Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 11 décembre 1834

(Moniteur belge n°346, du 12 décembre 1834)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Dechamps procède à l’appel nominal à une heure et demie.

M. H. Dellafaille donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dechamps fait connaître l’analyse des pétitions suivantes.

« Le sieur Deroy, ex-sous-lieutenant au 6ème régiment d’infanterie, né à Amsterdam, demande la naturalisation. »

« Plusieurs habitants de la commune de Blerick, dont les maisons ont été démolies en 1815 par ordre du gouverneur de la forteresse de Venloo, demandent une indemnité. »


M. Dechamps. donne lecture d’une lettre de M. le ministre de l’intérieur, adressée à M. le président de la chambre des représentants. Elles est ainsi conçue :

« M. le président,

« J’ai l’honneur de vous donner avis qu’il sera chanté un Te Deum en l’église de Ste-Gudule, le mardi 16 décembre courant, en l’anniversaire de la naissance de sa Majesté le Roi.

« Veuillez donc me faire savoir, M. le président, si la chambre se rendra en corps à cette cérémonie, pour que je lui fasse réserver l’enceinte qu’elle doit occuper. »

- Plusieurs membres. - Il n’y a pas d’opposition.

M. Jullien. - La question est de savoir si la chambre se rendra en corps ou par députation.

M. le président. - La chambre se rendra-t-elle en corps au Te Deum annoncé par M. le ministre de l’intérieur ?

- La chambre décide qu’elle s’y rendra en corps.

Projet de loi portant le budget des voies et moyens de l'exercice 1835

Discussion générale

M. Jullien. - Il entrait dans mes vues de faire quelques observations à M. le ministre de la guerre, mais je vois qu’il n’est pas présent.

- Plusieurs membres. - Il va venir.

M. Jullien. - Je commencerai donc toujours. Après les illusions fort douces dont nous a bercés l’honorable député d’Audenaerde, il est vraiment fâcheux de se réveiller au bruit d’un projet de loi qui a pour but une surtaxe de 10 p. c. sur toutes les contributions. En effet, quand on veut prouver que les impôts vont diminuant et la prospérité du pays croissante, il faut, pour arriver à cette preuve, offrir un dégrèvement dans les impôts ; et lorsqu’on vous présente le contraire, j’avouerai que je trouve la conclusion peu digne de l’exorde. Toutes ces brillantes hyperboles me rappellent cette scène où un poète, après avoir vanté les richesses de la poésie, et parlé de l’Hippocrène dont les flots roulent sur l’or, finit par dire à son interlocuteur : Ne pouvez-vous pas me prêter un petit écu ?

Messieurs ceux qui s’imaginent que la surtaxe de 10 p. c. ne sera pas onéreuse pour le peuple, je ne dis pas la classe pauvre, expression dont s’est servi hier un honorable orateur, expression que je ne comprends pas. Car, s’il a voulu désigner par classe pauvre cette partie de la population qui reçoit des secours des bureaux de bienfaisance et des établissements de charité, à coup sûr celle-là ne sera pas grevée, car elle ne possède rien, et conséquemment ne paie rien. J’entends, moi, la classe prolétaire, cette partie d’hommes estimables qui travaille. A ceux-là, une augmentation de 10 p. c. sur les contributions indirectes du royaume, telles que patentes, accises, enfin surtout ce qui est imposable ; à ceux-là, dis-je, cette contribution sera véritablement onéreuse.

On commence par dire que la contribution foncière sera dégrevée de 10 p. c. Et, dans l’article nouveau introduit dans la loi, il est dit que la contribution foncière sera fixée comme les autres, non seulement pour le principal, mais encore pour les centimes additionnels.

Cela est au moins bizarre, messieurs ; et, sans être un grand calculateur, je vais vous prouver la singularité de cette mesure.

Un contribuable paie pour contribution foncière 100 francs ; avec les vingtièmes il paye 120 francs. Vous venez lui dire : Vous êtes dégrevé de 10 p. c. ; il croira ne plus avoir à payer que 110 francs. Un article surviendra qui chargera non seulement le principal, mais encore les centimes additionnels, et au lieu de payer 120 francs, il en paiera 121 et il passera pour être dégrevé.

A moins de se faire un jeu de ces sortes d’opération, à moins de vouloir jeter de la poudre aux yeux, permettez-moi de le dire, est-il convenable d’en agir ainsi ? Dire d’un côté : Je vous dégrève de 10 p. c., et de l’autre : Je vous grève de 10 p. c. ? Mais on vous répondra : Il valait mieux nous laisser avec nos 100 francs et nos vingtièmes que de nous faire une faveur qui nous fait payer 121 francs au lieu de 120.

Je ne suis pas de l’avis de ceux qui pensent qu’il y a quelques motifs de dégrever la contribution foncière. Je désire qu’elle continue d’exister telle qu’elle est, sauf à examiner s’il n’y aura pas lieu plus tard d’ajouter les 10 p, c. qu’on propose. La propriété foncière est plus à même d’acquitter cette charge que ne l’est la classe que j’appelle prolétaire. Depuis la révolution, les grands propriétaires se sont fort retirés de la circulation, soit par politique ou tout autre motif. Si une classe est prospère, messieurs, c’est bien celle des propriétaires fonciers. Est-ce donc d’après les lois de l’équité que vous la déchargerez d’un poids que vous ferez retomber, non pas sur la classe pauvre comme l’appelle l’honorable député de Turnhout, mais sur la classe ouvrière ?

Encore une autre observation. La manière de percevoir cet impôt me paraît au moins aussi bizarre que le mode dont il est proposé. On paiera cet impôt d’une manière éventuelle. Que veut dire ce mot de subvention éventuelle ? On suppose toujours par cette épithète qu’il se présentera quelque événement. Eh bien ! lorsqu’on parle de subvention éventuelle, pourquoi pas dire le cas de l’éventualité ? Pourquoi ne pas spécifier la nature de l’événement qui doit ou peut se présenter ? Au moyen du mot évasif de subvention éventuelle, on percevra des fonds qui entreront au 1er janvier dans les caisses du trésor, d’où ils sortiront on ne sait quand, peut-être jamais. Si c’est une subvention éventuelle, et si l’événement prévu ne se réalise pas, vous rendrez donc l’argent ? Dites plutôt que vous voulez ajouter 10 p. c. aux contributions. Dites : Il sera établi tel impôt de 10 p. c. à dater de tel jour, et ne cherchez pas à éblouir les contribuables.

Mais une subvention éventuelle qui a pour objet de faire entrer dans les coffres de l’Etat 10 p. c. des contributions ordinaires est une véritable augmentation d’impôt de 10 p. c. dont les contribuables ne reverront jamais rien, quoique vous leur donniez le titre d’emprunt. Vous devriez au moins dire franchement ce que vous voulez, afin que le contribuable sache au juste ce qu’on lui demande. C’est la moindre des choses que celui qui paie sache pourquoi il paie.

Quand le projet viendra en discussion, je m’opposerai au dégrèvement de 10 p. c. sur la contribution foncière, et à l’augmentation de 10 p. c. de la contribution personnelle. Telle est mon opinion, et je n’en changerais qu’autant que la discussion apporterait de nouvelles lumières sur la question.

Je viens maintenant à ce qu’a dit le ministre des finances dans la discussion générale.

M. le ministre des finances n’a pas manqué de prodiguer assez gracieusement des éloges à tous ceux des membres de la chambre qui partagent son opinion. Cette conduite est quelquefois très adroite. Mais il s’est beaucoup récrié contre les déclamateurs qui voulaient à toutes forces un changement de système dans les contributions.

Je ne sache pas qu’un seul d’entre nous, si ce n’est l’honorable M. Pirson, ait parlé d’un changement de système. Nous savons que la base essentielle des contributions, c’est le fonds de terre et les productions, ce qu’on appelle les contributions indirectes. Il est impossible de sortir de là. Je me rappelle que, dans une précédente session, un commissaire du gouvernement nous a parlé d’impôts aristocratiques et d’impôts démocratiques. Mais nous ne l’avons pas trop compris, et je ne sais pas si lui-même se comprenait bien.

Quant à nous, nous ne demandons pas de changement de système ; ce que nous avons toujours réclamé. M. le ministre, et ce que nous réclamons encore, ce sont des améliorations sensibles dans la législation. Nous nous sommes toujours élevés contre le mode de perception des patentes. Je rends au gouvernement cette justice de dire qu’il est moins vexatoire qu’il ne l’était avant la révolution. Mais ce mode tel qu’il est établi par la loi est essentiellement vicieux. En laissant à un contrôleur la faculté d’élever le taux d’une patente de 1 à 12, il lui donne le moyen d’écraser tel contribuable qu’il lui plaira. On ne doit pas laisser de pareilles armes entre les mains d’une administration et surtout d’une administration fiscale.

Quant à la loi sur les douanes et accises, c’est un véritable guêpier où le contribuable peut être pris à chaque instant sans qu’il s’en doute. Je ne sais si, personne de vous a eu le courage de la lire ; c’est une loi en deux ou trois cents articles qui épouvante et les juges et les avocats, et à plus forte raison les contribuables.

Il faut sortir, messieurs, de cette législation véritablement barbare. Si on pouvait savoir combien de milliers de familles ont été ruinées par cette législation, on tremblerait de la voir subsister encore.

Qu’on ne vienne donc plus dire que des déclamateurs demandent un changement de système ; car, je le répète, nous ne voulons pas de changement de système, mais nous voulons améliorer une législation vicieuse, dont nous n’avons cessé de demander le redressement depuis 1831, c’est-à-dire, depuis le commencement de la révolution.

Je ne sais quel est l’orateur qui dans cette chambre, au commencement de la discussion générale a parlé de rappeler la probité dans l’administration financière.

- Une voix. - C’est M. Berger.

M. Jullien. - Le ministre des finances est alors venu faire un appel à toute la chambre et dire : Je porte le défi qu’on puisse faire aucune espèce d’accusation ou imputation injurieuse contre l’administration financière, et je demande qu’on s’explique franchement,

Je n’ai pas d’imputation directe à faire à l’administration des finances. J’aurais bien quelques faits particuliers que je pourrais communiquer confidentiellement à M. le ministre, car les révélations publiques ont à mon avis souvent quelque chose de dangereux et même d’odieux.

Mais je dirai ici au ministre des finances : Quand vous voyez introduire par la frontière française, moyennant une prime de 5 ou 6 p. c., des soieries que votre tarif frappe d’un droit de 15 p. c. ; et quand vous êtes convaincus que ces marchandises, au moyen de cette prime, entrent dans le pays aussi sûrement que si elles étaient expédiées par la diligence, ne devez-vous pas croire que cela ne peut être que le résultat de la corruption des employés ?

Les soieries sont frappées d’un droit de 15 p. c., et ce droit ne rapporte rien au trésor. En général, l’Etat ne perçoit le droit de 15 p. c. que sur les soieries importées par des particuliers, qui ne veulent pas s’exposer à la honte de s’occuper de fraude. Mais quant à celles qui sont expédiées au commerce, sur celles-là l’Etat ne perçoit pas une obole ; elles passent la frontière avec la plus grande facilité. Croyez-vous qu’une introduction semblable pourrait avoir lieu sans la corruption des employés ?

Je suppose cependant que vous me répondiez que les employés ne peuvent pas être soupçonnés de corruption. Je voudrai bien vous croire. Mais alors je vous dirai : Modifiez votre tarif de douane.

Voilà mon argument. S’il vous est impossible d’empêcher la fraude et qu’une prime de 5 ou 6 p. c. enlève à l’Etat le droit de 15 p. c. fixe par le tarif, baissez votre tarif, et vous ferez entrer dans les caisses de l’Etat ce que la fraude obtient par la prime.

De cette manière vous aurez au moins un produit quelconque, tandis que maintenant vous n’en avez aucun. Car votre droit de 15 p. c. est une véritable déception. Il faut faire ce qui a été conseillé par vos employés, il faut baisser votre tarif.

