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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du vendredi 7 août 1835
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre
2)
Vérification des pouvoirs des membres de la chambre nouvellement élus.
a)
Elections contestées de Mons (Duval de Beaulieu) (Cornez de Grez, de Brouckere, F. de Mérode, Cornet de Grez, de Brouckere, F. de Mérode, Lejeune, Dubus, d’Hoffschmidt)
b)
Elections contestées de Soignies (Duvivier, Ansiaux)
(Vandenbossche, Gendebien,
F. de Mérode, de Brouckere,
Coghen, de Theux, de Brouckere, F. de Mérode, de Muelenaere, Gendebien)
3) Projet
de loi relatif à la suppression de la subvention extraordinaire de guerre
(+impôt sur les distilleries) (Donny)
4)
Vérification des pouvoirs des membres de la chambre nouvellement élus.
Elections contestées de Soignies (Duvivier, Ansiaux)
(Coghen, de Jaegher, d’Huart, Gendebien, de Theux)
5)
Fixation de l’ordre du jour de la chambre. Enseignement universitaire (de Theux, Gendebien, A. Rodenbach, Demonceau, Eloy de Burdinne)
(Moniteur belge n°210, du 8 août 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
M.
Dechamps procède à une heure et demie à l’appel nominal. Il donne
ensuite lecture du procès-verbal de la dernière séance dont la rédaction est
adoptée.
M.
Schaetzen fait connaître analytiquement
l’objet des pétitions adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Dubosch prie la chambre de s’occuper de la loi sur les
indemnités. »
_______________
« Le conseil de
régence de la ville de Termonde demande que l’impôt foncier soit perçu sur un
pied conforme pour toute
_______________
« Même réclamation de
plusieurs propriétaires et habitants de la même ville. »
_______________
« Le sieur L. Damsieaux, notaire à Verviers, réclame le paiement d’une
somme de quatre cent vingt-trois francs 27 cents, pour indemnité comme membre
du conseil de milice pour la levée de 1832 et pour la réserve de la même année.
»
_______________
« Plusieurs habitants
de la commune de Roens, district d’Ostende (Flandre
occidentale), demandent une diminution dans l’impôt foncier. »
_______________
« La chambre des
notaires de l’arrondissement d’Audenaerde s’élève contre le projet d’augmenter
le nombre de ces fonctionnaires. »
_______________
« Le sieur Belliaut réclame le paiement de l’indemnité qui lui revient
pour pertes essuyées par lui, lors du bombardement d’Anvers. »
_______________
« La régence de
Verviers renouvelle sa demande en remboursement de la somme de 80,000 florins
de Liége, pour construction de la route de Theux. »
_______________
« Le sieur Dieudonné Rougelet, milicien de 1833, réclame contre l’inscription
dans une autre commune d’un milicien mineur, ce qui l’a obligé à marcher à sa
place dans la commune qu’il a habitée jusqu’ici. »
_______________
« Plusieurs
propriétaires et habitants de la commune de Niederbrakel
adressent des observations sur impôts. »
_______________
M.
de Renesse écrit pour demander un congé de quinze jours ; ce congé est
accordé.
_______________
- Le bureau a nommé MM.
Berger et Dechamps pour remplacer MM. Brixhe et
Dumont, dans la commission à laquelle est renvoyé le projet de loi sur la
transaction concernant la canalisation de
VERIFICATION DES POUVOIRS DES MEMBRES DE
Elections contestées de
Soignies et de Ruremonde
M.
le président appelle à la tribune les rapporteurs des diverses
commissions.
M.
Vandenbossche. - La commission dont je suis l’organe, a terminé
son travail ce matin ; mais je n’ai pas eu le temps de coucher le rapport sur
le papier. Je serai prêt demain. Il s’agit de l’élection de Soignies.
M.
Liedts. - Est-ce que le rapport ne pourrait pas être prêt avant la fin
de la séance ?
M.
Vandenbossche. - Si on le veut, je le ferai verbalement.
M. Bosquet. - Je demande la parole
pour faire le rapport sur les pouvoirs du général Nypels.
M.
Legrelle. - Nos instants sont précieux ; je
désirerais que M. Vandenbossche se retirât dans une des salles adjacentes à la
salle de nos séances pour y préparer son travail.
M.
Vandenbossche. se rend au désir de l’honorable préopinant.
M. Bosquet. donne lecture de son
rapport. (Sur la question relative au général Nypels,
trois membres de la commission pensent qu’il est Belge ; trois autres
soutiennent qu’on peut lui contester ce titre ; un septième membre s’est
abstenu de se prononcer.)
Quelques membres demandent
l’impression du rapport dans le Moniteur.
D’autres membres demandent
l’impression séparée.
- L’impression séparée est
ordonnée.
La discussion sur les
conclusions de M. le rapporteur aura lieu lundi.
Elections contestées de
Mons
M.
le président. - La discussion est ouverte sur les élections de Mons,
relatives à M. Duval de Beaulieu.
M.
Cornet de Grez. - M. le président, dans
l’intérêt de la discussion qui va nous occuper, et afin de l’éclairer quant à
la validité des quatre bulletins que l’on conteste à M. Duval de Beaulieu, je vous
prie de m’obtenir de la chambre la permission de lui lire une lettre que je
viens de recevoir d’une personne qui a rempli les fonctions de scrutateur lors
des dernières élections de Mons. Cette lettre contient un fait important.
(Ici M. Cornet de Grez donne lecture de cette
lettre. Ce document ne nous est pas parvenu.)
Messieurs, aux faits
relatés par cette lettre ; et qui à mes yeux sont de nature â fixer entièrement
notre opinion sur la validité des bulletins contestés, j’ajouterai que pendant
sa vie, M. le comte Duval de Beaulieu, père, avait obtenu de l’empereur
Napoléon, en faveur de son fils aîné le comte Duval actuel, un majorat affecté
sur la terre de Cambron et qui lui donnait le titre de baron Duval de Beaulieu.
Du vivant de son père, M. Duval de Beaulieu habita constamment Cambron, et tous
les habitants du pays, pour le distinguer de son frère, l’appelaient le baron
Duval de Beaulieu. Remarquez, messieurs, que le village de Cambron est situé
dans le canton de Lens ; que c’est dans le bureau où votaient les électeurs de
ce canton que lui ont été donnés les quatre bulletins portant le nom de baron
de Beaulieu, le seul nom sous lequel M. Duval était connu des habitants, qui
pendant nombre d’années l’avaient appelé ainsi ; lorsqu’en 1816 le baron Dieudonné
Duval demanda au roi Guillaume la reconnaissance de son titre, un arrêté royal
le sanctionna sous la désignation de comte-baron Duval de Beaulieu. Cet arrêté
a été inséré au Bulletin officiel. Je
n’en connais pas malheureusement la date.
Quant à la protestation signée par un bourgmestre
du canton de Pâturages, je remarquerai que M. le baron Duval de Blargnies, frère du comte, et général commandant la
province, ne signe aucun des actes et des lettres nombreuses que sa position
militaire le met à même d’envoyer et d’écrire aux bourgmestres de la province,
que sous le nom de baron Duval de Blargnies. Cette
signature est la seule dont le général fasse usage. Je crois, messieurs, vous
en avoir dit assez pour vous prouver la validité des bulletins. Puissiez-vous
en être aussi convaincus que je le suis moi-même !
M.
de Brouckere. - Ce n’est pas sans quelque répugnance que je prends part
à la discussion. Ancien collègue, au congrès, de M. le comte Duval de Beaulieu,
ayant en des relations personnelles avec lui, et lui ayant voué une estime que
tous ceux qui le connaissent ne sauraient lui refuser, il me serait agréable de
le voir siéger dans cette assemblée. Vous croirez plus à cette assertion,
lorsque j’ajouterai qu’en jetant un regard en arrière, et qu’en considérant la
carrière politique parcourue par. M. le comte Duval de Beaulieu j’ai lieu de
penser que ses votes, au milieu de nous, se rencontreraient très souvent avec
les miens. Mais il importe avant tout qu’il ne soit admis dans la chambre des
représentants de la nation que ceux qui justifient d’un mandat incontestable.
