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d’intention
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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du mercredi 1er avril 1835
Sommaire
1) Pièce
adressée à la chambre
2)
Proposition de loi visant à augmenter le personnel du tribunal de première
instance de Mons (Corbisier)
3) Projet
de loi relatif au renouvellement par moitié des chambres. Détermination des
députés et des sénateurs sortants et entrée en fonction des membres
nouvellement élus (de Theux, Gendebien,
Devaux, Dumortier, Devaux, Dumortier, Gendebien, Devaux, Dumortier), indépendance des députés-fonctionnaires
incompatibilité entre le mandat de parlementaire et celui de gouverneur ou de
commissaire de district (+loi communale) (Dumortier, Desmanet de Biesme, de Theux, Gendebien, de Theux, de Brouckere, Dumortier, Lardinois, Van Hoobrouck, Fallon, Dumortier, Jullien, Fleussu, de Brouckere, Jullien)
4) Projet
de loi portant modification du tarif des douanes, pour les tissus en soie (Hye-Hoys, d’Huart, A. Rodenbach, Duvivier, d’Huart, Lardinois, Davignon, d’Huart, Davignon, Duvivier, Verdussen)
(Moniteur belge n°92, du 2 avril 1835 et Moniteur belge n°93, du 3 avril
1835)
(Présidence de M. Raikem.)
(Moniteur belge n°92, du 2 avril 1835) M. de Renesse
procède à l’appel nominal à une heure. Il donne lecture du procès-verbal de la
séance précédente ; il est adopté.
M.
Verdussen donne lecture de l’analyse suivante d’une pétition adressée à
la chambre.
PIECE ADRESSEE A
« Le sieur J.-P. Motte,
dont la boutique a été pillée par les Hollandais dans les journées de
septembre, demande le paiement de l’indemnité qui lui revient de ce
chef. »
M. le
président. - Les sections ayant autorisé la lecture de la proposition de
MM. Corbisier. Gendebien et de Sécus, la parole est à M. Corbisier. (Nous publierons le discours de l’honorable
membre).
- La proposition de MM
Corbisier, Gendebien et de Sécus est prise en considération.
Elle est renvoyée aux
sections. L’impression en est ordonnée.
Discussion des articles
Article 5
M. le
président. - La discussion est continuée sur l’art. 5 et sur les divers
amendements qui ont été proposés. Si personne ne demande la parole, je vais les
mettre successivement aux voix.
Voici la proposition présentée
par M. Dumortier :
« Si la dissolution a eu
lieu hors des époques périodiques ordinaires, les membres de la chambre
dissoute seront respectivement élus pour le terme qui restait à chaque série.
« Néanmoins, lorsque la
dissolution a eu lieu après les 40 jours prescrits par l’art. 70 de la
constitution, il n’y aura pas de renouvellement partiel au mois de juin
suivant. »
Celle de M. Devaux est ainsi
conçue :
« En cas de dissolution,
les élections pour remplacer la première série sortante auront lieu, pour la
chambre des représentants ainsi renouvelée, au mois de juin qui suivra la
seconde session ordinaire ; et pour le sénat, s’il a été renouvelé de cette
manière, au mois de juin qui suivra la quatrième session ordinaire.
« Les
élections en remplacement de la seconde série de la chambre des représentants
auront lieu deux ans plus tard, et pour la seconde série du sénat, quatre ans
plus tard.
« La session ordinaire
est celle qui comprend le deuxième mardi de novembre, soit que les chambres se
soient réunies ce jour même, soit qu’elles aient été réunies antérieurement par
le Roi. »
L’amendement
de M. Gendebien est ainsi formulé :
« En cas de dissolution des chambres ou
de l’une d’elles, les élus prendront la place des membres de la chambre
dissoute, et siégeront pendant le temps nécessaire pour l’accomplissement des
mandats précédents, conformément aux art. 51 de la constitution et 53 de la loi
électorale. »
Il s’agit de savoir quelle
proposition nous mettrons d’abord aux voix.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Celle de M. Dumortier.
M. Gendebien.
- Il me semble que c’est mon amendement ou celui de M. Dumortier qu’il faut
mettre aux voix. Si c’est le mien qui est admis, vous serez dispensés de voter
sur l’art. 5.
M. Devaux. - Mais l’article 5 est indépendant des
amendements proposés, du moins du mien. Les amendements fixent le jour des
élections après la dissolution ; mais il y a encore une autre question à
décider, c’est celle de savoir quand les députés élus entreront en fonctions et
si ceux dont ils sont les successeurs siégeront encore quelques mois. Mon
amendement ne décide pas cette dernière question dont la solution est dans
l’art. 5 ; ainsi il se concilie parfaitement avec l’art. 5.
M.
Gendebien. - Mon amendement est nécessairement exclusif de l’art. 5. Je
maintiens dans son intégrité l’art. 53 de la loi électorale, lequel est tout
autre que l’art. 5 de la loi en discussion. D’après l’art. 53 les fonctions des
représentants cessent en novembre, tandis que, d’après l’art. 5, les fonctions
cessent au moment où commencent les élections. Cela n’est pas dit explicitement
dans cet article, mais cela résulte de son texte. Mon amendement ne peut pas
marcher avec l’art. 5, puisque je conserve dans toute leur intégrité et la
constitution et la loi électorale.
Je ne reviendrai pas sur les
inconvénients résultant de l’article 5, et que j’ai signalés. Je me permettrai
de faire une seule remarque. Dans le cas du renouvellement par série, par suite
de cet art. 5, vous avez une moitié des membres de la chambre dont le mandat
cesse par le seul fait de la réunion des électeurs ; eh bien, je suppose
qu’arrive alors un des nombreux cas prévus par la constitution : le décès du
Roi, la déclaration qu’il est incapable de régner, le Roi laissant un mineur
pour lui succéder, le cas de guerre, etc. Il faut que la chambre se réunisse
immédiatement. Dans toutes ces situations, où l’urgence est plus ou moins
grande, que fera la chambre réunie ? Rien ; la moitié des membres sera d’abord
occupée à vérifier les pouvoirs de l’autre moitié ; et vous ne pourrez parer
aux plus graves événements. Par mon amendement, je maintiens ce qui a été
régularisé par le congrès et dans la constitution et dans la loi électorale :
or, en vertu de la constitution et de la loi électorale, il n’y a jamais
absence des chambres ; on peut toujours les réunir de manière à les faire
délibérer quelques heures après leur réunion. Voyez si les inconvénients
résultant de l’art. 5 ne sont pas très graves. Peut-on me dire quels avantages,
dans la nouvelle loi, compenseront ces inconvénients ? Je ne les aperçois pas.
M.
Dumortier. - Je veux faire observer la différence qui existe entre mon
amendement et celui de M. Devaux.
La
proposition faite par M. Gendebien et la mienne ont pour but de fixer
l’ouverture des élections aux époques périodiques établies par la loi
électorale et par la constitution, et tellement que dans aucun cas les
élections des membres du sénat ne puissent avoir lieu dans d’autres années que
celles où les élections des membres de la chambre des représentants seront
effectuées. Par l’amendement de M. Devaux, il en serait autrement, et c’est là
un très grave inconvénient. Dans l’état actuel des choses, les périodes de
réélection tombent dans des années impaires. Une conséquence de l’amendement de
M. Devaux ferait tomber les périodes de réélection dans des années paires si la
dissolution avait lien une année paire, tandis que la chambre non dissoute
continuerait ses élections périodiques dans les années impaires. Voilà un très
grand vice dans cette proposition de M. Devaux. Cette différence entre cette
proposition et la mienne doit être comprise par toute l’assemblée.
Ainsi que le mien,
l’amendement présenté par M. Gendebien et à la première partie duquel je me
rallierai bien volontiers, a pour but d’établir d’une manière irrévocable les
réélections partielles dans les années impaires.
On a fait une objection à ma
proposition : on m’a fait observer qu’il se pourrait que la moitié des membres
de la chambre pourrait bien n’être appelée à siéger que pour quelques jours ;
j’ai compris cette objection, et c’est pour parer à l’inconvénient signalé que
j’ai ajouté un second paragraphe à mon amendement. Au reste, quel que soit
l’amendement que vous adoptiez, il faudra également ajouter ce second
paragraphe.
M.
Devaux. - L’inconvénient que signale M. Dumortier, existe toujours dans
le second paragraphe de son amendement. Comme l’a démontré M. de Brouckere, il
n’y aura de coïncidence entre les élections du sénat et celles de la chambre
que dans les huit ans : entre ces périodes la coïncidence ne peut avoir lieu :
ainsi l’avantage que présentent les amendements de MM. Gendebien et Dumortier,
me paraît très léger.
Quant aux objections faites
contre ma proposition, elles s’appliquent également aux propositions de ces
honorables membres, et ne prouvent rien de plus contre l’une que contre
l’autre.
Relativement
à l’art. 5, je répète que nous aurons à le voter après avoir voté sur les
amendements. J’admettrai cet article du gouvernement.
On prétend que par l’art. 5 on
pourra se trouver, dans des circonstances graves, obligé de s’occupera de
vérifier des pouvoirs au lieu de s’occuper des affaires de l’Etat ; mais cet
inconvénient se trouve dans les systèmes des amendements ; ils ne méritent
donc, sous aucun rapport, d’être préférés à l’article du gouvernement.
Je désire que l’on en finisse,
et que l’on mette aux voix les amendements.
M.
Dumortier. - L’honorable préopinant est dans l’erreur. Il croit que
dans tous les systèmes les élections du sénat et dés chambres auront lieu
alternativement : cela aurait lieu par suite de son amendement ; mais cela
n’aura pas lieu par suite de la proposition de M. Gendebien et de la mienne. Ces
propositions maintiennent l’ordre bisannuel établi par la législature du
congrès, et sont conformes en tout point à ce qui a été fait pour les deux
assemblées législatives élues intégralement par le pays depuis la révolution.
