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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du mercredi 24 décembre 1834
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre, notamment pétition relative aux droits sur les
tourteaux et rappel au règlement sur les pétitions (C. Vuylsteke)
2) Projet
de loi prorogeant la loi relative à la commission des monnaies (Gendebien, (code militaire (Ernst)),
d’Huart, (code militaire (Evain)),
Gendebien, F. de Mérode, Gendebien, de Theux, de Brouckere, d’Huart)
3)
Projet de loi portant le budget du département de la guerre pour l’exercice
1835. Discussion générale. Evolution du chiffre global du budget de la guerre
et nouvelle structure budgétaire (Evain), situation
diplomatique générale, affaire Hanno et mises en
non-activité et des destitutions de certains militaires (Daine, Niellon) (Gendebien), situation
diplomatique générale et rappel des événements de 1830, situation géopolitique
du royaume belge (Nothomb), situation diplomatique
générale, mises en non-activité et des destitutions de certains militaires
(Daine, Niellon) (de
Muelenaere, Gendebien, de
Muelenaere), nombre d’officiers étrangers dans l’armée belge (Evain), situation diplomatique générale (Gendebien, de Muelenaere)
(Moniteur belge n°359, du 24 décembre 1834)
(Présidence de M. Raikem.)
La séance est ouverte à une
heure trois quarts.
M.
de Renesse fait l’appel nominal.
M.
H. Dellafaille donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ;
il est adopté.
PIECES ADRESSEES A
« La dame veuves.
S. L. Houtain, à Bruxelles, demande qu’il lui soit
accordé la même pension de 400 fl. qu’elle recevait sous l’ancien gouvernement
à titre de privation de sa houillère par la loi des concessions. »
________________
« Plusieurs
imprimeurs d’indiennes de Bruxelles adhèrent à la pétition des industriels
cotonniers de Gand, demandant une augmentation du droit sur les cotons
étrangers. »
- Ces deux pétitions sont
renvoyées à la commission chargée d’en faire le rapport.
« Un grand nombre
de cultivateurs de la commune de Menin (Flandre occidentale) demandent la
suppression des droits sur les tourteaux de graine grasse.
- Cette pétition est
renvoyée à la commission d’industrie.
M. C. Vuylsteke. - Messieurs, M. le secrétaire
vient de faire l’analyse d’une pétition signée par plusieurs cultivateurs de la
commune de Menin, pour vous soumettre quelques observations sur les droits
d’entrée dont sont frappés les tourteaux de graine grasse, importés de France.
Cette pétition n’est pas la seule de ce genre ; plusieurs autres ayant pour
objet la diminution des droits d’entrée sur ces mêmes engrais nous sont déjà
parvenues. Je crois qu’il y a urgence de faire droit à la demande des
pétitionnaires ; elle intéresse une partie essentielle de notre industrie,
l’industrie agricole. J’ai donc l’honneur de prier la chambre qu’elle invite la
commission des pétitions à la comprendre dans son plus prochain rapport.
Je saisis cette occasion
pour demander, par forme de motion d’ordre, que la chambre veuille mettre à un
ordre de jour très rapproché le rapport sur les pétitions.
Il semble, messieurs,
que nous avons perdu de vue l’article 65 de notre règlement qui porte :
« La commission des pétitions sera tenue de faire chaque semaine un
rapport sur les pétitions parvenues à la chambre, et ce par ordre de date,
etc. » Et nonobstant cette disposition formelle, plusieurs semaines se
sont déjà écoulées sans que ce rapport ait été fait. Un seul a été mis à
l’ordre du jour depuis l’ouverture de la présente session.
Plusieurs voix. - Après les budgets ! après le budget de la guerre !
________________
Un message du sénat
annonce l’adoption du projet de loi fixant le contingent de l’armée pour 1835.
________________
M.
de Puydt fait hommage à la chambre de son mémoire sur la canalisation
de
- Le dépôt à la
bibliothèque est ordonné.
_________________
M. Olislagers s’excuse sur une indisposition de
son absence des séances de la chambre.
_________________
M.
Coghen, rapporteur, lit un rapport que nous donnerons dans un prochain
numéro.
PROJET DE LOI
PROROGEANT
M.
le président. - La discussion est ouverte sur le projet de loi ainsi
conçu :
« Léopold, Roi des
Belges,
« A tous présents
et à venir, salut.
« Considérant que
l’obligation imposée par l’article 29 de la loi monétaire du 5 juin 1832
(Bulletin officiel, n°XLIV), d’organiser, par une
loi, l’administration des monnaies, n’a pu être remplie jusqu’ici, et que les
motifs qui ont fait porter la loi du 27 décembre 1833, n°1662, subsistent dans
toute leur force :
« Sur le rapport de
notre ministre des finances,
« Nous avons arrêté
et arrêtons :
« Le projet de loi
dont la teneur suit sera présenté, en notre nom, à la chambre des représentants
par notre ministre des finances :
« Article
1er. La commission instituée par arrêtée royal du 29 décembre 1831, n°371
(Bulletin officiel, n°CXXXII), continuera à remplir
provisoirement les fonctions d’administration des monnaies, jusqu’à ce que
cette administration ait été organisée par une loi.
« Art. 2. La
présente loi sera obligatoire le premier janvier 1835.
« Donné à
Bruxelles, le 21 décembre 1834.
« Léopold.
« Par le Roi :
« Le ministre des
finances, d’Huart. »
M.
Gendebien. - Si je ne me trompe, c’est pour la troisième fois qu’on
vient nous demander de proroger les pouvoirs de la commission des monnaies ;
mais pour cette fois on ne prend plus la peine de nous promettre une loi
prochaine ; on veut maintenir indéfiniment ce qui existe. Il en est ainsi de
toutes les institutions promises par la constitution. Je citerai par exemple
les auditeurs militaires dont on nous a demandé de proroger les fonctions.
Vers la fin de février
1831, il y avait déjà un projet de code militaire complet ; j’en ai examiné une
partie avec deux membres de la commission chargée de la rédaction du projet.
Cet examen ne put être achevé, parce que je quittai à cette époque le
ministère.
Y
a-t-il nécessité de proroger indéfiniment les attributions de la commission des
monnaies ? Je demande que cette prorogation ne s’étende que jusqu’au 31
décembre 1835. Si le gouvernement ne nous présente pas une loi d’ici là, vous
verrez ce que vous aurez à faire. Je demande donc formellement qu’il soit
inséré dans la loi qu’elle ne sera valable que pour un an.
M.
le ministre de la justice (M. Ernst). - Je me bornerai à donner des
explications sur le code militaire. La commission est nommée depuis l’année
dernière. La législation militaire se composera de trois codes : le code
d’organisation judiciaire, le code d’instruction criminelle et le code pénal.
Deux de ces codes sont entièrement achevés ; le troisième, le code pénal est
sur le point de l’être. La commission a travaillé de la manière la plus
consciencieuse, la plus assidue. Son travail sera soumis prochainement au
gouvernement, et fera la base d’un projet de loi qui sera présenté à la
législature. Mais je ne pense pas que la chambre le discute dans cette session,
je crains même qu’elle ne puisse pas s’en occuper dans le cours de la session
prochaine. C’est pour ce motif que j’avais demande que la loi sur les auditeurs
militaires ne fut pas prorogée pour une année, mais indéfiniment, afin de ne
pas surcharger la chambre de travaux inutiles.
La chambre sait que si les institutions promises par la constitution ne
sont pas complétées, ce n’est pas la faute du gouvernement. Pour citer un
exemple, je rappellerai que les projets de loi d’organisation communale et
d’organisation provinciale sont présentées depuis trois ans ; s’ils ne sont pas
encore entièrement votés, ce n’est pas assurément le gouvernement qui en est
cause.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je
suis prêt à déposer sur le bureau un projet de loi sur la monnaie. Si la
chambre croit qu’elle pourra le discuter avant le 1er janvier 1836, je ne
m’oppose nullement à ce que la prorogation des pouvoirs de la commission soit
limitée à cette époque. Si je n’ai pas déterminé cette époque, c’est parce que
j’ai cru que la législature ne pourrait faire passer les lois secondaires avec
les lois plus importantes dont elle est saisie.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Lorsque
j’ai demandé la parole, je voulais donner sur le travail du code militaire des
explications que vient de vous exposer M. le ministre de la justice. Je n’ai
rien à ajouter à ses paroles.
M.
Gendebien. - Je rends pleine justice à la commission chargée de la
confection du code militaire, je suis convaincu, quoique je ne connaisse pas
personnellement les membres qui en font partie, qu’ils nous donneront un
excellent projet. Mais je rappellerai seulement qu’une commission avait été
nommée par le gouvernement provisoire dès le mois de novembre. Elle avait déjà
commencé son travail ; mais on paraît l’avoir complètement perdu de vue depuis
cette époque, et il y a eu de bonnes raisons pour cela ; c’est que le code
militaire est encore un reste de despotisme qui ne présente aucune garantie
pour les citoyens. Voilà pourquoi on retarde continuellement l’examen d’une loi
nouvelle.
Je
demande que la loi des monnaies n’ait de force que pour une année. Quel grand
inconvénient y a-t-il à cela ? Le gouvernement sentira d’autant mieux la
nécessité de nous présenter un projet de loi avant la fin de la session.
Remarquez, messieurs, que tous les ans, lorsque l’on nous demande une
prorogation d’institutions provisoires, on nous promet toujours que l’on
présentera à la chambre des projets d’organisation définitive. Insérons que les
pouvoirs de la commission des monnaies expirent le 31 décembre 1835, et si vers
cette époque nous reconnaissons que l’organisation définitive des monnaies n’a
pas eu lieu par la faute du gouvernement, nous voterons une prorogation
nouvelle. Le mal ne sera pas grand. J’ai le droit de soupçonner la mauvaise
volonté du gouvernement. Il veut perpétuer un provisoire qui est dans son
intérêt. S’il n’adopte pas ma proposition, c’est qu’il sera guidé par ce motif.
M. F. de Mérode. - Si nous perdons notre
temps à recommencer des petits lambeaux de lois, nous n’en finirons jamais. A
quoi bon établir une prorogation qu’il nous faudra prolonger l’année prochaine
? Il s’agit de savoir si avant 1837 nous pourrons faire une loi des monnaies.
Je ne le crois pas. C’est pour ce motif que je voterai pour le projet présenté
par le gouvernement. Que ceux qui ne partagent pas mon opinion et qui croient
que nous avons le temps de reprendre sans cesse des lambeaux de lois émettent
un vote négatif. Pour moi je suis persuadé que ce sera du temps complètement
perdu.
