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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 30 mars 1835

(Moniteur belge n°90, du 31 mars 1835)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse procède à l’appel nominal à une heure et demie.

M. Dechamps donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Verdussen fait connaître l’analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.

« Le sieur A. de Cocquiet à Anvers demande à être indemnisé des pertes qu’il a essuyées par le bombardement. »

« La veuve J. Decraeker, née Vanderveke, réclame le paiement de l’indemnité qui lui revient par les pertes qu’elle a essuyées par le bombardement. »

« Le sieur Pollet Dupère, raffineur de sel, adresse des observations sur le projet de loi relatif aux sels. »

« Le tribunal de Mons demande à être porté à la première classe des tribunaux de première instance, et que son personnel soit augmenté. »

- Ces pétitions sont renvoyées à la commission chargée d’en faire le rapport.


M. le ministre des finances adresse à la chambre des explications sur la pétition de la dame Grégoire, veuve Lantain, tendant à obtenir une pension à la charge de la caisse de retraite.

Projet de loi concernant le renouvellement de la moitié des membres des chambres législatives

Discussion générale

M. le président. - M. le ministre se rallie-t-il au projet de la section centrale ?

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Non, M. le président,

M. Jullien. - Messieurs, pour celui qui n’apercevrait dans le renouvellement partiel de la chambre qu’une opération arithmétique qui consisterait à diviser un nombre par moitié, il est certain que la question qui vous est soumise est tout à fait simple et qu’elle ne peut soulevée la moindre difficulté. Mais, messieurs, il n’en est pas ainsi pour ceux qui veulent bien chercher quelle a été l’intention et même la volonté du législateur, et surtout pour ceux qui ont quelque connaissance des théories des gouvernements représentatifs. Pour ceux-là, messieurs, la question est importante, parce qu’elle peut influer, d’une manière très préjudiciable, sur les intérêts du pays.

Messieurs, pour pouvoir d’autant mieux vous expliquer ma pensée, je demanderai la permission de vous soumettre quelques considérations générales.

Deux des grandes bases du gouvernement anglais sont le renouvellement intégral, et en second lieu, les élections séparées par des intervalles qui doivent toujours être de plus d’un an. Dans ce pays, on a compris que toutes les fois qu’il fallait faire appel à l’opinion publique, cet appel ne pouvait jamais être trop complet. L’assemblée constituante avait adopté le même principe que l’Angleterre. Elle avait décrété que chaque législature serait renouvelée intégralement. Mais cette assemblée n’écoutant que son désintéressement fit l’énorme faute de se déclarer elle-même inéligible. De là, messieurs, une espèce de bouleversement dans l’Etat. Ce furent tous hommes nouveaux qui apparurent dans le sein de la législature, des hommes inconnus et impatients de se faire connaître, impatients de se faire une réputation, une fortune de popularité.

Ces désordres firent juger d’une manière très défavorable le principe du renouvellement intégral, tandis que tout le mal provenait de la déclaration d’inéligibilité.

C’est après une expérience aussi incomplète qui ne permettait pas de juger tout ce qu’il y avait d’avantageux dans le renouvellement intégral que la convention a adopté en 1795 le renouvellement partiel par tiers. Que s’en est-il suivi ? C’est que, lorsque le premier tiers arriva dans la convention, il fut opprimé par les deux tiers qui étaient restés. L’année suivante un second tiers survint qui s’unit au tiers arrivé l’année précédente. Le tiers le plus ancien sentit que sa défaite était prochaine, il eut recours à la violence et à l’illégalité.

Vous avez vu depuis ce qu’a produit le renouvellement par cinquième en France sous la restauration. Il a produit les trois cents de M. de Villèle, et en définitive la septennalité. Voilà, messieurs les grands inconvénients du renouvellement fractionnaire.

C’est dans cette position que le congrès a adopté le principe du renouvellement partiel, moitié par moitié, tons les deux ans. Ainsi il est évident que le congrès a cherché à éviter les inconvénients que des préjugés signalaient contre le renouvellement intégral, et en même temps ceux qui étaient résultés de renouvellements fractionnaires tels que ceux par tiers et par cinquième ; il a voulu que la moitié des membres des chambres fut renouvelée tous les deux ans, il a craint les chambres d’une trop longue durée.

Il n’est plus question, messieurs, de revenir sur la préférence qu’on devrait accorder au renouvellement intégral sur le renouvellement partiel, la question est réglée par la constitution. Mais qu’a voulu le congrès ? Tout ce que voulaient les sectateurs du renouvellement partiel, c’est-à-dire qu’il a voulu modifier graduellement et sans secousse la majorité de la chambre. Le congrès a voulu faire un appel à tout le pays, mais seulement remuer la matière électorale pour recomposer la moitié de la chambre. Voilà évidemment ce que le congrès a voulu. Si vous en voulez avoir la preuve, vous la trouverez dans la combinaison des articles 32 et 51 de la constitution. Vous la trouverez formulée d’une manière plus positive encore dans les articles 53 et 54 de la loi électorale.

D’après l’article 32 de la constitution, les députés ne représentent pas une province ou un district, mais toute la nation.

Déjà cet article vous éloigne de l’idée de faire un renouvellement de la chambre par série de provinces, puisqu’il est vrai de dire que d’après l’article 32 de la constitution, le député représente, non pas sa province ou son district, mais toute la nation ; et, d’après l’article 51 de la constitution, ce ne sont pas des séries de provinces, mais les membres des chambres qu’il faut renouveler par moitié tous les deux ans.

Voici ce que porte cet article 51 :

« Les membres de la chambre des représentants sont élus pour quatre ans. Ils sont renouvelés par moitié tous les deux ans, d’après l’ordre des séries déterminé par la loi électorale.

« En cas de dissolution, la chambre est renouvelée intégralement. »

Ainsi, vous voyez que ce sont les membres de la chambre et non la députation de telle province ou de telle autre qu’on doit renouveler. Recourez à la loi électorale, voyez les articles 53 et 54 de cette loi.

L’article 53 porte : « La sortie ordinaire des députés à la chambre des représentants et au sénat a lieu le deuxième mardi du mois de novembre. »

« Art. 54. La chambre des représentants et le sénat sont renouvelés par série de députés dans l’ordre qui sera déterminé par une loi spéciale.

« La sortie de la moitié des membres de la chambre des représentants aura lieu en 1833. »

Il me semble que si on consulte l’esprit de la constitution et le texte de la loi électorale, il est impossible de se refuser à admettre cet ordre d’idées, que dans tous les gouvernements représentatifs le renouvellement des chambres, soit intégral, soit fractionnaire, et surtout le renouvellement par moitié, n’a d’autre but que de faire un appel à la nation, aux électeurs, pour les consulter sur les vœux et les besoins du pays.

Si vous consultez la lettre de la loi électorale, vous trouvez que le renouvellement doit être fait par série de députés et non par série de provinces, ni même par série de districts. Le texte de cette loi est donc conforme à son esprit. Eh bien, la loi à laquelle on vous propose de donner votre sanction est virtuellement contraire à ces principes élémentaires pour toute autre que MM. les ministres.

En effet, si, comme je viens de le dire tout à l’heure, le renouvellement partiel, ainsi que le congrès l’a déterminé, a pour but principal de modifier graduellement et sans secousse la majorité de la chambre, comment voulez-vous que ce but que l’on se propose soit atteint par la combinaison ministérielle ? Comment la majorité serait-elle modifiée graduellement et sans secousse ? Evidemment, si le renouvellement a lieu par série de députés et même par série de districts, les députés nouveaux que chaque localité choisit, viennent se fondre avec la moitié de la députation qui reste.

En supposant que l’opinion du pays soit tout à fait changée, que ces députés nouveaux apportent d’autres opinions que celles de leurs collègues, voilà au moins des hommes qui appartiennent aux mêmes localités, qui se connaissent, qui se parlent, se font des concessions mutuelles et peuvent modifier graduellement la majorité sans commotion, sans secousse.

Ce sont ces commotions et ces secousses que la loi a voulu éviter. Vous aurez un résultat tout contraire si vous voulez importer dans la législature une nouvelle moitié de députés étrangers les uns aux autres, appartenant à des provinces séparées et ne représentant pas l’opinion publique du pays, mais seulement de la moitié du pays.

Ces députés représenteront bien l’opinion publique de leurs provinces, mais ils ne pourront pas représenter les autres grandes divisions du pays, dont la députation tout entière sera restée, puisque personne ne viendra exprimer l’opinion de ces provinces.

Voilà les inconvénients du renouvellement par série de provinces, inconvénients auxquels il est impossible de répondre.

La moitié des membres nouvellement élus sera hostile à la moitié restant et jettera dans le sein de la législature des ferments de désordre et de dissolution, parce qu’il est impossible qu’il en soit autrement.

