez : mais elles sont
impuissantes devant le texte précis du code civil. Je dis que ces
considérations dominent le code civil ; qu’il est impossible de ne pas mettre
le code civil en rapport avec les circonstances pour lesquelles il a été fait
et qui ne se reproduisent point ici. Le code civil est fait pour un état normal
: c’est une nation constituée qui punit l’émigration armée ; ce code n’a pas
prévu les accidents inhérents au démembrement d’un Etat : situation
extraordinaire qui est, par la force des choses, du domaine du droit public
plus que du droit civil.
Je ne craindrais
pas de voir cette question déférée à un tribunal ordinaire : les magistrats
porteraient leurs regards au-delà du texte de l’art 21 du code civil ; ils ne
resteraient pas comme enchaînés dans le texte ; ils tiendraient compte des
circonstances extraordinaires de 1814, circonstances en dehors de toutes les
prévisions possibles du législateur. La décision de la magistrature qui se
placerait à ce point de vue, serait conforme à la vôtre.
Je me résume en répétant
que la seule question est de savoir si, eu égard à des circonstances qu’on ne
peut méconnaître, le cas où se trouve le député élu est celui de l’art. 21 du
code civil ; je n’hésite point à répondre négativement et si je lui applique
l’art. 18. C’est par analogie, c’est qu’au défaut de texte formel, je suis
forcé d’adopter une règle. Selon moi, le général Nypels,
en entrant en 1814 au service de France, n’a point renié
M. Liedts. - Je
savais aussi bien que l’honorable préopinant qu’il n’est pas d’usage
parlementaire de blâmer les votes des membres qui siègent dans cette chambre,
mais je voudrais bien savoir ce que j’ai dit qui pût être un blâme pour M. Olislagers. Tout le monde sait qu’il est convenu d’appeler
ministériels les membres qui donnent le plus souvent leurs votes aux projets du
gouvernement. Si l’honorable M. Nothomb s’offense de l’expression de
ministériel, je crois que nous pourrions à aussi juste titre nous offenser
quand on nous nomme membres de l’opposition. En tout cas, je n’avais nullement
besoin de la petite leçon de civilité parlementaire qu’a paru vouloir me donner
l’honorable préopinant.
M.
Nothomb. - Je n’ai pas eu la prétention, de donner une leçon de
civilisé parlementaire à qui que ce fût, et même je me suis abstenu de
prononcer le nom des personnes, en me conformant en cela aux usages
parlementaires. L’honorable préopinant a dit que, bien que supposant M. le
général Nypels ministériel, il ne le supposait pas
autant que le membre qu’il remplaçait. Je persiste à soutenir que c’est là une
expression dont il aurait dû s’abstenir ; car le mot ministériel, comme il est
interprété hors de cette enceinte, et surtout quand il sort de la bouche d’un
membre de l’opposition, peut bien avoir un autre sens que celui que paraît
vouloir y attacher l’honorable M.
Liedts.
M.
F. de Mérode. - Toutes les fois que dans les chambres qui constituent
un pouvoir politique on voudra appliquer des lois politiques, comme le
magistrat, pouvoir judiciaire, est obligé d’appliquer les lois civiles, la
représentation nationale sera exposée à rendre les décisions le plus étranges,
les plus contraires à une politique raisonnable, et par conséquent elle
faussera son mandat qui ne ressemble point à celui d’une cour de justice : suum cuique. Une
révolution a lieu dans un pays, elle change les rapports du gouvernement avec
des provinces, avec des populations, avec des individus. Les articles
politiques insérés dans un code civil sont-ils passibles de la même
interprétation avant et après cette révolution, ou plutôt doivent-ils
s’expliquer d’une manière conforme aux circonstances qui ont prévalu et créé
sur les débris de sociétés précédentes une société nouvelle ? Naguère, les
Belges étaient légalement les compatriotes des Français, puis des Hollandais ;
enfin, ils sont revenus à un statut de nationalité propre, Prendrez-vous en
considération ces diverses phases de leur existence, ou bien, ouvrant le code
de l’empire français, y lirez-vous des mots sans vous inquiéter des faits que
ces mots n’ont pas même prévus ?
