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d’intention
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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du mercredi 21 janvier 1835
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre
2)
Conventions internationales
3)
Projet de loi portant le budget du département de l’intérieur pour l’exercice
1835.
a)
Discussion générale. (A : nomination de nouveaux gouverneurs ;
B : statut juridique des sociétés anonymes non autorisées par le Roi (code
de commerce) ; C : canal d’écoulement dans les Flandres) (A, C (Van Hoobrouck), A, C, B (Gendebien),
B (Ernst), C (de Muelenaere),
opérations de milice dans le Luxembourg (d’Hoffschmidt,
de Theux, d’Huart, Rogier, d’Hoffschmidt)
b)
Discussion des articles. Sûreté de l’Etat (de Brouckere,
de Theux, H. Dellafaille, de Robaulx, de Brouckere, H. Dellafaille, de Theux, Desmanet de Biesme, de Theux, de Robaulx, Gendebien, H. Dellafaille, de Robaulx, de Brouckere, Nothomb, de Robaulx, Eloy de Burdinne, de Theux, H. Dellafaille,
(+expulsion d’un étranger) Gendebien, Nothomb, de Robaulx, Gendebien, Lebeau), secours aux
anciens militaires belges aux Indes (de Theux, Verdussen, Gendebien, de Theux), secours à d’anciens employés de ce ministère (de Theux,
Ernst, Verdussen, Rogier, H. Dellafaille, de Theux), légionnaires de l’empire (A.
Rodenbach, Fallon), indemnités pour dégâts
occasionnés par la guerre et la révolution (Legrelle, H. Dellafaille, Gendebien, Pirson), frais d’administration dans les provinces (Rogier), nombre de conseillers provinciaux (Gendebien, de Theux, Eloy de Burdinne, Gendebien, Desmanet de Biesme), notamment dans le Luxembourg (de Theux, d’Hoffschmidt, H. Dellafaille, Nothomb) et à
Namur (Lebeau, H. Dellafaille,
Lebeau, Pirson, de Theux)
(Moniteur belge n°22, du 22 janvier 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
M.
de Renesse procède à l’appel nominal à une heure moins un quart.
M. Brixhe donne lecture du procès-verbal. La rédaction
en est adoptée.
M.
de Renesse donne communication des pièces suivantes adressées à la
chambre.
«Trois vicaires du
district de Maestricht demandent que la chambre veuille bien décider le plus
tôt possible qui doit leur payer les traitements qu’on leur accorde, ou l’Etat,
ou la commune. »
- Renvoyé sur la demande
de M. de Renesse à la section centrale
chargée d’examiner la loi communale.
________________
« Le sieur Huart demande
qu’il soit établi des baraques en bois pour loger les chevaux de la cavalerie
qui sont dans les cantonnements. »
- Renvoyé à la
commission des pétitions.
CONVENTIONS INTERNATIONALES
La lettre suivante est
adressée à M. le président :
« M. le président,
d’après les ordres du Roi et pour satisfaire au premier paragraphe de l’article
68 de la constitution, j’ai l’honneur de déposer sur le bureau de la chambre :
« 1° Les
conventions conclues entre
« 2° Les
déclarations échangées entre
« Je saisis cette
occasion de vous offrir, M. le président, les assurances de ma plus haute
considération.
« Le ministre des
affaires étrangères, de Muelenaere. »
Discussion générale
M. Van Hoobrouck. - Messieurs, lorsque, dans la
séance d’hier, j’ai demandé la parole, c’était pour répondre à la partie du
discours de l’honorable M. Gendebien qui avait rapport au canal d’écoulement
des eaux des Flandres. L’opinion que j’ai émise dans une autre circonstance a
été l’objet d’une critique si vive, que je dois entrer devant la chambre dans
quelques explications.
Messieurs lorsque j’ai
parlé d’un mot devenu malheureusement célèbre, c’est parce que j’avais remarqué
que d’honorables orateurs, entre autres M. Gendebien, avaient donné à ce mot
une portée qui n’était pas dans l’esprit de M. Charles Vilain XIIII. S’il en
avait pu être autrement, si j’avais pu croire que M Vilain XIIII attachât à ce
mot l’acception qu’on lui donne ordinairement, je ne serais pas venu faire
l’apologie de doctrines que j’ai constamment combattues dans cette enceinte ;
j’aurais été le premier à protester. Mais j’avais la conviction que si M.
Vilain XIIII s’était servi de cette expression, c’était parce qu’il se trouvait
dans l’impossibilité de qualifier autrement la position exceptionnelle, les
circonstances extraordinaires dans lesquelles le pouvoir est forcé de sortir de
la légalité.
Cette opinion sans doute
peut être combattue, mais je ne pense pas qu’on puisse suspecter les intentions
de ceux qui l’admettent avec les publicistes les plus larges et les plus
libéraux de l’Europe.
Peut-on supposer qu’au
moment d’arriver à des fonctions publiques, un homme qui aspirerait à
l’arbitraire viendrait vous tenir un pareil langage, vous mettre dans la
confidence de ses vues et de ses intentions ? Il y aurait plus que de l’ingénuité
dans une pareille conduite.
Je ne sais si je dois
répondre à ce qu’il y a de personnel dans les paroles de M. Gendebien. J’attache trop
d’importance à l’estime de cet honorable membre pour n’avoir pas été
sensiblement affecté de reproches que je ne crois pas avoir mérités. Mais si je
vous entretiens un instant de moi, ce sera pour la seule fois de ma vie.
Les honorables membres
qui me connaissent savent que j’ai résisté à toutes les séductions dont le
précédent gouvernement m’avait entouré, et que j’ai lutté contre l’arbitraire
avec une énergie qui m’aurait fait porter ma tête sur l’échafaud, sans le
revirement de nos affaires publiques. Lorsque je vis triompher les principes de
toute ma vie, m’a-t-on vu renoncer à mes principes d’indépendance, ne m’a-t-on
pas toujours rencontré sur les bancs de l’opposition ? Aujourd’hui même, malgré
l’entière confiance que je puis avoir dans le ministère, ne me voit-on pas
toujours voter contre les mesures qui s’écartent de l’esprit de notre
constitution ou paraissent trop peu libérales ?
Je le déclare avec
franchise, depuis que j’ai l’honneur de siéger dans cette enceinte, mon unique
ambition a été de me concilier la considération de mes collègues, et le premier
jour où j’aurai le malheur d’apprendre que j’ai démérité de votre estime, je me
retirerai à l’instant même.
J’arrive, messieurs, à
l’objet principal de mon discours, L’honorable M. Gendebien a cru voir, dans le
projet de canal à creuser dans les Flandres, une arrière-pensée de la part du
gouvernement ; il a cru voir là une renonciation aux stipulations du traité du
15 novembre qui garantissait l’écoulement des eaux des Flandres par le
territoire hollandais, Cette erreur est fort naturelle de la part de ceux qui
ne connaissent pas les localités. Mais, depuis un certain nombre d’années, il
s’est formé un atterrissement qui empêche l’écoulement de nos eaux, de telle
sorte que le traité du 15 novembre reçût-il une entière exécution, on ne
pourrait pas renoncer au projet de canal, parce que le service des écluses
devient insuffisant et même inutile, par suite des atterrissements qui se sont
formés devant ces écluses. Tôt ou tard nous nous verrions forcés de donner un
autre écoulement à nos eaux, si nous ne voulons pas abandonner à une désolante
stérilité les plus belles campagnes du royaume.
L’honorable
membre a également cru que la dépense du canal projeté pourrait s’élever à sept
ou huit millions : je ne sais sur quelles données il a pu fonder ses calculs,
mais je puis assurer que cette dépense ne s’élèvera pas même à la somme portée
au budget du ministère de l’intérieur. Je tiens d’un ingénieur qui
malheureusement a succombé victime de son dévouement, dans ces contrées
malsaines, que le canal ne coûterait pas plus de trois millions cinq cent mille
francs.
Je dois vous faire
observer que l’ouverture de ce canal n’est pas une simple affaire de localité ;
il aura, il est vrai, pour effet de faire cesser un fléau qui depuis longtemps
désole nos fertiles campagnes, mais il y a outre cela une question de haute
politique qui intéresse toute
La question est fort
importante. Je me permettrai de la traiter avec quelque étendue lorsque nous
serons arrivés à l’article du budget qui y est relatif. J’espère vous
convaincre alors de la nécessité d’un travail dont l’idée première est due au
génie de Napoléon, et dont le mérite de l’exécution est réservé à la première
législature nationale.
M.
Gendebien. - Je ne reviendrai pas sur ce que j’ai dit relativement au
discours prononcé par M. Vilain XIIII au mois d’avril 1834, ni sur sa
nomination quatre mois après au gouvernement des Flandres. Son discours était écrit,
il a été inséré dans le Moniteur. Mes
réponses y sont également. Je prie les honorables membres qui ne seraient pas
rassasiés de cette discussion d’y recourir. Le public les a lues, il pourra les
relire et juger.
Quant à l’espèce de plainte
que m’adresse l’honorable préopinant, j’aurais voulu qu’il eût eu la boute de
citer la partie de mon discours où il a cru voir une espèce d’attaque
personnelle ; il aurait vu qu’il se trompait. Au reste je ne pourrai lui
répondre qu’en lui rendant les marques d’estime qu’il m’a adressées.
Je n’ai jamais eu de
motifs de me plaindre, ni de l’honorable préopinant ni de ses doctrines, et
lorsque j’ai répondu à ce qu’il avait dit au sujet de M. Vilain XIIII, je me
suis borné à dire : Prenez-y garde, la défense ressemble bien aux doctrines, et
on pourrait supposer que vous les partagez.
L’honorable M. Van
Hoobrouck vient d’assurer la chambre qu’il ne les partageait pas ; je déclare
que j’en suis convaincu, comme j’en étais convaincu hier.
Quant au canal d’écoulement
des eaux des Flandres, dont le préopinant vient de parler, je n’ai pas comme
lui l’avantage de pouvoir en parler avec une connaissance spéciale des
localités ; mais il est toujours vrai de dire que le canal est destiné à
écouler les eaux des Flandres qui devaient passer en tout, ou si l’on veut, en
partie par
Il est possible que ce
canal ait en même temps une autre utilité ; c’est ce que nous verrons, lorsque
nous discuterons le crédit demandé. Mais, j’espère qu’avant de vous faire voter
les fonds, on nous donnera les renseignements nécessaires, pour que nous
puissions voter en connaissance de cause.
Je m’abstiendrai donc
pour le moment de parler davantage sur un objet dont je n’ai pas, d’ailleurs,
une connaissance spéciale.
Je ne rentrerai pas non
plus dans la discussion générale. Tout ce que j’ai dit subsiste ; car on n’a
répondu ni à mes interpellations ni à mes arguments. Mais je demanderai à la
chambre la permission de répondre deux mots à ce qu’a dit M. le ministre de la
justice, si toutefois je puis, sans trop l’ennuyer, revenir sur la question de
savoir si l’arrêté du gouvernement provisoire doit être entendu dans ce sens
que l’approbation royale est encore une condition essentielle pour la formation
d’une société anonyme.
Je prie de nouveau la
chambre de me pardonner si je reviens sur cette question. M. le ministre ayant
parlé le dernier, l’opinion qu’il a émise pourrait par sa position exercer
quelque influence sur le public et les membres des tribunaux, si on ne lui
répondait pas. Je suis toutefois prêt à me taire si la chambre ne croit pas
qu’on doive pousser plus loin cette discussion, et je m’arrêterai quand elle le
jugera à propos ; je compléterai dans ce cas ma réponse dans les journaux.
Je ne reviendrai pas sur
le ton plus ou moins fâcheux avec lequel le ministre m’a répondu : ayant
repoussé hier ce qu’il pouvait y avoir de personnel dans la réponse du
ministre, j’aborderai de suite la question de droit.
M. le ministre de la
justice a supposé que j’avais dit que l’approbation des sociétés anonymes était
purement en faveur du gouvernement.
La chose n’est pas
exacte. J’ai dit que l’approbation du Roi n’était plus chose essentielle et
que, pour ceux qui la croyaient utile, ils étaient maîtres de la demander ;
mais qu’il n’y avait plus obligation de le faire.
Mais est-il vrai que ce
n’est pas pour sa propre sécurité que le gouvernement exige qu’on lui demande
son approbation ? M. le ministre dit non, et la preuve, selon lui, c’est qu’il
n’y a pas de sanction dans la loi. Le ministre se met là en contradiction avec
lui-même et avec M. Fallon. Car
il a dit, ainsi que M. Fallon, qu’il était impossible qu’une société anonyme
existât sans l’approbation royale, que cette approbation était substantielle,
qu’elle était la condition essentielle de son existence. Mais n’est-ce pas là
une sanction ? Comment ! la société n’existe pas, elle
est nulle, elle est impossible si elle n’a pas obtenu l’approbation royale, et
vous voulez une autre sanction ? Mais, messieurs, je ne sais pas quelle autre
sanction le ministre pourrait exiger !
C’est là la meilleure
sanction qu’il puisse avoir pour garantir au gouvernement qu’il aura
connaissance de toutes les sociétés anonymes qui voudront se former. La réponse
du ministre est donc oiseuse, et son observation ne répond nullement à ce que
j’ai dit que l’approbation était exigée uniquement au profit du gouvernement,
c’est-à-dire des gouvernements qui s’effraient, comme je le disais hier, dès
qu’ils voient deux citoyens s’associer, ou trois hommes réunis sur la place
publique, supposant que ces citoyens ne se réunissent que pour faire une
conspiration.
Toute obligation où il
n’y a pas d’obligé est nulle, a dit le ministre, car il est de l’essence de
toute obligation d’obliger. Cela est vrai. Mais depuis quand un mandataire ne
peut-il plus s’obliger ? Vaudrait tout autant supprimer du code le titre du
mandat.