En effet, supposez que dans cette chambre domine un parti tout à fait antipathique à la nation, qui gouverne d’une manière contraire aux vœux et à l’opinion du pays : si par le moyen du renouvellement opéré suivant l’esprit, je dis même le texte de la constitution, et de la loi électorale, vous y faites infiltrer en nouveaux membres la moitié des députés de chaque district ou de chaque province, vous modifierez sans secousse l’opinion de ceux qui seront restés, parce qu’ils chercheront à s’entendre avec les nouveaux députés, et qu’ils tâcheront au moyen de concessions mutuelles à éviter au pays des désordres qui résulteraient d’une lutte opiniâtre et violente que se livreraient deux partis en présence.

Les luttes et les désordres qu’elles entraînent ne seront pas à craindre si on adopte le système consacré par la constitution ; tandis que s’il entrait dans la chambre une moitié de membres opposés à la moitié des membres restés et appartenant à des provinces différentes, il ne se ferait pas de fusion et l’une des deux chercherait à opprimer l’autre. C’est là le résultat de toutes les luttes que nous avons vues dans les gouvernements représentatifs où le système de renouvellement fractionnaire était admis. Ce n’est pas sans doute ce résultat que vous voulez chercher, lorsque la constitution et la loi électorale vous indiquent les moyens de l’éviter.

Messieurs, il ne faut pas se le dissimuler, la chambre actuelle, nous en faisons tous partie, cette chambre est usée ; on ne peut pas assez renouveler les éléments de sa constitution. Elle est véritablement impuissante pour faire le bien du pays.

La raison est qu’elle a vécu trop longtemps. Cette chambre, malgré la dissolution qui, d’après les manœuvres électorales, a ramené presque tous les mêmes hommes qui étaient sortis, a quatre ans d’existence. Et elle a subi le sort des assemblées qui vivent trop longtemps. Toutes les fois qu’une assemblée vit trop longtemps, c’est au détriment du bien public. Les membres, par leur long séjour dans la capitale, à force de s’être trouvés en contact avec les ministres, s’imprègnent des doctrines ministérielles, et tel qui à son arrivée à la chambre avait tenu un langage ferme et indépendant, devient servile et complaisant. Le pays manifeste sa défiance vis-à-vis de ces députés.

Une fois que la représentation nationale n’a plus la confiance du pays, faites-y attention, je le répète, lorsque le pays n’a plus de confiance dans ses mandataires, il est bien près de faire ses affaires lui-même. Ce sont de ces vérités qui sont élémentaires en fait de gouvernement représentatif. Vous pourriez en trouver plusieurs exemples dans ce qui s’est passé depuis quarante ans.

Tout ce qu’on peut faire quand la constitution ne permet pas le renouvellement intégral, c’est de faire appel à tout le pays. D’après la constitution, tout le pays est appelé à faire connaître les vœux et les besoins de la nation. Je défie qu’on conteste cette vérité. Quand des principes sont aussi clairs, aussi bien fondés en droit, et que les ministres s’en écartent, on peut leur supposer une arrière-pensée, sans leur faire la moindre injure. Comme je suis habitué à dire ma pensée tout entière je vais la dire.

Je suppose que par ce système de renouvellement par province, système par lequel on fait un appel à la moitié du pays sans interroger l’autre, les ministres veulent conserver une moitié compacte des membres qui sont plus ou moins habitués à voter avec eux, plus ou moins habitués aux manœuvres ministérielles, une moitié qui, par suite du long contact qui a eu lieu entre elle et les ministres, est naturellement plus disposée à répondre à leurs intentions qu’une moitié qui serait mélangée de députés nouveaux, parce que les députés nouveaux représentant la moitié de la députation d’un district ou d’une province, apportant la pensée des électeurs qui viendraient de les nommer, modifieraient l’esprit de la députation de leur district ou de leur province. Voilà une des arrière-pensées qu’on peut supposer aux ministres, le tout, sans vouloir leur faire la moindre injure.

Une autre raison que je leur suppose, c’est que si par hasard il leur prenait fantaisie de remuer la matière électorale et de vouloir exercer une influence sur les élections, vous le concevez, la moitié de la besogne serait faite. Quand on n’aurait opérer que sur la moitié du pays, il serait plus facile de faire agir dans l’intérêt du ministère les agents du gouvernement que s’il fallait étendre la surveillance sur tous les districts à la fois. On peut donc encore supposer que ce soit là une des idées du gouvernement, sans, je le répète, faire la moindre injure aux ministres.

Je désire qu’ils prouvent le contraire.

Une des grandes raisons que j’ai trouvées dans le rapport de la section centrale, contre l’idée de faire interroger tout le pays, à l’occasion du renouvellement, c’est qu’il faut laisser un temps de repos aux électeurs, qu’il ne faut pas les tourmenter, parce qu’ils ne sont déjà que trop découragés et qu’ils ne viendraient pas aux élections. Je crois que ce qu’on veut faire amènera un résultat contraire à celui qu’on se propose. Quand les électeurs verront qu’on ne fait appel qu’à la moitié du pays par tactique, pour rendre inutile tout ce qu’ils pourraient faire pour éclairer la moitié qui reste sur les besoins et les vœux du pays, il y aura encore parmi les électeurs beaucoup plus de refroidissement qu’on n’en remarque aujourd’hui.

Ils se diront qu’il est fort inutile, quand on voit mépriser aussi facilement l’esprit de la constitution, d’aller courir aux élections, passer son temps, sacrifier ses affaires, puisqu’il ne peut en résulter aucun bien pour le pays. Si au contraire toutes les provinces, tous les districts étaient interrogés, soyez persuadés qu’à moins que le pays soit tout à fait indigne d’un gouvernement représentatif, les électeurs se rendront aux élections. Il n’est pas possible de penser qu’un appel fait aux électeurs dans les circonstances où le pays se trouve, ne soit pas entendu : soyez-en sûrs, les électeurs répondront à cet appel, ils sentiront que l'intérêt du pays exige qu’il soit représenté d’une manière conforme à ses vœux et à ses besoins, parce que le pays sent que cette chambre est véritablement usée et qu’il faut, autant que faire se peut, en renouveler les éléments.

D’après la combinaison ministérielle, on n’atteindrait pas le but qu’on se propose. On veut qu’un district, qu’une province soit appelée tous les 4 ans à élire ses mandataires. C’est là le but avoué du projet du gouvernement. Mais il me semble que le sort qui doit décider de la sortie des séries, peut bien déranger le calcul ministériel. On doit renouveler la moitié du sénat et la moitié de la chambre.

Je fais une supposition, et sur cette supposition on peut parler un contre un ; je suppose que le sort décide que les représentants de la province de la Flandre occidentale doivent sortir, et qu’au sénat le sort n’indique pas que les sénateurs de cette province sortiront ; voilà les électeurs de la Flandre occidentale appelés seulement à renouveler leurs députés. De cette manière tous les deux ans les électeurs de cette province seront arrachés à leurs occupations, et vous tombez dans l’inconvénient que vous voulez éviter et que vous dites que vous éviterez.

Il me paraît donc que les moyens employés pour faire triompher un principe que je considère comme inconstitutionnel ne sont pas fondés, car ils peuvent disparaître devant le résultat du sort.

Il y a encore, dit-on, une grande difficulté à ce qu’on fasse sortir la moitié de la chambre par série de députés, suivant le vœu formel de l’article 54 de la loi électorale ; des districts n’ont qu’un député, d’autres en ont deux ; il est très difficile d’obtenir un résultat uniforme. J’aurai l’honneur de faire observer que déjà deux ans avant la dissolution, quand il s’est agi du renouvellement partiel qu’on veut faire aujourd’hui, il a été fait au ministère de l’intérieur un projet qui rendait cela la chose du monde la plus facile.

Ce projet existe dans les cartons du ministère. M. le ministre l’aura sans doute oublié, ou il aura trouvé qu’il présente des difficultés que d’abord on n’avait pas prévues. Ce projet est si simple, qu’un enfant pourrait l’expliquer.

Le voici : la chambre se compose de 102 membres ; on mettait dans une urne 102 numéros, on en faisait tirer un par chaque député, et une fois ces numéros tirés, on en faisait l’application aux districts des députés qui les avaient pris, et on disait que les 51 numéros plus bas sortaient, et que les 51 plus élevés restaient.

Vous aviez ici le renouvellement par série de députés, sans la moindre difficulté. Cela était si bien établi, que ceux qui l’avaient proposé au ministre avaient obtenu son approbation. Pourquoi trouve-t-il maintenant de si graves inconvénients à ce système, alors qu’il n’en a aperçu aucun lorsqu’on le lui a présenté ? C’est que les opinions du ministre sont changées, ou plutôt qu’il ne pourrait pas obtenir de ce projet les résultats qu’il attend de celui qui vous est soumis.

Je vous le demande, messieurs, irez-vous céder à de pareilles considérations pour déroger à la loi électorale et à la constitution ?