Et certes les termes de
l’article 21 du code civil français n’ont pas prévu la position dans laquelle
devaient se trouver les Belges arrachés à
Et pourquoi Frédéric de Mérode est-il venu mourir
en Belgique ? Parce qu’il y était né, et que l’affiliation à une patrie
adoptive ne crée point chez l’homme qui possède une âme généreuse
l’indifférence aux dangers, aux malheurs de son pays d’origine. Le gouvernement
provisoire a compris ce sentiment mieux que ne paraissent le concevoir ceux qui
se cramponnent à une lettre morte pour infirmer une élection très valable,
certainement. Si celui que j’ai nommé eût échappe au coup mortel, s’il eût
rempli les formalités qu’a remplies le général Nypels,
l’excluriez-vous de cette enceinte comme étranger, jusqu’à ce qu’il eût obtenu
des lettres de grande naturalisation ? Moi-même, j’ai porté l’habit de garde
national français, je devrais donc quitter cette chambre ; mais la
naturalisation a été évidemment délivrée de fait par l’appel du gouvernement
provisoire à tous les Belges naturalisés ou non naturalisés en France,
militaires ou non militaires qui sont venus défendre
M.
Gendebien. - Mon intention n’est pas de prolonger la discussion, car
pour ceux qui sont décidés à se mettre au-dessus des lois, ou qui ont fait
preuve d’une déplorable facilité à les éluder, il est inutile de parler ; pour
ceux qui sont décidés à juger conformément à la loi, je n’ai rien à ajouter à
ce qu’ont dit MM. Liedts, de Brouckere et un autre collègue dont je ne sais pas
encore le nom. Ils n’ont rien laissé à dire, et personne ne leur a répondu
directement. Je vais cependant vous transmettre quelques observations.
Je ne vois au fond de cette
discussion qu’une question de fait. Le général Nypels
a-t-il pris, oui ou non, du service en France ? s’est-il enrôlé sous des
drapeaux étrangers ? Ce fait ne peut être contesté de bonne foi. Dès lors, il
faut lui appliquer l’art. 21 du code, parce qu’il n’admet aucune excuse, aucune
exception, si ce n’est celle du consentement du souverain. L’art. 21 s’applique
au fait d’acceptation de grades ou distinctions militaires ; dès lors que le
fait est constant, on ne peut se refuser à appliquer la loi. (L’orateur lit l’article 21.) Vous voyez
bien, dit-il, que le texte est littéralement applicable à M. Nypels.
Si vous consultez l’esprit
de la loi, vous n’y trouverez aucune distinction, aucune excuse admissible. (L’orateur lit la discussion du Conseil
d’Etat sur l’art. 21.) Voilà ce qui constitue la nécessité de se
réhabiliter, de subir un nouveau baptême politique avant de rentrer dans
l’exercice de ses droits de citoyen. C’est la possibilité d’être forcé à porter
les armes contre sa patrie, Le motif qui a déterminé le législateur à décréter
l’art. 21 existe, vous le voyez, soit qu’on ait pris, soit qu’on ait continué
un service militaire à l’étranger : dans un cas comme dans l’autre on s’expose
à porter les armes contre sa patrie ou contre les alliés ou amis de sa patrie.