Nous avons donc à examiner, non point s’il nous est agréable d’avoir M. le
comte Duval de Beaulieu pour collègue, car sur ce point il n’y aurait qu’une voix
ici ; mais nous avons à examiner si M. le comte Duval de Beaulieu se présente
porteur d’un mandat en règle, d’un mandat d’où résulte la certitude positive
qu’il a obtenu dans l’arrondissement de Mons la majorité des voix. Eh bien, je
le déclare, je suis convaincu que M. le comte Duval de Beaulieu doit être
considéré comme n’ayant pas obtenu la majorité des voix, et je vais le prouver.
Du reste, avant d’entrer
dans l’examen des faits, je déclare que quelle que soit votre décision, lorsque
la question sera mise aux voix, elle me sera agréable ; car je crois que si M.
le comte Duval de Beaulieu, par suite de votre résolution, est obligé de se
présenter de nouveau devant les électeurs, il obtiendra un autre succès.
Mais voyons d’abord les
faits.
Il y avait au collège
électoral de Mons 726 électeurs qui ont déposé leur vote. La majorité absolue
était donc de 359. Les électeurs avaient été divisés en quatre sections. Lors
de l’addition qui fut faite des voix obtenues par M. le comte Duval de Beaulieu
dans les quatre bureaux, on en trouva 357.
Dans le premier bureau,
dans le bureau principal, on avait trouvé un billet, portant : le baron Duval
de Beaulieu et ce premier bureau décida que le baron Duval de Beaulieu était le
même que le comte Duval de Beaulieu.
A la vérité, à l’instant
même, plusieurs électeurs se présentèrent pour demander que l’on consignât au
procès-verbal que l’on avait donné au comte Duval de Beaulieu le vote donné au
baron Duval de Beaulieu, et le bureau a donné acte de la déclaration ; le
procès-verbal en fait foi.
Quoi qu’il en soit, voilà.
M. le comte Duval de Beaulieu ayant 358 voix. Il en fallait 359.
Les additions terminées, on
s’aperçoit que dans le deuxième bureau il y a eu 3 voix données au baron Duval
de Beaulieu, et que, dans le troisième bureau, il y a eu une voix donnée au
même baron Duval de Beaulieu. Les membres de la deuxième et de la troisième
section étaient d’abord si bien convaincus que le baron Duval de Beaulieu
n’était pas le comte Duval de Beaulieu, qu’ils n’ont pris aucune décision à cet
égard, et qu’ils se sont bornés à déclarer que c’était le chiffre des voix
obtenues par M. le comte Duval de Beaulieu.
Si les membres du collège
électoral avaient voulu s’en tenir aux prescriptions de la loi, ils se seraient
bornés à dire que le comte Duval de Beaulieu avait obtenu 358 voix, et qu’il y
avait lieu à procédera un scrutin de ballottage.
Eh bien, ce n’est pas ainsi
que les bureaux ont agi. Quoique tout fût consommé, on a trouve à propos de
faire une assemblée générale des membres de tous les bureaux, Il ne manquait
qu’une voix ; on en trouvait quatre dans les deuxième et troisième bureaux
données au baron Duval de Beaulieu ; il y avait, il est vrai, chose jugée.
Cependant, je le répète, les membres des bureaux des quatre sections se
réunissent, se forment en espèce de congrès, un congrès au petit pied ; et que
décide-t-on dans ce congrès au petit pied formé sans qu’une disposition de la
loi électorale autorise une pareille assemblée ? On élève une question
concernant M. Dieudonné Duval de Beaulieu, sénateur sortant ; on remarque que
si l’on ajoute aux votes qu’il a déjà ceux donnés sous le nom de baron Duval de
Beaulieu, il aura 362 suffrages, c’est-à-dire la majorité.
Neuf membres réunis et on
délibère. Selon le procès-verbal on a dit dans cette délibération : Feu M. le
comte Duval de Beaulieu a eu deux fils, dont l’aîné portait le titre de baron
Duval de Beaulieu tandis que le cadet était connu sous le titre de baron de Blargnies. On lit dans ce nobiliaire. (Je demande si les
habitants des campagnes vont consulter le nobiliaire !) On lit dans le
nobiliaire que M. Duval de Beaulieu, père, avait à la fois le titre le comte et
de baron, titres qui se transmettaient par ordre de primogéniture ; que le
père, d’abord qualifié du titre de baron, avait pris le titre de comte à
l’époque de son mariage avec une comtesse ; et qu’ainsi il se trouvait investi
de deux titres qui appartinrent à l’aîné des fils à la mort du père.
Messieurs, vous remarquerez
d’abord que pour en venir à cette conséquence, que probablement les voix
données au baron Duval de Beaulieu sont destinées au comte, on a besoin de
recourir au nobiliaire des Pays-Bas ! nobiliaire que personne ne consulte, et
que les neuf dixièmes des électeurs de Mons n’ont pas parcouru.
En second lieu on a soin de
dire que le titre de baron de Beaulieu n’a jamais été donné au baron Duval de Blargnies. Mais j’ai ici des déclarations des notables des
communes de St-Symphorien, d’Avray, d’Obourg qui affirment que le baron de Blargnies
est généralement connu sous le nom de Beaulieu dont il habite le château situé
dans l’une de ces communes.
Dans le procès-verbal que
disent les partisans de l’opinion contraire ? qu’il n’y a qu’un seul baron
Duval, c’est le baron de Blargnies ; et que le titre
de baron de Beaulieu qu’on lui donne souvent vient de ce qu’il habite le
château de Beaulieu.
On va aux voix dans la
réunion des membres des bureaux. 14 suffrages contre 5 déclarent que les
bulletins destinés au baron Duval de Beaulieu appartiennent au comte Duval de
Beaulieu ; en conséquence, il est proclamé élu membre de la chambre des
représentants.
Messieurs, je vous ai dit
que tout avait été fait irrégulièrement par les membres des différents bureaux
du collège électoral de Mons, et je le prouvé la loi à la main.
L’art. 22 dit : « Le
bureau prononce provisoirement sur les opérations de la section. » Or, les
deuxième et troisième bureaux avaient prononcé implicitement que le baron
n’était pas comte ; ainsi il n’y avait pas matière à revenir sur la décision.
Y eût-il eu lieu à revenir
sur la décision, j’ai montré que c’était à l’aide d’arguments futiles qu’on
était parvenu à donner au comte Duval de Beaulieu les quatre voix données au
baron Duval de Beaulieu. Je vous ai prouvé que M. le baron de Blargnies portait toujours le titre de baron, tandis que
son frère aîné portail toujours le titre de comte ; et de plus que le baron de Blargnies portait souvent le titre de baron Duval de
Beaulieu, parce qu’il possède le château de Beaulieu.
A mes yeux il est établi
que les voix données au baron Duval de Beaulieu auraient dû plutôt être
comptées à l’avantage de M. le baron de Blargnies
qu’à l’avantage de M. le comte Dieudonné de Beaulieu.
Mais, messieurs, quand je
ne vous aurais prouvé qu’une seule chose, c’est qu’il y a doute, c’en serait
assez aux termes de la loi électorale pour que vous ne puissiez pas compter les
bulletins à M. le comte Duval de Beaulieu.
En effet, l’article 34 de
la loi électorale dit : « Sont nuls les suffrages qui ne portent pas une
désignation suffisante. » Eh bien, du moment qu’il y a doute, assurément
il faut décider que les bulletins ne contiennent pas une désignation
suffisante.
Une considération qu’il ne
faut pas perdre de vue, c’est que le général Duval a obtenu quatre voix sous le
nom de général Duval ; et pour l’élection au sénat il a encore obtenu un
certain nombre de voix : d’où je conclus que plusieurs électeurs sont arrivés
avec l’intention de donner leurs suffrages au général baron Duval, comme
d’autres sont arrivés pour donner leurs suffrages au comte Duval de Beaulieu :
alors il est très difficile de savoir à qui les quatre bulletins dont il s’agit
ont été donnés.
L’honorable M. Cornet de Grez
vient de nous lire une lettre qui se résume en ceci : Si les voix douteuses
(notez bien, messieurs, que je ne doute en rien de la véracité du signataire de
la lettre, au caractère duquel je me plais à rendre hommage) ; si les voix
douteuses, disais-je, venaient du canton de Lens, elles voulaient indiquer M.