La première de ces assemblées
a été élue en août 1831 ; elle commencé à siéger au mois d’octobre, et ses
pouvoirs n’ont été terminés que quatre années plus tard au mois de novembre.
La deuxième de ces assemblées
a été élue en mai. Il y a eu dissolution de la chambre en avril. La chambre a
commencé à siéger au mois de juin. Ses pouvoirs seront en vigueur jusqu’au
deuxième mardi de novembre de cette année, du moins pour la moitié de ses
membres.
Il faut
que l’on prenne une base certaine. La question qui nous occupe est plus grave
que la plupart des questions : quand il s’agit du pouvoir législatif comme il
n’a pas de supérieur dans l’Etat, il faut que la loi précise tout ce qui le
concerne et tous les cas qui peuvent arriver. La loi seule peut régler les
difficultés relatives à la législature. Si la loi ne les réglait pas,
qu’arriverait-il ? C’est que deux chambres pourraient se présenter en même
temps dans cette enceinte ; l’une dirait : C’est moi qui suis la chambre, mes
pouvoirs ne sont pas expirés ; l’autre dirait : Vous vous trompez, c’est moi
qui suis la chambre, mes pouvoirs ont commencé. Qui est-ce qui déciderait cette
question ? Ce ne serait pas le Roi.
Mais si la loi doit résoudre
toutes les difficultés, elle doit s’appuyer sur la constitution : or,
l’amendement de M. Gendebien et le mien ont cet immense avantage.
M. le
président. - Je vais mettre ces amendements aux voix.
M.
Gendebien. - Je demande la division.
Mon
amendement a cet avantage qu’il établit des séries fixes, et qu’il pare aux
inconvénients que j’ai signalés. On n’a pas répondu à mes objections,
l’amendement de M. Dumortier présente encore des inconvénients. Je pense qu’il
faut rester dans les termes de la loi ; les séries établies resteront alors les
mêmes.
-
L’amendement de M. Gendebien est mis aux voix et n’est pas admis.
M. le
président. se dispose à mettre aux voix l’amendement de M. Devaux.
M.
Gendebien. - Il y a des membres qui croient que d’après l’amendement de
M. Devaux, les députés sortants, non réélus, conserveraient néanmoins leurs
fonctions jusqu’au mois de novembre suivant : il faut s’entendre sur ce point.
M.
Devaux. - Mon amendement ne décide pas cette question. Mais, après
avoir prononcé sur mon amendement, on aura à voter sur l’article 5 du projet de
loi lequel résout la difficulté ; mon amendement décide seulement quand auront
lieu les élections en cas de dissolution.
M.
Dumortier. - Mais il faudrait commencer par établir dans notre
délibération quand les fonctionnaires seront élus, avant de dire quand ils
commenceront à entrer en fonctions.
M.
Devaux. - C’est la même chose !
- L’amendement de M. Devaux mis
aux voix est adopté.
M. le
président. - L’article 5 est ainsi conçu :
« Art. 5. Les députés
nouvellement élus entreront en fonctions à la première réunion ordinaire ou
extraordinaire des chambres. »
M.
Dumortier. - Cette disposition me paraît singulièrement obscure ; je ne
sais si quelqu’un la comprend dans cette assemblée.
M. le
ministre de la justice (M. Ernst). - On a discuté l’article pendant
deux jours.
M.
Dumortier. - Si on l’a discuté pendant deux jours, cela prouve qu’il
n’est pas clair.
Je demanderai quelle sera la
chambre qui siégera immédiatement après les élections.
M. le
ministre des finances (M. d'Huart). - Ce sera la chambre nouvelle.
M.
Dumortier. - Laissez-moi achever, ne m’interrompez pas. Les élections
ont lieu, aux termes de la constitution le deuxième mardi du mois de juin… je
veux dire aux termes de la loi électorale… on fait tant de bruit que l’on en
est étourdi.
Les élections ont lieu le
deuxième mardi de juin, aux termes de la loi électorale ; alors la chambre
constituée continue ses fonctions comme nous avons continué les nôtres jusqu’au
mois d’août en 1833... (Bruit.) Les
uns me disent oui ; les antres me disent non… Je crois entendre M. le
rapporteur dire non.
M.
H. Dellafaille, rapporteur. - J’ai dit oui.
M.
Dumortier. - Quand l’élection a été faite, les élus peuvent-ils venir
dire : Cédez-nous la place ? (Aux voix !
aux voix !)
- L’art. 5 mis aux voix est
adopté.
Article 6
« Art. 6. La présente loi sera
obligatoire le lendemain de sa promulgation. »
- Adopté.
M. le
président. - M. Dumortier vient de déposer sur le bureau un article
additionnel, ainsi conçu :
« Les gouverneurs ne
pourront être élus dans les provinces ni les commissaires de district dans les
districts où ils exercent leurs fonctions.
« Néanmoins, les gouverneurs
et les commissaires de district qui lors de la promulgation de la présente loi
seraient députés des provinces ou des districts où ils exercent leurs fonctions
pourront, par continuation, être élus par ces provinces ou par ces districts. »
M.
Dumortier. - Je prie mes honorables collègues de ne pas regarder comme
un acte d’hostilité l’amendement que je viens de déposer sur le bureau ; et il
me sera facile de démontrer qu’une pareille disposition est indispensable dans
la loi qui nous occupe. Je l’ai puisée dans la loi française relative au
renouvellement de la chambre.
Cette loi porte à l’article 8
:
« Les sous-préfets ne
peuvent être élus députés dans les collèges d’arrondissements électoraux qui
comprennent la totalité ou une partie des électeurs de l’arrondissement de leur
sous- préfecture. »
Une autre loi de 1817 porté à
l’art. 17 :
« Les sous-préfets et les
officiers généraux commandant les divisions militaires des départements ne peuvent
être élus députés dans les départements où ils exercent leurs fonctions. »
Eh bien, messieurs, cette
garantie que la restauration avait cru devoir donner aux électeurs, n’a pas
paru suffisante à la chambre des députés sortie de la révolution de juillet. La
loi du 19 avril 1831 est ainsi conçue en l’art 64 :
« Il y a incompatibilité
entre les fonctions de député et celles de préfet, sous-préfet, de receveurs
généraux, receveurs particuliers des finances et de payeurs
« Les fonctionnaires ci-dessus
désignés, les officiers généraux commandant les divisions ou subdivisions
militaires, les procureurs-généraux près les cours royales, les procureurs du
Roi, les directeurs des contributions directes et indirectes des domaines,
enregistrement et douanes dans les départements, ne pourront être élus députés
par le collège électoral d’un arrondissement compris en tout ou en partie dans
le ressort de leurs fonctions.
« Si, par démission ou
autrement, les fonctionnaires ci-dessus quittaient leur emploi, ils ne seraient
éligibles dans les départements, arrondissements ou ressorts où ils ont exercé
leurs fonctions qu’après un délai de six mois à dater du jour de la cessation
des fonctions. »
Remarquez, messieurs, la
proposition que je viens de faire ne comprend qu’une faible partie de l’art. 64
de la loi de 1831. J’ai cru pouvoir le restreindre aux seules personnes qui
exercent une influence directe sur les administrations locales. Maintenant je
vous dirai pourquoi j’ai déposé cet amendement. Il est reconnu qu’une chambre
qui doit représenter l’opinion du pays doit être composée de personnes qui ne
soient pas sous la dépendance absolue du gouvernement. Une chambre qui doit
être l’émanation du pays ne doit pas être composée de personnes révocables par
le gouvernement et qui possèdent une influence immédiate et directe sur les
élections.
Les gouverneurs et les
commissaires de district auront désormais une influence directe sur l’élection
du pays. Car par la loi communale, vous avez admis que les bourgmestres sont
nommés par le Roi, soit en dehors, soit dans le sein du conseil, qu’ils sont
susceptibles d’être révoqués par le Roi sans même que l’on expose les motifs
qui pourraient donner lieu à l’exercice de cette faculté. On a fait en un mot
des bourgmestres, les agents purs et simples du gouvernement.
Maintenant, messieurs, que
vous avez admis un pareil système, il faut également eu admettre les
conséquences. Si vous aviez voulu, comme sous le congrès, que les bourgmestres
fussent élus par le peuple, qu’ils ne pussent être révoqués ni suspendus par le
gouvernement, que, placés sur la même ligne que les autres magistrats, ils ne
pussent perdre leurs fonctions qu’en vertu d’un jugement, je me serais bien
gardé de présenter l’amendement que j’ai déposé sur le bureau.
Mais après avoir inséré dans
la loi communale que c’est le pouvoir exécutif qui nomme les bourgmestres,
révoque ces fonctionnaires et suspend les échevins, il faut comprendre qu’il
est nécessaire d’admettre dans l’appendice de la loi électorale que nous votons
en ce moment des garanties contre les manœuvres électorales qui tendent à
fausser le système représentatif.
Lorsqu’il s’est agi de la
discussion de la loi communale, un honorable membre, M. Devaux a dit avec
raison que ce qu’il importait à un pays gouverné constitutionnellement, c’était
d’avoir des chambres qui représentassent réellement l’opinion du pays.
Maintenant que le gouvernement a le pouvoir de nommer les bourgmestres, de
révoquer et de suspendre les échevins, pouvez-vous maintenir comme éligibles
aux chambres des hommes qui ont ces fonctionnaires sous leur dépendance
immédiate et qui s’en serviront dans leur propre intérêt.
Messieurs, on l’a dit et
répété plusieurs fois, il y a en Belgique à peu près 3,000 communes qui ont à
leur tête chacune un bourgmestre, et au moins deux échevins. Ainsi, voici 9,000
personnes que le gouvernement peut révoquer ou suspendre, et quels sont les
agents qui peuvent provoquer ces révocations ou suspensions ? Ce sont les
commissaires de district et les gouverneurs. Ceci est d’autant plus grave que
lorsque l’on vous demanda le droit de révocation et de suspension, l’honorable
M. Lebeau, ancien ministre de la justice, déclara formellement que la
révocation des fonctionnaires de l’ordre municipal était un moyen de
gouvernement, et vous savez ce que l’on entend par des moyens de gouvernement.