Le mandataire s’oblige
et reste personnellement obligé pour toutes les obligations quelconques qu’il
contracte.
S’il présente son mandat
avant de traiter, et qu’il soit constaté dans l’acte que le mandat a été
exhibé, quelles qu’en soient les clauses ; si les pouvoirs ont été excipés à
celui avec qui il traite, l’opération se fait conformément au mandat ni plus ni
moins. Voilà comment les choses se passent. Quand un mandataire traite avec des
particuliers, ils lui demandent quel est son mandat, et ils traitent en vertu
et conformément à ce mandat. De quoi peuvent avoir à se plaindre ceux qui ont
traité avec ce mandataire ? ils trouvent en lui un
obligé dans le cercle des pouvoirs qu’il avait reçus pour traiter et dont il
leur avait donné connaissance.
Il n’y a, dit le
ministre, que des capitaux engagés ; C’est une dérogation au droit commun qui
ne s’explique que par les conditions spéciales attachées à l’existence de ces
sociétés, et la principale de ces conditions, c’est l’investigation et
l’approbation du gouvernement. Ainsi l’investigation et l’approbation du
gouvernement sont des conditions sine qua non de l’existence, de la réalité de
la société ; ce sont des garanties pour tous les particuliers avec lesquels
cette société peut traiter, elles doivent leur donner toute sécurité.
Voyons si cela est
exact. Nous allons en juger par ce que disait M. Ernst lui-même le 8 juin 1834.
Une pétition avait été
adressée à la chambre par des sociétés anonymes qui se plaignaient de ce que
les agents d’autres sociétés anonymes établies à l’étranger venaient exploiter
en concurrence avec elles l’objet de leur exploitation.
M. Ernst a dit que le
gouvernement n’avait pas à s’occuper de cela, qu’il n’avait pas le droit de
s’immiscer dans ces opérations. Voici comment il s’exprimait :
« Je ne connais pas la
différence qu’on voudrait faire entre les sociétés anonymes et les autres
associations.
« Il existe à Vienne une
société anonyme qui fait le commerce de laine sur la place de Verviers, par
l’entremise de commissaires. C’est un fait réel que je cite. Eh bien, qui ira
demander la preuve que cette société est légalement établie à Vienne ? C’est à
celui qui traite à s’assurer : 1° si le commissaire est bien l’agent de cette
société ; 2° si la société est légalement établie ; 3° si elle présente toutes
les conditions de solvabilité. Mais l’ordre public n’y est nullement
intéressé. »
Dans la même séance, il
dit encore :
« On a demandé que
le gouvernement s’assurât au moins que la société commerciale étrangère est
instituée légalement. Le gouvernement ne doit pas prendre de semblables informations. »
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - C’est clair.
M.
Gendebien. - Nous allons voir si c’est clair. « C’est aux
particuliers à s’entourer des renseignements que l’on prend dans tontes
spéculations. »
Ainsi, quand il s’agit
d’agents étrangers de sociétés étrangères, ils ont le droit de gérer,
d’administrer, de traiter d’engager, de s’obliger, d’obliger des Belges, sans
que le gouvernement y soit pour rien, sans qu’il ait le droit de s’immiscer en
rien dans leurs affaires ; c’est aux particuliers à savoir s’ils traitent avec
des hommes solvables, avec des hommes présentant des garanties suffisantes par
leurs capitaux, leurs capacités, leur moralité. Cependant M. Ernst veut
qu’aucune société indigène ne puisse se former qu’autant que le gouvernement
ait exercé une investigation sur sa capacité, sa moralité et se moyens
pécuniaires, et qu’il ait donné son approbation.
Il fait de cette
investigation, de cette approbation, la condition essentielle et substantielle
de l’existence de la société. Mais à l’égard des étrangers il ne reconnaît pas
au gouvernement le même droit à exercer. Les sociétés anonymes de Paris, de
Berlin, de Vienne, peuvent venir faire des affaires sur les marchés de Verviers,
de Gand, de Bruxelles. C’est aux particuliers, dit le ministre, qui traitent
avec elles, à savoir ce qu’ils ont à faire, à voir s’ils traitent avec des
personnes solvables probes et morales. Tandis que si deux Belges voulaient
former une société anonyme, sans l’autorisation du gouvernement, d’après M.
Fallon et M. le ministre de la justice, leur société ne serait qu’une société
ordinaire emportant la solidarité et la contrainte par corps pour toutes les
obligations des membres de la société. Mais à l’égard des sociétés étrangères,
rien de semblable, on ne s’occupe pas s’il y a ou s’il n’y a pas contrainte par
corps, et sécurité complète. Voilà la doctrine de M. Ernst, voilà de quelle
valeur sont les moyens jetés en avant pour prouver que l’approbation du
gouvernement est une formalité substantielle, si elle est une condition
d’existence.
La société anonyme, dit
M. Ernst, représente un être moral qui ne peut exister que par l’autorisation
du Roi. C’est là une condition essentielle de son existence. Je demanderai à M.
Ernst dans quel texte il a puisé sa doctrine ; quel est l’article de la
constitution ou quelle est la loi qui ne reconnaît d’être moral qu’autant que
le gouvernement ait autorisé son existence. Il en existait un qui ne créait pas
d’être moral dans les sociétés anonymes : l’art. 37 du code de commerce, parmi
les conditions mises à leur existence, exigeait l’approbation du Roi. Mais
pourquoi exigeait-on cette approbation ? C’est parce que le gouvernement
d’alors, comme je l’ai déjà dit, craignait toute espèce d’associations. On peut
consulter la discussion qui a eu lieu au conseil d’Etat ; on verra que
Treilhard, qui était de très bonne foi, avançait que c’était plutôt dans
l’intérêt de la sécurité du gouvernement ; que, par conséquent, il ne fallait
soumettre à son approbation que les sociétés qui avaient quelques rapports avec
l’ordre public et l’intérêt général.
M. Regnaud de St.-Jean
d’Angely, vous savez qu’il était le séide du pouvoir fort, le despotisme et
l’arbitraire incarné ; Regnaud de Saint-Jean d’Angely fit un long discours pour
prouver que c’était dans l’intérêt des particuliers ; mais il n’a rien prouvé
et personne ne s’est mépris sur ses intentions ni sur son but. Voilà ce qui a
motivé l’adoption de cet article. On a dit : Le gouvernement peut être toujours
intéressé à savoir ce qui se passe dans ces sociétés secrètes qui peuvent avoir
été créées sous des apparences commerciales et au fond cacher un autre but. Et
la disposition a été admise telle que vous la retrouvez dans l’art. 37.
Si le Roi peut créer un
être moral aux termes de l’art. 37 du code de commerce, pourquoi le législateur
ne pourrait-il pas le faite comme lui et sans son intervention ? Pourquoi ne
pourrait-il pas le faire en supprimant des investigations et une approbation,
alors qu’il les considère comme inutiles. Le ministre dit : oui, le législateur
peut le faire.
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - Aucun privilège.
M.
Gendebien. - Aucun privilège ! Je n’en ai pas vu dans la suppression de
l’approbation ; je répondrai tout à l’heure à votre interruption.
Mais, vous a-t-on dit,
M. Gendebien a tort de dire que ce qu’un législateur a établi, un autre
législateur peut le détruire.
Cela n’est pas possible,
dit le ministre, car le législateur ne peut pas déclarer que ce qui n’est pas
est, et que ce qui est n’est pas ; il ne peut pas dire qu’un dépôt est un prêt,
ni qu’un prêt est un dépôt, il en est de même pour la société anonyme,
puisqu’il s’agit de ses éléments constitutifs. Je crois que je représente son
argument dans toute sa force.
Sans doute, jamais un
législateur ne peut changer la nature des choses, jamais il ne pourra faire
qu’un dépôt soit un prêt ou qu’un prêt soit un dépôt, parce que ce ne serait
plus ni un prêt ni un dépôt. Cela est tout simple, ce sont là les premières
notions du droit.
Mais ce n’est pas là la
question. La question est de savoir si une société réunissant toutes les
conditions prescrites pour la société anonyme, moins l’autorisation du gouvernement,
sera encore une société anonyme. Je crois avoir démontré que les sociétés
existent et peuvent exister avec ou sans l’art. 37 du code de commerce.
Qu’elles existent et peuvent exister par le seul accomplissement des conditions
constitutives énoncées aux articles 29 à 36 du code. C’est là la question à
laquelle on n’a pas répondu.
Je vous ai dit et c’est
à cela que le ministre aurait dû répondre, j’ai dit qu’on confondait la
condition exigée par le législateur avec celle qui affecte la nature même des
contrats en obligations. J’ai dit que la condition substantielle qui était
établie par la puissance du législateur pouvait toujours être changée ou
modifiée par lui. C’est ainsi que telles formalités établies en matière
d’hypothèque ou de testament, et considérée comme essentielles ont pu être
changées par le législateur subséquent, et leur défaut ne plus entraîner aucun
genre de nullité. J’ai dit que le législateur était tout puissant pour changer,
modifier ces sortes de conditions ou formalités.
J’ai ajouté que puisque
le législateur de 1808 avait établi une condition d’approbation, que le
législateur de 1830 et le congrès constituant avaient la faculté de retrancher
cette condition ou d’en établir de nouvelles. Je vous ai dit qu’il y avait une
autre espèce de condition, la seule véritablement substantielle, c’est celle
qui tient à la nature mène des choses et sans laquelle, comme le dit le
ministre, un prêt cesse d’être un prêt et un dépôt cesse d’être un dépôt.
L’approbation royale pour une société anonyme est-elle de cette nature ?
Affecte-t-elle la nature même de la société au point qu’elle cesse d’être une
société à défaut de cette approbation ? Je crois avoir démontré le contraire et
on ne m’a rien répondu.
J’ai achevé de le
prouver aujourd’hui en faisant observer qu’à l’égard des sociétés étrangères,
le gouvernement reconnaissait qu’il n’avait pas le droit de s’y immiscer ni
d’approuver ni le désapprouver. Eh bien, si cela est vrai pour les sociétés
étrangères, c’est encore plus vrai pour les sociétés anonymes indigènes. C’est
là ma conviction.
On vous a dit,
messieurs, que l’approbation royale exigée par l’article 37 du code de commerce
était une garantie pour la suffisance de capitaux, pour celle de capacité et de
probité dans les personnes qui établissaient une société anonyme.
J’ai déjà répondu à cela
que cette formalité ne signifiait rien pour tout homme prudent qui voulait
traiter avec cette société. Car je demanderai, comme je l’ai fait hier, qui va
juger de la suffisance des capitaux, de la capacité et de la moralité de
personnes qui sont à la tête des sociétés anonymes. C’est le gouvernement ou
plutôt quelques agents subalternes. Comment pourra-t-on prouver l’existence de
ces différentes conditions ? Qui jugera de la suffisance des capitaux d’une
société anonyme ? Qu’est-ce qu’on entend par capitaux suffisants ? Je voudrais
qu’on pût me dire ce que c’est qu’un capital suffisant pour une société anonyme
quelconque. S’il s’agissait d’un société spéciale qui
fût chargée, par exemple, ou de fournir de l’eau à Bruxelles ou du gaz ; s’il
s’agissait d’une société qui eût l’entreprise du voiturage, de l’enlèvement des
boues, cela pourrait encore se faire. Mais pour une société anonyme, je défie
le plus capable d’y parvenir. Quant à la capacité, à la probité, quels sont
donc les hommes qui en jugeront ? Les hommes de la bureaucratie, qui
n’entendent souvent rien au commerce.
Quant à la probité, ce
sera la même chose. Ce sera même une question beaucoup plus délicate, et plus
dangereuse dans son application, parce que sous le prétexte de moralité, on
consultera les agents de la haute et basse police, et tel administrateur qui
figure au budget pour une somme de 8,600 fr. et qui voit des républicains
partout, sera appelé à constater cette moralité. Ce sont des républicains,
dira-t-il, car on en voit partout, plus tard on dira : Ce sont des libéraux,
car on donnera bientôt le même cachet de réprobation aux seconds qu’aux
premiers. D’autres vous diront peut-être : Ah ! prenez
bien garde, ils ne sont pas assez où ils ne sont pas catholiques. Et veuillez
bien remarquer que dans certain ministère c’est déjà une investigation qu’on ne
manque pas de faire. Ainsi parce que tel ou tel sera dit républicain, libéral
ou peu ou pas catholique, on lui refusera la suffisance des capitaux, la
capacité nécessaire et la moralité voulue, toutes choses fort difficiles à
déterminer sans l’arbitraire, par ce moyen, on empêchera de se fonder un
établissement qui aurait pu être très utile au public, mais qui aura déplu
parce que ceux qui demanderont l’approbation, déplairont à un ministre ou à un
subalterne.
On vous a dit qu’il
fallait maintenir l’art. 37, que le gouvernement provisoire n’avait aboli que
les mesures préventives qui pourraient gêner la liberté illimitée de
s’associer, mais que l’art. 37 ne comporte pas une mesure préventive. Je ne
sais plus ce que c’est qu’une mesure préventive, si l’obligation d’autorisation
préalable du gouvernement n’en est pas une ; et je suis moralement convaincu
que le gouvernement provisoire, en voulant l’abolition de toutes les mesures
préventives, a voulu aussi abolir l’art. 37.
On vous a dit que sans
l’autorisation préalable, la société anonyme devenait société ordinaire. Que
les cours et les tribunaux ne manqueraient pas de les considérer comme telles
et qu’ils condamneraient tous les agents solidairement et par corps pour leurs
conventions.
Je répondrai au ministre
de la justice par l’argument qu’il a dirige contre moi, je lui dirai que si un
prêt est toujours un prêt, un dépôt toujours un dépôt, une société anonyme ne
peut devenir, selon le caprice d’un magistrat, une société en commandite ou en
nom collectif ; il est hors du pouvoir du juge de décider d’une manière aussi
arbitraire.