Duval (Dieudonné). Mais que si elles venaient du canton de Pâturages, elles
voulaient désigner le baron Duval de Blargnies. Eh
bien ! les cantons de Lens et de Pâturages se trouvaient réunis dans le même
bureau. Ne voyez-vous pas dès lors que l’élection que je combats est condamnée
par la lettre même que vient de lire M. Cornet de Grez.
J’ai encore une observation
à faire. J’ai dit que l’art. 34 de la loi électorale porte : « Sont nuls
les suffrages qui ne portent pas une désignation suffisante. Les différents
bureaux de l’assemblée électorale de Mons étaient si bien convaincus du respect
qu’ils devaient à la loi électorale, qu’ils n’ont pointe compté une voix donnée
à M. de Bagenrieux, échevin, bien qu’il n’y eût qu’un
M. de Bagenrieux ; qu’ils n’ont point compté à cette
même personne un bulletin portant M. de Bageurieux,
rentier à Yon ; qu’ils n’ont point compté un bulletin
portant M. Alexandre Gendebien de Bruxelles, ni un autre portant M. Gendebien,
ex-sénateur, ni un troisième portant M. Gendebien fils. Ils étaient si bien
convaincus de ce respect, qu’ils n’ont point compté à M. Corbisier,
notre collègue, une voix portant M. Corbisier, non
plus qu’une autre portant M. Frédéric Corbisier,
quoique ce fût son nom de baptême.
Je crois donc n’avoir pas
d’autres observations à faire pour prouver que l’élection de M. le comte Duval
de Beaulieu doit être considérée comme nulle.
M. F. de Mérode.
- J’ai une observation à faire sur les dernières paroles que vient de prononcer
l’honorable préopinant. Il a dit qu’on avait refusé de compter plusieurs voix a
MM. Gendebien et Corbisier. Je dirai que, comme il
n’y avait pas de doute sur l’élection de ces deux membres, on n’a pas jugé à
propos de statuer sur ces voix douteuses. C’est ce que j’ai vu avoir lieu en
plusieurs élections.
A l’égard de la lettre que
nous a lue l’honorable M. Cornet de Grez, je
demanderai s’il est vrai que les électeurs du canton de Lens et de Pâturages
fussent réunis dans le même bureau. Dans l’affirmative, cette lettre serait
plus nuisible que favorable à l’élection dont il s’agit.
M. Cornet de Grez. - Je n’avais pas
l’honneur d’être présent aux élections de Mons, je m’en suis rapporté à une
lettre d’une personne dont je ne puis révoquer en doute la véracité.
M.
de Brouckere. - Je ne sais ce que veut dire l’honorable M. Cornet de Grez. Personne plus que moi ne croit à la véracité du
signataire de la lettre qu’il a lue ; elle vient d’un des hommes les plus
estimables que je connaisse ; mais elle contient une erreur, et il en résulte
que cette personne s’est trompée. J’ai à répondre à une observation de
l’honorable M. de Mérode, et il est de trop bonne foi pour ne pas reconnaître
son erreur. Il est de droit que toute question sur la validité d’une voix doit
se vider dans le bureau même où elle a été donnée. Eh bien, ce bureau faisait
des personnes distinctes de M. Corbisier et de M. Corbisier (Frédéric), de M. Gendebien de Bruxelles et de M.
Alexandre Gendebien. Il y avait donc décision implicite de chaque bureau, et il
n’appartenait pas au bureau principal de connaître de ces décisions.
M. F. de Mérode. - Je n’admets pas du tout
que le bureau principal ne puisse pas prendre une décision sur ce qui s’est
passé dans un bureau particulier. Je crois me rappeler que des bureaux
particuliers ont mis souvent en réserve des questions dont ils abandonnaient la
solution au bureau principal.
M.
Verrue-Lafrancq. - Il est vrai que le canton
de Lens et celui de Pâturages ont été réunis dans le même bureau.
M. Lejeune. - Je n’avais pas
pensé prendre la parole dans cette discussion, mais il me semble que si les
cinq bulletins dont il s’agit sont considérés comme nuls, la majorité absolue
ne reste plus la même, et se trouverait réduite à 356. Dans ce cas, M. le comte
Duval de Beaulieu aurait obtenu cette majorité absolue. Il me semble donc que
la question à résoudre est tout à fait de savoir si ces votes doivent être
considérés comme nuls.
M.
Dubus. - Je voulais faire une observation dans le sens de celle de
l’honorable préopinant. Dans le cas où les 5 bulletins n’auraient pas porté
d’autres noms que celui de M. Duval de Beaulieu, il faudrait les défalquer et
les regarder comme nuls.
M.
d'Hoffschmidt. - Nous avons reconnu que chaque bulletin portail 3
votes.
- Les conclusions de la commission
sont mises aux voix et sont rejetées. En conséquence l’admission de M. Duval de
Beaulieu n’est pas adoptée.
Elections contestées de
Soignies
M.
Vandenbossche. - La quatrième commission chargée de faire un
nouveau rapport sur les élections du district de Soignies, ayant examiné toutes
les circonstances qui s’y rattachent a été unanimement d’avis d’en proposer à
la chambre l’annulation pour les motifs suivants :
Le district de Soignies
compte plus de 400 électeurs, et par conséquent son collège devait légalement
se composer de trois sections.
Un seul bureau y fut
établi, tandis que le nombre des électeurs présents dépassait le nombre de 400.
Circonstance qui a eu pour
résultat de traîner les opérations jusqu’à vers minuit, et par suite le départ
de 110 électeurs qui n’ont pu assister au ballottage.
La commission a aussi pris en considération qu’au
premier scrutin M. Bernard Dubus de Ghysignies avait
obtenu 210 suffrages, tandis que M. Ansiaux n’en
avait obtenu que 186 ; qu’il résulte de là que si l’élection avait été
régulièrement faite, et qu’elle eût pu se clore pour les 5 ou 6 heures de
l’après-midi, tous les électeurs auraient encore pu être présents au
ballottage, ce qui aurait probablement amené un autre résultat, d’autant plus
qu’au second tour du scrutin M. Ansiaux a obtenu 171
suffrages et M. Bernard Dubus 160. Ces deux nombres forment le total des
votants, 331.
La commission a considéré
d’ailleurs que le bureau principal, pour établir qu’il n’avait pas pu former
les 2 autres bureaux au vœu de la loi électorale, n’a pas suffisamment
constaté, dans son procès-verbal, l’impossibilité d’y parvenir ; qu’à cet effet
il eût été à désirer qu’il eût nommé les électeurs à qui il s’était adressé et
qu’il eût constaté en même temps individuellement leur refus d’autant plus que
dans les élections précédentes du district de Soignies il y a toujours eu trois
bureaux distincts.
Ces motifs ont déterminé la
commission à me charger de vous présenter, messieurs, la proposition d’annuler
les élections de M. Duvivier, ainsi que de M. Ansiaux,
et de décider que le district de Soignies aura à procéder à une nouvelle
élection.
M.
Gendebien. - Je ne pense pas que vous puissiez adopter les conclusions
de la commission. En matière d’élection il est de jurisprudence dans cette
chambre de n’annuler que lorsque l’élection est irrégulière, ou lorsqu’il y a
suspicion de fraude. Je pense que vous ne rencontrerez aucun de ces éléments
dans les élections de Soignies.
C’est en invoquant l’art.
19 de la loi électorale, que M. de Mérode a puisé la nullité de ces élections.
Lisons cet art. 19.
« Art. 19. Les
électeurs se réunissent au chef-lieu du district administratif dans lequel ils
ont leur domicile réel.
« Ils ne peuvent se
faire remplacer.
« Ils se réunissent en
une seule assemblée, si leur nombre n’excède pas 400.
« Lorsqu’il y a plus
de 400 électeurs, le collège est divise en sections, dont chacune ne peut être
moindre de 200, et sera formée par cantons ou communes ou fractions de communes
les plus voisines entre elles.