De tous les individus qui ont la moindre connaissance élémentaire de la théorie des gouvernements représentatifs, il n’en est aucun qui ne sache que le renouvellement fractionnaire est un mauvais système ; les plus grands publicistes de France et d’Angleterre le regardent comme un système timide, incapable de produire les avantages qu’on en attend. Si on l’a adopté au congrès, c’est qu’en France l’assemblée constituante avait fait un essai malheureux du renouvellement intégral ; mais cet essai, comme je l’ai déjà dit, avait été incomplet en ce que l’assemblée constituante s’était déclarée elle-même inéligible.

Voilà ce qui a fait penser que le renouvellement intégral était plus nuisible que le renouvellement par moitié ; mais le congrès, en décidant que le renouvellement aurait lieu par moitié, a voulu qu’on fît appel à toute l’opinion du pays, qu’on interrogeât les vœux et les besoins de tout le pays, et non pas qu’on consultât seulement la moitié du pays.

D’après ces considérations, je voterai contre le projet du gouvernement, et si des membres ne proposent pas d’autres amendements, il en a été proposé un par la première section qui a demandé que le renouvellement eût lieu par série de districts, je proposerai de le faire par série de députés ; ce système est plus constitutionnel, c’est selon mol celui qu’on doit admettre. S’il n’obtenait pas l’approbation de la chambre, je voterais pour l’amendement de la première section ; mais si cet amendement était aussi repoussé je voterais contre le projet du gouvernement qui ne me paraît pas soutenable.

M. Liedts. - Messieurs, comme auteur du système de renouvellement qui a triomphé à la seconde section, je prie la chambre de m’accorder quelques moments d’attention pour le développer. Le gouvernement représentatif, c’est le gouvernement du pays par le pays, et comme les chambres législatives sont les pivots sur lesquels s’appuie toute la machine gouvernementale, et que leur influence se fait sentir dans les conseils de la couronne, comme dans les bureaux du plus mince commis de l’administration, il en résulte que si les chambres n’étaient pas constamment l’image fidèle de l’opinion publique, le gouvernement représentatif serait faussé dans son essence.

De là, messieurs, deux autres conséquences également importantes : la première, que les pouvoirs du corps représentatif ne doivent pas être de trop longue durée, et que les élus doivent, après une certaine période, venir s’épurer en quelque sorte aux élections ; la deuxième, qu’il est essentiel que les élections ne représentent pas le vœu d’une minorité, mais de la majorité des électeurs, et par conséquent qu’il ne faut négliger aucun moyen d’assurer la présence du plus grand nombre d’électeurs possible.

Le premier point a été réglé par la constitution, et c’est à la loi organique que nous discutons en ce moment à s’occuper du second. Je m’explique :

La constitution déclare que les pouvoirs des membres de cette chambre expirent au bout de quatre années ; mais comme elle veut aussi que les membres de la chambre se renouvellent par moitié, il en résulte que tous les deux ans le pays doit être consulté sur la moitié des représentants du pays.

Je dis le pays et je le dis à dessein ; car les élections par moitié n’ayant d’autre but, comme je l’ai déjà fait apercevoir, que de consulter l’opinion publique du pays, afin de l’harmoniser en tout temps avec l’opinion des chambres, c’est autant que possible au pays entier qu’il faut s’adresser pour connaître cette opinion publique.

Voyons maintenant quel est le mode de renouvellement qui parvient le mieux à atteindre ce grand but : celui de mettre l’opinion des chambres en harmonie avec l’opinion du pays.

Aucun système n’est absolument parfait ; il s’agit de chercher celui qui présente le plus d’avantages.

Il y a quatre systèmes : le premier consiste à mettre dans une urne tous les noms des membres, en convenant que les 51 membres dont les noms sortiront les premiers seront soumis à une réélection. Il est inutile, je pense, de s’appesantir sur cette première combinaison qui serait souvent impraticable et qui dans tous les cas offrirait les résultats les plus bizarres. Il pourrait arriver que certains districts eussent à élire tous leurs députés, d’autres une partie de leurs députés, que d’autres enfin n’en eussent pas du tout. Le sort pourrait désigner les députés appartenant aux districts qui alternent, de telle manière que le district dont le tour d’élire serait arrivé, devrait cependant attendre encore 2 ans.

Le deuxième système consisterait à classer en deux séries la moitié autant que possible de chaque district, en faisant ensuite tirer au sort tous les membres de la chambre pour savoir à laquelle des deux moitiés chaque membre appartient.

Ce mode offre sans contredit un grand avantage, et je dois le dire, consulté il y a deux ans officieusement par M. le ministre de l’intérieur, mon avis avait été pour l’adoption de ce projet. Il a été formulé, et je l’ai même en copie sous les yeux ; ce qui m’avait surtout engagé à me prononcer pour ce système, c’est qu’il s’adresse plus parfaitement que tout autre à la généralité des électeurs. Mais depuis lors, en y réfléchissant, et éclairé surtout par l’expérience de plusieurs élections partielles qui ont eu lieu, j’ai été frappé de l’absence des électeurs, lorsqu’il n’y avait qu’un député à élire.

La désertion a été à tel point qu’on a vu un sénateur élire par 36 électeurs. Avouons donc qu’à côté de l’avantage que j’ai signalé se trouve un inconvénient plus grand encore, celui de ne pas offrir un assez grand intérêt pour se réunir. Ceux qui craignent, comme moi, une trop grande influence du ministère dans les élections, doivent surtout combattre ce système.

En résumé, ce système présente deux graves inconvénients : 1° celui d’éluder le vœu de la loi qui est de consulter le vœu de la majorité ; 2° celui de donner une trop grande influence au gouvernement.

Il reste maintenant à opter entre le renouvellement par district et celui par province. Ces deux systèmes ont d’abord ce même avantage qu’ils ne réunissent pas les électeurs pour des élections partielles.

Voici maintenant l’avantage de l’élection par district sur le projet du gouvernement :

1° En faisant l’élection par série de districts, on consulte tous les deux ans chaque province, sans fatiguer ni réunir plus souvent les électeurs que d’après le projet ministériel. Or, en deux ans, l’esprit public d’une province peut changer.

2° On rend l’influence du gouvernement plus difficile.

3° Ce système offre l’avantage de ne pas augmenter l’esprit de province qui n’existe que trop parmi nous, comme nous l’avons vu dans quelques-unes des lois qui se sont présentées à notre vote.

Si vous adoptez le système du gouvernement, celui des élections par province et non par district, il y aura des élections flamandes, brabançonnes, anversoises, wallonnes, tandis que dans l’esprit de la constitution, le pays seul doit être consulté.

On dit que, dans le système des élections par district, il y aura des inégalités choquantes. Mais les inégalités sont plus grandes encore dans le projet du gouvernement. Dans tous les cas, le tableau que j’ai présenté et qui est joint au rapport de la section centrale pourrait recevoir quelques améliorations.

Rien n’empêche, par exemple, que la sortie des représentants n’ait pas lieu en même temps que celle des membres du sénat, puisqu’il suffirait d’une dissolution pour intervertir entièrement l’ordre établi par la loi.

Je crois donc, en résultat, que le système de renouvellement par district est celui qui présente le plus d’avantages et le moins d’inconvénients. Ce système est celui pour lequel je voterai.

M. H. Dellafaille, rapporteur. - Messieurs, il faut d’abord apprécier exactement ce que la constitution nous impose.

L’article 51 dit : « Les membres de la chambre des représentants sont élus pour quatre ans. Ils sont renouvelés par moitié tous les deux ans, d’après l’ordre des séries déterminé par la loi électorale. En cas de dissolution, la chambre est renouvelée intégralement. » De ces termes il semble résulter seulement que la volonté du congrès a été que la moitié de la chambre fût renouvelée tous les deux ans. Que ce renouvellement ait lieu par série de provinces, par série de districts, ou par série de députés, il n’en est pas moins satisfait à l’obligation imposée par cet article 51.

Les arguments que l’on a tirés de la loi électorale ne me paraissent pas pouvoir trouver ici d’application. En supposant que l’article cité doive être entendu dans le sens qui lui est donné, ce qu’on pourrait contester, la législature n’est pas tenue de se conformer à cette loi, elle peut au besoin y déroger par une loi nouvelle. Pour régler la sortie de la moitié de la chambre tous les deux ans, vous ne devez donc consulter que ce qui vous semblera le plus utile.

Un honorable préopinant a objecté que les députés nommés d’après le système proposé par le gouvernement ne représenteraient que l’opinion de leurs provinces.

De quelque manière que le renouvellement ait lieu, un député ne pourra représenter que l’opinion de ceux qui l’ont nommé, que l’opinion des électeurs de son district. Mais ce sont toutes ces opinions de localités réunies qui forment l’opinion générale.

Je ne répondrai pas à ce qu’on a dit que la chambre est usée, ni à tous les compliments injurieux adressés à la majorité de cette assemblée. C’est aux électeurs seuls qu’il appartient de faire une réponse convenable.

Je ferai observer à l’honorable orateur qui s’est prononcé pour le renouvellement intégral que le système du gouvernement tend à s’en rapprocher autant que possible ; les électeurs seront chaque fois appelés à renouveler entièrement leur députation. Le système de cet orateur au contraire présente tous les inconvénients qu’il reproche avec raison aux renouvellements partiels.