M. Gendebien. - On a semble faire à la chambre
un reproche sur la lenteur qu’elle met à organiser les institutions promises
par le pays. Si les lois ne sont pas votées plus vite, la faute en est au
gouvernement qui vient discuter pendant deux jours sur la question de savoir
par qui seront nommés les gardes champêtres.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je ne puis admettre que l’on prétende que nous ayons passe deux jours à
discuter la question de nomination des gardes champêtres. Cette question nous a
tout au plus occupés un quart d’heure.
-
L’amendement présenté par M. Gendebien, à remplacer dans l’article 1er ces mots
: « jusqu’à ce que cette administration ait été organisée par une
loi, » par ceux : « jusqu’au 31 décembre 1835 » est mis aux
voix. Il n’est pas adopté.
L’article 1er est mis
aux voix et adopté.
L’article 2 est également
mis aux voix et adopté.
M. le président. - Je vais mettre aux voix les
considérants du projet.
M. de Brouckere. - Les considérants doivent
être supprimés. Ils ne tombent que sur l’ordre à donner par le Roi au ministre
du l’intérieur. D’ailleurs, il semblerait que l’on organise par un arrêté ce
qui ne peut l’être que par une loi : ils sont donc en contradiction avec les
articles mêmes.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). Je ne m’oppose pas à ce que la
suppression des considérants soit faite, quoique je ne les regarde pas comme en
contradiction avec le dispositif.
- Les considérants sont
supprimés.
Il est procédé à l’appel
nominal pour le vote sur l’ensemble de la loi.
62 membres sont
présents.
61 prennent part au
vote.
Un seul, M. Gendebien,
s’abstient.
La chambre adopte à
l’unanimité. En conséquence le projet de loi sera transmis au sénat.
M.
Gendebien. - Je n’ai pas voulu voter contre la loi, puisqu’il est
nécessaire que les fonctions de la commission des monnaies, expirant le 31 de
ce mois, soient renouvelées. Mais je me suis abstenu de voter, parce que je
n’ai pas voulu abandonner la garantie d’avoir une bonne loi.
Discussion générale
M.
le ministre de la guerre (M. Evain). - Messieurs, avant d’aborder la discussion
des divers articles qui composent le budget du département de la guerre, je
dois nécessairement répondre aux observations préliminaires du rapport de votre
section centrale, qui a cru devoir appeler votre attention sur les résultats
des comptes des trois budgets précédents, et y puiser des arguments pour
éclairer et déterminer votre vote sur celui qui est maintenant en discussion.
La distinction que ce
rapport indique entre l’état de paix et l’état de guerre, pour l’établissement
du budget, est parfaitement juste ; et c’est le meilleur argument que je puisse
faire valoir moi-même pour justifier les crédits supplémentaires qui furent
demandés en 1832 et 1834, pour expliquer les motifs qui ont ensuite laissé des
fonds disponibles sur ces deux exercices et sur celui de 1833 ; et par suite
encore, pour établir la nécessité et l’opportunité du crédit supplémentaire et
éventuel qui vient de vous être demandé pour l’exercice prochain.
Je vous rappellerai,
messieurs, la vicissitude des événements dont nous avons été témoins et acteurs
depuis le mois de janvier 1832 et je vous demanderai franchement si aucun de
vous, si aucun ministre, si aucun gouvernement a pu avoir la prescience je ne
dis pas d’une année, mais d’un mois même, des événements qui pouvaient surgir
de la complication de nos affaires tant diplomatiques que militaires, liées
comme elles l’étaient à celles d’autres puissances.
Maintenant que ces
événements sont consommés, il est facile de dire qu’on avait demandé trop de
fonds pour tel exercice, que les prévisions ne devaient pas aller jusque-là, et
que ce qui le prouve, est la remise des fonds restés disponibles.
Mais, messieurs, songez
que les budgets sont faits plusieurs mois à l’avance de l’exercice auquel ils doivent
s’appliquer ; que c’est dans le mois de juin dernier que j’ai dressé celui de
l’exercice 1835, et qu’à moins d’avoir une prévision que je ne puis reconnaître
à personne il était impossible de calculer au juste sur quel pied notre armée
devait être entretenue en 1835, puisque aujourd’hui même que nous touchons à
cette année, il règne encore une grande incertitude sur les faits qui peuvent
surgir des événements politiques qui viennent d’avoir lieu.
Il est très croyable que
j’aie demandé encore trop ou trop peu, car cela dépend des événements et des
circonstances où
S’il ne s’agissait que
d’établir un budget positif sur le pied de guerre ou sur le pied de paix,
certes la chose serait facile et n’amènerait pas le moindre embarras.
Mais il faut le bâtir
sur des chances éventuelles, tâcher d’allier les deux systèmes pour passer de
l’un à l’autre sans entraves, sans difficultés. L’œuvre n’est pas si facile
qu’on le suppose, et c’est cependant ce que j’ai tâché d’obtenir dans les trois
budgets successifs que j’ai eu l’honneur de vous présenter.
Je n’entrerai pas ici
dans le récit des faits qui vous sont connus à tous, sur la manière dont les
budgets de la guerre sont établis en Hollande, et de ceux qui sont relatifs à
des budgets du département de la guerre en France, où les événements politiques
ont apporté tant de perturbation, tant de crédits supplémentaires et
extraordinaires ; je me bornerai à ceux qui concernent
Exercice 1832 :
A mon entrée au
ministère, je trouvai le budget réglé à la somme de fr. 62,548,948
Il y fut ajouté pour
l’indemnité des officiers volontaires une somme de fl. 60,000 : fr. 126,983 13
c.
La loi du 3 juin
n’accorda le crédit supplémentaire que je demandai pour dépenses reconnues
nécessaires, montant à fl. 2,588,000, ci fr. 5,477,248
68 c.
La loi du 8 juillet
m’accorda un nouveau crédit pour la levée des bataillons de réserve, montant à
fl. 4,400,000, ci. Fr. 9,512,169
31 c.
Total : fr. 77,465,349 12 c.
Ces crédits
supplémentaires ont été appliqués aux dépenses auxquelles ils étaient destinés.
Les 60,000 florins ont
été répartis entre les officiers de volontaires.
Les 2,588,000
florins ont été employés aux dépenses qui avaient nécessité ce crédit
supplémentaire, ainsi qu’elles ont été réglées par la loi du 15 mars 1834, qui
a autorisé la répartition de la somme totale entre les divers articles du
budget.
Quant au dernier crédit
de 4,400,000 florins accordé pour l’entretien de 30,000 hommes d’infanterie
pendant six mois, j’avais déclaré à la commission qu’il n’en serait fait emploi
que pour le nombre d’hommes qui seraient levés, et pour le temps qu’ils
seraient entretenus sous les armes.
C’est sur cet article
qu’il a été fait une réduction de dépenses qui, ajoutée aux remboursements des
avances effectuées sur la masse d’habillement, ont porté la quotité des fonds
restants disponible sur cet exercice à la somme totale de fr. 5,603,737 47 c.
Voilà, messieurs,
l’explication de ce restant disponible qui ne provient ni d’allocations mal fondées, ni d’allocations en trop, ou qui n’étaient point rigoureusement
appliquées, ou qui n’avaient pas été convenablement
appréciées.
Il est très facile, je
le répète, de jeter du blâme sur des opérations exécutées, au milieu
d’éventualités qui renversent les prévisions, je ne dis pas de l’année
précédente où les budgets sont établis, mais même de la quinzaine où l’on agit,
et l’on voudrait aujourd’hui que ces prévisions aient eu la précision
mathématique que l’on établit quand les faits sont accomplis ! C’est chose
impossible, et, loin d’y voir matière au blâme, je suis étonné, je l’avoue,
d’être arrivé à un pareil résultat.
Exercice 1833.
C’est ici, messieurs,
que je vais vous démontrer combien, lorsqu’il y a quelque chose de fixe et
d’arrêté dans la politique, il est facile d’y conformer les prévisions des
dépenses, et, ce qui vaut mieux encore, de les réaliser.
La loi du budget de 1833
en régla le montant à la somme de 66,433,000 fr. non compris une somme de
2,456,000 fr. qui fut retranchée du montant des allocations de la masse
d’habillement, les corps devant recevoir cette somme par les retenues et les
versements des militaires, ce qui atténuait d’autant leur dette envers l’Etat.
Dès que la convention du
21 mai eut stipulé un armistice entre
Ce n’est pas tout
messieurs : le budget, ainsi réduit à 55 millions de fr.,
a encore été diminué de 3,635,000 fr. par l’effet de nouvelles réductions dans
l’effectif de l’armée, réductions que permettait de faire le maintien de
l’armistice
Ainsi les dépenses du
budget de cet exercice ont été réduite de 15,068,000
fr. ; et fallait-il, pour réaliser les prévisions du budget, dépenser une
partie de cette somme ? Assurément non, messieurs, et j’ai préféré d’être
trompé dans mes prévisions et laisser au trésor les fonds que ne réclame pas ce
service.
Mais c’est à la
convention du 21 mai que l’on doit rapporter ce résultat, et non à ce que les
allocations du budget avaient été mal établies ou mal calculées ; et j’invoque
ici le témoignage de la commission qui fut chargée d’en examiner les détails et
qui sut si bien remplir cette tâche honorable.
Ainsi, messieurs, pour
cet exercice comme pour l’autre, point de faux calculs, point de fausses évaluations, point d’allocations mal appliquées ou sans motifs valables ; l’économie tout
entière tient au passage du pied de guerre au pied de paix, par suite de la
convention du 21 mai.
C’est pendant le siége
de la citadelle d’Anvers que j’établissais les prévisions du budget de 1833 ;
et qui aurait deviné, je vous le demande, que cinq mois après il y aurait un
armistice ?
Je vous avoue,
messieurs, que j’étais loin de m’attendre qu’on me ferait un reproche d’avoir
calculé, au mois de novembre 1832, les dépenses présumées de l’exercice 1833
pour l’entretien d’une forte armée prête à entrer en campagne ; de n’avoir pas
prévu alors qu’il y aurait un armistice cinq mois après, et d’avoir réduit
pendant le dernier semestre les dépenses de 15,000,000 de francs.
Ceci, messieurs, est
réellement hors de toute prévision et sort des limites de l’intelligence
humaine.
