(Moniteur belge n°222, du 9 août 1835)
(Président de M. Raikem.)
M. Verdussen procède à l’appel nominal à midi et demi.
M. Schaetzen donne lecture du procès-verbal de la dernière séance dont la rédaction est adoptée.
M. Verdussen fait connaître l’analyse des pétitions adressées à la chambre.
« Le sieur de Bondridder à Louvain demande que la chambre prenne une mesure qui autorise M. le ministre des finances à tenir compte, aux acquéreurs des biens domaniaux, du montant des billets qu’ils ont versés au syndicat d’amortissement pour cautionnement du prix de leurs acquisitions. »
« Le sieur de Rooy, né a Amsterdam, et domicilié à Bruges, demande la naturalisation. »
« Les sieurs Campion et Plaisant demandent que la chambre augmente au plus tôt le personnel du tribunal de Charleroy. »
« Un grand nombre de cultivateurs de la Flandre occidentale demandent la prohibition à l’entrée des bestiaux venant de Hollande. »
« Le sieur H.-J. Mary, à Anvers, réclame de nouveau le paiement de l’indemnité, qui lui revient pour interruption, pendant 3 années, de la jouissance de deux de ses maisons situées près de la citadelle. »
- Ces pétitions sont renvoyées à la commission chargée d’en faire le rapport.
Le sénat fait connaître par deux messages l’adoption des projets de loi relatifs à l’échange d’une propriété domaniale à Thielt, et aux exemptions en matière de douane.
M. le ministre de l'intérieur transmet des explications sur la pétition de la dame veuve Claessens, d’Anvers.
M. Verdussen fait ensuite connaître la composition des bureaux des commissions permanentes et des sections :
Commission d’industrie : M. Zoude, président ; M. Corbisier, vice-président ; M. Desmaisières, secrétaire.
Commission des finances : M. Dubus, président ; M. Verdussen, secrétaire.
Première section
Président : M. Fallon
Vice-président : M. Smits
Secrétaire : M. Troye
Rapporteur de la commission des pétitions : M. Hye-Hoys
Deuxième section
Président : M. Milcamps
Vice-président : M. Gendebien
Secrétaire : M. de Jaegher
Rapporteur de la commission des pétitions : M. Vanderbelen
Troisième section
Président : M. Cols
Vice-président : M. Desmaisières
Secrétaire : M. Pirmez
Rapporteur de la commission des pétitions : M. Verdussen
Quatrième section
Président : M. F. de Mérode
Vice-président : M. de Brouckere
Secrétaire : M. Vanden Wiele
Rapporteur de la commission des pétitions : M. Vandenbossche
Cinquième section
Président : M. Zoude
Vice-président : M. Eloy de Burdinne
Secrétaire : M. Quirini
Rapporteur de la commission des pétitions : M. Ullens
Sixième section
Président : M. de Behr
Vice-président : M. Liedts
Secrétaire : M. Jadot
Rapporteur de la commission des pétitions : M. Berger
(Addendum inséré au Moniteur belge n°223, du 10 août 1835 :) M. Fallon monte à la tribune et se prépare à faire le rapport de la commission nommée pour constater la situation de la banque à l’égard du trésor.
- La chambre consultée dispense l’honorable membre de cette lecture, et ordonne l’impression et la distribution du rapport.
M. le président. - M. le ministre des finances se rallie-t-il à la proposition de la commission ?
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Non, M. le président, je ne me rallie qu’au dernier amendement de la commission, à l’article 4.
M. A. Rodenbach. - Je félicite le gouvernement d’avoir rendu hommage aux vœux du pays en nous présentant les projets de loi sur la péréquation cadastrale, l’organisation communale, l’enseignement supérieur, le jury d’examen et l’abrogation de la subvention de guerre de 10 p. c. Je ne doute aucunement que l’initiative qu’a prise en cette occasion le ministère sera aussi bien accueillie dans nos chambre que chez les contribuables mécontents.
Par ma motion d’ordre du 12 mai dernier, je faisais connaître le désir du pays ; le ministère ne paraissait pas vouloir y croire, mais il a dû se convaincre depuis, par l’opinion publique, que nos réclamations étaient fondées. Au surplus, le gouvernement ne pouvait pas se dispenser de satisfaire à l’engagement qu’il avait pris de nous proposer le dégrèvement de ces centimes additionnels aussitôt que les besoins ne s’en feraient plus sentir ; à la vérité, il s’y est pris un peu tard, mais « vaut mieux tard que jamais. »
Je voterai dans le sens de la commission, parce que je suis convaincu que les percepteurs pourront aussi bien régler les comptes de tous les contribuables le 1er septembre que le 1er octobre.
J’appuie également la conservation des 10 p. c. sur les eaux-de-vie indigènes, pour la raison que ce spiritueux est à fort bas prix et qu’il m’a été assuré que cette subvention n’a point augmenté la fraude ; mais il est de toute justice que le drawback s’élève à 5 francs l’hectolitre, si vous voulez que le genièvre du pays s’exporte. Quant à la majoration de 10 p. c. que la commission propose sur les eaux-de-vie étrangères, je ne puis point y donner mon assentiment, car ce serait accorder une prime à la contrebande, qui nuirait en même temps au fisc et aux distilleries indigènes. Tous ceux qui résident à la frontière sont convaincus que c’est l’énorme droit dont sont frappés les spiritueux étrangers qui provoque l’infiltration de cette immense quantité d’alcool dans le pays.
Si tout espoir d’un traité de commerce avec la France était déçu, nous devrions nous empresser à réduire les droits sur les esprits et les eaux-de-vie de France, (erratum au Moniteur belge n°225, du 12 août 1835 :) de 50 p. c. Par cette mesure sage, l’article des voies et moyens concernant les eaux-de-vie étrangères augmenterait le revenu du fisc de plus de moitié et extirperait ce trafic illicite.
Tous ceux qui ont quelques connaissances en matière de douanes partageront, j’espère, mon opinion. C’est pour ces divers motifs que je me prononce contre les 10 p. c. sur les eaux-de-vie étrangères ; mais, je le répète, j’appuierai de toutes mes forces les autres articles du projet de loi que la commission nous soumet.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ne viens pas m’opposer en principe aux amendements proposés par la commission en ce qui concerne la suppression des 10 p. c. sur la contribution foncière, le personnel et les patentes pendant les quatre derniers mois de la présente année. Si je crois ne pas pouvoir m’y rallier, c’est à raison des difficultés administratives que feraient naître ces amendements, et je demande à la chambre de ne pas les adopter.
D’après des renseignements que j’ai pris dans les provinces, déjà 306,000 cotes de contributions directes ont été payées pour toute l’année. Personne de vous n’ignore, messieurs, que cependant une quantité de contributions ne paient leurs impôts que par trimestre.