On a objecté que le système du gouvernement tendrait à accroître son influence sur les élections. Je crois que ce sera tout le contraire. Plus les convocations des collèges électoraux seront rares, plus elles paraîtront importantes, et plus les électeurs seront portés à s’y rendre. C’est précisément alors que l’action du gouvernement est moins sensible. Fixer des élections tous les deux ans, c’est précisément lui donner dans un terme assez rapproché l’occasion d’exercer de nouveau son influence, s’il a échoué une première fois.

Nous avons vu, il y a deux ans, l’avantage que le gouvernement a trouvé à diviser les élections. Il ne fixa les élections dans certains districts que 8 jours après celles des autres districts ; et nous avons vu que ce fut dans les dernières élections qu’il obtint le plus d’avantages.

En cas de dissolution de l’une des deux chambres, le sort peut déranger tous les calculs ; et d’après le système des honorables préopinants, il pourrait arriver qu’il y eût périodiquement des élections deux ou trois ans de suite, tandis que dans le système du projet du gouvernement, il n’y aurait des élections que tous les deux ans, peut-être même seulement tous les trois ans.

Je ne dirai rien du système que l’honorable M. Liedts avait soutenu en premier lieu ; il a reconnu que ce système était impraticable, ainsi que le deuxième qui consiste à fractionner les députations de chaque district.

Du moment qu’on n’adopte point le mode indiqué par M. Jullien, mode que des difficultés majeures doivent nous faire repousser, je crois qu’il faut s’en tenir au système propose par le gouvernement. Les inconvénients que l’on a signalés au système du gouvernement et de la section centrale, se trouvent également dans le système présenté par M. Liedts.

Le projet du gouvernement a, sur celui de mon honorable collègue, l’avantage inappréciable de rendre les élections plus générales, de leur donner un tout autre intérêt et d’exciter à un plus haut degré la sollicitude des électeurs.

Je crois qu’il faut que les élections soient le résultat de la volonté de tous les électeurs, et éviter que des députes soient élus seulement par une fraction des électeurs du district, comme nous l’avons vu dans certaines localités ou seulement le quart ou le cinquième des électeurs se sont réunis pour les élections. Dans un cas pareil on ne peut dire que les députés représentent l’opinion de la majorité. Et quel que soit son mérité, un pareil état de choses est un grave inconvénient.

Nous avons considéré, en outre, que le tableau présenté par M. Liedts et qui est joint au rapport de la section centrale, donnait lieu à des inégalités choquantes.

Ainsi, dans la Flandre occidentale, où les districts sont également partagés, vous trouvez cependant dix députés dans une série, et cinq seulement dans une autre.

Dans la Flandre orientale, la proportion est mieux observée quant aux députés, mais non quant aux districts ; quatre appartiennent à une série, deux à la seconde.

La province de Liége a six députés dans la première série, trois dans la seconde, Il en est de même de la province de Limbourg.

La province de Luxembourg a un seul district et un seul député dans une série, sept districts et sept députés dans la seconde.

Je crois que ce qu’il y a de mieux à faire, c’est de s’en tenir au projet du gouvernement, qui se rapproche le plus du système du renouvellement intégral, et qui donne aux élections un plus haut degré d’importance. Je maintiens donc, à cet égard, les conclusions de la section centrale.

M. Jullien. - L’opinion publique, vient de dire l’honorable préopinant, est celle qui exprime les vœux de tous et ceux de chaque localité ; c’est précisément ce que j’avais dit. Pour obtenir l’expression de l’opinion publique, il faut donc interroger toutes les localités ; or le projet propose d’interroger seulement la moitié du royaume. Il me semble que l’honorable orateur n’est pas conséquent avec lui-même. S’il admet que l’opinion publique est l’expression de chaque localité, il doit conclure de là qu’une loi qui n’interroge que la moitié des localités ne permet pas d’obtenir l’expression de l’opinion publique.

L’honorable préopinant dit que le système du projet se rapproche le plus de la perfection ou du système du renouvellement intégral, puisqu’il ordonne le renouvellement intégral par provinces. Si le préopinant m’avait bien compris, il aurait entendu qu’en donnant la préférence au renouvellement intégral sur le renouvellement partiel, je voulais avec tous les publicistes que le renouvellement intégral qui est préférable à leurs yeux fût non seulement appliqué à tout le pays, mais encore qu’il fournît l’expression complète des vœux et des besoins de tout le pays ; tandis que le prétendu renouvellement intégral dont il parle ne s’applique qu’à la moitié du royaume.

Le seul mal que l’honorable M. Lieds trouve au système du renouvellement par série de députés tel que je l’ai indiqué, c’est que les électeurs pourront être réunis pour l’élection d’un seul député, et qu’alors ils se réuniront en nombre moins grand que s’il s’agissait de l’élection de tous leurs députés.

Je conviens que s’il s’agit de l’élection d’un seul député, les amis de ce député seront peut-être les seuls qui se rendront aux élections, tandis que s’il y a deux ou trois députés à élire, les amis de ces trois députés, tous ceux qui voudront donner leur voix à l’un d’eux, se rendront aux élections.

Il est donc vrai de dire que, dans ce cas, il est possible qu’il y ait plus d’électeurs qui se réunissent, qu’il n’y en aurait pour la nomination d’un seul député. Mais parce qu’on craint l’inexactitude des électeurs, est-ce une raison pour sortir du système constitutionnel et du gouvernement représentatif ? Si les électeurs de la Belgique ne peuvent pas se réunir tous les deux ans pour nommer un ou plusieurs députés, il faut désespérer du gouvernement représentatif. Comme l’a dit Montesquieu : « Quand le citoyen dit : Que m’importe ! l’Etat est perdu. »

Il faut au contraire stimuler le zèle des électeurs pour qu’ils se rendent aux élections. Je crois cependant que dans les circonstances où nous nous trouvons il n’y aura pas besoin de stimuler leur zèle, je ne crois pas qu’il y ait un seul citoyen qui ne sente la nécessité de se rendre aux élections pour faire connaître autant que cela est possible l’opinion, les vœux et les besoins du pays.

Ce seul inconvénient que l’on a signalé doit disparaître devant la constitution et l’esprit qui l’a dictée.

Veuillez y faire attention ; nous sommes appelés à régler nous-mêmes nos funérailles parlementaires. (On rit.) C’est une grande raison, suivant moi, pour ne pas nous laisser atteindre par un esprit de coterie, d’intérêt de localité, par un esprit de conservation.

Faites attention aussi que cette loi n’est pas faite seulement pour vous-mêmes. qu’elle est faite aussi pour les législatures à venir. Or, pour toutes les législatures à venir, si vous amenez par le renouvellement une moitié tout à fait étrangère et hostile à l’autre, vous jetez dans ces assemblées des éléments de discorde et de dissensions infinies. C’est ce qui s’est toujours vu ; c’est ce qui se verra encore.

En définitive, le système que je défends ne présente pas d’autre inconvénient que de réunir les électeurs deux fois par année ; je ne serai pas arrêté par cet inconvénient ; je voterai pour ce moyen de renouvellement. S’il n’est pas adopté, je voterai pour le système du renouvellement par district.

M. Devaux. - Je ne crois pas que le système du renouvellement par province soit plus favorable au pouvoir que tout autre système. Au fond la question me paraît assez importante, considérée sous le rapport du renouvellement de la chambre actuelle, puisque, en définitive, ce sera le sort qui prononcera. Mais la loi que nous discutons doit régir l’avenir ; sous ce rapport, j’ai une observation à faire.

Quant à moi je préfère le renouvellement par district. La question est de savoir s’il vaut mieux que les élections aient lieu dans la totalité de 4 ou de 5 provinces sur 9, ou qu’elles aient lieu dans la moitié de chaque province.

A mon avis il vaut mieux que les élections aient lieu dans la moitié de chaque province. En voici la raison : L’opinion dans une province se tient en quelque sorte ; l’opinion d’une province a une couleur générale. Dès lors il me semble utile que le pays consulte tous les 2 ans chaque province et constate quel changement s’est opéré dans l’opinion de chaque province. C’est pour cette raison que, sans attacher d’autre importance à la loi je préfère l’élection par district.