Exercice 1834
J’espère vous démontrer
que sur cet exercice comme sur les précédents, il n’y a pas eu d’allocations mal fondées, de dépense mal appréciées, de fonds
accordés sans motifs valables, parce
que je tiens à détruire complètement ces allégations qui me touchent autant que
les commissions que vous avez honorées de votre confiance pour l’examen des
budgets de 1832, 1833 et 1834, et qui se sont acquittées de leurs fonctions
avec un zèle et une perspicacité auxquels je dois rendre la justice qui leur
est due à si bons titres.
C’est après mûr examen,
et les investigations les plus minutieuses, que le budget de 1834 fut réglé sur
le pied de paix à la somme totale de 38,281,000 fr.
Mes prévisions sur ce
pied de paix et sur l’état d’armistice étaient tellement bien établies, que les
dépenses du premier trimestre furent exactement celles qui étaient portées au
budget. La commission des crédits supplémentaires du mois d’août dernier m’a
rendu à ce sujet pleine et entière justice, après avoir vérifié scrupuleusement
tous les calculs établis tant sur l’effectif que sur le montant des dépenses.
Je n’ai pas besoin de
vous rappeler les événements politiques qui survinrent au mois de mars, et qui
obligèrent le gouvernement à vous demander un supplément de crédit, d’abord de
2,800,000 francs restant disponibles sur l’exercice précédent, et ensuite de
3,637,000 fr. dont 2 millions à prélever sur les fonds qui restaient encore
disponibles de 1832, et 835,000 fr. qui étaient aussi disponibles sur
l’exercice 1833, après l’annulation de 11 millions 433,000 fr. sur ce même
exercice.
Ce que le rapport de la
section centrale n’a pu vous annoncer et que je crois devoir dire, c’est qu’il
restera sur cet exercice 1834 un fonds disponible de 2,500,000 fr. dont il faut
rapporter la majeure partie aux retenues et versements effectués pendant cet
exercice, qui ont permis aux corps de ne pas prendre en totalité leurs
allocations de masse d’habillement, et qui ont ainsi servi au remboursement des
avances faites en 1830 et 1831 par le trésor aux corps de l’armée pour
l’habillement des hommes qu’ils ont reçus pendant ces deux années ; et je
répète ici, messieurs, que dans les 24,000,000 fr. que j’ai laissés sans emploi
sur les exercices 1832, 1833 et 1834, le remboursement des avances faites aux
corps et qui montaient à 13,000,000 fr. entre pour 8,000,000 fr., dont
5,600,000 fr. par retenues et versements et 2,400,000 pour la défalcation de
pareille somme qui fut faite sur les allocations de la masse d’habillement pour
l’exercice 1833.
Les comptes vous seront
présentés, et je suis persuadé qu’ils ne laisseront dans vos esprits ni doute, ni incertitude sur leurs résultats que je vous ai annoncés.
Je n’ai jamais présenté
comme véritables économies de mon fait seul, les 24 millions que j’ai laissés
disponibles sur les trois budgets, dont je viens d’avoir l’honneur de vous
entretenir :, j’ai toujours dit que dans ces reliquats
de fonds disponibles entrait nécessairement ce que les corps ont pris en moins
sur les allocations de leur masse d’habillement, et qui se monte à 5,600,000
francs. Mais j’ai cru pouvoir faire connaître des économies réelles résultant
de mon administration, et en cela, messieurs, je n’ai fait que ce que tout
administrateur est en droit de faire.
Après vous avoir
successivement exposé les résultats des trois budgets précédents, il me reste à
détruire une assertion relative aux transferts consentis par la chambre,
« qu’elle croyait votés, et dont elle ne voulait que changer la
destination dans l’ignorance où elle était de leur origine. »
Chacun de mes rapports
pour les transferts proposés était cependant bien explicite, et il me suffira
de vous les rappeler pour répondre à cette assertion.
Sur le restant
disponible de 1832 :
- 3,603,737
fr. ont été appliqués à couvrir les dépenses arriérées des exercices 1830 et
1831.
- 2,000,000
fr. ont été transférés à l’exercice 1834.
Sur le restant
disponible de 1833 :
- 11,433,600
fr. ont été annulés.
- 3,635,010
ont été transférés à l’exercice de 1834.
Voilà, messieurs, tous
les transferts qui ont été proposés. bien expliqués et
consentis par les chambres. Vous conviendrez qu’ils ne présentent pas l’ombre
de la plus légère complication.
Les comptes tenus au
ministère, à la trésorerie et à la cour des comptes, sont parfaitement d’accord
sur ce point de comptabilité, et il n’en est pas résulté le moindre
inconvénient dans la tenue de ces comptes.
Quant au restant
disponible de 1834, que j’évalue à 25,000,000, le
gouvernement se réserve de vous en proposer l’application à un objet éminemment
utile et essentiel à la défense du pays.
Quant aux revirements
d’un article à l’autre sur le budget d’un même exercice, dont le rapport a
également blâmé la multiplicité, je vous avoue encore que je ne conçois pas ce
blâme, car ils sont bien peu nombreux, et je m’étonne d’avoir pu me tenir ainsi
dans les limites de presque tous les articles.
En 1832 il y eut deux
transferts, l’un de 637 fr. 25 c. pour traitements, et l’autre, de 3,492,712 pour vivres de campagne, dont j’ai expliqué les
causes sans réplique.
En 1833, il y en eut
quatre :
Le premier de 14,000
pour l’état-major des places.
Le deuxième de 15,000
pour frais de bureau.
Le troisième de 1,000
pour le haras.
Le quatrième de 20,000 pour
traitement de non-activité.
En tout 50,000.
Je ne sache pas que les
autres départements ministériels, même ceux les moins sujets à perturbation
dans leurs prévisions, vous en ont offert moins sur ces deux exercices.
Je n’en ai pas demandé
au budget de 1834 et crois pouvoir assurer que je n’en demanderai pas.
Cette obligation
d’obtenir une loi pour le plus léger revirement entre articles du même budget,
et souvent du même chapitre, n’était pas imposée sous l’ancien gouvernement qui
disposait comme il l’entendait, et sans doute dans l’intérêt du service, des
restants disponibles sur quelques articles, pour couvrir les excédants de
quelques autres.
La même marche a
toujours été suivie en France, et c’est par ordonnance du Roi que ces
revirements sont effectués ; le Roi est même autorisé à ouvrir des crédits
extraordinaires et des crédits supplémentaires pour dépenses urgentes et
prévues, sauf à le soumettre à la sanction des chambres.
Ici, messieurs, la cour
des comptes est chargée par l’art. 116 de la constitution d’empêcher qu’aucun
article du budget ne soit dépassé et qu’aucun transfert n’ait lieu.
De là la nécessité de
recourir à la loi dans les deux cas prévus, par cette disposition
constitutionnelle.
La cour des comptes
veille tellement bien au maintien de cette disposition que, pour une simple
erreur d’impression, il faudra, à son avis, une loi pour rectifier cette erreur
qui consiste à la fausse indication du chapitre IV au lieu du chapitre VII dans
la loi des crédits de 1834, quoique la discussion ait pleinement établi que les
30,000 fr. alloué étaient destinés au chapitre VII pour lequel ils étaient
demandés, et non au chapitre IV qui n’a pas besoin de ce supplément
d’allocation.
Il me reste, messieurs,
à m’expliquer sur la nouvelle forme donnée au budget que la section centrale a
proposée, et dans laquelle elle voit l’avantage d’obtenir des comptes plus
clairs, plus précis, et de suivre mieux l’emploi des différentes masses.
Ce nouveau mode consiste
à ne laisser aux articles des diverses troupes de l’armée que les dépenses
relatives au traitement des officiers et à la solde des sous-officiers et
soldats, et établir 12 nouveaux articles au budget destinés chacun à comprendre
les allocations de chacune des masses pour la totalité des corps de l’armée.
Déjà l’honorable
rapporteur des commissions de 1833 et 1834 m’avait exposé les motifs de ce
projet, et j’avais même essayé de le remplir pour le budget de 1835 ; mais
quelques embarras de détails, l’obligation de fournir dans un bref délai le
budget de cet exercice pour être présenté à la session dernière, me forcèrent
d’y renoncer.
J’ai suivi, jusqu’à
présent, le mode de rédaction que je trouvai établi au département de la
guerre, et ce mode a aussi ses avantages, en ce qu’il est conforme à toutes les
dispositions du règlement d’administration qui régit l’armée depuis 1819, et
dont j’ai reconnu la supériorité sur les règlements français, par sa simplicité
et la facilité des vérifications de comptabilité.
Par le nouveau mode,
chacun des corps de l’armée prélèvera les fonds destinés à ses dépenses sur 10
à 12 articles du budget, et il faudra établir et mandater autant d’ordonnances
de paiement, au lieu de la seule qui lui était donnée sur le seul et même
article qui réunissait toutes ses dépenses.
Si la chambre adopte
cette nouvelle forme de budget, je serai dans l’obligation de modifier
plusieurs dispositions du règlement d’administration, et de faire établir de
nouveaux registres et de nouveaux imprimés qui sont en grand nombre dans la
comptabilité militaire.
Néanmoins, messieurs, je
suis loin de repousser toute innovation, surtout quand elle est présentée comme
pouvant réaliser les espérances que l’on en conçoit, et je désire, autant que
personne, que l’ordre et la régularité soient maintenus dans les comptes du
département de la guerre.
J’adopte
donc le mode de séparation des allocations des masses, de celles des
traitements et de la solde, me réservant de donner de nouvelles explications à
ce sujet.
Ici se termine,
messieurs, ma réponse aux observations préliminaires du rapport et je me
réserve également de donner des explications détaillées sur chacun des
articles, à mesure que nous allons entrer dans leur discussion.
M.
Gendebien. - Messieurs, quelque peut de zèle que l’on mette à assister
à une discussion aussi importante que celle du budget de la guerre, qui à lui
seul absorbe la moitié de nos revenus, je ne puis me dispenser de prendre la
parole, et fussé-je le seul, comme je l’ai dit dans une autre circonstance, je
remplirai mon devoir comme toujours. Je m’efforcerai de l’accomplir.
Avant de discuter le
budget de la guerre, il convient de bien nous pénétrer de notre position à
l’intérieur et à l’extérieur, parce que naturellement les allocations doivent
ou augmenter ou diminuer suivant les probabilités de guerre ou de paix. Je me
proposé d’abord d’adresser à M. le ministre des affaires étrangères quelques
questions, ou plutôt de revenir sur quelques interpellations qui lui ont été
adressées au sénat par un de ses honorables membres. Avant d’aborder les
réponses faites par le ministre dans l’autre chambre et pour mieux les
apprécier, je crois nécessaire de résumer notre situation politique extérieure.