Nous aurons donc à rembourser 306,000 versements faits par anticipation pour le dernier trimestre de l’année. Jugez par là, messieurs, du travail et des difficultés réservés à l’administration, si l’on veut que ces restitutions s’étendent aux quatre derniers mois de 1835. Il y a peut-être le double de remboursements à faire en sus pour ce mois seulement. Au surplus, le montant des restitutions de ce douzième sera très minime pour le contribuable. Il ne s’élèvera qu’à la 120ème partie du principal de l’impôt. Supposez qu’un contribuable ait eu 120 fr. de contributions directes à payer cette année, par l’adoption du système de la commission, il recevrait un franc de plus que par le maintien de celui du gouvernement.
D’un autre côté, cette restitution d’un douzième enlèverait au trésor une somme de 241,135 fr. Cette somme assez considérable pour le trésor, mais dont la répartition entre tous les contribuables ne leur produira qu’une fraction très minime, mérite d’attirer votre attention. C’est 241,000 fr. que je vous demande de conserver à l’Etat ; ils serviront à améliorer notre situation financière. Quel que soit l’usage que vous fassiez de cette somme, ce sera autant à diminuer plus tard dans le budget des voies et moyens, et ce résultat vous l’obtiendrez sans que le contribuable s’en aperçoive.
L’honorable préopinant a déjà rendu ma tâche facile en ce qui concerne l’amendement relatif aux eaux-de-vie étrangères. Il a fort bien dit que le droit sur les eaux-de-vie est déjà tellement élevé, que c’est en fraude principalement que ces spiritueux s’introduisent dans le pays. Permettez-moi, messieurs, de faire le rapprochement du chiffre de l’impôt d’accise sur les eaux-de-vie étrangères et de celui de l’impôt d’accise sur les eaux-de-vie indigènes. Vous verrez par cette comparaison qu’il ne peut y avoir lieu d’augmenter le droit existant sur les premières.
L’hectolitre d’eau-de-vie indigène à 50 degrés l’alcoomètre de Gay-Lussac, obtenue par une fermentation de 36 heures (remarquez que ce chiffre de 36 heures est très large, car il faut moins de 36 heures pour dégager l’alcool des matières où il est contenu) ; l’hectolitre, dis-je, y compris les 10 p. c., se trouve imposé à fr. 5 08 c.
Le même hectolitre à 75 degrés paie fr. 7 62 c
L’hectolitre d’eau-de-vie étrangère à 50 degrés de Gay-Lussac est tarifé à fr. 58 67 c
Le même hectolitre à 75 degrés, à fr. 88 00 c
Faites maintenant le rapprochement de ces chiffres, et vous en conclurez qu’il est inutile d’accorder cette nouvelle protection de 10 p. c. à nos distilleries. Elles n’en ont pas besoin. Plus tard même, quand il sera question d’un traité de commerce avec la France, l’on examinera s’il ne serait pas bon dans l’intérêt des deux pays d’abaisser le droit qui existe sur les eaux-de-vie étrangères.
Messieurs, l’honorable préopinant nous a reproché de ne pas avoir présenté plus tôt la loi dont nous nous occupons aujourd’hui. Ainsi que j’ai eu l’honneur de le développer dans l’exposé des motifs, le gouvernement a pensé qu’il eût été imprudent de proposer plus tôt la suppression de la subvention de guerre.
Que l’on porte les regards en arrière et que l’on dise si, vers l’époque de la clôture de la session dernière, il n’existait pas encore des apparences de guerre, si les affaires d’Espagne ne pouvaient faire naître des complications politiques. Je pourrais citer d’autres événements qui justifient amplement la prudence que le gouvernement a montrée en maintenant la perception des 10 c. additionnels.
Du reste l’on a beaucoup critiqué le maintien de cette perception en s’apitoyant sur la gêne des contribuables. Le seul fait que j’ai indique tout à l’heure, cette circonstance du paiement de 306,000 cotes soldées pour toute l’année, non seulement sur les contributions foncières, mais sur le personnel et les patentes, prouve que les contribuables ne sont pas aussi gênés qu’on s’est plu à les représenter, puisqu’ils ont payé par anticipation la subvention et le principal de l’impôt en une seule fois. A l’heure qu’il est, une forte partie des contributions sont rentrées au trésor. Les 306,000 cotes dont j’ai parlé font plus de 6 à 7 millions. Ce fait prouve donc que près du quart de l’impôt a été acquitté à l’avance. Ce n’est certes pas là un symptôme de gêne dans la position des contribuables.
Ainsi que je l’ai dit tout à l’heure, je me rallie à l’amendement de la commission relatif à la majoration de la restitution du droit d’accise à l’exportation du genièvre indigène. Puisque les 4 francs 50 cent. de restitution auxquels donne droit la loi du 18 juillet 1833 ont été calculés d’après le droit de 22 centimes, et qu’ils n’ont pas été élevés en raison de la surtaxe de 10 p. c. sur l’impôt, il est juste, aujourd’hui que nous conservions ces 10 p. c., de rétablir l’équilibre en remboursant 50 centimes de plus.
J’aurai un amendement à introduire à l’article premier ; peut-être ferai-je bien dans l’intérêt de la discussion de le présenter maintenant. Il doit être placé à la suite du dernier paragraphe de cet article ainsi conçu :
« Le gouvernement est autorisé à restituer aux contribuables le prorata de ladite subvention qu’ils auraient payée par anticipation, sur ces quatre mois, pour ces contributions ou ce droit. Cette restitution s’opérera en déduction des recettes. »
Ma proposition a pour objet d’ajouter à ce paragraphe la disposition suivante :
« La demande devra en être faite par les ayants droit, sous peine de déchéance, avant le 1er juillet 1836. »
Il est nécessaire, messieurs, pour diminuer les difficultés de la comptabilité, de fixer un terme après lequel l’on ne pourra plus adresser de réclamation. Une multitude de ces réclamations porteront sur des sommes très minimes dont même beaucoup de contribuables préféreront ne pas demander la restitution. Je dois prévenir la chambre que les sommes qui n’auront pas été réclamées par l’ayant droit appartiendront après le terme fixé pour la déchéance, non pas aux receveurs, mais demeureront acquises au trésor de l’Etat.
Je n’avais pas proposé dans le projet de loi une disposition analogue à celle que je présente en ce moment, parce que, d’après la loi du 8 novembre 1815, un délai de six mois est accordé à toute personne qui a des réclamations à faire au gouvernement pour toute espèce de créance. Mais j’ai pensé depuis qu’il pourrait arriver que cette disposition, exprimée d’une manière générale, ne fût pas connue des contribuables, et il m’a semblé qu’il valait mieux fixer un terme spécial de déchéance dans la loi même à laquelle cette déchéance se rapporte. Je pense que le délai que j’ai choisi obtiendra l’approbation de la chambre, puisque les contribuables auront 9 à 10 mois pour faire leurs réclamations.