La distinction qu’on veut faire est donc futile et même puérile. (L’orateur continue sa lecture.) Vous
voyez, messieurs, que celui qui passe au service étranger, alléguerait en vain
que son intention n’était pas de porter les armes contre son pays, et qu’il y
serait rentré en cas de guerre ; cette excuse ne serait pas admissible. M. Nypels, d’ailleurs, l’alléguerait en vain, car nous lui
répondrions par la supplique qu’il a adressée au roi Louis XVIII. Il dit au
gouvernement de France que sa patrie serait désormais
Il renonce positivement à
son ancienne patrie ; il renie ses anciens compatriotes. Il se voue tout entier
à sa nouvelle patrie. (L’orateur lit
l’ordonnance de naturalité.) Le général Nypels
était donc entré au service de France sans esprit de retour : après des
engagements aussi solennels, comment pouvez-vous supposer, sans faire injure au
général Nypels, qu’il aurait pu quitter les drapeaux
français en cas de guerre contre
Ils ont montré pour leur
pays une indifférence qui pouvait devenir coupable, ils doivent se soumettre à
des épreuves de purification, à un nouveau baptême politique. Ce n’est pas même
une peine qu’on leur inflige, c’est une condition que la loi impose
impérieusement à la faveur qu’elle accorde.
Un Belge qui prend du
service en pays étranger est obligé, par ce seul fait, de se faire naturaliser
pour jouir des droits politiques, sans que la loi admette aucun genre
d’exception, et vous voudriez qu’un autre Belge qui s’est enrôlé en pays
étranger, qui s’y est fait naturaliser, qui a renoncé à son ancienne patrie, ne
dût pas se faire naturaliser pat la seule raison qu’avant de prendre du service
ou tandis qu’il était sous les drapeaux étrangers, il s’est fait naturaliser !
C’est cependant là l’argument ou plutôt la base de tous les arguments de ceux
qui veulent confirmer l’élection du général Nypels.
C’est parce qu’il réunit à
la fois les faits qui le soumettent à l’application de l’art. 18 et de l’art.
21, qu’on veut l’affranchir de ce dernier article pour ne lui appliquer que
l’art. 18.
Je ne sais quelle raison on
a fait valoir en faveur du général Nypels. Il n’est
point d’absurdité qui n’ait été alléguée en sa faveur. On vous a dit, par
exemple, que M. Nypels étant né Maestrichtois
en 1790 n’avait jamais été ni Belge ni Pays-Bassien,
ni Néerlandais, et que par conséquent on ne pouvait pas lui appliquer l’art 21.
Mais, dans ce cas, on ne peut pas lui appliquer non plus l’art. 18.
De deux choses l’une. Ou il
n’a jamais été Belge comme on le prétend, et dans ce cas il doit obtenir la
grande naturalisation, parce qu’il est dans la catégorie de tous les étrangers,
ou il était Belge, par le seul fait de son enrôlement en pays étranger, il doit
aux termes de l’art. 21 obtenir la grande naturalisation pour redevenir citoyen
belge et pouvoir siéger dans cette chambre.
Mais, vous a-t-on dit,
l’art. 18 n’a pas été fait pour des circonstances extraordinaires, pour des
bouleversements qui ont morcelé l’empire français.
Lorsque le code Napoléon a
été fait, on ne prévoyait pas, j’en conviens, la destruction de l’empire, bien
que les hommes prudent prévissent dès lors des catastrophes, car le despotisme,
le mépris des libertés publiques entraînent toujours des bouleversements.
Quelle conséquence peut-on tirer de l’allégation de vos adversaires ?, C’est
que pendant les bouleversements dont on vous a parlé, le code a pu cesser
d’être applicable de fait aux morcellements qui se sont opérés, la loi a pu se
taire alors. Mais lorsque la tourmente a cessé, lorsque l’empire et ses
fractionnements sont rentrés dans l’état normal, la loi civile a repris son
empire et le code Napoléon a continué à servir de règle, aussi bien pour
Les traités, en
fractionnant l’empire français, n’ont pas fractionné le code dans son
application ? Je défie qui que ce soit au monde de prouver le contraire. Dès
lors le général Nypels devait revenir en Belgique
s’il voulait conserver sa qualité de citoyen belge, il ne pouvait pas prétexter
cause d’ignorance, car le code régissait
Il a été reconnu, dit-on,
que M. Nypels a continué à servir en France, et on
vous a lu l’ordonnance de naturalisation. Mais faites attention que ce n’est
pas l’ordonnance qui reconnaît ce fait, c’est M. Nypels
qui l’invoque dans sa requête ; il dit qu’il a continué à servir en France.