Lorsque dans les élections un
fonctionnaire amovible n’usera pas de son influence en faveur du gouvernement,
on lui donnera sa démission, comme on l’a fait à l’égard de mon honorable ami M. Doignon.
Pour moi, mon vœu le plus
ardent est qu’en Belgique la représentation nationale représente réellement le
pays. Mais j’ai compris que nous devions quelque chose aux membres sur lesquels
s’est fixé le choix des électeurs alors que le gouvernement n’avait pas le
droit de révoquer et de suspendre les bourgmestres et les échevins. J’ai
compris que ces honorables membres n’ont pu exercer sur leurs mandataires une
influence pareille à celle que je crains, qu’il fallait donc établir une
disposition spéciale en leur faveur. J’ai demandé qu’ils pussent exercer leur
mandat de députés, s’il leur était continué dans leurs provinces ou dans leurs
districts. Mais s’ils cessaient d’être élus, ils rentreraient à l’avenir dans
la catégorie générale.
L’article
additionnel que je présente est extrait textuellement de la loi française. A
coup sûr, nous ne devons pas désirer à donner moins de garanties en Belgique
que dans les pays voisins.
Messieurs, il existe en
Belgique 42 commissariats de district ; eh bien si nous n’y prenons garde, avec
les moyens d’influence que nous avons donnés au gouvernement par la loi
électorale, avant peu d’années ces 42 commissaires seront tous membres des
chambres. Et je vous le demande, que deviendra alors la représentation
nationale ? Sera-t-elle encore l’image fidèle du pays ? Pourra-t-elle faire
entendre ici sa voix ? Non, messieurs il faut bien le reconnaître, alors la
représentation nationale sera un mensonge ; elle représentera le ministère et
cessera de représenter le pays.
Vous apporterez, messieurs, un
remède à un aussi grand mal par l’adoption de la proposition que je vous
soumets. Par là, les gouverneurs, les commissaires de district, continueront à
pouvoir faire partie des chambres, mais ils devront être élus par des électeurs
sur lesquels ils n’exercent aucune influence et alors, du moins, la
représentation nationale ne sera pas faussée.
M. Desmanet de Biesme. - La
proposition que vient de faire l’honorable M. Dumortier me semble digne de
fixer l’attention de la chambre et mériter un sérieux examen. Cette
proposition, si elle était adoptée, aurait pour résultat de modifier le
personnel actuel de la chambre des représentants. Dès lors il y avait du
courage de la part de l’honorable M. Dumortier à présenter sa proposition,
puisqu’elle pouvait blesser des susceptibilités.
Aussi, en prenant la parole
pour la soutenir, j’ai eu besoin de me rappeler que nous devons travailler dans
l’intérêt du pays et faire abnégation des sentiments d’estime et d’amitié qui
nous lient à beaucoup de nos collègues qui sont fonctionnaires révocables du
gouvernement. Je dois m’avouer que je suis plus préoccupé de l’avenir que des
inconvénients présents.
Je me plais dans cette
occasion à rendre justice à l’indépendance des fonctionnaires révocables qui
siègent dans cette assemblée ; si je ne le faisais pas, leurs votes sauraient
répondre victorieusement à des allégations malveillantes. Vous le savez, cette
question a été déjà agitée dans le sein du congrès. Si ma mémoire est bonne, il
avait été question d’exclure une grande partie des fonctionnaires de la
chambre. Mais les partisans du système contraire ont fait valoir des
considérations importantes. Ils ont dit que le gouvernement devait être soutenu
dans la chambre, que les fonctionnaires publics y apporteraient le tribut de
leurs lumières, qu’il en résulterait du bien pour l’administration.
Les orateurs qui soutenaient
l’exclusion des fonctionnaires avaient fait valoir de leur côté de très bonnes
raisons. Cependant leurs efforts furent sans succès. Je ferai remarquer que la
situation actuelle relativement aux gouverneurs, aux commissaires de district,
n’est plus la même qu’à cette époque.
Depuis, la chambre a paru
revenir à un système différent et créé des incompatibilités, quant à la cour de
cassation par exemple. L’on a décidé que les membres de cette cour ne
pourraient faire partie de cette chambre. Cependant l’on aurait pu établir
l’exception contraire. Car il y a en faveur des membres de la cour de cassation
présomption de capacités, d’indépendance par leur position.
La cour n’est pas surchargée
de besogne ; de plus son siège est fixé à Bruxelles. Il aurait donc été facile
aux membres d’assister à nos séances. Malgré toutes ces raisons qui militaient
contre l’incompatibilité, la législature a cru devoir la consacrer.
Nous savons tous qu’en ce qui
concerne les élections, le gouvernement constitutionnel est soumis à des
influences diverses qu’exerce chaque fraction de la société.
Parmi ces influences, je ne
nierai ni celles du rang, de la propriété, ni celles de la position politique,
ni beaucoup d’autres. Mais toutes ces influences se combattent l’une l’autre.
La partie se trouve à peu près égale. L’on peut croire par une fiction que le
produit des élections représente l’opinion générale. Mais s’il se trouve une
classe de citoyens tellement placés que leur influence tende à absorber toutes
les autres, je pense qu’il y a lieu de la neutraliser. C’est le but que veut
atteindre l’honorable M. Dumortier.
J’ai dit que la position n’était
plus la même qu’au temps du congrès : à cette époque l’administration communale
était toute différente de ce qu’elle sera à l’avenir. Les bourgmestres étaient
dans une position d’indépendance vis-à-vis du gouvernement. Aujourd’hui il n’en
est plus ainsi. Si le système adopté par la chambre est ratifié par le sénat,
les bourgmestres se trouveront bien certainement en grande partie sous la
dépendance des commissaires de district. Leurs relations directes avec les
bourgmestres leur donneront une grande influence sur ces fonctionnaires, et
l’on sait jusqu’où elle peut aller dans certaines communes rurales.
On me demandera peut-être :
Quel mal trouvez-vous à ce que des fonctionnaires siègent dans la chambre ?
Trouvez-vous que le gouvernement soit tellement fort dans le pays qu’il n’ait
pas besoin d’appui ? Je ne refuserai jamais au pouvoir exécutif toute la force
dont il a besoin. C’est tout à fait dans mes vues. Aussi ai-je voté en faveur
de la nomination des bourgmestres par le Roi. Je veux que le gouvernement ait
une grande force dans l’administration. Mais je veux qu’il ait cette force par
des moyens loyaux, par des moyens directs. Mais lorsque par des moyens
indirects il cherchera à placer dans les chambres des hommes sous sa dépendance
je lui refuserai toujours mon assentiment..
L’honorable M. Dumortier vous
a fait voir que ce qu’il vous proposait était ce qui existe en France.
Cependant en France l’on est
certes assez partisan du pouvoir fort, du gouvernement central. Cependant l’on a
senti dans ce pays que le gouvernement constitutionnel perdrait de sa force,
s’il arrivait trop de fonctionnaires révocables à la chambre. Si le
gouvernement n’a de force que dans l’opinion publique, ce serait y porter
atteinte que d’avoir dans la législature trop d’hommes sous sa dépendance, Je
crois, messieurs, avoir établi que les commissaires de district surtout ont des
moyens très faciles de parvenir à la chambre. Voyons quelle est leur position
quand ils s’y trouvent. Je me suis souvent demandé comment un fonctionnaire
révocable consentait à faire partie de la chambre. Sa position me semble tout à
fait difficile ; supposez le fonctionnaire révocable faisant de l’opposition.
Si le ministère est fort, il sera révoqué de ses fonctions. Notez bien que je
ne blâme pas le ministère qui agit ainsi. Il est dans son droit de vouloir que
ceux qui ne partagent pas son système cessent leurs fonctions.
La position d’un fonctionnaire
dans notre pays n’est pas la même que partout ailleurs.
En Angleterre, lorsqu’un ministère
tory arrive au pouvoir, une partie des fonctionnaires de l’administration, ceux
qui sont attachés à l’opinion whig, résignent leurs fonctions. Il leur reste
l’espoir d’être replacés par un nouveau revirement de ministères. En Belgique
il n’en est pas ainsi. Les changements de ministères sont en général de simples
changements de personnes. La démarcation des opinions n’est pas aussi tranchée,
et le personnel de l’administration ne change pas. Ce n’est pas que je trouve
mauvais qu’à chaque changement de ministère l’on ne révoque pas tous les
fonctionnaires. Je ne fais ce raisonnement que pour démontrer que les
fonctionnaires révoqués ne peuvent avoir l’espoir d’être replacés sous le
ministère suivant. Il y a donc, si je puis m’exprimer ainsi, une espèce de
niaiserie, de la part d’un fonctionnaire public, à faire de l’opposition en
Belgique. Une fois révoqué, il est sûr de ne pas être replacé.
Si des fonctionnaires
soutiennent consciencieusement le gouvernement dans la chambre (et cela est
plus commun que ne le croirait généralement), s’ils votent avec le ministère,
parce qu’ils trouvent que les ministres ont raison, ils n’en sont pas moins en
butte aux attaques personnelles. L’on suppose qu’ils votent ainsi à cause de
leur position, tandis que le plus souvent ils ne suivent que l’impulsion de
leur conscience. Je crois dans tout ce que je viens de dire avoir fait une
large part à l’indépendance que je me plais à reconnaître dans les
fonctionnaires révocables qui font partie de la chambre. Nous ne pouvons nous
dissimuler qu’il n’en sera pas toujours ainsi. A la suite d’une révolution, les
sentiments de générosité font explosion ; on comprend l’abnégation de soi-même.
Dans les temps calmes tout reprend son assiette naturelle. Or, l’assiette
naturelle de l’homme c’est son intérêt personnel. Il ne faut pas que l’on
vienne à la chambre avec l’intention de faire son chemin. L’honorable M.