Je tâcherai d’être bref.
Vous savez, messieurs,
que le ministère Wellington est définitivement composé, c’est un ministère tory
et même d’une nuance très renforcée. Or, veuillez-vous rappeler qu’au moment de
notre révolution, le même ministère se trouvait à la tête des affaires
d’Angleterre. Voyons succinctement et par les actes antérieurs de ce ministère
ce que nous pouvons et devons en attendre. Je vous prierai d’abord de lire
attentivement le discours du roi d’Angleterre à l’ouverture du parlement le 2
novembre 1830. Je me bornerai à vous en donner quelques fragments ; ce discours
est le thème du ministère tory, le même qui est aujourd’hui aux affaires.
C’était la profession de foi politique de ce ministère.
« C’est avec un profond
regret, dit le Roi, que j’ai été témoin de l’état des affaires dans les
Pays-Bas. Je vois avec peine que l’administration éclairée du roi n’a pas
préservé ses domaines de la révolte, et que la mesure sage et prudente de
soumettre les désirs et les plaintes de son peuple aux délibérations d’une
assemblée extraordinaire des états-généraux, n’ait pas amené un résultat
satisfaisant.
« Je m’efforce, de
concert avec mes alliés, d’aviser, pour rétablir la tranquillité, à des moyens
qui seront compatibles avec la prospérité du gouvernement des Pays-Bas, et avec
la sécurité future des autres Etats.
« Des apparences de
tumulte et de désordre ont causé de l’inquiétude en différentes parties de
l’Europe ; mais les assurances de dispositions amicales que je continue de
recevoir de toutes les puissances étrangères, justifient l’attente que je
pourrai conserver à mon peuple le bienfait de la paix.
« Sentant toujours
la nécessité de respecter la foi des engagements nationaux, je suis persuadé
que ma détermination de maintenir, de concert avec mes alliés, ces traités généraux, par lesquels le
système politique de l’Europe a été établi, offrira la meilleure garantie
au repos du monde. »
Ainsi, messieurs, vous
voyez que le discours du roi Guillaume IV, le 2 novembre 1830, c’est-à-dire le
discours du ministère tory, du même ministère qui forme aujourd’hui le cabinet
anglais, qualifie l’administration du roi Guillaume d’éclairée, nous accuse
hautement de révolte, nous menace d’intervenir, et énonce aussi clairement que
possible qu’il entend maintenir les traités généraux qui avaient constitué
l’Europe, c’est-à-dire ceux de 1814 et de 1815. Je crois inutile de vous
rappeler que c’est en vertu de ces traités que nous avions été réunis à
perpétuité à
Ainsi, vous voyez que la
conduite de lord Aberdeen est tout à fait d’accord avec le discours du trône.
Seulement, d’après le ministre anglais, on n’interviendra que dans le cas où
les intérêts et l’honneur de
Maintenant voulez-vous recourir
à la discussion du parlement d’Angleterre au sujet du discours du trône en ce
qui concerne
Nos ministres peuvent
être tranquilles, peuvent affecter une grande sécurité ; moi je ne le suis pas.
En 1831, nos ministres étaient aussi en parfaite sécurité, et pourtant vous
savez ce qui est arrivé.
Vous avez vu, messieurs,
qu’en sa qualité de roi de Hanovre, Guillaume IV a toujours détesté notre
révolution et méconnu notre existence nationale, alors même qu’il avait
derrière lui un ministère wigh qui n’y est plus. Que
ne fera-t-il pas aujourd’hui qu’il a des ministres dont les opinions sont
semblables à la sienne, des hommes chassés autrefois du fauteuil ministériel,
parce qu’ils favorisaient les préjugés de ce représentant décrépit de
l’aristocratie anglaise ? Qu’avez-vous à espérer si le roi de Hanovre a agi en
opposition directe avec ce qu’il était obligé de subir comme roi d’Angleterre,
lorsqu’il a un ministère wigh ? Je demande quel ne
sera pas l’empire du roi de Hanovre sur le roi d’Angleterre, ayant un ministère
tory dévoué avant tout à sa personne, à ses préjuges !
Après tout, le ministère
Grey, que la doctrine regrette aujourd’hui, qu’a-t-il fait ? Il n’a pas voulu
la guerre, ni qu’on n’obérât le trésor pour faire une guerre continentale. Mais
il n’en a pas moins négocié le retour du prince d’Orange en 1831, et l’on a
intrigué très activement à Bruxelles a l’ambassade
anglaise pour ramener ce prince en Belgique. Les hommes attachés à cette
légation l’ont avoué eux-mêmes, parce qu’ils ne pouvaient se justifier, ni
désavouer un fait qui était trop patent, et parce qu’ils avaient besoin de nous
inspirer encore quelque confiance au sujet du candidat nouveau que nous
présentait l’Angleterre, le prince de Saxe-Cobourg.
Eh bien, messieurs je
suppose que Wellington aujourd’hui abandonne le système de guerre et qu’il en
reste au système des négociations comme il le disait sincèrement ou
hypocritement en 1830 ; mais ce système de négociations consiste, à plus forte
raison dans les mêmes intrigues que sous le ministère Grey. On intriguera dans
le même but ; c’est-à-dire, à la reconstitution du royaume des Pays-Bas.
Messieurs, je sais que
le ministère tory n’est pas définitivement assis, je sais qu’une élection
générale sera pour lui une rude épreuve ; mais, d’un autre côté, cette élection
générale ne nous assure pas un succès complet, et avant que cette élection
générale ait produit ses effets, si tant est qu’elle doive rappeler un
ministère whig au pouvoir, à quels dangers ne sommes-nous pas exposés en
attendant !
Le ministère paraît en
grande sécurité, et moi je déclare que le plus grand danger pour nous est dans
les deux mois qui vont s’écouler, parce que, d’une part, c’est pour le roi
Guillaume un besoin d’agir le plus promptement possible ; car il ne peut plus
trop compter sur la complaisance des états-généraux : la nation hollandaise est
fatiguée, et elle pourrait lui refuser plus tard les moyens de reconquérir
D’un autre côté, le
ministère Wellington a le plus grand intérêt à ce qu’une tentative soit faite,
parce que si le roi Guillaume nous surprenait une seconde fois, et parvenait à
s’emparer de la totalité ou d’une partie de
Prenez-y garde, car les wighs eux-mêmes soutiendraient peut-être en cela le
ministère Wellington.
La raison en est simple,
wighs et tories ont peur par-dessus tout de la
réunion de
Maintenant, messieurs,
voyons, d’après ce que j’ai eu l’honneur de vous dire, si les réponses que M le
ministre des affaires étrangères a faites au sénat, sont satisfaisantes et de
nature à nous rassurer. Je crois inutile de vous lire les interpellations qui
ont été faites, il suffira de vous donner lecture de la réponse du ministre ;
la voici :
« M. le ministre
des affaires étrangères. - L’honorable sénateur demande si nous resterons dans
la même position à l’égard des puissances : quant à moi, je désire de tout mon
cœur que rien ne soit changé à cette position.
« Il demande si
nous resterons sous le poids des 24 articles. Messieurs, je vous avoue que je
n’ai pas à m’expliquer à cet égard. Vous savez que le traité du 15 novembre
forme la base de notre droit politique : évidemment nous ne le repousserons pas
et cela par une raison toute simple, c’est que nous nous sommes engagés. Le
traité du 15 novembre a été accepté par
« Je le répète, le
traité du 15 novembre est considéré comme la base du droit public de
Ainsi le ministère est
en pleine sécurité à l’égard des puissances étrangères. J’espère qu’il nous
exposera les motifs de sa sécurité. Je viens d’énoncer ceux qui me portent à
croire qu’il a tort d’avoir tant de confiance ; je désire me tromper, je désire
qu’il me tranquillise, je désire surtout qu’il tranquillise ma nation, mais
j’ai le droit d’exiger une explication francise, car la nation est enfin
fatiguée de déceptions.
Nous avons, dit-il, le
traité du 15 novembre, qui sert de base à notre existence politique : voilà le
palladium de
Je l’ai démontré dans
une autre circonstance. Je vous ai dit : Qu’il arrive un autre ministère en
Angleterre, et vous verrez comment on y interprétera ce traité. Je dis qu’il ne
lie pas même
« En invitant M. le
plénipotentiaire belge à signer les articles dont il est fait mention
ci-dessus, les soussignés observent :
« 1° Que ces
articles auront toute la force et valeur d’une convention solennelle entre le
gouvernement belge et les 5 puissances ;
« 2° Que les cinq
puissances en garantissent l’exécution ;
« 3° Qu’une fois acceptés par les deux parties, ils sont
destinés à être insères, mot pour mot, dans un traité direct entre
« 4° Que ce traité
signé sous les auspices de la conférence de Londres sera placé sous la garantie
formelle des cinq puissances ;
« 5° Que les
articles en question forment un ensemble qui n’admet pas de séparation ;
« 6° Enfin qu’ils
contiennent les décisions finales et irrévocables des cinq puissances, qui,
d’un commun accord, sont résolues à amener elles-mêmes l’acceptation pleine et
entière desdits articles par la partie adverse si elle venait à les rejeter. »
Cette annexe a la même
force que le traité lui-même. Cela est dit clairement, et s’il n’en était pas
ainsi, le ministère tory nous le ferait bien voir ; or, il n’y a d’engagement
réel qu’autant que les deux parties aient signé. Ceci me paraît incontestable
et je vous prie de bien le remarquer. Dans le fait, je vous demande ce que c’est
qu’un contrat bilatéral, du moment où il n’est signé que par l’une des deux
parties ; et vous savez que l’une des deux parties, le roi Guillaume, n’a pas
signe le traité. Il est une autre observation que le ministère tory ne manquera
pas de faire, c’est que
L’empereur de Russie ne
l’a également ratifié que sous réserve expresse non pas de ce qui est relatif
au Luxembourg, car il ne fait pas partie de la confédération germanique ; mais,
pour tenir le traité en suspens, il a pris un autre prétexte, il fait ses
réserves sur les art. 9, 12 et 13. Ces articles sont les seuls qui accordent
quelque chose à
Maintenant voulez-vous
avoir une preuve que les autres puissances entendent le traité comme le ministère
tory ne manquera pas de le faire. C’est que le roi d’Angleterre qui a signé le
traité est roi de Hanovre, et qu’en cette qualité il est membre de la
confédération germanique ; que le roi de Prusse qui a également signé le traité
est aussi membre de la confédération germanique ; que l’empereur d’Autriche est
membre de la confédération germanique et que tous trois agissent comme s’ils
n’avaient pas signé le traité du 15 novembre.