Tout le monde peut dire ce que bon lui semble dans une requête, M. le général Nypels pouvait être de bonne foi quand il faisait cette
requête, mais ses allégations ne peuvent pas détruire ce fait qu’il y avait eu
licenciement de l’armée française tout entière, il y avait donc eu
nécessairement interruption de service et par conséquent nécessité de reprendre
service, de contracter de nouveaux engagements.
Au reste, la plupart des
orateurs ont reconnu avec raison qu’il n’y avait aucune espèce d’argument à
tirer de cette circonstance qu’il n’aurait fait que continuer le service qu’il
aurait pris sous l’empire, ce n’est là qu’un jeu de mots, et comme on l’a dit
une subtilité vraiment puérile.
M. Nypels
a d’ailleurs abdiqué formellement son ancienne patrie, il a déclaré qu’il n’en
reconnaissait aucune autre que
Messieurs, à tout instant
on vient vous parler du pouvoir politique que nous exerçons. A entendre
certains orateurs, il suffit d’être membre de cette chambre pour être dispensé
de connaître la loi et de s’y conformer.
Certes, messieurs, nous
avons un pouvoir politique, je suis loin de le nier. Mais nous avons un pouvoir
politique, en ce sens que nous pouvons ratifier ou repousser des traités, que
nous exerçons divers droits politiques ; mais dès l’instant que nous rentrons
dans les termes ordinaires de nos fonctions, nous sommes législateurs, et comme
législateurs, nous avons le droit de faire des lois ; mais aussi notre premier
devoir est de respecter les lois existantes ; car si nous voulons que les lois
que nous faisons soient respectées, il faut que les premiers nous donnions
l’exemple du respect pour les lois.
Je le dis hautement, il
n’est pas un jurisconsulte en Belgique qui oserait donner par écrit une
consultation tendant à établir que l’art. 21 du code civil n’est pas applicable
au général Nypels.
Messieurs, on a tiré
argument de ce que le gouvernement provisoire avait accordé au général Nypels le grade de colonel. Je ne vous rappellerai pas
toutes les conséquences qu’on a tirées et qui toutes sont plus ou moins
absurdes. Le gouvernement provisoire a accordé des grades à ceux qu’il croyait
capables de rendre des services au pays ; il en a accordé à des étrangers, à
des Français, à des Anglais, à des Allemands et même à des Hollandais ; eh
bien, s’ensuit-il qu’il a donné par là à ces Français, ces Anglais, Allemands
et Hollandais des lettres de grande naturalisation et le droit de siéger dans
les chambres ? C’était là un simple acte du pouvoir exécutif n’entraînant
aucune conséquence soit sous le rapport de la législation politique, soit sous
le rapport de la législation civile.
C’était un bénéfice pour
celui à qui on l’accordait, il se trouvait en possession d’un grade qu’il avait
le droit de conserver. Enfin c’était un droit civil si vous voulez.
De ce que nous avons
accordé ce droit civil au général Nypels, s’en
suit-il que nous l’ayons dispensé de remplir les conditions expresses de 21
pour exercer des droits politiques. Assurément, il n’y a aucune conséquence de
ce genre à tirer de ce fait.
On invoque le souvenir d’un
homme qui, sans intérêt personnel, sans arrière-pensée, a offert sa vie en
holocauste, qui a cimenté de son sang les libertés belges, l’honorable et à
jamais regrettable Frédéric de Mérode, personne ne l’a pleuré plus sincèrement
que moi. Eh bien, s’il se présentait aujourd’hui pour se faire recevoir député
sans lettres de grande naturalisation dans les conditions indiquées par M.
Félix de Mérode, je dirais qu’il ne peut pas être admis ; mais le lendemain il
recevrait par acclamation sa grande naturalisation.