M. Donny, rapporteur. - M. le ministre persiste à prolonger jusqu’au 1er octobre la perception des centimes additionnels en ce qui concerne les contributions directes ; les motifs qu’il vient de donner sont exactement les mêmes que ceux qui a consignés dans l’exposé des motifs accompagnant le projet de loi.
Il nous dit : Il y a déjà un grand nombre de contribuables qui ont payé leurs contributions directes pour le mois de septembre ; si le système de la commission est admis, il faudra leur faire des remboursements qui apporteront des difficultés immenses dans les opérations de comptabilité. Il vaut mieux s’en tenir au système du gouvernement, dans lequel il n’y a aucun remboursement à faire à ceux qui n’ont pas payé au-delà des trois premiers trimestres.
D’abord nous ne partageons pas l’opinion de M. le ministre des finances sur les difficultés que présentera le remboursement des impôts déjà payés. Ensuite, en supposant que ces difficultés existent réellement, il faudra toujours passer par là pour la partie des contributions jusqu’à la fin de l’année.
M. le ministre vient de dire lui-même que déjà 306,000 cotes ont été payées jusqu’au 31 décembre. Ainsi, dans son système, il y a 306,000 restitutions à faire. Maintenant, qu’à ces 306,000 restitutions inévitables vous en rajoutiez 13 ou 20 mille de plus, cela ne compliquera pas de beaucoup la besogne de l’administration. Et quand il en serait autrement, une considération de cette nature ne serait pas suffisante pour retarder d’un mois la suppression des centimes additionnels, suppression qui, à l’égard des contribuables, est un véritable acte de justice.
Le deuxième motif donné par M. le ministre, à l’appui de son opinion, c’est qu’en supprimant l’impôt extraordinaire un mois plus tôt, on ferait perdre au trésor une somme de 241,000 francs. Mais, messieurs, si cet argument était fondé en ce qui concerne les contributions directes, le gouvernement pourrait l’employer également pour tous les autres impôts. Il pourrait nous dire : « Au lieu de supprimer l’impôt extraordinaire sur les accises et les douanes à partir du 1er septembre, ne le supprimons qu’à partir du 1er octobre ; le trésor y gagnera un mois de produit de plus, comme il gagnera 241,000 fr. en retardant d’un mois la suppression de l’impôt sur les contributions directes…
- Plusieurs voix. - Gardez le tout !
M. Donny, continuant. - D’ailleurs, nous devons considérer la loi qui nous occupe sous un point de vue tout différent. Il ne s’agit pas ici des intérêts du trésor ; il s’agit de considérer l’origine de la loi, de voir si les motifs qui nous ont déterminés à l’adopter subsistent encore, et s’il faut que la loi continue à avoir son effet : or, le seul motif qui nous l’ait fait adopter, c’était la prévision d’une agression hollandaise. Sans cette prévision nous n’aurions pas voté de centimes additionnels. La première question qui doit nous occuper est donc celle de savoir si une agression de la part de nos ennemis n’est plus à craindre ; si cette question doit être résolue négativement, l’effet de la loi doit nécessairement cesser, parce que l’effet doit cesser avec les causes qui l’ont amené.
Or, cette question a été résolue négativement par le gouvernement lui-même, et dès lors la nécessité de supprimer l’impôt additionnel ne peut être douteuse pour personne. Du moment qu’il est reconnu qu’il y a lieu de supprimer la subvention de guerre, il ne s’agit plus que de déterminer l’époque la plus rapprochée à laquelle cette suppression peut avoir lieu. Et pour déterminer cette époque, il ne faut pas avoir égard aux intérêts du trésor, mais tout simplement à la régularité du service. Je crois avoir démontré que le service ne sera pas plus entravé dans le système de la commission que dans celui du gouvernement.
M. le ministre ainsi qu’un honorable préopinant ont critiqué les conclusions de la commission en ce qu’elle étend aux eaux-de-vie étrangères la proposition faite par M. le ministre pour les eaux-de-vie indigènes.
La commission n’attache pas une grande importance à son opinion sous ce rapport. Voici le motif qui l’a déterminée à vous faire sa proposition. La loi sur les distilleries a placé les distilleries indigènes dans une position très favorable vis-à-vis des distilleries étrangères. La loi qui a établi l’impôt de 10 p. c. a maintenu les deux fabriques dans la position relative que leur avait consignée cette loi sur les distilleries.
La commission a cru qu’il n’entrait pas dans sa mission de changer cet ordre de choses. Elle a cru devoir maintenir la différence qui existait, et elle a proposé une disposition nouvelle à cet effet. Tels sont les seuls motifs qui ont dirigé la commission.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’honorable préopinant se demande pourquoi, par une conséquence toute logique, le gouvernement ne vient pas demander le maintien des 10 p. c. sur les impôts indirects aussi bien que sur les contributions directes, pendant le dernier mois du troisième trimestre.
Le gouvernement a déjà expliqué les motifs de cette différence dans les observations qui accompagnaient le projet de loi. Elle tient à la nature même des impôts.
Il est, en effet, évident que du moment que les contribuables connaîtront l’époque de la diminution des impôts, ils différeront de déclarer les marchandises qu’ils veulent livrer à la consommation, et attendront le lendemain du jour où la perception des 10 centimes cessera.
Il en est de même pour les pièces soumises à l’enregistrement. Les parties intéressées ajourneront la passation des actes, et en résultat, depuis le moment où j’ai présenté le projet de loi jusqu’à celui où cessera la perception des 10 p. c., il ne sera rien ou peu payé au trésor en fait d’impôts indirects.
J’ai particulièrement insisté sur cette observation, pour que la chambre sache bien que le mois courant sera peu productif de ces impôts, bien que la perception des 10 centimes additionnels soit maintenue pendant toute sa durée.
L’honorable préopinant revenant sur les amendements de la commission, par lesquels la subvention de guerre serait supprimée pour tous les impôts, à partir du 1er septembre prochain, s’est emparé du fait des 306,000 cotes à rembourser pour le dernier trimestre, pour en inférer que le remboursement des perceptions du mois de septembre n’entraînera pas de plus grandes difficultés.
Sans doute il y a 306,000 cotes à rembourser. Nous ne nous sommes pas dissimulé les embarras que ces restitutions feront éprouver à l’administration. Nous en avons exposé les motifs dans le rapport à l’appui de la loi ; mais vous allez doubler, tripler même ces inconvénients, attendu, comme je l’ai déjà expliqué, que beaucoup de contribuables paient leurs impôts par trimestre. Beaucoup de paiements de cette nature se seront donc effectués jusqu’au 1er octobre prochain.
C’est par ces motifs que les difficultés s’augmenteront, difficultés qui ne sont pas insurmontables, mais qui coûteront du temps, du travail et de l’argent.