On nous a donné jusqu’à
des paroles d’honneur que ce traité serait infailliblement accepté, que toutes
ces puissances ne manqueraient pas de nous faire avoir le Luxembourg
précisément parce qu’elles faisaient partie de la confédération germanique.
Vous avez déjà vu comment on nous en a pris la moitié, vous verrez comment on viendra
nous enlever l’autre : Pour moi, il me suffit qu’on nous en ait enlevé la
moitié, malgré la foi jurée, pour que je n’aie aucune confiance dans les
promesses qu’on pourra nous faire relativement à l’autre moitié.
Je vous ai dit tout à
l’heure que
Voulez-vous savoir quels
arguments on peut tirer de là ? Je ne veux pas faire de prophéties relativement
au Luxembourg, parce que celles qu’on a déjà faites ont été trop funestes à mon
pays : je m’en tiens au raisonnement. Et bien, on peut conclure de ce qui est
arrivé, que nous n’aurons pas le Luxembourg et que nous aurons la dette,
quoique M. Lebeau nous ait promis que nous aurions le Luxembourg et que nous
n’aurions pas la dette. Je le répète, je ne prophétise pas, je raisonne.
Vous le savez, un
tribunal arbitral a été constitué pour juger tous les différends qui s’élèvent
et s’élèveront entre les peuples et les princes de la confédération germanique
; le roi Guillaume a déjà nommé ses deux arbitres, il soumettra à un tribunal
arbitral le différend qui s’est élevé entre lui et le peuple du grand-duché
tout entier, qualité dans laquelle il est déjà agréé dans la confédération, et
le tribunal ne manquera pas de donner gain de cause au roi Guillaume contre le
peuple du Luxembourg. Puis la confédération germanique sera chargée d’exécuter
l’arrêt ; cela est de règle : elle enverra 25 ou 30 mille hommes dans le
Luxembourg ; elle s’emparera de la totalité du Luxembourg.
Le roi Guillaume qui
nous menace de la guerre depuis 4 ou 5 semaines, envahira ou au moins nous
menacera d’envahir
On a demandé dans
l’autre chambre à M. le ministre des affaires étrangère, si nous pouvions
compter sur le secours de
Mais croyez-vous que
l’Angleterre nous porte secours ? Elle ne le fera pas. C’est au moins mon
opinion. Non, Wellington ne fera pas la guerre ! Il a été obligé déjà de
quitter les affaires parce qu’on craignait qu’il ne fît la guerre contre nous,
et qu’il n’allumât une guerre générale. L’Angleterre ne permettra pas, à plus
forte raison, qu’on fasse la guerre contre la confédération germanique ; car
cette guerre présenterait des chances plus fâcheuses d’une conflagration
générale, qu’une intervention contre nous en 1830.
Voilà, messieurs, la
position des choses, elle peut ne pas être réelle, elle peut ne pas se
réaliser, mais je la crois logique et je crois l’avoir établie d’une manière
péremptoire ; toutefois, j’abandonnerai très volontiers mes idées et mes
conjectures sur ce point, si le ministère parvient à calmer mes justes
inquiétudes.
Maintenant, messieurs,
je dirai aujourd’hui, et je finirai par là, ce que je disais au mois de mars
dernier, alors qu’on demandait des millions pour obtenir réparation de
l’affront sanglant que nous avions reçu dans le Luxembourg dans la personne de
M. Hanno, ce que je disais alors avec tous les
membres de la commission chargée d’examiner la demande du ministre, c’est que
l’on demandait trop ou trop peu : trop si l’on ne voulait rien faire, trop peu
si on voulait agir d’une manière efficace. Eh bien, je dis la même chose
aujourd’hui. Si le gouvernement veut sérieusement défendre le Luxembourg, il ne
demande pas assez ; s’il ne veut pas le défendre, il demande trop. Il demande
trop ; car, si après une ostentation de préparatif, il vent encore nous laisser
outrager d’une manière aussi ignoble qu’en mars 1834, la honte sera augmentée
de toute l’importance que nous aurons semblé mettre à nous défendre.
Je ne sais si dans le
ministère on partage aujourd’hui l’opinion qu’exprimait à la fin de février ou
dans les premiers jours de mars M. d’Huart, qui n’était pas alors ministre des
finances ; il disait à cette époque : « Le gouvernement fléchit lâchement
devant la menace… Il recule devant la menace… Le gouvernement abandonne le
Luxembourg… Je suis persuadé, continuait M. d’Huart, que le gouvernement ne
demande pas mieux, qu’il verrait de très bon œil que la confédération
germanique s’emparât de tout le Luxembourg, par une espèce de coup de
main. »
Telle était l’opinion de
M. d’Huart au commencement de mars 1834 ; si quelqu’un en doute, il n’a qu’à
consulter le Moniteur de l’époque. Et
maintenant, messieurs, d’après les mesures prises par le gouvernement, et
malgré toute la satisfaction qu’il témoigne dans cette chambre et dans l’autre
sur l’état de nos relations extérieures, je crois, comme M. d’Huart l’affirmait
au printemps dernier, que le gouvernement abandonnerait volontiers le
Luxembourg, qu’il ne demanderait pas mieux d’être débarrassée de cette charge
embarrassante et trop pesante pour ses mains débiles.
Il me reste peu
d’observations à ajouter. M. le ministre des affaires étrangères s’est félicité
et glorifié à l’autre chambre et dans celle-ci de ce que «
Nous recevons, dit-on,
un accueil bienveillant des puissances de l’Europe, nous ne recevons que des
politesses exquises ; et cependant, depuis le mois de février 1834, nous
attendons la réparation promise par M. F. de Mérode, alors ministre des
affaires étrangères, la réparation pour l’injure faite à
Dira-t-on que nous avons
obtenu une réparation en Prusse ? Et le ministère est-il assez bénévole pour
considérer comme une réparation le soufflet que
Pouvons-nous nous
féliciter aussi des désagréments fâcheux qu’un honorable citoyen qui nous
représentait à Vienne a essuyé pendant tout le temps
qu’il y était ?
Peut-on considérer comme
de la bienveillance le silence dédaigneux du roi de Hanovre, l’un des
signataires du traité du 15 novembre 1831, sur toutes les communications qu’on
lui a faites à l’époque de l’avènement du Roi, à celle de son mariage, enfin
dans toutes les occasions solennelles ? De grâce, ami de mon pays, je ne
demande pas mieux que vous puissiez justifier ce qui a été fait jusqu’à ce
jour. Je supplie que l’on veuille dire les actes de courtoisie qui nous donnent
le droit de penser que nous entretenons avec les puissances étrangères les relations
les plus amicales. Messieurs, je le déclare hautement, alors même que M. le
ministre des affaires étrangères ne se serait pas trompé en ce qu’il a avancé
au sujet de nos relations, ce n’est pas une raison pour que nous nous confiions
à la diplomatie étrangère.
Je soutiens que, dans
cette hypothèse même, ce n’est pas une raison pour que nous ne prenions pas des
mesures défensives. Je crois avoir démontré qu’il est de la nature du ministère
tory, attaché qu’il est à l’opinion personnelle du roi d’Angleterre, ce dont
vous ne pouvez douter, qu’il est de la nature de ce ministère de marcher
d’accord avec les puissances du Nord, lesquelles n’ont cessé de chercher à
étouffer les germes de révolutions qui fermentaient dans tout le Nord,
d’effacer toute indépendance en Allemagne, afin d’arriver jusqu’à nous, et de
détruire les révolutions chez nous et en France.
Et ceci, messieurs,
n’est pas une illusion que je me fais. Ce sont des faits. On a écrasé
Si vous voulez que le
peuple belge défende son indépendance, sa nationalité, respectez sa liberté,
cette liberté acquise au prix de tant de sang et de sacrifices ; ne dégoûtez
pas les hommes qui se sont dévoués à la cause de la révolution, et pour que
l’on ne suppose pas à mes paroles une allusion personnelle, je me hâte de dire
que je ne parle ici que des militaires : jetez les yeux sur la liste des
officiers généraux et des officiers subalternes mis en non-activité depuis
quatre ans, et vous verrez qu’il n’y a plus un seul de ceux qui ont concouru à
assurer notre indépendance qui soit en activité.
Pour n’en citer qu’un
(quoique je professe la même estime pour tous), le brave général Daine a été
mis en non activité ; je le cite de préférence, parce qu’il a rendu des
services au gouvernement. Vous venez de le mettre, je dirai presque
honteusement, en non-activité : la honte est pour les auteurs de cette
brutalité ; elle n’a rien que de glorieux pour lui. Comment ! le ministère voulait qu’un général de division belge
souffrît d’être contrôlé dans ses paroles pour la constatation de faits par un
officier inférieur, et de plus étranger au pays ! Un général belge pouvait-il
supporter une semblable humiliation ? Est-il en France un officier qui le
supportât ? Je n’accuse pas
Je parlerai de Niellon, du brave général Niellon.
Je puis parler également de Niellon, puisque l’on ne
tient compte que des services rendus au gouvernement. Par une basse et lâche
intrigue on a ôté à Niellon
son commandement, son gouvernement. Niellon, Van
Haelen, je pourrais en citer jusqu’à 10, qui tous ont combattu pour l’indépendance
nationale. Pour ne parler que d’un seul, les officiers-généraux qui ont rendu
le plus de services au pays, ce sont sans contredit le général Daine qui, avec
une poignée de braves s’est emparé de Venloo ; le général, l’intrépide Mellinet qui, à la tête de 15 à 1,800 volontaires, avait
investi Maestricht et s’en serait probablement emparé, si la diplomatie n’était
venue nous faire abandonner une place que nous pouvions déjà considérer comme
notre conquête.
Vous voyez, messieurs,
qu’il suffit pour régler paisiblement de faire aussi arbitrairement du
despotisme, des destitutions : non messieurs, je ne crois pas que l’empereur,
ce colosse de génie et de gloire, ait jamais osé traiter ses généraux comme
vous les traitez. S’ils sont coupables, mettez-les en jugement ; s’ils ne le
sont pas, rendez-leur justice. Nous sommes fatigués du joug de l’étranger ;
nous sommes fatigués de nous voir régenter par des hommes qui viennent de tous
les pays. Je ne fais allusion à aucune nation en particulier. Je parle de tous
les pays et seulement de ceux qui oublient, en mettant le pied sur le sol de
Descendrai-je à des
officiers d’un grade moins élevé ? Je citerai au hasard le brave Boulanger
major au 12ème de ligne, qui n’a pas obtenu son grade dans les antichambres, au
moins celui-là il a obtenu son grade sur le champ de bataille ; il a combattu
même avant les journées de septembre dans la ville de Mons où il a couru les
plus grands dangers ; il a suivi toutes les chances de guerre de la révolution.