Je dois faire
observer qui aurait pas eu besoin, par la raison qu’il n’avait pris aucun
engagement envers une puissance étrangère. L’honorable Frédéric de Mérode avait
servi volontairement pour une expédition déterminée pour s’opposer au retour de
Napoléon. Il n’avait pris aucun engagement vis-à-vis de
On a cité d’autres
exemples, mais déjà les arguments qu’on avait voulu en tirer ont été réfutés.
Avant tout il faut examiner la loi. Les exemples ne prouvent, rien, à moins
qu’on ne prouve d’abord que ces exemples tombent dans l’application de la loi
dont il s’agit ; les exemples ne servent souvent qu’à déplacer la question,
c’est ce qui a eu lieu aujourd’hui.
Pour mon compte, j’ai
l’intime conviction que le général Nypels se trouve
dans le cas de l’article du code civil, et je dis qu’il l’est d’autant plus,
qu’il s’est placé volontairement dans les conditions de cet article. Il a fait
plus même, il a renoncé formellement à son ancienne patrie en déclarant qu’il
ne reconnaissait pas d’autre patrie que
Je voterai donc contre
l’admission de M. le général Nypels.
M.
de Behr. - Bien que l’honorable M. Gendebien, l’un des premiers avocats
du barreau de Bruxelles, pense qu’il n’y a pas lieu de prononcer l’admission du
général Nypels, je ne saurais partager cette opinion.
J’aurai l’honneur de soumettre à cet égard quelques considérations à la
chambre.
D’abord l’art. 21 est fait
pour les cas ordinaires : il suppose un Belge, qui quitte sa patrie, et va
prendre du service militaire à l’étranger. Voici le cas qu’il suppose. Est-ce
là la position du général Nypels ? Je ne le crois
pas. Les deux positions ne sont pas identiques. Or je dis qu’il est de principe
que quand on veut faire ressortir d’une disposition de loi, une déchéance ou
une pénalité, le fait auquel on veut l’appliquer doit être identique avec celui
prévu par la loi. Et, je le répète, cette identité n’existe pas dans l’espèce.
L’art. 21 porte : « Le
Belge qui, sans autorisation du roi, prendrait du service militaire chez
l’étranger, ou s’affilierait à une corporation militaire étrangère, perdra sa
qualité de Belge. - Il ne pourra rentrer en Belgique qu’avec la permission du
Roi, et recouvrer la qualité de Belge qu’en remplissant les conditions imposées
à l’étranger pour devenir citoyen, etc. »
Il faut donc que le Belge
ait pris du service militaire sans l’autorisation du roi. Est-ce le cas du
général Nypels ? Non car lorsqu’il a pris du service
en France, il était Français ; il n’a donc eu besoin pour cela d’aucune
autorisation.
Voyons maintenant comment
est conçue l’ordonnance du roi de France ; elle porte :
« Le sieur Dominique
Hubert Nypels, major du régiment des dragons du
Rhône, officier de l’ordre royal de
Ainsi M. Nypels avait servi en France sans interruption. Eh bien il
est certain que lorsqu’on s’est occupé du code civil il y avait des Français au
service de l’Autriche et de
Qu’a fait le
général Nypels ? Il n’a fait que conserver du service
militaire en France. (Réclamations.)
C’est ainsi, messieurs, que vous devez l’entendre. Voyez en effet à quelle
absurdité vous êtes amenés, si vous voulez étendre la disposition de l’article
au général Nypels.
Je suppose que l’on eût
traité avec Napoléon car on lui avait proposé de traiter avec lui, moyennant
que
Quant à moi, je ne crois
pas à l’applicabilité de l’art. 21, qui n’est fait que pour les cas ordinaires.
Je voterai pour l’admission du général Nypels.
M.
Dubus. - Je ne partage aucunement l’opinion de l’honorable préopinant.
La question sur laquelle
nous avons à prononcer est une simple question de droit, une question
d’applicabilité de la loi. Et nous faisons ici l’office de juges. J’ai besoin
de le dire car certains orateurs m’ont paru se tromper sur ce point.
L’on a dit que nous étions
comme un jury. C’est là une grande erreur. Le jury prononce sur un fait,
déclare qu’il y a lieu ou non à condamnation, et se décide à cet égard d’après
les circonstances, d’après une enquête qui se fait sous ses yeux.