Je ne suis pas d’un avis contraire à certaines considérations générales soumises par la commission et son rapporteur. J’ai même dit qu’en principe je ne m’opposais pas à la proposition qu’ils ont faite ; mais nos différences d’opinion portent, de mon côté, sur une question pratique, sur une question d’exécution.
J’ai ajouté que le contribuable ne gagnerait presque rien à la restitution du mois de septembre, tandis que si elle n’avait pas lieu, le trésor conserverait une somme de 241,000 francs, et que cette somme me paraissait avoir pour nos finances une certaine importance. Du reste, en ce qui concerne les motifs principaux émis par le préopinant, je ne suis pas en désaccord avec lui ; mais je prie la chambre de vouloir bien peser mûrement les difficultés administratives que j’ai signalées.
M. Desmet. - Messieurs, je n’aurais pas pris la parole dans cette discussion, si, d’après moi, M. le ministre des finances n’eût pas avancé une erreur qui aurait pu tromper la chambre, quand il vous a dit que les cinq francs qu’on accorde au remboursement des droits de fabrication sur les eaux-de-vie indigènes, à leur sortie du pays, sont plus que suffisants, parce que, disait-il, les droits de la fabrication de l’eau-de-vie de grain ne s’élèvent, d’après la loi du 18 juillet 1833, qu’à 5 fr. 8 c. l’hectolitre de liqueur, et qu’en conséquence, il a conclu, ainsi que l’a fait l’honorable rapporteur, que la position de nos eaux-de-vie indigènes était aussi favorable que celle de nos voisins, en élevant le drawback à 5 fr. l’hectolitre.
Je commencerai à dire à M. le ministre des finances que je ne suis aucunement d’accord avec lui sur le montant des droits d’accises de l’eau-de-vie, comme il vient de l’établir à 5 fr. 8 c. l’hectolitre de liqueur. Je voudrais voir comment M. le ministre fait son calcul pour trouver que les droits de cette fabrication ne montent qu’à 5 fr. 8 c. De mon côté, j’ai fait aussi le calcul, et je l’ai fait après d’amples informations, et, messieurs, je puis vous assurer que ces droits s’élèvent de 6 à 7 fr. l’hectolitre de liqueur ; je ne crains pas que mon calcul soit controuvé.
En ne remboursant donc à la sortie que 5 fr., je pourrais aussi assurer qu’on ne rembourse pas intégralement les droits de fabrication, et que de ce chef notre position pour l’exportation de nos eau-de-vie de grain est déjà moins favorable que celle des Hollandais, dont les distillateurs reçoivent comme drawback tout le montant des droits de fabrication de leur genièvre ; le fisc hollandais rembourse 16 fl. 66 c., qui compensent tous les droits d’accises.
Et une preuve que les Hollandais ont de grands avantages sur nous pour l’exportation de leur genièvre, c’est qu’ils font considérablement entrer en fraude de ces liqueurs dans notre pays par la frontière de Maestricht, comme nos honorables collègues, les députés de la province du Limbourg, pourront l’attester…
D’un autre côté l’exportation des liqueurs est encore gênée chez nous par la déclaration qu’on est obligé de faire et à cause du droit de balance qu’on doit payer à la sortie. Je n’entrerai point dans le détail des motifs de la gêne qu’occasionnent cette déclaration et le paiement de ce droit de balance ; quand l’honorable M. d’Hoffschmidt vous a fait la proposition de supprimer ce droit à la sortie du bétail, il vous les a amplement fait connaître et la chambre les a appréciés comme ils devaient l’être ; mais j’engage M. le ministre des finances de ne pas tarder à faire une proposition à la chambre pour modifier, à l’égard de l’exportation des eaux-de-vie indigènes, le tarif actuel comme on l’a fait pour la sortie du bétail.
J’engage aussi M. le ministre à faire prendre des mesures dans le Limbourg, pour arrêter la fraude que les Hollandais font sur cette frontière avec tant d’activité et mettre enfin un frein au mal que nos ennemis y portent à notre agriculture et à notre industrie, car M. le ministre des finances ne peut ignorer que la quantité de genièvre, de céréales et de bétail que les Hollandais font entrer par la frontière de Maestricht dans le pays est très considérable. Les Hollandais font tout ce qui est en leur pouvoir pour faire un tort à notre commerce et à notre industrie, et nous autres nous sommes si maladroits qu’au lieu d’user de représailles envers nos ennemis, nous les ménageons toujours, comme nous n’avons cessé de faire depuis les premiers mois de la révolution.
M. Liedts. - L’honorable M. Donny me paraît avoir parfaitement justifié les propositions de la commission. Tout ce que M. le ministre des finances a répondu pour réfuter ces propositions ne saurait me porter à adopter le projet ministériel.
Si l’on résume les paroles de M. le ministre, il y a, selon lui, deux motifs pour admettre la loi telle qu’il l’a présentée. Le premier, c’est que les sommes à rembourser ne seraient que minimes pour les contribuables. Il ne s’agit pas de savoir si la somme à restituer est forte ou faible. La question à examiner est celle de savoir s’il serait juste de continuer la perception des dix centimes additionnels, et si nous ne serions pas coupables aux yeux de la nation de la frapper plus longtemps d’un impôt devenu sans objet, même dans l’opinion de M. le ministre.
A entendre le ministre des finances, il semblerait que ce serait un cadeau qu’il ferait aux contribuables, tandis qu’en réalité ce n’est que le redressement d’un grief, la répartition d’une injustice.
Reportez-vous au moment où les 10 centimes additionnels ont été créés ; et vous en aurez la preuve. A peine la nation avait recueilli de la bouche de S. M. l’espoir de voir diminuer l’impôt, qu’on fit circuler divers bruits ; on manifesta des craintes de guerre ; on prétendit que la Hollande préparait une agression. Ce sont ces craintes qui ont engagé la législature à augmenter les contributions de 10 centimes. Toutefois on n’a adopté la mesure que sur la promesse bien positive de la part du ministère que ces 10 centimes ne seraient plus perçus lorsque les craintes de guerre auraient disparu. Or, elles avaient disparu avant la fin de la dernière session.
N’avez-vous pas entendu dire à deux reprises différentes aux ministres, ou plutôt ne leur avez-vous pas entendu insinuer que les dix centimes étaient destinés à construire des forteresses sur les frontières hollandaises ? Ils avaient donc la certitude que la guerre n’était plus à craindre.
Si le ministère s’est décidé aujourd’hui à proposer le retrait des 10 p. c., ce n’est pas pour nous faire un cadeau, je le répète ; c’est parce qu’il a vu les réclamations faites par la presse périodique ; c’est qu’il a compris le vœu de la nation ; c’est qu’il a voulu aller au-devant des propositions qui n’auraient pas manqué d’être faites dans cette enceinte : Nous ne devons pas laisser subsister plus longtemps une mesure sans motifs, une charge qui n’est plus, par conséquent, qu’une injustice.