Cependant, si vous voulez examiner profondément cette matière, vous verrez que le mal n’est pas là, mais, dans le défaut de probité signalé parmi des membres de cette chambre.

Voila, messieurs ce que j’avais à dire à M. le ministre des finances. S’il y a encore quelques observations à lui faire, elles se présenteront naturellement lors de la discussion de son budget.

Maintenant j’ai quelques observations à adresser à M. le ministre de la guerre, relativement aux demandes qui lui ont été faites hier par mon honorable ami M. de Brouckere. Je déclare que sous le rapport de la comptabilité, en ce qui concerne les relations du ministère de la guerre avec la cour des comptes, j’ai été satisfait des explications données par le ministre.

Quant à la dette des corps, la chambre comprend très bien en quoi consiste cette dette. Il est vrai qu’il y a deux ans, quand j’avais l’honneur de faire partie d’une commission de la guerre, cette question n’était pas généralement comprise par tout le monde.

C’est depuis lors que quelques collègues avec moi ont fait sentir que c’était une dette provenant de l’avance de 10 cents faite par l’Etat pour l’habillement des recrues, et qu’on a reconnu que cette dette s’élevait à 12 ou 13 millions. D’après ce qu’a dit M. le ministre de la guerre, déjà la plus grande partie de cette somme est rentrée dans les coffres de l’Etat, et il rentrera encore six mille francs cette année. A cet égard, j’approuve l’état de la comptabilité des corps.

Je ne suis pas aussi satisfait des explications données sur les gratifications et les indemnités. Mon honorable ami les a divisées en deux catégories : celles qu’on donne aux officiers quand ils obtiennent leur démission, et celle qu’on donne aux soldats.

Les premières sont de deux ou trois mois de traitement. Le ministre de la guerre a dit que les officiers auxquels on les accordait étaient la plupart du temps débiteurs de leur corps et que c’était pour leur faciliter les moyens de s’acquitter vis-à-vis de leur corps qu’on leur donnait à titre d’indemnité quelques mois de leur traitement.

Messieurs, de quelque manière qu’on envisage cette question, c’est toujours une gratification. Je conçois qu’on peut dire jusqu’à certain point que c’est une espèce de convention sur laquelle on base la démission de l’officier, à qui on dit pour s’en débarrasser : Donnez votre démission ; nous vous accorderons, pour vous acquitter, tant de mois de traitement. Sous ce rapport, l’explication du ministre pourrait paraître satisfaisante. Mais quand il s’agit de disposer des deniers de l’Etat et que cela ressemble si fort à une gratification, et comme il n’en peut être accordé qu’en vertu d’une loi, le ministre aura dû demandé une loi qui l’autorisât à faire ces sortes de transactions.

Quant aux autres gratifications, je pense qu’elles ne peuvent pas être excusées, du moins quant à présent. On a donné à la troupe qui s’était transportée à Bruxelles au mois d’avril, lors des pillages, une indemnité de cinq jours de solde. Je demande où est le droit de demander et d’accorder une pareille indemnité. Quoi ! parce que des troupes se déplacent pour aller d’une ville à l’autre, il faut leur donner une indemnité de cinq jours de solde ! Mais que demanderont-elles quant il s’agira d’aller à l’ennemi ?

Je conçois que l’état militaire a ses peines et ses fatigues. Mais l’artisan qui est obligé de travailler pour payer les contributions de guerre qui l’écrasent, croyez-vous qu’il n’ait pas aussi ses peines ? Le ministre n’avait pas le droit d’allouer ces cinq jours de solde à titre d’indemnité, et si on les lui a demandées avec un ton impératif, il n’avait qu’à opposer la constitution, qui ne veut qu’on n’accorde de gratification qu’en vertu d’une loi.

Ces observations seront toujours un avertissement salutaire, pour qu’à l’avenir on ne dispose plus des deniers de l’Etat pour accorder des gratifications sans y être autorisé par une loi. Le ministre de la guerre a pu se croire en position de ne pas refuser cette indemnité, mais toujours est-il qu’elle ne peut pas être justifiée. Du moins, elle ne l’a pas été jusqu’à présent.

Je finirai ces observations en demandant (puisque c’est ici la bataille générale du budget, et que l’on peut aborder toutes les questions), en demandant, dis-je, si on nous considère comme étant toujours sous l’empire de la loi de vendémiaire an VI relative aux étrangers. Je croyais avoir lu quelque part que l’on préparait une loi pour remettre les étrangers tout au moins dans le droit commun. Car les étrangers qui sont dans ce pays-ci doivent savoir (et il ne faut pas qu’ils le perdent de vue) qu’ils sont sous la main de la police. Tout étranger peut être renvoyé immédiatement sur l’ordre le plus arbitraire ; c’est là, messieurs, le texte et l’esprit de la loi de vendémiaire an VI. Convient-il à une nation dont on a vanté longtemps l’hospitalité, de rester plus longtemps sous l’empire d’une telle législation !

Lors de la révolution française, au temps où la république et les républicains menaçaient de tout dévorer, on a pu faire peur à ceux qui voulaient avoir peur. Mais le temps des révolutions est passé et nous sommes dans un état de calme ; il ne faut donc pas abandonner les étrangers aux caprices et à la vindicte d’une police méticuleuse et souvent tracassière.

J’ai entendu, dans un hôtel où je me trouvais, des étrangers se plaindre de ce qu’ils étaient obligés de se présenter tous les mois à la police, et ajouter, je crois, qu’ils étaient obligés de payer 3 fr. pour chaque visa. Quant au paiement de ce droit de 3 fr. je ne l’affirmerai pas ; il était question de cela, dans une conversation à laquelle je ne prenais point part ; mais j’ai fort bien compris que les étrangers étaient obligés de se présenter tous les mois à la police.

Remarquez que cette mesure s’applique même aux étrangers domiciliés dans le pays (car la loi de vendémiaire comprend tous les étrangers dans la même catégorie) ; elle s’applique aux étrangers qui habitent le pays depuis 20 et 25 ans.

Je demanderai à celui de MM. les ministres chargé de l’administration de la police (car l’honorable ministre de la justice a, je crois, transmis cette place à son honorable collègue de l’intérieur) (on rit) ; dans ce cas ce sera lui qui sera prié de me répondre) ; je demanderai si l’on se propose d’abroger la loi de vendémiaire et de faire une loi sur les étrangers, parce que si M. le ministre ne donne pas une réponse satisfaisante, nous serons, je crois, en nombre suffisant pour proposer à la chambre une loi qui efface de tels actes de barbarie.

M. de Brouckere. - J’ai fait dans la séance d’hier quelques observations sur des objets du ressort du ministère de la guerre ; la séance s’est terminée par la réponse que M. le ministre de la guerre a cru devoir me faire ; si je laissais cette réponse sans réfutation, on pourrait croire que j’en suis satisfait ; or, comme il n’en est pas ainsi, je suis forcé de demander à la chambre quelques moments d’attention à l’effet de prouver que toutes les observations que j’ai faites restent debout,et qu’il n’y a pas été fait de réponse satisfaisante.

Je me suis d’abord occupé de la comptabilité du ministère de la guerre, des relations de ce ministère avec la cour des comptes ; et j’ai prouvé que la presque totalité des dépenses de ce département se font sans qu’elles aient été soumises au vise préalable de la cour des comptes, ou du moins de telle manière que ce visa n’a aucune espèce d’effet.

M. le ministre de la guerre n’a pas nié ce fait ; il a reconnu que pour la plupart des cas, en effet, le visa ne peut être préalable, en ce sens que la légalité des dépenses ne peut être vérifiée avant le dépôt des fonds ; en d’autres termes, il a reconnu que, d’après le système de comptabilité du département de la guerre, le visa de la cour des comptes est en quelque sorte un visa de confiance.

Pourquoi en est-il ainsi ? Parce que, dit-on, les règlements militaires ne permettent pas qu’il en soit autrement. Mais si les règlements sont en opposition avec la loi du 30 décembre 1830, avec le texte et l’esprit de la constitution, je demande si la loi du 30 décembre et la constitution doivent céder aux règlements, ou si ce ne sont pas plutôt les règlements militaires qui doivent céder à la constitution et à la loi du 30 décembre 1830.

Je veux bien reconnaître, avec M. le ministre de la guerre, et déjà j’en ai dit un mot hier, que certaines dépenses de son département exigent que les fonds soient réservés avant le terme auquel la dépense doit avoir lieu : telles sont les dépenses de la solde du soldat ; mais cette solde n’absorbe ni la totalité du budget, ni même la somme dont a parlé M. le ministre de la guerre ; car dans cette somme M. le ministre a compris le traitement des officiers ; or, les officiers sont dans une autre catégorie que les soldats. Il faut que le prêt soit remis aux soldats au jour fixé ; mais pour les officiers ce ne sera pas un retard de trois jours qui les gênera ; ce ne sera pas plus une gêne pour eux que pour les fonctionnaires civils dont un grand nombre ont besoin de leurs traitements aussi bien que les officiers ; sur ce point je n’ai pas mes apaisements.

Le second point dont je me suis occupé c’est la dette immense contractée par les divers régiments envers le trésor, et qui maintenant encore s’élève à plus de 4 millions. M. le ministre de la guerre a répondu que cette dette s’élevait précédemment à 13 millions, que déjà elle était infiniment réduite, et qu’il pensait que d’ici à 2 ou 3 ans elle serait entièrement liquidée. A cela je rien à dire.

Cependant je ferai remarquer que l’inconvénient résultant de cet état de choses, c’est que M. le ministre de la guerre a ainsi à sa disposition des sommes dont il peut disposer sans contrôle, sans la moindre critique de la part de l’autorité chargée de surveiller l’administration des finances. J’ai cité à cet égard un fait qui a été reconnu par M. le ministre : le paiement d’une somme de 80,000 fr. prélevé sur la caisse du 1er régiment d’infanterie de ligne.

La première chose que je demanderai à M. le ministre, c’est où se trouvent indiquées les rentrées des sommes successivement perçues sur les régiments en remboursement d’une partie de leurs dettes. Puisque la dette a été réduite de 13 à 4 millions, je demanderai dans quel budget des voies et moyens se trouve indiquée cette rentrée de 9 millions. Car ces 9 millions, il faut que l’on en ait fait quelque chose, et je ne me rappelle pas avoir vu cette somme indiquée sur aucun budget. Je demande à cet égard des explications.

M. le ministre n’a pas prétendu qu’il avait le droit de disposer des fonds des régiments pour des objets étrangers à ces régiments. Par exemple, M. le ministre n’a pas soutenu qu’il aurait bien fait de faire payer au régiment une somme de 80,000 fr. pour prestations faites à l’armée française. C’est là une irrégularité grave, reconnue par M. le ministre de la guerre lui-même. J’espère qu’il suffira de l’avoir signalée pour qu’elle ne se représente plus. Je ne soutiens pas que le gouvernement devait refuser le paiement de ces 80,000 fr., quoique je ne voie pas qu’il y ait ici trop de bonne foi de la part de la France.

Mais je dis que si M. le ministre de la guerre croyait devoir payer cette somme, et s’il n’avait pas dans son budget un chapitre où il pût la prendre, il devait monter à cette tribune et demander un crédit spécial pour faire face à cette dépense. Il eût alors agi franchement et régulièrement. Mais il n’en est pas ainsi. C’est, pour ainsi dire, sans prévenir personne que M. le ministre a fait payer cette somme sur la caisse du 1er régiment.

J’ai parlé hier de la comptabilité des hospices, et j’ai demandé à M. le ministre de la guerre s’il s’était occupé de régulariser cette partie du service ainsi qu’il l’a promis il y a 4 mois. Il a répondu qu’il avait fait à cet égard une demande à la cour des comptes et qu’il attendait sa décision. Je suis persuadé, d’après le dire des magistrats de la cour des comptes, que la réponse ne peut tarder à parvenir au ministre de la guerre. Je crois donc pouvoir prendre acte de l’assurance donnée que cette partie du service marchera d’une manière régulière en 1835.