Quand les sociétés
anonymes ont pris cette qualité et qu’elles ont réuni toutes les conditions,
moins l’approbation royale, vous n’avez pas le droit de les changer en sociétés
ordinaires, et c’est ici que vous confondez ce qui devrait être toujours
distinct.
On vous a dit : eh bien
il n’y aura plus que des sociétés anonymes.
Qu’importe ? où en serait le mal ? Je vais répondre au ministre plus
directement.
Les sociétés anonymes
présentent moins de sécurité que les sociétés en commandite ou en nom
collectif, que celles où il y a des personnes solidairement responsables et
contre lesquelles on peut exercer la contrainte par corps, c’est le ministre
qui le dit : personne ne conteste cela. Mais il faut tirer de là la conséquence
qu’il y aura toujours des sociétés en nom collectif et en commandite,
précisément parce que présentant plus de sécurité, on préférera de s’adresser à
elles, et par suite ou trouvera aussi toujours des citoyens disposés à
s’associer de cette manière dans l’espoir de faire des affaires plus nombreuses.
Je ne crains donc pas pour les sociétés en nom collectif ; mais j’ai à craindre
que les sociétés anonymes ne diminuent ; si le gouvernement s’y immisce, il
arrêtera beaucoup d’entreprises de ce genre.
Enfin la société
anonyme, sans une personne obligée, est un privilège, vous a dit le ministre de
la justice. Or, le gouvernement provisoire a établi par une loi qui n’existait
plus aucun privilège. Voyons donc si réellement il y a privilège.
S’il
y a réellement privilège, il faut repousser toutes les sociétés anonymes avec
ou sans approbation royale, puisque le gouvernement provisoire a, dites-vous,
aboli tous les privilèges, en matière de société.
Mais y a-t-il privilège
? En quoi consiste un privilège ? C’est à donner à une ou plusieurs personnes
le droit de faire telle ou telle chose à l’exclusion
de telles ou telles personnes ; or, chacun a la faculté de s’associer comme il
l’entend. Le privilège consisterait à contraindre des citoyens à traiter
exclusivement avec des sociétés anonymes ; mais chacun a la faculté de traiter
ou de ne pas traiter avec telle ou telle société, n’importe son nom ou sa
nature.
Mais vous dites que
c’est un privilège, parce qu’il n’y a pas d’obligé ; mais j’ai déjà démontré
qu’il y a un obligé comme dans tous les contrats de mandats, c’est à ceux qui
traitent à apprécier l’étendue des pouvoirs et les garanties des mandants et
des mandataires.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Mon
intention, messieurs, n’est pas de prolonger la discussion déjà trop longue. Il
m’importe cependant de faire ressortir l’erreur de l’honorable M. Gendebien,
quand il suppose que j’envisage autrement les sociétés étrangères que les
sociétés anonymes constituées en Belgique ; ce que j’ai dit des unes, je le dis
également des autres : lorsqu’elles s’établissent sans l’autorisation du Roi,
le gouvernement ne peut s’immiscer dans leurs opérations ou les dissoudre parce
qu’il n’y a pas de sanction dans l’intérêt public, comme je l’ai déjà fait
observer. Mais c’est aux intéressés à voir si, en croyant n’obliger que les
capitaux mis en société, ils n’engagent pas aussi, dans l’avenir, leur personne
et tous leurs biens.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere). - Je demande la parole que pour la rectification d’un seul
fait. L’honorable député de Mons a paru croire qu’on n’avait conçu l’idée du
canal de Zelzaete que pour suppléer par là à l’exécution d’un des 24 articles
du 15 novembre 1831.
Vous savez tous,
messieurs, que l’écouleraient des eaux des Flandres a été réglé entre
l’empereur et les états-généraux par le traité de Fontainebleau, C’est à ce
traité que se réfère l’article 8 du traite du 15 novembre 1831. Les députés des
Flandres n’ignorent pas non plus qu’encore après cette convention on s’est
constamment occupé des moyens de trouver un écoulement indépendant de
M. d'Hoffschmidt. - Messieurs, les journaux
de Bruxelles ont reproduit un article du journal du Luxembourg, qui dit que,
dans les dispositions qui ont été prises pour la garde civique dans cette
partie de la province, on n’avait pas compris la partie cédée par le traité du
15 novembre. Je n’aurais pas ajouté foi à ce que dit le journal de la
forteresse, si déjà pareille chose n’avait eu lieu l’an dernier. Je demande
donc que le ministère actuel montre plus d’énergie que celui qui l’a précédé,
et s’oppose à ce que la partie du Luxembourg dont je parle, ne soit plus
l’objet de distinctions qui produisent toujours de fâcheux effets. J’espère que
la réponse de M. le ministre sera celle que je le désire.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- J’ai pris des informations dans les bureaux pour savoir s’il avait été donné
récemment des instructions qui établissaient une différence pour les opérations
de la garde civique, dans les conseils cantonaux de la partie allemande du
Luxembourg ; j’ai appris qu’il n’y en avait eu aucune ; il ne peut en effet
exister la moindre différence entre cette partie de la province et la partie
wallonne, puisque l’année dernière les opérations de la milice se sont faites
dans la partie allemande comme ailleurs. J’ai écrit au gouverneur de la
province, pour que cela eût lieu, également pour tout le Luxembourg.
M. d'Hoffschmidt. - Je me déclare
satisfait, puisqu’il résulte de la réponse de M. le ministre de l’intérieur
qu’il n’a donné aucune instruction dans le sens que j’avais indiqué. Mais je
ferai observer que M. le ministre se trompe en disant qu’il n’en a pas été
donné précédemment. En 1831, si je me le rappelle bien, le gouvernement a
repris toutes les armes qui se trouvaient dans la partie allemande pour le
service de la garde civique. Ce désarmement a produit le plus pénible effet.
Cela a même plus que décourager cette partie de la province, car il était
naturel qu’elle crût, en se voyant dépouillée de ses armes, qu’on voulait la
livrer à la vengeance de ses ennemis.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Quant au désarmement dont parle l’honorable préopinant, il a été opéré dans
le rayon stratégique ; et quant à la partie allemande, ou n’a en d’autre motif
que de concentrer davantage les armes de la garde civique.
M. d'Hoffschmidt. - Il a eu lieu dans toute
la partie allemande.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Pour rassurer l’honorable
préopinant qui a adressé à M. le ministre de l’intérieur une question relative
à la garde civique dans le Luxembourg, je dirai que le gouvernement ne fait pas
de différence entre la partie allemande et la partie wallonne du Luxembourg, et
que, sauf le rayon stratégique de la forteresse, il continue à les considérer
l’une et l’autre comme étant absolument dans la même position.
M.
Rogier. - Ce que fait le gouvernement actuel, le gouvernement précédent
l’a fait également ; c’est donc à tort que l’honorable M. d’Hoffschmidt a
accusé ce dernier de n’avoir pas montré suffisamment d’énergie. Le gouvernement
n’a retiré ses instructions relatives à la milice que dans le rayon
stratégique.
M. d'Hoffschmidt. - L’honorable M. Rogier
prétend que j’ai eu tort de dire que les mesures prises par le précédent
ministère dans le Luxembourg étaient peu énergiques. Cependant, messieurs, il
doit se rappeler les discussions qui ont eu lieu dans cette enceinte
relativement à la levée de la milice et aux coupes de bois dans la partie
allemande de cette province, mesures qui ont été loin d’être approuvées.
- La discussion générale
est close.
Chapitre Ier. Administration générale
Article premier
« Art. 1er.
Traitement du ministre : fr. 21,000. »
- Adopté.
« Art. 2.
Traitements des fonctionnaires, employés et gens de service : fr.
180,220. »
M. de Brouckere. - J’ai déclaré dans la
séance précédente que je m’opposerais à toute augmentation de fonds à allouer à
l’administration de la sûreté publique. Vous avez sous les yeux un tableau dans
lequel on expose comme quoi cette administration doit coûter 8,350 fr. de plus.
Ces 8,350 fr. sont
destinés à créer un chef de division aux appointements de 3,000 fr., un
deuxième commis à 1,300 fr. et un expéditionnaire à 900 fr. Le reste de cette
somme, à augmenter les traitements des fonctionnaires actuels de cette
administration. J’ai expliqué les motifs pour lesquels je voterai contre toute
allocation d’augmentation.
Messieurs, je prends la
parole pour faire une question que, plus que l’année dernière, je suis en
position de faire : pourquoi le ministre de l’intérieur n’a-t-il pas demandé
une indemnité pour son logement ? Il se trouve dans la même position que ses
collègues. On ne peut pas regarder comme un logement la chambre humide et
malsaine dont se contente M. le ministre de l’intérieur et dont ne se
contenterait par un étudiant. C’est un acte de justice ; je demande donc
qu’étant mis sur la même ligne que ses collègues, il lui soit alloué une
indemnité de logement.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je remercie l’honorable préopinant de sa bienveillante intention. Je conviens
effectivement que ce logement est absolument insuffisant. Je ne l’ai occupé que
dans le dessein d’être plus à même d’activer les travaux de l’administration.
Cependant, je ne demanderai pas d’indemnité de logement pour cela, puisque je
n’éprouve pas de perte, je pense que les bureaux du ministère de l’intérieur ne
resteront plus longtemps dans le même local, évidemment trop petit pour les
contenir.
M. H. Dellafaille, rapporteur. - M. de Brouckere s’est élevé
contre l’administration de la sûreté publique. Je lui accorde que cette
augmentation ne répond pas à ce qu’on doit en attendre. Je pense qu’elle doit
être améliorée. C’est ce motif qui a déterminé la section centrale à admettre
la majoration proposée à ce titre.
Nous avons pensé qu’il
fallait examiner deux choses : si la police est nécessaire, ou si elle est
inutile. Si elle est inutile, il faut la supprimer, et ne pas jeter inutilement
environ 15,000 fr. Si elle est nécessaire, il faut l’organiser d’une manière
convenable et de telle sorte qu’elle puisse rendre des services réels. Il nous
a semblé, et j’appelle sur ce point l’attention de M. le ministre de l’intérieur,
qu’il y avait de grandes réformes à faire dans cette administration. Mais la
section centrale n’a pas à s’occuper des qualités des employés. J’ignore quels
sont les talents de M. l’administrateur de la sûreté publique, je ne le connais
pas, je n’ai jamais eu de rapports avec lui ; s’il ne convient pas à son poste,
c’est au ministre à le remplacer par un fonctionnaire plus convenable : ses
émoluments sont calculés dans cette hypothèse qu’il remplit ses fonctions d’une
manière satisfaisante. Il en est de même pour tous les agents de
l’administration.
L’administrateur de la
sûreté publique se plaint de ce que ses employés sont trop peu nombreux ;
effectivement, il n’a personne en état de rédiger ; il est donc obligé de
perdre son temps à écrire la minute de toutes les circulaires, de toutes les
lettres qu’il a à faire. Il demande un chef de division, ou plutôt un chef de
bureau (car l’administrateur remplit seul les fonctions de chef de division),
un chef de bureau, dis-je, qui soit capable de rédiger une lettre, qui puisse
en même temps surveiller le travail des bureaux, et enfin laisser à
l’administrateur le temps nécessaire pour ses fonctions.
Il
m’a été impossible, aussi bien qu’à la section centrale, de vérifier si le
nombre des commis demandé est nécessaire : nous avons dû nous en rapporter à la
note qu’on nous a présentée. Quant aux traitements, ils ne nous ont pas paru
trop élevés ; ils n’excédent pas ceux des autres ministères. On demande pour un
chef de division 3,000 fr. ; les appointements de trois premiers commis sont
fixés à 2,000, 1,800 et 1,600 francs ; ceux des seconds commis à 1,300 francs ;
le traitement de l’expéditionnaire est de 900 francs, et enfin le salaire de
trois messagers s’élève à 2,000 francs.
Quant à la réduction
proposée par M. de Brouckere, je crois que, plutôt que de l’admettre, il
vaudrait mieux supprimer toute l’administration de la sûreté publique.
M. de Robaulx. - Sans doute, dans l’article
en discussion il ne s’agit pas de mouchards ; nous en avons de temps en temps à
nos trousses ; mais je ne suis pas d’avis que ce soit nous qui les payons. (On rit.)
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Non, non.
M.
le président. - La réduction proposée par M. de Brouckere sur l’article
en discussion est de 8,350.
M. de Brouckere. - Pardon, M. le président,
elle n’est que de 7,950 fr.
M. H. Dellafaille, rapporteur. - Je crois qu’il y a erreur dans
le chiffre de la réduction proposée par M. de Brouckere. Car il y a 2,000 fr.
destinés au salaire de 3 messagers, dont les fonctions sont remplies par des
plantons fournis par la garde de sûreté qui va être supprimée. Dans le système
même de M. de Brouckere, on ne peut s’empêcher d’allouer ces 2,000 fr.
M. de Brouckere. - Je ne diminue point du
tout la réduction que j’ai proposée. Je demande que
l’on n’augmente en rien la somme allouée antérieurement pour l’administration
de la sûreté publique. M. le président croyait que je proposais une réduction
de 8,350 fr. ; mais je ferai observer que déjà la section centrale a admis une
réduction de 400 fr. sur le traitement de l’administrateur de la sûreté
publique, elle a pensé que les 1,000 fr. qui lui étaient précédemment alloués
suffiraient encore maintenant. L’augmentation réclamée par la section centrale,
et à laquelle M. le ministre s’est rallié, s’élève donc seulement à 7,950 fr.
par suite de la réduction de 400 fr. Eh bien, je déclare que je voterai contre
cette augmentation.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je pense avec l’honorable M. Dellafaille, que dans tous les cas on ne
pourrait proposer de réduction de plus de 5,950 fr., puisque, comme il l’a fait
remarquer, 2,000 fr. sont destinés au salaire des messagers dont les fonctions
sont maintenant remplies par des plantons que fournit la garde de sûreté qui va
cesser son service. Ainsi de ce chef il n’y a pas de majoration réelle.