Le ministre parle de difficultés administratives ; mais c’est lui-même qui est la cause de ces difficultés ; il ne tenait qu’à lui de présenter le projet dans la session dernière et de faire cesser l’impôt au commencement de l’avant-dernier trimestre. Je n’abandonnerai donc pas le projet présenté par la commission.
M. Coghen - Membre de la commission, j’ai cependant voté pour le projet du gouvernement : il est évident que relativement aux contributions foncière et personnelle, en fractionnant le trimestre, on jetterait l’administration dans des embarras inextricables.
Je me rallierai bien volontiers à la proposition qui tendrait à augmenter le droit à la sortie, ou la restitution à l’exportation pour les genièvres indigènes, car il faut avouer que depuis la loi sur les distilleries il n’y a pas eu d’exportation de nos produits.
Le ministre nous a fait observer que si on empêchait la perception des 10 p. c. sur l’impôt foncier et les patentes pendant le mois de septembre, il en résulterait une perte de 241,000 fr.
Or, je ne crois pas que ce soit le moment de restreindre les ressources du trésor. On ne doit pas perdre de vue qu’il est en avance, pour les comptes des budget de 12 à 15 millions, et qu’il faudra combler ce déficit. Il l’est maintenant par le moyen des bons du trésor ; mais il faudra en définitive y pourvoir autrement.
Nous avons en outre à payer les dégâts faits en 1830. Il serait à souhaiter qu’ils le fussent promptement. Voilà cinq années que nos compatriotes souffrent de malheurs inévitables dans une conflagration politique.
Les sommes que le trésor pourra recevoir ne manqueront pas d’application. N’avez-vous pas des fortifications à élever sur votre frontière du côté de la Hollande ? Si vous aviez des moyens de défense sur ce point, il vous serait possible de diminuer votre armée.
Par ces considérations, je ne ferai qu’une réclamation en faveur des contribuables. Lorsqu’on leur demande des impôts, ils ne manquent pas d’avertissements ; ils savent qu’ils doivent payer ; aujourd’hui qu’il s’agit d’une restitution, je crois qu’il serait équitable de leur donner aussi des avertissements qu’ils ont droit à dégrèvement. Le plus grand nombre des contribuables ne lit pas les journaux ; il y aura ignorance... (On rit.)
- Plusieurs membres. - N’ayez pas peur !
M. Legrelle. - Ils le sauront bien !
M. Coghen - Les contribuables, en très grand nombre, seront punis d’avoir payé l’impôt d’avance : la peine qu’ils devront prendre pour faire une réclamation les empêchera de la faire. Il sera très utile de leur donner avis des sommes payées en trop.
M. A. Rodenbach. - Pour abréger la discussion, M. le ministre des finances a présenté un amendement ; pour abréger aussi la discussion, je réclamerai quelques explications relativement à cet amendement.
La demande en restitution pour trop payé doit-elle être écrite ou verbale ? Il y a beaucoup de personnes qui ne savent pas écrire. Je m’informerai en outre si la demande en restitution doit être sur papier timbré. (On rit.)
On vous a entretenus du drawback, ou du droit restitué à la sortie des eaux-de-vie fabriquées en Belgique ; ce drawback est de 5 fr ; en apparence, mais il est vraiment illusoire ; car on exige à la douane 3 fr. de droits, lorsque vous allez déclarer que vous faites une expédition ; ainsi le drawback se réduit à deux francs. Si vous voulez favoriser notre industrie, ou supprimez le droit de 3 fr. perçu pour les déclaration d’exportation, ou portez le drawback (erratum au Moniteur belge n°225, du 12 août 1835 :) à 2 fr.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je dois une réponse à M. E. Desmet. Il a prétendu que le droit de 5 fr. restitué à la sortie pour les genièvres indigènes que l’on exporte, était trop faible ; je vais lui démontrer que son assertion est erronée. Je présenterai à la chambre quelques calculs qui lui prouveront que le droit de 5 fr., loin d’être en dessous, est plutôt en dessus de ce qu’il est équitable d’accorder, et que le préopinant exagère en cela les besoins de l’industrie.
La loi sur les distilleries a réduit l’impôt de la fabrication des spiritueux à 22 centimes par jour et par hectolitre de matière en fermentation. L’honorable préopinant a avancé, ou du moins la chambre a tenu pour certain, lors de la discussion de la loi sur les distilleries, que l’on obtenait 7 litres de spiritueux par hectolitre de matière mise en fermentation ; et l’évaluation du droit a été faite d’après ce chiffre. Il faut donc distiller 14 hectolitres de matière, qui a fermenté pendant 36 heures pour en tirer un hectolitre de genièvre.
Il m’a semblé que l’honorable M. Desmet révoquait en doute qu’il fallait seulement 36 heures pour faire fermenter un hectolitre de matière : je persiste à dire que ce temps de 36 heures est plutôt trop long que trop court ; car dans beaucoup de distilleries on ne met que 30 heures pour achever la fermentation. On dit même, aux bancs qui sont à côté de moi, qu’en 23 heures de fermentation l’alcool est dégagé et qu’on peut procéder à la distillation.
M. Desmet. - Ce n’est pas là la question !
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Voilà les bases qui ont été généralement admises après de longues discussions, lorsque la chambre s’est occupée de la loi sur les distilleries.
Or 14 hectolitres à raison de 22 centimes par jour et par hectolitre donnent 3 fr. et 8 c. Il faut un demi-jour de plus pour parvenir aux 36 heures ; ce qui donnera 1 fr. 54 c. En tout, le droit de 14 hectolitres, pendant 36 heures, produira 4 fr. 62 centimes.
Ajoutons à cela le droit de 10 centimes additionnels, et nous obtiendrons enfin 5 fr. 8 c. de perception de droits par hectolitre de genièvre.
Eh bien, si le droit de fabrication ne s’élève qu’à 5 fr. 8 c. , il est naturel que la restitution à la sortie soit de 5 fr.
La proposition de la commission est donc suffisante.
Voilà ce que j’avais à répondre à M. Desmet.
L’honorable M. A. Rodenbach veut des explications sur ce que j’entends par demandes de restitution des droits payés par anticipation ; il est facile de le satisfaire. Il est évident que l’administration n’exigera pas de demandes écrites, et encore moins des demandes écrites sur papier timbré. Le contribuable se présentera au bureau du receveur, et la restitution sera opérée sans frais. La démarche ne sera pas onéreuse parce que le receveur demeure au milieu des contribuables.
M. A. Rodenbach. - Mais le ministre ne répond pas relativement au droit de 3 francs que l’on exige à la douane pour les déclarations d’exportation des genièvres.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Ce droit de 3 francs est un droit d’expédition ou de décompte : que l’on fasse sortir cent hectolitres de genièvre ou que l’on n’en fasse sortir que dix litres, le droit est toujours le même ; on paie par expédition et non par hectolitre.