Enfin, il est un dernier objet dont je me suis occupé et qui a rapport aux gratifications dont M. le ministre de la guerre a cru pouvoir disposer, soit en faveur des officiers, soit en faveur d’une partie de l’armée. J’ai lu à M. le ministre l’article 114 de la constitution, d’où il résulte qu’aucune pension ni gratification ne peuvent être données qu’en vertu d’une loi.

M. le ministre a reconnu lui-même qu’il avait agi contrairement à la constitution. Mais il a dit qu’il avait cédé aux vœux émis par divers officiers généraux.

Je ne veux plus revenir sur le passé, je ne veux pas user de récriminations pour un fait reconnu cependant inconstitutionnel ; j’espère qu’à l’avenir même des gratifications de quelques jours de solde ne seront accordées ni aux officiers, ni aux soldats. S’il se présentait des cas où l’intérêt public exigeât qu’il fût donné des gratifications, que l’on présente une loi, afin que nous sachions quels sont ces cas, ces hypothèses, pour lesquelles on affecte des gratifications. Si l’on ne fait pas ainsi, après avoir accordé des gratifications à 4,000 soldats, on en donnera à 30,000.

Les indemnités, au lieu d’être de 5 jours, seront de 15 jours de solde. C’est ainsi que l’on continuera d’avoir un budget de 40, de 50 millions pour la guerre seulement. Il faut de grandes économies dans ce département, parce qu’à lui seul il absorbe la moitié de nos ressources ; c’est sur ce département que doivent tomber toutes les économies.

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - D’après les anciens règlements, le trésor mettait à la disposition des corps tous les fonds dont ils avaient besoin pour le service. Depuis mon administration, j’ai diminué autant que possible ces sommes mises à la disposition des corps, pour éviter l’encombrement des fonds qu’ils avaient à encaisser. Par suite des adjudications que je viens de passer, de nouvelles dépenses, celles du pain et des fourrages, seront payées, à partir du 1er janvier prochain, sur mandats avec pièces à l’appui, et directement soumis à la cour des comptes.

C’est en vertu de l’article 177 du règlement d’administration en date du 1er février 1819, que les corps transmettaient, le 15 de chaque mois, aux intendants dans les directions administratives, une demande de fonds basée sur l’effectif, pour les paiements de toute nature à effectuer pendant le mois suivant.

Sur ces demandes étaient portés les fonds nécessaires au paiement des objets d’habillement et d’équipement, pour la fourniture desquels les corps étaient autorisés à passer des marchés, ainsi que pour le paiement des fourrages, du pain, de l’indemnité de logement avec et sans nourriture, et enfin pour toutes les allocations du service.

Dès le mois d’octobre 1832, il a été introduit une modification à ces dispositions du règlement par un arrêté en date du 31 dudit mois ; les adjudications pour les fournitures des draps et autres objets qui ne sont pas fournis par l’administration des prisons ont été faites au ministère de la guerre, les paiements en ont été effectués sur des mandats spéciaux délivrés par les intendants militaires sur la production des factures dûment enregistrées et des procès-verbaux de réception ; toutes ces pièces sont annexées aux mandats, et chaque mois, lorsque les agents du trésor transmettent ces pièces au ministère de la guerre, il en est formé des bordereaux par chapitres et articles du budget sur lesquels l’imputation doit en être faite : ces bordereaux, accompagnés d’états récapitulatifs sont adressés à la cour des comptes avec les pièces à l’appui pour être soumises à son contrôle.

La cour après les avoir vérifiées, porte un arrêt sur les pièces susmentionnées ; si elle les trouve en règle elle renvoie pour décharge au ministre de la guerre, une expédition des états récapitulatifs, et en adresse une seconde au ministre des finances pour en faire l’imputation dans les écritures de trésorerie.

Toutes les pièces des dépenses ainsi effectuées jusques et y compris le mois d’octobre dernier sont transmises à la cour des comptes, qui a déjà prononcé sur la validité de celles concernant les six premiers mois de l’année.

Dans les adjudications qui viennent d’avoir lieu pour la fourniture des fourrages et du pain pendant l’année 1835, il a été fait une seconde modification au règlement en ce qui concerne le paiement de ces objets qui jusqu’ici était fait par les corps ; ces fournitures, de même que celles concernant les livraisons d’effets d’habillement et autres, seront acquittées, à partir du mois de janvier 1835, par des mandats spéciaux délivrés par les intendants militaires, pour compte des corps respectifs, sur la production des bons généraux de distribution et des décomptes dûment enregistres, de manière que les corps ne recevront plus, à dater du 1er janvier prochain, que les sommes nécessaires aux paiements suivants :

1° Les appointements des officiers,

2° La solde des sous-officiers et soldats.

3° Les réparations à l’habillement et à la chaussure.

4° Les réparations au harnachement et le ferrage des chevaux.

5° Les indemnités de route.

6° Les indemnités de logement avec et sans nourriture chez l’habitant ; l’indemnité de casernement et les primes de recrutement.

Ces modifications sont les seules qui ont paru praticables sans apporter de perturbation dans le service, et s’il fallait présenter des ordonnances de paiement au visa préalable de la cour des comptes pour les paiements qui s’effectuent sur les mandats spéciaux qui se délivrent par les intendants militaires, le nombre n’en serait pas moins de dix mille par an, et cette mesure aurait pour résultat de retarder considérablement les paiements et d’influer ainsi, d’une manière désavantageuse au trésor, sur les prix auxquels les fournitures seraient adjugées, sans offrir plus de garantie que le mode actuellement suivi, puisque la cour n’admet les pièces qui sont soumises à sa régularisation, qu’après les avoir trouvées régulièrement établies.

Ce mode aurait, en outre, l’inconvénient de retarder l’apurement des comptes des corps, dont les revues ne pourraient être arrêtées qu’après que les ordonnances de paiement qui donnent leur être imputées, auraient été visées par la cour, et ordonnancées au ministère des finances.

Vous voyez, messieurs, que, autant que je l’ai pu, les mandats et pièces à l’appui sont adressés directement à la cour des comptes. En prenant pour exemple l’exercice courant (car, pour les années antérieures, il y a, j’en conviens, un grand arriéré), nous trouvons que les états trimestriels des six premiers mois de l’année ont été adressés à la cour des comptes, et que celui du troisième trimestre lui sera incessamment adressé. Toutes les pièces relatives aux dépenses faites jusqu’au 31 octobre sur mandats spéciaux lui ont également été adressées.

Je le répète, il est impossible de mettre dans la comptabilité plus de régularité qu’on n’en met au ministère de la guerre. Je pourrais invoquer à cet égard le témoignage de la cour des comptes qui a reconnu qu’il était impossible de trouver des écritures plus régulièrement tenues et plus d’ordre et de régularité dans l’administration générale de ce département.

Je dois maintenant éclairer une question importante. Vous verrez, messieurs que j’ai moi-même appelé l’attention du gouvernement sur la question de savoir s’il n’y aurait pas lieu à obtenir le visa préalable de la cour des comptes pour une partie des dépenses. Voici le rapport dont j’ai parlé hier ; il est assez important pour que la chambre veuille bien en entendre la lecture.

Rapport sur la dette des corps de l’armée envers l’Etat

Les paiements effectués par le trésor, pour solder les dépenses relatives à l’armée, se sont élevées :

- Pour les trois derniers mois de l’année 1830 à : fr. 9,275,191 09

- Pour l’année 1831, à : fr. 75,681,337 78

Total : fr. 82,956,528 87

- Et, depuis la clôture de ces exercices, il a été ouvert, pour solder les créances qui ne l’avaient pas été avant cette époque un crédit supplémentaire sur l’exercice 1832 de la somme de : fr. 5,139,821 37

- Un idem sur l’exercice 1834, de la somme de : fr. 462,000

Total général : fr. 86,558,250 24

Il n’y eut pas de budget arrêté pour les dépenses de ces quinze premiers mois de la révolution, le congrès, et ensuite les chambres, ayant successivement accordé les crédits demandés par les cinq ministres qui tinrent le portefeuille pendant ces quinze mois.


C’est à partir de l’exercice 1832 que le budget de la guerre fut proposé, discuté et arrêté pour ledit exercice, à la somme de : fr. 62,548,948 14

Il fut accordé successivement des crédits supplémentaires dont le montant est de : fr. 14,916,402 12

Ce qui porta le total du budget à : fr. 77,465,350 26

Les dépenses de l’exercice n’ont été que de : fr. 71,835,394 38

Ce qui a produit un fonds disponible de fr. 5, 629,955 88, dont 2,000,000 ont été reportés au budget de 1834 et 3,629,955 88 ont été employés à solder les dépenses arriérées de 1830 et de 1831, ainsi que les dépenses extraordinaires de 1832.


Le budget de 1833 fut réglé à la somme totale de : fr. 66,433,000

Mais les dépenses de cet exercice n’ayant été que de : fr. 51,365,000

Il en est résulté un fonds disponible de : fr. 15,068,000, dont 11,433,000 ont été définitivement annulés et 3,635,000 ont été reportés comme crédits extraordinaires à l’exercice de 1834.


Le budget de 1834, y compris les crédits supplémentaires accordés et prélevés sur le disponible de l’exercice précédent, et de l’exercice 1832, a été fixé à la somme totale de : fr. 44,618,000

D’après les dépenses faites jusqu’à ce jour, et s’il ne survient pas d’événements extraordinaires en décembre, le montant total des dépenses de l’exercice serait : fr. 42,118,000

Ce qui donnera un fonds disponible de fr. 2,500,000


Ainsi les dépenses du département de la guerre auront été :

- pour le premier exercice de 15 mois du 1er octobre 1830 au 31 décembre 1831 de fr. 86,558,350 24

- pour l’exercice 1832, fr. 71,835,394 38

- pour l’exercice 1833, fr. 51,365,000

- pour l’exercice 1834, fr. 42,118,000

Total général, fr. 251,876,744 62


Ces dépenses se composent de deux catégories distinctes :

La première comprend toutes celles qui ont été soldées sur mandats et paiement définitif, et qui s’appliquent à tous les chapitres du budget, à l’exception de celui de la solde des troupes de toutes armes.

La deuxième catégorie comprend tous les paiements effectués aux conseils d’administration des troupes de toutes armes en forme d’acomptes, et jusqu’au règlement des revues trimestrielles qui seules constatent et constituent les droits des corps pour solde, masses et toute espèce d’allocation.

Cette deuxième catégorie représente généralement les 5/6 de la dépense totale du département de la guerre, et conséquemment une somme approximative de 210,000,000 fr. sur les quatre exercices en question.

Il me suffira de ce simple exposé pour faire connaître de quelle importance était l’établissement des revues trimestrielles, seule et unique base de toute administration militaire, pour justifier les soins que j’ai pris à mon arrivée au ministère, et l’augmentation de sept personnes dans l’intendance militaire, pour faire marcher ce travail important, non seulement pour les vingt-huit corps de troupes qui composent notre armée de ligne, mais encore pour le nombre vraiment extraordinaire de corps hors ligne, créés en 1830 et 1831, volontaires, tirailleurs, corps francs, gardes civiques mobilisées en août 1831 au nombre de plus de cent corps différents, bataillons de gardes civiques organisées, etc.

C’est par l’impulsion que j’ai donnée, par le concours des lumières et du travail du corps de l’intendance que nous sommes parvenus au but important que nous nous proposions.

Toutes les revues trimestrielles ont été vérifiées par les intendants dans les provinces, soumises à une nouvelle vérification dans les bureaux du ministère, transmises à la cour des comptes, qui les a toutes contrôlées avec soin ; et il résulte de ce grand travail :

1° Que toutes les revues des exercices 1830, 1831, 1832 et 1833 soit définitivement apurées par la cour des comptes ;

2° Que celles des premier et deuxième trimestres de 1834 sont toutes revérifiées dans les bureaux de la guerre, et adressées à la cour des comptes ;

3° Que la majeure partie des revues du troisième trimestre 1834 est déjà vérifiée par les intendants, et soumise à la seconde vérification des bureaux de la guerre.