« Chaque section
concourt directement à la nomination des députés que le collège doit
élire. »
L’honorable M. de Mérode a
parfaitement interprété l’article, quant à son sens positif, à son esprit ; mais
il en fait une fausse application quand il demande l’annulation. Il a dit que
l’article avait été conçu dans l’intérêt des électeurs, pour qu’ils ne fussent
pas retenus trop longtemps ; il faudrait, pour que vous annulassiez l’élection,
qu’il y eut eu quelque plainte. Eh ! bien, le compétiteur de M. Ansiaux n’en a élevé aucune. Autre autorité : le
commissaire de district qui assistait aux élections n’a pas fait entendre la
moindre réclamation.
Tous les électeurs non
seulement n’ont fait aucune réclamation, mais tous ont demandé de voter
ensemble et dans le même local. D’ailleurs, on conçoit facilement la raison
pour laquelle le collège n’a pas été fractionné en plusieurs sections ; la loi
électorale fixe à 400 le nombre des électeurs, passé lequel le collège
électoral doit être divisé en plusieurs sections ; or, les électeurs présents
ne dépassaient ce nombre que de 41.
Veuillez remarquer que la
loi électorale n’impose pas l’obligation de former plusieurs bureaux quand le
nombre des électeurs dépasse 400, à peine de nullité des opérations
électorales. C’est une simple mesure d’ordre dans l’intérêt des électeurs,
comme vous l’a fait judicieusement observer M. de Mérode.
J’ajouterai que soit que
les électeurs se trouvent réunis au nombre de 441 ou de 350 dans un même
bureau, cela ne touche en rien à l’essence de l’élection.
Dès lors, il me semble
qu’il faudrait avoir une grande démangeaison d’annuler des opérations
électorales et de faire revenir des électeurs, pour appliquer l’article 19 de
la loi électorale à l’élection de Soignies, dans le sens judaïque qu’on
s’efforce de lui donner.
Je reviens au procès-verbal
qui est pour moi la pièce importante et qui résout la question.
Le voici : « Ce jourd’hui neuf juin dix-huit cent- trente-cinq, vers neuf
heures du matin, les fonctionnaires désignés en l’article 21 de la loi
électorale du trois mars 1835, savoir, etc.
« Ils ont d’abord
choisi pour leur secrétaire le notaire Anthoine dudit
Soignies, électeur.
« Le président ayant
déclaré à l’assemblée que les électeurs étaient répartis en trois sections, le
bureau principal, composé comme dit est, s’occupa de la formation des bureaux
des deux autres sections. N’ayant pu parvenir à réunir assez d’électeurs
acceptant ces fonctions, il déclara ensuite le collège électoral divisé en deux
sections, savoir, la première ou bureau principal composée des électeurs des
cantons de Soignies et d’Enghien ; la deuxième de ceux des cantons de Lessinne et du Roeulx, et nomma membres du bureau de cette
seconde section MM. de Bocarmé de Thon, président, Scoumanne de Strepy, Mulquin de Gollegnies, Caron et Vaneleghem, tous deux de Lessines, scrutateurs.
« Plusieurs électeurs
de cette section protestèrent contre cette division et manifestèrent l’opinion
que les deux cantons étant aux deux extrémités du district, ils ne devaient
point être réunis ; une protestation écrite et signée par M. Raingo, notaire à Enghien, conçue dans les termes suivants,
fut déposée sur le bureau :
« Le soussigné, vu
l’art 19, 4ème alinéa de la loi électorale du 3 mars 1831, déclare protester
contre la division du collège électoral en deux sections composées de communes
qui ne seraient pas les plus voisines entre elles. »
« Au moment que le
bureau se disposait à prendre une résolution, d’autres électeurs émirent l’opinion,
pour obvier à toute contestation, de se réunir en un seul bureau ; les premiers
s’y étant ralliés, le président, après avoir consulte l’assemblée, a, vu qu’il
n’y avait point d’opposition, déclaré le collège électoral réuni en un seul
bureau.
« Toutes les
formalités voulues ayant été observées, le bureau a constaté, etc. »
Vous voyez qu’il serait
absurde d’annuler une pareille élection.
C’est le procès-verbal de l’élection du sénateur
que j’ai eu l’honneur de vous lire. Il y a eu un autre procès-verbal pour
l’élection des députés. Ce procès-verbal constate la même chose que le premier.
On a encore renouvelé la proposition de diviser le collège en deux sections ;
elle a été repoussée, et on a procédé aux élections des députés dans un seul
bureau.
Je demande s’il y a là un
motif de nullité.
Je terminerai en rappelant
les paroles de M. de Mérode, qui nous a dit que la disposition dont il s’agit
aurait été prise dans l’intérêt des électeurs, afin d’éviter que les opérations
ne se prolongeassent trop longtemps. Or, les électeurs se sont prononcés ; ils
ont déclaré qu’ils préféraient être réunis, et cela par la raison toute simple,
comme je l’ai déjà dit qu’il n’y avait que 41 membres de plus que le nombre
fixé par l’art. 19, pour qu’il n’y ait qu’un seul bureau.
J’espère, d’après ces
raisons, que vous éviterez aux électeurs de Soignies une corvée, et que vous
confirmerez l’élection qu’ils ont faite.
M.
F. de Mérode. - Je ne comprends pas cette difficulté qu’on prétend
avoir rencontrée de former deux ou trois bureaux. Je ne puis attribuer cette
inobservance de la loi qu’à un intérêt de traîner les élections en longueur,
afin d’empêcher les électeurs d’assister à un scrutin de ballottage s’il avait
lieu.
Il est assez étonnant que
dans un district où il y a plusieurs villes d’une certaine importance, dans
lesquelles se trouvent des notaires et sans doute des avocats ; des villes
telles que Soignies, Enghien, Braine-le-Comte, Lessinne,
on ne trouve personne pour former un bureau.
Tout le monde, dit-on, a
été content, car personne n’a réclamé. Si personne n’a réclamé, c’est que les
électeurs des campagnes sont moins subtils que ceux des villes.
Ils sont là ; ils voient
que personne ne veut être membre d’un second bureau, ils ne soupçonnent pas
pourquoi, ils ne disent rien ; qui ne dit mot consent, s’empressent-on d’en
conclure ; et ils se laissent conduire, l’opération traîne jusqu’à une heure,
des électeurs ne peuvent pas rester, et l’élection se termine comme l’ont voulu
les plus adroits.
Messieurs, l’article contre la violation duquel je
réclame a été inséré dans la loi, non pour la satisfaction des électeurs, mais
pour assurer la sincérité des élections.
Eh bien, il est certain
qu’il y a eu au premier tour de scrutin 441 votants, tandis qu’au second qui a
eu lieu à 11 heures, il n’y en avait que 331, différence 110, et le candidat
qui a été élu n’a obtenu qu’une majorité de 10 voix. Je vous demande si c’est
là une majorité suffisante pour compenser l’absence de 109 électeurs.
D’après ces considérations,
je pense que nous ne pouvons pas permettre qu’on s’affranchisse de la
disposition de la loi électorale qui veut que, quand il y a plus de 400
électeurs, le collège soit divisé en sections. Sans cela les électeurs des
villes, pour faire triompher leurs candidats, emploieraient des moyens que
j’appellerai négatifs pour empêcher la formation de plusieurs bureaux, afin de
prolonger les opérations électorales et écarter les électeurs des campagnes du
scrutin de ballottage, si on devait y avoir recours.
D’après ces motifs, je
voterai pour l’annulation des élections de Soignies.
M.
de Brouckere. - Messieurs, lorsque dans la séance d’avant-hier
l’honorable préopinant s’est levé pour signaler l’irrégularité commise dans les
opérations électorales du district de Soignies, j’avoue que ses observations
avaient produit sur moi une impression très forte, et j’étais assez disposé à
me prononcer pour l’annulation des élections de ce district.
En effet, messieurs, la loi
électorale prescrivant que lorsqu’il y a plus de 400 électeurs, le collège
électorat doit être divisé en sections dont chacune ne peut être moindre de
deux cents électeurs ; lorsque la loi, dis-je, contient cette prescription il
n’appartient à personne de s’en affranchir ; et si les autorités d’un district
ont violé cette prescription, on peut, sans leur faire injure, les soupçonner
d’avoir eu pour cela des motifs. Mais, depuis avant-hier, je dois à
l’obligeance d’un de mes collègues d’avoir pris connaissance de ce qui s’est
passé au moment où ont commencé les opérations électorales.