Et bien : en exécution de l’arrêté du régent en date du 30 novembre 1831,
Boulanger a été confirmé dans son grade ; il a été inscrit sur le contrôle du
régiment, il a reçu son traitement comme major effectif et non comme major de
volontaires, remarquez-le bien, il y avait une différence pour la solde, il a
été soumis aux retenues que l’on impose aux officiers de ligne.
Il avait combattu pour
la cause belge ; il avait rendu des services au gouvernement belge, il avait
fait ce qu’un général français en une autre circonstance s’était glorifié
d’avoir fait. Placé à l’avant-garde, avec 300 hommes seulement, il avait
culbuté 900 Hollandais, et fait un grand nombre de prisonniers, entre autres,
un major de cette nation. Eh bien, on l’a destitué après la campagne où il
avait combattu partout avec le même courage. Eh bien, on l’a nommé capitaine.
Vous ne pouvez vous imaginer jusqu’où l’on pousse le raffinement des vexations
à l’égard des officiers de volontaires. Pour éviter de donner à Boulanger le
titre de major, on se sert d’une périphrase qui remplit toute la largeur du
feuillet de la lettre du ministre.
Ce brave major pour une
difficulté de service, est puni. Il croit qu’on lui fait une injustice. Il
réclame. En qualité de major de la garde civique, il est justiciable de la
haute cour militaire. On le traduit devant un conseil de guerre. Il excipe
d’incompétence. On ne l’écoute pas, et cependant comme major de la garde
civique, il avait le droit d’être traité sur le même pied qu’un major dans la
ligne.
Sous prétexte qu’il est
capitaine dans la ligne, on le traduit devant un conseil de guerre, comme s’il ne
se trouvait pas dans la garde civique des officiers supérieurs qui ont servi
comme sous-officiers dans la ligne autrefois, et qui ont néanmoins toutes les
prérogatives des officiers supérieurs de la ligne. Il parvient enfin à la haute
cour, et là il est absous après avoir, pendant plusieurs mois, supporté avec
résignation tous les genres de vexations. Vous parlerai-je pour passer en revue
tous les grades, d’un sous-lieutenant, un nommé Ch. Rue ; parti de Thuin, à 15
lieues de Bruxelles, le 23 septembre avec 27 volontaires qu’il avait rassemblés
sous ses ordres, il arrise à Bruxelles le dimanche des quatre grandes journées.
Il combat pendant toute la durée de la guerre, et à l’issue de la campagne est
incorporé dans le 2ème chasseurs, comme le major Boulanger l’avait été au 12ème
de ligne, il est immatriculé, il reçoit son traitement, il supporte comme les
officiers de ligne les retenues qui leur sont imposées. Il fait son devoir au
mois d’août. Le 1er octobre, jour funeste aux officiers de la révolution, il
n’est pas compris dans la proscription générale : mais, messieurs, c’était un
oubli ; le 16 octobre suivant, il fut ajouté sur la liste et mis en
non-activité ; on a évidemment ajouté après coup un 6 à l’unité. Cc qui prouve
avec quels soins on a procédé à cette épuration des hommes de la révolution.
Et M. Rue est destitué.
Cet officier, messieurs, avait un commerce fort bien établi à Thuin, qu’il a
quitté pour servir son pays. Il a servi pendant 8 ans comme sous-officier
instructeur avant la révolution, et aujourd’hui, comme sous-lieutenant, il est
encore chargé de l’instruction des sous-officiers du deuxième régiment de
ligne. Il a l’avantage d’être sous-lieutenant jusqu’à la paix. Je vous ai parlé
de lieutenants-généraux, de généraux de brigade, de majors, de
sous-lieutenants. Vous trouverez mêmes abus et mêmes injustices dans tous les
cadres. En un mot, alors qu’on se plaint que tant d’étrangers se trouvent dans
les rangs de l’armée, il est de nos compatriotes braves et dévoués que l’on
abreuve de pareils traitements. Tous les officiers compris
dans la proscription de M. Charles de Brouckere, si on a la guerre, ont pour
avantage de se battre et de se faire tuer ; si on a la paix, d’être renvoyés,
destitués. Et voilà comme on espère faire
croire que la révolution en Belgique n’est pas un mensonge ; qu’il y existe
encore une ombre de liberté.
Messieurs, au jour du
danger, je crois que chacun marchera, et défendra son pays. Mais je le dis avec
franchise, les hommes qui sont en ce moment au pouvoir ne sont pas de nature à
rassurer le pays qui voudrait des garanties, et je déclare au nom de mes
commettants qu’elles ne me semblent pas suffisantes.
M.
Nothomb. - Lorsque l’événement qui vient de se réaliser dans un pas
voisin fut annoncé il y a un mois et demi, les esprits durent involontairement
se reporter en arrière de quatre ans ; on dut se rappeler que la révolution
belge a pris son essor au bruit pour ainsi dire de la chute du ministère
Wellington, et se demander ce qui serait advenu d’elle, si ce cabinet avait pu
se maintenir à cette époque. L’on s’est complu dans cette hypothèse, comme si
tout ce qui comble le grand intervalle de 1830 à1834 était non-avenu. Ce n’est
pas à cette hypothèse qu’il faut s’arrêter. Tous les événements qui se sont
accomplis depuis novembre 1830 étant donnés, de quelle influence peut être la
résurrection du ministère que nous avions vu mourir ? Ainsi faut-il poser la
question ; et ainsi posée, elle se présente sous un tout autre point de vue.
L’alliance de l’Angleterre et de
L’honorable préopinant
vous a fait part de ses prévisions ; je sais, et il a eu soin de vous le dire,
qu’il y a de grands dangers à se livrer à des conjectures, à aventurer de
prophéties. Je m’en suis toujours abstenu, m’attachant aux actes. Il me paraît
avoir méconnu le sens des traités de 1815 et celui du traité du 15 novembre
1831 ; il vous a présenté les traité de 1815 comme
détruits par le traité du 15 novembre. Ils n’ont été, messieurs, que modifiés
par cet acte, l’esprit en a été respecté, et je le prouverai à l’évidence tout
à l’heure. Cette modification s’est faite en 1831 de commun accord par les
parties contractantes de 1815. Le nouveau ministère anglais, dit le préopinant,
veut le maintien des traités de 1815 ; et le traité du 15 novembre anéantit ces
traités. Je dis au contraire que le système territorial des traites de 1815, le
système de non-réunion de
L’honorable préopinant a
cherché quelles pouvaient être les intentions des hommes d’Etat qui composent
le nouveau cabinet, et il vous a rappelé leurs discours. A ces discours plus ou
moins fugitifs, j’ai des actes d’un caractère plus permanent à opposer. Ces
actes sont aujourd’hui publics ; je les extrais d’un recueil qui se trouve dans
la bibliothèque de cette chambre. Je prouverai qu’avant sa chute le ministère
avait adopté la voie des négociations où l’on est resté, qu’il ne peut donc
être tenté aujourd’hui, comme le présume le préopinant de revenir au système de
guerre, qu’il a rejeté dès novembre 1830.
Le ministère anglais a
résigné ses pouvoirs le 13 novembre 1830, et a de fait cessé ses fonctions le
18 novembre ; il avait posé plusieurs actes très importants.
La première note
adressée par le gouvernement hollandais au gouvernement britannique porte la
date du 5 octobre 1830 ; il importe d’en rappeler les conclusions pour savoir
jusqu’à quel point le ministère d’alors y a satisfait. L’ambassadeur des
Pays-Bas, M. Falck, après avoir fait un récit assez étendu des événements qui
avaient précédé les journées de septembre, terminait en ces termes :
« Je suis chargé de
prier V. E. de vouloir porter cet exposé fidèle de la situation actuelle de
« Et comme l’assistance
des alliés du roi pourra seule rétablir la tranquillité dans les provinces
méridionales des Pays-Bas, j’ai en même temps reçu l’ordre de demander qu’il
plaise à sa majesté britannique de commander à cette fin l’envoi immédiat du
nombre nécessaire de troupes dans les provinces méridionales des Pays-Bas, dont
l’arrivée retardée pourrait gravement compromettre les intérêts de ces
provinces et ceux de l’Europe entière. »
On mit peu
d’empressement à répondre à cette communication ; lord Aberdeen, alors ministre
des affaires étrangères, laissa s’écouler douze jours ; sa note porte la date
du 17 octobre ; elle est en anglais, je n’en ai pas de traductions ; je me
bornerai à l’analyser. Lord Aberdeen refuse l’envoi d’une armée comme tardif,
et se contente d’annoncer l’ouverture de conférences diplomatiques, en ajoutant
qu’on aura par dessus tout en vue le maintien « de la paix générale ; » il
ne dit pas : « de l’intégrité du royaume des Pays-Bas. »
Le 2l octobre M. Falck
accusa réception de la réponse de lord Aberdeen, en manifestant ses regrets du
refus des secours militaires et ses doutes sur l’efficacité des moyens
diplomatiques :
« Mon gouvernement
regrettera sans doute d’apprendre, dit-il, que cette demande n’a pu être
accueillie avec la promptitude que paraissait réclamer l’étendue du mal et
l’urgence du danger dont il menace la tranquillité générale de l’Europe... Le
roi, mon maître, persuadé comme il l’est de la sincérité des sentiments
analogues qui animent ses autres alliés, pourrait attendre avec une entière
sécurité le résultat des délibérations communes auxquelles vous m’annoncez, M. le
comte, que la cour de France a été invitée à prendre part, si le caractère de
l’insurrection, qui a si inopinément éclaté dans ses Etats, permettait de
compter sur quelque retour à la modération et à la sagesse chez ceux que la
crédulité du peuple a mis à même de s’emparer momentanément du pouvoir. »
Désespérant d’obtenir de
l’Angleterre des secours militaires et craignant une agression de la part des
Belges contre
Résumons ces premiers
actes :
L’ambassadeur du roi
Guillaume s’adresse au ministère Wellington pour réclamer l’envoi d’une armée
anglaise en Belgique.
Le ministère Wellington
refuse tout secours militaire et annonce des conférences diplomatiques dont
l’objet sera avant tout le maintien de la paix générale.
