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d’intention
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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du vendredi 1er août 1834
Sommaire
1) Pièces adressées à la
chambre
2) Débat incident sur les rumeurs
relatives à la démission du gouvernement (Dumortier, F. de Mérode, Dumortier, Desmanet de Biesme, F. de Mérode,
Dubus)
3) Projets de loi portant des crédits
supplémentaires au budget du département de la guerre. Discussion générale.
(A : nécessité
d’augmenter les crédits par suite de la situation diplomatique (manœuvres de
l’armée hollandaise, incident Hanno et/ou événements
des 5 et 6 avril 1834) ; B :
logements militaires ; C : question politique (position
particulière du ministre de la guerre dans le gouvernement ; D : créances
arriérées de l’exercice 1830 ; E : marchés militaires (marchés Hambrouck et Lauwers) ; F : frais de table et de
représentation des officiers, G : position et avancement des officiers de
l’armée) (A et D (Evain), C et B (Desmanet de Biesme),
A, E, ordre de Léopold et garde civique (Desmet), E (Evain), A, B, F, G, ration de fourrage pour la cavalerie, D,
A (Jullien), A, G (d’Huart),
réplique générale, école militaire, G (Evain), F, école militaire, ophtalmie militaire (A. Rodenbach)
4) Projets de loi relatifs à l’institution
du jury d’assises et au code pénal
5) Communication relative à la démission
du gouvernement ((Lebeau), (personnel des cours et
tribunaux (de Brouckere, Lebeau,
de Brouckere)) et situation diplomatique générale (Dumortier, Rogier, F. de Mérode)
6) Projet de loi relatif au personnel des
douanes (Coghen, A. Rodenbach,
Duvivier)
7) Projets de loi relatifs à l’institution
du jury d’assises et au code pénal (Jullien, Lebeau, Jullien)
8) Projets de loi portant des crédits
supplémentaires au budget du département de la guerre. Discussion générale.
(A : nécessité d’augmenter les crédits par suite de la situation
diplomatique ; B : officiers
étrangers ; C : négligence dans la tenue de la comptabilité militaire
et cour des comptes ; D : créances arriérées de l’exercice 1830 ;
E : marchés militaires (casernes, remonte des chevaux et/ou masse de
pain) ; F : frais de table et de représentation des officiers,
G : position et avancement des officiers de l’armée ; H : école
militaire ; I : ophtalmie militaire ; J : hôpitaux
militaires ; K : refus d’accorder le congé des volontaires) (F, H, I
(Evain), G, B, C, E, J) (d’Huart),
C, J, E, B) (Evain), E, B (F. de
Mérode), K (de Brouckere, Evain,
de Brouckere, Evain), C, I,
A, B, K, G , garde civique (Dumortier))
(Moniteur
belge n°214, du 2 août 1834)
(Présidence de M.
Raikem)
M. de Renesse
fait l’appel nominal à midi et demi.
M. H.
Dellafaille donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; la
rédaction en est adoptée.
M.
de Renesse fait connaître l’objet des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Gilbert renouvelle les
observations qu’il a présentées sur les céréales au congrès. »
________________
« La veuve du baron de Felner
demande une pension égale à celle de la veuve Engelspach-Larivière. »
________________
- Renvoyées à la commission des pétitions.
________________
Un congé de 8 jours est accordé à M. de Muelenaere.
________________
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) envoie à la chambre un exemplaire
des Documents politiques et diplomatiques
sur la révolution belge de 1790.
M. le président.
- Vous avez deux objets à l’ordre du jour ; voulez-vous commencer par la
discussion sur les crédits demandés par le ministre de la guerre ?
M. Dumortier. - Je demande la parole pour une
motion d’ordre. Messieurs, un journal qui passe depuis longtemps pour être le
confident de la pensée du ministère, nous a appris ce matin que deux des chefs
du cabinet auraient donné leur démission ; il est vrai que le Moniteur dans sa partie officielle n’en
a rien dit. Toutefois, il faut savoir, avant de voter une loi qui doit grever
l’avenir du pays, quelles personnes sont au affaires,
si elles méritent notre confiance ; je crois donc qu’il faut suspendre toute
délibération jusqu’à ce que nous sachions quels hommes font partie de
l’administration. Il est vrai que pour les lois relatives à la guerre nous
avons encore le ministre de ce département et que nous pouvons les discuter ;
mais, pour ce qui est des affaires générales, nous ne pouvons prendre de
délibération sur les lois qui les concernent. Vous avez vu en Angleterre la
chambre des lords et la chambre des communes suspendre leurs séances jusqu’à ce
que le cabinet anglais fût formé. M. le ministre des affaires étrangères est
présent, et je le prierai de nous donner des explications sur les démissions de
ses collègues.
M. le ministre des affaires étrangères (M. F. de Mérode) - Je ne peux répondre à la question qui m’est adressée ; je n’ai pas été
informé officiellement des démissions dont on parle. Il est vrai qu’un journal
en fait mention, et que, dans une conversation particulière avec l’un des
ministres dont il s’agit, on m’en a entretenu, mais je n’ai aucune autre donnée
et je ne puis m’expliquer. On prétend que nous ne pouvons nous occuper de lois
générales ; si par là on désigne la loi communale, je ne pense pas qu’elle ait
rien de commun avec un changement de ministres ; c’est une loi qui n’est pas
créée dans l’intérêt de MM. Lebeau et Rogier, elle est créée dans l’intérêt du
pays et pour un avenir qui n’a aucune relation avec l’existence ministérielle
si fugitive.
Quant aux crédits demandés par le département
de la guerre, que les ministres soient en place ou que d’autres leur succèdent,
il faut toujours que les dépenses nécessaires à la défense du pays soient
votées.
M. Dumortier.
- Vous venez d’entendre le ministre des affaires étrangères ; il ne peut donner
des explications sur le changement probable des ministres ; la chambre ne peut
rester dans cet état ; il faut qu’elle sache si nous avons un cabinet. On ne
peut voter une loi de la compétence du ministère de l’intérieur, sans que ce
ministre la soutienne. C’est une chose extraordinaire de voir que le ministre
des affaires étrangères ne sache pas si ses collègues ont donne leur démission,
si cette démission a été acceptée.
Quoi qu’il
en soit, nous avons un moyen de sortir de cette incertitude. La constitution
nous donne le droit de requérir la présence des ministres ; je demande donc que
la chambre requière la présence des ministres de la justice et de
l’intérieur pour savoir s’ils peuvent adhérer aux propositions de la section
centrale.
Plusieurs membres.- On peut voter sur les crédits
demandés par la guerre : le premier objet à l’ordre du jour est le crédit
pour le département de la guerre.
M. Desmanet de Biesme. - L’ordre du
jour porte : discussion sur les crédits demandés par le ministre de la guerre ;
ce ministre est présent. La discussion du projet de loi prendra au moins un
jour. M. Dumortier voudrait que les ministres s’expliquassent sur la situation
actuelle du cabinet, mais je ne sais pas si la chambre doit s’occuper des dires
d’un journal ; on ne doit s’occuper ici de la démission des ministres que quand
nous l’apprendrons officiellement ou par eux-mêmes.
M.
le ministre des affaires étrangères (M. F. de Mérode) - Je n’ai aucune connaissance officielle des démissions dont on parle.
M. Dubus. -
J’appuie ce que vient de dire l’honorable membre. Ce qui a induit en erreur mon
honorable ami c’est qu’on a mis à l’ordre du jour la loi communale et les
crédits pour la guerre ; mais hier on n’était pas en nombre pour prononcer sur
l’ordre du jour, tandis qu’antérieurement la chambre a fixé pour aujourd’hui
les crédits relatifs à la guerre.
M. Dumortier.
- Je ne m’oppose pas à la discussion des crédits pour la guerre.
Discussion générale
M. le
ministre de la guerre (M. Evain) monte à la tribune et s’exprime en ces termes.
- Messieurs le rapport de votre commission vous a fait connaître le résultat de
toutes les investigations auxquelles elle a cru devoir se livrer, pour
apprécier les motifs de la demande des crédits supplémentaires que j’avais
présentée à votre séance du 6 juin dernier, et c’est avec pleine satisfaction
que j’ai vu, dans son rapport, que tous les calculs que j’avais établis pour
motiver les diverses fixations des crédits, qui dérivent de l’augmentation de
l’effectif de l’armée, avaient été reconnus par elle de la rigoureuse
exactitude.
M’en rapportant à ses lumières et à celles de
son honorable rapporteur, je ne pouvais m’attendre à un autre résultat, par la
manière dont j’administre les deniers de l’Etat, et les contrôles que j’ai
établis pour en justifier l’emploi.
Mais je vous avoue, messieurs, que je ne
conçois pas sur quel fondement a pu s’établir l’opinion qu’il existait une
erreur de 5,000,000 de francs dans la fixation du budget de 1834, et que
c’était pour couvrir ce déficit que j’avais habilement profité des événements
du mois de février et de mars, pour demander les fonds dont je manquais, pour
assurer le paiement des dépenses de cet exercice.
Ceux qui connaissent ma franchise et ma loyauté
en affaires de tout genre, savent bien que je n’aurais jamais eu recours à un
pareil moyen, et doivent être assurés que si j’avais pu commettre une pareille
erreur, je serais venu la déclarer franchement en exposant consciencieusement
quels en étaient les motifs.
Mais il n’en a jamais été ainsi, et si les
événements politiques n’avaient pas nécessité l’augmentation de l’effectif de
notre armée, j’avais établi mes calculs et mes prévisions de manière à
présenter un restant disponible à la fin de l’exercice, par suite des nouvelles
économies que je me proposais d’apporter dans les dépenses, et des réductions
obtenues dans les prix de divers marchés.
Ainsi, messieurs, je suis fondé à vous déclarer
:
1° Que la somme de 37,459,000
fr., montant du budget ordinaire de 1834, était suffisante pour couvrir toutes
les dépenses prévues au budget avec un effectif de 42,000 sous-officiers et
soldats de toutes armes.
2° Que celle de 822,000 fr. était également
suffisante pour couvrir toutes les dépenses des gardes civiques, partisans,
ambulances, etc., pendant les quatre premiers mois de l’année, pour lesquelles
elle avait été demandée.
Loin d’avoir la moindre inquiétude à ce sujet,
j’ai acquis la certitude, par le résultat de la liquidation des trois premiers mois,
qu’il y avait diminution réelle dans les dépenses effectuées ; et qu’en
continuant sur le même pied, il devait nécessairement rester des fonds
disponibles à la fin de l’exercice.
Maintenant, messieurs, j’aborde le reproche qui
est fait au gouvernement de n’avoir eu, dans la première quinzaine du mois de
mars, que 17,000 hommes disponibles à opposer à une attaque éventuelle qui
serait venue du Brabant septentrional.
L’exposé des faits justifiera, je l’espère, la
conduite du gouvernement.
Lorsqu’il s’est agi, au mois d’octobre 1833, de
dresser le budget de 1834, l’opinion du pays et des chambres mêmes était
qu’avec la convention du 21 mai, il suffisait d’entretenir 25,000 hommes sous
les armes, et qu’il fallait réduire le budget de la guerre à 30,000,000 au plus.
C’est d’après les motifs que je fis valoir au
conseil des ministres, qui les adopta, qu’il fut décidé que le budget de la
guerre serait fixé à 40,000,000 fr., et qu’avec cette somme on entretiendrait
45,000 hommes sous les armes.
C’est d’après ces données que j’établis les
détails du budget pour 45,000 hommes, y compris les officiers, que j’eus
l’honneur de soumettre à la chambre.
La commission proposa diverses réductions, et
la chambre, en les ordonnant, fixa le montant du budget à 37,459,000
fr., en ordonnant quelques diminutions dans l’effectif présent sous les armes
que j’avais demandé.
C’est donc d’après la somme accordée par les
chambres que le gouvernement a dû régler l’effectif présent à conserver sous
les armes, et vous avez vu, par le rapport de votre commission, qu’il était, à
peu de différence près, égal en réalité à celui fixé par le budget.
Vous devez sentir, messieurs, qu’il est
impossible, dans le maintien de cet effectif, d’exiger une rigueur
mathématique, vu les variations nombreuses auxquelles il est soumis.
Ces 42,000 hommes étaient, au mois de mars,
répartis dans les garnisons à l’exception de ceux qui avaient été envoyés dans
le Luxembourg ou échelonnés pour s’y rendre.
On compte généralement 1/6ème de l’effectif
d’une armée, qui n’entre pas en ligne ; ainsi 35,000 hommes étaient disponibles
:
6,000 étaient dans le Luxembourg ;
11,000 étaient à Anvers, sur les rives de
l’Escaut et dans les Flandres ;
18,000 seulement étaient disponibles pour
soutenir le choc d’une première attaque.
Mais cet état de choses résultait de l’effectif
des troupes fixé par le budget ; de l’événement survenu dans le Luxembourg, qui
avaient obligé à y envoyer un détachement ; et de la nécessité d’avoir toujours
une force imposante à Anvers et dans les Flandres.
Dès le 8 mars, il fut fait un appel aux
permissionnaires ; il en fut fait un second le 15 du même mois, et dès la même
époque, les corps reçurent des renforts successifs qui portèrent l’effectif de
l’armée à 50,000 hommes au 1er avril, 65,000 hommes au 15 du même mois,
ainsi que votre commission s’en est convaincue par la vérification attentive
des états de situation des corps et par le contrôle des situations de
l’état-major général.
Ainsi, messieurs, le gouvernement prit sur lui
l’initiative des mesures tendantes à augmenter l’effectif de l’armée, au-delà
des fixations du budget. Il s’empressa de vous en rendre compte, en vous
demandant les fonds nécessaires, pour soutenir cette augmentation jusqu’au 15
juin.