On a d’abord procédé à
l’élection du membre du sénat ; et remarquez que bien qu’au moment où on a
procédé à cette élection, le nombre des votants n’était pas aussi grand que
quand on s’est occupé de l’élection des membres de la chambre des
représentants, la prescription contenue à l’art. 19 ne devait pas moins être
observée, car quand la loi dit qu’on divisera le collège électoral en plusieurs
sections lorsque le nombre des électeurs sera de plus de 400, elle ne parle pas
des électeurs présents, mais des électeurs appelés. Or, que s’est-il passé au
commencement des opérations électorales ?
Le président du collège,
qui était le juge de paix du lieu, voulant observer rigoureusement les
dispositions de la loi, divisa le collège en trois sections. Réclamations
unanimes. Il se rend à ces réclamations et propose de diviser le collège en
deux sections. Cette fois il ne s’en tient pas à une proposition, il déclare la
division faite ; il va plus loin : il nomme de concert avec le bureau principal
les membres du bureau de la deuxième section. Ces membres sont : M. de Bocarmé de Thon, président, Scoumanne
de Strepy, Mulquin de Gollegnies, Carion et Vaneleghem.
Mais les membres de ce
bureau refusent d’accepter les fonctions qu’on leur assigne ; on fait des
instances auprès d’autres électeurs, on éprouve des refus partout.
Maintenant, je vous le
demande, mettez-vous à la place du président du bureau du collège électoral, du
bureau principal : qu’eussiez-vous fait ? Auriez-vous trouvé le moyen de forcer
des électeurs à accepter les fonctions de membre d’un second bureau ; les
auriez-vous fait appréhender au corps et asseoir sur le fauteuil qui leur était
destiné, pour procéder aux opérations électorales ? La loi électorale ne donne
aucun moyen de ce genre. Qu’a fait le président du bureau principal ? Il a dit
: Si personne ne veut accepter les fonctions de membre du second bureau, il faudra
se réunir en un seul bureau. Cette proposition a rencontré un consentement
unanime de la part des électeurs.
Les élections ont eu lieu,
et les élections terminées, il ne s’est pas élevé une seule réclamation de la
part des électeurs ou du compétiteur de l’élu. Avant l’élection, tout le monde
se déclare content du mode proposé, et après l’élection tout le monde reconnaît
qu’elle a été faite de bonne foi, et sans porter préjudice à qui que ce soit.
Je vous demande
quelle garantie vous voulez de plus, et je vous demande aussi quel moyen on
emploierait pour forcer des électeurs qui refusent d’être membres d’un bureau,
à en remplir les fonctions.
J’ajouterai une dernière
réflexion qui est de nature à faire une grande impression sur vos esprits,
c’est que les opérations pour l’élection du membre du sénat ont été faites de
la même manière que pour l’élection des membres de la chambre des
représentants, et M. de Bousies a été admis comme
membre du sénat sans qu’aucune voix se soit élevée contre la validité de son
élection.
Annulerez-vous l’élection
d’un député qui a été faite de la même manière que celle d’un sénateur, qui a
été reconnue valable par le sénat ? Vous auriez l’air, par votre décision, de
dire que les pouvoirs qu’un sénateur a reçus, et que le sénat a reconnus
valables, devaient être annulés. Je sais que cette considération ne devrait pas
nous arrêter, si l’élection des deux représentants était entachée d’une nullité
radicale. Après la lecture des pièces, cette nullité, je ne la trouve plus, car
l’élection a été faite de cette manière de bonne foi et d’après le consentement
unanime des électeurs. D’après ces motifs, je voterai pour la validité de
l’élection.
M.
Coghen - Messieurs, en l’absence de celui qui présidait la commission,
je crois devoir dire que le procès-verbal dont M. Gendebien vient de donner
lecture à la chambre ne nous était pas connu. Nous ignorions complètement les
particularités rapportées par ce procès-verbal ; nous n’avons eu entre les
mains que le procès-verbal de l’élection des membres de la chambre des
représentants, où nous avons vu que le président, après avoir fait aux
électeurs présents diverses interpellations pour les engager à accepter les
fonctions de membres des bureaux de sections sans pouvoir les faire accepter,
aurait déclaré le collège électoral réuni en un seul bureau.
Si nous avions su qu’on
avait constitué le collège en deux sections, qu’on avait nommé les membres du
second bureau, et que ce n’était que sur le refus des membres nommés qu’on avait
constitué le collège en un seul bureau, nous aurions sans doute émis une autre
opinion. Mes honorables collègues de la commission chargée de vérifier les
opérations électorales du district de Soignies désirent que la chambre ordonne
le renvoi à la commission, afin d’examiner le document dont on a donné lecture
à la chambre et que nous ne connaissions pas.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je ne pensais pas qu’on serait venu défendre la validité des élections de
Soignies, alors que la commission à l’unanimité en a proposé l’annulation. On a
dit avec beaucoup de fondement, dans une discussion précédente, que le mandat de représentant
devait être incontestable. Or, le mandat du représentant du district de
Soignies est-il incontestable ? Non, messieurs. D’abord ce mandat rencontre une
disposition formelle de la loi électorale. En second lieu il y a des
circonstances, des faits tels, qu’on peut croire avec beaucoup d’apparence de
raison que si la loi eût été observée, le sort de l’élection eût été tout
différent. Dès lors il est évident que le mandat du député de Soignies n’est
pas incontestable.
Je dois ici rencontrer
l’objection qu’on veut tirer de la décision du sénat. Je dirai qu’elle n’a
aucune analogie avec le cas qui nous occupe. Le sénateur a obtenu la presque
unanimité des voix. Dès lors la circonstance qui a dû influer et dans ma pensée
a influé sur le résultat de l’élection des représentants, ne pouvait rien
changer à l’élection du sénateur. Vous pouvez donc annuler l’élection des
représentants de Soignies sans vous trouver en opposition avec la décision
prise par le sénat à l’égard du sénateur élu par le même district.
J’admets, comme l’a dit un
honorable préopinant. que la loi électorale ne prononce pas l’annulation des
opérations électorales en cas de non-exécution de l’article 19 ; mais j’ajoute
que c’est précisément parce que la loi électorale ne prononce aucune nullité
sur une infraction quelle qu’elle soit que la chambre est omnipotente pour
déclarer nulle toute élection faite en violation des dispositions de la loi
électorale. Cette omnipotence, je la trouve dans l’article 40 de la loi
électorale, qui porte :
« La chambre des
représentants et le sénat prononcent seuls sur la validité des opérations des
assemblées électorales, en ce qui concerne leurs membres. »
Ainsi la validité des
opérations électorales doit être appréciée par vous, vous n’êtes renfermés à
cet égard dans aucune limite.
Le texte de l’art. 19 qui
prescrit la division du collège en plusieurs sections lorsque le nombre des
électeurs excède 400 est extrêmement formel.
« Ils (les électeurs)
se réunissent en une seule assemblée si leur nombre n’excède pas 400.
« Lorsqu’il y a plus
de 400 électeurs, le collège est divisé en sections, dont chacune ne peut être
moindre de 200 et sera formée par cantons ou communes ou fractions de communes
les plus voisines entre elles.
« Chaque section concourt
directement à la nomination des députés que le collège doit élire. »
Or, dans le district de
Soignies, les électeurs devaient être divisés en trois sections, attendu que le
nombre des électeurs dépassait 800. Si 441 seulement se sont trouvés présents,
cela n’empêche pas que la division en trois sections ne fût de droit.
La disposition de la loi est formelle et n’admet
aucune exception. Ce n’est pas au bureau principal à dispenser de l’observation
de la loi. S’il la viole, l’élection peut être invalidée. C’est la seule
garantie que nous ayons pour avoir une véritable représentation nationale. Sans
cela, la chambre pourrait se trouver composée d’intrus au lieu de véritables
représentants de la nation.