Vous voyez par le
tableau qui vous a été distribué que les appointements ne sont pas trop élevés.
Je demande pour un chef de division 3,000 fr. ; pour des premiers commis, de
1,600 à 3,000 fr., et pour les seconds commis 1,300 fr. Il est impossible de
donner des traitements inférieurs à ceux-là.
M. Desmanet de Biesme. - Je voudrais
savoir de M. le ministre de l’intérieur si l’article en discussion comprend
seulement une police préventive, une espèce de police préventive, ou si cette
police est chargée de réprimer les délits, d’arrêter les malfaiteurs. Car, si
je ne suis pas de l’avis de ceux qui pensent que les crimes augmentent, je
pense au moins que les délits augmentent. Et quand on va se plaindre à
l’administration de la sûreté publique, on vous dit là que cela regarde la
ville ; à la ville on vous dit que cela regarde une autre administration.
Je voudrais savoir
quelle est l’action de la police pour la répression des délits à Bruxelles. Car
je ne refuserais pas une augmentation dont le résultat serait de donner à cette
ville une bonne police.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- La police dont il s’agit ici n’a pas pour objet l’arrestation des malfaiteurs
; elle n’a pas même qualité pour opérer cette arrestation ; mais elle peut y
contribuer en recueillant, comme c’est son devoir de le faire, des
renseignements sur les délits projetés, sur les délits effectivement commis, ou
sur le séjour des malfaiteurs.
Cette police est aussi
chargée, comme l’on sait, de tout ce qui tient aux passeports.
M. de Robaulx. - Et sans doute aussi de la
surveillance de la république.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Oui, si elle conspire.
M.
Gendebien. - Mon intention n’est pas d’entrer dans de grands
développements. Je veux seulement protester contre toute allocation à cette
police haute ou basse, comme on voudra l’appeler.
Veuillez-vous rappeler,
messieurs, ce qui s’est passé au sein du congrès lors de la discussion du
premier budget, en janvier 1831. Il fut entendu que la police n’était conservée
que provisoirement, et qu’elle cesserait d’exister au 1er avril ou au 1er mai
1831 ; ce n’était qu’en raison des circonstances graves où l’on se trouvait,
que l’on maintenait la police pour trois ou quatre mois, et tout au plus pour
six mois.
Eh bien voyez,
messieurs, combien depuis lors il y a eu de progrès de fait, puisque nous
sommes arrivés en 1835, en traînant cette police à notre suite, sans que
jusqu’ici elle ait révélé son utilité par un acte quelconque. Bien au
contraire, après qu’elle a révélé toute son impuissance, et peut-être quelque
chose de plus, notamment dans les affaires d’avril 1834.
C’est à la suite de
cette démonstration d’impuissance ou même de mauvaise volonté, ce qui serait
encore pis, qu’on vous propose de majorer le traitement de l’administrateur, de
nommer un chef de division aux appointements de 3,000 fr., un deuxième commis à
1,300 fr., un expéditionnaire à 900, trois messagers dont le salaire s’élève
ensemble à 2,000 fr. ; en outre de cela, plusieurs autres majorations montant
ensemble à 750 fr. ; en tout une augmentation de 8,350 fr. sur le chiffre de
l’année dernière.
C’est au moment où nous
sommes convaincus que la police est plutôt dangereuse qu’utile, qu’on vient
aujourd’hui nous proposer de la compléter. Le congrès avait manifesté la
volonté que la police fût supprimée ; et bien certainement le congrès
représentait le pays ; jamais il n’y a eu d’autre représentation plus vérité
que le congrès. Je demande s’il est bien opportun, alors que le gouvernement
est organisé, alors que nous avons une armée considérable, que les parquets
sont organisés au grand complet, et que plus de 4 ans nous séparent de la
révolution, c’est-à-dire que nous sommes rentrés dans les temps ordinaires,
dans les temps de calme, si, dis-je, alors il est bien rationnel d’augmenter
les frais et le personnel de la police.
Vous ferez ce que vous
voudrez, quant à moi, je proteste hautement et publiquement contre toute
allocation à ce titre. Votre police, je le répète, est plutôt dangereuse
qu’utile ; il est certain qu’elle ne sert qu’à espionner les plus honnêtes gens
de
S’agit-il
de poursuivre et d’arrêter des fripons, des spadassins ? il
n’y a plus de police alors ; soyez sûrs qu’elle m’interviendra pas.
Relativement aux
événements d’avril (voilà une circonstance bien grave) quels rapports avez-vous
eus de la police ? Vous avez entendu hier un de nos honorables collègues qui
est dans une position à pouvoir nous dire comment les choses se sont passées ;
il nous a dit que la police n’avait donné aucun rapport, aucun renseignement
sur ces affaires.
Quant à moi, je n’en
dirai pas davantage ; la seule chose que je puisse, que je veuille faire, c’est
de protester. Je proteste et je demande d’avance que mon vote négatif sur toute
allocation pour la police soit mentionné au procès-verbal.
M. H. Dellafaille, rapporteur. - Il est facile de critiquer une
administration dont le rôle est, non pas de montrer ce qu’elle fait, mais de
faire en sorte, au contraire, que l’on ne voie pas ce qu’elle fait.
Je conviens qu’il est
malheureux d’être obligé d’avoir une police ; mais je pense qu’il est
impossible de s’en passer, vu notre situation à l’intérieur et à l’extérieur.
L’honorable M. Gendebien
pense qu’il faut supprimer la police, parce qu’elle a été impuissante lors des
événements d’avril. Je pense avec lui qu’elle ne s’est pas montrée, dans cette
circonstance, d’une manière assez efficace. Mais il me permettra de ne pas
tirer de là la même conclusion que lui.
Je
pense qu’il faut réorganiser la police, de manière à la mettre à même de rendre
des services ; il faut, à mon avis, remonter entièrement l’administration.
Quant aux abus que l’on
a signalés, nous ne nous en somme pas occupés ; nous votons la somme nécessaire
dans l’hypothèse que les employés de l’administration remplissent
convenablement leurs fonctions.
Au reste, je ne puis que
le répéter : ou il faut supprimer toute police ; ou il faut lui donner les
fonds nécessaires pour qu’elle puisse marcher.
M. de Robaulx. - Moi non plus, messieurs, je
ne voterai pas de fonds pour votre police.
Vous comprenez que ni
l’honorable M. Gendebien, ni moi n’avons le désir de voir supprimer toute
espèce de police ; on ne peut pas nous supposer une telle intention. Mais je
demande quelle espèce de police est nécessaire : est-ce par hasard la police
française que nous avons en Belgique pour espionner la police belge ? Car
personne n’ignore que nous avons dans le pays cette contre-police. Or, elle
n’est pas faite pour flatter beaucoup notre susceptibilité nationale ; je crois
que M. François même n’en est pas très flatté.
Est-ce une haute police
politique qui est nécessaire ? et je crois que c’est
bien là ce dont il s’agit dans l’article en discussion. Messieurs, au moment
critique de notre révolution, alors que l’on pouvait redouter des sédition intérieures, qui pourraient être fomentées par la
dynastie qui venait de tomber, dans ce moment, le congrès conserva
provisoirement la police, il la considéra comme un besoin du moment ; il pensa
qu’il pouvait être dangereux de retirer cette arme au gouvernement dans les
circonstances extraordinaires où on se trouvait. Mais maintenant, dans l’état
de calme où nous sommes, avons-nous besoin d’une haute police ? C’est une
police préventive, dit l’honorable M. Dellafaille ; mais remarquez qu’elle ne
prévoit rien. Les affaires d’avril en sont la preuve.
Je
conçois qu’une police soit utile dans l’intérêt d’une coterie, d’une camarilla,
et pour soutenir et appuyer des hommes qui aiment à se blanchir aux dépens des
autres. Voilà la seule utilité que je trouve à votre police. Elle est bonne à
faire des rapports sur les hommes qui déplaisent au pouvoir. Ainsi (et je
regrette de venir parler de moi) l’on s’est permis de m’insulter publiquement,
je n’avais pas l’intention d’en parler à la chambre, je voulais considérer
cette insulte publique comme un acte individuel. J’en avais parlé au ministre,
et il a désavoué le fait ; je ne crois pas en effet que les ministres fassent
insulter un homme qu’ils doivent estimer et honorer quand ils croient que cet
homme obéit à sa conviction.
Il est toujours constant
que les hommes les plus inoffensifs sont l’objet de l’attention de ces gens
qu’on appelle des mouchards. Ainsi, mon honorable ami M. Seron, qui est bien
inoffensif et qui assurément ne conspire pas, a été suivi dernièrement jusqu’à
son domicile par un mouchard qui ne la perdu de vue que quand il a eu mis le
cornet sur sa chandelle. (On rit.)
Je n’en dirai pas
davantage ; car pour ce qui m’est personnel, je n’ai pas à en occuper la
chambre.
M. de Brouckere. - Vous avez entendu M. le ministre
de l'intérieur répondre à l’interpellation de notre honorable collègue M.
Desmanet de Biesme que l’objet de la police dont il est question ici n’est pas
la recherche des crimes et délits ; ce qui devrait être. Dès lors vous ne devez
pas être tentés d’augmenter l’allocation du précédent budget.
L’objet dont s’occupe
cette police est la surveillance des étrangers, de ceux notamment qui sont
soupçonnés d’avoir des opinions politiques qui ne conviennent pas au
gouvernement ; c’est donc seulement de l’espionnage. M. le ministre convient
que cette police n’a pas d’agents qui ne soient des espions. Cette surveillance
n’est nullement faite dans l’intérêt de la société, mais dans l’intérêt de
telle ou telle coterie. Voilà la police pour laquelle on demande des fonds au
budget.
L’honorable
rapporteur, M. Dellafaille, avoue que la police ne s’est pas assez bien montrée
dans les affaires d’avril ; c’est pour cela, a-t-il dit, que l’on vous demande une
augmentation d’allocation pour la police. Joli précédent que vous allez
établir. Quand une administration se conduira mal, l’année suivante elle
réclamera une augmentation de traitement pour tous ses employés, afin de les
récompenser de ce qu’ils n’ont pas rempli leur devoir.
Vous remarquerez.
messieurs, dans le tableau qui vous a été distribué que l’augmentation de 8,350
fr. demandée d’abord, réduite ensuite à 1,950 fr., n’est pas destinée
uniquement à la création de nouveaux emplois, mais aussi à augmenter le
traitement de tous les employés actuels. Eh bien messieurs, je demande si vous
pouvez admettre une augmentation fondée sur ce que ces employés n’ont pas
jusqu’à présent rempli leur devoir. Pour moi je ne pense pas ainsi ; c’est
pourquoi je voterai contre l’augmentation proposée.
M.
Nothomb. - Je voterai pour le maintien d’une police politique, car je
reconnais que c’est d’une police politique qu’il s’agit ici, et je considère
cette police comme indispensable surtout quand un pays est situé comme l’est
L’honorable M. Gendebien
a rappelé ce qui s’est passé sous le gouvernement provisoire.
M.
Gendebien. - Sous le congrès.
M.
Nothomb. - La séance du congrès à laquelle vous avez fait allusion est
du 15 janvier 1831 ; le gouvernement provisoire existait encore alors.
C’est dans la séance du
soir du 15 janvier 1831 que fut discutée la question de savoir s’il y avait
lieu de maintenir une police politique ; et, si je ne me trompe, le congrès, à
la presqu’unanimité, a reconnu une police politique comme nécessaire, surtout
dans les circonstances extraordinaires. L’honorable M. de Robaulx a rappelé
tout à l’heure que dans cette discussion, comme dans beaucoup d’autres, il
avait été de l’avis de la minorité, j’en conviens bien volontiers, mais il
reconnaîtra avec moi que le maintien d’une police politique fut décidé à une
grande majorité.
M. de Robaulx. - Oui je l’ai dit tout à
l’heure.
M.
Nothomb. - Je dirai donc à l’honorable M. Gendebien, que m’emparant du
vote du congrès, assemblée que je considère comme une véritable représentation
nationale, aussi bien que toutes les législatures qui l’ont suivie, que
m’emparant, dis-je, de ce vote, qui consacre ce principe qu’une police
politique est nécessaire, surtout lorsqu’un pays n’est pas dans des
circonstances ordinaires, j’en conclus qu’il faut adopter la proposition qui
vous est faite, et qui est conforme à tous nos précédents législatifs.
J’avoue cependant qu’en
Belgique la police politique a été quelquefois inefficace ; et cela ne provient
pas des fonctionnaires qui y sont attachés, mais de ce que les attributions de
la police politique ne sont pas encore déterminées.
Notre honorable collègue
qui occupe en ce moment le fauteuil, présenta comme ministre de la justice, un
projet qui tendait à déterminer les attributions du chef de la police, à
organiser une véritable police politique Vous savez quel fut le sort de ce
projet ; il fut retiré par le ministre de la justice à la suite d’un vote qui
avait détruit toute l’harmonie du projet présenté.
M. de Brouckere. - Dites la loi des
suspects.
M.
Nothomb. - Vous l’appellerez comme vous voudrez. Le nom ne fait rien à
l’affaire. Quant à moi, je déplore que l’on n’ait pas adopté le projet présenté
; cette loi des suspects rendant la police
politique efficace, peut-être elle eût préservé le pays des malheurs qui sont
survenus depuis.
M. de Robaulx. - C’est du jacobinisme.
M.
Nothomb. - Les mots ne m’effraient pas.
M. de Robaulx. - Mais il n’y a que les
jacobins qui aient jamais voulu la loi des suspects.
M.