Il ne peut donc être justement accusé de
négligence, puisqu’il entretient sous les armes le nombre d’hommes fixé par le
budget, et qu’à la première apparence d’événements qui pouvaient amener quelque
collision, il prit sous sa responsabilité de renforcer l’armée de 26,000
hommes.
Avec un effectif de 68,000 hommes, et en
laissant à Anvers et dans les Flandres les troupes qui y sont nécessaires,
l’armée d’observation telle qu’elle fut organisée au 1er avril, présentait
45,000 hommes disponibles et prêts à se porter sur le point qui aurait été menacé.
Il est fort difficile d’allier les principes
d’économie avec ceux d’une armée puissante toujours prête à agir. C’est un
problème qui n’offre guère de solution possible qu’avec une organisation
d’armée autre que celle que nous avons, et à laquelle il n’a pas été jugé
prudent de toucher dans les circonstances actuelles.
Le gouvernement s’est cependant occupé des
bases de ce projet, qui se lie avec celui de la garde civique qui vous a été
présenté.
Vous avez sans doute remarqué que, dans les
premiers jours du mois de juin, le gouvernement, tant pour diminuer les
dépenses de l’Etat, que pour venir au secours de l’agriculture, a fait délivrer
8 à 9,000 congés, et a réduit l’effectif présent à 61,400 hommes.
Tel est l’effectif dont il demande le maintien,
non pas jusqu’à la fin de l’année, comme on l’annonce dans le rapport, mais
seulement jusqu’au 15 octobre, époque où les camps doivent être levés et les
troupes rentrer dans leurs garnisons, à moins que les événements politiques ne
nous obligent encore à prendre d’autres mesures contre toute éventualité.
La légalité de presque tous les suppléments de
crédits demandés ayant été reconnue par la commission, comme dérivant de
l’augmentation de l’effectif de l’armée, dont elle demande elle-même le
maintien, et leur montant ayant été également reconnu exact, il serait
superflu, messieurs, d’entrer dans de nouveaux détails à ce sujet. Je me
bornerai donc à discuter les quatre articles sur lesquels la commission demande
une réduction.
(Note du
webmaster : le ministre de la guerre se lance alors dans une explication
chiffrée et détaillée des demandes de crédits et des motifs des réductions. Ces
détails ne sont pas repris dans la présente version numérisée. Les articles
concernés sont : l’entretien de la garde civique mobilisée (crédit demandé :
536,375 fr. et crédit accordé par la section centrale : 36,375 fr.), les
indemnités accordées aux officiers pour leur tenir lieu des vivres de campagne
en nature, le crédit inscrit à l’article premier du chapitre II, les dépenses imprévues.
Il poursuit son exposé comme suit :)
Dans un premier travail de révision, que
j’avais soumis le 12 juin à la commission, j’avais déjà opéré sur ma demande
primitive de 7,200,000 fr. une réduction de 180,000
fr.
En y ajoutant celles que je consens :
1° pour les gardes civiques, 200,000 fr.
2° sur l’indemnité représentative, 55,000 fr.
3° sur l’article premier du chapitre II, 6,300
fr.
4° sur les dépenses imprévues, 48,000 fr.,
Le total est de 490,212 fr., qui ne diffère de
celui de la commission que des 100,000 fr. qu’elle propose de retrancher en
plus de l’article des gardes civiques, et que je demande pour conserver les
dépôts tels qu’ils sont organisés, jusqu’à la fin de l’année.
Autant je mets d’insistance, messieurs, à
obtenir les fonds que je juge nécessaire pour assurer le service, autant je
suis porté à indiquer les réductions encore possibles ; et dans l’un et l’autre
cas, j’y apporte la plus grande franchise, bien convaincu que c’est le meilleur
moyen de conserver la confiance dont vous m’avez constamment honoré.
Ainsi je me fais un devoir de vous signaler de
nouvelles réductions, que ma constante sollicitude pour les intérêts de l’Etat
m’a fait reconnaître comme possibles, depuis que j’ai présenté les projets de
loi le 6 juin dernier.
Je me suis aperçu qu’en portant une somme de
100,000 fr. pour la dépense de l’établissement et de l’entretien des camps, je
n’avais pas porté en déduction la somme de 73,000 fr. que j’annonçais être le
montant de la retenue de la masse de casernement des hommes campés.
Cette somme doit donc être déduite de l’article
8 du chapitre II (infanterie), et j’en propose la réduction sur cet article.
En second lieu, le résultat des revues du
premier trimestre vient de me donner l’assurance que l’incomplet en hommes et
en chevaux, pendant ce trimestre, les congés accordés sans solde et à
demi-solde, les diminutions obtenues sur les prix des marchés ont produit une
économie notable sur les fixations du budget et ont ainsi réalisé l’espoir que
j’avais de laisser des fonds disponibles à la fin de l’exercice.
Comme il est de bonne administration de ne
demander que les fonds réellement nécessaires, et comme je connais aujourd’hui
le chiffre exact des dépenses réelles du premier trimestre, qui sont au-dessous
des fixations du budget ; mu par les motifs que je viens d’exposer, je propose
de réduire les sommes que j’ai demandées, pour les trois derniers trimestres,
du montant des économies obtenues sur le premier, et qui consistent, savoir :
100,000 fr. sur l’article 6 du chapitre II,
« Troupes d’artillerie. »
200,000 fr. sur l’article 8 du chapitre II,
« Troupes d’infanterie. »
50,000 fr. sur l’article 9 du chapitre II,
« Troupes de cavalerie. »
Ensemble, 350,000 fr.
Le montant total des réductions sera donc :
1° Celle que j’avais indiquée dans le premier
travail remis à la commission : 180,000 fr.
2° Celles que j’ai consenties sur la
proposition de la commission : 310,000 fr.
3° Celle que je propose sur la dépense des
camps : 73,000 fr.
4° Enfin celle que ‘indique comme résultat des
économies faites sur le premier trimestre : 350,000 fr.
Ensemble : 913,000 fr.
La demande primitive se 7,200,000
fr. se trouve donc réduite à 6,287,000 fr. dont :
2,800,000 fr. déjà
accordés sur les fonds disponibles de l’exercice 1833 ;
2,835,000 fr. à
transférer des exercices 1832 et 1833, sur les fonds que j’y ai laissés
disponibles ;
652,000 fr., montant du crédit supplémentaire à
ouvrir, au lieu des 1,565,000 fr., primitivement
demandés.
Ensemble : 6,287,000
fr.
C’est en conséquence de ces nouvelles
propositions qu’en me ralliant entièrement aux quatre projets qui vous sont
présentés par la commission, je propose les amendements suivants aux articles 1
et 2 du troisième projet :
« Art. 1er. Il est ouvert au département
de la guerre un crédit supplémentaire de 652,000 francs, applicable aux
dépenses de l’exercice 1834. »
« Art. 2. Ce crédit, joint au transfert de
2,800,000 fr. de l’exercice 1833 à l’exercice 1834, autorisé par la loi du 15
mars dernier, et aux nouveaux transferts autorisés par la loi du 15 mars
dernier, et aux nouveaux transferts par les lois du… de 835,000 fr., restant
disponibles sur l’exercice 1833 et de 2,000,000 fr., restant disponibles sur
l’exercice 1832, formant une somme totale de 6,287,000 fr., sera réparti entre
les divers articles du budget du département de la guerre pour l’exercice 1834,
savoir :
« 47,700 fr. à l’article 1er du chapitre
II ;
« 308,622 fr. à l’article 6 du chapitre II
;
« 2,957,892 fr. à
l’article 8 du chapitre II ;
« 1,195,600 fr. à
l’article 9 du chapitre II ;
« 14,000 fr. à l’article 1er du chapitre
III ;
« 30,000 fr. à l’article 2 du chapitre III
;
« 30,000 fr. au chapitre IV ;
« 214,000 fr. à l’article premier du
chapitre X ;
« 268,000 à l’article 2 du chapitre X ;
« 422,560 fr. à l’article 3 du chapitre X
;
« 768,600 fr. à l’article 4 du chapitre X
;
« 36,026 fr. à l’article 5 du chapitre X.
« Total : 6,287,000
fr. »
Si, d’un côté, je peux ainsi réduite ma demande
primitive de crédit supplémentaire de 1,565,000 francs à 652,000 francs, en y
opérant une réduction de 913,000 francs, il me reste à vous rendre compte d’une
demande supplémentaire, dont vous a entretenus le rapporteur de votre
commission, et qui concerne des créances arriérées de l’exercice 1830, pour les
services du génie et de l’artillerie.
J’ai remis à la commission un rapport sur ces
créances, et j’ai en conséquence l’honneur de vous proposer de renvoyer à son
examen l’amendement ci-après comme article additionnel à la troisième loi :
« Art. 3. Il est ouvert au même département
un autre crédit supplémentaire de la somme de 462,000 francs, applicable au
paiement des créances arriérées des services de l’artillerie et du génie sur
l’exercice 1830, et qui sera ajouté au chapitre XI du budget de 1832. »
Je me réserve, messieurs, de donner dans le
cours de la discussion toutes les explications que vous pourrez désirer sur les
observations présentées par la commission à la fin de son rapport.
Je n’ignore pas que mon administration a été
injustement attaquée ; je connais les motifs secrets qui ont dirigé ces
attaques, et je n’en suis nullement surpris.
Je
répondrai à toutes en ce qu’elles me concernent personnellement, ainsi que les
collaborateurs à qui j’ai accordé ma confiance et qui ne l’ont certainement pas
trahie.
La presse m’a aussi vivement attaqué depuis
quelques temps, et je n’ai pas répondu à ses attaques, par la raison que fort
de ma conscience et de la pureté de mes intentions, ayant pour unique mobile de
mes actions, le désir de faire le bien et de veiller aux intérêts de l’Etat,
j’ai remis à m’en expliquer devant vous comme les seuls juges à qui je dois
rendre compte de ma conduite et des actes de mon administration.
M. Desmanet
de Biesme. - Messieurs, mon but, en demandant la parole, est de
présenter quelques observations générales sur le ministère de la guerre.
Si l’on m’objecte que ces observations sont
déplacées quand il s’agit d’un crédit spécial, je répondrai que dans mon
opinion chaque fois que l’on demande un crédit, il est permis d’établir une
discussion générale sur le budget du ministère qui demande le crédit ;
d’ailleurs le ministre peut toujours faire son profit pour le budget prochain
des réflexions que je présenterai.
Je commencerai par déclarer comme membre de la
commission que je considère l’armée comme dans un état satisfaisant ; qu’elle
est belle ; qu’elle est animée d’un bon esprit ; et je suis convaincu que si
l’occasion s’en présentait, elle ne manquerait pas de donner des preuves de son
dévouement : je m’empresserai d’en témoigner ma reconnaissance au chef auquel
nous devons cette bonne administration et cette bonne organisation de notre
armée. Cependant il serait difficile que dans une administration aussi étendue
il n’y eût pas quelques abus ; et c’est au législateur à en demander le
redressement. Je vais donc parcourir quelques points qui me semblent présenter
des irrégularités.
Je parlerai d’abord de la position du ministre
de la guerre dans l’administration générale de l’Etat.
Ce ministre ne fait pas partie du conseil ; il
est important que tous les ministres aient leur part de responsabilité et que
les résolutions qui intéressent le pays soient prises au conseil des ministres.
Je crois cette observation d’autant plus utile dans ce moment, que si les bruits
qui se répandent relativement à un remaniement de cabinet sont fondés, elle
pourrait être mise en pratique dans les nouveaux arrangements ministériels qui
doivent avoir lieu.
Vous savez à combien est sujette la position
actuelle du ministre de la guerre. Il s’ensuit que les ministres ne marchent
pas ensemble ; que chaque administration agit séparément. Il me semble que dans
un gouvernement constitutionnel tous les ministres doivent être responsables de
tous les actes ministériels, même de ceux qui ne sont pas spécialement de leur
département.
Nous avons cru un temps que la marche séparée
du ministre de la guerre était commandée par les circonstances ; ce temps est
passé.
Voici ce qui avait donné lieu à un tel état de
choses. Il est inutile de vous parler des ministres qui se sont succédé avant
la campagne de 1831 ; vous savez combien l’armée était mal organisée malgré les
sacrifices consentis par le congrès. Des résultats funestes en ont été la
suite. Un homme auquel
Le général baron Evain lui succéda. On voulait
avoir un homme pour organiser l’armée, et qui ne fut pas sujet aux variations
des opinions politiques.
Le général Evain, quoique naturalisé, pouvait,
par une délicatesse dont on comprend les motifs, ne pas se mêler à la
discussion des opinions : mais maintenant l’armée est organisée et il est
important que nous ayons un ministre de la guerre qui fasse partie du cabinet.
Les souvenirs des malheureuses journées d’avril sont trop poignantes
pour que j’ai besoin de m’étendre sur la nécessité d’avoir un ministre de la
guerre ayant de l’influence dans le conseil.
Cependant
je me permettrai quelques considérations. Lors des pillages d’avril, le
gouvernement fut livré à de graves inculpations de la part des divers partis.
Les uns allaient jusqu’à croire que le gouvernement n’était pas étranger à ces
scènes de désolation. C’était là un langage passionné, qui n’a pas eu beaucoup
de crédit dans le public. D’autres croyaient que si le ministère y était
étranger, au moins il les avait tolérées. Quant à moi, je n’ai jamais partagé
cette opinion ; j’ai toujours cru qu’il n’avait pas fait tout ce qu’il était
possible de faire, mais j’ai attribué cela au défaut d’organisation. En effet,
si quand ces scènes se sont passées, le ministre de la guerre avait eu la
prépondérance qu’il doit avoir, on aurait pu prendre des mesures énergiques. Le
ministre de la guerre, voyant l’émeute déclarée, aurait pris la haute main sur
l’émeute et aurait su la réprimer. On aurait ainsi évité à nos troupes un rôle
si pas tout à fait passif, au moins fort désagréable. Si on avait agi dès le
commencement, on aurait pu faire cesser le désordre sans effusion de sang, et
on n’aurait pas à déplorer des suites fâcheuses, on ne verrait pas traîner de
prison en prison des malheureux qui, jusque-là, avaient eu une vie
irréprochable, et qui ont pu croire que cela était toléré, et dont la position
est aujourd’hui vraiment à plaindre.