Le mandat de représentant
est tellement important, que je ne conçois pas qu’on veuille soutenir la
validité d’une élection, en présence d’un texte formel violé et de
circonstances telles que celles qui sont signalées. On vous l’a déjà dit,
l’élection a été terminée à minuit ou une heure. Le candidat élu n’a obtenu
qu’une majorité de dix voix, et plus de cent électeurs s’étaient retirés.
N’est-il pas certain que si les élections ne s’étaient pas prolongées aussi
tard, les électeurs qui se sont retirés seraient restés, et qu’un candidat qui
avait obtenu au premier tour une grande supériorité sur celui qui a été élu,
l’aurait encore obtenue au scrutin de ballottage ? Ces faits sont tellement
forts, que je ne pense pas qu’on puisse sérieusement soutenir la validité de
cette élection.
M.
de Brouckere. - Je ne m’attendais pas à voir un ministre prendre la
parole sur une question de validité de pouvoirs ; il paraît qu’il attache une
grande importance à ce que les élections de Soignies soient annulées, mais ce
n’est pas une raison pour modifier notre opinion.
Je reconnais avec M. le
ministre de l’intérieur que la chambre est omnipotente pour prononcer sur la
validité des élections faites par les différents districts électoraux ; je
reconnais qu’elle ne doit compte à personne des motifs de son vote ; et pour
mon compte, voici ce que je fais quand il s’agit de me prononcer sur la validité
d’une élection : la main sur la conscience, je me demande si le candidat qu’on
veut introduire dans la chambre a véritablement réuni la majorité des
suffrages. Eh bien, la main sur la conscience, je déclare que je regarde
l’élection de Soignies comme valable. Que le ministre pense le contraire, c’est
son affaire.
Je suis donc conséquent
avec moi-même, avec ce que j’ai dit qu’il fallait que le mandat d’un député fût
incontestable. Le mandat des députés de Soignies est incontestable, puisque
personne ne s’est plaint ni avant ni après l’élection. Tout le monde en a été
content, excepté les deux ministres qui se sont prononcés contre.
M. F. de Mérode.
- Tout le monde a été…
M.
de Brouckere. - Pardon, M. de Mérode, je n’ai pas fini.
Je dis que jusqu’ici
personne ne s’est prononcé contre la validité de l’élection de Soignies si ce
n’est deux ministres.
La commission vous demande de
pouvoir se livrer à un nouvel examen. La preuve qu’elle reconnaît elle-même
qu’elle ne connaissait pas les faits, c’est que M. Coghen vient, au nom de la
commission de vérification des pouvoirs, de demander qu’on charge cette
commission de faire un nouveau rapport sur la pièce que vient de lire M.
Gendebien et dont elle n’avait pas connaissance, pièce qui est de nature à la
faire changer d’opinion.
Je l’ai déclaré au
commencement de cette discussion, et je puis en appeler au témoignage des
honorables collègues qui siègent auprès de moi, hier, bien loin de défendre
l’élection de Soignies, je me serais prononcé pour son annulation ; ce sont les
détails dont on nous a donné connaissance, qui m’ont fait changé d’opinion. Je
suis bien aise de prouver ma bonne foi en matière électorale.
Je bornerai là mes
conclusions à demander le renvoi à la commission.
M. F. de Mérode.
- Tout le monde a été content des élections de Soignies, a dit l’honorable
préopinant, excepté deux ministres. Je suis persuadé que beaucoup d’électeurs
s’en sont allés en disait : Ç’a n’a pas été comme
nous aurions voulu. Si les élections n’avaient pas tant traîné, beaucoup
d’électeurs seraient restés et cela aurait été autrement. Malgré cela, ils ne
réclament pas, parce qu’ils s’occupent moins de faire de la politique que
d’ensemencer leurs champs et de soigner leurs bestiaux.
Je suis persuadé aussi que
les élections ont été traînées en longueur à dessein. M. de Brouckere croit le
contraire, mais cela ne me fera pas changer d’opinion. Je n’attribue pas cela
au président, mais à d’autres personnes qui ont refusé d’être membres du second
bureau afin que les opérations se fissent dans un seul et durassent plus
longtemps.
M. le président. -
La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M.
le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Si la chambre
est disposée à ordonner le renvoi à la commission, j’attendrai pour prendre la
parole que la commission ait fait un nouveau rapport.
M.
Gendebien. - Je ne peux pas supposer que la chambre refuse de renvoyer
à la commission qui demande à examiner de nouveau cette affaire. La commission
vous a fait un rapport sur les pièces qui lui avaient été fournies, mais la
pièce dont je viens d’avoir l’honneur de donner connaissance à la chambre,
pièce qui est de nature à faire changer l’opinion de bien des membres, lui a
été lue aujourd’hui pour la première fois.
Il me semble qu’il serait
inconvenant de ne pas laisser à la commission le temps de prendre ses
apaisements sur des pièces soumises pour la première fois aujourd’hui à
l’examen de la chambre.
- Le renvoi des documents
nouveaux à la commission est adopté.
La séance est suspendue
pendant vingt minutes.
PROJET DE LOI RELATIF A LA
SUPPRESSION DE
M.
Donny, rapporteur de la commission chargée de l’examen du projet de loi
relatif à l’abolition de la subvention de guerre, monte à la tribune. - Dans la
prévision d’une agression, alors plus ou moins probable de la part de
Les prévisions de la
législature ne se sont pas réalisées. Dès lors les motifs qui ont amené le vote
de la subvention de guerre n’existent plus, et la perception de cet impôt
extraordinaire ne doit plus se continuer.
Aussi le gouvernement vous
propose-t-il de faire cesser cette perception, et en cela il se trouve
parfaitement d’accord avec la manière de voir de votre commission.
Mais, s’il y a unanimité de
vues sur la suppression de l’impôt additionnel, il n’y en a pas sur l’époque de
l’introduction de la nouvelle mesure.
Le gouvernement propose de
faire cesser la subvention à partir du 1er octobre prochain, pour ce qui
concerne les contributions foncière et personnelle et les patentes et à partir
du 1er septembre prochain, en ce qui concerne les autres impôts. Votre
commission pense, au contraire, qu’il convient de supprimer la subvention à
partir du 1er septembre prochain pour tous les impôts indistinctement.
Il est vrai qu’en adoptant
le système de la commission, il faudra faire des remboursements à ceux des
contribuables qui ont déjà payé par anticipation plus que le montant des huit
premiers douzièmes des contributions directes. Mais, outre que cet inconvénient
n’est pas très grave en soi, outre qu’il ne se présentera pas dans le plus
grand nombre des cas, il est à remarquer qu’on ne l’éviterait pas non plus en
adoptant le système du ministre, puisqu’en ce cas, il faudrait toujours faire
des remboursements à ceux des contribuables qui auraient payé, par
anticipation, au delà des neuf premiers douzièmes de leurs contributions.
L’art. 2 du projet de loi
n’a donné lieu à aucune observation, et votre commission a l’honneur de vous en
proposer l’adoption.
Elle a également partagé
l’opinion du gouvernement sur la convenance de maintenir l’impôt additionnel
sur les eaux-de-vie indigènes ; : mais elle a pensé qu’il fallait étendre la
mesure aux eaux-de-vie étrangères, afin de ne rien innover dans la position où
se trouvent nos distilleries relativement à celles de l’étranger.
En s’occupant de la
question des eaux-de-vie indigènes, la commission a remarqué une lacune dans la
loi du 28 décembre 1834, lacune qu’elle vous propose de combler. Aux termes des
art. 27 et 29 de la loi du 18 juillet 1833, sur les distilleries, l’exportation
des eaux-de-vie indigènes donne droit à une décharge de fr. 4-50 par
hectolitre.
Lorsque, par la loi du 28
décembre 1834, on a grevé ces eaux-de-vie d’un impôt additionnel de 10 p. c.,
il aurait fallu pour être juste, augmenter proportionnellement la décharge
laquelle l’exportation donne droit, et cette décharge aurait dû être portée de
fr. 4-50 à fr. 4-95. Une semblable disposition n’a pas été prise, et pour
réparer cette omission votre commission vous propose de fixer à fr. 5 par hectolitre la décharge dont il
s’agit.
