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d’intention
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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du vendredi 20 février 1835
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre, notamment pétition relative au tribunal de première
instance de Tournay (Dubus)
2) Rapports
sur des pétitions relatives, notamment, à la situation de l’industrie
cotonnière (Zoude, A. Rodenbach,
Hye-Hoys, A. Rodenbach, de Brouckere, Dumortier, A. Rodenbach, Desmaisières,
d’Huart, Jullien, Dumortier, Jullien, Desmet, Gendebien, Jullien, Dumortier, de Brouckere, Smits, Zoude), au paiement de la demi-solde à un nombre limité
d’officiers de la garde civique (Verrue-Lafrancq, Jullien, Evain, Dumortier,
d’Hoffschmidt, Evain, de Brouckere, Gendebien, de Brouckere, Jullien, d’Huart, Desmanet de Biesme, Gendebien, Lebeau, Gendebien, Dumortier, Desmanet de Biesme, Desmaisières,
d’Hoffschmidt, Dumortier,
de Brouckere, Pirson, Lebeau, Gendebien, Dumortier), au traitement de l’ophtalmie militaire
(traitement Lubin) (Evain), aux légionnaires
de l’empire, aux droits de douanes sur les pianos (A.
Rodenbach) et sur les tourteaux de graine (A.
Rodenbach), sur la garde civique (Dumortier), à
la reprise par l’Etat de routes appartenant aux communes (Gendebien),
à l’administration du cadastre, aux impôts sur le sel
(A. Rodenbach, d’Huart), aux
logements militaires (Pollénus, Jullien,
de Theux, Pollénus, d’Huart), aux droits d’entrée sur le coton (Dumortier), à la contribution personnelle et à l’art de
guérir (chevaux de médecin) (Gendebien, d’Huart, Eloy de Burdinne, Zoude, Jullien, d’Huart,
Eloy de Burdinne, Jullien), aux huissiers des cours d’appel, au canal
de Mons à Condé, à l’établissement de caisses
d’épargne, au traitement de l’ophtalmie militaire (traitement Lubin) (Jullien), à une demande d’établissement d’une machine à
vapeur pour moudre le grain (Lebeau, Gendebien), à l’entretien des sourds
et muets, à une propriétaire de houillère (dame Houdain) (de Theux)
(Moniteur belge n°52, du 21 février 1835)
(Présidence de M. Raikem)
M. de Renesse procède à l’appel
nominal à une heure ; il donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier,
dont la rédaction est adoptée, et fait ensuite connaître l’analyse des
pétitions suivantes.
« Les sieurs Jean et Pierre Christiaens, particuliers, possesseurs
d’un spécifique pour la guérison du cancer, demandent à être légalement
autorisés à exercer cette branche particulière de l’art de guérir. »
_______________
« Les officiers du 2ème bataillon de la garde civique mobilisée du
Hainaut renouvellent leur demande d’obtenir la demi-solde de leur grade. »
- Ces deux pétitions sont renvoyées à la commission chargée d’en faire
le rapport.
_______________
« Le barreau de Tournay renouvelle sa demande d’adjonction d’une
deuxième section au tribunal de cette ville. »
M. Dubus. - Une pétition du barreau
de Tournay est adressée à la chambre à l’effet d’obtenir une augmentation dans
le personnel du tribunal de cette ville. Je demande que la pétition du barreau
de Tournay soit renvoyée à la section centrale qui sera chargée de l’examiner,
et de plus, qu’elle soit déposée au bureau des renseignements, pour être
soumise à l’inspection des membres de la chambre.
- La chambre ordonne le renvoi de la pétition du barreau de Tournay à la
section centrale chargée de l’examen du projet de loi présenté par MM. Doignon,
Dumortier et Trentesaux, et le dépôt de cette pétition au bureau des
renseignements.
_________________
Il est donné lecture d’un message du sénat, faisant connaître l’adoption
du projet de loi contenant le budget de la dette publique pour l’année 1835.
M .
Van Hoobrouck
demande un congé de quelques jours.
Accordé
COMPOSITION
DES BUREAUX DE SECTIONS
Première section :
Président. : M. Fallon
Vice-président. : M. Desmanet de Biesme
Secrétaire : M. Quirini
Rapporteur de pétitions. : M. d’Hoffschmidt
Deuxième section :
Président. : M. Vanderbelen
Vice-président. : M. Donny
Secrétaire : M. Berger
Rapporteur de pétitions. : M. Verrue-Legrancq
Troisième section :
Président. : M. Dubus
Vice-président. : M. Thienpont
Secrétaire : M. Doignon
Rapporteur de pétitions. : M. Zoude
Quatrième section :
Président. : M. Pollénus
Vice-président. : M. Schaetzen
Secrétaire : M. Dechamps
Rapporteur de pétitions. : M. Jullien
Cinquième section :
Président. : M. Duvivier
Vice-président. : M. Dumont
Secrétaire : M. Liedts
Rapporteur de pétitions. : M. C. Rodenbach
Sixième section :
Président. : M. de Behr
Vice-président. : M. de Roo
Secrétaire : M. A. Dellafaille
Rapporteur de pétitions. : M. Fleussu
COMPOSITION DE COMMISSIONS SPECIALES
Commission chargée de l’examen de la proposition de M. de Brouckere :
MM. de Behr, Fallon, Liedts, Pollénus, Schaetzen, Thienpont, Watlet.
Commission chargée de l’examen du projet de loi sur les barrières : MM.
Verdussen, Verrue-Lefrancq, d’Hane, de Puydt, Eloy de Burdinne, Vanderheyden,
d’Hoffschmidt, Desmanet de Biesme, Milcamps.
M.
Zoude, rapporteur.
- Chargé de vous faire le rapport des pétitions qui vous ont été présentées par
des industriels cotonniers dans vos séances des 10, 11, 12 et 18 de ce mois, je
crois remplir les intentions de la chambre en lui exposant succinctement les
plaintes des pétitionnaires, les causes qui les ont motivées et les moyens
qu’ils invoquent pour soulager leurs souffrances.
Les plaintes sont unanimes, elles ne diffèrent que par les couleurs qui
rembrunissent plus ou moins le tableau d’une situation qui devient tous les
jours plus précaire.
Les causes sont celles qui vous ont été constamment signalées depuis
quatre ans, et il est à remarquer que pendant ce long intervalle une seule
pétition a été conçue dans un sens contraire ; c’est celle déposée naguères par
15 â 18 marchands de Bruxelles, dont la plupart, étrangers, ne paraissent être
que les commissionnaires de quelques maisons suisses, françaises ou anglaises ;
et ceux-là ne s’opposent pas seulement à toute nouvelle mesure de protection,
mais ils réclament encore contre le droit actuel qu’ils trouvent onéreux au
pays, c’est-à-dire, contraire à l’intérêt des maisons qu’ils représentent en
Belgique.
La première pétition dont j’ai à vous rendre compte est celle des
fabricants cotonniers de Bruxelles et environs, qui déposent pour la troisième
fois leurs doléances dans le sein de la
représentation nationale ; ils vous disent avec vérité et douleur qu’après
avoir invoqué longtemps, mais toujours inutilement, des mesures protectrices,
plusieurs maisons d’ailleurs très respectables ont dû cesser leurs paiements,
que d’autres plus prudentes ont fermé leurs ateliers, qu’il en est même qui se
sont résignées à l’expatriation, et que cet exemple ne pourra plus tarder à
être imité par beaucoup d’autres.
Dans cet état de choses, ne pouvant flotter plus longtemps dans
l’incertitude, la pire des situations, ils provoquent de la chambre une
résolution quelconque, soit l’adoption d’une mesure protectrice qui les rende à
la vie et à l’espoir d’un retour vers la prospérité, ou bien un arrêt qui
bannisse à jamais leur industrie du sol de
La mesure de vie, ils la trouvent dans l’adoption du projet qui vous a
été soumis par MM. les députés des Flandres ; ils vous conjurent de le
convertir en loi.
Trois pétitions des fabricants de cotonnettes, imprimeurs, teinturiers
d’Ath, Braine-Lalleud et Renaix, expriment leur adhésion au même projet, et
vous supplient de vouloir bien vous en occuper sans délai.
Une cinquième pétition, celle de M. Depoorter, fabricant de rubans, vous
entretient aussi de la situation fâcheuse des rubantiers et passementiers, deux
industries dignes de votre sollicitude ; adhérant au tarif de M. Desmaisières,
sauf quelques légères modifications, il propose d’y ajouter un autre moyen
protecteur, celui d’une prime à l’exportation.
Une sixième pétition vous est présentée par les ouvriers de Gand, qui
vous demandent de repousser les marchandises étrangères, comme les étrangers repoussent
les nôtres.
Si vous tardez, disent-ils, à adopter une mesure pour soutenir les
fabriques dépérissantes, vous condamnerez 50 à 100 mille ouvriers à solliciter
le pain de l’aumône qui flétrit, tandis qu’ils ne demandent que de conserver un
pain, à la vérité, trempé de leurs sueurs, mais qui est le fruit d’un travail
utile à l’Etat, auquel ils ont donné des preuves de dévouement dans des temps
difficiles.
Une septième pétition, celle de M. Vandenhove, se recommande à votre
attention particulière ; elle embrasse tout le système d’économie politique que
doit suivre
Au dedans, par des droits protecteurs plus élevés ;
Au dehors, par des primes d’exportation. Mais nos exportations au-delà
des mers qu’il est loin de vouloir négliger, il les croit peu propices dans les
circonstances où nous sommes.
Pour nous livrer, dit-il, à ces expéditions lointaines, il faudrait des
maisons intermédiaires qui fissent le commerce elles-mêmes, et tel est le cas
de l’Angleterre ; ou bien des sociétés comme était celle des Pays-Bas. Mais il
est un autre débouché qui vous présente une large voie d’écoulement, qui
s’accorde mieux avec les moyens pécuniaires de nos fabricants, et ce débouché
est à vos portes, le chemin de fer y conduit.
C’est de l’Allemagne qu’il veut vous parler, ce pays qui forme
aujourd’hui une réunion de plus de 25 millions d’habitants régis par une même
loi de douanes, ce pays auquel vous allez offrir deux ports commodes, assurés
d’un accès facile en tout temps et dont vous favoriserez l’abord par un système
libéral d’entrepôt et de transit.
L’Allemagne enfin qui consomme une immense quantité de produits anglais
en fil et coton, présentera à nos exportations favorisées par une prime la
perspective la plus brillante.
En fil seulement l’Allemagne reçoit de l’Angleterre près de 24 millions
de livres, dont la majeure partie dans les numéros 30 à 50, précisément ceux
dont la fabrication est pour la plus familière.
Or, en concourant seulement pour 1/6 dans cette consommation, il
resterait au pays, après déduction des primes, telles que l’auteur du mémoire
les établit, un bénéfice de main-d’œuvre de plusieurs millions, auxquels il y
aurait encore à ajouter l’accroissement du commerce maritime résultant d’une
importation plus considérable de matières premières, sa circulation dans
l’intérieur sur nos routes et canaux, et tout le mouvement de vie qui s’y
rattache.
Le pétitionnaire ne borne pas sa sollicitude à l’industrie cotonnière
proprement dite, il l’étend aux branches qui en dépendent, la rubannerie et la
passementerie, deux industries florissantes il y a quelques années, mais
presque éteintes aujourd’hui par le système de douanes de nos voisins qui
repousse nos produits, et par notre tarif qui permet à l’étranger d’envahir
note marché.
Aussi
Commines est un exemple frappant de ce système de douanes : cette ville
coupée en deux par
Et cependant l’importation des objets de rubannerie et de passementerie
sont évalués à trois millions dont la valeur est en majeure partie en prix de
main-d’oeuvre.
Messieurs, tout ce que vous disent les pétitions dont vous venez
d’entendre l’analyse, votre commission d’industrie de la session dernière vous
l’a dit par mon organe, la commission supérieure l’a dit au Roi dans son
rapport du 20 décembre 1831, elle l’a dit au gouvernement en 1832, et si mes
souvenirs ne me trahissent pas, elle l’a répété à une autre époque.
Elle disait au Roi que la perte de Java et notre séparation de
A la demande que faisait le gouvernement de lui indiquer les causes du
malaise des cotonniers, cette commission répondit que les Anglais nous avaient
expulsés des colonies hollandaises, où nous ne pouvions aborder sans pavillon
national et où d’ailleurs nous avions perdu le droit protecteur de 25 p. c. ;
qu’il en était de même en Hollande qui admettait les tissus anglais, français
et prussien, au droit de 4 p. c., tandis que les nôtres y étaient prohibés ;
Qu’enfin les étrangers, soit par la fraude, soit au moyen d’une taxe qui
varie de 4 à 14 p. c., venaient partager avec les indigènes les avantages de la
vente sur nos marchés ;
Que cette concurrence étrangère devrait être écartée par une
modification à apporter au tarif et par l’établissement d’une prime à
l’exportation ; que cette prime devrait compenser la hauteur des taxes dont nos
voisins frappent l’importation de nos fils et tissus ;
Enfin que pour favoriser les exportations lointaines auxquelles les
fortunes particulières apportent un obstacle insurmontable, il serait
nécessaire de rétablir une société de commerce qui se chargerait elle-même des
achats et des ventes.
Maintenant, messieurs, que les souffrances des cotonniers vous sont bien
connues, que la commission d’enquête de France a proclamé elle-même que
Puisqu’il en est ainsi, nous pensons, messieurs, qu’il y a lieu
d’examiner la question de savoir s’il ne convient pas au pays de s’associer au
système douanier de
L’exécution du chemin de fer aplanirait beaucoup de difficultés, et nous
serions vengés du reproche d’idées rétrogrades que des personnages intéressés
nous ont adressés.
Si
Votre
commission soumet l’examen de ce projet à vos méditations ; il sera d’ailleurs
l’objet d’une proposition à faire à la chambre par l’un de ses membres.
D’après tout ce qui précède, nous croyons, messieurs, qu’il est urgent
d’apporter un remède aux maux dont l’industrie se plaint : en conséquence,
votre commission a l’honneur de vous proposer la prise immédiate en
considération de la proposition qui vous est soumise par MM. les députés des Flandres
; elle conclut en outre au dépôt de ces pétitions au bureau des renseignements
et à leur renvoi à la section centrale qui sera chargée de l’examen de ce
projet de loi.
Plusieurs
membres. -
L’impression au Moniteur.
- L’impression est ordonnée.
M. A. Rodenbach. - Je demande que l’on fixe le jour où on
discutera les conclusions, cela presse. Voilà trois ans que l’on réclame, et
vous ne pouvez toujours repousser ces réclamations avec dédain.
M. Hye-Hoys. - Je demande la parole
pour un fait personnel.
Messieurs, l’industrie cotonnière, confiante dans la sollicitude de la
chambre, lui a fait entendre depuis longtemps un cri de détresse, auquel il est
juste de répondre avec tout l’intérêt qu’inspirent les plaintes réitérées de la
nombreuse classe ouvrière qu’elle alimente, en recherchant quels seraient les
moyens les plus efficaces de leur conserver les sources de travail dont dépend
son bien-être.
On ne peut méconnaître, messieurs, que le travail national ne soit une
des bases les plus solides de la prospérité tant matérielle que morale des
Etats. Aussi voyons-nous que la législation de tous les peuples industrieux
tend à la maintenir et à la protéger, par de sages faveurs, contre tout travail
rival étranger. Les réclamations de l’industrie cotonnière, celles de la
population qu’elle nourrit, sont donc fondées sur un principe incontestable ;
c’est sous la puissance de son égide tutélaire qu’elles se présentent
aujourd’hui devant vous.
Ce principe, messieurs, vous l’avez reconnu et adopté toutes les fois
qu’il a été invoqué par l’industrie nationale, et vous l’avez notamment
proclamé dans la loi tarifaire, édictée en faveur de l’industrie toilière.