Il est un autre point sur lequel je dois
appeler l’attention de la chambre. Il me semble que le ministre de la guerre
doit faire partie du cabinet. Il serait absurde que le ministre de la justice,
le ministre de l’intérieur et le ministre des affaires étrangères intervinssent
pour la nomination à des grades inférieurs ; mais il est des places qui
concernent tous les ministres : les commandants provinciaux, les commandants de
place, les officiers de gendarmerie, toutes ces places ont un caractère plus ou
moins politique, il est de l’intérêt de tous les ministres de pouvoir avoir une
confiance entière dans ceux qui sont appelés à les remplir.
Je dirai peu de chose sur les cantonnements.
Mon collègue et ami M. Brabant traitera ce point en ce qui concerne la ville de
Namur. Je me permettrai cependant une observation, II devient urgent de
demander un crédit pour construire de nouvelles casernes, si les casernes
existantes sont insuffisantes. D’après des conversations que j’ai eues avec des
officiers supérieurs, l’état de choses actuel devrait se prolonger même pendant
la paix ; parce que d’après le nouveau mode adopté de placer les chevaux dans
les écuries sur un seul rang, les casernes sont insuffisantes en Belgique. Je
ne sais pas jusqu’à quel point cette prétention doit être admise mais la charge
des cantonnements ne peut pas se prolonger plus longtemps.
Messieurs, quant aux crédits demandés, je pense
que la chambre ne peut se dispenser de les accorder. Je ne pense pas que le
renvoi de la schuttery soit une bien grande garantie
des intentions pacifiques de
Je rappellerai une observation de la
commission, c’est qu’il est à désirer que les officiers qui sont aux
avant-postes ne soient pas aussi souvent à Bruxelles. M. le ministre de la
guerre devrait leur ordonner de rester à leurs postes, ne fût-ce que pour
éviter qu’on puisse faire des rapprochements fâcheux et dire de nos affaires ce
qu’on disait autrefois de certains évêques de France : « Quelques-uns de
nos évêques courtisans se rencontrent toujours dans les salons de Versailles et
jamais dans leurs diocèses. »
Je ne crains pas que des observations que j’ai
présentées, et de celles qui le seront par plusieurs de mes collègues, on
prétende inférer qua la chambre cherche à gouverner. Non, messieurs, telle
n’est pas l’intention de la chambre. Elle ne veut pas, elle ne peut pas
gouverner, mais elle veut contrôler les actes de ceux qui gouvernent. Quand
nous trouvons des abus, notre mandat nous fait un devoir de les signaler.
M. Desmet. -
Messieurs, quoique je sente l’extrême urgence de forcer notre gouvernement à
devenir économe et d’arrêter le plus tôt possible les progrès que nous faisons
tous les ans dans le déficit de nos budgets, ne considérant que la nécessité de
notre conservation, je voterai les crédits supplémentaires que le ministre demande
pour l’armée.
Le rapport clair et détaillé que nous a fait la
commission chargée de l’examen des demandes de ces crédits, nous démontre d’une
manière telle que nous ne pourrons aucunement en douter, que les crédits
supplémentaires ne doivent pas servir pour remplir des lacunes dans le budget
ordinaire de l’armée, mais sont destinés à couvrir la dépense extraordinaire
qu’exige l’augmentation de nos forces militaires.
Messieurs, je ne puis pas encore voir dans ce
moment des motifs pour oser engager le gouvernement à diminuer le chiffre de
cet effectif ; au contraire, si on nous demandait à l’augmenter, je n’oserais
même pas m’y opposer.
Car, au lieu de voir éclaircir l’horizon
politique, et d’apercevoir l’approche d’une paix sincère entre les potentats de
notre hémisphère, il me semble qu’il se rembrunit encore tous les jours, et que
cette paix et cette tranquillité tant désirées s’éloignent de plus en plus.
Ce n’est pas une nouvelle ruse si familière à
la tactique du finasseur, que nous avons chassé de notre pays qui pourra me
faire espérer que nous sommes à la veille de voir stater ses tentatives pour
nous envahir et nous remettre sous sa domination ; je pense au contraire que
c’est à présent que nous devons nous en méfier, et l’intervention qui peut-être
n’est pas éloignées d’une puissance amie chez un peuple qui tâche de secouer le
joug de l’absolutisme et où la sainte-alliance fomente la guerre civile pour le
tenir sous ce fléau, servira probablement de prétexte aux bandes incendiaires
de Guillaume de venir porter de nouveau la dévastation et l’assassinat sur nos
frontières. Et ici, messieurs, prenons attention à la remarque importante que
vous fait avec tant de justesse votre commission, qu’au moment où les justes
alarmes de la chambre ont pour ainsi dire donné l’éveil au gouvernement lors
des événements du Luxembourg, nous n’avions alors qu’environ 17,000 hommes à
opposer à l’invasion d’un ennemi dont les forces restent constamment
concentrées de manière à pouvoir, en 48 heures, porter 30 à 40,000 hommes sur
tel point de nos frontières qu’il verra le plus facile à envahir, et si nos
gouvernants sont si négligents à ne pas mieux garantir le pays, soyons de notre
côté plus prévoyants et prenons à temps des mesures pour qu’il ne soit plus
exposé à un tel danger.
Tout en accordant les crédits qu’on nous
demande, je dois cependant réveiller votre attention sur les abus que la
commission vous signale exister dans le département de la guerre… Elle vous
signale surtout la division qui concerne le personnel, et si nous pouvions
donner foi à tout ce qu’on dit dans le public, je crois qu’elle a bien raison
de recommander au ministre d’attacher tout particulièrement son attention sur
cette partie de son administration, et voir plus souvent par lui-même ce qui
s’y passe. Probablement qu’on verrait alors plus scrupuleusement respectées les
règles de la justice distributive et que le mérite comme le patriotisme
seraient mieux récompensés.
La ville, chef-lieu du district dont je suis
député, a, si je suis bien informé, été victime d’une intrigue qui lui a fait
perdre le dépôt d’un régiment ; et à cette occasion, si je suis encore bien
informé, non seulement il a eu des indiscrétions scandaleuses qui ont compromis
des autorités municipales, mais on a exercé des partialités qui, certes,
n’étaient pas en faveur de l’opinion patriotique.
Je demanderai aussi M. le ministre si nous
pouvons donner foi à ce qu’annoncent les feuilles publiques et particulièrement
un journal de Namur, qui se demande qui aurait cru que le scandale des marchés Hambrouck et Lauwers se serait représenté, et qui annonce
que l’entreprise des lits en fer pour les hôpitaux vient d’être donnée, sans
publicité ni concurrence, à la maison Hanquet et
compagnie, au prix élevé de 40 fr. 75 centimes, tandis, ajoute ce journal,
qu’il n’est’ personne un peu au courant de la valeur du fer qui ne s’étonnera
de voir donner un pareil prix et qui n’ait la conviction que si
l’administration de la guerre avait fait son devoir en appelant une libre
concurrence, il n’en fût résulté une grande économie pour le trésor.
Un autre objet dont on se plaint fortement
aussi dans le public et particulièrement dans ma province, c’est à l’égard de
la distribution des décorations de l’ordre Léopold aux gardes civiques ; on a
été fort étonné de voir l’empressement qu’on a mis à décorer des officiers de
cette armée qui, à l’invasion hollandaise en 1831, étaient restés assez en
arrière à faire leur devoir, tandis que bien d’autres qui ont fait preuve
d’héroïsme dans cette occasion et qui, en combattant journellement, ont garanti
notre territoire, ont été jusqu’à présent vilainement oubliés.
Et je ne crois pas sortir des formes
parlementaires en vous nommant quelques-uns de ceux qui se trouvent dans ce
nombre ; je m’empresserai de vous citer notre ancien collègue, le colonel de la
première légion des gardes civiques de Gand, celui de la légion du canton de Loochristi, cet officier porte-drapeau de ces mêmes gardes
civiques qui s’est distingué si exemplairement à l’époque de l’invasion
hollandaise, en 1831, ainsi que le major qui commandait le bataillon-des gardes
civiques de la ville d’Alost qui à la même époque sont accourus avec tous. ceux
du district d’Az à la défense du territoire vers les
frontières zélandaises et qui s’est montre si héroïquement aux environs de Calloo, à l’endroit dit
Messieurs, je devrais encore vous en
citer d’autres et en grand nombre de nos gardes civiques qui se sont distingués
dans la défense de la patrie et qui ont mérité la décoration, mais dans ce
moment ils ne me reviennent pas à la mémoire et je ne trouve pas nécessaire de
la torturer pour vous les nommer, car je ne doute pas qu’ils soient tous connus
au ministère, et quand on voudra rendre justice, on pourra facilement les
découvrir. J’ai dit.
M. le
ministre de la guerre (M. Evain) - Messieurs, je demande à répondre tout de
suite à ce que vient de dire l’honorable préopinant sur ce qu’on a répandu dans
le public relativement aux marchés des lits en fer qui, dit-on, surpassent en
scandale les marchés Hambrouck et Lauwers.
Je projette depuis longtemps de remplacer par
de lits en fer, les couchettes en bois qui existent dans nos hôpitaux, en
employant à l’achat de ces lits les fonds qui restent sans emploi dans
l’administration de ces établissements.
Je fis en conséquence établir un modèle de ces
lits, que je fis successivement améliorer, et j’en commandai 200 au fabricant
qui m’avait fourni les modèles.
Le prix du lit fut fixé à 38 fr. 75 c., auquel il fut ajoute
J’ai fait établir le devis exact de ces lits
par le major d’artillerie Frederickx, directeur de la
fonderie de Liége, et le prix de revient dans cet établissement est de 38 fr.
57 c.
Il entre dans la confection de ces lits 58 kil.
de fer forgé, dont la valeur est de 21 fr. 67 c.
Le prix de la main-d’œuvre est de 14 fr. 60 c.
Pour charbon et entretien d’outils, on compte 2
fr. 30 c.
Total, 38 fr. 57 c.
Ce prix, que je regarde comme exactement établi
ne diffère de celui demandé par le fabricant, que de 18 centimes.
Les 200 lits ont donc coûté 8,150 fr., et je
pose en fait que le fabricant n’a pas eu les 10 p. c. de bénéfice sur sa
fourniture. Je veux cependant bien l’admettre, et son bénéfice aura été de 815
fr.
Ayant eu des fonds disponibles dans deux autres
hôpitaux, j’ai commandé 200 autres lits au même fabricant et 200 à la fonderie
de Liége.
Voilà, messieurs, à quoi se bornent tous ces
grands achats de lits en fer, dont parlent, m’a-t-on dit, divers journaux du
pays qui dénoncent ce fait comme une véritable dilapidation des deniers de
l’Etat.
Je vous prie de l’apprécier et de juger si vous
devez accorder le moindre degré de confiance à toutes ces dénonciations
échafaudées sur quelques faits très simples en eux-mêmes, et sur lesquels on
veut attirer l’attention par l’exagération dont on les revêt pour donner plus
de poids aux accusations.
Ce que j’étais dans l’intention de faire
successivement pour les hôpitaux, je le projetais aussi pour nous-mêmes, en
faisant remplacer par des couchettes en fer celles en bois, les tréteaux et
hamacs qui servent actuellement au couchage des troupes.
Mais ces couchettes de casernes sont tout autre
chose que les lits d’hôpitaux, leur prix ne peut monter à plus de 25 fr.
J’ai fait venir de France les
modèles de ces couchettes en fer, qui sont actuellement en usage, et j’ai fait
aussi établir dans le pays, par quelques fabricants qui se sont offerts à les
livrer gratuitement, divers autres modèles de couchettes en fer.
Mon intention est de soumettre l’examen de tous
ces modèles à une commission spéciale, qui fera le choix de celui qui paraîtra
le meilleur et établi à plus bas prix ; quand cette opération sera terminée, et
le prix à peu près fixé, il conviendra de demander des fonds au budget
prochain, et c’est alors qu’on pourra mettre cette fourniture en adjudication
publique.
Mais j’en donne ici l’assurance la plus
formelle, tout est encore en projet, et tout dépend des fonds qui pourront être
accordés par les chambres pour améliorer le couchage des troupes.
M. Jullien. -
Messieurs, depuis le traité du 15 novembre et les événements qui l’ont suivi,
toutes les fois qu’on vient nous demander des fonds pour l’administration de la
guerre, il m’est impossible de ne pas me faire cette question : A quoi sert
cette armée si belle, si nombreuse, et qui coûte si cher ? Est-ce pour se
battre ? Mais lorsque les choses en sont venues là, ce sont les voisins qui
viennent aux termes du traité nous rendre ce service. Tout ce qu’on veut bien
nous permettre, c’est de faire des prières pour le succès de leurs armes.
Est-ce pour venger les avanies, les affronts
que nous avons plusieurs fois reçus, les soufflets qui nous ont été donnés sur
la joue de tel ou tel ambassadeur ? Non, messieurs : lorsque ces événements
arrivent, vous savez qu’on a la prudence de s’en remettre à la diplomatie, et
vous savez aussi comment la diplomatie nous traite. Quand on est fatigue de
tenir dans les prisons les fonctionnaires qu’on nous a enlevés, on daigne leur
en ouvrir les portes mais jusqu’à présent, et malgré les promesses qui nous ont
été faites par M. de Mérode lors de l’enlèvement du commissaire Hanno, pas la plus petite réparation n’a été faite au pays,
pas même aux victimes de cette violation du droit des gens. Je puis donc avec
raison répéter ma question : A quoi sert l’armée ?