Quant au tableau, présenté par l’honorable M. Liedts, je crois qu’il devrait être modifié attendu qu’il en résulte des inégalités choquantes. Je pensais d’abord qu’un tel tableau était un travail très difficile ; mais ayant essayé d’en faire un pour des élections par moitié de province, j’ai reconnu que c’était chose très facile, même pour le Limbourg et le Luxembourg. Je ne fatiguerai pas la chambre des détails de ce tableau ; je lui en ferai seulement connaître le résultat :

Par province (nombre de représentants à élire, respectivement, lors du premier et lors du second renouvellement de la chambre) :

Anvers : 4, 5

Brabant : 6, 8

Flandre occidentale : 7, 8

Flandre orientale : 9, 9

Hainaut : 8, 7

Liège. : 4, 5

Limbourg : 5, 4

Luxembourg : 4, 4

Namur : 3, 2

Nombre des représentants à élire : 50, 52

Je me prononce donc pour le système des élections par district, sauf les améliorations à introduire dans le tableau joint au projet de la section centrale.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

M. le président. - Art. 1er. du projet du gouvernement.

« Chaque chambre sera renouvelée par série de provinces ; l’une des séries comprendra les provinces d’Anvers, Brabant, Flandre occidentale, Luxembourg et Namur ;

« L’autre série comprendra les provinces de Flandre orientale, Hainaut, Liège et Limbourg. »

M. Liedts a proposé un amendement.

M. Liedts. - L’amendement tel que je l’ai développé se trouve en tête du projet.

« Les chambres législatives seront renouvelées par séries de districts électoraux, conformément au tableau annexé à la présente loi..

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, j’ai expliqué à la chambre quels motifs avaient déterminé le gouvernement à présenter la division par série de provinces. Nous avons dit que ce système était le plus simple dans son exécution, et qu’il avait l’avantage d’exciter au plus haut degré l’action électorale au renouvellement des chambres. Il fait le mieux connaître le vœu général des électeurs. Sous ce rapport, il est du plus grand intérêt.

En même temps il atteint un autre but qui est dans l’esprit de la constitution, de ne pas renouveler aussi souvent la lutte électorale dans chaque province. En admettant ce système, vous atteignez le but que se propose l’honorable M. Jullien, qui s’est montré partisan du renouvellement intégral.

Quant au système de renouvellement par série de districts, il présente de grandes difficultés dans son application.

On a dit qu’il serait avantageux à chaque province de pouvoir émettre en particulier son opinion. A chaque renouvellement l’expérience nous a prouvé qu’aucun intérêt provincial, ni de district, quoique imprévu lors les élections, n’est resté sans défenseur dans cette chambre. Il suffit d’appartenir à une province ou un district pour en connaître les intérêts et les signaler à la chambre, dès lors ils sont suffisamment garantis. Sous le rapport de l’influence qui pourrait être exercée sur les élections, je ferai remarquer qu’il n’y a aucune différence entre l’un et l’autre système.

M. H. Dellafaille, rapporteur. - Je crois impossible de modifier le tableau, puisqu’il y a certaines localités que l’on ne pourra combiner selon ce tableau ; Bruxelles et Nivelles, par exemple, sont de la même série. Il en est de même d’une des séries de la Flandre occidentale, Furnes et Dixmude, voilà quatre districts qui ne peuvent se séparer. Dans le Limbourg, Maestricht et Hasselt doivent appartenir à la même série ; dans le Luxembourg, il est impossible de séparer les districts qui s’y trouvent.

M. Devaux. - Ce qui paraît impossible à l’honorable M. Dellafaille m’a semblé de la plus grande facilité ; il ne m’a fallu qu’une demi-heure de temps pour combiner ce tableau que je vais soumettre au bureau.


- L’amendement de M. Jullien est mis aux voix et rejeté.


- L’amendement de M. Liedts est mis aux voix. On procède par appel nominal.

58 membres répondent à l’appel.

25 votent l’adoption.

35 votent contre.

En conséquence l’amendement est rejeté.

Ont répondu oui : MM. Bosquet, Brixhe, Corbisier, Cornet de Grez, Dautrebande, Davignon, de Brouckere, de Foere, Devaux, Doignon, Fallon, Fleussu, Frison, Gendebien, Jadot, Jullien, Liedts, Rouppe, Trentesaux, Troye, Vandenhove, Vanden Wiele, Vandenheyden, Verdussen, Watlet.

Ont répondu non : MM. Bekaert. Coghen. Cols, de Behr. A. Dellafaille. H. Dellafaille, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Muelenaere, de Nef, Desmaisières, Desmet, de Stembier, de Terbecq, de Theux, d’Hane, d’Huart, Eloy de Burdinne, Ernst, Hye-Hoys, Milcamps. Nothomb, Olislagers, Polfvliet, Raikem, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Schaetzen, Simons, Smits, Thienpont, Vanderbelen, Wallaert.

M. le président donne une seconde lecture de l’article premier du projet du gouvernement. Cet article est mis aux voix et adopté.

Article 2

L’article 2 ainsi conçu est mis aux voix :

« Les séries seront tirées au sort dans les 15 jours qui suivront la promulgation de la présente loi.

« Il sera fait un tirage séparé dans chacune des chambres. La série tirée la première de l’urne, dans l’une des chambre, déterminera, pour celle-ci, les membres appartenant au premier renouvellement ; la série tirée la première de l’urne, dans l’autre chambre, fixera également la première sortie de ses membres.

« Les autres provinces appartiendront au renouvellement de l’autre moitié de chacune des chambres. »

- Cet article est adopté.

Article 3

« Art. 3. L’ordre déterminé par le tirage prescrit par l’article précédent, sera successivement suivi pour les renouvellements ultérieurs.

« En cas de dissolution des chambres ou de l’une d’elles, un nouveau tirage au sort aura lieu pour la chambre renouvelée conformément aux dispositions de la présente loi. »

M. Jullien. - Je ne comprends pas bien cette disposition. Quand il y a dissolution de la chambre, un tirage vient-il après ?

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Deux ans après.

M. Jullien. - Ah ! deux ans après ; bien, il faut le dire alors.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Vous voyez que dans l’article 3, il n’y a pas une grande différence entre le projet du gouvernement et celui de la section centrale. D’après le projet du gouvernement, l’ordre de renouvellement une fois déterminé par la loi, continue à être suivi pour tous les renouvellements ultérieurs.

D’après la section centrale, lorsqu’il y aura dissolution de l’une ou l’autre chambre, il y aura lieu à un nouveau tirage au sort. Je crois le projet du gouvernement meilleur ; si l’on admet celui de la section centrale, il pourra arriver que la même série de province sera appelée deux fois aux élections, tandis que l’autre ne le sera pas.

Je suppose que la province d’Anvers soit appelée cette année à élire, et qu’il y ait dissolution l’an prochain ; d’après le projet du gouvernement deux ans après ; ce serait la province de Brabant qui serait appelée à l’élection ; tandis que si vous admettez le système de la section centrale, il pourrait arriver que la province d’Anvers fût appelée de nouveau à sortir.

Sur deux chances, il en est une qui peut amener ce résultat. Dès lors, il est plus sage d’adopter le système du gouvernement qui prévient cette conséquence : L’on dit qu’à la suite d’une dissolution toutes les provinces seront placées sur la même ligne, et que c’est le sort qui viendra déranger cette position : mais que le sort la dérange avant ou après, c’est la même chose.

Par ce motif, j’ai cru devoir persister dans le projet primitif du gouvernement, c’est une question d’ordre, d’intérêt provincial et général, puisqu’il est naturel que chaque province soit appelée à son tour à l’élection.

M. H. Dellafaille, rapporteur. - M. le ministre de l’intérieur a dit que par la mesure proposée par la section centrale, il pourrait se faire qu’une province, après avoir élu deux fois, devrait élire une troisième, deux ans après ; la section centrale ne pas dissimulé cet inconvénient. Dès lors nous n’avons pas voulu déterminer que certains collèges électoraux nommeraient pour deux ans, tandis que d’autres nommeraient pour quatre. Nous avons jugé plus sage de nous en remettre de nouveau au sort.

- L’article 3 de la section centrale est mis aux voix et rejeté.

L’article 3 du projet du gouvernement est adopté.

Article 4

« Art. 4. Un tirage au sort déterminera le membre de l’assemblée qui sera appelé à tirer de l’urne la série sortante. »

- Adopté.

Article 5

M. le président. - On va passer à l’article 5 :

« Les députés nouvellement élus entreront en fonctions à la première réunion ordinaire ou extraordinaire des chambres. »

M. Fleussu. - Je n’avais pas pris la parole dans cette discussion, parce que mon système, conforme à celui de mon honorable collègue M. Jullien, n’avait pas trouvé d’écho dans cette chambre. J’étais tenté de garder le silence, mais je vois que la chambre va voter une disposition en opposition avec la loi électorale.

La loi que nous votons est un appendice de la loi électorale car c’est cette loi qui devait stipuler l’ordre des sorties ; mais le congrès pressé de rendre cette loi, a laissé le soin de régler ultérieurement cette formalité.

D’après la loi électorale les élections se font au mois de juin, mais les élus n’entrent pas immédiatement en fonctions ; ce sont les anciens membres qui restent jusqu’en novembre. Je suppose la session close, alors vous devez restreindre ou étendre leurs mandats. Si vous adoptez l’article 5 qui allait passer sans opposition, si vous les faites sortir en novembre 1836, vous restreignez le mandat de 6 mois. Si vous les faites sortir en novembre 1837, vous l’étendez de 6 mois. Et la loi est expresse, et vous ne devez élire que pour quatre ans.