Ici , il ne s’agit pas de
prononcer sur un fait. Le fait est constant. Il s’agit seulement de savoir si
tel article de la loi lui est applicable. Il s’agit d’appliquer le droit au
fait. Ce n’est donc que par une aberration qu’on a pu dire que nous faisions
l’office d’un jury.
J’admettrai encore moins
que l’on fasse de la loi ce que l’on veut suivant les cas. Tant que la loi
n’est pas révoquée ou modifiée par une loi postérieure, elle est révocable dans
son applicabilité.
La question que nous avons
à examiner est celle de savoir si l’art 21 du code civil est applicable au
général Nypels. A cet égard, je dois dire encore que
je ne partage pas l’opinion de ceux qui ont voulu trouver une lacune dans la
loi. La loi a posé un dilemme dont les deux branches comprennent tout. Ou
l’individu, qui demande la qualité de citoyen belge, a déjà été Belge, ou il ne
l’a jamais été.
Dans ce dernier cas il est
étranger, et est soumis aux conditions imposées à l’étranger. Dans le premier
cas il cherche à recouvrer la qualité de citoyen belge qu’il a perdue. Alors il
y a lieu de rechercher comment il a perdu cette qualité. Car selon les causes
qui ont déterminé cette perte, le législateur a établi des formalités
différentes à remplir pour que cette qualité lui soit rendue. L’ensemble des
dispositions de la loi embrasse donc évidemment tous les cas.
Dans l’espèce, que
voyons-nous ? Serait-il vrai que le général Nypels
n’a jamais été citoyen belge ? Il est bien certain qu’il devrait alors remplir
les formalités imposées à l’étranger pour devenir citoyen belge. Mais j’avoue
que je ne comprends pas ce système qui tend à dire que le général Nypels né en 1790, dans une ville qui fait partie de
Nous devons maintenant
rechercher si M. Nypels a rempli toutes les
formalités nécessaires pour recouvrer sa qualité de citoyen belge. Ici est
toute la question.
Je pense, comme plusieurs
orateurs, que M. Nypels a perdu la qualité de Belge
en prenant du service militaire à l’étranger. Ici on m’arrête, en me disant que
je veux étendre la disposition de l’art. 21, et que cet article, comme tous
ceux qui contiennent des dispositions pénales est de stricte interprétation. Je
réponds que l’article ne contient pas de disposition pénale, mais détermine
seulement les conditions à remplir pour recouvrer une qualité perdue.
Si l’art. 18 n’existait
pas, ou si l’art. 21 avait été formulé pour tous les cas énoncés dans l’art.
18, je dirais qu’il est vrai que l’art. 21 contient des dispositions pénales. Au
lieu de cela il ne contient que des garanties pour l’Etat à l’égard de celui
qui a perdu la qualité de Belge et qui veut la recouvrer, et quant aux
pénalités il renvoie au code pénal pour des cas spéciaux qui ne sont pas
énoncés dans cet article et qui exigent certaines circonstances de plus.
Vous devez donc appliquer
la disposition de l’art.21 avec son esprit, non comme contenant une pénalité,
mais une garantie ; et vous devez l’appliquer à tous ceux qui sont dans le cas
prévu par le législateur, et ce cas est celui du service militaire pris à
l’étranger. Mais, dit-on, le général Nypels a t-il
pris du service militaire à l’étranger ? On répond ... Non, il n’a fait que
conserver du service militaire. Moi, je dis non, il n’a pas conservé du service
militaire à l’étranger ; car en 1815, il était Français ; ainsi on ne pouvait
pas dire qu’il prenait du service militaire à l’étranger. Donc on ne peut pas
dire qu’il a conservé, en 1814, du service militaire à l’étranger. Ceci répond
à l’argument qu’on a prétendu tirer de ce que l’art. 21 ne contient pas les
mots : « Le Belge qui prendrait ou conserverait du service militaire à
l’étranger, etc. » L’expression conserver
ne pourrait jamais s’appliquer au général Nypels. En
effet, en 1814, il y a eu un changement radical dans la position de M. Nypels. En 1813, il était au service de son pays. En 1814,
il était au service de l’étranger. Quelle conséquence à tirer de là ? Qu’il a
pris, en 1814, du service militaire à l’étranger. Il me semble qu’il est
impossible de méconnaître la justesse de cette conséquence.