Cependant, comme je n’ai aucune espèce de
confiance dans le traité du 15 novembre et que je n’en ai pas davantage dans le
système bâtard qui lutte péniblement depuis trois ans contre les menaces d’une
collision qui malheureusement paraît inévitable je ne refuserai pas les crédits
demandés ; au contraire j’accorderai tout ce qui sera nécessaire pour faire
face, au besoin, à des attaques imprévues.
Mais là doit se borner notre bonne volonté ;
donnons le nécessaire, mais point de prodigalité. J’ai lu avec attention le
rapport fait par votre commission, il m’a semblé qu’il méritait de la part du
ministre de la guerre une réponse plus attendue que celle qu’il a donnée. On y
parle d’abus et presque de dilapidations. Je pense que M. le ministre de la
guerre reviendra sur ces accusations et nous donnera la satisfaction que nous
avons le droit d’espérer. En attendant je vais passer en revue les diverses
parties de ce rapport.
D’abord, on accuse le gouvernement d’avoir par
une négligence impardonnable compromis la sûreté et l’indépendance du pays.
Cette accusation est grave. Mais est-elle fondée ? Voilà ce que la justice
commande d’examiner. Sur ce point, j’ai entendu l’honorable ministre de la
guerre donner toutes les explications qu’on pouvait désirer. Vous vous rappelez
que quand il s’est agit du budget, toutes les vues étaient tournées vers
l’économie ; on croyait aux apparences de paix, chacun s’empressait de réclamer
des économies. On voulait empêcher qu’on ne présentât chaque année un énorme
budget de 60 à 70 millions.
Il fallait pour cela réduire le chiffre de
l’armée à 42 mille hommes, afin que la dépense ne s’élevât pas à plus de 37 ou
38 millions. On a cru que le chiffre de 42 mille hommes était suffisant, parce
que, si les affaires se brouillaient, on pourrait toujours rappeler les
permissionnaires. Lorsque vous avez eu ainsi réduit le chiffre de l’armée, il
est survenu un événement que personne ne pouvait prévoir et dont on s’est trop
alarmé, parce qu’on a pensé que l’enlèvement de M. Hanno,
allait être suivi d’une déclaration de guerre entre nous et
Tout ce qu’il pouvait faire c’était de demander
de nouveaux fonds pour pouvoir rappeler les permissionnaires sous les armes et
les payer, mais on ne peut pas raisonnablement exiger qu’il mît en ligne plus
d’hommes qu’il n’en avait. Je ne crois donc pas jusqu’à présent que le
gouvernement soit coupable de négligence inexcusable et qu’il ait compromis la
sûreté et l’indépendance du pays.
Après cette inculpation, je vois figurer comme
griefs les cantonnements des troupes part la raison qu’ils présentent un triple
inconvénient. Le premier est de vexer plus ou moins l’habitant. Vous avez
entendu à cet égard les plaintes qui vous sont adressées depuis longtemps. Les
charges des logements militaires, dans certaines localités, sont vraiment
intolérables.
Il n’y a pas un homme d’armes qui ne coûte aux
habitants un franc et demi au-delà de l’indemnité de 74 centimes que leur
accorde l’Etat. Et quand il y a prolongation de logement, c’est une véritable
ruine pour certaines familles. Voilà le premier inconvénient que je signale.
Le second inconvénient, que je ne regarde pas
comme aussi grave puisqu’il n’affecte que la bourse de l’Etat, quoique je demanderai
toujours qu’on la ménage, c’est que chaque homme logé chez un habitant coûte au
trésor public 36 cents et demi de plus que s’il était en garnison.
En troisième lieu, lorsque l’armée est en état
d’activité, il est accordé une indemnité aux officiers à titre de dédommagement
des dépenses extraordinaires que leur séjour dans les cantonnements est censé
leur occasionner, tandis que pour ma part je crois que c’est plutôt dans les
garnisons que dans les cantonnements que les officiers ont plus de dépenses à
faire. Dans les cantonnements ils mènent une vie de château. Et les plaisirs ne
leur coûtent guère. Je ne conçois donc pas ce qui a pu motiver une augmentation
de traitement en leur faveur lorsqu’ils sont en cantonnement, à moins que ce
supplément ne résulte des dispositions de règlements que je ne connais pas.
Voilà donc trois inconvénients qui méritent
d’être signalés à la chambre. On me répondra avec beaucoup de justesse que
quand l’armée est obligée de tenir une ligne vis-à-vis de l’ennemi, s’il ne se
trouve pas dans les villes situées dans la longueur de cette ligne des
garnisons suffisantes, il faut bien que les corps prennent des cantonnements.
C’est une nécessité que j’admets lorsque des troupes sont sur la défensive.
Bien certainement lorsqu’il n’existe pas de garnison, il y a force majeure ; il
faut que le soldat loge chez l’habitant, que cette charge soit onéreuse ou non
aux citoyens et à l’Etat.
C’est une nécessité qu’il faut supporter, sauf
au gouvernement à prendre toutes les précautions possibles pour soulager les
habitants des communes situées dans la ligne. Ce n’est que dans ce cas que le
gouvernement devrait se permettre de placer les troupes dans les cantonnements
parce que d’après les lois sur la matière ce n’est que lorsque les circonstances
l’exigent impérieusement que l’habitant est tenu de loger les gens de guerre.
C’est à l’Etat, qu’on paie pour cet objet, à faite les dépenses du logement et
de la nourriture des soldats. Voilà les principes qu’il faut suivre avec la
plus grande rigueur en matière militaire.
Je vous figurer dans les crédits
supplémentaires qui nous sont demandés des frais de table et de représentation.
Ces frais sont fixés à la somme de 600 francs par mois pour les généraux de
division. Plusieurs voix se sont élevées déjà dans cette enceinte pour rejeter
du budget de l’Etat ces frais de table et de représentation. Je crois très bien
qu’en temps de guerre ces officiers généraux, lorsqu’ils sont obligés de
recevoir fréquemment les chefs de corps, aient besoin d’un supplément de
traitement qui les défraie de leurs dépenses extraordinaires. Mais quelle
nécessité y a-t-il pour des généraux dont les cantonnements sont aux portes de
Bruxelles de recevoir des frais de table et de représentation.
Il en est même qui les reçoivent quoiqu’ils
n’aient pas quitté la capitale au dire de la commission. Comment voulez-vous
que dans cet état d’activité fictive ils aient besoin de frais de table ?
Cependant notre commission n’ayant pas jugé convenable de rejeter cette espèce
d’allocation, je ne refuserai pas le crédit demandé de ce chef, parce qu’il y a
dans cette commission des hommes plus versés que moi dans la connaissance des
règlements militaires et qui probablement les auront consultés pour maintenant
le crédit demandé. J’avoue cependant qu’avec quelques principes d’économie on
aurait pu se dispenser, jusqu’au moment où nous aurons la guerre, de grever le
trésor public de cette espèce de dépenses.
Un chapitre qui a été vivement attaqué par la
commission, c’est celui des dépenses imprévues. A somme demandée par M. le
ministre de la guerre pour cet objet est de 48,000 fr. J’ai entendu avec
plaisir, si j’ai bien compris M. le ministre de la guerre, qu’il renonçait à
demander cette somme, et que, partageant l’avis de la commission, il s’en tiendrait
au chiffre de 199,000 porté au budget de l’Etat pour l’année courante. Il y a
dans le rapport de votre commission une observation qui mérite toute votre
attention.
Il est dit dans le rapport que la chambre
devait espérer qu’à l’avenir ce chapitre de dépenses imprévues dans les
différents départements ne figureraient plus au budget, et que le gouvernement
s’arrangerait de manière, au moyen d’une étude plus approfondie du budget, à ne
plus y faire reparaître ces sortes de dépenses. Je crois que si l’on voulait
bien rechercher toutes les dépenses possibles d’un ministère, on pourrait,
sinon détruire, du moins singulièrement alléger ce chapitre, parce que tous les
ans voient reparaître à peu près les mêmes dépenses non prévues ; mais je ne
partage pas l’avis de la commission qui voudrait que ce chapitre fût
entièrement élagué.
Il est réellement des choses qui ne peuvent
entrer dans les prévisions humaines. Il faut qu’il y ait une allocation destinées pour couvrir des faits reconnus indispensables.
Mon observation tend seulement à la réduction de l’article, mais non à son
annulation radicale.
Le rapport de la commission dénonce des abus
très graves qui existeraient dans la division de la guerre. C’est dans cette division
qu’on signale une multitude d’injustices, que sont commis des passe-droits, et
surtout qu’il règne un grand désordre dans la dépense. Si j’en crois les
allégations de la commission (et j’y aurai toute confiance jusqu’au moment où
elles seront réfutées) il paraît que, dans certaines divisions de l’armée, il y
a jusqu’à 6 officiers à l’état-major. On demande la raison de cette
excroissance d’officiers, puisqu’il est démontré que dans d’autres divisions, 2
à 3 suffisent. Si on ne me donnait une réponse satisfaisante, je verrais là une
véritable prodigalité. J’espère que M. le ministre de la guerre saura justifier
les dépenses qui ont été faites de ce chef et celles qui restent à faire.
Il y a, messieurs, un autre abus qui occasionne
aussi de fortes dépenses. Ce sont les catégories de position des officiers, et
vraiment sous ce rapport il y a dans notre situation quelque chose de tout à
fait singulier. Lorsqu’on veut se rendre raison de la position des officiers
dans une armée, le simple bon sens indique qu’il ne peut y avoir que 3
positions. D’abord l’activité et la retraire. La troisième position est
transitoire ; position d’attente entre l’activité et la retraite : c’est la
disponibilité de service. Lorsqu’après la dislocation ou la réduction d’une armée,
rendue nécessaire par les événements, il y a des officiers très valides, qui
n’ont pas démérité de la patrie, on ne les renvoie pas définitivement, on les
met en disponibilité jusqu’à ce que l’on puisse régler ultérieurement leur
sort.
Voyez combien nous nous éloignons de ces
principes. Nous connaissons l’activité, ce qui est très naturel ; puis nous
avons la disponibilité avec ou sans indemnité. J’ai vu, il y a deux ans, un
budget où il existait encore une distinction de plus, c’était la disponibilité du
Roi. Elle entraînait le payement total du traitement. Depuis, cette
disponibilité a disparu. Vous avez en outre la non-activité, la solde de congé,
le congé limité sans solde. Enfin, vous avez la retraite.
N’apercevez-vous pas au fond de toutes ces diverses
dénominations l’intention de créer des sinécures, et que cette subdivision des
trois seules catégories qui devraient exister, ne peut qu’ouvrir la porte à de
graves abus ? je suis persuadé que M. le ministre de
la guerre, qui écoute en ce moment mes observations, s’empressera d’accueillir
toutes les plaintes qu’excite ces fausse distribution des positions des
officiers, et qu’il redressera les abus qui lui sont signalés par la chambre.
Je crois qu’il faudrait qu’il s’occupât d’un
classement défini. C’est le seul moyen de remédier au mal.
On se plaint également du défaut d’une loi
d’avancement ; c’est à ce défaut que sont dues les plaintes, les criailleries
de ceux qui n’obtiennent pas ce qu’ils désirent. Je ne sais pas qu’il existe
une lacune dans la législation à cet égard. Les anciens règlements doivent être
encore en vigueur. Je sais bien que les demandes d’avancement doivent être
fatigantes pour ceux qui gouvernent, alors que la guerre n’éclaircit pas les
rangs de l’armée et que chacun doit attendre de la mort naturelle la chance de
monter en grade. Il est tout simple que ceux qui veulent avancer soient fâchés
de rester stationnaires.
De quelque manière que l’on envisage la
question, il serait à désirer, s’il n’y a pas dans les lois actuellement en vigueur
des dispositions assez positives pour faire cesser des plaintes souvent mal
fondées, quelquefois pourtant très motivées, comme j’en ai l’assurance, il
serait à désirer, dis-je, que le gouvernement nous présentât une loi sur la
matière. Cette loi n’a rien de politique. En une séance ou deux elle serait
bientôt votée. Alors les plaintes cesseront. Je crois, du reste, qu’il existe
pour l’avancement des militaires des arrêtés du gouvernement provisoire qui
doivent suffire pour régler les droits de chacun.
Le rapport (c’et toujours lui que je suis)
signale encore une autre espèce d’abus provenant de ce que des officiers
supérieurs et autres seraient employés dans les bureaux du ministère de la
guerre. Si ces officiers ne sont pas nécessaires à leur poste et s’ils ne sont
pas payés comme employés, c’est une économie ; et je ne vois pas pourquoi on
trouverai mauvais que le ministre de la guerre employât, dans ses bureaux, des
officiers qui ont les connaissances requises, si on peut se passer d’eux à leur
corps, et s’ils ne sont pas rétribués autrement que par leurs traitements
d’officiers. Ce serait une véritable économie. Mais la question de fait n’est
pas éclaircie ; je désirerais savoir si ces officiers ne reçoivent pas un
double traitement ; car, n’étant pas instruit à cet égard, il m’est impossible
d’avoir une opinion.
En attendant, je dis que si des officiers sont
employés dans les bureaux de la guerre sans autre rétribution que leurs
traitements d’officiers, c’est une véritable économie, et que bien loin de
blâmer sous ce rapport M. le ministre de la guerre, nous devons plutôt
l’approuver, d’autant mieux que ces employés ont plus de connaissances que n’en
auraient des employés civils.
On a dit (j’appelle sur ce point tout
l’attention de la chambre), qu’il aurait été créé pour certains individus des
emplois sans fonctions ou des fonctions illusoires. Si ce ne sont pas là des
sinécures, qu’on dise ce que c’est.