Il y a donc nécessité de mettre cette disposition en harmonie avec l’article 53 de la loi électorale, à moins que vous ne vouliez déclarer que cet article 53 est rapporté, ce qui serait plus convenable ; car un point sur lequel on n’a encore rien dit, c’est de savoir quand notre mandat cessera.

Il y a eu dissolution ; nous sommes venus siéger immédiatement après cette dissolution ; nous avons voté trois budgets ; irons-nous jusqu’en novembre 1835 ? Je crois que notre mandat expire au mois de juin de cette année, parce qu’immédiatement après notre élection, nous sommes entrés en fonctions. La dissolution a bouleversé toute l’économie de la législation électorale, et il y a nécessité de mettre la loi nouvelle en relation avec la loi sur les élections. Si vous consentez à rapporter l’article 53 de la loi électorale, toutes les difficultés seront levées, mais il faut le dire d’une manière précise.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je pense que le rapport de l’article 53 de la loi électorale se trouve suffisamment motivé par la disposition qui vous est présentée, puisqu’il est dit que les nouveaux députés entrent en fonctions à la première session. Il résulte évidemment de là que cet article 53 est modifié.

Depuis que la loi électorale a été faite, chacun a été frappé de cet inconvénient, qu’un député dont le mandat ne se trouverait pas renouvelé, continuerait à siéger, quoiqu’il eût un remplaçant désigné par les électeurs : c’est pour prévenir cet inconvénient que j’ai cru devoir présenter une disposition expresse.

L’honorable préopinant croit que le mandat des députés actuels ne peut se prolonger plus loin que le mois de juin, car c’est au mois de juin que les élections ont été faites ; mais c’est là une question inutile à agiter parce que nous n’avons pas besoin de la résoudre. Sous ce rapport je ne vois aucune difficulté qui s’oppose à ce que la chambre adopte la proposition que j’ai eu l’honneur de lui faire.

M. Gendebien. - Ainsi que l’honorable M. Fleussu, j’avais pris la résolution de ne point parler sur cette loi, parce qu’on n’avait point adopté le système de M. Jullien, ou celui de M. Liedts, qui me paraissent conformes à l’esprit de la constitution. Cependant, force m’est de prendre la parole sur l’article 5, puisque l’on veut, par son moyen, porter un changement à la loi électorale, ou à une disposition de cette loi qu’il me paraît essentiel de conserver.

Il faut bien fixer un terme où doit finir le mandat du député. La constitution veut que ce mandat dure quatre années ; l’article 53 de la loi électorale dit que les fonctions de représentant de la nation cessent le deuxième mardi du mois de novembre ; et vous voulez changer cette limite précise posée par le congrès, parce qu’une dissolution malencontreuse est venue à travers le temps que les membres avaient encore à siéger dans cette chambre.

Cette dissolution a été faite si précipitamment que l’on a interverti l’ordre des séries, et même l’ordre des sessions ; car l’élection générale a été faite de telle manière que la chambre, nouvellement élue, a siégé pendant les derniers mois de 1833, comme commençant et faisant la session de 1833, tandis que le sénat, qui n’a pas été dissous, a siégé comme continuant la session de 1832. C’est là une première anomalie choquante.

La dissolution générale ayant eu lieu, nous sommes entrés en fonctions immédiatement après les réélections ; d’après l’article 53 il fallait que des membres achevassent le terme pour lequel avaient été nommés ceux qu’ils remplaçaient, c’est-à-dire, siégeassent jusqu’en novembre 1833, et que l’autre moitié de l’assemblée siégeât pendant deux ans ; on n’a rien fait de tout cela ; s’en suit-il qu’il faille changer l’article 53 ? Non !

Supposons que, après le renouvellement par moitié que l’on veut opérer, on réunisse les membres au mois de janvier ou de décembre ; si vous faites commencer le temps du moment de l’élection générale, vous intervertirez à chaque dissolution les époques d’entrée et de sortie ; vous n’aurez plus de point de départ.

On prétend qu’il vaut mieux faire entrer les nouveaux élus à l’époque de la première session ordinaire ou extraordinaire, parce que l’on sent l’inconvénient de faire siéger des membres qui ne seraient pas réélus ; mais votre article ne pare pas à l’inconvénient puisqu’on ne dit pas quand nous sortirons.

M. A. Rodenbach. - Il n’y a rien de clair dans la loi.

M. Gendebien. - La moitié des membres sortants continuera cependant de siéger jusqu’à ce qu’il plaise au gouvernement de clore la session.

Convient-il de changer la loi électorale, ou convient-il de la laisser telle qu’elle est ? Je pense qu’il faut mettre ce qui a été fait d’accord avec la loi électorale. D’après cette loi, les élections se font en juin, l’entrée en fonctions se fait en novembre. Ce ne sera que par exception que les sessions se prolongeront au-delà du mois de juin. si vous agissez autrement, qu’arrivera-t-il ? Une dissolution peut avoir lieu tout aussi bien au mois de janvier la veille des élections, comme cela s’est fait en 1833 ; de juin à janvier, il y a six mois de distance entre le terme où finit le mandat et celui où se fait l’élection, ainsi les nouveaux élus siégeront ou six mois de plus qu’il ne faut, ou six mois de moins. Ainsi vous ne devez pas seulement changer l’article 53 ; mais vous devez changer encore l’époque fixée pour les élections. Vous voyez bien qu’il faut s’entendre sur cet article en discussion.

Il faut considérer les conséquences de ce que l’on fait. Je puis me tromper. Toutefois il faut fixer le point de départ de l’entrée et de la sortie. Un membre décède, celui qui le remplace ne siège dans la chambre que pour le temps qu’avait encore à y siéger celui qui est décédé : pourquoi n’agiriez-vous pas de même en cas de dissolution ? La chambre réélue ne siégerait que pour le temps qu’avait encore à faire la chambre dissoute. De cette manière vous n’intervertiriez pas l’ordre réglé par la loi. Réfléchissez. Je ne tiens pas énormément à cette loi que je considère comme mauvaise, et je ne vous présenterai aucun amendement.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’honorable préopinant croit que la disposition de l’article 5 aurait pour objet d’intervertir l’ordre des époques électorales ; en aucune manière. C’est toujours au mois de juin qu’auront lieu les élections conformément à la loi électorale.

L’article 5 a simplement pour objet de faire entrer en fonctions les députés nouvellement élus à l’époque de l’ouverture de la session qui suit le mois de juin. Il faut que la session soit close au moment du renouvellement des élections ; on ne peut continuer une session avec la moitié des membres de la chambre. La session actuelle cessera le deuxième mardi du mois de juin ; les élections renouvelleront la moitié des membres ; et cette nouvelle moitié entrera en fonctions à l’ouverture de la prochaine session. Je le répète, nous ne voulons pas changer l’époque des élections ; elles restent fixées au mois de juin. Tout est combiné pour que les listes électorales soient achevées à cette époque. Il n’y a qu’une disposition de changée ; c’est celle qui laisserait le député dans une fausse position, qui lui ferait prendre part à une session tandis qu’il aurait un successeur.

M. Devaux. - Il me semble qu’il y a ici deux questions à considérer. Sur la première, je suis de l’avis de M. le ministre de l’intérieur, et je crois que nous devons modifier l’article 53 de la loi électorale. C’est par distraction que s’est glissée dans cette loi la disposition par laquelle un député continuerait de siéger, quoiqu’il eût un remplaçant ; ceci ne peut avoir lieu ; il faut changer cet état de choses. Un député qui se trouverait dans une semblable situation enverrait sa démission ; alors qui le remplacerait ? Son successeur ne pourrait siéger. Peut-être faudrait-il faire une élection spéciale pour lui donner un remplaçant pendant deux mois seulement que son mandat aurait encore à courir. Sur ce point-là je suis parfaitement d’accord avec le gouvernement ; et je crois qu’il faut adopter l’article 5.

Mais l’on a soulevé une autre question tout à fait indépendante de celle-ci, c’est la détermination, en cas de dissolution, du terme du mandat du député. Je m’explique. Je suppose que la chambre soit dissoute ce mois-ci, et que l’on procède aux élections ; je demande quel est le terme du mandat des nouveaux élus. Sortiront-ils l’année prochaine, ou sortiront-ils dans deux ans ? La constitution dit que les députes siégent pendant quatre ans ; mais ici, vous les réunissez avant le mois de juin, ils siégeront donc plus de quatre ans. Je voudrais que l’on mît, dans la loi, quel est le terme du mandat quand l’élection à lieu à une autre époque que celle du renouvellement ordinaire : il faut savoir si les nouveaux élus sortiront dans deux ans et quelques mois, ou dans un an et quelques mois.

Cette question est tout à fait imprévue pour moi ; et je viens de la saisir dans les discours des honorables membres qui ont, parlé avant moi. Peut-être trouveront-ils un moyen de la lever. Je leur laisse le soin de rédiger un amendement sur ce point.