Dans aucun temps, soit en France, soit dans le royaume des Pays-Bas, le travail des revues n’a été aussi à jour, ni la comptabilité intérieure des corps plus au courant qu’elle ne l’est aujourd’hui.

Cette heureuse situation est due, je le répète, au zèle et aux lumières de quelques intendants que j’ai chargés spécialement de cet important travail.

Cet état de choses me met à même de connaître la situation réelle des corps envers l’Etat, et c’est dans les comptes généraux qui se préparent, qu’on reconnaîtra la dépense exacte des corps pour toute espèce d’allocation.

Dans le courant de chaque exercice, les corps demandent, et les intendants chargés de la surveillance de leur administration leur accordent tous les fonds nécessaires pour assurer toutes les branches de service qui leur sont confiées ; les paiements à faire ne permettent ni délai ni ajournement. Ce n’est qu’à la fin de l’exercice et après l’apurement des quatre revues trimestrielles, qu’on peut reconnaître si le corps a pris plus ou moins qu’il ne lui revient, d’après les allocations définitives portées aux revues, et ce résultat constitue la situation du corps envers l’Etat.

C’est ainsi qu’il est constaté que les corps qui composent actuellement notre armée de ligne, avaient reçu du trésor, au 1er janvier 1833, une somme de fr. 10,537,756 59, en sus des allocations à eux acquises par leurs revues trimestrielles jusqu’à ladite époque. Ce fait n’a rien d’extraordinaire ; il était même de la plus rigoureuse nécessité d’après les explications que je vais avoir l’honneur de vous donner.

Je me hâte cependant de vous faire savoir qu’à l’époque du 1er juillet 1834, cette dette était réduite à la somme de 4,993,494 88, et qu’à moins d’événements extraordinaires en 1835, elle sera des 2/3 amortie par les corps.

Voici donc les motifs qui mettent le trésor dans l’obligation de faire de pareilles avances aux corps, et d’en attendre le remboursement dans les exercices subséquents.

Jusqu’en 1819, le gouvernement des Pays-Bas suivit le système adopté en France, en Angleterre et en Autriche, de faire habiller et équiper, aux frais de l’Etat, les recrues arrivant sous les drapeaux, en fixant la durée de chaque pièce d’habillement ; ainsi la capote devait durer quatre ans, l’habit 3 ans, la veste, 1 an et demi, le pantalon, 1 an, etc.

A l’expiration de la durée fixée, le gouvernement renouvelait ces effets. Il fut reconnu que ce mode d’habillement ne pouvait s’appliquer, sans perte pour l’Etat, qu’aux hommes constamment tenus sous les armes, et qu’il en résulterait un dommage notable en l’appliquant aux miliciens qui, n’étant tenus qu’une année sous les armes, ne paraissaient qu’un mois sous les drapeaux chaque année, jusqu’à l’époque de leur libération.

Le gouvernement adopta un autre principe, en analogie à celui qui se pratiquait en Prusse, depuis l’organisation de la landwehr, et décida que les recrues rembourseraient le prix de l’habillement, dont les corps feraient l’avance, et que cet habillement deviendrait leur propriété, dans la prévision qu’ils apporteraient tous leurs soins à le conserver pendant les quatre années qu’ils passaient réellement sous les armes, mais on maintint la première mise de petit équipement accordée à chaque recrue, fixée à 36 fr. pour les troupes d’infanterie et à 50 fr. pour les corps de cavalerie, destinés à les pourvoir de chemise, bas, souliers, guêtre, etc., à leur entrée au service.

Dans la prévision que les effets d’habillement pourraient durer le temps obligé de service de chaque milicien, le gouvernement leur accorda 18 c. par jour, pour leur masse d’habillement et d’entretien de ces effets et de ceux de petit équipement ; il accorda 26 c. par jour, au cavalier pour la même masse.

Ainsi il était alloué par an au fantassin une somme de 65 fr. et au cavalier une somme de 95 fr pour entretenir et renouveler ses effets de petit équipement, après avoir reçu gratis sa première mise, et pour rembourser le prix de ses effets d’habillement dont le corps lui avait fait l’avance, les entretenir et les remplacer au besoin.

Les effets de petit équipement, dont la nomenclature suit, avec l’indication, de leurs prix actuels, se composent pour les troupes d’infanterie de :

2 chemises, à 3 fl. 50 c. ou 7 fr. 00 c.

2 caleçons, à 1 fl. 80 c. ou 3 fr. 60 c.

2 paires de chaussettes, à 70. c. ou 1 fr. 40 c.

2 paires de souliers, à 4 fl. 90 c. ou 9 fr. 80 c.

2 pantalons de toile, à 3 fl. 20 c. ou 6 fr. 40 c.

2 paires guêtres toile, à 1 fl. 20 c. ou 2 fr. 40 c.

2 essuie-mains, à 40 c. ou 80 c.

1 peigne, à 22 centimes.

1 assortiment de brosses, à 56 centimes.

1 boîte à cirage, à 15 centimes

1 sachet à coudre, à 20 centimes

1 patience, à 5 centimes

1 martinet, à 25 centimes.

1 livret, à 12 centimes

1 étui à livret, à 17 centimes

1 bonnet de nuit, à 60 centimes

1 paire de gants, à 60 centimes.

1 col, à 1 fr. 10 c.

Total : 35 fr. 42 c.

Quelque soigneux que soit le soldat, la majeure partie de ces effets doit être renouvelée annuellement, et même souvent davantage ; et l’expérience à prouvé que le montant des effets de petit équipement qui lui sont délivrés des magasins du corps, s’élève annuellement à 40 fr. environ. C’est le taux fixé en France où le soldat reçoit 10 c. par jour, uniquement destinés à l’entretien et au renouvellement de ses effets de petit équipement.

Il ne reste de disponible sur le montant annuel de sa masse d’entretien et d’habillement que 35 c. au plus, sur lesquels il faut prélever encore les frais de réparation de son habillement, de son équipement et de son armement.

En évaluant ces frais au minimum de 5 fr. par an, on voit qu’il ne reste à appliquer au remboursement de ses effets d’habillement que 30 fr. au plus par an.

Sans supposer aucun accident qui l’oblige à renouveler ses effets avant la durée fixée, il aurait eu à acheter pendant quatre ans :

1 habit,

4 pantalons,

2 vestes,

qui auront encore ajouté une valeur de 90 fr au montant de sa première mise, en en portant le total à 199 fr. ; et il n’aurait eu droit qu’à 120 fr. pour y faire face.

Mais cette allocation était suffisante dans le système du service de la milice, où l’homme pouvant économiser 30 fr. sur sa masse, pendant l’année qu’il restait sous les armes, avait droit, pendant les années qu’il passait dans ses foyers, à une masse d’absence, qui était exclusivement destinée au remboursement de sa dette.

On a suivi le même mode d’administration depuis la révolution, malgré que les miliciens comme les enrôlés volontaires soient restés constamment sous les drapeaux, et que l’usure et la détérioration des effets d’habillement aient dû nécessairement être beaucoup plus promptes, et que ces effets n’aient pu atteindre le temps fixé pour leur durée.

Il en est résulté que des soldats se trouvent prodigieusement endettés envers les corps, et par suite les corps envers l’Etat.

Le montant de la valeur des effets d’habillement à donner à chaque recrue fut fixé, au commencement de 1831, d’après les prix d’achat et de confection, résultant des adjudications,

à 100 fr. pour le soldat d’infanterie,

à 209 fr. pour le soldat de cavalerie, terme moyen des différents corps,

à 172 fr. pour le solde d’artillerie, monté.

Depuis cette époque, les réductions de prix obtenus dans ceux des étoffes et de la confection, et dans les quantités accordées par les tarifs, ont réduit ces prix, depuis 1833,

à 96 pour le soldat d’infanterie,

à 145 pour le soldat de cavalerie.

Mais l’organisation de l’armée ayant été effectuée avant cette dernière époque, c’est sur les anciens prix qu’il faut évaluer le montant des dépenses qui sont résultées de l’habillement de tous les hommes admis dans l’armée de ligne.

D’après les règlements existants, les budgets n’ont jamais accordé aucun fonds pour l’habillement des hommes de recrue ; la seule dépense y relative est l’allocation de la masse actuelle d’entretien et d’habillement, à raison de 18 cent. par jour et par homme d’infanterie, et de 26 cent. par jour et homme de cavalerie.

Les corps de l’armée de ligne ont donc eu à habiller complètement tous les hommes qu’ils ont reçus depuis la révolution, et n’ayant aucune allocation de fonds pour faire cette dépense, ils ont dû en faire l’avance, au moyen de celle qu’ils ont reçue du trésor, sauf à rembourser le montant de ces avances sur les exercices subséquents et à mesure de la rentrée des avances faites aux soldats. J’expliquerai plus tard quel est ce mode de remboursement, et je vais établir d’abord le montant approximatif des sommes que les corps ont dû nécessairement recevoir du trésor, en sus de leurs allocations fixées par leurs revues trimestrielles.

L’arme de l’infanterie a reçu, par les miliciens rappelés au service, par les enrôlés volontaires, par la fusion des corps francs, depuis le 1er octobre 1830 jusqu’au 31 décembre 1832, environ 78,000 hommes, sur lesquels il y avait 8,000 hommes en sous-officiers et soldats habillés.

Reste donc 70,000 hommes, qui, à raison de 109 fr. par homme, ont exigé une avance de fonds de la somme de fr. 7,630,000.

L’armée de la cavalerie a reçu 8,000 hommes à habiller, lesquels, à 209 fr. (terme moyen), font la somme de fr. 1,672,000.

Les armes de l’artillerie et du génie ont reçu 7,000 hommes à habiller, dont 4,000 à 109 fr. (fr. 436,000) et 3,000 à 172 fr. (fr. 516,000), ensemble fr. 952,000

Total général : fr. 10,254,000

Les magasins des corps représentaient en outre, à l’époque du 1er janvier 1833, en effets confectionnés et matières diverses, une valeur de fr. 2,800,000.

Total général : 13,054,000.

Le trésor de l’Etat avait donc été dans l’obligation de faire aux corps de l’armée une avance de plus de 13 millions de francs pour les mettre à même d’habiller leurs recrues.

Déjà l’allocation de la masse et les retenues exercées sur les soldats avaient réduit cette avance, à l’époque du 1er janvier 1833, à la somme de fr. 10,337,756 59.

Et c’est depuis cette époque, et dans l’espace de 18 mois, que cette avance a été réduite à la somme de 4,993,494 88.

Cette réduction a donc été de fr. 5,544,261 71 et provient : 1° de l’allocation d’entretien, dont les corps n’ont pas touché le montant, et s’élevant à la somme de fr. 2,698,838 38 ; 2° des retenues exercées sur la solde des militaires qui redoivent à leurs masses, et des versements volontaires montant à fr. 2,845,423 33.

Tel a été le résultat des soins de l’administration pendant ces 18 mois, pour diminuer d’autant le montant des avances du trésor, et les corps sont aujourd’hui dans la position de pouvoir s’en acquitter, puisque leur avoir était représenté au 1er juillet 1834 :

1° Par fr. 3,119,394 87 dus encore par les hommes pour remboursement des avances à eux faites ;

2° Par fr. 2,460,498 70, valeur des effets existants en magasin,

Total : fr. 5,579,893 57

Il résulte des détails dans lesquels je suis entré sur la situation du soldat tenu sous les armes pendant la durée des premières années de son service, que son allocation de masse d’entretien et d’habillement à raison de 18 c. par jour, faisant 66 fr. pour l’année, est tout à fait insuffisante :

1° Pour s’entretenir des effets de petit équipement et pour les renouveler, quand ils sont usés ou perdus.