Si vraiment on a créé des places lorsqu’il n’y
en a pas à remplir, si on a rétribué des fonctions qui n’existaient pas, ce
sont les sinécures les plus complètes qu’on puisse imaginer. Et puisque c’est
un reproche que le rapport adresse à M. le ministre de la guerre, je l’invite à
s’expliquer encore sur ce point. Ces faveur, je dirai même ces injustices, sont
d’autant plus répréhensibles, qu’elles sont faites, dit-on, au profit
d’étrangers et au préjudice des nationaux.
Au milieu des griefs contre l’administration de
la guerre, il y en a un que je ne vois pas et que je signalerai, parce que dans
de précédentes séances, lorsqu’il s’est agi du budget de la guerre, je l’ai
déjà indiqué : c’est le rachat des rations de fourrages par les fournisseurs.
Je suis convaincu que l’on continue cet abus
que M. le ministre de la guerre avait promis de faire cesser, et que des
officiers touchent en argent des entrepreneurs l’équivalent du fourrage qui
leur est dû en nature. C’est un abus criant ; c’est même dans la rigueur du
terme une sorte de concussion.
Les rations de fourrage sont dues aux chevaux.
Ce n’est pas une indemnité, un accessoire de la solde. C’est une fourniture qui
n’appartient qu’au cheval.
Les officiers-généraux doivent avoir 12 chevaux
; ils ont droit à 12 rations, s’ils ont réellement 12 chevaux. S’ils n’ont que
6 chevaux, que 4 chevaux, ils ne doivent avoir que 6, que 4 rations ; il ne
doit pas leur être alloué une ration de plus que le nombre de chevaux effectif.
En effet, dans quel but accorde-t-on des
rations de fourrages aux officiers ? Dans le but de nourrir les chevaux qu’ils
ont et qui sont nécessaires aux besoins du service. Si donc les besoins du
service, au lieu de 12 chevaux, n’en réclament que 4, il n’y a lieu à accorder
que 4 rations de fourrages. Si des officiers généraux, au lieu d’avoir des
chevaux à eux, emploient des chevaux de fourgon comme cela s’est vu, ils ne
doivent toucher aucune ration en argent. Car n’est-ce pas un abus criant que de
voir des officiers mettre dans leur poche la ration de 5, de 6 chevaux qu’ils
n’ont pas ? Si cet abus devait se perpétuer, il vaudrait mieux compter
directement aux officiers le montant des rations ; il y aurait à cela de
l’économie, car les entrepreneurs ne leur donnent pas le montant des rations
qu’il leur est payé. Si la ration est de 1 fr. 25 c.,
ils donnent 1 fr.
Cette différence formerait une économie au
profit du trésor. Les entrepreneurs font assez de bénéfices pour que vous ne
donniez pas les mains à ce qu’ils en fassent de plus considérables. J’appelle
l’attention de M. le ministre de la guerre sur les abus auxquels donnent lieu
ces rations de fourrages. Le pays nourrit assez de bouches inutiles sans
nourrir encore des bouches qui ne sont pas. (On rit.) Ce serait, je le répète, une grande économie.
Mais, dira-t-on, les moyens de réformer l’abus
sont difficiles. Sous le gouvernement français, les intendants militaires
faisaient périodiquement des inspections pour connaître le nombre des chevaux
de tous les régiments. Le signalement des chevaux figurait sur un contrôle ;
lorsqu’un cheval mourait, les intendants en tenaient note. Il y avait enfin un
contrôle pour les chevaux comme pour les hommes. Ceci est l’affaire des
intendants ; et s’ils ne font pas leur devoir, c’est à M. le ministre de la
guerre à le leur rappeler.
Je terminerai ces observations déjà trop
longues en abordant les observations faites par M. Desmanet de Biesme et les
orateurs qui m’ont précédé. L’honorable M. Desmanet de Biesme s’est étendu sur
les inconvénients qu’il trouve à ce que nous ayons un ministre de la guerre qui
ne fait par partie du conseil des ministres. Je ne sais jusqu’à quel point la
chambre peut porter ses investigations sur ce point ; Lorsque le ministre de la
guerre est responsable et qu’il ne peut se dégager de sa responsabilité, je ne
sais jusqu’à quel point nous devons conseiller au gouvernement d’organiser un
conseil des ministres, d’y faire entrer tel ou tel, de permettre que tel
ministre n’en fasse pas partie. Je crois que dès qu’un ministre est
responsable, il importe peu pour nous qu’il fasse ou non partie du conseil.
Quand l’honorable ministre de la guerre aurait
fait partie du conseil à cette époque sinistre des pillages, que l’honorable
préopinant vient de rappeler, croyez-vous que sa présence les aurait empêchés.
Chacun s’est fait une opinion à cet égard, et
malgré ce qu’on a dit, ce qu’on dit encore, chaque la garde. Quant à moi, j’ai
dit tout ce que j’en pensais ; et tout ce que j’entends ne m’a pas fait revenir
de mon opinion.
Je ne parlerai pas davantage de cette affaires
des pillages, les tribunaux en sont saisis, et il y a toujours de l’inconvenance
à traiter devant un parlement une question soumise aux tribunaux, parce que
cela peut les influencer. Il faut que la justice soit impassible et ne reçoive
aucune impression du dehors, ni en bien ni en mal.
On a parlé de dislocation de l’armée
hollandaise, je n’y crois pas. D’après quelques gazettes, le roi Guillaume
aurait renvoyé la schuttery, je ne crois pas à ces
démonstrations ; je pense qu’il faut nous tenir sur nos gardes. Aussi longtemps
que les puissances du Nord ne voudront pas la paix, vous devez vous tenir prêts
à la guerre. Or, si elles voulaient la paix, ce serait depuis longtemps un fait
accompli ; il leur suffirait pour cela de faire honneur à la signature de leurs
plénipotentiaires apposée au traité du 15 novembre. Ils ne le font pas, dont
ils ne veulent pas la paix, et ils n’attendent qu’une occasion favorable pour
se déclarer.
Loin donc de chercher à vous inspirer une
sécurité trompeuse, je vous dirai plutôt avec un abbé célèbre :
« Tenez-vous prêts ; car les temps approchent. »
M. d’Huart. - Je ne m’attacherai pas à la question
politique ; je pense que notre situation exige que nous maintenions l’armée sur
le pied de guerre. Je ne crois pas qu’il y ait à cet égard de contestation. Les
honorables préopinants ont été d’accord sur ce point. Le renvoi de la schuttery est sans doute une ruse de nos voisins ; et il
est prudent de nous tenir en garde contre un pareil piège. D’ailleurs si le roi
Guillaume diminuait considérablement son armée, de notre côté nous pourrions en
faire autant. Mais les faits ne sont pas assez bien constatés pour que nous
puisions porter un jugement.
Les observations que j’ai à faire sont
relatives à l’administration de la guerre. M. le ministre de la guerre nous a
dit que des attaques avaient été dirigées contre lui par la presse, et que dans
le public également on avait répondu des accusations contre son administration
; il a ajouté que c’était devant les chambres représentant le pays qu’il venait
se justifier.
J’applaudis à cette manière d’agir
de M. le ministre de la guerre ; mais maintenant il voit que ces accusations ne
viennent plus seulement de la presse, qu’elles ne sont pas seulement répandues
dans le publie ; il voit qu’elles sont consignées dans le rapport de la
commission. Les observations du rapport ont été étendues et commentées par
l’honorable M. Jullien.
Je désirerais avant que je prisse la parole sur
l’administration, que M. le ministre de la guerre répondît aux attaques dont
son département a été l’objet ; alors je pourrai répliquer par des faits
spéciaux et appuyer les allégations de la commission.
M. le
ministre de la guerre (M. Evain) - Je vais répondre aux interpellations qui me sont
faites et à celles de l’honorable rapporteur de la commission qui m’a demandé
quel était le motif qui avait pu empêcher la présentation de la loi
d’avancement : ma réponse sera claire et précise.
Le projet de cette loi est rédigé depuis plus
d’un an, après avoir été discuté par une commission spéciale, et si j’ai
différé de le présenter, c’est par la raison qu’il faut nécessairement que le
principe de l’école militaire soit admis, pour fixer, comme première base des
dispositions de l’avancement, le nombre des emplois de sous-lieutenant qui
seront dévolus dans chaque arme aux élèves de l’école militaire.
J’ai donc présenté d’abord le projet de loi sur
l’école militaire ; et vous savez, messieurs, que je sollicite depuis six mois
de la chambre qu’elle veuille bien s’en occuper ; mais je crains que la session
ne se termine sans que vous donniez suite à ma proposition.
Une loi tout aussi importante que la loi
d’avancement est celle qui doit régler la position des officiers, la manière
dont ils peuvent être privés de leurs grades et de la solde inhérente au grade,
conformément à l’article 124 de notre constitution.
Cette loi est également toute préparée depuis
longtemps ; mais j’ai dû en différer la présentation ; jusqu’à ce que la
chambre ait discuté le projet de loi que j’ai présenté depuis longtemps sur les
droits des militaires à la pension de retraite.
Il faut encore que ces principes soient admis
pour qu’ils coïncident avec ceux qui sont établis dans le projet de loi sur la
position et les droits des officiers, dans les diverses catégories où ils
peuvent être placés.
Quant aux règles suivies pour l’avancement et
sur les promotions qui ont eu lieu depuis deux ans, voici ma réponse : (M. le
ministre donne lecture de ces instructions sur le mode de proposition pour
l’avancement dans les corps de l’armée. Nous en ferons connaître le texte).
Je regrette donc vivement, messieurs, que la
commission ne m’ait pas demandé communication des règles actuellement suivies
pour l’avancement, en attendant la loi à intervenir sur la matière.
Elle se serait convaincue que les plaintes dont
elle s’est rendue l’organe n’étaient pas fondées, et elle n’aurait pas avancé
que tout se fait « au hasard » et suivant les « caprices du
moment. »
Vous venez de voir quels soins minutieux j’ai
prescrits et que j’ai suivis pour n’accorder d’avancement qu’aux officiers les
plus méritants.
Et cependant, messieurs, malgré tous les soins
que je me suis donnés à cet égard et l’ordre établi dans cette partie par le
directeur du personnel, j’ai à repousser des reproches que vous jugerez, j’en
suis convaincu, n’être pas mérités.
Je réponds actuellement aux observations qui
ont été faites sur les catégories de position des officiers.
Les règlements actuels qui sont encore, en
majeure partie, ceux qui régissaient l’armée sous l’ancien gouvernement,
reconnaissent quatre positions d’officiers, savoir :
En activité,
En disponibilité,
En non-activité,
En retraite.
Et il serait difficile de ne pas admettre ces
quatre catégories.
Il est très vrai que j’en ai ajouté, deux
autres ; mais j’y ai été réellement obligé et je vais en déduire les motifs :
Officier en solde de congé,
Officier en congé illimité sans solde.
Je dirai d’abord que le nombre des officiers en
disponibilité se borne à celui de 9 officiers-généraux, dont deux ont été
placés dans cette position par des actes spéciaux, et que trois autres doivent
être mis à la retraite : reste donc quatre officiers-généraux réellement
disponibles.
Quant aux officiers en non activité, ils
étaient au nombre de 177 au mois d’octobre 1833, lorsque je dressai le budget
de 1834. Depuis cette époque,
36 ont été admis à la pension de retraite,
13 ont été replacés en activité,
8 sont décédés
3 ont reçu leurs démissions.
Total 60.
Il n’a été admis dans cet intervalle de dix mois
au traitement de non-activité que 23 officiers par divers motifs tous fondés.
Ainsi le nombre actuel de ces officiers a été
diminué de 37, et ne se trouve plus être que de 140.
Je continue à admettre à la retraite tous les
officiers à qui leurs anciens services donnent les droits à la pension ; mais,
ainsi que la commission l’a très justement fait observer, beaucoup de ces officiers n’ont que peu de services
militaires et ne sont pas propres à reprendre un service actif.
C’est réellement une chose fâcheuse, mais qui
tient aux circonstances où la révolution nous a placés, et qui ne cessera que
lorsque nous aurons la loi qui déterminera la position d’état de chaque
officier, conformément aux dispositions de l’article 124 de la constitution.
J’arrive maintenant à la position d’officiers
en solde de congé. Les officiers qui s’y trouvent sont au nombre de 17
seulement. C’est d’abord par motif d’économie que j’ai établi cette nouvelle
catégorie, par la raison que ces officiers comptent à la suite de leurs corps
et n’y sont pas remplacés, tandis qu’admis au traitement de non-activité, ils
sont rayés des contrôles des corps et doivent y être remplacés.
J’ai donc admis dans cette nouvelle catégorie :
1° Les officiers proposés pour la retraite, en
attendant la liquidation de leurs pensions ;
2° Ceux que divers motifs ne permettent plus de
laisser aux corps et qui sont mis à leur suite, en attendant une décision ;
3° Les officiers étrangers qui n’ont été admis
au service de
J’avoue, messieurs, que c’est pour sortir de la
difficulté que présentait l’art. 124 de la constitution, et les dispositions
qu’il contient sur la privation du grade et de la solde, que j’ai adopté ce
moyen terme, en attendant la loi à intervenir.
La conduite de quelques-uns des officiers admis
pour la durée de la guerre a nécessité leur éloignement de l’armée ; pouvais-je
leur retirer leur grade et leur solde ? Je ne le crois pas. D’un autre côté,
n’était-ce pas un non-sens manifeste que de mettre en non-activité un officier
qui n’avait de lettre de service que pour la durée de la guerre ?
Le seul moyen qui me restait, était donc son
maintien sur les contrôles, tout en l’éloignant du corps et en ne lui allouant
que la solde de congé : ce moyen, je l’ai employé, et je ne crois pas qu’il
soit aussi répréhensible qu’on paraît le croire.