C’est au même titre que l’industrie cotonnière, qui occupe aussi des milliers
de bras, se recommande à votre sollicitude, et qu’elle voit dans la protection
que vous avez assurée à la première, la garantie de celle que vous ne pouvez
manquer de lui réserver.
Elle est d’autant plus urgente et plus impérieuse, que le tarif actuel
n’offre aucune protection réelle à l’industrie cotonnière, depuis que, par la
perte du débouché de Java, elle se voit dans la nécessité de se livrer à la
confection de tissus moins communs et plus légers que ne l’étaient ceux qu’elle
écoulait dans cette colonie. Or, c’eût ce qu’elle ne peut faire sans une
protection suffisante, et cette protection, messieurs c’est de vous qu’elle
l’attend.
Je me réserve d’émettre, lors de la
discussion de cette importante question, que je désire voir différer le moins
possible, le résultat de mes méditations sur les moyens que je crois les plus
propres à favoriser et à raviver, tant au-dedans qu’au dehors, l’industrie
cotonnière.
Conséquent dans mes principes, conservateurs de tout travail industriel,
j’appuierai de mon vote, comme je l’ai fait pour l’industrie toilière, toute
mesure qui tendra au même but de protection en faveur de l’industrie
cotonnière.
C’est à tort qu’on me considérerait,
en ma qualité de commerçant, comme peu disposé à appuyer les intérêts de
l’industrie cotonnière. Un mandataire du peuple, quelle que soit sa position
sociale, oublie ici ses intérêts privés et n’y subordonne pas les intérêts
généraux de ses concitoyens. Je saurai leur prouver que ce sentiment est celui
qui m’anime, et que, déterminé par mes convictions, je n’ai pas de plus cher
désir que de contribuer de tous mes efforts à leur prospérité.
En conséquence j’appuie de tous mes vœux la prise en considération immédiate
de la proposition en faveur de l’industrie cotonnière.
M. A. Rodenbach. - Je viens renouveler ma motion
d’ordre qui consiste à discuter vendredi prochain les conclusions de la
pétition dont M. Zoude vient de faire le rapport. On aura tout le temps de
méditer sur cette pétition qui, je le répète, est l’objet d’une réclamation qui
dure depuis trois ans.
M. Gendebien. - Quelles sont ces
conclusions ?
M. de Brouckere. - Il me semble
qu’il vaut beaucoup mieux remettre à vendredi la proposition de l’honorable
préopinant. M. Alexandre Rodenbach ne vous a parlé que des conclusions du
rapport, mais c’est la prise en considération qu’il faut mettre à l’ordre du
jour de vendredi. Il faut admettre les conclusions aujourd’hui, car ces
conclusions sont la prise en considération, et remettre à vendredi la
discussion sur cette prise en considération.
M. Dumortier. - Je ne viens pas demander qu’on
retarde de longtemps la prise en considération, mais je pense que deux motifs
s’opposent à ce que cela soit mis à l’ordre du jour vendredi prochain. Le
premier motif c’est que c’est le jour fixé pour les rapports de la commission
des pétitions, et que ces rapports sont fort arriérés ; le second c’est que
nous allons avoir à voter dans les premiers jours de la semaine prochaine sur
le budget du ministère des finances. Vous ne pouvez disconvenir que la
proposition, étant une discussion de principes, pourra prendre beaucoup de
séances. Je pense donc qu’il serait sage de remettre la prise en considération
après le budget des finances, et je pense que beaucoup d’honorables membres se
rallieront à cette proposition.
M. A.
Rodenbach. - Je ne vois pas que ces débats seront si longs. La prise en
considération n’est pas d’ailleurs une question de principes. Vous voyez qu’on
a pris les projets en considération et que cela ne préjuge rien. Il est plus
que temps, je le répète, qu’on s’occupe de la pétition dont il s’agit.
M. Desmaisières. - Remettre
indéfiniment après le vote du budget des finances la discussion de la prise en
considération, je ne crains pas de le déclarer, c’est la remettre aux calendes grecques.
Quand la chambre a décidé qu’elle ne discuterait notre proposition qu’après le
budget du ministère des finances, c’est qu’elle était dans l’opinion que ce
budget devait être incessamment discuté. Le dépôt du rapport a été fait
seulement il y a peu de jours ; nous ne possédons pas encore ce rapport, et par
suite nous devons croire que le budget des finances ne se discutera pas avant
15 jours. Après viendra la prise en considération de notre proposition. Il
faudra discuter en sections, puis à la section centrale qui aura à faire un
rapport à la chambre, et nous arriverons à la fin de la session, sans qu’on ait
donné une solution à une question qui intéresse une centaine de mille de
malheureux ouvriers. Je ne crois pas que la chambre puisse consentir à un
pareil déni de justice.
M. le
ministre des finances (M. d'Huart). - L’opposition que fait l’honorable
M. Desmaisières à ce que la prise en considération du rapport dont il s’agit
suive la discussion du budget du ministère des finances, provient de ce qu’il
pense que le rapport n’est pas prêt d’être distribué aux membres de la chambre.
Je viens de m’assurer qu’il le sera demain. L’opposition tombe donc
d’elle-même. J’ajouterai qu’il y a urgence de discuter le budget des finances.
Plusieurs pauvres employés attendent depuis deux mois après leurs appointements
qui sont leur unique ressource.
(Erratum au Moniteur belge n°54,
du 23 février 1835 :) M. Desmaisières. - Et les pauvres ouvriers
doivent-ils attendre après le pain qui est dû à leur travail ?
M. le
ministre des finances (M. d'Huart). - Je demande donc que la discussion
du budget des finances soit fixée à mardi et même à lundi, si les honorables
membres veulent prendre dimanche lecture du rapport qui leur sera distribué
demain.
M. Jullien. - Je crois qu’il y aurait
lieu de donner suite à la proposition de l’honorable M. de Brouckere, de mettre
en question la prise en considération qui ne me paraît devoir souffrir aucune
difficulté. Vous aurez à voter après cette prise en considération, soit le
renvoi à une commission, soit à la section centrale, qui soumettra la matière à
la sanction de la chambre. Maintes fois, nous avons discuté sur la prise en
considération immédiatement après la proposition. Y a-t-il un inconvénient
à prendre dès à présent en considération
?
Pour ma part, je n’en vois aucun. Vous aurez prouvé à une industrie qui
souffre que vous vous êtes occupes d’elle, mais que vous l’avez fait d’après
votre règlement dont vous êtes forcés de suivre tous les errements.
M. Dumortier. - Je ne pense pas que
la chambre entende décider la prise en considération immédiate d’une proposition
qui n’est pas à l’ordre du jour. Cette proposition a déjà été présentée, et il
a été décidé qu’elle viendrait après le budget du ministère des finances.
Le règlement est formel. Lorsqu’une proposition est faite, la chambre
déclare si elle veut la prendre en considération, ou si elle l’ajourne. Que
s’est-il passé ? On a agité la question de savoir si on prendrait en
considération ou si on ajournerait. La chambre a décidé que cela aurait lieu
après le budget des finances. Je ne crois rien dire qui ne soit exact, puisque
l’honorable M. Desmaisières est lui-même convenu de ce fait. Toute la question
est de savoir si vous pouvez vous occuper d’une question qui n’est pas à
l’ordre du jour. Vous ne le pouvez pas, alors que vous n’êtes pas préparés sur
la question. Tout à l’heure on a demandé l’impression, et voilà qu’un honorable
membre se lève pour qu’on discute immédiatement. C’est une étrange
contradiction. Je demande une chose, c’est le maintien de la décision prise par
la chambre. Je demande en outre qu’on ne retarde pas le budget des finances,
qu’on ne le scinde pas par des séances qui seraient longues, je vous en
préviens.
M. Desmaisières. - Ce n’est pas
notre avis.
M.
Dumortier. - Vous pensez cela parce que vous croyez la question toute
claire. Eh bien ! je vous dirai qu’elle est loin de l’être pour tout le monde.
Je sais que c’est là la pensée des 24 députés des Flandres. Que m’importe que
24 députés se lèvent et votent comme un seul homme. Cela ne fait pas plus à mes
yeux qu’une seule opinion...,
M. le président. - Toute la question est
de savoir si la prise en considération sera fixée après le budget des finances,
ou si on la fixera à vendredi, ou enfin si on procédera immédiatement, comme
l’a demandé M. Jullien.
M. Jullien. - J’ai laissé la parole à
M. Dumortier, quoique j’eusse pu la prendre pour un rappel au règlement ; mais
maintenant qu’il a fini de parler, je le prie de me laisser commencer.
Voici, messieurs, ce qu’oppose l’honorable préopinant à la prise
immédiate en considération. Il dit que ce n’est pas à l’ordre du jour. Je
répondrai que pour qu’une proposition soit prise en considération, il n’est pas
besoin qu’elle soit à l’ordre du jour. Voici l’art. 37 du règlement : (Ici l’orateur donne lecture de cet article.)
Si la proposition est prise en considération, elle est renvoyée à une
commission ou à la section centrale ; ou on l’ajourne, on encore on la discute
immédiatement. Messieurs, pourquoi le règlement a-t-il agi avec cette espèce de
précipitation pour les uns et de prudence pour les autres ? c’est que la prise
en considération ne préjuge rien, sinon qu’il y a lieu à délibérer. Vous ne
pouvez vous y opposer que dans le cas où une proposition blesse les principes
constitutionnels ; mais lorsqu’elle présente un but utile, vous pouvez et devez
prendre immédiatement en considération. Et la preuve que cela ne préjuge rien,
c’est qu’après vous renvoyez la proposition à une commission ou à la section
centrale qui la soumet ensuite à la décision de la chambre,
Quant à ce qu’a dit M. Dumortier relativement aux 24 députés des
Flandres qui se lèvent comme un seul homme, il voudra bien accorder à ces 24
députés d’agir avec conscience comme d’autres députés de différentes provinces,
et je crois que la chambre veut bien leur rendre justice. Pour revenir à la
question, je répéterai, messieurs, que vous êtes dans les termes de votre
règlement en mettant tout de suite en discussion la prise en considération.
M.
Legrelle. - Il y a une décision prise là-dessus.
M. Jullien. - Quand même il y aurait
une décision prise, je vais donner un motif pour revenir de cette décision, qui
du reste n’est ni solennelle, ni sacramentelle Il y ici une question
d’opportunité : c’est le temps qui n’est jamais à dédaigner et, Dieu merci, on
en perd assez ici. Si vous décidez immédiatement la prise en considération,
vous utilisez les moments des sections et vous pouvez avancer de 15 jours un
projet qui intéresse si hautement une classe malheureuse.
M. Desmet.
- Messieurs, quand les vingt-quatre députés des Flandres ont concouru à faire
une proposition à la chambre pour porter quelques modifications au tarif actuel
des douanes et venir au secours de l’industrie cotonnière, c’est qu’ils
sentaient toute l’urgence de prendre une mesure protectrice en faveur de cette
industrie souffrante et qu’ils connaissaient de quelle importance elle était
pour des milliers de malheureux ouvriers, à qui elle donne le pain quotidien et
qui n’ont d’autres ressources pour entretenir leur famille.
Ce que vient de vous dire l’honorable M. Jullien devrait suffire pour
vous convaincre que l’assemblée pourrait facilement procéder dans le moment
même à la discussion de la prise en considération de la proposition ; mais s’il
est vrai qu’on tienne réellement à ce que le rapport de l’honorable M. Zoude
soit imprimé avant qu’on procède à la discussion, je proposerai de fixer le
jour pour cette discussion à lundi : c’est le jour, je pense, que M. Gendebien
a déjà proposé ; alors toutes les opinions auront leur apaisement et on donnera
aussi satisfaction à M. le ministre des finances, qui désire que le budget de son
département soit discuté au plus tôt et que la discussion n’en soit pas
scindée.
Je ne doute pas, messieurs, que vous accueilliez cette proposition, et
je vous conjure de ne pas hésiter ; car ce n’est que trop réel que l’industrie
cotonnière soit en souffrance, et qu’il faille, sans retard, venir à son
secours, et lui donner autant de protection qu’à beaucoup d’industries du pays,
qui ne donnent pas de travail à un aussi grand nombre d’ouvriers.
M. Gendebien. - Aux termes de votre règlement
l’ordre du jour doit être fixé la veille, nous ne voyons pas à l’ordre du jour
la pétition de l’industrie cotonnière des Flandres ; nous ne pouvons donc
délibérer sur ce point. Une décision a été prise par la chambre, a-t-on dit ;
nous pouvons toujours revenir sur une décision : il n’en est pas qui lie la
chambre indéfiniment. Nous pouvons donc faire une chose, c’est de mettre la
discussion sur la prise en considération à lundi. Le rapport sera imprimé
demain : on aura tout le dimanche pour l’examiner, et lundi on discutera. Dans
l’intervalle, le rapport du budget des finances sera présenté, et mardi la
chambre s’en occupera ; adoptons donc ce terme moyen, qui me semble tout
concilier.
M. Jullien. - Je me rallie à cette
proposition.
Plusieurs
membres. - Aux
voix ! aux voix !
M.
Dumortier. - Quand je me lève, j’entends toujours crier aux voix. Peu
m’importe, cela ne m’effraie pas. Je partage l’opinion des honorables préopinants
; si on veut remettre la prise en considération à lundi, je ne m’y oppose pas.
Quant à ce qu’a dit l’honorable M. Jullien relativement aux 24 députés des
Flandres, je sais que ces députes ont une conscience comme tous les autres ;
mais lorsqu’une proposition est portée par 24 signataires, il m’est bien permis
de dire qu’ils se lèvent comme un seul homme.
Au reste, nous verrons qui se trompe lors du vote définitif ; nous
saurons si les députés des Flandres ont ou non une opinion formée. L’expérience
nous apprendra cela.
M. de
Brouckere. - Je me rallie à la proposition du renvoi de la discussion à
lundi.
- La chambre fixe à lundi la discussion de la prise en considération de
la proposition des 24 députés des Flandres.
M. de Brouckere. - Je crois que le
rapporteur de la commission a demandé le dépôt au bureau des renseignements. Je
pense qu’il faut voter ce dépôt.
- La chambre ordonne le dépôt au bureau des renseignements.
M. Smits. - La chambre a ordonné
l’impression au Moniteur du rapport
de M. Zoude ; je crois qu’il conviendrait également d’y insérer la pétition du
sieur Vandenhove.
M. Zoude, rapporteur. - J’ai communiqué
cette pétition au Moniteur ; elle m’a
été rendue morcelée et couverte de chiffres ; je suppose qu’elle a été
imprimée.
- La chambre ordonne l’impression au Moniteur
de la pétition du sieur Vandenhove au cas où il n’y aurait pas déjà été
inséré.
Discussion portant sur les
explications données par le ministre de la guerre
M. Verrue-Lafrancq. - Des explications données par M.
le ministre de la guerre en notre séance du 18 de ce mois, et du rapport de la
section centrale pour le budget de la guerre, comparés, il résulte que M. le
ministre a cru devoir adopter l’opinion de la minorité ou, comme il le dit
lui-même, de quelques membres de cette section centrale, qui observèrent que la
majeure partie des officiers de la garde civique active en congé illimité
avaient repris leurs emplois ou leur négoce et pouvaient se passer d’un
traitement.
En réduisant donc la question à ses termes les plus simples il me semble
que la chambre n’a pu partager l’opinion de la minorité de la section centrale
qu’elle ne connaissait pas, et que par conséquent il n’a pu entrer dans son
vote d’engager le ministre à rétablir parmi ces officiers une classe de
privilégiés et à payer aux uns ce qui refusait aux autres. Mais on objecte que
la somme allouée n’est qu’un crédit que l’on peut employer et que l’on ne doit
pas épuiser, que par conséquent il est permis au ministre de faire des
économies en ne payant qu’aux nécessiteux. Je ne puis admettre cette
conséquence, parce que je crois que les crédits alloués pour traitements et
demi-soldes ne comportent d’autres économies que celles provenant de démissions
ou décès et non-remplacements, et nullement en faisant payer à quelques-uns, à
titre d’aumône pour ainsi dire, un traitement ou une demi-solde accorder à tous
ceux qui sont dans le même cas, à titre de droit acquis, puisque rien, ni dans
la demande du crédit, ni dans le rapport de la section centrale, ni dans la
discussion n’a établi le contraire.