2° Pour rembourser le prix de l’habillement complet qu’il a reçu en entrant dans le corps.

3° Pour payer les nouveaux effets d’habillement qu’il est obligé de prendre au magasin du corps, pour renouveler lesdits effets quand ils ont atteint le terme de leur durée, et à plus forte raison quand ils sont usés ou mis hors de service avant le terme fixé pour leur durée.

Aussi les règlements militaires ont-ils prévu ce cas et ont-ils autorisé des retenues sur la solde du militaire, quand le montant de leur dette dépasse la valeur des effets qu’ils ont ; et à plus forte raison autorisent-ils les versements volontaires faits par les soldats pour s’acquitter de ce qu’ils redoivent à leurs corps, quand ils ont l’intention et la possibilité de le faire.

Mais, pour que ces retenues pussent avoir lieu et produire quelque résultat, il a fallu donner à nos soldats une plus forte solde que dans les Etats où le gouvernement leur donne et renouvelle leur habillement à ses frais. Ce « don » est évalué à 60 fr. par an, ce qui fait 17 c. par jour, et c’est par ce motif que la solde de l’infanterie belge est de 17 c. plus forte que celle du soldat français, qui reçoit son habillement sans être tenu d’en rembourser la valeur.

Cette solde est fixée en France à 45 centimes par jour sur laquelle on exerce une retenue de 10 centimes pour sa masse de linge et chaussure : reste donc 35 centimes ; et celle du soldat belge est de 52 centimes : différence, 17 centimes.

En France, le soldat met 30 centimes à son ordinaire pour payer la viande, les légumes, etc., qui composent sa nourriture, et reçoit seulement 5 centimes par jour appelés deniers de poche, et sur lesquels on ne peut exercer aucune retenue.

En Belgique, le soldat met à l’ordinaire la totalité de sa solde et reçoit tous les cinq jours le décompte de ce qui n’a pas été dépensé.

Ce décompte varie suivant les différentes garnisons, mais le terme moyen est de 1 franc 10 centimes pour les cinq jours ; ainsi, il a employé comme le soldat français 50 centimes pour sa nourriture journalière, mais il reçoit 1 franc 10 centimes de décompte, tandis que le soldat français ne reçoit que 25 centimes formant ses deniers de poche.

C’est sur ce décompte que les règlements autorisent la retenue au maximum de la moitié, et au minimum du tiers de ce qui revient au soldat qui est endetté envers le corps.

Ainsi la retenue peut être de 55 centimes par cinq jours, et il reste pareille somme au soldat pour ses deniers de poche.

Le résultat des deux systèmes est donc à peu près le même pour l’Etat, sous le rapport de la dépense qu’occasionne le soldat.

Quand il est parvenu, soit par ces retenues successives, soit par des versements volontaires, à s’acquitter de tout ce qu’il redevait à son corps pour les fournitures qu’il en a reçues en effets d’habillement et de petit équipement, il a droit au décompte annuel de sa masse, et c’est alors qu’il touche, au 1er novembre de chaque année, les 4/5 du boni résultant de son compte ouvert sur ses allocations de masse d’entretien et d’habillement, et le cinquième restant, s’il n’excède pas 6 fr., est reporté à compte nouveau.

Ce que je viens d’exposer pour le soldat d’infanterie a également lieu pour ceux de la cavalerie et de l’artillerie, dont la solde est plus forte, ainsi que les masses, et s’applique aussi aux sous-officiers de toutes les armes, dont la solde et les masses sont plus élevées, et ces dispositions sont également fixées par les règlements militaires.

Venant maintenant au mode d’administration intérieure des corps, il me reste à expliquer comment les avances qui leur ont été faites par le trésor y font retour en diminuant le montant des fonds alloués par les budgets.

Dans la situation particulière où la Belgique s’est trouvée à la suite de la révolution, il convient d’abord de rappeler que les dépenses de l’année 1830 et 1831 n’ont pas été et n’ont réellement pu être réglées par un budget, mais que le congrès et les chambres ont été dans l’obligation d’accorder, par l’ouverture de crédits successifs, le montant total des dépenses faites, et que dans ces dépenses étaient nécessairement comprises les avances montant à 13,000,000 fr., par le trésor de l’Etat, pour l’habillement complet de l’armée, saut à s’en récupérer plus tard sur les exercices subséquents. Depuis qu’il y a eu un budget réglé, portant allocation de la masse d’entretien et d’habillement, les dépenses y relatives ont été constamment au-dessous des allocations portées au budget, ce qui a réduit successivement le montant de la dette des corps envers le trésor de l’Etat.

Aussi une partie des fonds restés disponibles sur les exercice 1832, 1833 et 1834, provient-elle de ce que les corps n’ont pas touché la totalité des allocations de cette masse, et n’ont pris au trésor que les fonds nécessaires au paiement de leurs achats et de frais de confection des effets qu’ils ont distribués aux soldats, ou fait entrer dans leurs magasins.

N’ayant pas encore de décompte à faire aux hommes sur cette masse, ils n’ont pas été dans l’obligation de demander des fonds pour payer des décomptes auxquels il n’était encore ouvert aucun droit.

Les retenues faites sur la solde et les versements volontaires sont encore venus en atténuation des avances du trésor, par la prise en recette de leur montant, au lieu de prendre des fonds au trésor.

Une mesure qui a provoqué une grande partie des versements de fonds par les soldats pour s’acquitter de ce qu’ils doivent à leurs masses, est celle qui ajourne la délivrance des permissions à tout soldat qui devait à sa masse une somme plus forte que la valeur actuelle de ses effets.

Dans les demandes mensuelles de fonds que les conseils d’administration des corps soumettent aux intendants militaires chargés de l’administration de ces corps, le conseil établit le quantum des sommes nécessaires pour payer pendant le mois :

- Le traitement des officiers présents,

- La solde des sous-officiers et soldats,

- Les fournitures de pain et de fourrages,

- Les frais d’administration,

- Le supplément de dépenses pour logement et nourriture chez l’habitant,

- Les trais de casernement,

- et autres allocations acquises d’après l’effectif des corps, à l’exception toutefois de celle de la masse d’habillement.

Mais il ne comprend dans ses demandes, au lieu de l’allocation fixée pour cette masse, que les fonds dont il a besoin pour solder :

1° Les achats de draps et étoffes,

2° Les effets de petit équipement,

3° Les frais de confection et réparation aux maîtres-tailleurs, cordonniers et armuriers.

Ainsi il ne demande que la somme réellement nécessaire pour les dépenses faites ou à faire sur les fonds de cette masse, et la quotité de ces fonds peut être en excédant, quand il a beaucoup de recrues à habiller et à pourvoir d’effets de petit équipement, comme elle peut être au-dessous du montant de ses allocations, quand il n’a pas ou peu de dépenses de ce genre à faire pendant le mois pour lequel il fait sa demande de fonds. A la suite de l’énumération des fonds nécessaires pour le mois, le conseil d’administration défalque le montant du restant en caisse au 30 du mois précédent, et dans ce restant en caisse est compris le montant des retenues exercées sur les soldats, et des versements volontaires faits par eux. Leur demande est donc réduite du montant de ces retenues et versements volontaires qui sont pris ainsi en recette par le corps, et qui diminuent d’autant les fonds à puiser au trésor de l’Etat.

Cette marche est toute rationnelle, et elle est d’ailleurs tracée par les règlements existants. Vouloir faire verser au trésor le montant de ces retenues, pour que le trésor les reverse ensuite à la caisse des corps, me semble une complication bien inutile dans les écritures, et constituerait une dépense pour remise à la banque, que l’on peut épargner.

Je propose donc de continuer de suivre la marche tracée par le règlement, et la seule question qui reste à examiner, est celle de savoir si l’on doit faire au budget un chapitre spécial de la masse d’entretien et d’habillement de tous les corps de l’armée. L’examen et la discussion de cette question feront l’objet d’un nouveau rapport, dans lequel j’émettrai mon opinion sur les avantages ou les inconvénients qui peuvent résulter de l’adoption de cette mesure.

Le ministre-directeur de la guerre, Baron Evain,

Bruxelles, le 5 décembre 1834.

(Fin du rapport)


Ce rapport a été soumis à la section centrale, chargée de l’examen du budget de la guerre ; comme la question a été soulevée dans l’assemblée, j’ai cru nécessaire de le soumettre à la chambre entière.

Voici maintenant, messieurs, la lettre que j’ai écrite à la cour des comptes, en lui annonçant que j’étais prêt à lui soumettre la comptabilité des hôpitaux.

(Ici M. le ministre donne lecture de cette lettre en date du 15 octobre, et dans laquelle il invite la cour des comptes à vérifier cette comptabilité.)

La cour a dû délibérer avant-hier sur cette question ; je ne connais pas encore sa décision ; je désire qu’elle contrôle aussi la comptabilité des hôpitaux.

Quant aux gratifications qui ont été accordées, elles ne l’ont pas été à cause de la marche que les troupes avaient faite, mais parce que les troupes étaient restées 3 jours au bivouac, qu’on n’avait pas pu les fournir de vivres, et que les soldats avaient été obligés d’acheter de côté et d’autre ce dont ils avaient besoin pour se sustenter. Les chefs de corps m’ayant représenté que les soldats avaient dépensé plus que leur solde, dans cette position extraordinaire j’ai cru devoir ordonnancer l’indemnité dont on a parlé.


M. le président. - La parole est à M. Behr pour la présentation d’un rapport.

M. de Behr. - J’ai l’honneur de déposer le rapport sur le budget supplémentaire des voies et moyens. Comme ce rapport a trait à l’objet en discussion, j’ai dû le rédiger à la hâte ; je réclame donc l’indulgence de la chambre.

- Plusieurs membres. - L’impression !

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je prierai la chambre de vouloir bien entendre la lecture de ce rapport ; il se lie intimement à l’objet dont nous nous occupons, et il éclairerait cette discussion.

M. Meeus. - J’aurai l’honneur de faire observer à M. le ministre des finances que, quand on aura entendu la lecture de ce rapport, il faudra néanmoins l’examiner. La question n’est pas assez simple pour qu’elle puisse être éclairée par une simple lecture du rapport.

- La chambre consultée décide qu’il ne sera pas donné lecture du rapport ; il sera imprimé et distribué.


M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je me fais un plaisir de déclarer, sur l’interpellation de l’honorable M. Jullien, que déjà le gouvernement s’est occupé d’un projet de loi relatif aux étrangers ; j’espère même que sous peu il sera présenté à la chambre.

Cet honorable député s’est plaint de quelques vexations que les étrangers pourraient éprouver en ce qu’ils sont obligés de se présenter à la police au bout d’un temps.

Je lui ferai observer que cette mesure n’est pas générale ; qu’elle ne porte que sur les étrangers appartenant à des pays qui ne sont pas en relation d’amitié avec la Belgique, ou sur des étrangers qui n’ont pas des papiers en due forme.

Quant à la perception dont il a été fait mention d’une manière dubitative, je crois pouvoir déclarer que cette perception n’existe pas. Il n’y a aucune perception illégale. Aucune plainte ne s’est élevée sur cette matière.

Je profiterai de cette occasion pour dire quelque chose sur l’objet en discussion. On a parlé de la loi des douanes, de la tarification du transit. Le projet de loi des douanes a été préparé au ministère des finances ; il a été envoyé au ministère de l’intérieur, pour le soumettre à l’avis des chambres de commerce. Ces renseignements sont maintenant parvenus ; le ministère de l’intérieur s’empressera d’adresser ses propres observations au ministère des finances, et sous peu, je l’espère, le gouvernement sera en mesure de présenter cette loi importante. Toutefois son étendue est telle que je doute que la chambre puisse la discuter dans cette session.

En ce qui concerne la tarification, M. le ministre des finances a énuméré les motifs pour lesquels il est impossible de réviser actuellement cette loi. Du reste le gouvernement s’occupe sérieusement de la question de savoir s’il serait possible de présenter quelques modifications particulières offrant des résultats satisfaisants pour les intérêts du pays.