Nothomb. - Je suis familiarisé avec toutes les expressions ; et vous ne
m’arrêterez point. Cette loi renfermait des articles qui déterminaient les
attributions du chef de la police tandis qu’aujourd’hui l’on peut soutenir que
légalement ce fonctionnaire est sans aucune attribution, sans action sur les
autorités qui sont à ses côtés.
Après
les événements funestes que l’on a souvent rappelés ici, après les journées
d’avril, M. Lebeau, alors ministre de la justice, présenta à son tour un projet
de loi qui tendait à organiser la police, à donner certaines attributions à
l’administration générale de la police. Ce projet de loi fut discuté en
sections, l’honorable M. d’Huart, qui était alors seulement député, fit le
rapport ; et jusqu’ici cette loi n’a pas été mise à l’ordre du jour.
Sans vouloir entrer dans
plus de détails, tout en appuyant le maintien d’une police politique, j’avoue
qu’il serait à désirer qu’elle agît d’une manière plus efficace. Mais pour être
juste, il faut reconnaître que cette efficacité doit être attribuée non aux
agents de cette administration, mais bien à une lacune dans la législation, à
l’absence d’une loi qui organise la police politique de manière à ce que ses
attributions soient reconnues par toutes les autorités constituées.
M. Eloy de Burdinne. - Je voudrais
exposer les motifs qui ont dirigé la section centrale dans la discussion du
chiffre relatif à la police. Elle avait d’abord été d’avis de repousser
l’allocation ; ainsi que M. de Brouckere elle ne voyait pas de résultats
obtenus par son action ; mais on en a attribué la cause au défaut du personnel.
Nous ne nous sommes pas dissimulé qu’une bonne police ne pourrait être trop
payée quand elle maintient la tranquillité publique, et c’est dans l’espoir que
la police serait désormais plus utile que la section centrale a admis le
chiffre. (Aux voix ! aux voix !)
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je ne puis passer sous silence certaines allégations que vous avez entendues.
On a assuré que la police s’occupait particulièrement de surveiller des hommes
honorables : je me suis assuré que l’administration de la sûreté publique
n’exerçait aucune surveillance sur les membres des chambres, ni sur d’autres
hommes honorables ; pourquoi s’en occuperait-elle ? Qu’aurait-elle à y gagner ?
Ces hommes professent tout haut leurs opinions, leurs principes.
Il faut admettre
l’augmentation qui vous est demandée, car l’administrateur général manque du
personnel nécessaire ; étant absorbé par des occupations de détails, il ne peut
se livrer au vrai rôle qu’il doit jouer.
Les
devoirs de sa charge sont compris dans un arrêté du 3 janvier 1832. Toutes les
écritures de cette administration doivent se faire dans ses bureaux et non dans
les bureaux d’expédition du ministère ; il faut que l’administrateur puisse
s’entourer d’hommes capables et dans lesquels il puisse avoir confiance ; il
faut donc pour cela que ces hommes ne soient pas dans une position trop
malheureuse.
M. H. Dellafaille, rapporteur. - Je n’ai pas prétendu qu’il
fallait augmenter les traitements des agents de la sûreté publique parce que la
police se faisait d’une manière inefficace ; j’ai dit qu’il fallait ou
supprimer l’administration de la sûreté générale ou accorder une augmentation,
afin de la mettre en position de remplir ses devoirs.
M.
Gendebien. - Je dirai peu de chose. Je dois une réponse à M. Nothomb
qui a soutenu qu’une police politique était indispensable et que le congrès
l’avait adoptée unanimement. Je rappellerai ce qui s’est passé au congrès.
Il y a eu majorité pour
l’existence de la police politique ; mais le vote était temporaire ; la police
devait n’être maintenue que jusqu’au mois d’avril, et la discussion prouve que
le congrès n’en voulait point d’abord, et qu’il n’a consenti à la conserver
qu’en raison des circonstances graves et pour un temps très court.
Si elle a été maintenue
au-delà de cette époque, c’est à cause des événements de mars. Alors M. Rogier
s’était chargé de la police ; ct il l’a dirigée jusqu’à la nomination du sieur
François. On peut recourir à la discussion du congrès et on verra que j’ai
raison (oui ! oui !) : ii y a ici des
membres du congrès qui affirment le fait.
On vous a dit qu’il
fallait organiser la police sur les bases plus solides, qu’il fallait donner à
l’administrateur des attributions plus larges, mieux définies, qui puissent le
mettre en rapport avec les autorités civiles et judiciaires afin de rendre ses
attributions plus efficaces.
On vous a présenté,
dit-on, un projet de loi tendant à organiser la police d’une manière plus
forte. Savez-vous quel était le changement que l’on voulait faire par ce projet
? On voulait faite de l’administrateur général un juge d’instruction pour tout
le pays, et lui donner la haute main sur tous les juges d’instruction. Je ne
sais si vous serez plus disposés à admettre une pareille disposition ; pour
moi, je la repousserai comme la chambre l’a repoussée à la fin de 1831.
Messieurs, on vous a dit
qu’il était facile de critiquer une administration qui n’avait que des
fonctions préventives sur lesquelles il lui était difficile de faire des
rapports. Je vous répondrai qu’elle n’a rien prévu ni prévenu. Quand tout
Bruxelles savait que des mouvements se préparaient, elle n’a rien prévenu en
avril.
Avant les événements,
cette police était absolument inactive ; après l’événement ce fut tout autre
chose : quatre
ou cinq hommes de cette police veillaient à ma porte pour arrêter l’honorable
M. Cabet, un des hommes les plus distingués de France, le citoyen le plus
dévoué à son pays et à la révolution de juillet.
M. de Robaulx. - on voulait le sacrifier aux
vengeances de Louis-Philippe !
M.
Gendebien. - Oui, comme le dit M. de Robaulx, on l’a sacrifié lâchement
à la haine de Louis-Philippe et des doctrinaires qui déshonorent
Il a prouvé que le
pouvoir et ses séides ne voulaient autre chose que tuer la révolution. s’en approprier les dépouillés tout en reniant le principe
de leur existence ; et. voilà pourquoi il a été
poursuivi jusqu’en Belgique. On a mis quatre ou cinq hommes de Police à ma
porte pour l’empêcher de se soustraire à l’infâme arrêté d’expulsion ; mais
cela ne l’a pas empêché de s’échapper ; seulement ils nous ont forcés de
manœuvrer toute une nuit. Sorti de chez moi, il est resté encore 15 jours à
Bruxelles. Il était forcé à ce séjour pour ses affaires. La police a montré le
même zèle pour violer mon domicile ; mais pour réprimer des pillages, pour
assurer la tranquillité, le repos des familles, c’est tout autre chose.
La police n’a pas rendu
d’autres services ; son office, c’est de surveiller les Cabet ou les Gendebien
; c’est de les surveiller et de les molester par les ordres d’un Lebeau ou de
son digne successeur ; et il faut récompenser le sieur François pour
l’exécution de cette surveillance, ou pour n’avoir pas réussi à arrêter M.
Cabet sans doute ? (On rit.)
Quant à l’assurance
donnée par le ministre de la police, ou par le ministre de l’intérieur, que les
membres de cette chambre n’ont pas été surveillés, veuillez donner à son assurance
autant de foi qu’on en accorde ordinairement aux ministres de la police ; car
je déclare, moi, être honoré d’une surveillance toute particulière.
Cependant à quoi sert
cette investigation ? Quand je trouve à propos de parler ou d’agir, je fais
tout en plein jour, à la face du soleil. Que vos investigations continuent
autant qu’il vous plaira, mais ne me fatiguez pas ; ne me mettez pas dans la
nécessité d’une juste défense. Toutefois, ce ne sera pas au malheureux chargé
d’un vil emploi que je m’adresserai, ce sera au chef supérieur de cette odieuse
administration que je m’en prendrai. Si tous les citoyens en faisaient autant,
moins de lâchetés seraient commises par cette police.
Il est scandaleux
d’augmenter les frais d’une telle police dans de pareilles circonstances : on
vous demande maintenant 80,000 fr. pour les dépenses d’espionnage ; l’année
dernière, on ne demandait que 50,000 fr. Qu’a fait le sieur François pour
prévenir les désastres d’avril ? M. Lebeau, en 1834, interpellé sur les faits
de cette époque, a répondu que le sieur François s’en expliquerait ; eh bien,
quelles ont été ses explications devant l’autorité judiciaire ? Il n’a dit que
des niaiseries. Il a compromis a deux ou trois reprises l’autorité judiciaire :
c’est un honorable membre de cet ordre et de cette chambre qui vous l’a dit et
démontré sans que personne y ait répliqué.
Que
l’on nous démontre la nécessité de la police, et qu’on nous prouve en même
temps que les hommes qui en sont les chefs sont capables de rendre dé
véritables services au pays, et nous voterons des fonds. Ce n’est pas la
première fois qu’on a révoqué en doute la capacité du sieur François. Un
ministre est venu vous déclarer, il y a trois ans, que si l’on voulait écouter
le sieur François, on ne dormirait pas tranquille : cet homme a toujours peur,
nous disait-il ; il ne voit que des conspirations, des dangers partout ; c’est,
en un mot, un poltron.
Voila comment on nous a
dépeint celui que vous voulez gratifier d’une augmentation de traitement,
d’attributions. Je ne fais que rapporter les paroles d’un ministre à la
franchise duquel chacun a rendu justice.
Votez si vous voulez des
fonds pour la police ; pour moi je proteste dès à présent et je demanderai que
mon vote négatif soit inséré au procès-verbal.
M.
Nothomb. - Si le 15 janvier le congrès a seulement accordé des fonds
pour la police jusqu’au 1er avril suivant, c’est qu’il se faisait illusion ; il
s’imaginait qu’au 1er avril 1831, on serait dans des circonstances ordinaires ;
mais après le 1er avril 1831, le congrès a de nouveau voté des fonds pour le
même objet.
Dans la séance du 15
janvier 1831, on a nettement posé la question ; et voici comment un orateur a
établi la nécessité d’une police politique.
« Messieurs, disait-il, dans des temps ordinaires, il est évident que le
ministère de la sûreté publique est inutile, dangereux même ; mais dans les
graves circonstances où nous nous trouvons, je le crois indispensable ; quant à
la réunion au ministère de la justice, je la crois impossible. S'il faut parler
franchement, il est en révolution des cas où le salut du peuple peut exiger que
le ministère de la sûreté publique soit hors de la loi, et si des attributions
devaient être réunies à celles du ministère que je préside, je croirais devoir
me retirer ; non que je me sente incapable du dévouement nécessaire pour
diriger la sûreté publique, mais je crois que l'alliage de la justice et ce
ministère est incompatible.
« La justice, messieurs, est essentiellement
répressive, et le ministère de la sûreté publique doit quelquefois être
préventif ; si vous confiiez aux magistrats des attributions préventives, vous
auriez plus tard à lutter contre la force de l'habitude qui les pousserait à
sortir des voies légales dont ils ne doivent jamais s'écarter. »
C’est ainsi que
s’exprimait M. Gendebien, alors président du comité de la justice.
Je
reconnais avec lui la nécessité d’une police politique, cependant je ne veux
pas d’une police politique autorisée à se mettre au-dessus de la loi, ou à agir
en dehors de la loi, je demande une police organisée par la loi ; une police
qui ne puisse pas dire aux pouvoirs régulièrement constitués : mon action est
en dehors des lois.
Il ne s’agit pas d’un
vote fugitif ; le chef du comité de la justice avait exprimé franchement son
opinion et c’est en pleine connaissance de cause que le congrès a prononcé.
Toutefois, je ne veux pas accéder à la seconde partie de ce discours, je ne
veux pas d’une police extra-légale. Je le répète, si on n’a voté le premier
crédit que pour trois mois, c’est que l’on s’imaginait que bientôt on serait
dans les circonstances ordinaires ; on s’est bien vite aperçu de l’erreur, et
le vote a été renouvelé. Nous sommes tous d’accord en principe : dans les
circonstances extraordinaires il faut une police politique. Ce principe posé il
ne reste plus qu’à résoudre cette question : en fait, sommes-nous dans des
circonstances ordinaires ? Il y a un an, on aurait été tenté de répondre oui,
et trois mois après, nous avons eu à déplorer les événements d’avril.
M. de Robaulx. - M. Nothomb, qui se livre à
des recherches si profondes, qui fait l’archiviste, qui fait le petit Gachard (on rit,) pour arriver à la découverte
des discours de nos honorables amis, n’a pas pris garde qu’il y a contradiction
entre une partie de son discours et l’autre. Je ne me servirai pas du Moniteur pour montrer cette
contradiction, mais de ses propres paroles que j’ai recueillies à la volée.
La police politique est
nécessaire dans les circonstances extraordinaires ; donc la police est
provisoire. Comment arranger cette conséquence avec la demande d’une police
organisée par une loi générale et permanente, avec une loi qui fasse de
l’administrateur-général un magistrat de police ?
M. Nothomb. - La loi organisera la police
politique pour la durée des circonstances extraordinaires.
M. de Robaulx. - Arrangez-vous avec vous-même
; une organisation légale et une durée pour les circonstances extraordinaires
seulement ne s’accordent pas.
M. de Theux nous assure
qu’on n’espionne pas les députés. Je dois le croire ; car autrement il
mentirait, et mentir est un vilain péché. (On
rit.) Cependant je dois déclarer que quand un mouchard me suivra comme mon
ombre, je me chargerai de la police à son égard ; je lui administrerai la
bastonnade au besoin ; et s’il persistait à m’espionner, je prendrais même des
mesures plus violentes : je lui brûlerais la cervelle s’il était nécessaire ou
si l’on ôtait toute liberté à mes démarches. Qu’ils y viennent encore me
moucharder !
M.