Vainement dirait-on que la
position du général Nypels n’a pas changé en 1814, et
qu’il était comme auparavant au service de
Je suis bien aise que cette
question sur l’art. 21 se soit présentée, parce que, comme un honorable
préopinant, je la généralise et j’y vois autre chose que la question de
l’admission du général Nypels.
Si vous croyez que les
Belges qui sont restés au service de France après 1814, méritent faveur, quand
vous ferez la loi des naturalisations, admettez en leur faveur une disposition
spéciale. Mais en attendant exécutez à leur égard les dispositions du code
civil. Sans cela vous ne pourrez pas non plus les appliquer à tant de Belges
qui sont restés au service de
En 1830, ils ont cessé de
servir leur pays, et ont pris du service militaire en Hollande. Ce ne sont plus
des militaires belges. (Approbation.)
Voilà cependant, messieurs,
ceux à qui vous accorderiez implicitement l’indigénat, si vous ne reconnaissiez
pas que le général Nypels a perdu la qualité de
citoyen belge.
Je ne saurais admettre
l’argument que l’on a tiré de l’art. 17 du traité de Paris, en prétendant qu’il
autorisait le général Nypels à prendre du service
militaire en France. Un honorable membre a déjà répondu à cette objection, de
manière à la réfuter. Mais pour se pénétrer du vrai sens de la disposition du
traité de Paris, il faut savoir que dans certains Etats, notamment en
Allemagne, il existe pour les hommes une espèce de système de douanes, comme
pour les marchandises, et qu’un habitant de ces pays ne peut en sortir qu’à
certaines conditions. En songeant à ceci on comprend parfaitement la
disposition de l’art. 17 du traité de Paris.
On lève cette sorte de
barrières. L’on fait cesser cette douane contre les individus. L’on restitue à
chacun de ceux qui sont compris dans les dispositions de cet article le droit
d’abandonner leur patrie pour en aller chercher une autre dans le pays où on
voudra les admettre. Il est si vrai que le général Nypels
par le fait seul de son séjour en France n’était pas Français, qu’il a demandé
et obtenu du roi des lettres de naturalité, qu’on aurait pu lui refuser comme
on a pu les lui accorder. Le général Nypels a donc
usé du droit qu’il avait d’abandonner sa patrie. Il l’a véritablement
abandonnée de la manière prévue par la loi. Voulût-on entendre l’article 17 du
traité de Paris dans un autre sens, je ne vois pas encore comment l’on pourrait
expliquer le cas qui nous occupe d’une manière favorable au général Nypels. Quelle autorisation aurait-il reçue par cet article
(voir plus haut le texte de l’article 17
du traité de Paris), où trouverait-on dans cet article le moindre mot
relatif à l’autorisation de prendre du service à l’étranger. L’article ne s’en
occupe pas du tout. Au moment où il a été écrit, le considérait-on comme
habitant naturel de
L’on a dit encore en ce qui concerne la position du
général Nypels, que dans la requête qu’il a adressée
au gouvernement français, il a dit qu’il était entré au service de
Enfin pour fixer le sens de
l’art. 21, l’on a dit qu’à l’époque où a été promulgué le code civil, il y
avait des Français (des Belges devenus Français) au service de l’Autriche.
J’aurais voulu que cet argument eût été développé par son auteur, car, pour ma
part, je soutiens qu’il n’y avait plus de Français au service de l’Autriche.