En ce qui concerne le transit, on prépare un projet spécial sur cette matière. Il n’est pas, je pense, nécessaire de rien proposer à cet égard au budget des voies et moyens, parce que le projet, en présentant une réduction sur les droits de transit, n’aura pas pour effet de diminuer les revenus ; au contraire, ces revenus pourront augmenter par suite d’un transit plus considérable.

Mon honorable prédécesseur s’est plaint hier de ce que le gouvernement ne donnait pas suite à la demande de crédit qu’il avait faite pour l’assainissement des villes : tout en rendant justice à ses vues philanthropiques, je dois dire que l’administration centrale ne possède pas suffisamment d’éléments pour former sa conviction relativement à la nécessité, à l’urgence de solliciter dans ce but la perception de centimes extraordinaires. La somme de 500 mille francs qui avait été proposée pour ces travaux a paru trop importante pour qu’on persistât dans cette demande, sans que la nécessité en fût évidemment démontrée.

Je dois ajouter qu’il est déjà parvenu à ma connaissance que cette demande n’avait pas reçu un accueil favorable de la part de différentes sections. Dans ce moment il se fait dans plusieurs de nos villes des travaux fort importants ; il y a tout lieu d’espérer que ces travaux contribueront à remplir les vues de l’honorable député.

Je pourrais citer la ville de Liége dans laquelle la construction d’un pont sur la Meuse, en donnant plus d’importance à une partie considérable de la ville, doit procurer, sous le rapport de la salubrité, les résultats les plus avantageux, Je pourrais citer également les travaux entrepris dans d’autres villes ; mais je bornerai là mes observations. La discussion a déjà été fort longue, et je présume que la chambre a hâte d'en finir.

(Moniteur belge n°347, du 13 décembre 1834) M. F. de Mérode. - Messieurs, il y a des époques où quelques moyens conservateurs de la sûreté publique, exceptionnellement mis en usage, reçoivent des qualifications singulièrement hyperboliques, tandis que personne ne s’en occupait précédemment, et ne s’en effrayait en aucune manière. Ainsi, messieurs, la loi de vendémiaire an VI, que M. Jullien vous a signalée comme effroyable, a existé jusqu’ici en France, et n’a point été reconnue abrogée dans la Belgique que l’honorable député de Bruges habite, je crois, depuis 25 ou 30 ans.

Malgré cette loi horrible, épithète synonyme d’effroyable, des milliers d’Anglais et autres étrangers paisibles vivent à Paris et en France dans la plus grande sécurité. Je crois qu’il en est de même de ceux qui résident en Belgique, et la seule inquiétude qui ait jamais éloigné de nos villes les étrangers qui viennent y chercher le repos et la vie à bon marché, a été excitée par les dévastations brutales et repoussantes dont nous avons eu à gémir particulièrement au mois d’avril dernier.

Créer la liberté dans un pays est assurément une des oeuvres les plus belles que puissent se proposer des législateurs ; mais qu’est-ce que la liberté sans la sécurité des propriétés et des personnes ? Comment les hommes chargés du gouvernement pourront-ils assurer les premières garanties de tout ordre social si l’impunité de fait est plus ou moins assurée aux perturbateurs étrangers comme aux indigènes ?

Vous le savez, messieurs, dix-sept maisons ont été saccagées dans Bruxelles, un grand nombre d’arrestations ont en lieu alors, les compositeurs et éditeurs du pamphlet qui appelait les manifestations de la colère du peuple ont été saisis par la justice. Eh bien, tous ont été acquittés pleinement et entièrement. Je ne me permettrai point ici de blâmer le verdict d’un jury. Je me contente de rappeler ce qui s’est passé. Le gouvernement n’a donc eu d’action répressive, si vous en exceptez la force des armes, que la loi dite horrible de vendémiaire an VI.

Il en a usé et non pas abusé, j’ose le dire, messieurs. Si nous voulons nous entendre dans cette enceinte afin de procurer au pays de bonnes lois, servons-nous d’un langage vrai, ne perdons pas notre temps en discours inutiles, en censures hyperboliques. N’ayons pas la prétention de réformer en même temps les défectuosités nombreuses qu’on nous signale dans les diverses branches de l’ordre judiciaire, administratif et financier. Au lieu de ces discussions interminables sur l’ensemble des budgets, discutons et votons des lois. Alors nous remplacerons celle de vendémiaire an VI par une autre loi moins absolue et j’y donnerai aussi volontiers mon assentiment que M. Jullien.

(Moniteur belge n°346, du 12 décembre 1834) M. Liedts, M. Jullien et M. Meeus réclament en même temps la parole.

M. Dumortier. - Je demande la parole pour une motion d’ordre.

Le discours que vient de prononcer M. le ministre de la guerre est un rapport qu’il a déjà soumis à la section centrale ; il contient des faits importants relativement à la discussion actuelle, et relativement aux comptes de l’Etat ; je voudrais que la chambre en ordonnât l’impression et la distribution ; ce serait faire chose utile pour cette circonstance et pour d’autres circonstances. (Appuyé ! appuyé !)

- La chambre ordonne l’impression et la distribution du discours lu par M. le ministre de la guerre.

M. Liedts. - Puisque M. le ministre de la guerre est présent à la séance, je me permettrai de lui adresser une interpellation. Est-il vrai que le gouvernement se propose de faire incessamment une nomination de généraux ? Si les bruits qui circulent à cet égard étaient exacts, si la promotion devait avoir lieu, je crois que le ministre qui signerait les nominations compromettrait gravement sa responsabilité. Il doit savoir que les dernières et nombreuses promotions qui ont eu lieu dans l’armée n’ont pas été accueillies favorablement dans le pays. Probablement la chambre refuserait les sommes nécessaires pour le traitement des grades qui seraient donnés, si on faisait les promotions que l’on annonce.

Tout le monde sait cependant que la chambre porte le plus vif intérêt à l’armée ; mais ce n’est pas là un motif pour conférer des grades qui n’ont pas été mérités, qui n’ont pas été acquis devant l’ennemi. Il ne faut pas grever le budget ou les contribuables, pour satisfaire et exciter les vanités prétentieuses de certains officiers ; car il n’en est aucun parmi ceux-là qui ne se croie capable d’être général.

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Messieurs, je dois répondre à l’interpellation que vient de m’adresser l’honorable préopinant, et je déclare en conséquence que ce n’est que par le journal que je lis habituellement que j’ai appris la nouvelle qu’il devait être fait une promotion d’officiers généraux ; je puis donner l’assurance qu’il n’est point question de faire la promotion qui est annoncée dans les journaux, et que ce bruit n’a pas plus de fondement que celui que les journaux avaient dernièrement répandu, que j’avais l’intention de faire donner à nos troupes le pantalon couleur garance comme aux troupes françaises.

M. A. Rodenbach et d’autres membres. - Ce sont des nouvelles données par le Lynx ? C’est le Lynx ! (On rit.)

M. Meeus. - M. le ministre des finances, dans le discours qu’il a lu hier, a émis deux opinions que je crois de mon devoir de combattre.

Par la première il me semble qu’il méconnaît entièrement le principe qui a dicté votre résolution par rapport aux comptes du trésor. Il me semble encore qu’elle est contraire au sens des débats qui se sont élevés dans cette enceinte, alors qu’une loi a été portée pour la création de la dette flottante.

Il est essentiel, messieurs, de ne pas perdre de vue le principe sur lequel la chambre a paru être unanime dans cette circonstance ; autrement nous pourrions tomber, comme nos voisins, dans le grave inconvénient de voir augmenter la dette flottante d’une manière tout à fait disproportionnée avec ce qu’exige une bonne administration financière.

Lors de la discussion de la loi sur la création de la dette flottante, on était d’accord, si ma mémoire est fidèle, sur ce point : qu’une partie de cette dette ne serait autre chose que la représentation des revenus arriérés de l’Etat.

Et comme à cette époque la rentrée d’une grande partie du produit de l’emprunt contracté avec la maison Rothschild était reculée à des termes très éloignés, la dette flottante présentait surtout un à-propos pour la situation dans laquelle on était. Votre mémoire doit vous rappeler ces faits.

Alors,on agitait aussi la question de savoir comment l’on ferait face aux dépenses nouvelles que l’on croyait indispensables, non seulement pour maintenir notre armée sur le pied de guerre, mais encore pour l’augmenter ; car on croyait que la Hollande, avec ses vues hostiles contre la Belgique, avait l’intention de les manifester immédiatement, et l’on se disait : Pour donner le temps au gouvernement de faire un emprunt ou d’aviser à d’autres ressources, nous autoriserons, s’il est nécessaire, une émission particulière de bons du trésor.

Fort heureusement nous n’avons pas eu à augmenter l’effectif de notre armée, et les provisions du ministère ne se sont pas réalisées. J’espère, soit dit en passant, qu’il en sera de même aujourd’hui que l’on vient vous demander sept millions sous le prétexte de renforcer notre état militaire ; j’espère que l’attitude de la Hollande sera assez peu menaçante pour qu’il nous soit permis de ne pas accabler les contribuables par une nouvelle charge.

Je le répète, nous concevions tous que la dette flottante était toujours représentée par les revenus arriérés de l’Etat. Cependant aujourd’hui il n’en serait plus de même ; et dans le compte que vous a présenté dernièrement M. le ministre des finances, il résulte qu’un déficit existe sur les exercices antérieurs, lequel est couvert par l’émission de bons du trésor ; et cela est si vrai, que si tout à l’heure les dépenses devaient suivre les revenus et les absorber, et que des bons du trésor ne pussent être émis, il y aurait une lacune dans les paiements, lacune que vous devriez couvrir par une contribution ou par un emprunt.

Lors de la discussion de la loi concernant les chemins en fer, dans la prévision d’un emprunt à faire, et en attendant, vous avez autorisé une émission de billets au porteur et à terme, ou de bons du trésor. Cette seconde émission, qui probablement est déjà commencée, va prendre un rapide accroissement par suite de la rapidité que le gouvernement se plaît à mettre, et je l’en loue, dans des travaux qui seront d’une si grande utilité pour le pays.

Nous allons donc avoir d’une part une dette flottante qui n’est pas couverte par les revenus arriérés, et d’une autre part une dette flottante qui sera couverte par un emprunt pour le chemin de fer.

Le gouvernement doit faire attention à cette position ; car il serait dangereux de laisser augmenter cette dette d’une manière hors de proportion avec nos ressources financières. Vous comprendrez facilement que si, d’ici à quelque temps, le duc de Wellington, ou si vous voulez le cabinet anglais, par l’influence qu’il exerce sur les puissances du Nord, parvenait à amener le roi Guillaume à terminer le différent entre la Hollande et la Belgique, vous vous trouveriez dans une situation, je ne dirai pas difficile, mais peu financière, puisque vous seriez en présence d’une arriérée énorme, et d’un emprunt nécessaire pour faire face aux prétentions qui pourraient être élevées.

De petits emprunts se font aisément, je le sais ; mais de grands emprunts ne se font jamais sans de grands sacrifices.

Vous me direz qu’ici il reste à savoir si on satisfera aux besoins par un emprunt ou par des contributions ; mais je ne toucherai pas à cette question ; ce n’est pas le moment de l’examiner.

Toujours est-il, messieurs, que si la construction du chemin en fer augmente la dette flottante existante, il pourra arriver un moment où le gouvernement se trouvera paralysé, parce qu’une crise financière peut s’opérer tant en France qu’en Angleterre. Je crois positivement qu’il serait sage de ne pas laisser augmenter la dette flottante, surtout par la construction du chemin en fer, sans s’assurer des moyens de remboursement. J’abandonne cela à la prudence du gouvernement.