La constitution défend expressément
d’accorder d’autres privilèges que ceux accordés par la loi ; les réclamants
ont donc pu à juste titre se croire lésés, en voyant figurer dans le budget du
ministère de la guerre une somme suffisante pour payer la demi-solde à tous
ceux qui n’y avaient pas expressément renoncé, et en apprenant à la fin de
janvier qu’un petit nombre d’entre eux étaient appelés à en jouir à l’exclusion
de tous les autres. Je partageais et je partage encore cette opinion, tandis que
si j’avais connu par la discussion du budget à laquelle j’ai assisté, qu’il
entrait dans les intentions de la chambre de n’allouer le crédit demandé que
pour les officiers de la garde civique qui n’ont pu rentrer dans la position
qu’ils occupaient avant la mise en activité, au lieu de me charger de soumettre
à la chambre la pétition des six officiers qui a provoqué ces débats, je leur
eusse conseille d’en adresser une à M. le ministre de la guerre, et je me
serais empressé de lui démontrer que quoique les six pétitionnaires soient en
effet célibataires, ils eussent mérité tous les six de toucher la demi-solde ;
car, pour ce qui concerne les quatre d’entre eux qui avant la mobilisation du
premier ban appartenaient à la légion que j’ai l’honneur de commander,
j’affirme qu’il est de ma parfaite connaissance qu’aucun des quatre n’a repris
ou pu reprendre la position qu’il occupait avant la mise en activité ; j’ai
tout lieu de croire la même chose des deux autres.
Si donc la chambre, contre mon opinion décide que sur la somme allouée
il ne doit être payé de demi-solde qu’aux officiers du premier ban qui sont
dans le besoin, je donnerai des renseignements à M. le ministre et je
l’engagerai à ne pas borner ses demandes de nouveaux renseignements sur les
réclamations reçues et qu’il recevra encore en grand nombre, aux commandants
militaires des provinces, mais aussi aux autorités communales et aux
commandants des légions des cantons auxquels appartiennent les réclamants.
M. Jullien. - Le sort des officiers de
la garde civique doit nous inspirer sans doute à tous le plus vif intérêt ;
mais il faut aussi penser un peu aux contribuables et aux charges qui pèsent
sur eux. Sous ce rapport je ne puis qu’approuver les vues d’économie de M. le
ministre de la guerre et ses investigations pour s’assurer de la position
sociale des officiers de la garde civique et connaître ceux de ces officiers
qui ont besoin de secours.
Cependant il y a ici une question de principe qu’il convient d’examiner.
S’il est vrai, comme l’a dit l’honorable préopinant, que dans la loi du
budget il n’y a eu aucune exception, et que chaque officier de la garde civique
a été compris dans le tableau présenté par le M. le ministre de la guerre lors
de la discussion du budget de son département, tous les officiers ont droit au
traitement de demi-solde. Mais je ne pense pas que ce principe ait été déclaré
quand on a voté le budget. Je crois au contraire qu’il a été admis par la
section centrale qu’il convenait de laisser au gouvernement (sauf à lui à faire
droit aux réclamations qui pourraient être faites) le soin d’examiner à quels
officiers il devrait accorder le traitement de demi-solde.
S’il fallait entendre le budget comme loi absolue, il en résulterait
pour certains officiers un véritable cumul. La chambre doit se rappeler que
dans les explications qui ont été données, il a été question d’une catégorie
d’officiers de la garde civique qui, avant d’être mobilisés, avaient des
emplois du gouvernement ; il avait été convenu que ces emplois resteraient
ouverts jusqu’à ce qu’ils pussent reprendre leurs fonctions. Lorsque les
officiers de la garde civique sont rentrés dans leurs foyers, ils ont repris
les fonctions salariées qu’ils avaient dans les ministères, dans l’administration.
Si maintenant vous leur donnez un traitement de demi-solde, il en résultera
pour eux, comme je le disais, un véritable cumul.
Si, lorsque les services de ces officiers n’ont plus été nécessaires
dans la garde civique, le gouvernement leur a rendu leurs emplois, s’il a tenu
la promesse qu’il leur avait faite, de quel droit lui demanderait-on la
continuation du traitement de demi-solde ?
D’un autre côté il y a des officiers de la garde civique qui sont dans
une position a besoin d’aucun secours qui même n’en voudraient pas ; il y a 147
de ces officiers qui ont déclaré positivement, lorsqu’ils furent rentrés dans
leurs foyers, qu’ils ne voulaient recevoir aucun secours.
Comment, après cela, voudriez-vous
donner à la loi du budget des effets absolus ?
Si vous consacrez le droit à la demi-solde de tous les officiers de la
garde civique rentrés dans leurs foyers, il y aurait à examiner si les droits
des sous-officiers et soldats ne sont pas les mêmes. C’est une question que je
ne décide pas, mais que je soumets à la chambre et à M. le ministre de la
guerre, qui doit connaître mieux que moi les effets de la dislocation de la
garde civique.
Encore une fois, je pense qu’il faut ici songer au sort des
contribuables qui finiront par se lasser de payer. Les charges qu’ils
supportent pour l’armée et pour le culte sont exorbitantes ; bientôt il faudra
travailler uniquement pour le culte et pour l’armée. Cette position ne sera pas
longtemps tolérable.
Je pense d’ailleurs que, voudriez-vous même donner à la loi du budget les
effets les plus absolus, les officiers de la garde civique qui sont rentrés
dans les emplois qu’ils occupaient avant d’être mobilisés ne pourraient sans
cumul jouir de la demi-solde.
Je me réserve de m’expliquer quand la discussion aura fourni plus de lumières
sur cette question.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). -
Je donnerai quelques explications en réponse aux questions de l’honorable
préopinant. J’ai est effet examiné les dispositions de la loi ; son art. 50
porte que : « Les gardes civiques reçoivent la solde et les prestations en
nature comme les troupes de l’armée, depuis le moment de leur mise en activité
jusqu’à l’époque de leur rentrée dans les communes. »
Le premier ban de la garde civique fut, par la loi du 4 avril 1831, mis
en activité jusqu’à la conclusion de la paix avec
Les bataillons alors mobilisés restèrent sous les drapeaux depuis le
mois d’octobre 1831 jusqu’au mois de juin
Les sous-officiers et soldats ne reçurent aucune solde ; cependant
le gouvernement désirant reconnaître le dévouement et les bons services des
officiers de la garde civique, prolongea leur traitement de non-activité
pendant les six derniers mois de 1833. Lorsque vint la discussion du budget de
1834, je demandai les fonds nécessaires pour payer à ces officiers le
traitement de demi-solde pendant les quatre premiers mois seulement de 1834. On
espérait qu’au 1er mai toute incertitude cesserait par un arrangement définitif
avec
La section centrale qui fut chargée de l’examen de ma demande de crédits
supplémentaires, ne proposa de n’accorder la demi-solde que pour deux mois (mai
et juin) ; elle fit valoir que ces officiers jouissaient de ce traitement
depuis une année, et que c’était un dédommagement suffisant pour la durée de
leurs service.
Cependant, sur la proposition d’un honorable membre, il fut décidé que
le traitement de demi-solde serait continué aux officiers de la garde civique
pendant deux mois de plus, c’est-à-dire qu’ils la recevraient jusqu’au 1er
premier septembre ; mais il fut bien entendu qu’ils ne recevraient aucune solde
pendant les quatre derniers mois de 1834.
D’après ce précédent, je ne demandai aucun fonds au budget de 1835,
parce que j’espérais que l’on pourrait prendre un parti définitif ; mais les
événements de décembre dernier et le rappel que fit de la schuttery un
gouvernement étranger, portèrent le gouvernement à demander des fonds pour
assurer le maintien des dépôts de garde civique, les renforcer au besoin, et
par suite, pour continuer le traitement de demi-solde aux officiers.
Il est vrai que, sur la somme demandée pour les dépôts de la garde
civique, 310,000 fr. avaient pour objet le paiement de la demi-solde ; mais je
pense avec un honorable préopinant que les fonds accordés au ministre ne sont
que des crédits ouverts, et qu’il dépend de lui d’admettre toutes les économies
qui lui paraissent compatibles avec l’équité.
J’ai pris tous les renseignements propres à éclairer ma justice, et j’ai
proposé au gouvernement de n’accorder la demi-solde qu’aux officiers qui m’ont
paru y avoir droit. Quant à ceux qui, en quittant l’activité ; ont repris leur
profession, leur emploi, leur négoce, ou dont la position sociale se trouvait
assurée, j’ai pensé que la demi-solde ne devait pas leur être continuée.
D’un autre côté, il n’y a pas de
comparaison à établir à cet égard entre les officiers de la garde civique et
ceux de l’armée de ligne. Les officiers de la garde civique, avant d’être
mobilisés, avaient presque tous des emplois qu’ils ont repris en quittant
l’activité, tandis que les officiers de l’armée de ligne, même en non-activité,
ne peuvent exercer ni profession ni négoce.
Cette différence est admise dans tous les Etats voisins. En France les
officiers de la garde nationale dont les services ont été requis n’ont droit à
aucune prestation quand ils sont rentrés dans leurs foyers. Il en est de même
pour la landwehr en Prusse. S’il m’est permis de citer un autre exemple, je
rappellerai que le roi de Hollande a pris une mesure analogue à celle que nous
avons prise, en décidant qu’il ne serait accordé un traitement de demi-solde
qu’aux officiers de la schuttery qui seraient dans une position à avoir besoin
d’obtenir des secours, et ce en attendant que l’on pût prendre à leur égard un
parti définitif.
En se fondant sur l’art. 50 de la loi, les officiers de la garde civique
n’ont droit à la demi-solde que jusqu’à l’époque de leur rentrée dans les
communes. S’ils y sont rentrés, ils ont pu reprendre leurs professions, leurs
emplois. Je ne crois donc pas que l’Etat soit tenu de continuer à les
indemniser.
M. Dumortier. - La question qui nous
occupe est bien plus simple qu’on ne veut le prétendre. Il suffit pour la
résoudre de lire le texte de la loi, non pas de l’article cité par M. le
ministre de la guerre, mais d’un autre article dont il a omis de parler. M. le
ministre a cité l’article 50 du décret organique du congrès. J’aurai l’honneur
de vous donner lecture de l’article 66 du même décret ; je crois que cela
suffira pour fixer votre opinion. Cet article porte :
« Aussitôt qu’une partie de la garde civique est mobilisée, elle
est assimilée à l’armée, jouit de la solde et est administrée
militairement. »
Ainsi la garde civique « jouit de la solde, » voilà son droit
; elle « est administrée militairement, » voilà son devoir.
Maintenant la question est des plus simples : pouvez-vous priver de
leurs droits une partie des officiers de la garde civique, alors que vous leur
imposez des devoirs militaires ? Voilà toute la question ; et, je le répète,
réduite à ces termes, elle est extrêmement simple. Car je ne pense pas que
personne puisse prétendre imposer des devoirs à des citoyens, en les privant
des droits corrélatifs à ces mêmes devoirs.
Si vous trouvez qu’il doit en être ainsi, modifiez la loi ; mais tant
qu’elle existe vous devez l’appliquer ; c’est d’ailleurs ce que vous avez fait
dans le budget de la guerre.
Dans le budget de la guerre, un crédit avait été proposé pour la garde
civique. M. le ministre de la guerre, à l’occasion de cette demande de crédit,
s‘est rendu dans le sein de la section centrale, pour faire valoir les droits
des officiers de la garde civique.
Déjà, dans une précédente séance, j’ai eu l’honneur de vous donner
lecture d’un passage d’un rapport au Roi, dans lequel M. le ministre de la
guerre établit les droits des officiers de la garde civique, rapport dont il
nous fut donné alors communication. J’ai en main l’original de ce rapport ; je
demanderai à la chambre la permission de lui donner une nouvelle lecture de ce
passage. Le voici :
« Il resterait une autre question plus délicate, mais dont la solution
devrait, en toute justice, être prononcée à l’avantage des intéressés ; c’est
celle du traitement ou indemnité mensuelle à accorder aux officiers qui se
trouvent en congé. Leur position précaire, par suite de leur renvoi dans leurs
foyers, n’a pas encore permis à la majeure partie d’entre eux de retrouver le
moyen de rentrer dans leur position première, ou de s’en créer une nouvelle.
(Veuillez remarquer, messieurs, que c’était M. le ministre de la guerre qui
reconnaît cela.) Plusieurs de ces officiers se trouvent dans la situation la
plus critique, privés de leurs premiers moyens d’existence, dépouillés du
traitement que leur servait de secours alimentaire, pendant qu’ils cherchaient
à s’adonner de nouveau à leur industrie.
« Il serait donc de la plus grande justice que l’allocation des
subsides nécessaires à la conservation en activité des dépôts des gardes
civiques mobilisées fût de nouveau comprise dans le budget de la guerre de
1835, et de mettre ce département à même d’accorder pour un an ou pour un terme
quelconque la demi-solde aux 312 officiers qui se trouvent en ce moment en
congé illimité, sans solde, depuis le 1er septembre de cette année. »
Vous voyez, messieurs, que M. le ministre de la guerre reconnaît les
droits des officiers de la garde civique ; il reconnaît que les priver des
avantages auxquels ils ont droit serait la plus grande injustice.
Ce rapport fut mis sous les yeux des membres de la section centrale.
Quelques-uns, comme l’a dit M. le ministre, furent d’avis, qu’il fût établi des
catégories parmi les officiers de la garde civique. Mais une seule chose doit
attirer notre attention, c’est la proposition de la section centrale. Voici
comment son rapport est conçu :
« Outre le maintien des dépôts de garde civique, le ministre propose
également de continuer aux officiers en congé la demi-solde, dont ils ont joui
jusqu’au mois de septembre dernier : mais cette proposition n’a pour objet que
le paiement de la demi-solde pendant l’année 1834.
« L’art. 1er a été calculé pour l’entretien de dépôts auxquels sont
attachés 45 officiers de tous grades et 151 sous-officiers et soldats ; enfin
pour 312 officiers en congé, dont 14 majors 72 capitaines, 87 lieutenants, 139
sous-lieutenants. »
Ainsi, M. le ministre de la guerre a reconnu l’existence du droit de
officiers de la garde civique ; dans son rapport, il dit qu’il y aurait de
l’injustice à le méconnaître ; la section centrale l’approuve, et propose à la
chambre le vote du crédit demandé ; la chambre adopte la proposition de la
section centrale. Dès lors la somme est votée avec la destination de réparer
l’injustice que le ministre de la guerre lui-même a signalée.
Maintenant un nouvel ordre de choses se présente M. le ministre de la
guerre trouve que le vote de la chambre n’est pas suffisant ; il veut faire des
économies que j’appellerai moi des injustices. La demi-solde n’a été accordée
qu’à un certain nombre privilégié d’officiers de la garde civique ; et
gardez-vous de croire que les besoins des officiers aient servi de base dans le
choix qui a été fait. On s’est borné à designer par bataillon trois officiers
auxquels la demi-solde sera accordée, c’est-à-dire que c’est une aumône que a
accordée à quelques-uns. Mais si on veut consulter les besoins des officiers,
la demi-solde eût été accordée à un plus grand nombre.