Jullien disait que nous nous occupons de nos funérailles ; je m’empare de cette
idée pour ajouter que les mourants doivent la vérité aux vivants. Les
différents ministres qui se sont succédé en Belgique ont fait la part trop
large à la chambre des représentants dans la collation des emplois ; aussi
l’opinion est-elle générale dans le pays qu’il faut entrer dans la chambre pour
parvenir. Je ne crois pas que jamais la législature doive être un moyen de
parvenir, que l’on doive se servir du mandat de député pour arriver au pouvoir.
Après ces considérations je
m’en permettrai quelques-unes de particulières. Il est assez difficile de remplir
deux mandats qui exigent la présence d’une même personne dans deux endroits
différents. L’un des deux doit nécessairement en souffrir.
Si nous
reconnaissons depuis longtemps qu’une grande partie des fonctionnaires publics
sont peu assidus aux chambres, ils ont un excellent prétexte à nous donner,
c’est qu’ils remplissent d’autres fonctions. Nous savons avec quelle difficulté
nos séances se traînent depuis longtemps.
Il est loin de ma pensée de
croire que si l’amendement de M. Dumortier était adopté par la chambre, il
aurait pour résultat d’en éloigner les grandes capacités ; il arriverait ce qui
arrive en France. Les grandes villes se disputeraient les capacités et les
enverraient aux chambres. Déjà Bruxelles en a donné un noble exemple. Nous lui
devons d’avoir conservé deux députés qui, s’ils suivent une ligne de conduite
politique différente, sont l’un et l’autre des hommes d’un talent incontesté.
Repoussés dans leurs districts, ils ont reçu un mandat des électeurs de la
capitale. Je crois que cet exemple ne sera pas perdu de vue par les grandes
villes.
Je voterai en faveur de la
proposition de l’honorable M. Dumortier.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- La question soulevée par l’honorable député de Tournay ne me paraît pas
devoir être présentée à l’occasion d’une loi sur le renouvellement des
chambres. Mais puisqu’elle a été présentée, puisqu’elle vient d’être discutée
je crois devoir soumettre quelques réflexions.
Cette question a déjà été
agitée dans le sein du congrès. La section centrale du congrès fut appelée à
l’examiner, à l’occasion d’une proposition tendante à exclure les gouverneurs
de l’élection de leurs provinces.
Le système d’exclure les
fonctionnaires publics fut écarté par le congrès. Nous avons donc à cet égard
un préjugé qui me semble devoir être considéré comme définitif. Jamais
assemblée chercha-t-elle plus que le congrès à établir les droits
constitutionnels ? Si le congrès, si susceptible pour tout ce qui pouvait
porter atteinte à la constitution, a cru devoir rejeter la proposition de
l’exclusion des fonctionnaires publics, est-ce à nous qu’il appartient
maintenant de la reproduire ?
Vous remarquerez que la loi
électorale donne toute garantie pour la liberté des élections. Ses votes se
font par bulletins secrets, de telle manière qu’un électeur qui reçoit par
complaisance un suffrage écrit, n’en dépose pas moins ce suffrage selon sa
conscience dans l’urne, parce qu’il sait qu’il y a impossibilité qu’on le
recherche pour son vote. Si le choix des électeurs tombe sur le fonctionnaire
public à la tête de leur district et de leur province, c’est que ce
fonctionnaire a leur confiance et qu’ils le croient capable de remplir
dignement la mission qu’ils lui confient.
Il est inexact de dire qu’un
fonctionnaire public élu député ne représente pas aussi bien l’opinion publique
que tout autre député.
Après ces observations, il est
inutile d’entrer dans de plus longs détails. Je réfuterai seulement deux
considérations émises par l’honorable préopinant.
Il a dit que depuis l’époque
du congrès il s’est opéré un changement important, les bourgmestres ne devant
plus être élus directement par le peuple. Cette assertion de l’honorable
préopinant est inexacte. Le congrès a prévu que lors de l’organisation
communale, l’élection directe des bourgmestres n’aurait plus lieu, puisqu’il a
établi une exception dans la constitution.
Il n’y a donc rien de changé
depuis le congrès, puisque, malgré ses prévisions sur l’organisation
municipale, le congrès n’a pas exclu les fonctionnaires publics de la
représentation nationale.
L’on a
parlé de l’incompatibilité établie dans la loi d’organisation judiciaire entre
les fonctions de membre de la cour de cassation et de membre de l’une ou de
l’autre chambre.
Mais, messieurs, il est à
remarquer que la cour de cassation est appelée à juger les ministres, quand ils
sont mis en accusation. C’est la raison fondamentale qui a été alléguée pour
établir l’incompatibilité. On a voulu que les membres de la cour de cassation
n’eussent pas pris parti dans les discussions politiques qui ont pu amener la
mise en accusation d’un ministre quelconque. Sous ce rapport, il n’y a aucune
espèce d’analogie entre l’incompatibilité des fonctions de membre de la cour de
cassation, et je ne dirai pas l’incompatibilité de fonctionnaire public et de
député, car on propose simplement de les déclarer inéligibles dans la province
ou le district où ils exercent leurs fonctions. Je dis que cette question a été
résolue par le congrès après mûr examen, et que nous ne pouvons pas aujourd’hui
entrer dans un système de réaction plus fort que celui adopté par le congrès.
Ce serait un véritable contre-sens que d’établir maintenant des
incompatibilités que le congrès a formellement repoussées. Je crois donc qu’il
n’y a pas lieu d’admettre la proposition de M. Dumortier.
M.
Gendebien. - Il est vraiment étonnant qu’on vienne devant la chambre
affirmer comme positives des choses qui n’existent pas. On vient d’affirmer
qu’il existe un antécédent, que le congrès s’est prononcé positivement sur la
question qui vous est soumise par l’honorable M. Dumortier. Messieurs, il n’en est rien ; positivement rien le
congrès n’a pas eu à s’en occuper. Il s’agit d’une toute autre question que
celle qui a été résolue par le congrès. Le congrès a été appelé à examiner la
question de savoir si on exclurait de la représentation nationale un grand
nombre de fonctionnaires publics, entre autres les gouverneurs, mais non si on
prendrait des précautions vis-à-vis de ces fonctionnaires. Il ne s’est pas agi
de la question de savoir s’ils pourraient être élus là où ils administrent.
Mais en admettant qu’il en soit ainsi, cela changerait-il rien à la question ?
Non, car il est vrai de dire, ainsi que l’honorable membre l’a fait observer,
que les bourgmestres du temps du congrès étaient directement élus par les
électeurs, et il n’est pas exact de dire que le congrès a établi à cet égard
une exception formelle : non, il a autorisé les chambres à établir ou à ne pas
établir cette exception ; vous voyez donc que la décision n’a pas pu être prise
dans la prévision que les bourgmestres ne seraient plus nommés directement par
le peuple. Il y avait seulement une disposition autorisant à faire ou à ne pas
faire. Maintenant il y a plus, c’est que les bourgmestres, non seulement sont
nommés, mais révocables par le pouvoir. Il n’y a pas un seul bourgmestre qui ne
soit à la merci du gouverneur.
Et l’on prétend qu’il n’exerce
pas plus d’influence qu’il n’en exerçait au moment du congrès, alors que les
bourgmestres étaient nommés directement par le peuple, alors qu’on ne s’était
pas expliqué sur la question de savoir si les bourgmestres pourraient être
nommés directement par le pouvoir, toutefois en les prenant dans le sein du
conseil car, d’après le texte de la constitution, le bourgmestre ne pouvait
jamais être pris hors du sein du conseil ; cependant le gouvernement a obtenu
de pouvoir les prendre hors du sein du conseil. Il y a plus, c’est qu’on lui a
donne la faculté de les révoquer. Et l’on sait que tout fonctionnaire
révocable, dont les fonctions dépendent d’un supérieur, est nécessairement le
très humble serviteur de ce supérieur. Sans doute, il y a beaucoup de
bourgmestres qui ne tiennent pas à leurs fonctions et qui pourraient en faire
le sacrifice. Mats on sait qu’une révocation jette toujours sur le
fonctionnaire qui en est l’objet, un vernis fâcheux qui le met dans la
nécessité de présenter une justification. Eh bien, un homme honnête, timide,
évitera de se trouver mis dans l’obligation de se justifier même d’un acte de
brutalité ; il consentira à faire le sacrifice de son choix pour placer dans
l’urne tel bulletin qu’on lui remettra.
Mais, dit le ministre, le vote
est secret, il n’y a pas moyen d’influencer les élections : l’expérience a
démontré qu’il n’y avait aucune espèce d’influence à craindre dans les
élections de la part des fonctionnaires publics. Je ne sais si M. le ministre a
assisté à beaucoup d’élections, pour être convaincu qu’on n’a aucune influence
à craindre.
Pour moi qui ai assisté à
quelques élections, j’ai une opinion contraire, je sais quelle influence on y
exerce ; j’ai vu remettre des bulletins à des électeurs dans le moment où ils
étaient appelés pour voter, et les suivre de l’œil jusqu’à ce qu’ils aient
déposé leur bulletin dans l’urne pour s’assurer qu’ils déposaient bien celui
qu’on leur avait remis. J’ai vu cela non pas une fois, mais deux cents fois
dans les élections. Je voudrais savoir quel est le fonctionnaire dépendant
directement ou indirectement d’un gouverneur ou d’un commissaire de district,
qui oserait se permettre même de ne pas aller aux élections ; car on ne lui
permet pas de s’abstenir, ou de ne pas exécuter les instructions qu’on lui
donne. Le résultat du scrutin peut jusqu’à certain point faire connaître les
votes ; on va à la recherche, et il y a des officieux qui s’empressent de faire
connaître leur vote, et ils ont les moyens de prouver qu’ils ont voté pour le
gouverneur ou le commissaire de district. Alors un soupçon plane sur les autres
fonctionnaires. Ce soupçon est pire que le mal. Le mal serait en effet moins
grand, parce qu’un certain nombre de fonctionnaires seraient seulement sous le
coup de la vengeance du gouverneur, ou du commissaire de district. Mais
l’inquiétude qui pourra planer sur tous les fonctionnaires fera qu’ils iront
voter pour le gouverneur ou le commissaire de district, quand ils voudront se
faire élire.