M. Gendebien. - Je crois n’avoir pas été compris par le ministre de l’intérieur.

La constitution veut, d’une part, que le mandat soit de quatre années ; d’autre part elle exige que les chambres se réunissent, de plein droit, le deuxième mardi de novembre. Les élections se font au mois de juin. De ces rapprochements que résulte-t-il ? C’est que les députés élus au mois de juin commencent leur mandat au deuxième mardi de novembre. Comment les choses se passaient-elles sous le gouvernement des Pays-Bas ? Les élections se faisaient en juin et les députés n’arrivait qu’au deuxième mardi d’octobre. Le député remplacé continuait son mandat et son traitement jusqu’à ce deuxième mardi d’octobre.

Qu’est-ce que le congrès a voulu ? Il a voulu continuer ce qui se faisait auparavant, car on n’avait signalé aucun inconvénient à cet ordre de choses. Vous voulez maintenant changer ce système, mais je ne suis pas convaincu que ce système soit bon. Ces inconvénients du changement ne vous frappent pas, parce que la dissolution a eu lieu au mois de mai, à une époque rapprochée du terme des élections ordinaires ; mais supposons que le 1er janvier on juge à propos de dissoudre la chambre : eh bien, voilà des députés qui vont entrer en fonctions, et pour quatre ans. Vous ne pouvez pas changer ce terme inscrit dans la constitution. Cependant les élections ont lieu en juin ; alors de deux choses l’une : ou le mandat sera du trois ans et demi, ou il sera de quatre ans et demi. Vous violez donc la constitution.

M. Jullien. - Qu’est-ce que cela fait ?

M. Gendebien. - Je sais que c’est peu de chose pour les ministres.

Voulez-vous rentrer dans la loi et faire ce qui a été fait pendant 15 ans ? Ceci, dites-vous, présente l’inconvénient de députés qui siègent quoiqu’ils aient des successeurs ; mais cet inconvénient ne peut se présenter que rarement. Dans l’état ordinaire des choses nos sessions ne dépasseront pas le mois de mars : c’est par suite de circonstances extraordinaires qu’elles se sont prolongées au-delà du mois de juin.

Mais que ferez-vous d’un député dont le mandat finit au 1er janvier 1840, par exemple ? ou il faudra le faire siéger six mois de plus ou six mois de moins. Ainsi forcément vous violerez la constitution. Arrangez-vous donc avec la constitution qui doit vous servir de boussole. Je ne tiens pas le moins du monde à vos combinaisons ; mais je tiens à la constitution.

M. Fleussu. - Je me rappelle les discussions qui ont eu lieu relativement à l’article 53 de la loi électorale. On a pensé qu’une session pourrait n’être pas terminée lorsque les élections du mois de juin se feraient, et qu’elle pourrait se continuer jusqu’au mois de juillet ou d’août. On a cru qu’il ne convenait pas d’appeler, pour partager les travaux de la chambre, des membres qui n’avaient pris aucune part aux examens préparatoires. Supposons, en effet, que l’on nomme 51 députés nouveaux ; ne pourraient-ils pas dire à la chambre : Comment voulez-vous que nous prenions part à vos discussions, à vos délibérations ? Nous ne connaissons pas les matières sur lesquelles vous nous appelez à émettre un vote ; nous ne pouvons prendre part à la délibération, à moins que l’on ne recommence tous les travaux préparatoires.

A l’égard du renouvellement, c’est en considérant ce qui existait que l’article de la constitution a été voté. Il a été bien convenu que l’on faisait un appel au pays tout entier par le renouvellement par moitié. On ne voulait pas que le gouvernement fût dans le cas d’avoir recours à des espèces de coup d’Etat, à des dissolutions.

Sous les états-généraux, la représentation nationale était renouvelée par tiers tous les ans, dans toutes les provinces ; et c’est parce que l’on pensait que le remplacement par moitié aurait lieu de la même manière tous les deux ans qu’on l’a voté.

Des membres voulaient, il est vrai, le renouvellement intégral tous les quatre ans ; mais ce système n’a pas prévalu parce qu’on a craint d’avoir une chambre contenant trop peu de membres ayant des affaires. C’est pour cela qu’on préféré le renouvellement partiel.

Vous vous rappelez que les premiers événements de la révolution ont eu lieu au mois d’août ; eh bien, ce sont les anciens membres des états-généraux qui ont été appelés pour tenir la session extraordinaire. Ainsi on avait de bonnes raisons pour suivre ce qui avait été pratiqué pendant 15 années.

Il va arriver quelque chose par suite de la dissolution inopportune de la chambre ; c’est que nous allons nous trouver sans représentation nationale pendant quelques mois. Les élections ont été faites dans le mois de mai aussitôt après la dissolution et nous sommes entrés en fonctions le sept du mois de juin. L’article 18 de la loi électorale contient une disposition expresse.

C’est que la réunion ordinaire des collèges électoraux a lieu le deuxième mardi du mois de juin. Faites attention que nous sommes entrés en fonctions le 7 du mois de juin 1833. Par conséquent le 7 du mois de juin 1835 la moitié de la chambre cesse d’en faire partie. Quand arrivent les élections cette année-ci ? Le 9 du mois de juin. Il se trouvera donc entre le 7 et le 9 de ce mois un intervalle de 2 jours pendant lequel il sera impossible qu’il y ait une représentation nationale. Voilà le résultat d’une mesure dont on n’a pas calculé les conséquences.

L’honorable M. Devaux s’est demandé ce qui arriverait après une dissolution. J’ai toujours été d’opinion qu’une dissolution ne devait pas déranger l’ordre des séries. Dans la loi électorale, l’on s’en est référé à une loi spéciale pour la fixation de l’ordre des séries. Si l’on avait complété la loi électorale, si elle avait été parfaite, nous ne serions pas tombés dans les difficultés où nous nous trouvons maintenant. La loi électorale aurait reçu son application. Si l’ordre des séries avait été réglé par cette loi immédiatement après la dissolution, 15 jours après cette mesure prise par le ministère précédent, la chambre aurait dû être renouvelée par moitié. C’est ce qui devra avoir lieu désormais, si des dissolutions arrivent encore.

En quelque temps qu’elles arrivent, l’ordre des séries devra être maintenu ; de telle manière que, au moment où une législature serait entièrement renouvelée par une dissolution, si c’est le tour de renouvellement de la série n° 2, c’est à cette série à sortir après cette dissolution, quand elle serait aussi inopportune que celle dont on a donné un premier et fatal exemple.

L’on a parlé de l’incompatibilité qui existe entre l’article 5 de la présente loi et l’article 53 de la loi électorale. Oui, il y a incompatibilité ; mais comme ces deux lois n’en font qu’une, comme je soutiens que celle que nous discutons se rattache intimement à la loi électorale dont elle n’est que la suite, il est impossible de dire dans l’une que les nouveaux députés entreront en fonctions immédiatement après l’élection, tandis qu’il est dit dans l’autre que le mandat des anciens députés durera jusqu’au mois de novembre.

Si vous voulez maintenir votre art. 5, dites expressément que la disposition qu’il consacre déroge à l’article 53 de la loi électorale ; fixez une nouvelle époque pour l’entrée en fonctions ; dites que les quatre années commenceront à courir du jour de l’élection. Mais vous laissez un vague qui donnera plus tard matière à des interprétations contradictoires, si vous ne fixez pas formellement l’entrée en fonctions et l’époque de la sortie. L’on ne sait pas si c’est au mois de novembre ou le jour de l’élection que l’entrée en fonctions devra prendre date. Il faut nécessairement que l’on tranche la difficulté.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Vous aurez remarqué, messieurs, que ce n’est pas l’article 5 qui a fait naître la difficulté. C’est de l’article de la constitution et de l’article 53 de la loi électorale qu’elle provient. L’on dit : Aux termes de la constitution, le mandat expire le jour anniversaire de la quatrième année de l’élection. C’est l’opinion de l’honorable M. Fleussu. D’autres membres sont moins rigoristes sur l’interprétation de cet article et pensent que le congrès n’a pas voulu que le terme fût pris d’une manière aussi absolue, et que c’est pour ce motif qu’a été porté l’article 5 de la loi électorale qui permet aux membres des chambres de siéger deux ans et quelques mois en supposant que les élections aient lieu au mois de juin. Il est évident que dans ce cas un député siège deux ans et quelques mois.

Les premières élections ont eu lieu au mois de septembre. Les chambres se sont réunies immédiatement ; s’il n’y avait pas eu de dissolution, le député sortant eût siégé jusqu’au deuxième mardi du mois de novembre. Il aurait donc dépassé de quelques mois le terme de son mandat. C’est ainsi que les choses auront lieu à l’avenir dans le cas où il y aurait dissolution et que la dissolution ne tombât pas à l’époque des élections.

Un député élu au mois d’avril, par exemple , continuerait à siéger jusqu’au mois de juin de la seconde année, à dater de son élection, de la même manière que la chose aurait eu lieu sous l’influence des premières élections. Ce qui se serait passé alors se passera encore dans le cas de dissolution ou de renouvellement des chambres.