J’ai dû être étonné, messieurs, de ce que vous a dit dans la séance d’hier M. le ministre des finances, relativement à nos bons : « que ces bons ne sont réellement en Belgique ni un emprunt, ni une anticipation d’impôts, mais le titre liquide d’une créance qui nous est due. »

M. le ministre doit avoir erré. Dans son rapport sur la situation du trésor, il dit positivement qu’il y a une somme de 8 à 9 millions, je ne sais pas si ma mémoire est fidèle, pour couvrir le déficit des exercices antérieurs. Ou il y a là erreur de M. le ministre, ou je n’ai pas compris ses expressions telle que le rapporte le Moniteur ; elles doivent subir l’interprétation que je leur donne en ce moment.

M. le ministre, après ces considérations, répond à l’honorable M. de Foere pour combattre l’opinion qu’il avait manifestée sur des billets de banque au porteur, moyen que cet honorable membre avait présenté comme un soulagement pour le trésor. J’avais déjà répondu à M.de Foere, sur ce qu’il appelait privilèges de la banque, que d’après les statuts de cet établissement, s’il existait privilège, ce n’était pas pour la banque, mais pour le chef de l’Etat. M. le ministre des finances s’est choqué de ce mot privilège, et dans la séance d’hier, il vous dit : « Quant à un autre privilège en faveur du Roi, dont vous a parlé hier un honorable député de Bruxelles (ce député, c’est moi), le gouvernement du Roi, messieurs, a des droits et non des privilèges ; il saura exercer les premiers en toute circonstance. Ces droits, il les tient de la constitution et non de la banque. » Voilà des maximes que, comme député, je dois combattre de tout mon pouvoir.

Certes, lorsque j’ouvre la constitution, et lorsque j’y lis, article 78 : « Le Roi n’a d’autre pouvoir que ceux que lui attribuent formellement la constitution et les lois particulières portées en vertu de la constitution même ; » que, d’un autre côté, je vois l’article 20 s’exprimer ainsi : « Les Belges ont le droit de s’associer. Ce droit ne peut être soumis à aucune mesure préventive, » et vous connaissez, messieurs, la portée de cet article 20 ; il en a une pour l’avenir de la Belgique, qu’il n’est pas bien donné de comprendre encore ; lors donc que je me trouve en présence de ces articles, je me demande où M. le ministre a-t-il pu trouver que le Roi puisse revendiquer des droits sur des sociétés particulières ? Le chef de l’Etat en a des droits, mais ils ne lui sont pas donnés par la constitution, mais bien par les contrats que les actionnaires ont passés. Ces droits ne ressortent donc pas de la constitution, mais de conventions particulières, et encore ce sont plutôt des privilèges que des droits. C’est donc à juste titre que je disais que le chef de l’Etat avait plutôt des privilèges que la banque.

Si j’insiste encore pour obtenir toute votre attention, messieurs, c’est que les matières dont je vous entretiens sont des plus délicates.

Je dois vous faire remarquer qu’il n’y a ici que des députés qui ne doivent voir que les intérêts du pays, pas même ceux des provinces séparément, encore moins ceux des entreprises particulières. Je m’exprime donc comme député. Si tout à l’heure on proposait quelque mesure contre l’institution dont je parlais à l’instant, et si je reconnaissais que cette mesure fût juste, non seulement je ne m’abstiendrais pas, mais je voterais contre cette institution.

Le ministre continue, messieurs... (Je ne ferai pas attention au reproche qu’il me fait peu obligeamment en disant : « Celui-ci a sans doute peu réfléchi » Ce sont des moyens oratoires que l’on emploie ordinairement pour prouver que l’on a raison dans sa cause.)

Le ministre, continue, dis-je : « Celle-ci (la banque), au contraire a besoin du pouvoir exécutif pour prospérer. »

Messieurs, le pays serait à plaindre si, après les principes posés dans la constitution, il fallait que les établissements particuliers qui se fondent, vissent leur prospérité dépendre du gouvernement. Si la banque pouvait être un moment dépendante du gouvernement, son crédit tomberait à l’instant.

Le crédit que le gouvernement pourrait lui imprimer serait incertain et variable comme la politique qui le guiderait. Des établissements comme celui-là doivent être indépendants du gouvernement. Une loi a consacré cette indépendance dans des nations voisines, en France et en Angleterre. Les banques de ces pays sont plus indépendantes que celle de la Belgique ; cette position de notre banque ne résulte pas de pouvoir du gouvernement et du Roi, mais bien des liens qu’elle a consenti à s’imposer elle-même.

« Telle est, ajoute le ministre, la véritable position des choses, et s’il était de mon devoir de reconnaître et de déclarer hautement à cette tribune que la banque mérite la confiance que lui accorde le gouvernement en recevant son papier comme numéraire dans les caisses publiques, il m’importait également de classer cette institution à sa place qui est en dessous du pouvoir exécutif, sous l’approbation et la protection duquel elle existe. »

Messieurs, je ne comprends pas bien ce que veut dire M. le ministre quand il parle de classer la banque à sa place, « qui est au-dessous du pouvoir exécutif, sous la protection et l’approbation duquel elle existe. » J’avoue que c’est un singulier principe.

La banque, pas plus qu’un particulier, que le premier venu, n’est ni au-dessous, ni au-dessus ni à côté, mais avant tout, comme le pouvoir exécutif, vis-à-vis la constitution. Si elle a quelques prérogatives, c’est qu’on les lui a conférées, et elle en a usé sagement. Je n’ai donc pas voulu me taire lorsque l’on attaque les principes d’association, lorsque le gouvernement s’arroge une prérogative qu’il n’a pas, et qu’il voit une dépendance servile où elle n’existe et ne peut exister en aucune manière.

M. le président. - La parole est à M. Desmanet de Biesme.

M. Desmanet de Biesme. - J’avais demandé la parole pour répondre à M. le ministre dans le même sens que l’honorable M. Meeus, qui s’en est trop bien acquitté pour que je veuille parler après lui.

M. de Foere. - Je dois une réplique à notre honorable ministre des finances. La question me paraît assez importante pour mériter pendant quelques instants encore votre attention.

Ce n’est pas que je veuille arriver tout d’abord à l’exécution d’une mesure financière qui, selon moi, serait utile au pays sous bien des rapports ; je crois, au contraire, que le moment n’en est pas encore arrivé ; je ne l’ai pas proposée, comme l’a cru l’honorable député de Bruxelles ; mais je désire que la chambre et le gouvernement la prennent en mûre considération, afin de la mettre à exécution sur des bases sages lorsque le moment opportun en sera arrivé.

Je vais faire un simple exposé de ce qui existe dans un autre pays, et devant ce simple exposé tomberont, j’espère, toutes les objections faites hier par le ministre des finances.

La Prusse émet des bons royaux sans intérêt. Les habitants de la Prusse ne sont pas obligés de les recevoir comme moyen d’échange dans les transactions particulières ; mais les contribuables sont obligés de payer leurs contributions moitié en bons royaux. Afin de faciliter leur circulation journalière, ces bons ont une valeur différente et approprié aux facultés de toutes les classes de la société. Le gouvernement de la Prusse étant absolu, le montant de l’émission de ses bons royaux est inconnu. Mais il est facile de calculer que ces bons, n’ayant pas de valeur à l’extérieur, et circulant seulement en Prusse, ne peuvent excéder la moitié des contributions que dans la même proportion dans laquelle ils jouissent du crédit en Prusse, et dans laquelle ils sont admis en circulation pour faciliter les transactions journalières ; car personne n’ignore combien la facilité qu’offre comme moyen d’échange une valeur en papier, est supérieure à celle de l’argent.

Les bons royaux, en Angleterre, ou les billets d’échiquier, sont émis sur le même plan et dans le même but, avec ces seules différences qu’en Angleterre ils portent un intérêt de 2 1/4 p. c, et qu’au moyen de ces bons les Anglais paient en entier toutes espèces de taxes. Ils sont admis dans la circulation générale pour les transactions commerciales aussi bien que pour toutes autres transactions particulières, et comme ils portent un léger intérêt, ils servent aussi fréquemment à des investissements considérables de capitaux, dans les cas où des capitalistes ont à placer momentanément de l’argent qu’ils veulent soustraire aux fluctuations toujours périlleuses de la bourse.

Ils sont, non à l’heure, mais périodiquement, remboursés ou échangés contre d’autres bons au choix des détenteurs. Le gouvernement anglais étant constitutionnel, la quotité de l’émission des billets d’échiquier y est connue. Elle montait, en 1815, après la guerre, à fr. 1,900,000,000. Elle a été successivement réduite, et elle flotte aujourd’hui entre 7 et 8 cents millions. C’est ce qu’on appelle la dette non consolidée, ou la dette flottante.

En France, la même circulation en bons royaux existe. Le gouvernement les a introduits d’abord à 8 p. c. ; ils sont pris aujourd’hui à un intérêt, si je ne me trompe, de 2 1/2 à 3 p.c.

Il n’existe pas dans ces trois pays, la Prusse, l’Angleterre et la France, de mesure financière plus populaire et plus goûtée.

Devant ce simple exposé doivent nécessairement tomber toutes les objections qui ont été présentées hier par l’honorable ministre des finances. Il serait difficile, sinon impossible, de comprendre qu’une même mesure sagement combinée sur l’expérience de ces faits établis dans d’autres pays, de comprendre enfin où seraient ici les grands dangers attachés à cette circulation, lorsque dans les pays que je viens de citer on la considère généralement comme un bienfait.

« Ce serait, dit le ministre, l’opération financière la plus dangereuse et la plus propre, non seulement à discréditer, mais à déconsidérer un pays. » La Prusse, l’Angleterre, la France, sont-elles déconsidérées ? Tous les fonds de ces pays sont au-delà du pair, malgré les dangers de ces mesures financières qu’ils ont mises à exécution.

La plupart des objections de l’honorable ministre des finances lui ont été suggérées par un plan d’émission, qu’il s’est tracé dans son esprit. Or, je n’avais, moi, présenté aucun plan. Sans entrer dans aucun détail, j’ai raisonné sur la question générale afin de ne pas la laisser considérer par la chambre comme chose jugée, et de lui laisser entrevoir qu’il était possible de mettre en circulation des bons royaux, soit sans charge pour le pays, comme en Prusse, soit avec une charge légère, comme en France et en Angleterre.

M. le ministre a demandé ce que deviendrait le crédit de ce papier s’il n’était établi que sur la confiance publique, dans un cas de guerre, ou simplement d’apparence de guerre ; croit-on, dit-il, que les porteurs ne s’empresseraient pas d’en exiger le remboursement ou de le verser dans les caisses du trésor, ce qui est la même chose ? Je pourrais d’abord lui demander que deviennent, dans les mêmes cas, les bons royaux en Prusse, en Angleterre ? Mas je lui répondrai directement.

Je lui dirai que toute valeur consistant en papier au porteur, valeurs commerciales ou gouvernementales, est fondée sur une valeur égale de numéraire qui le représente ; c’est là toute la garantie exigée par le public. Or, je vais prouver que cette valeur en bons, sans intérêt ou avec intérêt léger, serait représentée par une valeur quintuple. Si le gouvernement n’émettait, comme c’est mon opinion, que pour 15 millions de bons royaux, somme égale à celle de nos bons du trésor, et que, comme en Prusse, les contribuables fussent obligés de payer les contributions dans la proportion d’un sixième, attendu que notre budget des voies et moyens sera porté, pour 1835, à 90 millions, il s’en suivrait que ces 15 millions seront représentés dans une proportion quintuple, et là se trouverait pour le public la garantie de ces bons, et vous ne verriez plus figurer sur le budget des dépenses à peu près un million pour faire face aux intérêts de nos bons du trésor.

Comme il incombe à la nation le devoir de payer les contributions, le gouvernement continuerait les bons à mesure qu’ils rentrent dans le trésor. Remarquez, messieurs, que, sans vous y obliger, je ne présente là que le plan mis en exécution en Prusse.

Toutes les objections du ministre des finances, sur la possibilité de devoir rembourser ces valeurs sur présentation et sur l’heure, tombent donc d’elles-mêmes.