M. Dubus. - Messieurs, en proposant de faire cesser le 1er septembre prochain la perception des 10 centimes additionnels votés en décembre 1834, le ministre voudrait une exception pour la contribution personnelle et mobilière ; il voudrait qu’elle ne cessât d’être payée que le 1er octobre.
Il a été démontré que cette exception serait injuste. Toutefois, sur cette injustice, il y a une considération que l’on a omis de vous présenter ; et c’est pour vous la soumettre que j’ai demandé la parole.
Le principal motif du gouvernement pour faire admettre l’exception, c’est la difficulté plus grande pour la restitution, c’est qu’un grand nombre de contribuables ont déjà payé leur quote-part, y compris le subside de guerre ; et pour cela il veut faire payer le même subside aux autres contribuables.
Cette mesure serait une injustice flagrante, et envers ceux qui l’ont payé, et plus encore envers ceux qui n’ont pas payé. Vous puniriez ceux qui ont payé de leur empressement. Vous empêcheriez les contribuables de jamais payer d’avance, parce que le fisc ne voudrait jamais rendre ce qu’il tient. C’est bien pis à l’égard de ceux qui n’ont pas payé et qui forment les trois quarts des contribuables. Ceux-ci ne paient le plus ordinairement que quelques mois après l’échéance, parce qu’ils sont peu aisés. Le contribuable qui paie d’avance est l’homme fortuné ; il paie pour son château, pour son parc, pour ses jardins ; mais le retardataire, c’est le fermier.
Remarquez-le, dans le royaume la contribution foncière pèse sur le fermier. On a soin d’insérer, dans tous les baux, une clause qui met cette contribution à la charge du malheureux fermier, qui y met même la contribution extraordinaire pour subvention de guerre. C’est une clause banale que l’on n’oublie jamais. De ce que le fermier a une forte contribution à payer, ce n’est pas un signe de richesse pour lui. Il n’est pas en mesure de payer d’avance ; il n’est même pas en mesure de payer aux échéances ; il est souvent en retard de plusieurs mois. Il serait injuste de l’obliger à payer ce qu’il ne doit pas, puisque le motif qui a fait établir la contribution est venu à cesser. La considération des inconvénients que l’on veut éviter doit s’évanouir devant celle que je vous soumets.
A propos des inconvénients qui naîtraient de la restitution, le ministre a proposé un amendement : il voudrait qu’il y eût déchéance contre tous ceux qui n’auraient pas réclamé avant le 1er juillet 1836. Je m’étonne qu’il n’ait pas présenté cette proposition dans le projet de loi : la commission l’aurait examinée.
Au premier aperçu cette disposition me paraît entraîner de grandes iniquités.
On présume que des ayants droit à réclamer seront en retard ; eh bien, je dis que ce serait une souveraine injustice que de prononcer la déchéance contre ceux qui n’auraient pas réclamé en juillet, Réclamera-t-on pour un douzième, pour deux douzièmes ? Beaucoup attendront que la contribution de l’année suivante soit échue pour réclamer, afin de payer leurs nouvelles contributions par compensation.
Le mois de juillet est celui où l’on paie la plus grande partie des contributions. Les rôles ne sont quelquefois mis en recouvrement que le cinquième ou le sixième mois de l’année ; et ce n’est que le septième que l’on va payer. Peut-on attendre cette époque pour écarter toute réclamation ?
Le ministre devrait prolonger le délai et attendre jusqu’au mois de juillet 1837. Je concevrais alors que celui qui aurait payé en 1836 sans réclamer fût considéré comme ayant renoncé à la restitution ; la présomption paraîtrait raisonnable. Le ministre devrait au moins formuler son amendement de manière à ce que celui qui n’aurait pas réclamé avant juillet 1836 fût déclaré n’avoir droit qu’à compensation. (Marques d’adhésion.)
La commission a proposé un amendement, relativement aux eaux-de-vie étrangères. Je partage l’avis de ceux qui croient qu’on ne doit pas admettre cet amendement, par le motif que le droit qui existe sur ces spiritueux est hors de proportion avec celui qui est établi sur les eaux-de-vie indigènes : et comme eux je ne vois pas de raison pour augmenter encore un droit déjà trop élevé.
Quant aux autres dispositions de la loi, j’attendrai qu’elles soient en discussion pour soumettre quelques réflexions.
M. Eloy de Burdinne. - Je n’entends pas entrer dans la discussion intégrale, je me bornerai à faire quelques observations, et je répondrai à M. le ministre des finances qui a manifesté des craintes de voir fortement s’augmenter la besogne de restitution dans le cas où on percevrait les centimes additionnels un mois de moins. Il est peu de contribuables qui aient payé en avance, et où se trouvent ceux qui l’ont fait ? Dans les villes en général. Dans les campagnes, cela n’a eu lieu que par des vues philanthropiques, afin que l'on ne poursuivît pas les malheureux qui se trouvaient en retard. Je crois inutile d’entrer dans de plus grands détails, et je dois déclarer que je voterai en faveur des conclusions de la commission.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ne rentrerai pas dans le fond de la discussion ; je ne dirai que quelques mots relativement à l’amendement que j’ai proposé. J’ai expliqué qu’on pouvait en cette circonstance appliquer un article d’une loi du 8 novembre qui indiquait une déchéance de 6 mois. Les observations de l’honorable M. Dubus m’ont paru très fondées, et je ne vois aucun inconvénient à porter à janvier 1837 l’époque de la déchéance ; mais je prierai la chambre de ne pas la remettre plus loin, parce qu’il est essentiel que les comptables n’aient pas un temps trop reculé pour apurer leurs comptes.
M. Pirson. - Un instant après l’ouverture de la discussion, il me semblait que nous étions d’accord. Il me semblait qu’il ne s’agissait plus que de quelques difficultés d’écriture. Mais il y a une observation de l’honorable M. Coghen qui a besoin d’être relevée.
Il nous a dit que ce que l’on recueillerait de plus en prolongeant la perception, procurerait au trésor deux ou trois cent mille francs qui nous aiderait pour notre déficit qui s’élève à 15 millions. Vous sentez que deux ou trois cent mille francs signifient bien peu de chose mis à côté de 15 millions. (Marques d’approbation.) Mais, pour répondre au préopinant, je dirai que la banque a reconnue être nantie environ de cette somme de 15 millions. Cela est bon à savoir dans un pays qui a besoin de crédit. Je me suis toujours élevé contre cette banque qui thésaurisait et accumulait, et qui sans doute, dans l’esprit de certaines gens, réservait cette somme au roi Guillaume. (On rit.)
Quant aux difficultés d’écriture dont a parlé M. le ministre cela ne doit pas arrêter la chambre ; il faut bien que les employés aient un peu plus de besogne, pour que le contribuable soit allégé, ainsi qu’il a le droit de l’attendre.