Messieurs, je pense qu’il
convient, dans l’intérêt des représentés, de la chambre et du gouvernement, de
diminuer autant que possible le nombre des hauts fonctionnaires siégeant dans
la chambre, de rendre leur élection difficile. Qu’arrive-t-il quand les hauts
fonctionnaires sont membres de la chambre ? Un gouverneur qui reçoit un gros
traitement équivalant à 20,000 fr. : oui messieurs, avec le logement, le feu,
et la lumière, le traitement de gouverneur équivaut à 20 mille fr., quoique
vous ayez entendu récemment un gouverneur crier misère et s’apitoyer sur son
propre sort de ce qu’il s’était trouvé dans la nécessité d’accepter les
fonctions de gouverneur en sortant du ministère.
Les
fonctions de gouverneur, avec l’indemnité de représentant valent environ 25
mille fr. Je vous demande quelle influence un gouvernement n’exercera pas pour
se faire nommer membre de la chambre et quelles platitudes il ne se permettra
pas pour conserver son gouvernement, à part l’appoint qui réunit à son
traitement de vingt mille francs !
Vous voulez faire croire après
cela qu’il n’y a aucune espèce d’inconvénient à laisser nommer un gouverneur
dans sa province. Mais ces inconvénients ont été reconnus par un gouvernement
qui n’avait aucune prétention au libéralisme, qui était même accusé
d’illibéralisme, par la restauration enfin, par la branche aînée des Bourbons
qui a été chassée de France pour son illibéralisme ; et vous voudriez, vous
gouvernement des barricades, être moins libéral que le gouvernement de sa
majesté Charles X ou de Louis-Philippe ! Je désespère de nos institutions,
si le ministère persiste à repousser l’amendement de M. Dumortier. Je voterai pour cet amendement. S’il n’est pas
adopté, je voterai contre la loi. J’ai d’ailleurs assez de raisons pour la
repousser.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je demande la parole pour la rectification d’un fait. J’ai dit que la
question d’incompatibilité dont il s’agit avait été agitée au congrès. Voici ce
que je lis dans un rapport de la section centrale du congrès : « Une incompatibilité
relative a été aussi réclamée ; cinq membres de la section centrale ont demande
que les gouverneurs et les commissaires de district ne pussent être élus dans
la province où le commissariat qu’ils administrent. La majorité a rejeté cette
exclusion. »
Je ne dirai plus qu’un mot
relativement aux influences. Je n’ai pas nié qu’on cherchât quelquefois à en
exercer, mais j’ai dit que l’électeur était toujours libre de s’y soustraire, parce
qu’en acceptant le bulletin qu’on lui présente, il pouvait avoir sur lui un
bulletin portant le candidat de son choix et le déposer dans l’urne. Celui qui
cherche à exercer une influence sur les électeurs n’a aucune espèce de
garantie.
M.
de Brouckere. - Je n’ajouterai que peu de mots à ce qu’ont dit les
honorables préopinants, parce que, sur une question de la nature de celle qui
nous est soumise, chacun des membres a son opinion à peu près formée. Je ne me
décide à prendre la parole que parce que le ministre de l’intérieur a cherché à
faire prévaloir une espèce de question de constitutionnalité, une fin de
non-recevoir. S’il faut en croire le ministre de l’intérieur, la question a été
décidée par le congrès ; et il vient de prendre une seconde fois la parole pour
répéter cette assertion. Messieurs, la question a été décidée par la section
centrale du congrès, mais la section centrale du congrès n’était pas plus le
congrès que la section centrale de la chambre des représentants n’est la
chambre des représentants. Je tiens pour certain que la question n’a jamais été
décidée par le congrès. Qu’est-ce que vous a démontré le ministre de
l’intérieur ? Que cinq membres de la section centrale du congrès ont été d’avis
qu’il ne fallait pas statuer dans la constitution que les gouverneurs et les
commissaires de district ne pourraient pas être élus dans la province ou le
district qu’ils administrent. Il y aura encore des membres qui partageront
l’opinion des cinq membres de la section centrale du congrès, mais est-ce à
dire que le congrès a repoussé une proposition dans le sens de celle de M.
Dumortier ? Non, il n’en est pas ainsi ; vous êtes entiers dans vos droits ; la
question se présente neuve à l’assemblée législative.
Quant au fond de la question,
les trois honorables préopinants, MM. Dumortier, Desmanet de Biesme et
Gendebien, ont fait valoir la plupart des arguments qui militent en faveur de
la proposition ; j’en ajouterai cependant un. Lorsque le congrès a statué que
les fonctionnaires pouvaient être appelés à faire partie de l’assemblée
nationale, il n’a pas pu croire que, deux ans après sa dissolution, des
fonctionnaires seraient destitués pour l’indépendance qu’ils auraient apportée
dans l’exécution de leur mandat de député ; et moi, ancien membre du congrès,
j’ose ici faire un appel à tous mes anciens collègues, pour leur demander si
jamais ils ont pu penser que, si peu de temps après la révolution, les
ministres destitueraient des fonctionnaires pour les opinions qu’ils auraient
soutenues dans la chambre. Je ne crains pas d’affirmer que tous mes anciens
collègues répondront négativement.
Maintenant
que vous avez été témoins de plusieurs de ces révocations, je demande si vous
ne devez pas vous attendre à ce que tôt ou tard les fonctionnaires appelés à
siéger dans cette enceinte n’y arrivent pas avec l’indépendance que doit
apporter tout bon mandataire de la nation. N’est-il pas à craindre que tôt on
tard les fonctionnaires qui entreront dans la chambre, je ne parle pas de ceux
qui y siègent en ce moment, ne se voient toujours en face d’une destitution,
s’ils se permettent de combattre le ministère ?
Il vous reste à voir s’il est
dans votre intention que la chambre se peuple de fonctionnaires qui peut-être
n’apporteront pas, dans l’émission de leur vote et la défense de leur opinion,
l’indépendance qui doit être la principale qualité de tout bon député. Je livre
ces observations à vos réflexions. Pour moi, je voterai pour la proposition de M. Dumortier.
(Moniteur belge n°92, du 2 avril 1835) M. Dumortier.
- Je n’ajouterai que deux mots à ce qu’on dit les honorables préopinants pour
appuyer ma proposition. Je dirai que c’est précisément l’article de la
constitution indiqué par le ministre, que le congrès lui-même et la chambre des
représentants ont interprété par les lois relatives a la cour de cassation et à
la cour des comptes.
Le congrès a dit que les
membres de la cour de cassation ne pourraient pas siéger dans les chambres
législatives ; et la seconde législature, qui était encore en grande partie
composée d’anciens membres du congrès, a admis la même disposition a l’égard
des membres de la cour des comptes. Or, remarquez bien que ces deux
dispositions étaient relatives à l’article même de la constitution sur lequel
s’est appuyé le ministre pour combattre ma proposition.
Vous vous opposez à ma
proposition, parce que, dites-vous, la constitution porte qu’aucune autre
condition d’éligibilité que celles qu’elle stipule ne pourra être exigée. Je
ferai observer qu’il ne s’agit pas ici de condition d’éligibilité, mais
d’incompatibilité. Le congrès, ainsi que la législature qui l’a suivi, ont fort
bien distingué les conditions d’éligibilité des incompatibilités.
La condition d’éligibilité est
celle sans laquelle on ne peut pas donner validement un vote à un citoyen ; en
cas d’incompatibilité, au contraire, on peut donner son vote d’une manière
valide à l’individu, seulement après que le vote a été donné, le citoyen qui
l’a reçu doit faire option pour l’une ou l’autre fonction. Ici ce n’est pas
d’une condition d’éligibilité, mais d’une incompatibilité qu’il s’agit. Ainsi,
le congrès, loin de s’être prononcé dans un sens contraire à ma proposition, a
décidé d’une manière conforme, puisqu’il a décidé que les membres de la cour
des comptes et de la cour de cassation ne pourraient être en même temps membres
des chambres législatives. Vous voyez que ceci corrobore l’opinion que j’ai
émise.
L’honorable M. Legrelle qui
était aussi membre du congrès vient de me dire qu’il se rappelait formellement
que le congrès a voulu laisser la question tout à fait entière.
Je
pense que maintenant il n’y a plus d’objection sérieuse à faire à ma
proposition. Remarquez qu’elle n’exclut ni le gouverneur ni le commissaire de
district de la représentation nationale ; que seulement elle ne permet pas que
leur élection ait lieu dans la province on l’arrondissement qu’ils
administrent. Ils pourront être élus dans une autre province si c’est un
gouverneur, et dans un autre arrondissement si c’est un commissaire de
district. De cette manière, ils ne pourront pas user de leur influence pour se
faire élire ; ils ne pourront pas dire à tous les bourgmestres qui sont dans
leur juridiction : Si vous ne votez pas pour moi, je vous révoquerai.
Quant aux honorables membres
qui font partie de cette assemblée, le paragraphe
Je rappellerai qu’en France
cette disposition existe dans la loi électorale, et qu’elle comprend non
seulement les préfets et les sous-préfets, mais les administrateurs militaires.
M.
Lardinois. - Il faut comprendre aussi les colonels de la garde civique.
M.
Dumortier. - Si quelqu’un veut en faire la proposition, je serai le
premier à l’appuyer. Je ne veux pas que les fonctionnaires amovibles, que le
gouvernement tient dans sa main, auxquels il peut dire : Si vous ne votez pas
pour moi, je vous briserai comme verre, viennent fausser la représentation
nationale. Je crois que ceci répond à ce qu’a dit l’honorable M. Lardinois.