Du moment que l’élection aura eu lieu, c’est-à-dire, le deuxième mardi du mois de juin, les pouvoirs du député sortant cesseront, et ceux du député élu commenceront aussitôt qu’ils auront été vérifiés. Il n’y a donc rien de dérogatoire dans l’article que nous avons proposé, si ce n’est que nous avons cru plus convenable que le député nouvellement élu entrât immédiatement, afin que le député non réélu ne se présentât pas pour siéger dans une session extraordinaire de quelques mois. A bien considérer la chose, il n’y a donc rien de disparate entre l’article 5 et la loi électorale. L’on a voulu seulement éviter de mettre le député non réélu dans la fausse position de siéger après qu’un successeur lui aurait été donné.

M. de Brouckere. - J’ai une autre observation à soumettre à la chambre. Comme je la crois extrêmement grave, je suis oblige de prier l’assemblée de m’accorder quelques moments d’attention.

D’après le projet du gouvernement, les provinces seraient divisées, pour le renouvellement des membres des chambres, en deux séries. Un tirage aurait lieu dans chacune des deux chambres, pour établir quelle serait la première et la deuxième série.

Il peut arriver que la série qui sera la première pour la chambre des représentants soit la seconde pour le sénat.

Si cette hypothèse se réalisait, qu’en résulterait-il ? S’il faut en croire M. le ministre, le résultat sera le même au bout de 4 ans que si la série des provinces appelée à renouveler la moitié de la chambre des représentants, renouvelait en même temps la moitié du sénat. Je vais prouver, les chiffres en main, que M. le ministre est dans l’erreur.

Supposons qu’il résulte du double tirage que la première série de la chambre des représentants soit la deuxième pour le sénat, et pour rendre le raisonnement plus clair, prenons l’exemple de deux provinces placées dans la première et dans la seconde série, celles d’Anvers et du Hainaut par exemple.

La province d’Anvers (première série du sénat et deuxième série de la chambre des représentants) aura à élire en 1835 la moitié du nombre de sénateurs que la loi lui a fixé. Ce ne sera que 8 ans après, en 1843, qu’elle aura de nouveau à élire des sénateurs. Une troisième élection aura lieu en 1851, et ainsi de suite de 8 ans en 8 ans. En 1837 elle élira des députés. En 1841 son tour de série pour l’élection des députés reviendra. En 1845 et 1849 également, et ainsi de suite de 4 ans en 4 ans.

La province du Hainaut (deuxième série du sénat et première série de la chambre des représentants) élira des députés en 1835, des sénateurs et des députés en 1839, des députés seulement en 1843, des sénateurs et des députés en 1847, des députés en 1851, et ainsi de suite alternativement de 4 ans en 4 ans.

Comparons ce terme de 16 années. Ainsi dans ce laps de temps il y aurait dans la province d’Anvers 7 élections simples, et dans celle du Hainaut 5 élections, dont 3 simples et 2 doubles. Je ne sais pas où l’on peut trouver l’égalité. L’inégalité est choquante. Il est nécessaire que nous en venions, pour la faire disparaître, à un même système de séries pour la chambre des représentants et celle du sénat.

M. Jullien. - Ce que je vois de plus clair dans ce système de sorties, c’est que dans l’état actuel de la discussion il est impossible de sortir du projet ministériel.

Il a été élevé de graves difficultés sur l’application de l’article 5 et la nécessité de le combiner avec la constitution et la loi électorale. Je crois que c’est le cas ou jamais de renvoyer cet article et les difficultés à l’examen de la section centrale, et de l’inviter à nous faire un rapport sur les moyens de mettre la disposition en harmonie avec la constitution et la loi électorale. J’en fais la proposition formelle.

M. Fleussu. - J’appuie la motion d’ordre de l’honorable M. Jullien ; et pour démontrer la nécessité de mettre l’article 5 en harmonie avec la constitution et la loi électorale, je ferai part à la chambre d’une observation que m’ont suggérée les calculs de l’honorable M. de Brouckere.

Les sénateurs ont été élus sous l’empire d’une loi qui les autorise à siéger jusqu’au mois de novembre. La chambre des représentants se trouve dans une position tout exceptionnelle, par suite de la dissolution qui a occasionné son renouvellement intégral. Maintenant vous voulez dans une loi admettre une disposition qui autoriserait les sénateurs nouvellement élus à siéger pendant que le mandat de ceux qu’ils remplaceraient ne serait pas encore expiré. Comment concilieriez-vous ces deux droits contradictoires ? Il y aurait un sénat en nombre double : vous voyez donc qu’il y a nécessité de renvoyer toute la loi à la section centrale afin que l’on s’en occupe plus mûrement qu’on ne l’a fait.

M. de Brouckere. - J’appuie la motion d’ordre de l’honorable M. Jullien, et je crois que M. le ministre de l’intérieur ne s’y opposera pas, car son silence me fait présumer qu’il reconnaît qu’il a commis une erreur de chiffre. Il est évident que dans un laps de temps de 16 années, cinq élections générales auraient eu lieu dans une province et sept dans l’autre. Que M. le ministre se rende dans le sein de la section centrale pour aviser aux moyens de réparer une erreur introduite dans la loi. Je m’empresserai de soumettre mes calculs à la section centrale, comme je les ai soumis à M. le ministre.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne m’opposerai pas au renvoi de l’article 5 à l’examen de la section centrale. Je dirai seulement que l’inconvénient signalé par l’honorable M. Fleussu n’est pas aussi grave qu’il le croit.

L’on a fait le projet dans la supposition que le sénat donnerait son assentiment. Dès lors, la difficulté que l’on a signalée serait levée.

Il faut que l’on entre une bonne fois dans un ordre régulier. L’ordre régulier est celui-ci : qu’un député élu entre en fonctions à la première session, et que le député remplacé les cesse.

En ce qui concerne l’observation présentée par M. de Brouckere, il est certain que dans un laps de 8 années une même province n’aura à élire qu’une fois des sénateurs et aura à élire deux fois des représentants. Il est impossible de sortir de ce cercle. Si la province d’Anvers élit en 1835 des sénateurs, elle n’en élira de nouveau que dans 8 années.

Si elle a à élire en 1835 des représentants, elle en élira de nouveaux au bout de 4 années. Le système que la chambre vient de voter et sur lequel on veut la faire revenir est donc conforme à l’esprit de la constitution. Ce système a été examiné par la section centrale, et elle n’y a pas rencontré l’erreur que l’honorable préopinant prétend exister.

M. de Brouckere. - L’obstination de M. le ministre est vraiment surprenante. Il s’est trompé et a trompé la chambre involontairement, Je le lui démontre, et il me répond que la section centrale n’a pas rencontré l’erreur que j’ai signalée. Mais croit-il donc la section centrale plus infaillibles que lui ?

J’ai démontré à M. le ministre, des chiffres en main, que son système est vicieux, que dans l’espace de 16 ans, 7 élections auront lieu dans une province et 5 seulement dans une autre. Mais la section centrale n’a pas trouvé cette erreur. Donc elle n’existe pas. J’avoue que je ne conçois pas l’obstination de M. le ministre. Je demande le renvoi de l’article 2 à la section centrale. Il ne peut subsister tel qu’il est. Car il consacre un système injuste en établissant l’inégalité entre les provinces.

M. Gendebien. - M. le ministre de l'intérieur a cru parer l’objection de l’honorable M. Fleussu en répondant que si la loi est adoptée par le sénat, il n’y aura pas de droits lésés. Pour que sa réponse ait quelque fondement il faut que la totalité des sénateurs adopte la loi ; si un seul membre s’y oppose, il n’y a pas de puissance capable de le forcer à résigner son droit acquis. Un seul sénateur peut rendre nulle votre disposition, parce que votre disposition ne peut détruire un droit acquis.

M. le président. - Je vais mettre aux voix le renvoi à la section centrale de l’article 2 et de l’article 5.

- Plusieurs membres. - L’article 2 est voté.

M. de Brouckere. - J’ai signalé une erreur avancée par M. le ministre. Le vote émis par la chambre est une conséquence de cette erreur. Du reste elle n’était pas facile à découvrir, car mes honorables voisins, MM. Corbisier et Fallon et moi, nous avons hésité longtemps à décider qu’il y avait erreur, et il a fallu que nous vérifiassions à plusieurs reprises le calcul pour être convaincu. Je demande s’il est un seul membre qui voulût conserver dans une loi une inconstitutionnalité par le seul motif qu’une disposition aurait été adoptée.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne m’oppose pas à ce que la chambre laisse la section centrale juge de l’erreur signalée par l’honorable M. de Brouckere. Quant à moi, je ne pense pas qu’elle existe.

- Le renvoi de l’article 2 et de l’article 5, à l’examen de la section centrale, est mis aux voix et adopté.

Article 6

L’article 6 est mis aux voix.

- Le départ des membres qui se lèvent de leurs places ne permet pas de voir le résultat de l’épreuve.

La séance est levée à 4 heures.