Mais, dit M. le ministre de la guerre, la plupart des officiers de la
garde civique avaient des emplois, et ils ont repris leurs emplois en rentrant
dans leurs foyers. Je dénie le fait : l’immense majorité des officiers de la
garde civique n’avaient pas d’emplois, ils sont rentrés dans leurs foyers après
avoir abandonné leur état, après avoir servi la cause du pays, et on les a
traités comme des ilotes, on leur a refusé le traitement que la loi leur
assurait.
Vous voulez dites-vous, faire des économies : faites-les alors aussi
bien sur les officiers de l’armée de ligne que sur ceux de la garde civique.
Il y a une injustice criante à faire ainsi une exception pour ces
officiers. Et le traitement de demi-solde accordé à titre de secours, à titre
d’aumône, à un petit nombre, au lieu d’être accordé à tous à titre de dette
sacrée, comme cela devrait être, devient un outrage, une offense, pour ceux que
vous choisissez.
Les officiers de la garde civique ne devraient pas être traités ainsi. Lorsqu’il
s’agissait d’affronter le danger, quels sont ceux que l’on mettait en avant ?
Lorsqu’on était en présence de l’ennemi, n’était-ce pas toujours le premier ban
qui était en première ligne ? Les ordres du jour de l’armée en font foi, et
notamment les ordres du jour du chef d’état-major général, le brave général
Desprez que nous regrettons tous ; on remerciait la garde civique que de ce
qu’elle était toujours au premier rang ; on la mettait toujours dans la
position la plus difficile, parce qu’elle était plus instruite que l’armée de
réserve.
Lorsqu’il s’agit de profiter des avantages consacrés par la loi comme
prix des services, lorsque la garde civique rentre dans ses foyers, quelle est
la conduite du gouvernement ? Toutes les faveurs sont pour l’armée. Tandis que
les décorations pleuvent sur l’armée, on n’en accorde aucune à la garde civique
; on ne la remercie même pas par ordre du jour de ce qu’elle a bien mérité du
pays.
Messieurs, j’arriverai à une objection qui a été présentée. On prétend
qu’il faut de ceci faire une question d’économie ; qu’il fait prendre en
considération le sort des contribuables, et qu’il importe de ne pas mettre au
budget des sommes qui le grossissent au-delà de certaines proportions. Je suis
complètement de l’avis de l’honorable membre. J’ai combattu longtemps, en
faveur des économies, et on ne m’accusera pas de parler aujourd’hui contre
celles qu’on peut faire : mais si les économies sont une nécessité, il est une
autre chose qui est aussi une nécessité ; c’est d’être juste. Aussi longtemps
que vous tiendrez les officiers de la garde civique dans la dépense du ministre
de la guerre, ils doivent jouir des avantages des officiers de l’armée. Or, ils
sont bien dans la dépendance du ministre, car ils ne peuvent se marier sans son
consentement ; et ils ne peuvent rien faire contre la discipline sans être
passibles des conseils de guerre.
Vous ne pouvez contester ce fait que
la garde civique a de tout temps fait partie de l’armée de réserve, et qu’elle
est assimilée aux cinquièmes bataillons des régiments de la ligne. Peut-on
alors les renvoyer dans leurs foyers sans récompense, sans honneur, sans même
les remercier par un simple ordre du jour ? Tous les officiers des cinquièmes
bataillons ont conservé jusqu’à ce jour leur solde entière : on les a replacés
dans les bataillons de l’effectif, avec un commandement, chose dont on pouvait
se passer. Vous avez donc deux poids et deux mesures ? Quand il s’agit de la
garde civique, vous la renvoyez sans honneurs, sans traitements et sans remerciements
; quand il s’agit de la ligne, vous lui accordez tout.
Si vous voulez faire des économies, renvoyez la garde civique au
ministre de l’intérieur ; démobilisez-la ; qu’elle retourne dans ses foyers ;
mais aussi longtemps que vous la soumettez au régime militaire, que vous lui en
imposerez les devoirs, vous ne pouvez lui en refuser les droits. Pourquoi
commettre des injustices envers la garde civique ? Je pourrais en citer bien
des exemples ; je n’en citerai qu’un seul : Des officiers de la garde civique
sont tenus d’avoir au moins un cheval ; et si demain ils étaient mis en
activité, ils doivent prouver qu’ils ont leur cheval ; ils doivent donc le
conserver : cependant on leur refuse les fourrages nécessaires pour le nourrir.
Voilà comment les choses se passent ; est-ce là de la justice ? Ne nous parlez
pas d’économies ; parlez-nous d’équité. Si vous voulez faire des économies ne
les faites pas sur un corps, faites-les sur tous les corps de l’armée.
M. d'Hoffschmidt. - L’honorable préopinant s’est
appuyé principalement sur l’article 66 de la loi concernant la garde civique ;
il prétend que, d’après les dispositions de cet article, le gouvernement ne
peut se dispenser de donner la demi-pension à tous les officiers de la garde
civique ; je ne suis pas de son avis. D’après cet article aussitôt que la garde
civique est mobilisée, elle est assimilée à l’armée, jouit de la solde et est
traitée militairement : mais le congrès a voulu entendre par là que la garde
civique jouirait de la solde quand elle serait sous les drapeaux, et n’en
jouirait plus dès qu’elle serait renvoyée dans ses foyers.
Cela est si vrai, que dans l’article 50 de la même loi, on trouve :
« Les officiers de la garde civique reçoivent la solde et les prestations
en nature, depuis le moment de leur mise en activité jusqu’au moment de leur
rentrée dans les communes » : Ainsi, quand ils sont dans leurs communes,
ils ne jouissent plus de traitement ni de demi-solde : c’est la évidemment
l’intention du législateur ; et j’en appelle sur ce point à tous les membres
qui ont siégé au congrès.
La question de droit n’est pas d’une difficile solution, comme vous
voyez ; examinons maintenant la question de faits.
En 1832 on a mobilisé quelques bataillons de la garde civique ; aucun
d’eux n’a essuyé le feu de l’ennemi. Un capitaine avait 1,600 florins, un major
2,000 florins : est- ce que c’est là un service qui leur a mérité de conserver
leurs traitements ?
On a parlé de la position sociale de ces officiers ; on a dit que plusieurs
d’entre eux avaient quitté leur état, et que leur situation était devenue
critique ; mais comment leur position serait-elle devenue plus mauvaise qu’elle
n’était auparavant pour s’être absentés de chez eux pendant quelques mois ? Ce
qui m’étonne dans la sollicitude que le préopinant leur témoigne, c’est qu’il
ne s’occupe pas en même temps des soldats : cependant ils ont aussi quitté leur
état et on ne leur donne rien, et on ne réclame rien pour eux ; on ne réclame
ici que pour les plus hauts huppés (On
rit.) Si des officiers de la garde civique ont perdu les ressources qu’ils
tiraient de leur industrie avant la mobilisation, accordez-leur une indemnité.
C’est ce qu’a fait M. le ministre de la guerre, et j’approuve en cela la
conduite de ce ministre ; mais je n’approuve pas le titre sous lequel il a
accordé l’indemnité : il considère les sommes qui ont été données comme de
demi-soldes ; j’aurais voulu que l’on dît clairement qu il s’agissait d’une
indemnité et pas d’autre chose.
Parmi les officiers de la garde civique, il en est un grand nombre qui
ne doivent rien recevoir, car il en est beaucoup qui appartiennent à des
familles aisées et qui n’avaient pas d’état avant de prendre les épaulettes.
S’ils demandent une demi-solde, c’est peu généreux de leur part.
Comme il vous l’a dit lui-même, il
sera plus agréable au ministre de la guerre de signer des mandats que d’être
condamné à faire des refus, afin de soutenir les intérêts des contribuables :
je le félicite de la résolution qu’il a prise et par laquelle il apporte des
économies dans son département ; je voudrais qu’il suivît la même marche pour
tous les corps de l’armée.
Son rôle, et encore moins le nôtre, n’est pas de demander
continuellement que l’on surcharge les contribuables pour faire des largesses à
des hommes aisés. En se faisant l’avocat de ces hommes, on ne fait pas
attention qu’on écrase le peuple ; car c’est lui qui paie toutes ces
générosités inutiles.
L’honorable M. Dumortier prétend que l’on force les officiers à avoir
des chevaux ; je suis convaincu que ceux qui en ont maintenant sont ceux qui en
avaient avant d’entrer au service ; plusieurs d’entre eux avaient des tilburys,
des équipages avant la mobilisation ; on ne les force pas maintenant à garder
leurs chevaux ; s’ils les conservent, c’est qu’ils le veulent bien, ; ce serait
sans doute une grande injustice que de les obliger à les garder et de ne pas
leur donner de quoi les nourrir ; mais il n’en est pas ainsi.
En résumé, je crois que M. le ministre de la guerre a fort bien fait de ne
pas accorder de demi-solde à tous ces officiers qui ont été quelques mois sous
les drapeaux dans des garnisons ; et je l’invite à persister dans ses
résolutions.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). -
Je tiens beaucoup à expliquer l’espèce de contradiction que l’on trouve entre
la dernière proposition que j’ai faite au Roi et le rapport dont M. Dumortier a
donné connaissance à la chambre.
Il est très vrai qu’aux mois de novembre et de décembre des réclamations
nombreuses des officiers nous ont été adressées ; j’en fis l’objet d’un rapport
qui a été communiqué à la section centrale, et j’y exposais que jusqu’à ce
qu’on eût pris un parti définitif, il fallait venir au secours de ceux qui
avaient des besoins. Je croyais, d’après le grand nombre de réclamations qui
étaient faites, que la majorité des 312 officiers étaient réellement dans une
position fâcheuse ; et dans cette pensée j’ai demandé à la chambre les fonds
nécessaires pour reprendre le paiement de leur demi-solde comme indemnité de
leurs services et de leur dévouement dans la situation précaire où je devais
les supposer. Toutefois je crus devoir prendre des informations sur leur
position réelle et sur les ressources dont ils pouvaient disposer, depuis
qu’ils étaient rentrés dans leurs foyers.
Les instructions que je donnai pour
en obtenir étaient tellement détaillées, et les mesures si bien prises, que
j’ai dû m’en rapporter aux renseignements qui m’étaient fournis par ce moyen. Par
là, j’appris que, sur les 312 réclamants, il n’y en avait que 78 qui eussent
réellement besoin de la solde pour attendre qu’ils aient pris ne autre
carrière, en cas de licenciement définitif.
Néanmoins, j’ai laissé la porte
ouverte à toutes les réclamations. 46 me sont parvenues ; j’ai fait droit à 21
; les 25 autres sont en instruction, et je réitère ici l’assurance que tout
officier qui aura besoin d’un secours avant d’avoir pris une autre carrière,
l’obtiendra.
Quant aux chevaux des officiers en demi-solde, on ne les astreint pas à
en avoir, et ils n’ont aucun droit à la ration. Ils peuvent le conserver si
cela leur fait plaisir ; mais c’est à eux à les entretenir. Il n’y a que
l’officier supérieur qui est au dépôt auquel on doive le fourrage ; cependant,
quand il n’y a pas de cheval, il n’a pas droit d’en recevoir.
M. de Brouckere. - Il me semble
que la manière dont nous procédons n’est pas régulière ; si la discussion doit
continuer, je voudrais au moins que ce fût sur une proposition formelle. Il n’y
a maintenant rien à mettre aux voix et la discussion ne peut avoir aucun
résultat.
M.
Gendebien. - Si ce que dit l’honorable M. de Brouckere était fondé, il
s’en suivrait que nous aurions fait une chose irrégulière en renvoyant à ce
jour la discussion du rapport présenté par le ministre. Nous discutons ce
rapport maintenant ; quand nous serons éclairés par la discussion, nous ferons
une proposition. La proposition à faire est celle de demander que l’on se
conforme à la loi. Il n’y a que deux cas pour la garde civique : la garde
civique sédentaire et la garde civique mobilisée. Le premier ban est-il dans la
catégorie de la garde civique mobilisée ? Si la réponse est affirmative, il
faudra bien le payer jusqu’au moment où l’on aura mis dans la catégorie de la garde civique sédentaire.
M. de
Brouckere. - Ce n’est pas la première fois qu’on a fait une observation
semblable à celle que je vous ai présentée. J’ai fait la même demande lors de
la discussion relative aux pêcheurs d’Anvers : j’ai demandé alors que l’on
formulât une proposition ; je le demande encore. La discussion ne peut
continuer dans l’état actuel des choses.
M. Gendebien. - C’est la première
fois qu’on s’opposerait à la discussion d’un rapport présenté par un ministre.
M. Jullien.
- Lorsque vous renvoyez une pétition à un ministre avec demande d’explications,
que les explications sous données et que vous fixez un jour pour soumettre les
explications à la discussion, il est assez étrange qu’on nous demande ce que
nous faisons ; mais nous ne faisons autre chose que donner suite à ce que nous
avons résolu.
On demande une proposition formelle : attendez la fin de la discussion
et vous saurez quelle proposition il faut formuler.
Le gouvernement dit qu’il doit se
conformer à la loi ; mais c’est là la question puisque nous ne sommes pas
d’accord sur le sens de la loi. Avant de formuler une proposition, il faut que
vous soyez d’accord sur la portée des articles 50 et 66 de la législation sur
la garde civique.
Il ne faut pas étouffer la discussion que vous avez ouverte ; et ce
serait l’étouffer que de donner suite à la proposition de M. de Brouckere. Je demande que la
discussion continue, à moins qu’une proposition n’y mette fin.
M. le
ministre des finances (M. d'Huart). - Je veux appuyer la proposition de
M. de Brouckere. Puisqu’il n’y a
aucune conclusion prise, où veut-on en venir ? Le ministre de la guerre a donné
les explications qu’il pouvait donner ; il a déclaré que c’était à titre de
secours qu’il accordait des demi-soldes ; il ne peut déclarer que ce qui est.
Il a donné des secours à quelques officiers et point à tous. Voilà les faits.
Que l’on fasse une proposition, ou que la discussion cesse, car elle est sans
but.
M.
Desmanet de Biesme. - La discussion est la suite de la pétition déposée
sur le bureau par M. Verrue. On a voulu entendre des explications du ministre
avant de prononcer sur cette pétition ; les explications sont données. Que
pouvons-nous faire actuellement ? la renvoyer au bureau des renseignements, ou
la renvoyer au ministre, ou encore passer à l’ordre du jour. Si vous êtes
satisfaits des explications données par le ministre, je pense que vous devez
passer à l’ordre du jour ; et c’est à quoi je conclus.
M. Gendebien. - On ne peut pas clore
une discussion après une demande d’ordre du jour. J’ai écouté attentivement ce
qui a été dit et je vais formuler une proposition. Je la rédige.
M. Lebeau. - Je partage l’opinion
exprimée par M. de Brouckere ; je crois que la discussion n’aboutira à rien ;
je crois qu’elle est même en dehors du règlement.
Que dit la constitution relativement aux pétitions ? Que les chambres
peuvent les renvoyer aux ministres avec demande d’explications. Que demande le
règlement ? Il veut qu’une commission spéciale fasse un rapport et prenne des
conclusions.
Lorsque le ministre a satisfait au vœu de la chambre, lorsqu’il a fourni
les explications, j’ai peine à comprendre le but d’une discussion sur ces
explications, car il n’y a pas de proposition formulée.
L’honorable M. Gendebien a dit tout à l’heure que, pour faire une
proposition à l’occasion d’une pétition, il fallait au moins attendre la fin
des débats qu’elle avait soulevés ; mais ces débats ont lieu naturellement
lorsque le rapport sur les pétitions a été fait à la chambre ; alors les membres
qui croyaient que le ministre ne s’était pas conformé à la loi lui ont renvoyé
le mémoire.
Le renvoi d’un mémoire à un ministre
a pour but d’attirer l’attention de ce haut administrateur sur une demande
soumise à la chambre ; si les explications qu’il donne sont de nature à prouver
que la demande n’était pas fondée, alors il faut passer à l’ordre du jour ; si les explications n’ont
pas convaincu la chambre, il y a lieu de demander le dépôt au bureau des
renseignements ; et c’est à quoi je conclus, car je n’ai pas mes apaisements
sur les mesures prises par le ministre de la guerre.