Je dis donc que ma proposition
n’est pas nouvelle. Cette disposition se trouve dans les lois de Louis XVIII et
de Charles X ; elle existe en Angleterre et elle existait aussi pour les
états-généraux. Vous savez que les gouverneurs ne pouvaient pas siéger aux
états-généraux.
Cette disposition existe donc
dans tous les pays soumis au régime constitutionnel. Si vous ne voulez pas que
tous les commissaires de district arrivent dans cette enceinte, il est
indispensable d’y mettre obstacle.
J’ai entendu un commissaire de
district dire qu’il n’y avait qu’un seul moyen d’avoir de l’avancement, que
c’était de se faire nommer membre de la chambre. Je cite ces paroles qui ont
été prononcées dans une occasion récente.
Je
vous le demande, les commissaires de district, étant imprégnés de cette idée,
ne feront-ils pas les plus grands efforts pour se faire élire ? Ils
parviendront à éliminer la partie saine de la représentation et à la remplacer.
Que deviendra alors la représentation nationale, avec les doctrines
liberticides que nous avons entendu professer dans cette enceinte, que tout
fonctionnaire qui ne votait pas avec le gouverneraient était passible d’être
destitué ? Ce système, il est vrai, a été proclamé par l’ancien ministère, mais
il n’a pas été désavoué par le nouveau ; et jusqu’à ce qu’il ait été désavoué
formellement, nous devons croire que c’est encore le système du gouvernement.
Voyez si vous voulez que la
représentation nationale soit corrompue. Si nous en arrivions là, on serait
forcé d’avoir recours à des moyens dont la constitution a voulu prévenir
l’emploi.
Le principe de l’élection
directe serait manifestement faussé si vous admettiez que ceux-là qui ont le
droit de nommer et de révoquer puissent se faire élire par ceux qu’ils tiennent
dans la main.
M. Van Hoobrouck. - S’il s’agissait de frapper d’exclusion les
honorables membres qui sont en possession de gouvernements de province ou de
commissariats de district, je m’opposerais à la proposition de M. Dumortier,
parce que je ne pense pas que nous pourrions prendre une pareille disposition.
Car ces honorables fonctionnaires avaient été élus, peu de temps après la
révolution, membres du congrès ou de la première législature pour les services
qu’ils avaient rendus : c’était une marque d’estime que leur donnaient leurs
concitoyens ; et le gouvernement, en les nommant fonctionnaires, n’a fait que
confirmer le premier jugement des électeurs.
Mais l’honorable M. Dumortier
ayant dit que sa proposition n’atteignait pas les commissaires de district
actuellement membres de la chambre, qu’ils conserveraient leur position, en ce
sens qu’ils pourraient être réélus, je voterai pour son adoption.
Je dirai quelques mots pour
répondre à M. le ministre de l’intérieur, en ce qui concerne l’influence que
peuvent exercer les commissaires de district. Il vous a dit que chaque électeur
était libre dans l’émission de son vote, parce qu’il pouvait toujours avoir sur
lui le bulletin sur lequel serait inscrit le candidat auquel il veut accorder
sa confiance, et que, dans le cas où on lui remettrait un bulletin, il pourrait
le prendre et déposer dans l’urne celui qu’il aurait préparé d’avance.
Messieurs,
il faut connaître bien peu ce qui se passe dans les collèges électoraux, pour
ne pas savoir l’influence qu’y exercent les commissaires de district. Nous
avons pu cependant nous en convaincre : pour moi, j’ai eu la preuve de
l’influence exercée dans un district où j’ai ma principale résidence, par un
commissaire de district nommé depuis peu de temps et qui ne pouvait pas encore
s’être concilié l’estime de ses administrés, de manière à mériter l’honneur
d’être porté à la députation. Je dirai plus, c’est que les députés de ce
district avaient toujours jusque là été élus à la presque unanimité.
Ces députés, vous avez pu
apprécier leur mérite ; ils jouissent de l’estime générale, et particulièrement
de la vôtre ; eh bien, le commissaire de district de cet arrondissement, arrivé
depuis quelques semaines seulement, a pu, sur 800 électeurs et autant, en
réunir 400. L’honorable M. Dellafaille a été nommé simplement à la majorité de
quelques voix. Voilà, je crois, un exemple frappant de l’influence que les
commissaires de district exercent par leurs fonctions. Car, comme je l’ai déjà
dit, cet homme placé depuis quelques semaines dans l’arrondissement ne pouvait
pas, par ses services, avoir acquis l’estime de ses administrés, de manière à
mériter d’être porté aux fonctions de représentant. Je pense que cet exemple
suffira pour prouver la nécessité d’insérer dans la loi une disposition qui
empêche que les fonctions de commissaire de district ne servent de marchepied
pour arriver à la représentation nationale, et de là à des emplois supérieurs.
D’après ces motifs, je voterai
pour la proposition de mon honorable collègue et ami M. Dumortier.
M. Fallon. - Sans rien préjuger sur la proposition
de restreindre le droit électoral, tel qu’il a été établi par la constitution, la
distinction que vient de faire l’honorable M. Dumortier entre les conditions
d’éligibilité et les incompatibilités, me semble prouver que son amendement
serait inconstitutionnel, si on l’admettait tel qu’il a été proposé. Voici ce
que dit l’art. 50 :
« Pour être éligible, il faut
:
« 1° Etre Belge de
naissance ou avoir reçu la grande naturalisation ;
« 2° jouir des droits
civils et politiques ;
« 3° Etre âgé de 25 ans
accomplis ;
« 4° Etre domicilié en
Belgique. »
« Aucune autre condition
d’éligibilité ne peut être requise. »
Par conséquent, on est éligible dès lors qu’on
remplit les qualités déterminées par l’art. 50.
Vous
pouvez dire que les fonctions de gouverneur sont incompatibles avec le mandat
de député, quand il a été élu dans sa province ; mais vous ne pouvez empêcher
qu’un gouverneur puisse être élu dans sa province. Vous pouvez établir qu’il
aura à opter entre les fonctions de gouverneur et le mandat de député, mais
voilà tout.
M.
Dumortier. - Je reconnais la justesse de l’observation de l’honorable
préopinant, et je vais changer la rédaction de mon amendement. Il suffira de
dire :
« Tout gouverneur, tout
commissaire de district élu membre de l’une ou de l’autre chambre par un
district qu’il administre, devra opter entre ces fonctions et celles de député
ou de sénateur. Néanmoins les gouverneurs et commissaires de district qui, lors
de la promulgation de la présente loi, seraient élus dans la province ou le
district où ils exercent leurs fonctions, pourront, par continuation, siéger
dans les chambres sans être tenus à cette option. »
M.
Jullien. - Je pense avec l’honorable préopinant que le gouvernement
représentatif ne sera jamais qu’un mensonge et qu’une déception, aussi
longtemps que vous laisserez au pouvoir exécutif la faculté de peupler les
chambres de ses agents et de ses créatures. Qu’est-ce qu’un représentant de la
nation ? C’est incontestablement un homme envoyé par les électeurs pour
surveiller et contrôler les actes du gouvernement. N’est-il pas absurde
d’envoyer des valets pour contrôler les maîtres ? (Murmures.) Faites attention, messieurs, que je ne me sers pas de
ces expressions dans un sens injurieux pour les honorables fonctionnaires qui
siègent dans cette assemblée ; j’ai voulu seulement faire comprendre ma pensée,
et je n’ai entendu faire aucune allusion.
Dans
cette position, l’amendement de l’honorable M. Dumortier n’a rien que de
raisonnable, et je ne vois pas comment on pourrait le repousser. On a d’abord
invoqué l’inconstitutionnalité ; maintenant il n’en existe pas par la manière
dont il est rédigé. Il est toujours dans le domaine de la loi d’établir telle
ou telle incompatibilité. Quand vous direz au gouverneur élu dans sa province,
au commissaire élu dans son district : Vous n’avez qu’à opter entre la
conservation de vos fonctions et le mandat de député, ils sauront tous deux ce
qu’ils auront à faire. J’attends comment on pourra dire que cette rédaction a
quelque chose d’inconstitutionnel.
L’honorable M. Dumortier propose
quelque chose de plus ; il propose que son principe ne s’applique pas du tout
aux fonctionnaires qui siègent déjà dans cette chambre. Je ne comprends pas
cette exception.
Si vous déclarez qu’il y a
incompatibilité pour le nouveau mandataire, vous ne devez pas placer les autres
sur une ligne différente. Ce sentiment a été dicté à l’honorable M. Dumortier
par des motifs d’amitié pour des collègues qui le méritent ; mais je ne vois
pas que cela doive donner lieu à une disposition spéciale. Ces fonctionnaires
seront élus de nouveau s’ils sont jugés dignes de l’être, mais je ne vois pas
qu’on puisse leur accorder une prérogative qui serait refusée aux autres. Si
cette opinion n’est pas celle de l’honorable M. Dumortier, je demanderai la
division, et je n’adopterai que la première partie de son amendement.
M.
Fleussu. - Placé que je suis sous les souvenirs du congrès, je ne puis
donner mon assentiment à l’amendement de l’honorable M. Dumortier. Lorsque la constitution fut soumise à l’examen des
sections, les uns avaient dit qu’il ne fallait pas donner le mandat de député
aux commissaires de district, d’autres avaient soulevé une question
identiquement pareille à celle qui nous occupe en ce moment. Ces deux
propositions ont été longuement examinées par la section centrale, et on a
pensé que ce serait porter atteinte à la liberté des électeurs que de les
empêcher de donner leur vote aux hommes déjà investis de la confiance du
gouvernement. C’est dans ce sens qu’a été conçu l’art. 59 de la constitution ;
mais c’est peut-être aussi tout à dessein qu’on a ajouté qu’aucune autre
condition d’éligibilité ne pourrait être requise. N’est-ce pas ajouter une
condition à l’éligibilité que de dire qu’un gouverneur et un commissaire de
district ne pourront pas être élus dans leur province. Or, la constitution est
expresse. Vous avez entendu le rapport de la section centrale du congrès, il
est également positif ; il dit que cette question avait été soulevée et qu’elle
n’avait pas reçu d’accueil.