Gendebien. - Il n’y a rien dans le discours que l’on vient de citer
dont je ne puisse me glorifier. C’était au 19
janvier 1831, veuillez-le remarquer : nous étions en butte aux démarches
des intrigants, aux intrigues de la diplomatie, aux intrigues du prince
d’Orange, aux intrigues de l’envoyé anglais ; on suivait les pas de ce dernier,
et on n’ignorait rien de ce qu’il tramait. Je demandai à plusieurs reprises
qu’on lui délivrât des passeports, et je proposai qu’on lui fît dire qu’il
serait chassé de
En révolution la
première loi c’est le salut du pays, le salut de la révolution. Au 19 janvier
1831, nous n’avions pas de constitution, nous n’avions ni administration ni armée,
nous nous organisions. Je voudrais bien savoir ce que les hommes qui sont au
pouvoir aujourd’hui ou qui y étaient hier, feraient s’ils se trouvaient dans
les mêmes circonstances. Qu’une autre révolution arrive, et si j’ai encore le
malheur de m’y trouver engagé, je ne reconnaîtrai encore comme au 19 janvier
1831 d’autre volonté que celle du peuple, et je n’aurai d’autre loi que le soin
de maintenir ce qu’il aura fait et d’écarter un peu plus sévèrement les
intrigants qui ont déshonoré et perdu la révolution de 1830.
En janvier 1831, quand
nous étions entourés de conspirations et d’intrigues il fallait une police
politique. Mais dans les temps ordinaires, à quoi bon l’administration de la
sûreté publique ? Elle est inutile au pays, et par conséquent onéreuse et
dangereuse pour les citoyens. C’est ce que j’ai dit textuellement au 19 janvier
1831 et que je dis encore aujourd’hui. Cette police dans les temps actuels ne
sert qu’à espionner, à tourmenter et à aigrir les hommes qui déplaisent aux
dépositaires du pouvoir. Sommes-nous aujourd’hui dans la position où nous
étions le 19 janvier ? Non, messieurs. Si le ministère ne nous assure pas que
nous sommes dans un temps calme c’est qu’il veut des fonds.
Attendez d’autres
occasions, et les ministres vous déclareront, comme ils le font en toutes
occasions, que la tranquillité règne, que la confiance dans le gouvernement est
sans bornes, que l’exécution des lois est facile et complète, que la prospérité
générale renaît. S’ils ne vous le disent pas actuellement, c’est qu’ils veulent
des fonds pour la police préventive ; demain, ils vous diront tout le
contraire, si on les met dans la position de vanter leur administration.
Au congrès il y a eu
majorité ou si vous le voulez unanimité pour voter des fonds jusqu’au premier
avril. Au commencement de la discussion on ne voulait rien accorder du tout ;
et c’est sur l’insistance de plusieurs membres, et sur la mienne surtout, que
l’on a reconnu la nécessité de voter des fonds jusqu’au 1er avril.
Ainsi que vous venez de
l’apprendre par l’extrait de mon discours qui vient de vous être lu par M.
Nothomb, j’ai en ma qualité de ministre de la justice refusé la haute police et
j’en ai exposé les raisons ; c’est principalement parce que je ne voulais pas
qu’on pût immiscer dans la police préventive les magistrats de la police
répressive.
J’ai vu sourire un
ex-ministre de la justice, quand on a lu l’extrait du discours que j’ai
prononcé au congrès ; il a cru qu’on allait comme lui me mettre en
contradiction avec moi-même ; sa joie a été de courte durée. Oui, j’ai craint,
j’ai voulu éviter qu’on ne transformât les agents de la police judiciaire en
espions, et nos craintes ont été vérifiées par l’expérience. N’a-t-on pas
reconnu, l’année dernière, que cet ex-ministre, M. Lebeau, envoyait des fonds
de la police préventive aux procureurs du Roi pour faire de la police
préventive ?
Ainsi on avait des
hommes de la police judiciaire ; on les a dégradés, on les a ravalés à la
condition des hommes de la police d’espionnage. C’est ce que je voulais éviter.
Que l’on se rappelle
l’état des esprits à l’époque dont il s’agit ou au commencement de 1831 ; on
avait imprudemment mis le congrès en émoi. On ne savait quelle mesure prendre ;
on voulait nommer un dictateur, on voulait une loi de suspects.
Quand je suis revenu de
Paris (j’ai assisté, je crois, à la séance du 11 ou du 12 janvier), j’ai
rassuré les esprits, j’ai repoussé les craintes, j’ai dit que je n’avais pas
besoin de lois d’exception et que je pourrais sans ces mesures tenir les rênes
du gouvernement d’une main ferme. Je fus applaudi par le congrès et même par
les tribunes. Je ne voulais donc pas alors poser des axiomes d’arbitraire et de
coup d’Etat ; et veuillez remarquer que la nécessité seule alors faisait la loi
et que nous n’avions pas encore une constitution. Quoi qu’il en soit, que l’on
fasse des recherches tant que l’on voudra ; on pourra peut-être me trouver en
défaut dans les mesures prises ; mais, en contradiction avec moi-même, jamais,
même dans les temps les plus difficiles.
Toutes
les fois que l’on viendra, dans l’intention de m’en faire un reproche, me taxer
d’inconséquence, me montrer des contradictions dans des discours que j’ai
prononcés au congrès, je dirai que c’est la plus grande injure que l’on puisse
me faire. J’ai l’intime conviction de n’avoir pas changé d’opinion. Je n’ai pas
de reproche à faire à ma conscience à cet égard. Ce n’est pas cependant que je
me plaigne de l’orateur qui a cité mon opinion comme ministre de la justice. Je
ne pense pas que son intention ait été de me montrer en contradiction avec
moi-même.
Plusieurs membres demandent la clôture
M.
Lebeau. - J’ai eu l’envie de prendre la parole plusieurs fois dans
cette discussion. Cependant, si la chambre désire en prononcer la clôture, je
n’attache pas assez d’importance à ce que j’ai à dire pour réclamer la faveur
d’être entendu.
- La clôture est mise
aux voix et adoptée.
Le chiffre de 180,220
francs est mis aux voix et adopté.
M.
Gendebien. - Je demande l’insertion au procès-verbal de mon vote
négatif.
M. de Robaulx. - Et moi aussi.
M.
le président. - Il sera fait mention au procès verbal de vote négatif
de MM. de Robaulx et Gendebien.
Article 3
« Art. 3. Matériel
: fr. 20.000 fr. »
La section centrale
adopte la majoration de 4,000 francs demandée par le ministre de l’intérieur.
- Le chiffre de 24,000
fr. est mis aux voix et adopté.
Article 4
« Art. 4. Frais de
déplacement : fr. 20,000.
- Adopté.
Chapitre II. Pensions et secours
Article premier
« Art. 1er.
Pensions accordées à des fonctionnaires ou employés : fr. 4,500. »
- Adopté.
« Art. 2. Secours,
continuation ou avance des pensions à accorder par le gouvernement à d’anciens employés
belges aux Indes du ci-devant gouvernement des Pays-Bas, ou à leurs veuves :
fr. 9,179 10 c. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Depuis l’impression du tableau qui a été annexé au budget de mon département,
une nouvelle réclamation fondée en droit m’a été adressée par les enfants d’une
veuve dans la catégorie mentionnée à l’article dont M. le président vient de
donner lecture.
Cette pension s’élève à
la somme de 1,269 francs et porterait ainsi le chiffre total de l’article à fr.
10,445 10 c. Je demande que la chambre y donne son approbation.
M.
Verdussen. - Je prie M. le ministre de l’intérieur de vouloir bien me
dire si cette somme de 1,269 francs est le montant du secours à accorder sur la
pension. Je remarque que dans le tableau l’on n’a jamais accordé des pensions
entières, mais des sommes sur la pension. Je demande si M. le ministre a
l’intention de suivre la même marche.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Ce que vient de dire l’honorable préopinant est parfaitement juste en ce qui
concerne les employés pensionnés. Mais il n’en est pas de même relativement aux
enfants de la veuve Lafontaine, qui ont droit à recevoir la pension entière.
Les veuves ont droit au paiement intégral. L’arrêté du régent est positif à cet
égard.
Je ne fais pas de
distinction entre les veuves et les enfants des veuves. Les mêmes motifs
d’humanité existent de part et d’autre. C’est également dans ce dernier cas un
fond, à récupérer sur le fonds des veuves qui se trouve en Hollande.
M. Gendebien. - Je ne sais jusqu’à quel point
l’arrêté du régent est conforme à l’équité. Je ne sais pas s’il est vrai que
les pensions des enfants des veuves doivent être payées intégralement, c’est
une question que je prie M. le ministre de l’intérieur de vouloir bien
examiner. Pourquoi fait-on une différence en faveur des enfants de la veuve du
sieur Lafontaine, qui est décédé en qualité de colonel aux Indes orientales, et
qui, par sa position de commandant des îles de ces colonies, s’est assuré une
fortune dont jouissent ses enfants ? Il est des militaires qui ont un besoin
plus grand de l’intégralité de leur pension que les enfants de la veuve
Lafontaine. Dans tous les cas, je m’étonne que l’on ait porté au budget du
département de l’intérieur une pension militaire qui, ce me semble, trouverait
mieux sa place au budget du département de la guerre.
Je demande pourquoi l’on
ne paie pas leur pension aux officiers qui dans un rang subalterne,
quoiqu’ayant rendu personnellement des services, n’ont pas eu comme M.
Lafontaine m’occasion de se faire une fortune semblable, dont je suis loin
d’attaquer l’origine. On refuse aux officiers qui ont servi à Java de leur
payer leur pension parce que les fonds sont en Hollande. Cependant leur
position mériterait qu’on eût égard à leurs réclamations. J’en connais deux
dont l’un a servi 8 ans et l’autre 10 ans les Indes. Le second seulement est
dans l’armée. Le premier, quoiqu’employé, aurait besoin, pour entretenir sa
nombreuse famille, de toucher sa pension. Il me semble que l’on devrait
examiner leurs droits.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je ferai observer que, dans la majoration que je demande, il ne s’agit pas
des enfants de la veuve Lafontaine, mais de ceux de la veuve Neujean. Le sieur
Neujean était attaché au waterstaat à Batavia. Il s’agit d’une pension civile
et non d’une pension militaire.
Quant à la pension des
enfants de la veuve Lafontaine, le montant en a toujours été porté au budget de
l’intérieur, comme il conste du tableau annexé à ce budget. Quant à ce que l’on
a dit sur la nécessité de s’entendre avec le ministre de la guerre pour la
division des pensions, je m’empresserai d’entrer en correspondance avec mon
collègue à cet égard.
M.
Gendebien. - Mon observation subsisté toujours.
- Le chiffre de 10,448
fr. 10 c. est mis aux voix et adopté.
« Art. 3. Secours a
des employés ou veuves d’employés qui, sans avoir droit à la pension, ont
néanmoins des titres à l’obtention d’un secours à raison d’une position
malheureuse : fr. 4,500 fr. »
M.
le président. - M. le ministre demande une majoration de 1,500 fr.
Le chiffre serait porté
par conséquent à 6,000 fr.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- J’avais demandé une majoration à ce chiffre pour des besoins éventuels. Vous
avez pu remarquer par le tableau imprimé à l’appui du rapport que des secours
ont été accordés à plusieurs employés dépendant du ministère de la justice, à
des employés de prisons qui rentrent dans le libellé de cet article. Il serait
impossible de déterminer si le chiffre actuel sera trop élevé. C’est un crédit
éventuel. Au surplus, je ne dévierai pas des règles suivies jusqu’à présent la
distribution de ce secours.
M. le ministre de la justice (M. Ernst). - J’ai
demandé à mon budget une somme de 4,500 francs pour secours à accorder à des
magistrats ou à des veuves de magistrats. S’il m’arrive des réclamations de la
part d’employés dépendant du ministère de la justice, je ne puis leur allouer
sur cet article spécial les secours auxquels ils ont droit. Ce que vient de
dire M. le ministre de l’intérieur est donc exact. J’ai pris la parole pour
donner cette explication parce que j’entendais dire autour de moi qu’une
allocation de la nature de celle qui est en discussion était imputée au budget
de mon département.
M.
Verdussen. - Ceci prouve que j’avais raison de demander le renvoi à la
section centrale, qui aurait pu changer le libellé de la proposition de M. le ministre
de la justice. Si l’on continue ainsi à augmenter des allocations de cette
nature, je ne sais pas où nous nous arrêterons. L’allocation de l’année
précédente suffirait pour tous les ministères.
M.
Rogier. - L’honorable préopinant se trompe quand il affirme que
l’allocation de l’année dernière suffisait pour tous les ministères. Elle avait
été spécialement affectée au ministère de l’intérieur. Du moins, je l’ai
toujours considérée ainsi. Et si, comme on me le rappelle, des secours ont été
accordés à des employés du département de la justice, c’est que ces employés
attachés au service des prisons faisaient partie d’une administration qui avait
ressorti longtemps du ministère de l’intérieur.
Je ne pense pas que l’on
puisse trouver dans le tableau annexé au budget des employés d’autres
ministères. Du reste, je m’oppose pas à ce qu’on
comprenne dans l’allocation en discussion les secours accordés aux employés
d’autres ministères. Pendant l’année dernière l’allocation était uniquement
réservée au département de l’intérieur.
J’ajouterai
que je ne partage pas l’avis des sections et de la section centrale sur le
reproche d’inconstitutionnalité dont, selon elles, l’allocation est entachée.
Je ferai remarquer d’abord que pendant deux sessions successives la législature
l’a adoptée sans opposition. Et il serait étonnant qu’elle eût a une année d’intervalle consacré une inconstitutionnalité.
Il y a une contradiction dans l’opinion des sections et surtout de la première.
Si d’un côté elle croit que les secours accordés à d’anciens fonctionnaires
sont inconstitutionnels, cependant d’un autre elle admet sans réclamation les
secours accordés aux ecclésiastiques et aux instituteurs. Les deux cas
cependant sont parfaitement identiques.