M. Donny. - Je n’ai que peu de chose à dire. Je désire que la chambre ne prenne pas le change sur le sens d’une proposition de la commission.
Quand la commission a proposé de prendre pour taux de la décharge d’exportation la somme de cinq francs par hectolitre, elle a voulu tout simplement mettre en harmonie la loi sur les distilleries et celle qui nous occupe ; mais il n’est pas du tout entré dans ses intentions d’indiquer à la chambre le taux auquel la décharge devrait être portée pour rendre les exportations possibles.
Le taux actuel, 4 fr. 50 cent., et même 5 fr., est insuffisant, et la preuve qu’il l’est, c’est qu’il ne se fait pas d’exportations. M. le ministre vous a fait un calcul, pour prouver qu’on pourrait fabriquer du genièvre avec assez de promptitude pour que le montant de l’accise qu’on paie à l’Etat ne fût pas supérieur au drawback d’exportation. Mais il est à remarquer que le genièvre fait avec tant de promptitude n’est pas du tout propre à être exporté.
Le genièvre qu’on envoie aux Indes doit être fait avec le plus grand soin. S’il est fabriqué avec des matières dont la fermentation a été trop accélérée, il devient louche et perd de sa transparence quand il arrive dans les régions équatoriales. Il ne peut dès lors lutter avec le genièvre de la Hollande sur les marchés d’outre-mer, et par suite il n’est pas susceptible d’exportation.
Lors de la discussion de la loi sur les distilleries, j’ai soutenu, et plusieurs de mes honorables collègues avec moi, que la décharge de 4 fr. 50 c. par hectolitre était trop faible, et qu’à moins de la porter à un taux plus élevé, il ne se ferait aucune exportation. Les faits n’ont que trop prouvé combien nous avions raison.
- La discussion générale est close.
On passe à la discussion des articles.
« Art. 1er. Les dix centimes de subvention de guerre, décrétés par l’article 2 de la loi du 28 décembre 1834, n°972, cesseront d’être perçus sur les droits de douane, transit et tonnage ; droits d’accises, à l’exception de celui sur les eaux-de-vie ; les timbres collectifs et les droits de timbre, d’enregistrement, de succession, d’hypothèque et de greffe, dont l’ouverture aura lieu à partir du 1er septembre prochain. Cette subvention cessera aussi d’être perçue, mais pour les quatre derniers mois de la présente année, sur les contributions foncière et personnelle, ainsi que sur le droit de patente.
Le gouvernement est autorisé à restituer aux contribuables le prorata de ladite subvention qu’ils auraient payée par anticipation, sur ces quatre mois, pour ces contributions ou ce droit. Cette restitution s’opérera en déduction des recettes. »
M. Pirson. - Je demande que l’assemblée veuille bien donner la priorité à la rédaction de la section centrale.
M. le président. - Cela va naturellement de droit.
M. Gendebien. - il y a une difficulté à laquelle ne pare pas cette rédaction, et il est toujours bon, je crois, de la prévoir.
Le dernier paragraphe porte : « Le gouvernement est autorisé, etc. » Il pourrait naître une difficulté pour la qualification des parties prenantes ; lorsqu’une personne se présenterait pour recevoir, il s’agirait de savoir si c’est bien elle qui en aurait le droit. Il peut arriver, par suite de décès, qu’il se présente des personnes inconnues du receveur. Il faudrait donc ajouter au 2ème paragraphe, après ces mots aux contribuables, ceux-ci : « ou aux porteurs des quittances des receveurs. »
Maintenant, messieurs, il pourrait arriver un autre inconvénient. Beaucoup de contribuables peuvent ignorer qu’il y a une restitution à leur profit. Je désirerais que l’administration envoyât un avertissement aux personnes qui seraient en retard de réclamer. Je ne sais pas au juste quels seraient les frais de ces avertissements, mais je crois que pour l’administration ils ne s’élèveraient qu’à une somme minime de 1,500 fr. environ. C’est ici une restitution que nous faisons, il faut qu’elle soit intégrale.
M. Mast de Vries. - J’avais demandé la parole pour présenter les mêmes observations que l’honorable préopinant, j’y renonce maintenant.
M. Legrelle. - Je viens également appuyer les observations des préopinants ; mais, pour les rendre plus complètes, je voudrais faire une addition ; ce serait d’ajouter ces mots : « sans frais. » Car il pourrait arriver que les receveurs exigeassent des quittances sur timbre, ce qu’on éviterait en mettant ces mots : « sans frais. »
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je pense qu’une partie de l’amendement de l’honorable M. Gendebien peut avoir quelque utilité ; quant à la seconde, elle ne me présente pas le même avantage. La restitution s’opérant en déduction des recettes, il faudra toujours que celui qui viendra réclamer soit porteur de la quittance du receveur. Quant aux mots : « sans frais », je ne vois aucune opposition à ajouter ces mots, mais je les regarde comme inutiles. Je répète donc que la première partie de l’amendement de l’honorable M. Gendebien peut-être utile, et je m’y rallie.
M. Gendebien. - Je ne tiens pas à honneur, car cela n’en vaut pas la peine, qu’on admette cette partie de mon amendement ; mais je pense qu’elle figurerait bien dans la loi. Il suffit que le doute puisse s’élever pour qu’on doive le prévenir. Songez que par là vous mettrez le receveur fort à son aise, et qu’il sera certain de ne devoir rien à personne quand il aura payé au porteur de la quittance.
- La proposition de la commission est mise aux voix et adoptée.
M. le président. - Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement proposé par M. Legrelle à la deuxième disposition, et qui consiste à ajouter : « sans frais », à celui : « restituer ».
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Les mots : « sans frais », seraient mieux placés à la fin du paragraphe qu’on rédigerait comme suit : « Cette restitution s’opérera sans frais en déduction des recettes. »
M. Legrelle. - J’adhère à ce changement de rédaction.
M. le président. - M. Gendebien a proposé d’ajouter au commencement de la deuxième disposition de l’article premier, après les mots : « Le gouvernement est autorisé à restituer aux contribuables, » ceux-ci : « ou aux porteurs des quittances délivrées par les receveurs. »
- Cet amendement est mis aux voix et adopté.
L’addition des mots « sans frais » proposé par M. Legrelle est également adoptée.
M. le président. - Un second amendement ainsi conçu est proposé par M. Gendebien : « Les receveurs enverront un avertissement sans frais aux contribuables qui, au 1er juillet 1836, n’auront pas réclamé la restitution de la subvention. »
- Adopté.
M. le président. - Une dernière disposition est proposée par M. le ministre des finances. Elle est conçue en ces termes :
« La demande devra en être faite par les ayants droit, sous peine de déchéance, avant le 1er janvier 1837. »
- Adopté.