En résumé, j’ai l’honneur
de vous proposer, au nom de la commission de modifier la loi présentée par le
ministre, de la manière indiquée au projet annexé.
VERIFICATION DES POUVOIRS DES MEMBRES NOUVELLEMENT ELUS
Elections contestées de
Soignies
M.
Coghen, rapporteur de la commission chargée de l’examen des pouvoirs de
MM. Ansiaux et Duvivier, députés de Soignies, a la
parole. - Messieurs, dit-il, la commission a examiné le premier procès-verbal
fait par le collège électoral de Soignies, qui lui était inconnu lorsqu’elle
vous a soumis son rapport. Après avoir délibéré, elle est d’avis que les
circonstances relatées dans le procès-verbal ne sont pas de nature à la faire
changer d’opinion. Cependant, un seul membre a changé d’avis à la vue de ce
nouveau document. La commission persiste donc dans ses conclusions, parce
qu’elle pense qu’il n’appartient pas à un collège électoral de changer les
dispositions formelles de la loi.
Toutefois, messieurs, la
commission ne vous le dissimule pas, le refus d’accepter les fonctions de
scrutateur doit mettre le collège dans une position embarrassante, et c’est une
lacune à remplir dans la loi électorale.
- La chambre décide la
reprise de la discussion relative à la vérification des pouvoirs de MM. Ansiaux et Duvivier.
M. de Jaegher. - Je crois devoir
présenter à la chambre une observation qui n’a pas encore été faite dans cette
discussion. L’article 9 de la loi électorale porte… (Ici l’orateur cite cet article.) La répartition en question a dû
être faite par un arrêté spécial, qui a dû être envoyé aux gouverneurs des
provinces et transmis ensuite par eux aux administrations communales. L’art. 10
porte (Ici l’orateur donne lecture de
l’article 10 de la loi électorale.) Messieurs, ou cette formalité a été
remplie ou elle ne l’a pas été. Si elle a été remplie, les électeurs, en se
rendant au local indiqué, n’ont pas trouvé les bureaux constitués, et ils ont
été lésés sous ce rapport. Si la formalité n’a pas été remplie, il y a eu
irrégularité grave. Je pense qu’il n’appartenait pas au président du collège
électoral de changer la répartition des bureaux. Il aurait dû composer ces
bureaux avant le jour des élections, du moins quant au choix du président de
chacun d’eux. Pour ce qui est des scrutateurs, il pouvait les choisir dans le
moment même. Rien dans le procès-verbal ne constate que des démarches
suffisantes aient été faites auprès des électeurs.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Comme à plusieurs reprises on
a élevé des doutes sur la question de savoir si le commissaire de district de
Soignies a rempli dans la circonstance qui nous occupe, les obligations que lui
impose la loi, je prends la parole pour déclarer que dans le procès-verbal même
de l’élection, il est constaté que le commissaire de district de Soignies a
observé la loi électorale, qu’il avait désigné trois sections comme devant
former le collège électoral. Il est à remarquer que les années précédentes l’on
n’a éprouvé aucune espèce de difficultés à trouver des scrutateurs pour les
deux subdivisions du collège, la deuxième et la troisième section. Il est à
remarquer également, d’après un relevé fait par la commission, que les mêmes
électeurs qui avaient la mission de scrutateurs aux deux élections précédentes,
ont pris part à la dernière. Il n’est prouvé par aucun passage du procès-verbal
qu’on ait offert à ces mêmes électeurs de remplir en 1835 les fonctions qu’ils
avaient acceptées en 1831 et 1833. Il est à remarquer encore que les électeurs
qui avaient été désignés comme scrutateurs de la deuxième section dans le
procès-verbal envoyé au sénat, ne sont pas les mêmes que ceux qui avaient
rempli ces fonctions aux élections précédentes, et que l’on n’a pas fait
d’instance auprès de ces derniers qui, si on les en avait priés, n’eussent
peut-être pas hésité à accepter une mission qu’ils n’avaient pas refusée en
1831 et en 1833. En tout cas, le bureau ne pouvait pas déroger à la loi
électorale. Il devait déclarer qu’il ne se reconnaissait pas le pouvoir de
procéder à une élection quelconque, puisqu’il était dans l’impossibilité de
suivre les règles que la loi électorale prescrit.
Tels sont les motifs principaux qui ont déterminé
la commission. Le procès-verbal dont on vous a donné postérieurement lecture ne
change rien à la question.
Il est inutile de revenir
sur l’influence que la réunion des électeurs en un seul bureau a donnée aux
résultats de l’élection. Le scrutin s’étant prolongé jusqu’à minuit, la plupart
des électeurs ont été obligés de se retirer avant cette heure avancée de la
nuit. Il en est résulté que le candidat non élu membre de la chambre, ayant
obtenu au premier tour de scrutin 210 suffrages, au second tour, c’est-à-dire
aux élections du soir, il n’en avait plus que 160, c’est-à-dire 50 de moins,
tandis que le candidat proclamé représentant qui avait obtenu 186 voix au
premier tour en a obtenu seulement 171 au second, c’est-à-dire 15 de moins que
le matin.
M.
Gendebien. - A entendre certains orateurs et particulièrement ceux qui
siègent au banc des ministres, il y a eu fraude ou plutôt il y a suspicion de
fraude dans les élections de Soignies. Je demanderai à MM. les ministres si
selon la thèse qu’ils soutiennent, ou plutôt pour la commodité de la thèse
qu’ils soutiennent, il faudra renverser tous les principes. La fraude ne se
présume jamais. Il faut qu’elle soit prouvée par celui qui l’allègue. L’on
parle de fraude ; où est la preuve ?
Les élections se sont
prolongées jusqu’à minuit ; les électeurs se sont retirés chez eux. Si les
élections se sont prolongées jusqu’à minuit, c’est la conséquence d’une
circulaire du ministre de l’intérieur, qui a annoncé partout que le
gouvernement tenait beaucoup à ce que les élections fussent terminées en une
journée. L’on aurait prorogé l’élection au lendemain sans cette circulaire
ministérielle. De ce que 100 électeurs se sont retires avant la fin des
opérations électorales, doit-on en inférer qu’il y a eu fraude ? Sur ces 100
électeurs, y en a-t-il un seul qui se soit plaint ?
Pas un ne s’est plaint, pas
même le commissaire du district de Soignies, qui, lui, devait avoir reçu des
ordres bien sévères du gouvernement, puisque le lendemain des élections, supposons
que deux de ses employés avaient favorisé l’élection de M. Ansiaux
il les a destitués. Un commissaire de district aussi disposé en faveur des
caprices ministériels, assez disposé à témoigner sa mauvaise humeur du résultat
des élections pour chasser deux de ses employés, s’il avait eu le moindre
indice de fraude, se serait hâté de la dénoncer à son supérieur immédiat, le
gouverneur de la province du Hainaut, lequel en aurait donné avis au ministre.
Si les opérations électorales de Soignies avaient été entachées d’une fraude
quelconque, les réclamations n’auraient pas manqué. J’ai rappelé la destitution
des deux employés attachés au commissariat du district de Soignies ; je ne puis
passer sous silence un fait qui fait le plus grand honneur à M. Ansiaux. Dès que cette destitution lui a été connue, il a
pris l’engagement vis-à-vis des deux employés qu’elle frappait de leur payer
les appointements dont ils se trouvaient tout à coup privés jusqu’à ce qu’ils
trouvent à se replacer.
Certes, on ne doit pas présumer
à la légère la fraude de la part d’un homme capable d’une action aussi
honorable. D’un autre côté, quand un commissaire de district témoigne d’une
manière aussi nette le déplaisir qu’il éprouve du résultat des élections, l’on
doit présumer que s’il avait pu obtenir des preuves ou des présomptions qu’il y
aurait eu fraude dans les élections, il se serait hâté de les fournir, d’autant
plus que cela n’aurait nui à personne, et que d’un autre côté, la résolution
prise à l’égard des deux employés les réduisait à la misère, si M. Ansiaux n’avait réparé les torts du gouvernement.