Je maintiens
l’allocation demandée comme constitutionnelle et utile. Du reste, la chambre a
eu la même opinion, puisqu’elle a rendu hommage à la manière dont le subside
avait été réparti.
M. H.
Dellafaille, rapporteur. - Le secours de 4,500 fr. demandé primitivement me paraît suffisant.
Il faut se garder de majorer sans motif plausible de pareilles allocations. Si
le subside est plus grand, les demandes seront plus considérables.
L’honorable M. Rogier
nous a reproché d’être en contradiction avec nous-mêmes. Pour ce qui est de la
première section, je ne suis pas chargé d’expliquer son opinion. Quant à la
section centrale, elle a désiré, en ce qui concerne les secours accordes aux
ecclésiastiques et aux instituteurs, qu’une loi fût portée à cet égard. Elle a
maintenu dans le budget de l’année 1835 une allocation qu’elle avait trouvée
sanctionnée par la chambre dans les budgets précédents. Ce n’est pas moi qui
taxerai d’inconstitutionnalité aucun des votes émis par cette assemblée. Je ne
ferai jamais une pareille inculpation, et si je me trouvais en contradiction
avec elle sur la constitutionnalité d’une mesure, je croirais plutôt être dans
l’erreur. Je dis seulement qu’il serait plus conforme à l’esprit de la
constitution que des dispositions réglassent, autant que cela est possible, le
mode de répartition des secours et les classes d’employés entre lesquels cette
répartition devrait se faire.
Je ferai observer à M.
le ministre de l’intérieur qu’il me semblerait plus rationnel de porter au
budget des dotations, dette publique, les art. 2 et 3
du chap. II. Ils devraient figurer au nombre des rémunérations et secours.
C’est une simple mesure d’ordre que je propose à cet égard.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- L’usage est d’accorder une somme modique aux anciens employés ou veuves
d’employés qui, n’ayant pas un droit rigoureux à la pension, se trouvent dans
une position misérable. Je ferai remarquer que le préopinant est dans l’erreur
s’il croit que l’allocation en discussion pourrait être portée au budget des
dotations, attendu que ces secours sont annuels et ne sont pas renouvelés si,
comme cela arrive souvent, l’employé qui en jouit est dans une position plus
favorable. Une pareille allocation ne peut donc faire partie de la dette
publique.
- Le chiffre de 6,000
francs est mis aux voix, il n’est pas adopté. Le chiffre de 4,500 fr. est mis
aux voix et adopté.
« Art. 4. Secours
aux légionnaires nécessiteux : fr. 30,0000. »
M.
le président. - La section centrale propose de réduire ce chiffre à
25,000 fr.
M. A. Rodenbach. - Tous les hommes qui ont
contribué à la consolidation de notre indépendance sont à la veille de recevoir
une récompense nationale, une marque distinctive. A cette occasion, nous ne
devons pas oublier les vieux braves légionnaires de Napoléon. Le dévouement, le
courage et le sang versé à l’époque où notre pays faisait partie de l’empire
français, doit être apprécié à sa juste valeur. Je suis d’autant plus porté à
adoucir le sort de nos vieilles gloires militaires, que les frères de l’ordre
Guillaume touchent leur traitement.
Le roi de Hollande,
comme on sait, avait peu de sympathie pour les vieux guerriers d’Austerlitz et de Iéna ; c’est probablement pour cette raison qu’il s’est
abstenu de régulariser les pensions des légionnaires. On est assez porté à
croire que par le traité de Paris du 30 mai 1814, une dette d’honneur leur est
due. Il y a plus d’un an qu’une commission a été nommée dans le sein de cette
chambre pour examiner la question des pensionnaires de la légion d’honneur ;
j’aime à croire que sous peu elle nous soumettra son rapport. En attendant
qu’une loi spéciale nous soit présentée, nous pouvons, sans rien préjuger sur
la question, allouer le crédit de 25 mille francs demandé en faveur de ces
braves. Ce n’est pas seulement dans leur pauvreté que sont leurs titres, mais
dans leur gloire et leurs cicatrices honorables.
C’est pour ces motifs
que je voterai en faveur de la proposition de la section centrale.
M.
Fallon. - Comme j’ai l’honneur d’être président de la commission
chargée d’examiner les droits des légionnaires, je vais donner à M. Rodenbach
les explications qu’il a demandées.
Cette commission s’est
déjà réunie à plusieurs reprises, mais la question dont elle est saisie est
d’une telle importance que jusqu’à présent il a été impossible de prendre une
résolution. D’un autre côté, l’absence de plusieurs membres a fait que nous ne
nous sommes pas trouvés en majorité. J’attends le retour de M. Dubus pour
terminer nos travaux.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je me réunis à la section centrale.
- Le chiffre de 25,000
fr. est mis aux voix et adopté.
M.
Legrelle. - Je demande la parole pour proposer un article additionnel
au chapitre II.
Messieurs, le chapitre II
traite des pensions et des secours ; je demanderai si ce ne serait pas le cas
de nous occuper des malheureux qui ont été victimes de l’agression hollandaise
et des désastres de la guerre, J’ai parcouru les différents chapitres du budget
de l’intérieur, et j’ai pensé que c’était ici le moment de nous occuper de
cette question. Depuis quatre ans que ces malheureux souffrent, quelques-uns
ont reçu une légère indemnité, le plus grand nombre n’en a reçu aucune. Je sais
que le ministre va me répondre que la chambre est saisie d’un projet de loi sur
cette matière ; mais il y a déjà trop longtemps que la chambre est saisie de ce
projet, et si je dois en croire les premières dispositions manifestées par la
chambre, la majorité des sections serait peu favorable aux victimes de
l’agression hollandaise.
Cependant, dit-on, on ne
se refusera pas à leur accorder des secours. Mais, messieurs, si telle est
l’intention de la chambre, n’est- ce pas au moment où elle s’occupe de la
partie du budget qui est relative aux secours qu’il convient de le faire ? Il
est à ma connaissance que des malheureux se sont présentés au gouvernement et à
l’administration provinciale, et que, malgré leur misère, on a été obligé de
leur faire, d’un côté comme de l’autre, la même réponse : « Il n’y a pas
de fonds. Nous avons épuisé les fonds accordés par le pouvoir législatif ; et
jusqu’à ce que de nouveaux fonds soient votés, nous sommes dans l’impossibilité
de rien accorder. »
Après
avoir entendu plaider, par des bouches éloquentes, la cause des inondés de
Lillo et d’autres localités, quatre ans après avoir été à même de leur rendre
justice, il est temps, je pense, pour la chambre d’agir avec quelque
efficacité. C’est par ce motif que je propose d’ajouter un 5ème article ainsi
conçu :
« Secours aux victimes
de l’agression hollandaise et des ravages de la guerre : fr. 300,000. »
Je ne propose que cette
somme pour le moment, quoique je sache que ce sera un bien mince adoucissement
aux misères des personnes entre lesquelles elle doit être partagée ; mais je
craindrais, si je proposais un chiffre plus fort, qu’il ne fût pas adopté. Et,
tout mince que soit ce chiffre, il pourra pour le moment adoucir beaucoup de
souffrances.
M. H.
Dellafaille, rapporteur. - Je ferai observer que la question soulevée par l’honorable
préopinant est soumise à une section centrale. Il y a d’abord une question
grave à examiner, celle de savoir si l’indemnité à accorder aux victimes de
l’agression hollandaise doit être considérée comme une dette nationale ou un
devoir d’humanité. Cette question n’est pas facile à résoudre ; et j’ai vu
d’habiles jurisconsultes demander un certain temps pour se prononcer.
Je ferai observer que
l’allocation proposée par M. Legrelle est inutile par son insuffisance, car
elle ne représente pas même l’intérêt du capital de l’indemnité réclamée. Ce
capital s’élève au moins au taux de 10 millions.
Il faut commencer par
examiner la loi de la section centrale. Elle doit se réunir incessamment et
faire son rapport. Et s’il y a lieu d’accorder l’indemnité réclamée, un, crédit
spécial devra être ouvert en vertu d’une loi spéciale.
Pour le moment la somme
de 300,000 fr. serait absolument insuffisante.
M. Gendebien. - Tout ce que vient de dire
l’honorable M. Dellafaille prouve la nécessité un secours provisoire aux
malheureux qui ont été victimes des désastres de la guerre. Il a annoncé que la
section centrale s’occupait d’un projet de loi d’indemnité et qu’elle avait à
examiner la question de savoir si cette indemnité devait être donnée à titre de
droit ou à titre de secours et par considération.
Messieurs, en attendant
que la section centrale vienne vous proposer et que vous adoptiez une
résolution à cet égard, je demande qu’on porte au budget une somme à titre de
secours provisoire.
Il nous est facile à
nous de raisonner froidement sur les misères publiques et de dire à des
citoyens qui souffrent d’attendre qu’on ait pris une résolution sur le droit de
leurs réclamations. En attendant ils souffrent, messieurs, ces citoyens, et par
cela seul qu’ils souffrent, ils ont des droits à notre humanité, à notre
commisération ; commençons par acquitter la dette sacrée de l’humanité, et plus
tard, s’il y a lieu, nous acquitterons la dette de l’Etat.
Je demande le renvoi de
la proposition de M. Legrelle à la section centrale, avec invitation de nous
faire un rapport le plus tôt possible, afin que nous puissions nous en occuper
avant la fin du vote du budget de l’intérieur.
M.
Pirson. - Messieurs, pour la somme que la chambre paraît disposée à
accorder, il n’est pas nécessaire d’examiner si ce sera à titre d’indemnité ou
de secours ; mais si plus tard on reconnaît le droit, le secours accordé
maintenant sera imputé à compte.
- Le renvoi de la
proposition de M. Legrelle à la section centrale est ordonné.
Chapitre III. Frais d’administration
dans les provinces
Article premier
« Art. 1er.
Province d’Anvers : fr. 123.577. »
M.
Rogier. - Je crois que la section centrale est tombée dans une erreur
qu’il est de ma loyauté de relever. Elle accorde 2,000 francs de plus que la
province ne demande. La somme demandée ne s’élève qu’à 121,571 fr., y compris
l’augmentation de 2,000 fr. du litt. E. Elle a cru que cette augmentation
aurait été proposée après la présentation du budget, tandis qu’elle l’avait été
en même temps que le budget. On peut le voir à la page 48 des
développement du budget. Je demande en conséquence que le chiffre soit
réduit à 121,577 fr.
M. H. Dellafaille, rapporteur. - M. Rogier a raison.
- Le chiffre de 121,577
fr. est adopté.
Article 2
« Art. 2. Province
du Brabant (chiffre du gouvernement) : fr. 129,675 ; (chiffre de la section
centrale) : fr. 129,175. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je me rallie à la réduction de 500 fr. proposée par la section centrale. Mais
je dois faire remarquer que sur les fonds demandés pour le greffier et la
députation provinciale, il manque 1.150 fr., attendu que la dépense avait été
calculée dans la prévision que la loi provinciale aurait été exécutée à partir
du 1er janvier. Mais comme il n’en a pas été ainsi, il faut rétablir d’après le
traitement actuel, et ajouter 900 fr. pour la députation, 250 fr. pour le
greffier, ensemble 1,150 fr. Cette augmentation portera le chiffre de cet
article à 130,325 fr.
- L’art. 2 est adopté
avec le chiffre de 130,325 fr.
« Art. 3. Flandre
occidentale : fr. 140,157. »
M.
Gendebien. - Je n’ai pas demandé la parole pour provoquer un changement
sur un chiffre. Mais je ne crois pas pouvoir laisser passer le vote de ce
chapitre, sans faire remarquer les inconvénients de l’allocation uniforme de 18,000
fr. pour la députation de chaque province. Je sais que c’est d’après la loi
provinciale que l’on porte cette somme au budget ; mais il me semble cependant
qu’il serait véritablement absurde d’appliquer la même règle à toutes les
provinces.
Si vous calculez la
population, vous verrez qu’il y a telle province qui a trois fois plus de
population que telle autre ; et cependant toutes les provinces ont 6
conseillers.
Je conçois que dans la
province du Brabant, il soit peut-être nécessaire d’avoir 6 conseillers ; mais
assurément il y a telle province où 2 ou 3 suffiraient.
D’un autre côté je crois
qu’il serait plus avantageux d’avoir 4 conseillers bien rétribués que 6 aux
appointements de 3,000 fr.
Je pense que ces 4
conseillers feraient dix fois plus de besogne que vos 6 conseillers. Qu’est-ce
en effet qu’un traitement de 3,000 fr. et quelle capacité pouvez-vous avoir à
ce prix ? Si vous voulez avoir des citoyens qui ne s’occupent de leurs
fonctions que par moments, qui en fassent des fonctions pour ainsi dire
honorifiques, 3,000 fr. sont de trop ; s’ils travaillent, 3,000 ne suffisent
pas.
Je voudrais que le
nombre des conseillers fût proportionné dans chaque province au nombre et à
l’importance des affaires dont est saisie l’administration provinciale. Ainsi
le Hainaut, et si je cite cette province, ce n’est pas parce que je suis l’un
de ses députés, c’est parce que c’est un exemple qui m’est connu ; le Hainaut,
dis-je, a une population de 656,000 âmes ; il est reconnu que cette province a
un grand nombre d’usines, d’établissements de toute espèce, de routes, de
canaux, elle a les mines qui seules donnent plus de besogne au gouverneur du
Hainaut que toutes les autres branches réunies de son administration ; enfin
elle a de plus l’administration des douanes.
Eh bien, cette province
du Hainaut a six conseillers comme celle de Namur qui a une population
seulement de 220,000 habitants et qui certainement n’a pas le quart des objets
d’administration qui passent sous les yeux de l’administration du Hainaut.