Je ne demande d’ailleurs qu’à être éclairé,
qu’à être fixé sur ce point de droit constitutionnel soulevé par la commission.
Quant aux officiers en congé illimité sans
solde, cette position a été donnée aux officiers de la garde civique mobilisée,
qui l’ont demandée et sera rendue commune à tous si vous adoptez la réduction
proposée par votre commission.
La loi à intervenir régularisera toutes ces
positions, et je regrette bien sincèrement que les travaux d’un ordre plus
urgent pour l’organisation communale et provinciale du pays ne vous aient pas
permis de vous occuper des deux projets de loi qui doivent précéder les lois
d’avancement et de position.
Je vais maintenant répondre à ce qui concerne
ce qu’on a appelé l’institution des cadets dans les régiments.
Je commencerai par faire observer qu’il est
inexact de parler de cette institution de cadets dans les régiments, quand
cette dénomination n’y existe même plus : le fait est que le gouvernement
provisoire approuva que des jeunes gens s’habillant, s’équipant et se montant à
leurs frais fussent reçus dans les régiments de cavalerie, comme volontaires.
Il en existait sept lorsque je suis entré au
ministère, et le même nombre existe encore.
Deux qui étaient entrés en 1830, ont été faits
officiers (les sieurs Graff et de Tinant) tous deux
Belges ; quelques-uns n’obtenant pas d’avancement, ont donné leur démission, et
j’en ai admis trois depuis deux ans.
Deux ou trois étrangers ont été admis en cette
qualité, et un seul a été promu officier.
Qu’a donc de si blâmable l’admission de
quelques jeunes gens, comme volontaires dans les corps de cavalerie, et qui
date des premiers jours de notre révolution ?
Ce sont des jeunes gens qui, par amour de la
patrie, par goût pour le service de l’état militaire, se sont engagés
volontairement, montés et équipés à leurs frais ; qui, dès leur admission, font
le service de soldat, s’entretiennent à leurs frais et passent par toute la
filière des degrés d’avancement pour arriver au grade de sous-officier, sans
jamais toucher d’autre indemnité que la solde de soldat : de l’avancement ils
ne peuvent en obtenir qu’en vertu de la règle dont tous les points leur sont
applicables ; ne pas les y faire participer, ne serait certes pas agir avec
justice.
Je crois donc, messieurs, que ces admissions de
volontaires, restreintes comme elles l’ont été jusqu’à présent, ne peuvent
avoir aucun des graves inconvénients qui vous ont été signalés, et qu’elles
peuvent être tolérées jusqu’à l’organisation définitive de l’école militaire.
Je terminerai, messieurs, par vous présenter
quelques observations sur ce qui a été dit sur le corps de l’état-major.
Il est vrai que ce corps n’est pas encore formé
par un arrêté d’organisation, ainsi que je l’ai déjà fait pour le corps de
l’artillerie ; mais ce dernier corps possédait tous les éléments nécessaires à
sa complète organisation, et il n’en est pas de même pour le corps de
l’état-major, qui se trouve composé en ce moment de :
2 colonels,
3 lieutenants-colonels,
6 majors,
6 capitaines,
3 lieutenants,
En tout, 20 officiers.
D’après les projets d’organisation, ce corps doit
être porté à 36 officiers, et plusieurs officiers des armes de l’infanterie et
de la cavalerie s’occupent des études préliminaires que ce service exige ; nous
serons bientôt à même de songer à son organisation définitive.
Le service est complété par 13 officiers
étrangers admis au service de
Il entre bien dans mon intention d’organiser
successivement tous les corps de l’armée, car je sens, comme l’honorable
rapporteur de la section centrale, la nécessité d’asseoir définitivement les
bases constitutives des diverses armes et administrations militaires.
Des examens ont en lieu en 1833, dit
l’honorable rapporteur. Un seul officier a été admis à cet examen, et voici
comment : en 1831, quelques officiers reçurent un sursis d’un an pour se
préparer ; un accident grave, arrivé pendant son service à l’un d’eux,
l’empêcha de pouvoir se livrer immédiatement au travail. A peine convalescent,
il demanda à ne pas être privé, par cet événement qui avait failli lui causer
la vie, des droits qu’on lui avait assurés et garantis. Le lui refuser eût été
injustice, et il est sorti avec avantage de l’épreuve à laquelle on l’avait
soumis.
Voilà, messieurs, à quelle occasion il y a eu
un examen : je n’en connais point d’autres. Quant aux admissions, il n’y en a
point eu, et pour l’avancement un capitaine seulement a été porté de la seconde
à la première classe.
On a parlé
aussi des officiers employés dans les bureaux du ministère de la guerre. Il est
vrai que dans la division des armes spéciales de l’artillerie, du génie, et à
la division du dépôt de la guerre, il y a deux ou trois officiers de ces armes
; à la division du personnel trois officiers sont également employés. Mais ces
officiers ne reçoivent que la solde de leur grade ; il ne leur est pas alloué
un centime d’indemnité sur les fonds du département de la guerre. Comme l’a
fait observer très judicieusement l’honorable M. Jullien, c’est réellement une
économie d’employer ainsi des officiers au lieu d’employés civils qu’il
faudrait rétribuer, surtout lorsqu’on peut se dispenser d’employer ces
officiers à l’armée.
Je crois avoir traité les différentes
observations consignées dans le rapport ou présentées par un honorable
préopinant.
M. A. Rodenbach.
- Il me semble, messieurs, que M. le ministre de la guerre n’a pas répondu relativement aux frais de représentation, aux frais
de table. L’honorable M. Jullien l’a dit, et je crois que cela se trouve
également dans le rapport, les officiers généraux, au lieu d’être à leur poste
sur la frontière, sont presque toujours dans la capitale. C’est sans doute pour
solliciter auprès de M. le ministre de la guerre, que ces officiers croient
devoir demander pour frais de table 300 et 600 fr.
M. le ministre de la guerre, en 1833, nous a
promis que l’abus que je signale cesserait d’exister ; mais c’est là, il
paraît, une promesse ministérielle, elle n’a pas été remplie.
L’honorable député de Bruges a dit que nous ne
sommes pas en état de guerre, et que cependant on ne peut nous considérer comme
étant en état de paix ; je crois que quand il s’agit de recevoir de l’argent,
nos officiers-généraux se considèrent sur le pied de guerre ; cela fait bien à
leur budget.
On a parlé de l’état-major général. Il y a
beaucoup d’officiers fashionables, d’officiers de concert, de boudoir ; ces
officiers figurent très bien au bal ; mais s’il s’agissait de marcher à la tête
de l’armée, je crois qu’ils ne feraient pas une si belle figure. (On rit.)
Il y a jusqu’à des chefs d’escadron qui
remplissent les fonctions de simple expéditionnaire ; un d’eux m’a avoué que
tout son emploi se bornait à cacheter des lettres. ! Ces chefs d’escadron
reçoivent pour de pareils services 6 à 7,000 fr.
Il y a certes de grands abus, et la commission
n’a fait que les effleurer.
Il y a 6 officiers attachés au cabinet du
ministre de la guerre : trois de ces officiers sont d’excellents travailleurs,
mais les trois autres se reposent.
Il y a des arrêtes du gouvernement qui ont
décidé quels seraient les droits accordés aux officiers pour les fourrages. Il
paraît que ces arrêtés ne sont pas mis à exécution ; est-ce parce que nous
sommes sur le pied de guerre, ou est-ce parce qu’on est sur le pied de paix ? Je
n’en sais rien.
On a parlé de l’école militaire : messieurs, il
y a six semaines qu’il n’y avait que 24 élèves dans l’école, aujourd’hui il y
en a 42 ; mais depuis longtemps le personnel était nommé ; ce personnel coûte
41,300 francs, c’est mille francs pour chaque élève ; avec un personnel aussi
considérable on pourrait avoir cent élèves dans l’école. Il y a aussi à ce
qu’il paraît des sous-officiers et des officiers qui sont payés, et qui ne
suivent les cours que lorsqu’ils le jugent à propos.
Je sais que le ministre peut dire qu’il avait
déposé une loi sur l’école militaire et que cette loi n’a pas été discutée
attendu l’urgence des travaux de la chambre ; mais je demande à M. le ministre
pourquoi il n’a pas attendu que la loi fût votée pour nommer un personnel qui
cause une si grande dépense.
On a attaqué le ministre de la guerre d’une
manière peut-être injuste, mais la presse signale encore des abus relativement
au service sanitaire de l’armée ; je crois qu’on fera cesser ces abus.
Je terminerai, messieurs, en disant quelques
mots sur l’ophtalmie de l’armée. On a fait un essai, qui a complètement réussi
sur dix ophtalmistes qui tous ont été guéris par un
homme que nous connaissons tous, par M. Lubin. Je demanderai pourquoi on n’a
pas fait un essai sur une échelle plus grande, pourquoi par exemple, au lieu de
dix hommes, on n’a pas transporté dans les hôpitaux cent personnes atteintes de
l’ophtalmie pour les faire traiter par M. Lubin.
Si j’en crois le bruit public, il y a de petits
hôpitaux de province où des officiers de santé sans expérience traitent les ophtalmistes qui, entrés à l’hôpital demi-aveugles, en
sortent aveugles tout à fait. On accorde à ces malheureux 288 fr. de pension,
c’est 78 centimes par jour ; encore existe-t-il plusieurs catégories de
pensions. Je demande si c’est une pension suffisante pour des infortunés qui
ont perdu la vue en servant dans notre armée ?
Je demande que M. le ministre de la guerre
veuille bien expliquer sur les abus que je viens de signaler.
PROJETS DE LOI
RELATIFS A L’INSTITUTION DU JURY D’ASSISES ET AU CODE PÉNAL
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) monte à la tribune et présente deux
projets de loi, l’un relatif à des améliorations à introduire dans
l’institution du jury, l’autre à des modifications dans le code pénal (note du webmaster : voir ci-dessous).
- La chambre ordonne l’impression et la
distribution des projets de loi déposés sur le bureau par le ministre de la
justice.
(Moniteur
n°215, du 3 août 1834) Dans la séance du 1er août, M. le ministre de la justice (M. Lebeau), après avoir déposé sur 1e bureau
un projet de loi relatif à des modifications au code pénal et un projet de loi
sur des améliorations à introduire dans l’institution du jury, s’est exprimé en
ces termes au milieu d’un profond silence. - Messieurs, j’ai l’honneur de
placer sous les yeux de la chambre un projet de loi relatif à l’institution du
jury. Je demande à l’assemblée qu’elle veuille bien me dispenser de donner
lecture de ce projet. (Assentiment.
L’impression ! l’impression !)
Dès mon entrée au ministère, messieurs, j’ai
porté mon attention sur un autre objet d’une haute importance ; ce sont les
réformes dont le code pénal m’a paru susceptible.
Vous savez, messieurs, que le code pénal de
J’ai l’honneur de déposer sur le bureau un
projet de loi introduisant des modifications dans le code pénal ; l’exposé des motifs de ce projet et le texte
comportent presqu’un volume in-folio ; je crois inutile de demander également à
la chambre de me dispenser d’en donner lecture. (Oui ! Oui !) Ces deux propositions sont les derniers actes
politiques de mon administration.
Le Roi, messieurs, cédant à des sollicitations
que plus d’une fois la force de choses ne lui a pas permis d’écouter, veut bien
accepter la démission que j’ai eu l’honneur de lui remettre ce matin.
Dans ce moment, messieurs, je regrette que des
circonstances indépendantes de ma volonté ne me permettent pas dans les motifs
de notre résolution.
La chambre me rendra la justice de penser que
je n’ai pas pris légèrement cette détermination ; elle rendra la même justice à
mon collègue et ami le ministre de l’intérieur.
Je dois cependant déclarer que les motifs de ma
résolution ne sont pas le résultat des débats parlementaires ; depuis longtemps
je n’ai qu’à me louer du concours et de des chambres. J’espère que dans
quelques jours, messieurs, vous apprendrez que mon administration est passée
dans des mains plus habiles, mais, j’ose le dire, non plus dévouées à
l’indépendance nationale et à la dynastie que nous nous sommes donnée. J’ai cru,
pour ne pas entraver la marche de l’administration, devoir occuper quelques
jours encore mon ministère, mais sans caractère politique.
C’est avec douleur, messieurs, que j’ai entendu
parler d’insinuations lancées contre la sincérité de la résolution dont j’ai
cru de mon devoir de faire part à la chambre ; on a été jusqu’à qualifier
d’ignoble comédie la détermination que j’ai prise aujourd’hui, et celles que
j’ai cru devoir prendre dans d’autres circonstances. Dans le cours de notre
carrière politique, messieurs, nous avons pu commettre des fautes, mais jamais
nous n’avons joué la comédie ; en cédant à la force des choses, à des
circonstances qu’il ne nous est pas permis de révéler, nous avons bien senti à
quelles perfides insinuations nous nous exposions.
Nous ne
reculerons pas plus devant ces calomnies, si subtiles, si odieuses qu’elles
soient, que nous n’avons reculé devant d’autres attaques contre des mesures que
nous avons prises dans l’intérêt du pays pendant notre présence aux affaires et
je n’ai, pour ce qui me concerne à y opposer que le silence du mépris. (Sensation.)
M. de
Brouckere. - Je prierai M. le ministre de la justice de nous dire s’il
assistera en qualité de ministre à la discussion de la loi relative à l’augmentation
du personnel de certains corps judiciaires. La chambre a déjà pris une espèce
de résolution, elle a décidé que ce projet de loi serait discuté incessamment.