L’ambassadeur du roi
Guillaume manifeste ses regrets du refus des secours militaires et ses craintes
sur les suites des moyens purement diplomatiques ; redoutant une agression de
Ainsi, avant la
formation du ministère Grey, le gouvernement britannique avait déjà abandonné
le roi Guillaume.
Il est vrai que la
révolution belge était blâmée dans le discours du parlement, mais à cette
occasion encore lord Wellington eut soin de réitérer le refus de tout secours
militaire : « Je puis assurer à la chambre, disait-il, le 2 novembre 1830,
qu’il n’y a pas de la part des ministres de S. M., non plus que de celle
d’aucune puissance quelconque, la moindre intention d’intervenir par la voie
des armes dans les affaires des Pays-Bas. Le vœu de ce pays et de toutes les
autres parties intéressées est de terminer le débat par des négociations, et par
des négociations seulement. »
Pour définir notre
position politique, je n’ai besoin de recourir à aucune conjecture ; je
pourrais me borner à donner lecture de la note remise à la conférence de
Londres, sous la date du 28 septembre 1833, par les plénipotentiaires belges
MM. Goblet et Van de Weyer, et dont cette chambre a ordonné l’impression dans
la séance du 4 octobre ; note qui constate les causes de la suspension des
négociations, et les conditions auxquelles la reprise en est subordonnée. Il
n’est survenu aucun acte qui ait pu changer cet état de choses, ainsi constaté
par les plénipotentiaires belges de concert avec la conférence de Londres ;
Je suis amusé,
messieurs, à vous entretenir de la question du Luxembourg ; je ne partage pas
les prévisions du préopinant. A ces prévisions, j’ai à opposer quelques
considérations politiques qui me sont personnelles, il est vrai, mais qui ne me
semblent pas sans quelque importance. Je crois aujourd’hui pouvoir les émettre
sans danger.
Chacun sait qu’il existe
une corrélation intime entre la question du Luxembourg et celle du Limbourg. Je
dis que la confédération germanique n’a aucun intérêt à anéantir les
arrangements territoriaux arrêtés par la conférence de Londres ; or, nier la corrélation
que j’indique serait frapper ces arrangements dans leur ensemble. La
confédération germanique, il faut bien l’avouer, acquiert politiquement et
militairement plus qu’elle ne perd. En cédant à
Mais, objectera-t-on, on
niera toute corrélation, on exigera l’abandon en entier du Luxembourg ; et on
ne fera aucune restitution dans le Limbourg. Cette supposition est
inadmissible. La logique et la justice la repoussent également. On ne peut rien
reprendre à
Prétendra-t-on que la
confédération a intérêt à annuler les arrangements territoriaux pour éviter
qu’il soit porté atteinte aux statuts fédéraux ? L’abandon gratuit de la partie
méridionale du grand-duché pourrait paraître jusqu’à un certain point contraire
à la constitution fédérale de l’Allemagne : mais qu’on le remarque ben, il ne
s’agit pas d’abandon gratuit, d’une dépossession sans dédommagement. Aux termes
du traité du 15 novembre, c’est d’un échange qu’il s’agit ; or, certainement,
ce n’est pas violer les statuts fédéraux que d’accepter, de sanctionner un
échange, selon moi avantageux à l’Allemagne. Un propriétaire qui fait un
échange avantageux ne méconnaît pas son droit de propriété : Il l’exerce
utilement.
Je vais plus loin ; je
soutiens que si
La partie méridionale de
l’ancien royaume des Pays-Bas s’appuyait sur trois rivières : l’Escaut,
Ce n’est pas à dire
cependant que
Ainsi, en résumé, il y a
au fond des arrangements territoriaux une combinaison politique qui est de
l’intérêt de l’Allemagne aussi bien que de l’Angleterre de maintenir. Si ces
arrangements sont sanctionnés, c’est qu’il est de l’intérêt bien entendu, non
de
Je suis donc sans
inquiétude sur l’irrévocabilité des arrangements territoriaux ; mais je veux
aller plus loin : nous ne sommes tenus a l’évacuation que lorsqu’il sera
intervenu un traité direct et définitif avec
Je crois vous avoir
démontré par des actes que les puissances n’ont aucun intérêt à détruire les
arrangements territoriaux ; je crois aussi vous avoir prouvé par des actes que
le ministère anglais, au moment de sa chute, en novembre 1830, n’était pas si
éloigné qu’on le suppose du système qui a été suivi relativement à la
révolution belge ; aussi la chute de ce cabinet est moins due à la sortie qu’il
avait cru devoir se permettre contre le caractère de cette révolution qu’au
refus de toute réforme électorale, refus formellement exprimé dans le discours
d’ouverture. Je renvoie aux débats qui ont précédé la retraite de ce cabinet et
l’avènement du ministère Grey.
Les antécédents du
ministère Wellington n’ont donc pas ce caractère prononcé d’hostilité qu’on
leur attribue généralement ; le ministère Grey, en arrivant aux affaires en
novembre 1830, trouva un principe arrêté qu’il n’a fait que suivre, en
subissant les circonstances qui se sont développées depuis et auxquelles le
ministère Wellington n’aurait peut-être pu se soustraire lui-même :
« résoudre la question belgo-hollandaise, par la voie des négociations, en
considérant le maintien de la paix européenne comme le but principal, les
intérêts dynastiques de la maison de Nassau comme un objet secondaire. »
Lord Palmerston a souvent fait la remarque dans ses discours que les trois
premiers protocoles sont signés par lord Aberdeen, et qu’ils ont servi
d’introduction à tout ce qui s’est fait depuis.
Le ministère anglais est
en présence de deux faits accomplis, l’un au dehors, l’autre à l’intérieur,
deux faits qu’il ne pourrait détruire que par des moyens devant l’emploi
desquels il reculera : l’un de ces faits est la réforme politique, l’autre la
constitution d’un royaume belge. Entreprendre de détruire le fait de la
réforme, c’est exposer l’Angleterre à la guerre civile et à une révolution ;
entreprendre de détruire le fait de l’existence du royaume de Belgique, c’est
exposer l’Angleterre à une rupture avec
Si je cherche ainsi à
atténuer les effets des mutations ministérielles qui s’opèrent en Angleterre,
ce n’est pas que je ne déplore la retraite de l’ancien cabinet, et surtout de
lord Palmerston, l’homme qui peut-être en Angleterre, connaît le mieux ce qu’on
appelle la partie technique des négociations. J’ose le dire dès à présent,
Il me reste à envisager
la question politique dans un rapport plus direct avec le budget de la guerre.
Si vous êtes sans grave inquiétude, me dira-t on, pourquoi avez-vous voté les
10 centimes additionnels, pourquoi vous disposez-vous à voter le budget de la
guerre à peu près tel qu’il est présenté ? Le repos européen est-il directement
menacé ? La nationalité belge est-elle directement menacée ? J’ai répondu que
non. Je me pose une autre question que voici : L’événement qui vient de se
réaliser, bien qu’il ne compromette essentiellement ni la paix générale ni
l’indépendance belge, est-il de nature à exiger que notre position défensive
militaire soit renforcée sur nos frontières ? Je n’hésite pas à répondre, oui.
Ce n’est pas un cri d’alarme que je jette, c’est un cri de prévoyance. Le roi
Guillaume se fait des illusions ; il a aussi ses prévisions favorites ; ses
espérances se réveillent par un fait inattendu. auquel
il assigne une haute portée. Sans assigner à ce fait la même portée, il nous
faut être sur nos gardes. L’armistice subsiste indéfini, je ne crois pas le roi
Guillaume prêt à le rompre, à moins qu’il ne survienne en Europe un événement
extraordinaire, précurseur nécessaire d’un grand bouleversement. Mais entre
rompre un armistice, et l’exécuter fidèlement, il y a milieu ; c’est de se
permettre des vexations quotidiennes, c’est d’entretenir l’inquiétude sur nos
frontières, de troubler nos populations, d’entraver notre service de douanes.
De ces vexations quotidiennes, nous n’hésitons point à en référer aux cabinets
anglais et français. Mais sans avoir un cabinet pour ennemi, on peut admettre
qu’il ne sera pas disposé à être un défenseur de tous les jours, et des
affaires les plus minimes. N’est-il pas à présumer qu’on réponde : « Gardez
mieux vos frontières. » L’honorable préopinant vous a dit que le
Luxembourg était par rapport au rayon stratégique de la forteresse dans une
situation plus ou moins critique ; c’est ce que moi-même j’ai reconnu il y a
quelques jours. Il vous a rappelé les énergiques paroles d’un honorable
collègue, aujourd’hui ministre des finances. J’ai foi en ces paroles. Je crois
que pour peu que les circonstances l’exigent, le Luxembourg ne restera pas
dégarni de troupes ; et il ne me faut pas une armée. Je désire qu’il soit donné
suite à l’ancien projet que j’ai appuyé en mars dernier, de l’établissement de
casernes à Arlon ; mettez-y une garnison de 2,000 à 3,000 hommes et vous aurez
beaucoup fait. On ne vous attaquera pas, on ne se permettra aucune vexation, ; parce que l’on saura qu’il y aura du sang de
répandu. Et l’idée de l’effusion du sang suffit pour arrêter ; on ne s’en
prendra à vous que là où ce pourra être sans coup férir. Et si le sang coulait,
si un homme seulement venait à périr, vos justes plaintes auraient par là même plus
de retentissement en Europe.
Enfin, il est une idée
malheureuse, idée née de nos revers immérités de 1831 et qu’il faut chercher à
détruire chaque fois qu’une crise se fait sentir ; c’est l’idée de notre
infériorité militaire par rapport à
Ainsi, si j’ai voté les
dix pour cent ajoutés à la plupart des impôts, si je suis disposé à voter le
budget de la guerre, ce n’est pas que j’adopte tous les sinistres
pressentiments qui se sont emparés de
beaucoup d’esprits ; c’est pour trois motifs principaux : d’abord je ne veux
pas que
Pour
terminer, je vous dirai que moi je ne place mes espérances ni dans les radicaux
de l’Angleterre, ni dans ceux de
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere).. - Messieurs, je ne me livrerai à aucune discussion
générale, je ne ferai aucune théorie politique, je me bornerai à répondre
quelques mots à l’honorable député de Mons. Mais avant d’aborder aucune
question, je dois faire observer à la chambre que lundi dernier, j’assistais à
la délibération qui avait lieu dans cette chambre, lorsque je reçus
l’invitation de me rendre au sénat. Un honorable membre de cette assemblée
m’adressa diverses interpellations auxquelles je répondis successivement. Je
suis heureux que dans cette improvisation à laquelle je n’étais nullement
préparé, il ne me soit pas échappé un mot, pas un seul mot. que
je sois obligé de rétracter, de désavouer. Je ferai remarquer aussi que les
paroles citées tout à l’heure par l’honorable député de Mons sont celles que
j’ai prononcées après une deuxième interpellation faite au sénat.