Je
voudrais que les membres de la députation du Hainaut eussent 5,000 fr.
d’appointements au lieu de 3,000, qu’ils fussent au nombre de quatre au lieu de
six. Ce serait pour le Hainaut une augmentation de 2,000 fr. Mais je suis sûr
que cette province n’en serait que mieux administrée.
Quant à la province de
Namur, je pense que deux conseillers suffiraient. Je pense que ces deux
conseillers aux appointements de 5,000 fr. feraient autant de besogne que six
conseillers à 3,000 fr. C’est véritablement là un objet de luxe. Soyez sûrs
qu’à ce taux vous ne trouverez pas des hommes capables, ou si vous avez des
hommes capables, ils consacreront les trois quarts de leur temps à d’autres
soins que ceux de l’administration.
Je sais que ce n’est pas
le moment de revenir sur le vote que la chambre a émis. Mais je désire que cet
objet fasse la matière des méditations du gouvernement, afin qu’il ne laisse
pas passer inaperçu l’article de la loi provinciale qui s’y rapporte, quand
viendra la discussion devant l’autre chambre.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Comme l’a dit l’honorable préopinant, c’est devant le sénat que doit
maintenant être agitée la question du nombre et des émoluments des membres de
la députation provinciale. Mais je dois rappeler que lors de la discussion de
la loi provinciale, la chambre n’a pas perdu de vue les motifs qui viennent
d’être développés. C’est afin que chaque localité fût représentée dans la
députation que la chambre a mieux aimé la composer de six membres plutôt que de
trois ou quatre. Voilà le motif qui a guidé la chambre. Maintenant de ces deux
systèmes quel est le meilleur ? C’est l’expérience qui doit en décider.
M. Eloy de Burdinne. - Je veux présenter
une simple observation en réponse à l’honorable M. Gendebien. Je conviens avec lui qu’en général en rétribuant
bien les fonctions, on a des personnes qui font plus de besogne et qui ont plus
de capacité.
Mais, je le prie de faire
attention que ce n’est pas le gouvernement qui nomme les membres de la
députation, ils sont nommés par le conseil et pris dans son sein. Eh bien,
sommes-nous assurés de trouver dans le conseil provincial, de grands
travailleurs, des personnes d’une capacité extraordinaire ? Non sans doute ; et
nous suppléons à cela en composant la députation d’un plus grand nombre de
membres.
M. Gendebien. - Je n’ai pas eu l’intention de
faire naître une discussion ; j’ai voulu seulement attirer l’attention des
ministres sur le nombre et le traitement des membres de la députation tels
qu’ils ont été déterminés par la chambre, afin qu’il pensât à soutenir la
discussion devant le sénat.
Je dis moi, messieurs,
que 3 ou 4 conseillers capables et bien rétribués feront plus de besogne que
les 6 personnes que vous aurez avec le traitement de 3,000 fr. Je dis qu’il
vaut toujours mieux employer un homme capable qu’un ignorant ; car ce dernier
peut mentir à sa conscience sans s’en douter, tandis que chez l’autre sa
capacité éclairera sa conscience.
M. Desmanet de Biesme. - Je n’insisterai pas, messieurs,
puisque la chambre ne peut pas revenir sur ce qu’elle a voté ; mais je pense
qu’il n’y a même pas de motif pour faire droit à l’observation de l’honorable
M. Gendebien, et que si son but a été de faire réfléchir le ministre, le
ministre, après réflexion, doit persister dans ce qui a été décidé.
M. Gendebien dit que
deux hommes peuvent administrer la province ce Namur ; sans doute, un seul
aussi peut l’administrer ; mais s’il est malade ou empêché, qui administrera ?
Il est utile aussi que
les différents districts soient représentés dans la députation provinciale.
C’est la le but que vous vous êtes proposé en déterminant, comme vous l’avez
fait, le nombre de ses membres. Nous sentons, d’ailleurs, tous les jours tous
les inconvénients qu’il y a à ce que la députation soit restreinte à un aussi
petit nombre de membres qu’elle l’est maintenant.
- L’art 3 est adopté.
Article 4
« Art. 4. Flandre
occidentale : fr. 140,157 fr. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Par les mêmes motifs que pour la province du Brabant, j’aurai ici une
majoration à proposer. Elle est de 2,095 fr., et s’applique au traitement des
membres du comité de conservation. Cette augmentation porte le chiffre total de
l’article à 144,843 fr.
- L’art. 4 est adopté
avec le chiffre de 144,843 fr.
Articles 5 à 7
« Art. 5. Province
du Hainaut : fr. 143,557. »
- Adopté.
« Art. 6. Province
de Liége : fr. 131,750. »
- Adopté.
« Art. 7. Province
du Limbourg : fr. 120,908. »
- Adopté.
« Art. 8. Province
du Luxembourg : fr. 128,432 fr. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je demanderai à la chambre d’élever le chiffre de cet article à 130,000 fr. ;
cette majoration a pour but d’augmenter le traitement des employés de
l’administration provinciale. On aurait même voulu une majoration plus
considérable que celle que je propose. On a fait valoir que lorsque le siége du
gouvernement a été transporté de Luxembourg à Arlon, on avait emmené des
employés ayant des traitements très faibles, et que les logements étant
excessivement chers à Arlon, ces employés se trouvaient dans une position très
pénible. Je pense qu’il y a lieu d’admettre au moins la majoration que je
propose ; elle porterait le chiffre de cet article à 130,000 fr.
M. d'Hoffschmidt. - Je viens appuyer la
demande de M. le ministre de l’intérieur, et même demander une majoration sur
le chiffre qu’il demande.
En examinant le budget
qui vous est soumis pour les différentes provinces, vous verrez que le
traitement des employés de l’administration provinciale est ainsi déterminé :
Province d’Anvers : fr.
39,800 ;
Province de Brabant :
fr. 43,575
Province de
Province de
Province du Hainaut :
fr. 46,840
Province de Liége : fr.
41,200
Province de Limbourg :
fr. 31,500
Province de Luxembourg :
fr. 28,760
Province de Namur : fr.
33,000.
Veuillez remarquer que
cette province de Namur a moitié moins d’étendue que celle du Luxembourg.
Il est cependant certain
que dans la province du Luxembourg il y a autant d’ouvrage pour
l’administration que dans les autres. Cette province est même la plus étendue
de
Que
l’on ne dise pas que dans la province du Luxembourg, il y a moins de frais pour
les employés que dans les autres provinces. Il est constant au contraire que
dans la petite ville d’Arlon, siège du gouvernement provincial, les logements
sont excessivement chers, Il y a des employés qui n’ont pas plus de 350 fr.
d’appointement. Il est impossible qu’avec d’aussi minimes traitements ils
subviennent à leurs dépenses de logement et autres.
Je demande donc pour le
traitement des employés de l’administration du Luxembourg une augmentation de
5,000 fr. sur le chiffre proposé par M. le ministre. Les frais de
l’administration s’élèveront ainsi à 135,000 fr. Cette allocation ne sera
qu’une application rigoureuse de la justice distributive à l’égard de ces
employés jusqu’ici mal rétribués.
M. H.
Dellafaille, rapporteur. Je crois que l’augmentation demandée par M. le ministre de l’intérieur
est réellement nécessaire. Déjà l’administration du Luxembourg nous avait
envoyé une note sur la position de plusieurs employés, Il est positif qu’il a
été impossible à plusieurs d’entre eux, en raison de la faible quotité de leurs
appointements, de parvenir à se loger à Arlon. On voit d’ailleurs par le
tableau des traitements des employés des différentes provinces que dans celle
du Luxembourg ils sont bien moins rétribués que dans toutes les autres.
M. Nothomb. - Je dois dire que les faits qu’a cités
l’honorable M. d’Hoffschmidt à l’appui de sa proposition sont incontestables.
Premièrement, j’ignore
pourquoi les traitements des employés de l’administration provinciale du
Luxembourg seraient moins élevés que ceux des autres provinces moins étendues.
En deuxième lieu, je
puis affirmer qu’à Arlon, capitale improvisée de la province, tout est à un
prix exorbitant. Entre autres, les logements sont d’un prix aussi élevé qu’à
Bruxelles ; ceci joint à la faible quotité des appointements des employés
impose à quelques-uns de se loger à plus d’une demi-lieue d’Arlon, et le
service en souffre.
Ensuite le personnel de
l’administration est trop restreint. Je crois donc qu’il y a lieu d’admettre
l’augmentation proposée par notre honorable collègue M. d’Hoffschmidt, J’appuie
sa proposition.
- Le chiffre de 135.000
fr. proposé par M. d’Hoffschmidt est mis aux voix, il n’est pas adopté.
L’art. 8 est adopté avec
le chiffre de 130,000 fr.
« Art. 9. Province de
Namur. (Chiffre du gouvernement) 109,508 fr. ; (chiffre de la section centrale)
108,508 fr. »
M.
Lebeau. - Je prie la chambre de croire qu’en prenant la parole sur cet
article, je ne suis pas influencé par une position étrangère à mes fonctions
législatives. Je veux seulement répondre à quelques erreurs de fait échappées à
plusieurs honorables membres, et que mieux que tout autre, je puis rectifier.
Je vous prie de remarquer que dans toutes les discussions des budgets
provinciaux, le budget de la province de Namur est resté intact, notamment en
1833, en 1834, et n’a pas été atteint par les propositions de la section
centrale dont l’honorable M. Dubus était rapporteur.
La majoration demandée
cette année par M. le ministre de l’intérieur n’en est pas une à proprement
parler ; ce n’est, à vrai dire, qu’une régularisation ; la chambre le
comprendra aisément. Dans la province de Namur, à la différence des autres
provinces, les employés de quatrième rang (expéditionnaires) étaient payés à
tant par heure ou par page, d’où il résultait une certaine économie. Cependant
il y avait presque toujours déficit sur le chapitre « Traitement des
employés. » Le déficit était comblé au moyen de fonds pris sur le chapitre
« Dépenses imprévues. »
M. le ministre de l’intérieur
a désiré soumettre les employés de quatrième rang attachés au gouvernement
provincial de Namur a la même règle que les autres ;
cette exception nécessitait en effet une comptabilité spéciale pour cette
province à tenir au ministère de l’intérieur. J’ai consenti volontiers à ce
changement, mais j’ai fait observer au ministre qu’il ne pouvait avoir lieu
sans une légère majoration ; car en substituant des traitements fixes au crédit
éventuel destiné à rétribuer à l’heure ou à la page, on n’aura plus la faculté
d’appliquer, comme par le passé, une partie de la dépense, c’est-à-dire 3, 4,
600 fr. sur le chapitre des dépenses imprévues. Ensuite la dépense est un peu
augmentée car le paiement à l’heure où à la page présentait une légère
économie.
Pour évaluer le nombre
des affaires dont peut être saisie l’administration de la province de Namur, on
a beaucoup parlé de sa population comparativement à celle des autres provinces.
Mais je vous prie,
messieurs, de remarquer que la province de Namur se subdivise en 343 communes ;
or, je trouve que la province d’Anvers par exemple, ne se compose que de 141
communes, que la province du Luxembourg ne se compose que de 308 communes. Sans
doute l’importance des affaires est jusqu’à certain point en raison de la population
; mais la multiplicité des affaires dérive plus encore pour l’administration
provinciale de la multiplicité des communes. Ainsi, tandis que l’administration
provinciale d’Anvers n’a à correspondre qu’avec 141 administrations locales,
l’administration de la province de Namur correspond, elle, avec 343
administrations, avec le même nombre de fabriques de cures ou de succursales,
de bureaux de bienfaisance ; elle a 343 budgets à approuver, 343 comptes
communaux à vérifier, etc.
Et
remarquez bien, messieurs, que plus la population d’une commune est faible,
plus d’ordinaire il est difficile de trouver de bons administrateurs ; de là
multiplicité d’instructions, de lettres de rappel, etc.,etc.
Je pose en fait que sous
le rapport de la quantité du travail du gouverneur et de la députation des
états, la province de Namur peut soutenir la comparaison avec d’autres
provinces d’une plus forte population.
Je
ferai remarquer, en outre, messieurs, qu’à Namur le traitement des employés est
fixé au minimum de tous les budgets. Je demande donc que l’on maintienne le
chiffre proposé par le gouvernement, déclarant que si, après expérience faite,
des économies sont possibles, je les proposerai, et me conduirai de la même
manière que mon honorable ami, M. Rogier, qui vient de vous proposer une
réduction.
M. H. Dellafaille. - Les explications que
l’on vient de donner n’ont pas été communiquées à la section centrale.
Toutefois je crois qu’il y a lieu de diminuer le chiffre des frais de route de 300
fr.
M. Lebeau. - Je consentirais à la diminution de
300 fr. ; mais que cette réduction soit faite ou qu’elle n’ait pas lieu, les
frais de route seront les mêmes. C’est là une question de tarif et non de
crédit. Dans la province de Namur ces frais sont plus considérables qu’ailleurs
; les communications y sont assez difficiles ; quand un député des états est
obligé de se rendre dans une commune pour essayer de terminer un conflit, il
est presque toujours obligé d’y mettre du sien pour payer les frais de route.
M.
Pirson. - Le gouverneur de la province de Namur oublie de dire que dans
cette province on manque de routes ; qu’il faut presque toujours prendre des voitures
particulières ; que les voyages sont très pénibles dans ces contrées, qui
présentent un diminutif des Alpes.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Il n’y a pas de motif impérieux pour réduire le chiffré demandé pour frais de
voyage. Ce chiffre est éventuel.
- Le chiffre 109,508
francs demandé par le gouvernement est adopté.
Article 10
« Art. 10. Frais de
route et de tournée des commissaires de district : fr. 13,500 fr. »
- Adopté sans
discussion.
Chapitre IV. Instruction publique
M.
le président. - Nous passons au chapitre IV : instruction publique. (A demain ! à demain !)
La séance est levée à 4
heures et demie.