Je désirerais savoir si M. Lebeau ou un autre représentera le gouvernement dans
cette discussion. S’il répondait non, cette discussion serait ajournée
indéfiniment. Si, au contraire, il répond que oui, je pense que demain la
chambre fixera le jour où elle s’occupera de ce projet.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - On ne sait pas encore le jour où
on s’occupera du projet de loi dont vient de parler l’honorable préopinant. La
chambre comprendra qu’il m’est impossible de savoir si je serai encore
ministre, même sous le simple rapport administratif, à l’époque où cette
discussion sera mise à l’ordre du jour. Je ne pourrai donc répondre à
l’honorable membre. Cependant, en ma qualité de député, je serai disposé à
défendre toutes les dispositions du projet.
Dans le
cas où il ne me serait pas donné de successeur quand cette loi serait mise en
discussion, je ne pourrais donner que des renseignements, à moins que je ne
sois chargé de soutenir la discussion en qualité de commissaire du Roi.
Je dois dire que je n’avais pas encore arrêté
ma pensée sur ce dernier point.
M. de Brouckere. - Je prie M Lebeau de se
consulter d’ici à demain ; c’est demain que la chambre doit fixer le jour de la
discussion de cette loi. L’honorable membre doit se rappeler que la chambre a
décidé avant-hier que quand le rapport serait imprimé et connu de tous les
membres, elle fixerait le jour de la discussion. Ce rapport sera distribué ce
soir. Demain, je renouvellerai ma motion ; je prierai M. le ministre de nous
dire alors s’il pourra représenter le gouvernement oui ou non. S’il ne le
pouvait, la chambre serait dans l’impossibilité de fixer le jour de la
discussion de la loi.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je répondrai demain à cette
question.
(Moniteur
n°214, du 2 août 1834) M. Dumortier. -
Je demande la parole pour une motion d’ordre. Messieurs, vous venez d’entendre
le ministre de la justice ; la nouvelle
annoncée par un certain journal était fondée ; ce ministre et le ministre de
l’intérieur se retirent du cabinet. Cette nouvelle a dû nous paraître d’autant
plus étrange que les chambres avaient donné dans plusieurs circonstances des
marques non-équivoques de confiance envers ces ministres : quand on a voté la
nomination par le pouvoir exécutif des bourgmestres et des échevins, la chambre
a été loin de donner là une de ces marques de défiance qui entraînent la
dissolution d’un cabinet ; en conséquence de ces votes, nous étions bien en
droit de douter de la nouvelle que le journal annonçait ; et c’est ce qui avait
occasionné l’interpellation faite au commencement de la séance au ministre des
affaires étrangères.
Ce qui rendait la nouvelle d’autant plus
douteuse, c’est la déclaration du ministre des affaires étrangères, lequel nous
assurait ne pouvoir nous donner d’explications officielles sur ce point.
Messieurs, je déclare pour mon compte que,
quelle que soit la différence entre ma manière de voir et celle des ministres,
je me plais en ce moment à me rappeler leur patriotisme.
Toutefois, puisque la question de
majorité parlementaire est étrangère à cette sortie, je crois devoir demander
aux ministres qui se retirent une explication qu’ils ne peuvent refuser. Vous
n’ignorez pas que des bruits circulent depuis quelque temps, relativement à nos
relations extérieures : on a dit que les conférences de Biberich
avaient amené un résultat, que les protocoles de la conférence de Londres
allaient recommencer, et que
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Messieurs, je commencerai par
remercier l’honorable membre des paroles flatteuses qu’il a bien voulu adresser
aux ministres sortants. Quant à l’interpellation qu’il a cru devoir faire, nous
déclarons très ouvertement qu’il n’y a rien de politique dans les causes de la
retraite des ministres. Relativement aux motifs parlementaires, la chambre est
à même de les apprécier, et de savoir jusqu’à quel point ils ont pu déterminer
la retraite de mon ami et la mienne.
Je renouvelle ma déclaration qu’il n’y a rien
de politique dans les motifs de notre retraite, soit en ce qui touche les
affaires extérieures, soit en ce qui touche les affaires intérieures.
M.
le ministre des affaires étrangères (M. F. de Mérode) - S’il y avait eu les motifs qu’a
supposés l’honorable M. Dumortier dans la retraite de mes collègues, j’aurais donne
ma démission en même temps qu’eux.
C’est précisément parce n’y a rien de nouveau
sur les affaires étrangères que vous me voyez encore au banc des ministres. Je
me résigne à rester dans l’intérêt de mon pays. Je sais que j’y serai pendant
quelque temps dans un position plus fâcheuse : que mes collègues, eux, on les
déclare excellent parce qu’ils s’en vont ; et moi qui ne m’en vais pas encore (hilarité générale), je serai exposé à
ces attaques. On ne sera pas aussi indulgent pour ceux qui restent à leur poste
que peut ceux qui quittent le banc ministériel. (Nouvelle hilarité.)
M. le ministre des finances (M. Duvivier) monte à la tribune et dépose sur le
bureau un projet de loi relatif à l’augmentation du personnel des douanes.
M. Coghen. - Ce
projet est urgent ; je demanderai qu’on le renvoie à une commission et non à la
section centrale. Une commission ferait promptement son rapport.
M. A. Rodenbach.
- Le ministre déclare-t-il l’urgence de la loi ?
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - L’urgence n’est pas telle qu’on
ne puisse attendre quelque temps. Le projet a pour objet de faire face aux
dépenses qui seront effectuées pendant le semestre de l’exercice actuel.
C’est une régularisation des dépenses qui
seront faires, à partir de l’époque actuelle, jusqu’au 1er janvier 1835. Je ne
puis qu’appuyer la demande de M. Coghen.
- La chambre renvoie le projet à une commission
qui sera nommé par le bureau de la chambre.
M. Jullien. - Je
demande la parole pour une motion d’ordre. Le ministre de la justice a déposé
tout à l’heure sur le bureau deux projets de loi très importants ; je voudrais
bien que la chambre décidât que ces projets seront soumis aux cours supérieures
pour qu’elles donnent leur avis.
De l’avis de ces cours nous pourrons tirer de
vives lumières et nous en profiterons à la prochaine session.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Le projet destiné à introduire des
modifications dans le jury n’est qu’un projet transitoire ; ces modifications
sont généralement réclamées ; mais le temps a manqué pour donner la dernière
main à la réorganisation du jury.
Quant au projet comprenant des
modifications au code pénal, il est bien plus important et il mérite d’être
soumis aux cours souveraines. Mon honorable prédécesseur avait aussi préparé un
projet de loi sur le même objet, et qui a été envoyé aux cours supérieures que
les cours d’appel remplacent ; ce travail n’a pas été inutile à la rédaction du
projet actuel.
Je suis le premier à désirer que les cours
d’appel et la cour de cassation soient appelées à
donner leur avis ; le projet ne peut que gagner à passer par leurs mains.
Le projet de loi sur le jury n’est pas assez complet
pour être soumis aux cours souveraines.
M. Jullien. -
Je bornerai ma proposition au projet de loi portant modification au code pénal.
D’après les explications qui viennent d’être données, je reconnais qu’il est
inutile de renvoyer aux cours supérieures le projet relatif aux changements à
apporter à la formation du jury.
- La proposition de M. Jullien est mise aux
voix et adoptée ; en conséquence le projet de loi portant modification au code
pénal est renvoyé à la cour de cassation et aux trois cours d’appel du royaume.
L’autre projet est renvoyé aux sections.
Discussion générale
M. le
ministre de la guerre (M. Evain) - Il serait fort difficile de répondre aux
différentes questions dont M. Rodenbach vient d’entretenir l’assemblée. Je
répondrai aux points sur lesquels j’ai des renseignements positifs à donner.
Les frais de table et de représentation sont alloués aux officiers-généraux
commandant des troupes en campagne, par des règlements positifs. A la fin de
l’année dernière, la commission du budget retrancha la somme portée.
Mais au sénat voici comment je m’expliquais :
« Quant à la dernière suppression, j’ai fait
observer à la chambre des représentants que ce traitement était alloué par les
règlements existants, et que tant que l’armée conservera son organisation
actuelle et ne sera pas mise sur le pied de paix, les officiers-généraux auront
droit à ce traitement en vertu des dits règlements.
« Je n’ai donc pu consentir à cette
suppression, et je m’en suis rapporté à la décision de la chambre.
« J’ajouterai aux observations que j’ai
présentées à ce sujet, que les généraux ayant le nombre de chevaux qui les est assigné
sur le pied de guerre, étaient exposés à changer fréquemment de logements, sont
tenus à plus de dépenses que sur le pied de paix, et que, cependant, par une
anomalie sans exemple chez les autres puissances, il ne leur est point alloué
en Belgique de supplément de traitement sur le pied de guerre.
« La seule indemnité que leur accordent
les règlements est un traitement de table de 300 fr. par mois pour les généraux
de brigade et de 600 fr. pour les généraux de division.
« L’emploi de ce fonds a un but utile et
donc chacun de vous doit reconnaître les avantages.
« Vous commission, messieurs, les a très
bien sentis, et a pensé qu’il eût été convenable de continuer provisoirement
les frais de représentation aux généraux qui ont des commandements dans l’armée.
« Fort de son assentiment et de celui que
j’ose attendre de vous, messieurs, je vous propose de soumettre de nouveau la
décision de cette question aux deux chambres ; mais pressé d’assurer le service
de mon département dès les premier jours de l’année qui va commencer, je me
borne aux considérations que je viens d’exposer, me réservant de demander un
crédit supplémentaire pour faire face à cette dépense de 21,600 fr., que je
persiste à croire ne devoir pas être refusé. »
Ainsi ces frais n’ont pas été payés pendant les
six premiers mois de l’année aux officiers-généraux, excepté les deux qui ont
été au camp, à dater du 1er juin dernier. Ce sont les règlements actuels qui
accordent ces frais de représentation aux officiers-généraux, commandant des
troupes en campagne.
Quant à l’école militaire, il est vrai que je
porte un grand intérêt à ce qu’elle reçoive tout le développement sont elle est
susceptible.
L’école n’a compté que 24 élèves. J’ai
successivement reculé l’époque de ceux qui avaient subi leur examen en mars
dernier, afin qu’ils pussent suivre les cours que j’ai fait préparer.
Le nombre des élèves est bien maintenant de 48.
Il faut nécessairement que les divers cours aient leurs professeurs. C’est pour
ce motif que j’en ai admis deux nouveaux. Les dépenses du premier semestre se
sont montées à 19,610 fr. Je viens d’arrêter le budget pour le second semestre.
Je puis assuré à la chambre que je me renfermerai dans les limites de 48 mille
fr. qu’elle m’a assignées pour l’année.
Cette école répondra à la juste attente que
j’en ai conçue, elle donnera des officiers distingués à notre armée ; les
différentes armes y trouveront des sujets instruits et laborieux, le soin qui a
présidé au choix des élèves en est un sûr garant.
Je viens d’annoncer que je serais en mesure de
donner tous les renseignements désirables sur la diminution du fléau de
l’ophtalmie.
Tous les rapports que je reçois me confirment
dans la conviction que le mal diminue tous les jours davantage. Cependant il
est indispensable de continuer les mesures de précaution prises jusqu’à
présent. J’espère que les nouveaux rapports que j’attends seront de plus en
plus satisfaisants.
Quant au remède de M. Lubin, il est vrai que
j’ai chargé un major de placer dans une maison des ophtalmistes
de différents degrés dont plusieurs très graves. M. Lubin les a traités, et en
15 jours ils ont été tous parfaitement guéris. Aucun d’eux même n’a eu de
rechute. J’en ai parlé aux médecins qui ont prétendu avoir des moyens curatifs
aussi bons que les siens. Je n’ai pas cru devoir prendre sur moi d’apporter des
modifications au système de santé, j’aurais d’ailleurs rencontré trop de
difficultés de la part des officiers de santé.
Le fait des cures heureuses du sieur
Lubin a été constaté.
Quant au taux des retraites, il est vrai qu’un
ancien règlement n’accorde que 288 fr. aux malheureux frappés de cécité. En
attendant une nouvelle loi, je suis obligé de m’en tenir à l’ancien tarif.
La nouvelle loi accorde 365 francs, cela soulagera
un peu leur misère. D’après le projet, toutes les pensions accordées depuis la
révolution sont sujettes à révision. La chambre, dans sa bienveillance pour les
ophtalmistes portera sans doute leur pension au taux
fixé par la nouvelle loi.
M. d’Huart. - Je demande la parole pour faire quelques
observations sur les explications que vient de donner M. le ministre de la
guerre.
D’abord M. le ministre ne nous a pas très bien
expliqué comment il y avait un si grand nombre d’officiers employés dans les
bureaux. Il nous a dit qu’il avait employé des hommes spéciaux à des parties
spéciales. Mais il pas répondu à ce qu’a dit l’honorable M Rodenbach, que des
officiers supérieurs remplissaient des fonctions très inférieures et recevaient,
outre leurs gros appointements, des rations de vivres et de fourrages, tandis
que de modestes employés civils pourraient facilement faire leur travail.
L’honorable ministre de la guerre nous a dit
ensuite, qu’il y avait des règles pour l’avancement dans l’armée, que ces
règles avaient été observées et qu’il ne pouvait pas y avoir eu d’abus, parce
qu’il prenait toutes les précautions possibles. Je ne parlerai pas du mode
d’avancement entre les nationaux, mais permettez-moi d’attirer votre attention
sur un fait qui m’a été signalé. Il est probable que ce fait n’est pas isolé.
Si j’avais pu obtenir des renseignements de tous les régiments, j’aurais
probablement trouvé que ce que je vais signaler pour un régiment se passe dans
d’autres.
Dans le 12ème régiment d’infanterie, quatre
nominations devaient avoir lieu. Eh bien, deux ont été faites en faveur de
Français.