L’honorable député de
Mons a paru critiquer surtout les paroles suivantes : « Quant à moi, je désire
de tout mon coeur que rien ne soit changé à cette position, c’est-à-dire à
notre position vis-à-vis des puissances étrangères. »
Messieurs, pour
comprendre le sens d’une réponse, il faut bien se pénétrer du sens et de la
portée de la demande à laquelle cette réponse est faite. Or, il ne s’agissait
pas, comme a paru le croire l’honorable préopinant, ni d’un passé plus ou moins
éloigné, ni de l’avenir, il s’agissait de l’état présent, de nos rapports
actuels avec les puissances, qui sont en relations d’amitié avec nous. J’ai
donc pu dire avec vérité et avec raison, que je me féliciterais de n’avoir rien
innover à cette position
En effet quel est le
motif des alarmes qui se manifestent depuis quelques jours. C’est l’arrivée au
pouvoir d’un ministère tory. Mais si ce ministère, pour me renfermer dans cette
seule hypothèse, si ce ministère, dis-je, ne changeait rien aux relations
entretenues jusqu’à présent par
Messieurs, si
l’honorable député de Mons, en citant mes paroles n’a voulu que nous rendre
prévoyants pour l’avenir, s’il a voulu empêcher seulement qu’on ne restât dans
une trop grande sécurité, sous ce rapport je suis entièrement d’accord avec
lui.
Vous voudrez bien vous
rappeler, messieurs, ce qui s’est passé dans cette enceinte, dans toutes les
circonstances où j’ai eu à émettre mon opinion personnelle, vous vous
souviendrez que j’ai constamment dit qu’il fallait avoir l’œil attentif sur ce
qui se passait dans les autres pays et notamment en Hollande, qu’il ne fallait
pas s’endormir dans une fausse sécurité, ni être entièrement tranquille sur les
événements qui pouvaient survenir.
Sous le rapport des
conséquences que l’honorable député de Mons a tirées de mon discours, je suis
donc de son avis. Je crois que le pays (et j’aime à le répéter), ne doit pas se
reposer dans une fausse sécurité dans le moment actuel. Je crois qu’il est
indispensable qu’on se mette en mesure de résister à
L’honorable député de
Mons a parlé aussi des hommes de la révolution et à ce propos, il vous a dit
qu’on ne tenait plus compte aujourd’hui que des services rendus au
gouvernement. Quant à moi, je vous avoue que je confonds dans ma pensée, et que
je regarde comme inséparables, et le pays et la révolution et le gouvernement.
Il me semble que les intérêts du gouvernement sont les intérêts du pays bien
entendus, et que dans ces intérêts du pays bien entendus, se trouvent aussi les
intérêts de la révolution.
L’honorable député de
Mons a voulu faire néanmoins allusion, je crois, à des paroles que j’ai
prononcées dans une autre enceinte, en réponse à ce que disait un membre du
sénat, qu’on paraissait oublier et abreuver de dégoûts les hommes de la
révolution. Voici, d’après le Moniteur,
les mots que j’ai proférés :
« Il assure qu’on a
abreuve de dégoûts certains hommes dont le pays pourrait être dans le cas de
réclamer les secours. Cette accusation est bien vague. Quant à moi, je ne crois
pas avoir abreuvé de dégoûts qui que ce soit, encore moins un de ces patriotes,
qui, à une époque critique et dangereuse, auraient donné au pays et au
gouvernement des preuves de dévouement.
Vous voyez que je ne me
suis pas borné à parler de ces hommes qui avaient donné au gouvernement des
preuves de dévouement, ce qui, après tout suffirait dans ma pensée, car je
confonds le gouvernement avec le pays ; mais j’ai parlé également des patriotes
qui à une époque critique et dangereuse ont donné des preuves d’attachement au
pays. Ici je n’ai pu avoir en vue que les hommes qui s’étaient signalés à
l’époque de la révolution de 1830.
L’honorable député de
Mons, a parlé également du traitement injuste qu’avaient éprouvé quelques
officiers de l’armée et à cet égard, il a cité des noms propres. Tous ces
officiers ne me sont pas personnellement connus. Quant aux généraux Daine et Niellon, je ne conteste pas les services qu’ils ont rendus
au pays et à la révolution, je me fais un devoir de leur rendre toute la
justice qu’ils méritent ; je serais fâché qu’on eût été ingrat à leur égard.
Mais dans la mise en
non-activité d’un officier, quelque soit son grade, je ne vois ni despotisme ni
arbitraire, je n’y vois que l’exercice d’un droit appartenant au gouvernement.
Il est libre sans doute à chacun des membres de cette assemblée de ne pas
approuver ces mesures ; mais le gouvernement a incontestablement le droit de
les prendre, et il ne doit ni ne peut pas venir déclarer à la tribune quels
sont les motifs qui ont amené sa détermination. Si le gouvernement n’avait pas
ce droit, à mon avis, il ne faudrait pas se donner la peine de voter un budget
de la guerre en pure perte ; car je ne comprendrais pas la possibilité d’avoir
une armée bien disciplinée, une armée qui réponde au vœu et à l’attente du
pays, si le gouvernement n’avait pas toute l’autorité nécessaire sur les
officiers qui sont appelés à la commander.
Je ne prolongerai pas
inutilement cette discussion. Je me bornerai à dire à la chambre que le
gouvernement veille à ce qui se passe, que le gouvernement cherche à savoir le
plus exactement possible quelles sont les mesures militaires que prend
L’honorable
député de Mons a dit en parlant des membres du nouveau cabinet anglais :
Que voulez-vous que fassent ces hommes qui dans tous les temps ont exprimé une
opinion si éminemment hostile à
M.
Gendebien. - M. le ministre des affaires étrangères n’a pas répondu aux
questions que je lui ai adressées. J’ai manifesté des doutes sur l’assistance
du gouvernement de Louis-Philippe pour le cas où la confédération germanique
entrerait dans le Luxembourg, en exécution du jugement arbitral qu’elle est
appelée à prononcer sur le différend qui lui est soumis par le roi Guillaume en
sa qualité de grand-duc pour la totalité du Luxembourg.
Aucune réponse n’a été faite
à cet égard, ni par M. le secrétaire-général du ministère des affaires
étrangères, soit qu’il ait parlé en cette qualité, soit qu’il ait parlé en
qualité de député...
M.
Nothomb. - J’ai parlé en qualité de député. Je ne suis pas ici
secrétaire-général.
M.
Gendebien. - J’ai dit secrétaire-général parce que cette qualité donne
aux paroles de l’honorable M. Nothomb une portée que n’auraient pas les paroles
de tout autre membre, parce qu’il est dans une position à pouvoir répondre
pertinemment sur la diplomatie.
S’il ne s’agissait pas
ici de diplomatie, je me bornerais à dire : L’honorable orateur qui a parlé
avant le ministre des affaires étrangères. Mais enfin je n’y tiens pas.
Je dirai donc que ni
l’honorable M. Nothomb, ni M. le ministre des affaires étrangères, n’ont
répondu à mon interpellation, et quant au ministre des affaires étrangères, il
ne déclinera pas sa qualité.
J’avais
demandé en cas d’invasion du Luxembourg, en tout ou partie par la confédération
germanique, pouvons-nous compter sur l’Angleterre, et sur la coopération non de
On n’a pas répondu.
Seulement on nous a dit qu’à l’égard des attaques incessantes dont nos
frontières pourraient être l’objet, nous ne pourrons pas sans cesse recourir à
la diplomatie. Voilà la seule réponse qu’on ait faite quant aux menaces
d’invasion. Loin donc que ce qu’ont dit le ministre et M. Nothomb m’ait
rassuré, je dois dire que j’ai un peu plus d’inquiétude que je n’en avais
avant. Je pris M. le ministre des affaires étrangères d’y réfléchir et de
vouloir nous donner demain une réponse catégorique.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere)..
- L’honorable préopinant a demandé si, au cas de l’invasion de la totalité du
Luxembourg par la confédération germanique, on pourrait compter sur l’appui du
gouvernement français. D’abord, je répondrai que dans le cas de cette invasion
par la confédération germanique,
Voilà la seule réponse
que je puisse donner à l’honorable député de Mons. Jusqu’ici nous n’avons aucun
motif pour supposer que
M.
le ministre de la guerre (M. Evain). - L’honorable M. Gendebien se
plaint de ce qu’on a admis dans l’armée un aussi petit nombre d’officiers
volontaires. En réponse, je lui donnerai connaissance du relevé suivant :
Relevé comprenant les 2,766 officiers de l’armée belge.
Officiers de l’ancienne armée
au service des Pays-Bas : 462
Officiers retirés,
relevés de la retraite : 20
Bliges venant du service étranger : 21
Officiers volontaires
admis dans l’armée, sans services antérieurs : 1,088
Sous-officiers de
l’ancienne armée, passés officiers depuis la révolution : 1,407
Officiers français, y
compris les 56 officiers de l’armée du Nord envoyés sur la demande du
gouvernement belge : 91
Officiers polonais,
allemands, espagnols et italiens : 37
Total : 2,766
Ainsi, vous voyez,
messieurs, qu’on a fait une belle et large part aux officiers volontaires qui
ne sont au service que depuis la première campagne de la révolution.
Plusieurs
membres. - A
demain !
D’autres membres. - A après-demain.
M.
Gendebien. - Alors je demanderai à être inscrit pour avoir la parole à
l’ouverture de la prochaine séance.
M.
Dumortier. - Je demande également à être inscrit pour parler dans la
discussion générale,
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere).. - L’on sait combien il est délicat de répondre
immédiatement à des interpellations. Si d’honorables membres ont à m’en
adresser, je les prierais de vouloir bien en indiquer l’objet dès aujourd’hui,
pour que je puise réfléchir avant de répondre.
M.
Gendebien. - Si la séance est
fixée à demain, j’adresserai avant 8 heures du soir à M. le ministre des
affaires étrangères une note sommaire des interpellations que je compte lui
adresser ; si elle est fixée à après-demain, je lui enverrai cette note demain
avant 10 heures.
- La chambre consultée
fixe la prochaine séance à après-demain.
La séance est levée à 5
heures.