Leur sort était fixé par des traités et par des dispositions spéciales. On
avait déclaré que ceux qui restaient au service de l’Autriche avaient perdu la
qualité de Français ; et l’on avait exigé qu’ils vendissent les biens qu’ils
pouvaient avoir en France. On les avait déclarés inhabiles à posséder des
propriétés à l’avenir. Ainsi , leur sort avait été fixé antérieurement, et ces
dispositions toutes rigoureuses prouvent qu’à l’époque de la promulgation du
code civil, on avait prévu le démembrement des Etats. Les cas étaient tous
récents et les applications que l’on avait faites du principe avaient présidé à
la rédaction de l’article 21 du code civil. Il y a donc dans cet argument une
preuve de plus à l’appui de l’interprétation que je donne à l’art. 21.
Je m’en réfère du reste à
ce qu’ont dit les orateurs qui ont parlé dans mon sens. Je voterai pour
l’annulation de l’élection de M. Nypels.
M.
F. de Mérode. - J’ai été en qualité de ministre d’Etat taxé en quelque
sorte d’hérésie pour avoir dit que nous devions nous décider par d’autres
motifs que les juges d’un tribunal ordinaire.
Je n’ai pas nié que nous
fussions juges, mais j’ai fait observer que nous étions juges d’une question de
droit des gens et non pas juges entre les intérêts de deux particuliers, et je
demande si une question qui à l’égard d’un particulier concerne sa nationalité
ne dépend pas des circonstances qui ont changé de la circonscriptions territoriales
de deux ou trois pays. Messieurs, je vous prie de ne pas perdre de vue l’arrêté
du gouvernement provisoire qui, en rappelant M. de Potter, a appelé tous les
Belges qui étaient en France. Pourquoi s’est-il adressé à eux et pas à d’autres
? parce qu’il a compté sur leurs souvenirs nationaux ; et alors, comme il ne
s’agissait pas de combattre à coups d’argumentation, avec une haute science de
jurisconsulte, mais à coups de fusil, je persiste à être convaincu que le
gouvernement provisoire préférait les militaires à tous autres, et qu’il était
bien loin de les considérer comme marqués d’une réprobation quelconque pour
avoir servi
J’ai fait valoir de hautes
raisons morales et politiques en faveur de la nationalité acquise par le
général Nypels, et je n’ai point entendu de réplique
satisfaisante à ces raisons non plus qu’a beaucoup d’autres très concluantes,
et je vous prie, messieurs, de ne pas l’oublier.
M.
Lebeau. - La chambre paraissant désirer la clôture de cette discussion,
je renonce à la parole
- La chambre est consultée,
par appel nominal, sur la question de savoir si M. le général Nypels sera proclamé ou non représentant.
75 membres prennent part au
vote.
35 se prononcent pour.
40 membres répondent non.
En conséquence l’élection
de M. le général Nypels par le district de Maestricht
est annulé.
Ont répondu oui : MM.
Bekaert, de Foere, F. de Mérode, de Muelenaere, Dechamps, de Sécus, de Terbecq,
de Theux, Manilius, d’Hoffschmidt, d’Huart, Pirmez, Eloy, Ernst, Hye-Hoys,
Jadot, Lebeau, Legrelle, Milcamps, Morel-Danheel,
Nothomb, Pirson, Polfvliet, Raikem, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Rogier, Smits,
Ullens, Vanderbelen, Verrue-Lafrancq, Wallaert,
Zoude.
Ont répondu non : MM,
Berger, Bosquet, Dequesne, Coppieters, Corbisier, Dams, Fishbach, Demonceau, de
Brouckere, Keppenne, de Jaeger, de Longrée, Stas de Volder, Desmet,
Raymaeckers, Vandenbossche, Doignon, Donny, Dubois, Dubus, Heptia, Frison,
Gendebien Kervyn, Liedts, Quirini, Schaetzen, Simons, Thienpont, Trentesaux, Troye,
Vandenhove, Vanden Wiele, Scheyven, Lejeune,
Verdussen, Vergauwen, C. Vilain XIIII, L. Vuylsteke.
- La séance est levée à 4
heures et demie.