Il me semble que s’il avait
été dans l’esprit du congrès d’établir cette question d’éligibilité ou
d’incompatibilité, un membre du congrès au moins se serait levé pour elles ;
rien de tout cela n’a eu lieu, on s’est borné à adopter l’art. 50.
Je vous avoue, messieurs, que
je n’ai pas été peu étonné d’entendre tout à l’heure M. le ministre de
l’intérieur invoquer ce rapport de la section centrale comme étant un motif
d’exclusion. Lorsqu’il s’est agi de donner l’ordre civil, les membres de
l’opposition à laquelle j’appartiens, déclarèrent que c’était
inconstitutionnel. A cette époque M. de Theux, qui était également ministre de
l’intérieur, ne tenait pas aussi grand compte des rapports de la section
centrale ; il semble que, d’après lui, ces rapports changent de valeur selon
ses opinions.
Moi
qui me fais un devoir d’être conséquent avec moi-même, j’ai rassemblé mes
souvenirs, et m’étant rappelé que, lors de la proposition de la section
centrale, aucun membre du congrès ne s’y était opposé, j’ai pensé que nous ne
pouvions revenir sur ce qui a été fait, quoique indirectement, par le congrès.
L’incompatibilité doit être dans les choses et non dans les mots. On ne crée
pas des incompatibilités ; il faut qu’elles existent. Vous vous souvenez,
messieurs, de ce qui eut lieu quand on a décidé l’incompatibilité des membres
de la cour de cassation avec les fonctions de député. On a dit que
l’incompatibilité existait dans la chose elle-même, parce que c’est à la cour
de cassation à mettre les ministres en accusation, et qu’ils ne pouvaient être
députés et juges à la fois. Relativement à la cour des comptes, le motif
d’incompatibilité était encore dans les choses. La cour doit nous rendre compte
de ses opérations, et l’on ne peut être à la fois rendant compte et ayant
compte. Si j’étais libre de mon choix, j’adopterais l’amendement de l’honorable
M. Dumortier : d’abord parce que je reconnais l’influence du gouvernement sur
le gouverneurs et les commissaires de districts, et en second lieu parce que je
ne m’attendais pas qu’un gouvernement aussi jeune pût faire des actes aussi
audacieux que ceux auxquels il s’est livré.
M.
de Brouckere. - L’honorable préopinant nous a prouvé que les rapports
de la section centrale sont, dans les mains de MM. les ministres, des armes à
deux tranchants. Lorsque ces messieurs voulaient faire voter par la chambre un
ordre civil, on leur opposa le rapport de la section centrale du congrès. Que
répondirent les ministres ? C’est là l’opinion de la section centrale, ce n’est
pas celle du congrès.
Aujourd’hui c’est l’inverse,
et on vous soutient que l’opinion de la section centrale, c’est celle du
congrès ; et voilà comme ces messieurs argumentent selon la commodité de la
question qu’ils défendent. S’il faut en croire l’honorable M. Fleussu, en
admettant la proposition de l’honorable M. Dumortier vous ferez une
inconstitutionnalité, parce que vous établissez des conditions d’éligibilité
qui ne se trouvent pas dans la constitution, et qui même sont prohibées par
elle. Je ferai observer à l’honorable membre que, tel que l’amendement est
rédigé maintenant, on n’établit pas de conditions d’éligibilité ; car, tel
qu’il est aujourd’hui, cet amendement autorise les électeurs à choisir le
gouverneur de leur province, le commissaire de leur district ; seulement le
gouverneur ou le commissaire devront opter entre ces fonctions et le mandat de
député ou de sénateur.
C’est donc une
incompatibilité, et non une condition d’éligibilité. Or, messieurs, pour les
incompatibilités, vous n’en êtes pas à votre début, vous
en avez établi plusieurs ; celles de la cour des comptes, de la cour de
cassation dont il a été parlé tout à l’heure. S’il n’y avait pas
inconstitutionnalité alors, il n’y en a pas aujourd’hui ; et des motifs, sinon
identiques, au moins aussi forts, combattent en faveur de l’amendement de
l’honorable M. Dumortier. De
manière que pour les incompatibilités dont je viens de parler, si vous
n’adoptez pas cet amendement, il est incontestable que d’ici à quelque temps la
plupart des gouverneurs et des commissaires de district seront membres des deux
chambres ; et cela est si vrai, que je pose en fait qu’aujourd’hui, quand on
sollicite les fonctions de gouverneur ou de commissaire de district, on calcule
les avantages de ces places avec ceux qu’on retirera en étant membre des
chambres ; on se dit ; Je me ferai élire député, et, aux appointements de
gouverneur, de commissaire de district, j’ajouterai les 200 florins accordés à
chaque représentant.
Voilà le calcul que l’on fait.
Et si je voulais citer des noms propres, cela me serait fort aisé. Je pourrais
affirmer à la chambre que ces fonctions ont etc sollicitées par plusieurs
personnes dans le but de se faire nommer membres de cette assemblée ; les
solliciteurs ne s’en cachent pas. Je tâcherai après cela, disent-ils, et rien
n’est plus facile, de me faire nommer membre de la chambre des députés ;
j’aurai de bons appointements, une forte indemnité, et de plus je passerai
agréablement l’hiver dans la capitale. (On
rit.)
M.
Jullien. - Je vous avoue qu’en recherchant bien s’il y avait
inconstitutionnalité dans la première rédaction de l’amendement de l’honorable
M. Dumortier, je n’en ai pas plus trouvé que dans la seconde. Quand on lit bien
attentivement l’art. 50, que l’on fait valoir dans les deux cas, je ne sais pas
de quelle partie de cet article on peut tirer la conséquence
d’inconstitutionnalité. Que dit-il ? (L’orateur
donne lecture de l’art. 50.) Eh bien ! où est la condition
d’éligibilité que requiert le premier amendement de l’honorable M. Dumortier ?
Les fonctionnaires publics pourront être élus partout en remplissant les
conditions de l’article 50, mais seulement ils ne pourront pas l’être dans la
province ou le district qu’ils habitent.
Il n’y a là aucune condition
d’éligibilité ; il y a seulement la circonstance que celui qui administre un
gouvernement ou un district ne sera pas élu à cause de l’influence qu’il exerce
dans ce gouvernement ou ce district. Mais, quant à la capacité pour être élu,
rien n’est changé. Quant a la deuxième rédaction de M. Dumortier, je ne sais
pas ce qu’on pourrait opposer aux observations de l’honorable M. de Brouckere. Il n’y a là dedans
aucune espèce de condition d’éligibilité, il y a seulement nécessité, et comme
on vous l’a fait observer, vous avez déjà établi des incompatibilités pour la
cour de cassation et la cour des comptes ; vous pouvez adopter celle-ci sans
crainte de violer davantage la constitution.
Ainsi, soit que l’on reprenne
le premier amendement soit que l’on s’attache au deuxième, de mon côté je ne
vois aucune espèce d’inconvénient à l’un ni à l’autre. Je vois un motif
d’intérêt public à adopter soit le premier, soit le deuxième amendement.
M. le
président. - La division ayant été demandée sur l’amendement de M.
Dumortier, je vais mettre aux voix le paragraphe premier de cet amendement. Il
est ainsi conçu :
« Tout gouverneur, tout
commissaire de district élu membre de l’une ou de l’autre chambre, devra opter entre
ces fonctions et celle de député on de sénateur. »
Plusieurs membres. - L’appel nominal.
- Le premier paragraphe de
l’amendement de M. Dumortier est mis aux voix par appel nominal ; voici le
résultat du vote :
72 membres sont présents.
6 s’abstiennent.
66 prennent part au vote.
27 votent pour l’adoption.
39 votent contre.
La chambre n’adopte pas.
Ont voté pour l’adoption : MM.
Bosquet, Corbisier, Dautrebande, de Brouckere, A. Dellafaille, de Meer de
Moorsel, de Renesse, Dechamps, Doignon, Dumont, Dumortier, Frison, Gendebien,
Jadot, Jullien, Polfvliet, Rouppe, Thienpont, Trentesaux, Troye, Vanden Wiele,
Vanderheyden, Van Hoobrouck, L. Vuylsteke, Watlet, Zoude.
Ont voté contre : MM. Bekaert,
Brabant, Cols, Cornet de Grez, Davignon, de Behr, de Man d’Attenrode, W. de Mérode, de
Muelenaere, de Nef, de Sécus,
de Stembier, de Terbecq, de Theux, Devaux, Dewitte, d’Huart, Duvivier, Eloy de
Burdinne, Ernst, Fallon, Fleussu, Hye-Hoys, Lardinois, Milcamps, Morel-Danheel,
Olislagers, Raikem, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Schaetzen, Simons, Smits,
Ullens, Vandenhove, Van der Belen, Verdussen, Verrue-Lafrancq, Wallaert.
Se sont abstenus : MM. H.
Dellafaille, de Puydt, Desmet, Helias d’Huddeghem, Legrelle, Nothomb.
M. le
président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités à vouloir
bien, conformément au règlement, faire connaître les motifs de leur abstention.
M.
H. Dellafaille. - L’honorable M. van Hoobrouck de Fiennes vous a fait
connaître que, dans une élection précédente, j’avais eu pour concurrent
précisément le commissaire de mon district.
Ce fait connu, j’ai craint que
mon vote, qui eût été affirmatif, ne parût à quelques personnes dicté par des
vues d’intérêt personnel, Dans cette position j’ai cru devoir m’abstenir de
voter.
M.
de Puydt. - N’ayant assisté qu’à une partie de la discussion, je
n’aurais pas pu voter en connaissance de cause. C’est pour cela que je me suis
abstenu.
M.
Desmet. - D’une part reconnaissant l’utilité de la proposition, de
l’autre ayant des doutes sur sa constitutionnalité, j’ai cru devoir m’abstenir.