Quand on demande le dépôt au bureau
des renseignements, c’est afin de permettre d’examiner quelle proposition il y
a lieu de faire. Mais la proposition que l’on peut faire doit subir toutes les
formalités voulues par la loi. Si M. Gendebien rédige une proposition, il doit
donc demander le dépôt au bureau des renseignements et se soumettre au
règlement : c’est-à-dire que sa proposition déposée sur le bureau sera renvoyée
aux sections, prise en considération, puis de nouveau renvoyée aux sections ou
soumise à une commission, etc. Si l’honorable M. Gendebien déclare qu’il veut
suivre cette marche, je n’ai plus rien à dire.
Je le répète, je conclus au dépôt du bureau des renseignements.
M. Gendebien. - Mon intention n’est
pas surprendre la chambre par une proposition intempestive, pas plus que je ne
désire être surpris moi-même dans le droit que j’ai de faire une proposition.
Je me range à celle qu’a faite l’honorable préopinant, sans cependant admettre
les observations dont il l’a accompagnée.
Je me réserve la faculté de faire une proposition, s’il y a lieu. (Appuyé.)
M. Dumortier. - Je demande
positivement que l’article 66 de la loi sur la garde civique soit exécuté à
l’égard des officiers du premier ban mobilisé, aussi longtemps qu’ils restent
soumis aux devoirs que leur position leur impose. Je demande que la loi soit
exécutée.
Un
membre. - Mais
c’est là la question.
M. Dumortier. - La question est bien
simple. L’article 66 porte : « Aussi longtemps que la garde civique est
mobilisée, elle est assimilée à l’armée, et est administrée
militairement. »
Cette disposition établit donc à la fois les devoirs et les droits de la
garde civique mobilisée. Vous devez la traiter sur le même pied que l’armée.
Un
membre. - On ne
paie pas les soldats ; pourquoi paierait-on les officiers ?
M.
Dumortier. - Cette objection n’en est pas une. Quand on renvoie un
régiment en congé illimité, les soldats ne reçoivent aucune solde tandis que
les officiers ont droit à la moitié de la leur.
La question est des plus simples ; Le premier ban de la garde civique
est-il ou n’est-il pas mobilisé ? S’il est mobilisé, nous ne pouvons refuser
aux officiers les droits que la loi leur accorde. S’il n’est pas mobilisé, s’il
est définitivement rentré dans ses foyers, il est incontestable que le ministre
de la guerre ne peut plus le retenir sous le régime militaire. Il y a pour vous
nécessité d’exécuter la loi dans les deux cas. Il ne peut pas y avoir de
question en face d’un texte aussi simple que celui-ci. Vous mobilisez la garde
civique ; vous l’assimilez à l’armée ; vous l’administrez militairement ; vous
devez donc donner à ces officiers la solde de l’armée. Si vous renvoyiez un
régiment dans ses foyers, est-ce que vous oseriez refuser à ses officiers la
demi-solde à laquelle la loi leur donne droit ? vous n’oseriez pas le faire. Il
y a vraiment ici un déni de justice. L’iniquité est crainte. Si vous voulez
faire des économies, faites-les, mais avec justice. Congédiez la garde civique,
si vous le trouvez bon, vous en avez le droit ; mais aussi longtemps que vous
la maintenez sous la férule militaire, vous commettez, en lui refusant les
avantages que la loi lui accorde, une violation flagrante de la constitution.
Nous verrons si la chambre se rendra complice de cette violation.
M. Desmanet de Biesme. -
Loin de blâmer M. le ministre de la guerre, je me trouve disposé à lui donner
mon approbation. Le pays décidera s’il a bien agi…
Plusieurs
membres. -
Parlez sur la motion d’ordre.
M. le président. - Il y a trois motions
d’ordre : celle de M. Lebeau qui consiste dans le dépôt au bureau des
renseignements, celle de M. Desmanet de Biesme qui conclut à l’ordre du jour,
et celle de M. Dumortier, dont je viens de donner lecture.
M.
Desmanet de Biesme. - Je retire ma proposition et me rallie à celle de
l’honorable M. Lebeau. Je
demande à la chambre la permission de parler sur la proposition de M. Dumortier. (Parlez ! parlez !)
Il y a une différence très grande entre les officiers de l’armée et ceux
de la garde civique. Ceux de l’armée sont entièrement à la disposition du
ministre de la guerre ; ils ne peuvent exercer aucune profession. Les officiers
de la garde civique mobilisée ont pu en rentrant dans leurs foyers, reprendre
leurs anciennes occupations. Il y a parmi eux des notaires, des employés, etc.,
qui ont repris leurs fonctions ou leur état. Si le ministre leur disait : Vous
allez recevoir la demi-solde, mais vous abandonnerez votre état ; il n’en est
presque pas un qui ne préférât ne rien recevoir à ce prix, parce qu’il savent
qu’outre sa modicité, rien n’est plus précaire que la demi-solde, puisqu’à la
première apparence de paix, l’on s’empressera de licencier la garde civique.
Il y a dans la garde civique des officiers qui ont de la fortune.
D’autres ont des moyens d’existence très restreints. A ceux-ci, le gouvernement
accorde une demi-solde. S’il y a eu de l’injustice dans la répartition, c’est à
eux à adresser leurs réclamations de ce chef. Mais je crois que la mesure
adoptée par M. le ministre est avantageuse à l’Etat. Elle sera approuvée par le
pays et même par les officiers de la garde civique mobilisée. Ceux-ci ne
seraient nullement satisfaits, si, pour recevoir la demi-solde, ils étaient
obligés de renoncer aux fonctions qu’ils occupent ou à l’état qu’ils exercent.
M. Desmaisières. - Je donnerai à la chambre des explications
sur ce qui s’est passé dans le sein de la section centrale à l’égard des
officiers de la garde civique. Cette question a été discutée le 15 décembre
dernier. J’en ai tenu note. La discussion a été fort longue. Mais l’on n’a pris
aucune résolution formelle. L’on a soutenu comme à présent que les soldats de
la garde civique ne recevant aucune solde en congé illimité, les officiers
n’avaient pas plus de droit qu’eux à être payés. (Erratum au Moniteur belge n°54, du 23 février 1835 :) A cela,
il a été répondu par M. Dumortier et par moi que les soldats de la ligne ne
recevaient rien non plus en congé illimité, et que par conséquent ce n’était
pas une raison pour refuser la demi-solde aux officiers de la garde civique.
Nous avons été tous d’accord sur deux points : le premier relatif aux
fonctionnaires publics : Nous avons dit que les fonctionnaires publics rentrés
par suite de leur congé dans l’exercice de leurs fonctions ne devaient pas
recevoir de demi-solde du chef de leur qualité d’officiers de la garde civique.
D’ailleurs le cumul n’est pas permis.
Nous avons aussi été d’accord sur la
nécessité qu’il y avait d’introduire des économies dans les dépenses de l’Etat
et sur le sens des articles 50 et 66 de la loi organique sur la garde civique
combinés. L’article 66 dit positivement : « Aussitôt qu’une partie de la
garde civique est mobilisée, elle est assimilée à l’armée, jouit de la solde,
et est administrée militairement. » Lorsque la garde civique est renvoyée
en congé illimité, elle ne cesse pas d’être mobilisée Elle a droit à la solde
de l’armée. Les officiers de l’armée reçoivent la demi-solde. Donc ceux de la
garde civique mobilisée en congé illimité ont droit à la recevoir : Telles sont
les raisons alléguées en faveur de l’opinion soutenue par l’honorable M. Dumortier.
Je ne partage pas l’opinion de l’honorable M. d’Hoffschmidt qui tire du
deuxième paragraphe de l’art 50 la conséquence que dès l’instant que la garde
civique rentre dans les communes, tout traitement quelconque cesse absolument.
Je crois que ce paragraphe n’a pas eu en vue la rentrée en congé illimité, mais
signifie rigoureusement la démobilisation.
Nous devons tous désirer diminuer
les charges des contribuables et surtout ne pas maintenir celles qui peuvent
être inutiles. Or c’est une charge inutile que de payer l’officier de la garde
civique qui, renvoyé en conge illimité dans ses foyers n’a pas, par sa position
de fortune, besoin d’une demi-solde Ce serait manquer à ce que nous devons aux
contribuables. Il est vrai qu’aux termes de la loi sur la garde civique nous
n’avons que deux moyens d’ôter aux officiers de la garde leur demi-solde :
d’abord par la démobilisation, et en second lieu par le vote d’une loi
interprétative des articles 50 et 66 de la loi du 31 décembre 1830. Je regrette
que la précipitation avec laquelle nous avons voté il y a deux mois une loi
complémentaire sur la garde civique, ne nous ait pas permis de proposer un seul
amendement interprétatif.
M.
d'Hoffschmidt. - La proposition de M. Dumortier me semble, il faut le
dire, singulière. Il veut que la chambre dise au ministre d’exécuter la loi.
Mais il n’y a pas besoin d’une proposition pour cela. Les ministres ne peuvent
non plus que tout autre, se dispenser de l’exécuter.
M. Dumortier. - Le texte est formel.
M. d'Hoffschmidt.
- C’est votre opinion, mais ce n’est pas celle de la chambre.
Si l’honorable M. Dumortier persiste dans sa proposition, je demanderai
qu’elle suive la filière ordinaire que prescrit le règlement. Aux termes de
l’article 35, toute proposition faite par un membre doit être déposée sur le
bureau pour être envoyée ensuite dans les sections. Nous verrons alors si elle
sera prise en considération par l’assemblée, j’en doute fort car elle est
inadmissible.
M. de Brouckere. - Je voulais
faire observer que la disposition de M. Dumortier est insolite et inadmissible.
M. d’Hoffschmidt en a déjà fait ressortir le principal motif. Quel serait le
but de la chambre en ordonnant que le ministre se conforme à la loi ?
Serait-ce à dire que dans certains cas il pourrait ne pas s’y conformer ?
Dépendra-t-il de chaque membre de faire consacrer par une décision de la
chambre l’interprétation qu’il a cru devoir donner à une disposition
législative ? La proposition de M. Dumortier tendrait de plus à amener la
chambre à empiéter sur les attributions du pouvoir exécutif. Je propose par
conséquent la question préalable et me rallie à la motion de M. Lebeau.
M. Pirson. - Je me déclare satisfait des
explications de M. le ministre de la guerre. Si l’on n’avait pas retiré la
motion d’ordre du jour, je l’aurais votée. Cependant, je ne la reprendrai pas
parce que je respecte les scrupules de ceux de mes honorables collègues qui ne
se croient pas suffisamment éclairés. Je motiverai en peu de mots mon opinion.
Notre état militaire ressemble à notre état politique. Il y a incertitude de
part et d’autre. M. le ministre de la guerre allait, conformément aux vœux de
la chambre, exécuter des plans d’économie, lorsque l’avènement d’un ministère
tory dans un pays voisin répandit l’alarme dans
M. Lebeau. - Je n’ai qu’un mot à dire
pour appuyer la question préalable ; c’est qu’en supposant que la proposition
de M. Dumortier fût votée à l’unanimité, elle ne produirait point le résultat
qu’en attend son auteur. La chambre aura décidé que le ministre de la guerre
doit exécuter la loi. M. le ministre répondra : Je l’exécute. A quoi aboutira,
dans ce cas, la décision de la chambre ?
M. Gendebien. - Je suis loin de
m’opposer à la clôture si l’on entend voter sur la proposition de M. Lebeau
seulement. (Oui ! oui !) Je me
réserve de faire une proposition dont je vais donner lecture à la chambre.
« Léopold, etc.
« Considérant qu’aux terme des article 36, 37, 50 et 66 de la loi
du 31 décembre 1830, la garde civique ne peut être placée dans deux positions :
« 1° De service sédentaire.
« 2° De mobilisation.
« Considérant que par la loi du 4 avril 1831 le congrès a autorisé
la mobilisation de la garde civique, et que par la loi du 29 décembre 1831 la
chambre a autorisé le gouvernement à prolonger le service du premier ban de la
garde civique jusqu’à la conclusion de la paix avec
« Considérant que par les
arrêtés des 13 avril et 7 juin 1831 le régent a mobilisé le premier ban de
toutes les gardes civiques de
« Considérant qu’aussi longtemps que ces dispositions ne seront pas
révoquées, les officiers du premier ban de la garde civique doivent, aux termes
des articles 50 et 66 de la loi précitée, être traités sur le même pied que les
officiers de l’armée de ligne ;
« Nous avons, etc.
« Article 1er. Aussi longtemps que le premier ban de la garde civique
sera mobilisé, ses officiers recevront soit la solde d’activité, soit la solde
de non-activité, ainsi que les indemnités de fourrage sur le même pied que les
officiers de l’armée de ligne.
« Art 2. La présenté loi sera exécutoire à dater du jour de sa
promulgation. »
M. Dumortier. - Je déclare retirer ma
proposition par suite des observations qui ont été faites. Mais ce n’est pas
par le motif allégué par l’honorable M.
de Brouckere. Il a professé selon moi une hérésie constitutionnelle, en
prétendant que l’objet de ma proposition n’était pas dans les attributions de
la chambre. Je crois que la législature a toujours le droit de faire exécuter
les lois par les ministres. Je me rallie à la proposition de M. Lebeau et à celle
de M. Gendebien.
- La discussion est close.
La proposition de dépôt de la pétition des officiers de la garde civique
de
EXPLICATIONS DU
MINISTRE DE
M. le ministre de la guerre (M. Evain). -
Un honorable membre m’a fait, dans la séance d’avant-hier, une interpellation
relative au traitement des ophtalmistes par M. Lubin. J’ai l’honneur de
présenter à la chambre les renseignements que j’ai reçus à cet égard. (L’impression !)
- L’impression du rapport de M. le ministre de la guerre est ordonnée.
(Note du webmaster : ce rapport
est repris à la fin du Moniteur du même jour. Le texte de ce rapport est inséré
dans la présente version numérisée juste ici dessous.)
M. le ministre de la guerre (M. Evain). -
Messieurs, ne voulant négliger aucun moyen de parvenir à extirper de notre
armée le fléau de l’ophtalmie qui exerce ses ravages depuis près de 20 ans,
j’avais, dès l’année 1833, autorisé un major d’infanterie à faire traiter
secrètement par M. Lubin, dont on vantait le spécifique employé pour la
guérison de cette maladie, 10 hommes de son bataillon alors en garnison à
Bruxelles, et les envoyant dans un local que j’avais fait préparer, au lieu de
les faire entrer à l’hôpital militaire de la place.
Les billets qui leur furent donnes pour leur entrée à l’hôpital, par les
médecins du corps, constatent bien qu’ils étaient atteints d’ophtalmie et
qu’ils devaient être mis en traitement pour cette cause ; mais l’état de leurs
yeux ne fut pas décrit dans le billet d’entrée. Ces hommes, après un traitement
de 7 à 27 jours furent déclarés guéris par M. Lubin et parurent tels à
l’officier supérieur chargé de leur surveillance.
Appuyé sur le résultat heureux de ce premier essai et sur le compte qui
en fut rendu aux chambres et au gouvernement, qui désirèrent que de nouvelles
expériences fussent encore tentées, je donnai suite à une demande qui fut
adressée au nom de M. Lubin pont l’autoriser à traiter ostensiblement les
ophtalmistes de l’armée qui seraient confiés à ses soins, et je fis approprier
un local pour les recevoir convenablement.
Mais, voulant être bien assuré des effets de ce traitement, je nommai
une commission de trois membres pour en suivre tous les détails, en laissant
néanmoins à M. Lubin toute l’autorité nécessaire pour employer son spécifique
comme il l’entendrait et prescrire le régime qui lui conviendrait.