L’on vous a dit que le
commissaire de district avait formé les sections. Je n’en sais rien. Un de nos
collègues m’a affirmé que jamais à Soignies l’on n’avait dirigé dans les convocations
les électeurs en plusieurs sections, qu’on les convoquait dans un seul local,
dans celui où ils se sont réunis cette année, et que c’est là que l’on
procédait à la désignation des autres sections. On a fait cette année ce que
l’on a fait les années précédentes. Ainsi, vous voyez, messieurs, que toute
suspicion de fraude doit disparaître devant cette circonstance. Mais il est
bien étonnant, a-t-on dit, que l’on n’ait trouvé aucun électeur qui ait voulu
se charger du scrutin. Si on les avait interpellés un à un, il est très
probable que l’on n’aurait pas manqué de scrutateurs.
Je ne sais quel article de
la loi électorale impose au président du collège l’obligation d’inviter
successivement et individuellement tous les électeurs à occuper le fauteuil. Si
l’on m’indique une pareille disposition dans la loi, alors je concevrai que
l’on exige que le procès-verbal contienne la mention de cette espèce d’appel
nominal, et la nécessité, par suite de son non-succès, de procéder aux
élections dans un seul local. Mais il résulte du procès-verbal que les efforts
ont été inutiles, que personne n’a accepté, et que tous ont été unanimement
d’avis de procéder aux élections dans un seul local.
L’on vous a dit que l’on
n’a pas désigné pour remplir les fonctions de scrutateurs les électeurs qui
avaient agi en cette qualité en 1831 et 1833. Je ne sais pas où M. le ministre
des finances a trouvé que l’on a nommé d’autres scrutateurs que les années
précédentes, je n’ai rien vu de semblable dans les procès-verbaux ni dans les autres
pièces.
Mais quand cela serait, en
résulterait-il qu’il y a indice de fraude ? Tout au contraire, il y aurait
indice de fraude si les mêmes électeurs étaient nommés scrutateurs à chaque
élection, parce que, au dire de ceux qui s’attachent à prouver l’irrégularité
de l’élection de M. Ansiaux, cela est abandonné au
caprice du président.
Mais avant de
raisonner sur ce point, il me semble que M. le ministre des finances devrait
commencer par prouver que les scrutateurs de cette année ne sont pas ceux de 1831
et 1833, et il devrait prouver ensuite que c’est par fraude et collusion que
cela s’est fait ainsi.
Il faut en revenir aux
principes simples en matière d’élection. L’élection est-elle entachée de fraude
? Il faut sans scrupule et sans hésiter l’annuler, et dans ce cas vous pouvez
être tranquilles, il y aurait eu des réclamations.
Remarquez que s’il avait eu
fraude, le commissaire de district aurait pu l’empêcher puisqu’il était
présent. D’ailleurs, la fraude répugne à tous les hommes honnêtes. A moins de
supposer que dans tout le district de Soignies il n’y a pas un homme de cœur,
il est certain que s’il y avait eu fraude, il serait arrivé d’une part ou
d’autre une réclamation aux chambres. Je commas assez les patriotes du district
de Soignies pour vous affirmer qu’ils ne souffriraient pas la fraude, dût-elle
profiter à leurs opinions.
Un membre a dit fort
judicieusement que lorsqu’il n’y a pas de réclamations de la part des
intéressés, il n’y a pas lieu de supposer irrégularité ou fraude. Nous sommes
ici dans la même position. Aucune réclamation ne nous est parvenue sur les
élections de Soignies. Quant à moi, j’ai l’intime conviction que les élections
ont été régulièrement faites et que vous devez éviter une nouvelle corvée aux
électeurs de ce district.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Nous n’avons pas besoin pour apprécier l’élection de Soignies de nous occuper
de l’acte de reconnaissance exercé par M. Ansiaux en
faveur d’employés qui, si je suis bien informé, lui ont rendu le bon office
d’aller lui chercher des électeurs au milieu de la nuit.
Nous n’avons pas besoin de
nous occuper du droit qui appartient au commissaire de district de Soignies de
choisir ses employés. Mais on a dit que le président du collège électoral était
dans l’impossibilité de constituer un second bureau ; je ne vois pas cette
impossibilité. En effet, s’il avait déclaré que l’on ne commencerait pas les
élections avant la formation du second bureau, il aurait trouvé de quoi le composer.
Quoi qu’il en soit, on ne pouvait pas se dispenser de l’exécution des lois. (Aux voix ! aux voix !)
M.
le président. - Les conclusions de la commission tendent à l’annulation
de l’élection de MM. Ansiaux et Duvivier.
- Ces conclusions mises aux
voix sont adoptées à une très grande majorité ; en conséquence le collège de
Soignies sera de nouveau convoqué.
FIXATION DE L’ORDRE DU JOUR DE LA CHAMBRE
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
(pour une motion d’ordre). - Je désirerais que la chambre fixât dès aujourd’hui
l’ordre du jour de lundi. On a mis à cet ordre du jour la discussion des
questions relatives à l’admission du général Nypels ;
je ne sais si elles occuperont toute la séance ; dans le cas où il n’en serait
pas ainsi, je demande que l’on commence la discussion de la loi sur
l’instruction publique. (Appuyé ! appuyé
!)
M. Gendebien. -
Je ne sais si vous pouvez mettre à l’ordre du jour la loi sur l’instruction
publique. La chambre n’est plus composée comme elle l’était avant la clôture de
la session, clôture qui a été un peu prématurée. Il est certain que légalement
il n’y a ici que la moitié des membres qui siégeaient au mois de mai ; en fait,
il y a réellement 18 membres nouveaux ; on dit même qu’il y en a 2. Ces membres
nouveaux n’ont aucune connaissance de la loi sur l’instruction publique. Vous
savez de quel nombre d’articles elle est composée.
Pouvez-vous décider que
tous nos nouveaux collègues ont la science infuse, ont l’art divinatoire et
qu’ils pourront discuter une telle loi ? J’aurais tort de me plaindre
personnellement de la fixation du jour, puisque je suis un membre réélu. Mais
il y en a, je le répète, qui n’ont pas même reçu les projets ; vous ne pouvez
pas exiger qu’ils discutent ce qu’ils ne connaissent pas. Il faut de nouveau
examiner la loi en sections.
M. A. Rodenbach.
- Depuis plusieurs années, nous nous occupons de l’instruction publique ; c’est
une chose importante ; elle intéresse tous les citoyens ; et il est impossible
que les nouveaux membres ne connaissent pas la matière. Voilà deux ans que
l’université libre catholique et l’université libre de Bruxelles demandent un
jury. On paralyse les études en ne donnant pas de loi sur cet objet. Les jeunes
gens ne peuvent obtenir les grades académiques.
Prenons garde d’occasionner
encore un retard d’une année. La loi sur l’instruction publique a été examinée
par plusieurs commissions ; elle a été examinée dans les sections ; je ne crois
pas qu’on puisse avancer que quelqu’un ne la connaisse pas. On peut donc s’en
occuper après la vérification des pouvoirs. On aura d’ailleurs le temps de la
lire d’ici à lundi. J’appuie la proposition de M. le ministre de l'intérieur.
M. Demonceau. - Je réclamerai
de la bienveillance de la chambre qu’elle veuille bien faire communiquer aux
nouveaux députés toutes les pièces relatives à la loi sur l’instruction
publique, et je ne m’opposerai pas à ce qu’elle soit discutée lundi.
M.
Gendebien. - Si nos nouveaux collègues croient pouvoir discuter lundi,
je n’ai rien à dire, quoique je trouve que d’ici à lundi, il y a bien peut de
temps pour lire tous les documents qui concernent la matière.
M. Eloy de Burdinne. - Il ne s’agit pas
de la loi toute entière, à ce qu’il me semble ; il s’agit du jury d’examen. En
faisant distribuer les rapports de la section centrale aux nouveaux membres, il
me semble qu’ils en sauront autant que nous.
- La proposition de M. le
ministre de l'intérieur mise aux voix est adoptée.
La loi communale présentée
de nouveau par le ministère est renvoyée devant les sections. Elles seront
convoquées pour procéder à son examen quand la loi sera imprimée et distribuée.
La séance est levée à
quatre heures et demie.