Nos bons actuels du trésor sont dans une condition pire que celle que M. le ministre s’est efforcé d’assigner aux bons sans intérêt ou portant un intérêt léger et mis en circulation sur un plan sage basé sur l’expérience extérieure. Il est surprenant que le ministre, tout en raisonnant sur cette comparaison, n’ait pas saisi cette vérité.

Les bons royaux en Prusse, et les billets d’échiquier en Angleterre, conservent leur valeur au pair en temps de guerre comme en temps de paix, par la simple raison qu’ils ne sont pas sujets aux fluctuations de la bourse : et c’est une des raisons pour lesquelles ces valeurs sont très goûtées dans ces deux pays. Par contre, nos bons du trésor actuels ne sont pas autre chose qu’un fonds public ; ils sont cotés sur tous nos marchés d’argent, et je mets en fait que, sans calculer la perte des intérêts, les détenteurs de ces valeurs ne pourraient s’en défaire en cas de guerre, ou de simple apparence de guerre, qu’avec une perte de 30 à 40, p. c. sur le capital, dans le cas où leur échéance est encore éloignée. Je mets au surplus en fait que, dans les mêmes cas de guerre, aucun capitaliste ne prendra des bons du trésor, et que le trésor ne pourrait en émettre sans faire la même perte de 30 à 40 p. c. Que devient dans ces cas de guerre cette ressource du trésor, alors qu’il éprouverait plus le besoin d’émettre des bons qu’en temps de paix ? Elle serait indubitablement tarie cette source, tandis que l’autre ne pourrait l’être, attendu que les contributions devraient continuer d’en payer un sixième en bons royaux.

M. le ministre des finances a ensuite contesté que notre dette flottante fût un véritable emprunt. Il est inutile d’entrer à cet égard dans une nouvelle discussion, attendu que l’honorable député de Bruxelles a suffisamment démontré le contraire. Car, pour que notre dette flottante ne fût pas un véritable emprunt, il faudrait assigner au budget un article dont l’allocation servît à payer non seulement les intérêts, mais également à rembourser le capital de cette dette flottante. Il est impossible de sortir de ce cercle vicieux.

Si vous ne remboursez pas cette dette maintenant, plus tard. il vous faudra faire ce remboursement.

Il vaudrait mieux que ce déficit fût couvert par la voie des contributions. En ce qui regarde le danger de recevoir les bons royaux, dont je propose la création, je demanderai si le pays ne les acceptera pas du moment qu’il saura qu’ils pourront lui servir à payer ses contributions, et que la circulation de ces bons aura lieu dans son intérêt puisqu’il ne sera pas obligé de payer les intérêts des bons actuels du trésor.

Puisque j’ai la parole, je répondrai quelques mots à l’honorable député de Bruxelles qui m’a précédé dans la discussion. Il prétend que la banque de Bruxelles, comme toutes les sociétés commerciales, a le droit d’émettre du papier à volonté. Il a fondé ses arguments sur un article de la constitution, qui assure à tous les citoyens le droit d’association.

On peut considérer la banque comme banque d’escompte, banque de dépôt et banque d’émission. Certainement il est juste de dire que, comme banque de dépôt et d’escompte, la banque, est, comme toutes les sociétés commerciales, indépendante du gouvernement, et que ses opérations ne doivent pas être soumises à son approbation. Je suis de son avis qu’il serait nuisible au pays de la mettre dans la dépendance du gouvernement, parce qu’alors, comme l’a dit l’honorable M. Meeus, il devrait suivre les fluctuations du papier.

Mais quand il avance que la banque d’émission ne doit pas être subordonnée à la loi, il commet une grave erreur. Il a cité à l’appui de son opinion les banques de France et d’Angleterre. Je dirai que la banque de France n’est pas une banque d’émission. La banque d’Angleterre en est une. Mais elle est autorisée par le gouvernement ainsi que toutes les autres banques de cette nature. C’est une loi qui règle l’émission de leurs billets. Elle est nécessaire ; car si elle n’existait pas, l’intérêt public serait compromis, et si chacun était libre d’émettre du papier, toute la confiance que l’on peut avoir dans un pays serait détruite.

C’est à tort que l’honorable M. Meeus a cité à l’appui de son opinion un article de la constitution qui accorde le droit d’association morale, commerciale, religieuse, etc.

Mais s’il s’agit d’un objet aussi grave que l’émission d’un papier-monnaie, certes, là l’on doit intervenir. La loi n’a jamais eu en vue, ni par son esprit, ni par sa lettre, de considérer les associations sous ce rapport.

Pourquoi la loi ordonne-t-elle le poinçonnage des matières d’or et d’argent ?’ c’est pour que le public ne soit pas trompé par ceux qui se livrent au commerce de ces métaux. Pourquoi dans tous les pays le gouvernement s’est-il réservé le droit de battre monnaie ? c’est pour que le crédit public ne se trouve pas compromis. L’émission d’un papier-monnaie pourrait entraîner des conséquences fâcheuses, et comme on l’a vu en Angleterre, non seulement compromettre, mais perdre complètement les intérêts particuliers.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’honorable député de Bruxelles a commencé par avancer que j’avais dénaturé dans mon discours d’hier la destination des bons du trésor, lorsque j’ai dit que ces bons avaient été créés pour combler le déficit des exercices antérieurs. Il est cependant très vrai que les bons du trésor ont été affectés primitivement à cette destination. Je regrette qu’à cet égard la mémoire de l’honorable préopinant lui ait fait défaut. Recourez à l’exposé des motifs dont la loi sur l’émission des bons du trésor était accompagnée, vous verrez que le trésor était en déficit de trente-un millions de francs, pour le remboursement desquels le gouvernement demandait trente millions de bons. L’assemblée a jugé à propos de n’en accorder que la moitié, pensant avec raison que les réductions des dépenses permettraient plus tard de combler le surplus.

Maintenant, loin qu’un déficit réel existe, les bons du trésor ne représentent plus que la prise en charge du crédit que nous accordons aux négociants. Ils sont le signe représentatif de créances réellement dues.

Le même orateur s’est élevé contre la partie de mon discours où je disais que la banque s’établissait à l’égal du pouvoir exécutif. Si j’ai tenu ce langage, c’est qu’il était dans mon devoir de le faire.

Le gouvernement a une action sur toutes les sociétés anonymes. C’est l’article 37 du code de commerce, article applicable en vertu de la constitution, qui donne ce pouvoir au gouvernement.

Cet article 37 est ainsi conçu :

« La société anonyme ne peut exister qu’avec l’autorisation du Roi et avec son approbation pour l’acte qui la constitue ; cette approbation doit être donnée dans la forme prescrite pour les règlements d’administration publique. »

Ainsi, vous voyez que la banque se trouve au-dessous du pouvoir exécutif, puisqu’il dépend de celui-ci de l’empêcher d’exister.

Ce n’est donc pas sans raison que l’on peut dire que la société générale a besoin du gouvernement pour prospérer. Si, demain, par exemple, il refusait d’accepter le papier de la banque dans les caisses de l’Etat, il serait discrédité. Je me hâte de dire que ce n’est pas l’intention du gouvernement. Il a pleine confiance dans la banque, parce qu’il trouve des garanties suffisantes dans cette institution.

Les paroles de l’honorable député de Bruxelles tendent à jeter de l’incertitude sur notre crédit public. Je regrette qu’il ait tenu un pareil langage. Ce n’est pas cependant la première fois que nous lui avons entendu employer de semblables arguments. Soyez persuadés, messieurs, que nos finances sont dans un état satisfaisant. Il y a deux ans, il existait un déficit de trente-un millions ; maintenant ce déficit est comblé à quelques millions près, et le trésor se trouve, dans tous les cas, nanti de ressources nécessaires pour y faire face.

L’honorable M. de Foere est revenu sur son projet de billets, dont il demande l’émission par le gouvernement à l’instar de la banque. Je déclare de nouveau à la chambre que tant que je serai ministre je ne prêterai point les mains à la création d’un papier-monnaie dont on pourrait demander le remboursement au moment où le trésor n’aurait pas les moyens d’y faire face.

Je répondrai également quelques mots à l’honorable M. Jullien, qui a commencé par vous dire que l’on n’avait pas parlé franchement à l’égard de la subvention éventuelle demandée à la chambre. Il s’est égayé sur ce mot de subvention éventuelle. Il a demandé à quoi servait de la nommer éventuelle, si on ne pouvait en opérer le remboursement.

S’il avait lu le projet d’article que j’ai présenté à la chambre, il aurait vu que le crédit que je demande est une subvention éventuelle de guerre. Si la guerre a lieu, il ne peut être question d’opérer ce remboursement. Dans le cas contraire, cette subvention deviendrait sans objet, et un projet de loi serait présenté à la chambre pour en arrêter la perception. Il resterait alors à décider ce qu’il y aurait à faire des sommes déjà reçues, et si elles ne serviraient pas à opérer une diminution dans les contributions en 1836.

Le même membre voulant répondre au défi que j’avais porté de prouver les accusations de manque d’économie et de probité dans l’administration des finances par un honorable député de Luxembourg, le même membre, dis-je, a demandé comment il se faisait que la fraude s’exerçât si activement le long de nos frontières et comment l’assurance sur les soieries était fixée à un taux de 4 à 5 p. c. pour les marchandises fraudées.

Vous savez, messieurs, que les soieries sont d’un poids assez peu considérable pour qu’elles puissent être transportées facilement. Du reste, le gouvernement vous demandera un crédit à l’effet de renforcer le système des douanes. J’espère que dès lors la fraude cessera, du moins en grande partie. Il ne faut pas attribuer à la corruption des employés l’activité de la fraude. C’est l’élévation des droits et le petit nombre d’employés qui l’encouragent. Le gouvernement s’occupe de cette importante question.

Pourquoi vous récriez-vous contre un changement de système d’impôts, me dit l’honorable M. Jullien ; tout ce qu’on vous demande, c’est d’améliorer les lois de perception. Mais n’est-ce pas ce que j’ai énoncé moi-même en reconnaissant que certaines dispositions de notre législation financière réclamaient des modifications et n’ai-je pas dit que ces modifications seraient l’objet constant de mes efforts ?

M. Meeus. - Vous venez d’entendre sortir de la bouche de M. le ministre des finances des paroles que j’appellerai violentes, des paroles qu’un ministre ne devrait jamais prononcer. Il vient de dire que j’avais cherché à diminuer le crédit public, et qu’en d’autres occasions l’on m’avait vu tendre vers ce but. Voilà au moins le sens des paroles de M. le ministre des finances. C’est, messieurs, une accusation d’autant moins méritée que toujours j’ai cherché par les discours que j’ai prononcés dans cette enceinte à relever le crédit national. Je viens de dire : Prenez surtout garde de ne pas augmenter votre dette flottante au point de vous en trouver un jour surchargés.

Eh quoi ! vous m’accusez de vouloir porter atteinte au crédit public, lorsque je vous engage à l’instant de prendre des mesures, en temps utile, pour faire face aux remboursements que pourrait nécessiter une forte émission de bons du trésor, émission qui serait le résultat de la promptitude des travaux du chemin en ter !

Il faut donc en vérité, messieurs, prendre plaisir à dénaturer les paroles d’un représentant pour se permettre une assertion pareille à celle que M. le ministre des finances vient de hasarder ; ou bien serait-ce à dire que celui qui donne des conseils dans l’intérêt du crédit public nuit ici par là à ce même crédit ?

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je déclare que je n’ai pas voulu inculper les intentions de l’honorable M. Meeus. J’ai seulement dit que deux fois déjà quelques-unes de ses paroles étaient de nature à être interprétées défavorablement pour le crédit public. C’est du moins l’effet qu’elles ont produit sur moi. La chambre appréciera jusqu’à quel point mon opinion a cet égard est fondée.

- La clôture est mise aux voix et adoptée

La discussion générale sur le budget des voies et moyens est fermée.

La séance est levée à 4 heures et demie.