Cette commission fut composée du major d’infanterie que j’avais chargé
du premier essai ;
D’un employé supérieur du département de la guerre, ayant la plus grande
confiance dans le spécifique qui devait être employé et qui avait rédigé la
demande adressée au Roi au nom de M. Lubin ;
D’un médecin dont l’impartialité m’était bien assurée, et qui, à ce
titre comme à tous autres, a acquis toute ma confiance.
Cette commission fut mise sous la surveillance de l’inspecteur-général
du service de santé de l’armée, mais sans qu’il eût à s’immiscer dans les
détails, et seulement pour me rendre compte de résultats.
Dès les premiers jours de septembre, on envoya à l’établissement 13
hommes, tant de la garnison que de ceux alors en congé, après avoir fait
constater l’état de leurs yeux par les médecins de l’hôpital militaire.
Désirant connaître si les effets du spécifique de M. Lubin pouvaient
avoir un bon résultat dans les divers degrés de la maladie, je décidai, d’après
l’avis émis par la commission, qu’on évacuerait des hôpitaux de Louvain et de
Gand, qui avaient alors un trop grand nombre de malades, 48 ophtalmistes qui
furent, à leur arrivée, classés par catégories et divisés en deux parties
égales, afin qu’à la suite de cette répartition, faite avec soin et justice, le
sort pût décider quels seraient ceux qui seraient confiés aux soins de M.
Lubin, et ceux qui seraient remis au traitement de l’hôpital militaire.
Dans les 24 ophtalmistes que reçut M. Lubin, 13 venant de l’hôpital de Louvain
n’étaient attaqués que de cas assez légers mais les 11 qui venaient de
l’hôpital de Gand, présentaient généralement des cas graves, et qui avaient
résisté depuis longtemps aux traitements employés dans les hôpitaux, et que M.
Lubin me déclara néanmoins avoir l’espoir de guérir promptement.
Ainsi 37 ophtalmistes ont été traités dans l’établissement de M. Lubin,
sans compter huit militaires en congé, réformés, ou pensionnés, que j’ai
autorisés depuis cette époque à suivre le traitement dans l’établissement.
C’est sur ces 37 malades, plus ou moins gravement attaqués de
l’ophtalmie, que la commission fut chargée d’exercer une surveillance
attentive, de constater chaque jour le résultat du traitement, et de m’en
rendre compte.
Cette expérience commencée le 1er septembre a été continuée jusqu’au 16
de ce mois, ce qui fait un laps de temps de cinq mois et demi et il en résulte :
1° Que, sur les 37 malades, 16 se trouvaient encore en traitement au 16
février ;
2° Que, sur ces 16 malades :
2 étaient encore aveugles, mais l’un d’eux l’était déjà à son arrivée.
Et pour les 14 autres, plusieurs ont éprouvé, pendant la durée du
traitement, des accidents qui ont aggravé leur état, et les autres n’ont
éprouvé aucune amélioration.
3° Que, sur les 21 sortis de l’établissement sur la demande de M. Lubin,
5 sont sortis guéris, et les autres atteints de granulations qui les ont fait
renvoyer de leurs corps, en congé de convalescence.
D’après le compte qui m’a été rendu du résultat du traitement des 37
malades traites à l’hôpital militaire
7 avaient été complètement guéris.
25 étaient dans un état d’amélioration, mais l’un d’eux est mort par
suite du typhus.
3 n’en avaient pas éprouvé.
I était plus malade qu’à son entrée.
2 étaient devenus borgnes.
1 était devenu aveugle.
Les membres de la commission à qui je demandai, dans les premiers jours
de décembre, un nouveau rapport sur le résultat du traitement pendant les trois
premiers mois, ne furent pas d’accord sur ces résultats et chacun d’eux
m’adressa un rapport particulier exprimant son opinion individuelle.
Un des commissaires (le fonctionnaire du département de la guerre),
après s’être plaint de ce que les ophtalmistes envoyés à l’établissement
avaient été choisis parmi ceux qui offraient le moins de chances de guérison, termine
ainsi son rapport :
« Je suis intimement convaincu que si le spécifique de M. Lubin est
employé dans le principe, lorsqu’un cas d’ophtalmie se déclare dans un
régiment, et même, de temps à autre, comme moyen préservatif, le fléau qui
désole l’armée disparaîtra bientôt. »
Le major d’infanterie, membre de la commission, déclare « que la
violence du spécifique employé a occasionné les accidents les plus graves,
causés par la purulence survenue ; que, dans son opinion, les choses ont bien
changé de face, et que, quelque croyance qu’il ait eue dans les moyens curatifs
de M. Lubin, il est obligé de convenir que les effets n’ont pas répondu à son
attente, surtout d’après le résultat qu’il avait obtenu du premier essai, qui
avait motive son rapport du 19 décembre 1833. »
Le médecin, membre de la commission, m’adressa un rapport détaillé sur
l’état individuel des 37 malades confiés aux soins de M. Lubin, et il conclut
des résultats qu’il présente : « qu’il faut renoncer au genre de
traitement employé par M. Lubin, et renvoyer ceux des malades qui sont encore à
l’établissement, soit à l’hôpital militaire, pour y être traités par les moyens
ordinaires, soit à leurs dépôts ou dans leurs foyers, ceux qui ne sont attaqués
que de granulations, suite de la malade, et qui ne disparaissent qu’après un
laps de temps assez long. »
Je crus cependant devoir laisser continuer le traitement, et c’est le 9
de ce mois que, sur la demande que m’adressa M. Lubin de faire sortir de son
établissement 13 des 19 malades qui s’y trouvaient encore, j’ordonnai la
suppression de l’établissement.
Je dois vous dire, messieurs, que, dans les premiers mois de
l’expérience, l’amélioration des malades fut assez rapide, mais qu’il y eut
réaction au mois d’octobre, et que la cause en fut attribuée à l’infection du
local, qui tenait à son exiguïté. Ce fut pour obvier à cet inconvénient que,
sur la demande de M. Lubin, une partie des malades fut placée au dépôt du
premier régiment, et vint tous les jours recevoir l’application du traitement
donné par M. Lubin dans l’établissement.
L’état individuel des 16 malades restant au 16 février a été constaté
par deux membres de la commission et par l’inspecteur-général du service de
santé. Le troisième membre de la commission s’est refusé d’assister à cette opération,
et en donne pour motif que, ne connaissant nullement la valeur des expressions
techniques employées par les deux médecins dans la rédaction du procès-verbal
qu’ils ont dressé eux-mêmes, il ne pouvait, en conscience, ratifier de sa
signature le contenu de ce procès-verbal, croyant d’ailleurs remarquer une
prévention marquée dans les questions adressées aux malades.
D’un autre côté, M. Lubin, que j’avais remercié de ses soins et de son
dévouement, se plaint de ce que, par les dispositions qui ont été prises, l’on
n’a eu d’autre but que de le faire échouer dans l’expérience qu’il tentait dans
la seule vue de l’humanité et des services qu’il pouvait rendre à l’armée, et
cependant il rend justice aux efforts que j’ai faits pour qu’il eût toute la
liberté d’agir et de diriger l’établissement confié à ses soins.
Devant cependant ne m’en rapporter qu’aux résultats obtenus par M. Lubin
et à l’hôpital militaire pendant ces cinq mois d’épreuve, j’ai pensé,
messieurs, que cette expérience était bien suffisante, et que l’on pouvait en
conclure que si le spécifique de M. Lubin produit d’heureux effets dans
quelques cas d’ophtalmie, il en est d’autre, sur lesquels il n’en produit
aucun, et qu’il peut même aggraver.
Je pense donc qu’il ne peut être appliqué à tous, et que ces divers cas
doivent être traités par les méthodes adoptées par nos médecins dans nos
hôpitaux militaires.
Nous devons à leurs soins, à des mesures qui ont été prescrites dans le
courant de l’année dernière, une diminution sensible dans les ravages que
faisait dans notre armée le fléau de l’ophtalmie ; en maintenant encore les
précautions prises pour en garantir nos soldats, nous parviendrons, du moins on
m’en donne l’assurance, à atténuer les effets de cette cruelle maladie, si nous
ne pouvons encore la faire entièrement disparaître.
Voici, messieurs, quels ont été ses effets et les résultats du
traitement pendant les neuf derniers mois de l’année 1834 ;
6,452 militaires sont entrés aux hôpitaux pour cause d’ophtalmie ; mais il
est à remarquer qu’un assez grand nombre y est entré 2 ou 3 fois par suite de
nouvelle attaque. (Il y en a quelques-uns qui y sont entrés 7 fois en trois
années.)
3,371 ont été complètement guéris et renvoyés à leurs corps.
2,397 ont été envoyés en convalescence dans leurs foyers, n’étant plus
atteints que de granulations palpébrales qui exigent le repos et un assez long
temps pour disparaître entièrement.
108 ont été renvoyés aux dépôts de leurs corps avec la vue intacte, mais
comme susceptibles d’être réformés pour d’autres causes.
109 sont devenus borgnes et ont été réformés avec une gratification de
120 fr.
91 sont devenus aveugles et ont été admis provisoirement à la pension.
376 restaient en traitement à l’époque du 1er janvier 1835. Ce résultat,
tout pénible qu’il soit, est cependant dans des proportions moins fortes que
dans les années précédentes, et c’est par ce motif que j’ai cru devoir vous le
faire connaître.
Mais, dans le rapport général qui vous sera bientôt soumis, j’exposerai
en détail les observations faites pendant l’année dernière, le résultat des
mesures de précaution prises et du traitement employé.
Il me suffit dans ce moment de vous donner l’assurance que la maladie
n’est plus aussi répandue dans l’armée qu’elle l’a été dans les années
précédentes.
Et je soutiendrai tous les efforts du corps médical de l’armée et des
officiers pour arriver le plus tôt possible. à l’extirpation complète de cette
cruelle maladie.
RAPPORTS SUR DES PETITIONS
M. de Roo, premier rapporteur, monte à
la tribune. - « Par pétition en date du 20 juin 1834, la veuve Fixhon, de
Liége, dont le fils, sous-lieutenant d’artillerie, est mort au service, demande
une pension. »
Renvoi au ministre de l’intérieur.
- Adopté.
______________
M. de Roo, rapporteur. - « Par
pétition en date du 29 juin 1834, huit fabricants de savon de Bruges et
environs demandent que les droits à l’entrée sur les savons étrangers soient
augmentés. »
Renvoi au ministre des finances et à la commission d’industrie, et dépôt
au bureau des renseignements.
Ils démontrent l’impossibilité où se trouvent cette industrie de
soutenir la concurrence avec les savons étrangers qui inondent le pays si les
droits à l’entrée sur cette marchandise restent fixés ainsi qu’ils le sont par
la loi du 26 août 1822. Ils demandent en conséquence la révision du tarif, et
indiquent les droits proportionnels à établir pour maintenir la concurrence.
Les droits dont nos savons sont frappés en Angleterre équivalent à une
prohibition, et en France ils sont entièrement prohibés.
- Les conclusions de la commission sont prohibées.
M. de Roo, rapporteur. - « Par pétition
en date du 20 juin 1834, six légionnaires demandent que la pension attachée à
la croix d’honneur et les arriérés leur soient payés. »
Renvoi à la commission chargée de l’examen de la proposition de M.
Corbisier et au ministre de l’intérieur.
Les pétitionnaires, se disant légionnaires du martyr de Sainte-Hélène,
exposent que, criblés de blessures, ils se trouvent dans un état malheureux, et
livrés avec leur femmes et enfants à la misère. Ils ne veulent pas en dire
davantage parce que le tableau dégoûtant qu’ils en traceraient serait une
injure aux mânes du grand homme.
Il paraît que parmi ces signataires la plupart se trouvent sur la liste
qui nous a été fournie par M. le ministre de l'intérieur, pour lesquels il y a
une allocation au budget.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
_________________
M. de Roo, rapporteur. - « Par pétition
en date du 24 juin 1834, le sieur Egide Bronselaer, militaire pensionné, se
plaint de ce que son frère, ancien clerc de l’église d’Anderlecht, ait été
remplacé dans ses fonctions. »
Ordre du jour.
Le pétitionnaire dit que son père était clerc de cette église
(d’Anderlecht), et que cette place était depuis plus de 300 ans dans sa famille
lorsque le curé s’est avisé de donner cette place à un célibataire, qui a la
place de greffier de la justice de paix, ce qu’il prétend incompatible et
inconstitutionnel.
_________________
M. de Roo, rapporteur. - « Par pétition
en date du 27 juin 1834, la dame De Ray réclame le paiement de l’indemnité qui
lui revient du chef de l’incendie de son magasin de bière, par les Hollandais,
en septembre 1830. »
Conclusion. Renvoi à la section centrale chargée de la loi sur les
indemnités.
L’exposante se plaint de ce que la chambre ne s’occupe pas de la loi
matérielle faisant l’objet de sa demande.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
_________________
M. de Roo, rapporteur. - « Par pétition
en date du 30 juin 1834, un grand nombre de propriétaires de terres, situées
dans
Renvoi au ministre de l’intérieur et dépôt au bureau des renseignements.
Ils appuient leur demande sur l’utilité et la nécessité de
l’établissement de ce canal.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M. de Roo, rapporteur. - « Par pétition
en date du 13 juillet 1834, les fabricants de piano de Bruxelles demandent que
les pianos étrangers soient imposés à leur entrée en Belgique d’un droit égal à
ceux dont sont frappés les pianos belges à l’étranger. »
Renvoi au ministre des finances, à la commission d’industrie et dépôt au
bureau des renseignements.
Ils exposent que leur fabrication a acquis un degré de perfection, que
Il est entré, en 1833, pour une valeur de fr. 220,000.
L’exportation se monte a 30,000.
Or, une différence réelle de 190,000 fr. est passée entre les mains des
étrangers et a privé une foule d’ouvriers belges de travail, ce qui prouve que
cette industrie belge a besoin d’appui. Ils demandent que les droits d’entrée
en Belgique des pianos étrangers soient les mêmes que ceux perçus en France.
M. A. Rodenbach. - Ce n’est pas au
ministre des finances, mais au ministre de l’intérieur que la pétition doit
être renvoyée. Car vous savez que c’est le ministre de l’intérieur qui est
chargé de la tarification. On attend, dit-on, des détails statistiques ; les
pétitions qui nous arrivent à chaque instant, prouvent que notre tarif de
douane doit être changé. Il est vraiment ridicule que les produits étrangers
puissent entrer en Belgique en payant un droit aussi minime que celui de 5 p.
c. Encore ce droit se réduit-il en fait à 3 et même à 2 p. c.
Les pétitionnaires ont raison de dire que notre pays est exploité par ce
système de liberté illimitée qu’on a adopté, car on peut considérer comme une
liberté illimitée la faculté de faire entrer des marchandises en payant le
modique droit de 5 p. c.
Il est plus que temps que le ministre de l’intérieur s’occupe de
modifier le tarif des douanes qui met en souffrance une foule d’industries.
Nous avons des facteurs de pianos qui ont du talent. Les pianos allemands ne valent
pas mieux que les nôtres, ils sont peut-être un peu moins chers. Nous ne devons
pas ôter à nos ouvriers les moyens de travailler.
J’appuie le renvoi au ministre de l’intérieur et à la commission
d’industrie, et je prie M. le ministre de l’intérieur d’avoir égard aux
pétitions qu’on lui adresse et de ne pas les mettre au panier, comme j’ai lieu
de penser que cela arrive pour beaucoup. Au reste, je ne cesserai de réclamer
des modifications à notre tarif de douanes, persuadé que si on continue le système
suivi jusqu’à présent, on ruinera
- Les conclusions de la commission et le renvoi au ministre de
l’intérieur sont adoptés.
M.