M. Helias d’Huddeghem. - Reconnaissant aussi l’utilité de la
proposition, j’ai été arrêté par la question de constitutionnalité.
M.
Legrelle. - J’avoue franchement que je n’ai pas été assez éclairé par
la discussion pour émettre un vote affirmatif ou négatif sur l’amendement. D’un
côté, la mesure proposée me paraissait utile, quoique incomplète ; de l’autre,
la question de constitutionnalité m’embarrassait.
M. Nothomb. - Fonctionnaire public moi-même, j’ai cru, par
délicatesse, devoir m’abstenir de voter sur une proposition qui tendait à
écarter d’autres fonctionnaires publics.
M. le
président. - Le second paragraphe de l’amendement de M. Dumortier tombe
par suite du rejet du premier paragraphe. En conséquence. il n’y a plus rien à
mettre aux voix. S’il n’y a pas d’opposition, le vote définitif du projet de
loi relatif au renouvellement des chambres aura lieu après-demain. (Adhésion.)
Discussion générale
M. le
président. - La discussion est ouverte sur l’ensemble du projet de la
section centrale auquel le gouvernement se rallie.
M. Hye-Hoys. - Messieurs, ne trouvant pas dans le tarif,
parmi les articles tissus, la dénomination de foulards, il me semble qu’il
n’est pas juste de dire tissus de foulards écrus ; le mot foulard, d’après le
dictionnaire de Boiste, dit que le foulard est une étoffe de soie peinte des
Indes. Dans le commerce, le mot foulard ne s’applique réellement qu’à des
mouchoirs de soie imprimés. Il s’en suit que l’étoffe de soie écrue, qu doit
recevoir l’impression qui la convertit en foulards, ne constitue nullement ce
qu’on entend par foulard ; elle n’est, jusqu’à ce qu’elle ait reçu l’impression,
que la matière qui sert à former les mouchoirs dits foulards, qui ne peuvent
être formés que d’une étoffe de soie. Il devient en quelque sorte superflu d’y
ajouter le mot soie ; ce ne serait là qu’une répétition de mots qui ont le même
sens.
Mais, si
la dénomination de tissus de foulards écrus n’est pas vicieuse sous ce rapport,
ce qui précède démontre qu’elle l’est évidemment pour désigner l’étoffe de soie
écrue qui doit servir à former des mouchoirs dits foulards, par le motif
péremptoire que c’est l’impression qui peut seule transformer cette étoffe en
foulards, laquelle reste jusque là une simple étoffe de soie écrue qui ne
constitue et ne peut constituer les foulards. Dire dès lors tissus de foulards
écrus, c’est comme si on disait mouchoirs de soie écrue imprimés ; ce qui
renferme une contradiction patente, en ce que la soie imprimée n’est plus de la
soie écrue,et que la soie écrue cesse de l’être lorsqu’elle est imprimée.
Il me semble donc qu’il
faudrait mieux dire : « Le droit d’entrée sur les tissus de soie écrue pour
foulard est réduit à 5 fr. par kilogramme. »
Cette dénomination serait
rationnellement caractéristique, et écarterait la contradiction que présente
celle de tissus de foulards écrus.
M. le
ministre des finances (M. d'Huart). - Je crois qu’il ne peut y avoir
aucune espèce de doute sur ce que l’on doit entendre par « tissus de
foulards de soie écrue, non teints ni imprimés. » Tout le monde comprendra
qu’il s’agit là de l’étoffe dont on fait les foulards. Je ne crois donc pas que
l’objection de l’honorable préopinant soit bien importante. Quand bien même le
dictionnaire auquel il a eu recours ne serait pas d’accord avec le projet de
loi, il n’en est pas moins certain qu’à la douane et dans le commerce, on
entendra toujours par les termes du projet de loi les tissus dont on fait les
foulards.
Il est à remarquer que la
commission d’industrie a admis les expressions du projet, sans y faire aucune
objection,
Je ne m’oppose pas à la
modification demandée ; mais je la considère comme inutile.
- La discussion générale est
close.
M. le
président. - L’art. 1er est ainsi conçu :
« Art. 1er. Par
modification au tarif des douanes (article tissus), le droit d’entrée sur les
tissus de foulards de soie écrue, non teints ni imprimés, est réduit à cinq
francs par kilogramme.
« Le droit de sortie sur
les foulards teints ou imprimés est réduit à dix centimes par
kilogramme. »
M. Hye-Hoys propose sur cet
article un amendement qui consiste à dire « les tissus de soie écrue pour
foulards » au lieu de « les tissus de foulards de soie écrue non teints ni
imprimés. »
M. A. Rodenbach. - Il me semble que quand on
dit « écru, » cela indique bien que c’est un tissu qui n’est ni imprimé ni
teint ni blanchi. Ces mots constituent donc un pléonasme.
M. Duvivier. - Je pense avec M. le ministre des
finances que la rédaction du projet de loi ne présente aucun inconvénient.
Cependant je crois avoir compris l’honorable auteur de l’amendement en ce sens
que, tant que l’étoffe est écrue, il ne voudrait pas qu’elle portât le nom de
foulards, attendu qu’elle n’est alors que matière première. Je crois que la
rédaction qu’il propose serait plus exacte, bien que la rédaction du projet ne
pût donner lieu à aucune espèce de difficulté dans l’application des droits.
M. le
ministre des finances (M. d'Huart). - Je ne m’oppose pas à la
transposition des mots que propose l’honorable M. Hye-Hoys, puisqu’elle a pour
objet de lever toute espèce de doute.
Je suis convaincu que dans le
commerce et à la douane on entendra toujours par les expressions de la loi les
tissus pour foulards. Néanmoins cette dernière expression est peut-être plus
claire ; je ne m’oppose donc pas à l’amendement.
M. Lardinois. - Je pense qu’il y a un pléonasme
dans l’article et qu’il suffit de dire tissus de foulards de soie écrue ; car
s’ils sont écrus, il est certain qu’ils ne sont ni teints ni imprimés.
Je
m’oppose à l’amendement de M. Hye-Hoys, parce qu’il serait un moyen de
favoriser la fraude. En effet il est reçu dans le commerce que la soie écrue
destinée à faire des foulards porte le nom de foulards écrus. Si maintenant
vous adoptez la rédaction proposée par M. Hye-Hoys, il en résultera que, pour
toute soie écrue que l’on déclarera être destinée à faire des foulards il y
aura la réduction du droit d’entrée, que l’on ne veut appliquer qu’aux tissus
de foulards. L’amendement de M. Hye-Hoys serait donc un moyen de favoriser la
fraude.
M. le
président. - M. Lardinois propose, par amendement, de supprimer dans
l’art premier les mots : non teints ni imprimés.
M.
Davignon. - Je pense qu’il faudrait supprimer les mots « de soie »
et ceux : « non teints ni imprimés, » et dire simplement : « les
tissus de foulards écrus. »
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - La proposition
de l’honorable M. Davignon est la reproduction de l’article tel qu’il avait été
présenté par le gouvernement, sauf la proposition de supprimer les mots
« non teints ni imprimés. » A la section centrale on a pensé qu’il
était préférable, pour qu’il n’y eût aucune espèce de doute, d’ajouter la
nature des tissus, parce que dans le commerce, on appelle foulards certains
tissus de coton, et que l’on pourrait confondre les foulards de coton avec les
foulards de soie. C’est par ce motif que les mots « de soie » furent ajoutés.
Le gouvernements a adhéré à cette addition.
Quant aux mots « non teints ni imprimés, » je
ferai observer qu’ils se trouvent dans le tarif ; ou a voulu se conformer à la
locution du tarif.
Un honorable membre, M.
Verdussen, me fait remarquer qu’il y a des foulards écrus imprimés ; ainsi vous
voyez qu’il est nécessaire de maintenir les mots « non teints ni
imprimés. »
M.
Davignon. - L’intention de la commission d’industrie et de la section
centrale a été de n’admettre de modifications aux droits de douanes que pour
les foulards écrus. Or, à mon avis, c’est par suite du dégommage qu’un foulard
cesse d’être écru ; or, le dégommage étant la première opération sur le foulard
écru, il n’est pas exact de dire qu’il y ait des foulards écrus teints ou
imprimés.
M.
Duvivier. - Je pense avec M. Davignon que les mots « foulards
écrus » excluent toute espèce de préparation comme teinture, impression,
etc.
M. Verdussen.
- Comme j’ai été interpellé par M. le ministre des finances, je dois déclarer
que j’ai vu des foulards imprimés. Ce n’est que par le débouillissage que les
foulards cessent d’être écrus. Or, il n’est pas nécessaire que les foulards
soient dégommés pour être imprimés ; cela n’est nécessaire que pour la
teinture.
M.
Duvivier. - Je n’ai point d’observations à faire sur ce que l’honorable
membre dit avoir vu ; mais du moment où les foulards sont imprimés, on ne les
qualifie plus de tissus de soie écrue.
M.
A. Rodenbach. - On dit, dans la loi « tissus de soie écrue, non teints
et non imprimés ; » je crois qu’il faudrait encore dire et non blanchis.
Je sais qu’il existe des foulards blancs ; il en est de très blancs même. J’en
possède.
M. le
président. - Je vais mettre aux voix l’amendement.
Je dois vous faire observer
qu’il ne s’agit pas ici d’un amendement, mais d’un simple changement de
rédaction. On ne propose pas de modifier un principe de la loi.
- La rédaction proposée par M.
Hye-Hoys mise aux voix est adoptée.
L’article ainsi rédigé est
adopté.
Article
2
« Art. 2. Les tissus de soie
venant directement du Bengale ou autres endroits des Grandes-Indes par navires
nationaux, seront seuls admis au droit de six pour cent de la valeur. »
- Cet article est adopté sans
discussion.
Vote sur l’ensemble du projet
La loi, dans son ensemble, est
soumise à l’appel nominal ; elle est adoptée à l’unanimité des 57 membres présents.
- La séance est levée à quatre
heures et demie.