M. le président. - D’après les amendements qui viennent d’être adoptés, l’article premier serait ainsi conçu…
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il faudrait que la chambre se décidât sur la question de savoir si elle entend maintenir l’impôt additionnel sur les eaux-de-vie étrangères, comme le propose la commission. Si la chambre n’admettait pas cette proposition, il faudrait replacer dans l’article de la commission le mot « indigènes » après ceux : « eaux-de-vies ».
M. le président. - Je mets aux voix le maintien du droit de 10 p. c. sur les eaux-de-vie étrangères, proposé par la commission.
- Cette proposition n’est pas adoptée.
M. le président. - L’article premier se trouve ainsi conçu :
« Art. 1er. Les dix centimes de subvention de guerre, décrétés par l’article 2 de la loi du 28 décembre 1834, n° 972, cesseront d’être perçus sur les droits de douanes, transit et de tonnage ; les droits d’accises, à l’exception de celui sur les eaux-de-vie indigènes ; les timbres collectifs et les droits de timbre, d’enregistrement, de succession, d’hypothèque et de greffe dont l’ouverture aura lieu à partir du premier septembre prochain. Cette subvention cessera aussi d’être perçue, mais pour les quatre derniers mois de la présente année seulement, sur les contributions foncière et personnelle, ainsi que sur le droit de patente.
« Le gouvernement est autorisé à restituer aux contribuables ou aux porteurs des quittances délivrées par les receveurs le prorata de ladite subvention qu’ils auraient payée par anticipation, sur ces quatre mois, pour ces contributions ou ce droit. Cette restitution s’opérera sans frais en déduction des recettes.
« Les receveurs enverront un avertissement sans frais aux contribuables qui, au 1er juillet 1836, n’auront pas réclamé la restitution de la subvention.
« La demande en sera faite par les ayants droit, sous peine de déchéance, avant le janvier 1837. »
L’ensemble de l’article, ainsi rédigé, est adopté.
« Art. 2. Les droits d’accise pris en charge et ceux acquis au trésor par crédits à terme ou autrement, depuis le 1er janvier jusqu’au 31 août 1835 inclusivement ; les droits dus par suite de décès survenus pendant la même période, et tous autres droits indirects dont l’ouverture aura également eu lieu du 1er janvier au 31 août compris de cette année, mais qui ne seront acquittés qu’après cette dernière époque, demeureront passibles de la subvention de guerre. »
- Adopté.
« Art. 3. Le droit d’accise sur les eaux-de-vie indigènes reste soumis à une perception additionnelle de 10 centimes par franc, au profit du trésor. »
- Adopté.
« Art. 4. La décharge accordé par les articles 27 et 29 de la loi du 18 juillet 1833, n°861, sur les distilleries, est portée de fr. 4-50 à fr. 5, à compter du 1er septembre prochain. »
- Adopté.
M. le président. - Il reste à fixer le jour du vote définitif.
M. Eloy de Burdinne. - Si nous voulons que la loi que nous venons d’adopter ait ses effets au 1er septembre, je crois qu’il est prudent de déclarer l’urgence, afin qu’elle puisse être envoyée au sénat pendant qu’il est encore assemblé.
- Plusieurs voix. - Appuyé ! appuyé !
M. le président. - Je mets aux voix la proposition de M. Eloy de Burdinne, de procéder immédiatement au vote définitif de la loi qui vient d’être discutée.
- Cette proposition est adoptée
M. Legrelle. - Nous n’avons pas voté le considérant de loi.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Ce considérant n’avait pour but que de motiver la présentation du projet de loi. Il ne faisait pas partie de la loi présentée par le gouvernement.
M. le président. - D’après cette explication, il n’y a pas lieu de donner suite à l’observation de l’honorable M. Legrelle.
- On passe au vote définitif. La chambre confirme successivement les divers amendements adoptés.
On procède ensuite l’appel nominal sur l’ensemble du projet.
Il est adopté à l’unanimité des 71 membres qui ont répondu à l’appel. En conséquence, ce projet sera transmis au sénat.
Les membres qui ont répondu à l’appel sont : MM. Bekaert, Berger, Bosquet, Dequesne, Coghen, Dams, David Fischbach, Demonceau, de Behr, de Brouckere, Keppenne, de Jaegher, de Longrée, Stas de Volder, de Meer de Moorsel, de Muelenaere, de Sécus, Desmaisières, Desmet, Raymaeckers, de Terbecq, de Theux, Vandenbossche, Manilius, d’Hoffschmidt, d’Huart, Doignon, Mast de Vries, Donny, Dubois, Dubus, Pirmez, Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon, Heptia, Frison, Gendebien, Kervyn, Hye-Hoys, Jadot, Lebeau, Legrelle, Liedts, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Pirson, Polfvliet, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Rouppe, Schaetzen, Simons, Thienpont, Trentesaux, Troye, Ullens, Vandenhove , Vanden Wiele, Vanderbelen, Scheyven, Lejeune, Verdussen, Vergauwen, C. Vilain XIIII, C. Vuylsteke, L. Vuylsteke, Wallaert, Zoude et Raikem.
M. Félix de Mérode s’est abstenu.
Il est invité, aux termes du règlement, à énoncer les motifs de son abstention.
M. F. de Mérode. - Messieurs, je m’abstiens de voter contre la suppression des 10 p. c., parce que je ne veux pas essayer inutilement de maintenir une perception d’impôts que l’on est parvenu à présenter à beaucoup de contribuables comme une charge sans motifs ; mais, d’autre part, je ne veux pas concourir à diminuer les revenus publics, parce que la subvention de guerre sera nécessaire à mes yeux, tant qu’on n’aura pas établi les casernes et les champs de manœuvre qui manquent aux villes de garnison, et dont le défaut oblige l’administration de la guerre à faire peser indéfiniment la charge des cantonnements sur les communes rurales.
C’est ainsi que les communes de Braine-Laleud, Mont-St-Jean, Waterloo, logent depuis 17 mois consécutifs deux batteries d’artillerie, et ces logements prolongés dans les communes ont moralement la plus fâcheuse influence sur les habitants et les militaires eux-mêmes.
Si Bruxelles avait des casernes et un champ de manœuvre convenables, l’artillerie y serait beaucoup mieux qu’à Braine-Laleud et Waterloo. Il en est de même à l’égard d’autres villes propres à recevoir les troupes qui sont depuis si longtemps cantonnées dans les villes, à leur détriment réciproque. Un léger surcroît de contributions serait assurément bien préférable à l’état de choses qui force un grand nombre de citoyens belges à partager leur étroit domicile avec les militaires dont la présence dans les villes serait aussi utile que nuisible ailleurs.
M. le président. - Il n’y a plus rien à l’ordre du jour.
On m’informe que le projet de loi d’organisation communale pourra être distribué ce soir. Les sections seront convoquées pour l’examiner lundi.
- La séance est levée à 3 heures.