Zoude, autre rapporteur de la commission des pétitions, est appelé à la tribune. - « Plusieurs
fermiers des communes de Wyschaete, Gheluvelt, Zantvoorde, Commines, Moorsele,
Giatteghem,, et un grand nombre de cultivateurs de la commune de Menin,
district d’Ypres, demandent l’abolition ou une diminution sur les tourteaux de graine
grasse venant de France.
Déjà, messieurs, plusieurs demandes relatives à cet objet ont été
adressées à la chambre et il est dans le souvenir de votre commission que le
ministère, qui y est autorisé par la loi, avait promis de faire droit à ces
réclamations.
Voici comment la loi s’exprime : « Il est réservé au Roi de
diminuer les droits d’entrée sur les tourteaux jusqu’à concurrence de 10
centimes par
Or, cet intérêt a parlé de nombreuses réclamations ont été adressées à
ce sujet tant au congrès qu’aux législatures suivantes. Votre commission estime
qu’il est temps de les accueillir, et c’est pour hâter la décision du
gouvernement, que nous avons l’honneur de vous proposer le double renvoi de ces
pétitions au ministre de l’intérieur et à la commission d’industrie.
M. A. Rodenbach. - Messieurs, je
reviens encore sur notre système de douanes, où nous voyons des anomalies
étonnantes ; on laisse sortir sans droits les produits de la terre qui sont les
matières premières de nos industries, et on frappe d’un droit énorme ce qui
sert à les obtenir. Ainsi on laisse sortir le lin et on frappe d’un droit de 1
fr. 50 c les tourteaux alors que, pour cultiver les lins et quelques autres
produits, il faut mille kilos de tourteaux par hectare.
C’est ainsi qu’on laisse entrer les bateaux sans droits et qu’on impose
les engrais. C’est là un système totalement ruineux.
Je répète à M. le ministre qu’il doit avoir égard aux observations des
députés et des pétitionnaires, afin que le droit de pétition ne soit pas un
vain mot.
- Les pétitions sont renvoyées à M. le ministre de l’intérieur et à la
commission d’industrie.
M.
Zoude, rapporteur.
- « Le sieur Vreucop, ex-officier de la garde civique, adresse des
observations sur le projet de réorganisation de la garde civique. »
Les observations du pétitionnaire sur le projet de réorganisation de la
garde civique ont paru dignes de l’attention du gouvernement, c’est pourquoi
votre commission a l’honneur de vous en proposer le renvoi à M le ministre de
et à la section centrale qui sera chargée de l’examen de ce projet de loi.
M. Dumortier propose en outre le
dépôt au bureau des renseignements.
- Les conclusions de la commission et le dépôt au bureau des
renseignements sont adoptées.
M.
Zoude, rapporteur.
- « La dame veuve Tackoen réclame le paiement d’une rente de 140 fl. que lui
doit la ville de Nivelles et hypothéquée sur des chaussées. »
La dame Tackoen vous expose qu’elle s’est adressée à la chambre à
l’effet d’obtenir le paiement d’une rente de 140 fl. que lui doit la ville de
Nivelles, pour un capital hypothéqué sur une chaussée dont l’Etat s’est emparé.
Sa demande ayant été accueillie par l’ordre du jour, motivé sur ce que cette
affaire était de la compétence des tribunaux, elle a attrait la ville de
Nivelles en justice ; mais le tribunal invoquant un arrêté du roi Guillaume, du
5 mai 1816, non seulement a rejeté sa demande, mais condamnée aux frais de
l’instance.
Dans la position pénible où elle se trouve plongée par l’effet de ce
jugement, elle a de nouveau recours à vous, messieurs, pour réclamer de votre
équité la révocation de l’arrête spoliateur de Guillaume qui ne peut plus
subsister en présence de la constitution.
Votre commission a l’honneur de vous proposer le renvoi de cette
pétition au ministre de l’intérieur.
M. Gendebien. - Je propose d’ajouter
: avec demande d’explications.
- Les conclusions de la commission ainsi modifiées sont adoptées.
M.
Zoude, rapporteur.
- « Les anciens agents du cadastre de la province du Limbourg réclament le
paiement de leurs salaires et indemnités pour opérations cadastrales. »
Messieurs, déjà vous aviez renvoyé semblable demande de la part des
employés du Luxembourg à votre commission du cadastre qui s’était fait un
devoir de prêter son appui aux réclamants, et justice leur avait été promise et
même rendue en grande partie ; la cause des pétitionnaires étant la même,
l’administration supérieure aurait dû aller au-devant des réclamations de cette
nature, puisque le ministre des finances avait mis des fonds suffisants à sa
disposition pour cet objet ; mais enfin, puisque votre commission du cadastre
n’a pas obtenu un résultat plus satisfaisant de ses sollicitations, nous avons
l’honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre des
finances.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M.
Zoude, rapporteur.
- « Les sieurs Delu, saunier, Viane Chateleyn, Debuscher, Pardon, sauniers
à Tirlemont, et Titeux, adressent des observations sur le projet de loi sur le
sel.»
Messieurs, la commission de révision des lois financières est occupée
dans ce moment de l’examen de ce projet, et les observations consignées dans
ces diverses pétitions pouvant être utilement consultées, votre commission vous
proposé leur renvoi M. le ministre des finances.
M. A. Rodenbach. - Je demanderai
quand le projet de loi sur cet objet sera présenté ; on a dit qu’il était prêt.
M. le ministre des finances (M. d'Huart).
- Le projet est fait, mais la commission de révision des impôts ne l’a pas
encore examiné. Elle en est saisie, et dés qu’elle l’aura approuvé, ou qu’elle
y aura proposé les modifications qu’elle croira utiles, je vous le présenterai.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M.
Zoude, rapporteur.
- « Plusieurs habitants de la commune d’Assche demandent d’être déchargés
du fardeau des logements milliaires. »
Les pétitionnaires exposent que, depuis la révolution, ils ont été
constamment surchargés de logements militaires, que la situation de leur
commune rendant ce mal sans remède, ils en supportent le fardeau sans murmure ;
mais ce dont ils se plaignent, ce qui fait le sujet de leurs doléances, c’est
le poids écrasant d’un cantonnement de cavalerie qui pèse exclusivement sur eux
depuis deux ans, tandis que des communes de leur voisinage également situées
sur des routes, réunissant tout ce qui est nécessaire pour loger convenablement
les hommes et les chevaux, en sont totalement exemptés : ils ne veulent pas
chercher et encore moins indiquer les causes qui font écraser les uns pour
ménager entièrement les autres, ils se bornent à vous adresser leurs plaintes
et à réclamer l’égalité dans les charges du logement des troupes en
cantonnement.
Déjà, messieurs, sur des plaintes de même nature, adressées dans cette
enceinte au ministre de la guerre, beaucoup de communes ont été soulagées ;
celle d’Assche réclame la même justice.
Votre commission, appuyant cette demande de tous ses efforts, vous en
propose le renvoi au ministre de la guerre, avec demande d’explications.
M. Pollénus. - J’appuie les
conclusions de la commission. D’après le feuilleton, on ne demandait pas
d’explications ; mais M. le rapporteur l’ayant fait, je me borne à appuyer sa
proposition. Vous vous rappellerez que, dans le courant de l’été, j’ai été
chargé de présenter un rapport sur les plaintes de diverses communes contre la
prolongation des cantonnements militaires. Il a été clairement démontré alors
qu’il n’appartenait pas au département de la guerre d’écraser les populations
par des logements militaires, à moins que la nécessité ne justifiât cette
mesure. Le ministre de la guerre a senti la justesse des réclamations de
diverses communes, notamment de la province de Namur, et il a promis de faire
cesser cet abus. Si on considère la profusion avec laquelle on accorde au
département de la guerre toutes les sommes qu’il vient pétitionner, on se
demande comment il est possible que la chambre souffre qu’une charge aussi
exorbitante que les cantonnements militaires, charge qui n’est justifiée par
rien, se prolonge dans l’état de paix.
Si nous avions la guerre, il n’y
aurait rien à dire, la nécessité justifierait tout, j’ai commencé par le dire ;
mais cette nécessité n’étant pas aujourd’hui démontrée, je pense que M. le
ministre de la guerre doit s’expliquer sur les motifs qui lui font prolonger
cette charge dans différentes communes. La commune d’Assche se plaint de
l’avoir constamment supportée depuis la révolution. Il faut que cela finisse.
On sait d’ailleurs que les cantonnements augmentent les dépenses de
l’administration de la guerre. On est étonné que le ministre alors qu’il a tant
de casernes à sa disposition maintienne des cantonnements qui lui coûtent
beaucoup plus qu’un casernement.
J’appuie donc les conclusions du rapport.
M. Jullien. - Je suis de ceux qui se sont élevés
avec le plus d’énergie contre la charge des logements militaires et des
cantonnements, mais je dois à la justice de dire qu’en exécution de sa
promesse, le ministre de la guerre est en pourparler avec plusieurs régences du
royaume pour établir des écuries. Une proposition de cette nature a été faite à
la régence de Bruges et à la régence de Namur.
Et quant à la ville de Bruges, elle adhère pleinement à la proposition
du ministre. On va faire construire des écuries pour le casernement d’un nombre
de cavaliers proportionné aux besoins du service. Je crois qu’il en est de même
pour les autres villes. C’est une justice que j’ai cru devoir rendre au
ministre de la guerre avec d’autant plus de raison qu’il est absent.
M.
le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je prends la parole pour
confirmer ce que vient de dire l’honorable préopinant. Je sais que plusieurs
arrangements comme celui dont on vient de parler, ont été pris avec plusieurs
régences.
M. Pollénus. - Les observations qui
viennent d’être faites, peuvent très bien s’appliquer à la pétition suivante,
mais dans celle-ci ce n’est pas de la prolongation des cantonnements de
cavalerie qu’on se plaint, mais des logements militaires en général.
M.
Zoude, rapporteur.
- C’est une erreur ; le pétitionnaire ne se plaint que des cantonnements de
cavalerie.
M. Pollénus. - C’est égal, c’est un
abus sur lequel il est nécessaire que le ministre donne des explications.
M. le ministre des finances (M. d'Huart).
- Il est évident que, quand on aura des écuries suffisamment, on ne laissera
plus la cavalerie en cantonnement, puisque cela coûte plus cher qu’un
casernement.
Mais je dois m’élever contre la manière dont le préopinant a qualifié
une chose sur le simple énoncé d’une pétition. Quand vous aurez entendu les
explications du ministre, vous verrez s’il y a abus. Je ne peux pas admettre
qu’on qualifie ainsi d’abus ce qui n’en est pas un, ou au moins ce qui vous
sera démontré n’en pas être par les explications que vous donnera le ministre.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
_________________
M.
Zoude, rapporteur.
- « Le sieur Huard demande qu’il soit établi des baraques pour loger les
chevaux dans les cantonnements de cavalerie. »
Le pétitionnaire demande à la chambre de faire cesser la chargé pénible
autant qu’illégal que les cantonnements militaires font supporter à quelques
communes ; il expose que, dans telle localité, un contribuable qui paie pour
l’année une contribution personnelle de 20 fr., en dépense 60 par mois pour
logements militaires. Il repousse cette contribution contraire à l’article 110
de la constitution, et si on prétend qu’au moyen de l’indemnité, il n’y a pas
d’impôt, il invoque l’art. 16 qui déclare le domicile inviolable.
Chaque fois que les abus de ces cantonnements vous ont été signalés,
vous avez manifesté le désir de voir les communes débarrassées de ce fardeau,
et c’est pour que la voix de la chambre se fasse encore entendre, que votre
commission vous propose le renvoi de cette pétition au ministre de la guerre.
- Adopté.
M.
Zoude, rapporteur.
- « Le sieur Davreux, aîné, fabricant de tulles à Bouillon, demande une
réduction des droits à l’entrée sur les cotons filés pour tulles. »
Messieurs, la réduction du droit que sollicite le pétitionnaire avait
été une des conditions qu’il mettait à l’introduction de sa fabrique en Belgique,
et votre commission d’industrie, dans le rapport quelle a eu l’honneur de vous
faire, mentionne en effet cette demande qu’elle se proposait d’appuyer quand
l’occasion s’en présenterait ; nous espérons que cette occasion sera prochaine,
puisque la tarification de ce fil se trouve dans le projet de loi qui vous a
été soumis par MM. les députés des Flandres ; toutefois, votre commission a
l’honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition au ministre de
l’intérieur et son dépôt au bureau des renseignements.
M. Dumortier. - Je demande en outre
le renvoi à la commission d’industrie.
- Le double renvoi est ordonné, ainsi que le dépôt au bureau des
renseignements.
M.
Zoude, rapporteur.
- « Le sieur J. B. Thanvoye demande que les chevaux de médecine ne soient
plus assimilés aux chevaux de luxe. »
Le pétitionnaire se plaint dans des termes peu ménagés du sens torturé
que l’on donne à la loi sur la contribution personnelle, pour en faire résulter
l’assimilation des chevaux de médecins à ceux de luxe. Justice devant être
rendue à tous, quand même elle serait réclamée en termes inconvenants, votre
commission avait pensé d’abord de proposer le renvoi de cette pétition au
ministre des finances ; mais considérant ensuite que s’il y a violation de loi,
le pétitionnaire est entier dans son recours vers les tribunaux, elle vous
propose l’ordre du jour.
M.
Gendebien. - Je ne pense pas qu’on puisse traiter aussi durement le
pétitionnaire, surtout l’objet de sa pétition. On ne doit pas faire payer de
contributions pour les chevaux des médecins comme étant des chevaux de luxe. Il
me semble qu’il faut renvoyer purement et simplement la pétition au ministre
des finances. Il y a longtemps que la jurisprudence des tribunaux est favorable
aux médecins quant à l’exemption du droit qu’il voulait leur faire payer pour
leurs chevaux. Il faut que le ministre des finances examine la question.
Je ne puis considérer comme cheval de luxe le cheval d’un médecin ou
d’un artiste vétérinaire. Dans les campagnes les artistes vétérinaires sont
souvent obligés de faire des courses de plusieurs lieues et des courses plus
longues que les médecins, car il y en a moins que de médecins. Il leur faut
nécessairement un cheval, pour se rendre aussitôt là où on les appelle ; sans
cela le cheval, le bétail serait mort quand ils arriveraient.
Vous ne pouvez pas appeler cela un cheval de luxe. Un artiste vétérinaire
gagne 7 ou 800 fr. par an, vous ne pouvez pas l’imposer pour le cheval au moyen
duquel il se procure ces 7 ou 800 fr.
Je demande donc le renvoi au ministre des finances.
M. le
ministre des finances (M. d'Huart). - Je ne veux point m’opposer au
renvoi de la pétition, si c’est simplement pour qu’on y ait égard lois de la
révision de la contribution personnelle, mais si c’est pour faire dire que l’on
a mal appliqué la loi, quant aux chevaux de luxe relativement aux médecins,
bien que cela me paraisse rigoureux, je dois faire remarquer que les médecins
sont mieux traités par les tarifs qu’ont ne voudrait le faire croire.
M. Eloy de Burdinne. - Je ne
puis être de l’avis de M. le ministre des finances. Les employés du fisc
transigent avec les médecins. En cela, comme en bien d’autres choses, je répète
ce que j’ai dit sur la loi de la contribution personnelle, qu’il y a une
bigarrure complète.
M. Zoude, rapporteur. - J’ai dit que les paroles du pétitionnaire
étaient tellement inconvenantes, que votre commission a conclu à l’ordre du
jour.
Les expressions qui sont contenues dans sa demande sont de la dernière
insolence. (L’orateur lit quelques
phrases de la pétition.)
Plusieurs
voix. - L’ordre
du jour.
M. Jullien.
- Il est très vrai que la loi ne dispose pas que les chevaux de médecins
devront payer l’impôt ; la loi disposé que les chevaux qui servent à une
industrie quelconque, ne le paient pas. On a d’après l’ancienne fiscalité
élargi ce principe. Est-il possible qu’un médecin de village puisse se passer
d’un cheval ? Si on pose la question, tout le monde répondra négativement. Un
cheval est de première nécessité pour un médecin de campagne. C’est donc sous
l’influence de l’ancien gouvernement qu’on a décidé la question. Il est à ma
connaissance que lorsque des tribunaux avaient donné gain de cause, il fallait
bien que le jugement s’exécutât ; mais l’année suivante on taxait encore le pauvre
médecin. Voilà peut-être pourquoi le pétitionnaire s’est servi de termes un peu
véhéments. Ce n’est pas une raison, messieurs, pour lui faire un déni de
justice en ordonnant l’ordre du jour. Je demande, pour ma part, le renvoi à M.
le ministre des finances.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). -
L’honorable M. Jullien vient de vous prouver aussi bien que moi, ce que j’ai
avancé tout à l’heure, car il a dit que les tribunaux l’avaient décidé ainsi.
Je n’insisterai donc plus sur ce fait. L’honorable M. Eloy de Burdinne a parlé
de la bigarrure qui existait, selon lui, dans la contribution personnelle, je
vais essayer de répondre à cela. Vous savez, messieurs, qu’il y a des chevaux
mixtes qui ne doivent payer que 7 florins, tandis que d’autres en paient 20.
Les chevaux mixtes sont ceux qui travaillent à l’agriculture, et les
distinctions sont parfaitement bien observées entre ces différentes catégories
de chevaux.
M. Eloy de Burdinne. - La loi
ne reconnaît de chevaux mixtes que pour l’agriculture. Nulle part il n’y est
dit quels chevaux seront dans le cas de payer 7 florins au lieu de vingt. Les
médecins dans les campagnes ont tous des chevaux plus ou moins employés à
l’agriculture ; il arrive de là que les uns paient 7 florins et d’autres vingt.
C’est une infraction à la loi : ou le cheval doit vingt florins, ou il ne doit
rien du tout.
M. Jullien. - Tous les tribunaux n’ont
pas décidé la question, comme me l’a fait dire M. le ministre des finances. On
peut citer quelques exemples sous l’ancien gouvernement, et vous savez fort
bien qu’alors un juge qui ne se serait pas volontiers prêté à tous les caprices
de la fiscalité, aurait fort bien pu être congédié. Car les juges à cette
époque n’étaient pas inamovibles. Et si bien des personnes n’ont pas appelé,
c’est qu’elles ne se souciaient pas de poursuivre un procès pour 20 fl. Si vous
reconnaissez qu’il y a de l’injustice dans la loi à faire payer cet impôt aux
personnes qui exercent une industrie, vous ne devez pas permettre qu’elles
plaident contre vous, et j’adresse cette observation à M. le ministre des
finances, que je crois assez juste pour ne point agir dans un sens qui lui
semblerait douteux en équité.
M. le président. - Il y a deux
propositions relativement à cette pétition. La première, qui est la conclusion
de la commission, est l’ordre du jour. La seconde est le renvoi à M. le
ministre des finances.
- L’ordre du jour est adopté.
M. Jullien. - Je n’ai point entendu
dans la pétition des termes injurieux pour la chambre.
M.
Zoude, rapporteur.
- « Les avoués composant la chambre des avoués près la cour d’appel de
Liége et les membres de la chambre de discipline des huissiers de
l’arrondissement de Liége, demandent que le tarif des frais et dépens soit le
même pour les trois cours d’appel du royaume. »
« Même demande de la part de la chambre de discipline des huissiers
de l’arrondissement de Liége. »
Les avoués et huissiers près la cour de Liège exposent que par un décret
du 16 fév. 1807, il a été statué que pour les cours d’appel autres que Paris,
Bordeaux et Bruxelles, la taxe des frais portés au tarif serait réduite de 1/10
: que cette mesure qui pouvait être convenable alors qu’il y avait des
classifications différentes entre les cours d’appel, doit cesser aujourd’hui
que nos trois cours sont mises sur la même ligne quant au traitement des
magistrats qui les composent.
Votre commission s’est demandé s’il y avait lieu à accorder
l’augmentation réclamée ; mais elle a pensé que l’examen de cette question
n’était pas de sa compétence, que pour en proposer la solution, il eût fallu
s’entourer de renseignements que le ministre de la justice seul doit posséder.
Votre commission a examiné ensuite la question de savoir si, dans le cas
où cette augmentation serait jugée équitable, elle pouvait être accordée par
arrêté ou par une loi.
L’art. 1042 du code de procédure civile porte qu’il y aura des
règlements d’administration publique pour la taxe des frais ; ces
renseignements ont eu lieu par divers décrets impériaux.
Or, il paraît de principe que ce qui a été réglé par décret impérial,
peut être modifié par arrêté royal.
L’art. 544 du même code dit bien que le règlement déterminant la
liquidation en dépens sera présenté en forme de loi ; mais il ne s’agit pas ici
d’établir un tarif, mais de son application.
Votre commission croit qu’il y aurait lieu de prononcer l’uniformité du
tarif pour les trois cours, si cette mesure était jugée convenable, utile ou
nécessaire. Du reste l’examen de cette question entrant plus particulièrement
dans les attributions du ministre de la justice, votre commission vous propose
de lui faire le renvoi de cette pétition.
- Adopté.
M.
Zoude, rapporteur.
- « Plusieurs propriétaires de prairies dites prés du Tertre et des
Herbières demandent que le passage établi sur quelques parties de ces prairies
soit converti en chemin vicinal. »
Les pétitionnaires exposent que le canal de Mons à Condé ayant coupé en
deux leurs prairies du Tertre et des Herbières, ils en éprouvent un préjudice
notable, non seulement par la difficulté de transporter leurs récoltes, mais
encore pour faire parvenir leurs bestiaux sur les prairies où ils ont droit de
parcours du 1er octobre au 15 mai, que le gouvernement français, qui a fait
construire le canal, aurait pu leur éviter le tort qu’ils éprouvent, s’il avait
donné une autre direction au pont dit des Herbières, que ce tort ne pourrait
être réparé qu’en achetant un passage à travers des prairies non soumises au
parcours, que ces achats n’ayant pas été fait par le gouvernement français, la
charge doit en incomber au gouvernement actuel, qui le remplace ; cette
question étant du ressort du ministère de l’intérieur, votre commission vous
propose de lui faire rendre compte de cette pétition.
- Le renvoi de la pétition au ministre de l’intérieur est ordonné.
_________________
M.
Zoude, rapporteur.
- « Le sieur Vandersmissen, adjudicataire de la fourniture du pain aux
garnisons de Gand et Termonde, demande qu’ensuite de la loi sur les céréales,
il lui soit alloué une indemnité. »
Le pétitionnaire se plaint de ce que la loi sur les céréales ayant fait
augmenter le prix du pain, par suite il a éprouvé des pertes sur l’entreprise
des rations de pain qu’il devait fournir aux garnisons de Gand et de Termonde.
Votre commission vous en propose l’ordre du jour.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M.
Zoude, rapporteur.
- « Plusieurs exploitants de diverses société charbonnières de Charleroy
réclament l’intervention de la chambre pour qu’il soit établi des caisses d’épargnes
dans le district. »
L’établissement des caisses d’épargne proposé par les pétitionnaires, a
paru à votre commission devoir être abandonné à l’industrie particulière ; en
conséquence, elle vous en propose le dépôt au bureau des renseignements.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M.
Zoude, rapporteur.
- « Un grand nombre d’habitants de Bruxelles et de Nivelles demandent que
la chambre abroge les dispositions législatives qui empêchent M. Lubin de faire
usage de son spécifique. »
M. le ministre de la guerre ayant présenté un rapport sur une pétition
relative au sieur Lubin, je demande que la chambre ajourne la discussion sur
cette pétition, afin que la commission puisse présenter un rapport plus étendu.
M. Jullien. - Je demande que les
explications données par M. le ministre de la guerre soient renvoyées à la
commission des pétitions et que la discussion sur ces explications et sur la
pétition, dont il s’agit maintenant, soit fixée à vendredi prochain.
- La proposition de M. Jullien est adoptée.
M.
Zoude, rapporteur.
- « Albert De Bat et consorts réclament contre le projet du sieur Brasseur
d’établir à Ostende une machine à vapeur pour moudre le grain. »
Les pétitionnaires, meuniers de profession, exposent à la chambre qu’un
sieur Brasseur est en demande d’autorisation pour construire un moulin à blé
qui serait mu par la vapeur, que si cette concession était accordée, leur
industrie serait entièrement ruinée ; qu’il pourrait en résulter d’ailleurs les
plus grands dangers pour la ville d’Ostende, parce que cette usine doit être
érigée à peu de distance d’un magasin à poudre ; que leur crainte à cet égard
n’est pas chimérique, puisqu’en 1825, l’éclat d’un chaudron a occasionné la
mort de plusieurs habitants de la ville.
Votre commission, dans l’intérêt de la sécurité des habitants d’Ostende,
vous propose le renvoi de cette pétition à M. le ministre de l’intérieur.
M. Lebeau.
- Je demande l’ordre du jour. Il est au-dessous de la chambre de descendre dans
ces détails de pure exécution.
Il y a une loi qui donne au gouvernement le droit de statuer sur les
demandes d’établissement de machines à vapeur et d’érection d’usines. D’après
cette loi, ces demandes, suivant les catégories dans lesquelles sont placées
les établissements dont il s’agit doivent être adressées au gouvernement ou à
sa députation provinciale.
Je pense donc que les pétitionnaires doivent s’adresser à la députation
provinciale, si elle est compétente, au gouvernement s’il est compétent.
L’administration n’a aucun intérêt à ce qu’un établissement dangereux soit
placé près d’un magasin à poudre. Le soin doit être abandonné à l’autorité qui
en est chargée par la loi.
Si la chambre accueillait cette pétition, elle encouragerait à
s’adresser à elle chaque fois que d’après la loi il y aurait lieu à s’adresser
au gouvernement.
Je demande que la chambre passe à l’ordre du jour.
M. Gendebien. - J’appuie la
proposition de l’ordre du jour, mais sans adhérer aux motifs énoncés par
l’honorable préopinant. Je pense que tout citoyen a le droit de faire ce qu’il
veut, à moins qu’il ne nuise à des tiers lesquels devront alors recourir aux
tribunaux.
M. Lebeau. - Je parle d’après la loi.
M. Gendebien. - Et moi d’après la
constitution.
M. Lebeau. - Je ne dis pas que la loi
soit bonne ; mais aussi longtemps qu’elle existe, qu’elle soit bonne ou
mauvaise, il faut la respecter ; il faut que le gouvernement en surveille
l’exécution.
M.
Zoude, rapporteur.
- L’ordre du jour avait d’abord été adopté par la commission.
- L’ordre du jour est prononcé.
M.
Zoude, rapporteur.
- « Le chanoine Triest, à Gand, demande que la chambre alloue une somme au
budget de 1835 pour l’entretien des enfants pauvres, aveugles et muets. »
Le secours que sollicite le respectable chanoine Triest, en faveur des
sourds et muets, a été voté par la chambre.
Votre commission vous propose le dépôt de cette pétition au bureau des
renseignements.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
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M.
Zoude, rapporteur.
- « Le sieur Carton, vicaire à Ardoye, présente des observations sur
l’entretien des sourds et muets. »
Renvoi au ministre de l’intérieur.
Le sieur Carton, qui paraît avoir fait une étude particulière sur
l’enseignement des sourds et muets, présente des vues que votre commission
estime dignes de l’attention du gouvernement.
C’est pourquoi elle vous propose le renvoi de son mémoire à M. le
ministre de l’intérieur.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
M.
Zoude, rapporteur.
- « La dame veuve Houtain à Bruxelles, demande la continuation de la
pension dont elle a joui sous l’ancien gouvernement, à titre d’indemnité, pour
la houillère dont elle a été dépouillée par la loi des concessions des
mines. »
La dame Houtain vous expose qu’elle était propriétaire et
concessionnaire d’une houillère établie à St-Gilles, faubourg de Liége, sur une
propriété patrimoniale de 100 bonniers.
Qu’elle a dépensé pour cette exploitation avec ses auteurs une somme de
800 mille francs, qu’elle avait notamment établi des travaux pour environ 200
mille francs sur un terrain qu’elle avait cru de bonne foi être compris dans
les limites de sa concession, mais qui à titre d’extension a été accordé à un
Hollandais, concessionnaire d’une houillère voisine ; que cette extension de
concession aurait été le fruit de l’erreur, et a occasionné sa ruine totale, à
tel point que dénuée de ressources, elle s’est adressée au Roi Guillaume, qui
appréciant sa position, et la reconnaissant pour ainsi dire victime de l’erreur
dont elle se plaignait, lui accorda une gratification de 400 florins dont elle
a joui chaque année depuis 1822 jusqu’au moment de la révolution qui pour elle
a été un jour de malheur puisque tout secours lui a été refusé depuis cette
époque et qu’elle se trouve maintenant dans un état voisin de l’indigence.
Elle demande que par les mêmes
motifs qui ont déterminé l’ancien gouvernement, la chambre veuille lui
continuer l’indemnité de 400 florins.
Votre commission croit devoir appuyer cette pétition ; à cet effet elle
a l’honneur de vous en proposer le renvoi aux ministres de l’intérieur et des
finances.
M. le ministre de l'intérieur (M.
de Theux). - Je dois faire connaître que cette affaire est en instance.
J’ai demandé des renseignements à M. le gouverneur, il en a déjà donné qui ont
été insuffisants.
Du reste, je ne m’oppose pas au renvoi proposé.
- La pétition est renvoyée aux ministres de l’intérieur et des finances.
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M.
Zoude, rapporteur.
- « Le sieur Glorieux adresse des observations sur le projet de loi de
l’instruction publique. »
Le projet de loi sur l’instruction est en discussion dans les sections.
Chacun des membres de la chambre a reçu un exemplaire du mémoire de M. Glorieux
; le but de l’auteur étant ainsi simultanément rempli, votre commission propose
de faire déposer au bureau des renseignements le mémoire dont il vous est fait
hommage.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
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M.
Zoude, rapporteur.
- « Le sieur Sugmond Fremery, fabricant à Eupen, royaume de Prusse, demande
que la chambre adopte une loi qui permette d’aliéner une partie du domaine de
l’Etat. »
Le pétitionnaire, propriétaire d’une fabrique de drap à Eupen, royaume
de Prusse, demande à la chambre d’autoriser le gouvernement à lui vendre quatre
bonniers à prendre dans la forêt d’Hertogenwald.
Votre commission, considérant qu’aucun projet de loi n’existe encore sur
la matière, a l’honneur de vous proposer l’ordre du jour.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
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M.
Zoude, rapporteur.
- « Plusieurs bateliers de Lokeren, Tamise, etc., adressent des
observations relatives à la navigation. »
Les pétitionnaires, après avoir exposé l’état fâcheux de la navigation
des eaux intérieures, proposent des moyens d’amélioration que votre commission
n’estime nullement praticables.
Toutefois, appréciant la bonne volonté des auteurs de la pétition, elle
vous en propose le dépôt au bureau des renseignements.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
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M.
Zoude, rapporteur.
- « Cinq bateliers de Tournay réclament le paiement des pertes éprouvées
en 1794, pour des bateaux chargés de fourrages, incendiés par l’armée
française. »
Conclusion : Ordre du jour.
Il y a vers 41 ans que les pétitionnaires ont éprouvé de la part de
l’armée française, le dommage dont ils demandent la réparation.
La commission regrette ainsi que vous, messieurs, que la situation du
trésor ne permette pas d’accueillir toutes les réclamations, de soulager toutes
les souffrances. C’est par cette considération qu’elle vous propose l’ordre du
jour.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
La séance est levée à quatre heures trois quarts.