Un jeune homme de l7 à 18 ans est arrivé à ce
régiment en 1832. Dès le jour de son arrivée, il a été fait sergent et même
sergent-major. Une promotion a eu lieu le 31 mai dernier, et ce jeune homme a
été nommé sous-lieutenant. Ce n’était ni sa bonne conduite, ni son aptitude qui
pouvait lui faire conférer cette faveur, car les officiers du bataillon avaient
demandé sa dégradation, et par faveur on s’était contenté de le faire passer
d’un bataillon dans un autre.
Le second était sergent en France depuis deux
ans. On l’a également nomme sous-lieutenant.
C’est là une violation de l’article 6 de la
constitution, bien que la loi du 22 septembre autorise de prendre à l’étranger
le nombre d’officiers nécessaire pour le bien du service, car on ne peut pas
prétendre que des sous-lieutenants étrangers soient utiles pour le bien du
service. Je conçois qu’on prenne des officiers supérieurs qui ont des connaissances
spéciales, une réputation militaire. Mais il n’en est pas de même pour des
sous-lieutenants, et les prendre à l’étranger me paraît inconstitutionnel, me
paraît contraire à l’esprit de la loi du 22 septembre.
S’il n’y a pas de cadets, il y a des volontaires,
ce qui revient au même. M. le ministre de la guerre a dû faire l’aveu que parmi
ces volontaires trois (erratum au
Moniteur belge n°216, du 4 août 1834) qui sont étrangers ont été promus au
grade d’officier. Mes observations se trouvent donc ainsi confirmées.
Messieurs, il est parmi nos compatriotes assez de jeunes gens de famille
capables de se vouer volontairement à l’état militaire.
Les étrangers n’ont pas le droit d’occuper dans
notre armée des grades à l’exclusion des indigènes.
Un objet auquel M. le ministre de la guerre n’a
pas répondu est celui qui est relatif à la mise en régie du service des vivres
de l’armée. Je crois que la chambre doit s’élever contre une semblable
organisation. Ce n’est pas lorsque, toutes les fois qu’il s’agit de dépenses de
matériel, la chambre recommande dans l’intérêt du trésor de l’Etat le système
des adjudications, que nous pouvons nous permettre que l’on dépense des
millions en régie surtout pour des objets qui ne sont pas très saisissables.
Je dirai que j’ai vu avec la plus grande peine
qu’après que la commission chargée de l’examen du budget de la guerre eût
imposé pour condition de l’adoption de ce budget que de nouvelles promotions
dans l’armée de l’artillerie n’auraient pas lieu, M. le ministre a cependant
donné de l’avancement à une quantité d’officiers.
Il ne faut pas se dissimuler que ce qui a causé
le plus grand tort dans le moral de notre armée, c’est que les grades ont été
pour ainsi dire dilapidés. Attendez que nos officiers aient fait quelque chose
de positif, qu’ils aient rendu des services réels pour les récompenser. S’ils
ont rempli les devoirs que leur imposait le rang qu’ils occupent dans la
hiérarchie militaire, ils n’ont fait que ce que l’on attendait d’eux, ils n’ont
pas mérité l’avancement extraordinaire qu’on leur a donné. Attendez qu’ils
aient fait leurs preuves sur les champs de bataille, et ne leur donnez des
épaulettes que quand ils les auront véritablement gagnées.
J’aurai de plus à vous entretenir, messieurs,
d’une affaire de comptabilité. Il s’agit de sommes avancées par l’Etat aux
différents corps de l’armée. Il y a eu à cet égard une négligence
extraordinaire. Je me suis rendu à la cour des comptes où l’on m’a donné sur
cet objet des renseignements positifs. Si je vous disais que la somme due à
l’Etat par les différents corps de l’armée s’élève à 6,397,000 fr., il me
semble que depuis 4 ans, l’on aurait eu le temps d’apporter un peu d’ordre dans
l’administration de la guerre et exiger de chaque corps les sommes qu’il doit
au trésor ou du moins ne pas en avancer de nouvelles. Ce qui résultera de ce
gaspillage, c’est que certains régiments seront véritablement en état de
faillite. Il en est un qui doit à l’Etat 433,749 fr. Il en est un autre qui
doit jusqu’à 513,252 fr. C’est le 8ème de ligne. Comment voulez-vous qu’il puisse jamais acquitter des dettes aussi élevées ?
Messieurs, le défaut principal de cette marche
de l’administration, c’est que les intendants militaires se montrent trop
faciles dans l’approbation des ordonnances de paiement au profit des chefs de
corps. On en délivre quelquefois qui montent de 10,000 à 100,000 fr. C’est
énorme ! Que l’on se donne au moins la peine de voir si ces sommes sont
nécessaires. Ce sont des recherches que l’on ne fait jamais.
Il est un objet du même genre qui reste
également en souffrance. Les agents du matériel d’artillerie à Liége sont
crédités d’une somme de 1,380,000 florins depuis 1831.
Pressé par la cour des comptes, ils n’ont
envoyé à ce corps un compte des sommes dont ils sont redevables à l’Etat qu’au
mois de février dernier. Encore ce compte était-il si incomplet, que la cour
des comptes s’est vue dans la nécessité de le renvoyer le 28 mars, afin
d’obtenir des renseignements plus positifs. Ainsi, vous voyez quelle sommes
considérable est due à l’Etat dans une seule place de guerre. Une autre somme,
également considérable, reste en souffrance, et celle-ci est due par un simple
garde d’artillerie ou du génie. Elle monte à un total de 153,788 fr. Comment
voulez-vous que l’on confie à un simple sous-officier une avance aussi
considérable ? Aussi n’a-t-il pas encore rendu compte de l’emploi de ces fonds.
Je me suis également informé du produit de la
vente des objets d’habillement et de matériel mis hors de service. A la vérité,
plusieurs sont renseignés à la cour des comptes de ce chef. Mais elles m’ont
paru ne pas représenter la valeur véritable des objets vendus. Il est permis de
douter que la vente du rebus provenant du matériel d’une armée de 130,000
hommes ne fournisse pas des retours plus considérables.
Je me permettrai de vous parler d’une mesure
prise par le ministère de la guerre. La chose est assez importante pour que
l’on ne me reproche pas de chercher à faire de l’administration dans le sein de
cette assemblée.
Un sieur Duysters, de
Lierre, a offert d’approprier un logement pour 800 hommes d’infanterie dans le
bâtiment d’un ancien couvent à des conditions extrêmement onéreuses pour
l’Etat. Le prix de location pour 5 années (car le bail est de 5 ans) est de
5,544 fr. par trimestre (marques d’étonnement), ce qui fait 22,176 fr. par an
et 110,880 fr. pour les 5 années. Ce n’est pas tout : le gouvernement s’est
réservé la faculté de continuer à louer ce bâtiment ou d’en faire
l’acquisition. Dans le cas d’acquisition l’Etat paierait un somme une fois
donnée de 67,000 francs. Ainsi, si l’Etat achetait le bâtiment, il aurait
dépensé pour une vieille caserne une somme de 177,880 fr. !
Vous conviendrez que de pareils arrangements
sont par trop onéreux pour le trésor.
Il est un autre objet sur lequel j’appellerai
l’attention de la chambre, la fourniture des chevaux pour les remontes
d’artillerie et de cavalerie. Cette année on a livré une certaine quantité. Ces
chevaux ont été fournis par des marchés de main ferme. J’ai voulu voir si le
mode d’adjudication tant prôné par la chambre était préférable à ces sortes de
marchés. J’ai acquis la conviction que les achats de chevaux par voie
d’adjudication sont préférables dans l’intérêt du trésor.
Je vous prierai de remarquer qu’en 1833 les circonstances
avaient rendu les chevaux beaucoup plus chers qu’ils ne le sont maintenant.
Le 15 mars 1834, le sieur Cool, dit Chou, a
fourni pour la grosse cavalerie deux cents chevaux, à raison de 660 fr. par
cheval.
La différence est donc de 40 fr. par cheval, et
cependant les conditions étaient les mêmes. Le même Cool a fourni cent chevaux
à 640 fr. par cheval pour le corps des guides, et sept cents chevaux à 500 fr.
par cheval pour un autre corps ; mais, ne possédant pas de points de
comparaison, je n’ai pu m’assurer si ces derniers marchés étaient onéreux pour
le trésor.
En 1833, le sieur Cousin a fourni 600 chevaux
pour la cavalerie légère à raison de 488 fr. par cheval. (Erratum au Moniteur belge n°216, du 4 août 1834) En 1834, il en a
fourni 500 à 530 francs par cheval, ce qui fait une différence en plus de 42
fr. par cheval.
Encore faut-il remarquer que les conditions
étaient plus favorables au fournisseur dans le dernier marché. On lui a accordé
80 jours pour livrer sa fourniture. En 1833 il ne lui avait été donné que 40
jours. De plus, j’ai des doutes sur un article du nouveau marché. Il y est dit
que tous les droits à payer, sauf les frais de douane, seront à la charge du
fournisseur. Cette exception, en faveur du fournisseur, n’était pas, que je sache,
stipulée dans les premiers marchés.
A l’égard des chevaux dont je veux parler, M.
le ministre de la guerre me fera une objection tirée des appréhensions de
guerre où nous étions. Il était, dira-t-il, impossible de procéder à des
adjudications de chevaux étrangers ;
Au reste, je ne veux parler que des chevaux
indigènes : en 1833 le sieur Boly a livré 400 chevaux, ayant la taille requise,
au prix de 373 fr.
En 1834, le 29 mars, il a été livré 400
chevaux, le même nombre, au prix de 419 fr.
Différence pour chaque cheval : 46 fr.
Qu’on explique cette différence, je ne la
conçois pas, surtout lorsqu’il est à la connaissance de tout le monde que les
chevaux étaient plus chers en 1833 qu’en 1834. Cette différence pour les achats
de chevaux qui ont été faits, je l’ai calculée ; elle s’élève à plus de 47,000
fr. Malheureusement cette somme est perdue. Pourquoi n’a-t-on pas fait cette
année comme en 1833 ?
Vous le voyez, messieurs, et je le dis avec
peine, tandis que dans les autres ministères, on rogne 100 fr. sur le
traitement d’un malheureux employé, au ministère de la guerre on jette les
deniers de l’Etat.
J’ai une dernière demande à faire à
M. le ministre de la guerre relativement au boni des hôpitaux provenant de la
retenue de la solde des militaires malades qui y sont admis. Je n’examinerai
pas la question de savoir jusqu’à quel point il est juste de priver ces
militaires de leur solde qui est en quelque sorte leur propriété ; je me
bornerai à demander comment on rend compte de ce boni et ce qu’il devient.
J’ai cherché inutilement des renseignements à
cet égard à la cour des comptes.
Je bornerai là mes observations que j’aurais pu
étendre davantage. J’ai signalé de graves abus. Je pense que M. le ministre les
prendra en sérieuse considération.
M. le
ministre de la guerre (M. Evain) - Je répondrai autant que ma mémoire me le
permettra, aux observations de l’honorable préopinant.
Je commence par déclarer que tous les régiments
de l’armée ayant été successivement formés en 1830 et 1831, il a fallu que
l’Etat fît l’avance des fonds nécessaires pour l’habillement et l’équipement
militaire de chacun d’eux. Cette dépense peut être calculée à 100 fr. par homme
; et comme il a passé 150,000 hommes sous les drapeaux, cela fait une somme de
15 millions.
Lorsque je suis entré au ministère de la
guerre, sur cette somme les corps devaient encore 10 millions ; j’ai fait
exercer des retenues sur la solde des militaires. Car si les corps doivent à
l’Etat, les soldats doivent aux corps, et la valeur des magasins représente
d’ailleurs une partie de la dette.
Au 1er janvier 1834, les sommes dues par les
corps au lieu de s’élever à 10 millions, ne montaient plus qu’à 6 millions. En
1833, les retenues se sont élevées à 2,800,000 fr ;
dans le premier trimestre de 1834 elles ont produit 341,000 fr. ; j’ai tout
lieu de croire que dans le second trimestre, en raison du nombre plus
considérable d’hommes que nous avons sous les drapeaux, elles ne s’élèveront
pas à moins de 500,000 fr.
Je pense que dans deux ans les corps seront
entièrement libérés ; quelques-uns déjà ne doivent plus rien, d’autres des
sommes très faibles. Il en est, j’en conviens, et notamment ceux qu’à cités M.
d’Huart, qui doivent encore des sommes considérables ; c’est sur ces corps que
je fais exercer les plus fortes retenues. C’est au reste une ressource de l’Etat
; c’est un arriéré à reprendre sur les corps, et dont ils se libéreront
successivement par les retenues et les allocations à la masse d’entretien.
Autant que j’ai pu saisir l’observation, on
s’est plaint de la non-justification de la dépense d’un million faite pour
achat d’armes par les officiers de la manufacture d’armes de Liége. Depuis 1832
que dure cette affaire, elle n’est pas encore liquidée. Les achats avaient été
faits, en 1831, en Angleterre, en Allemagne. Il y a eu quelques difficultés ; il
a fallu envoyer des officiers sur les lieux pour régler les comptes, pour
dresser les états. Les états ont été envoyés à la cour des comptes, la
liquidation est maintenant soumise à son approbation.
Cette affaire est d’ailleurs totalement
étrangère à mon administration, je crois pouvoir assurer qu’elle est
aujourd’hui entièrement régularisée.
Quand aux gardes d’artillerie, ils sont
directement comptables envers la cour des comptes, et je dois déclarer qu’à
l’exception de celui qu’on a cité, tous en 1831, 1832 et 1833, ont exactement
rendu leurs comptes qui ont reçu l’approbation de la cour des comptes.
Je viens au boni des hôpitaux. Cette
administration perçoit la solde des soldats qui s’y trouvent. Ce boni existe
non dans la caisse des hôpitaux mais dans la caisse des corps. Cette
comptabilité est très bien tenue.
Les hôpitaux ont deux espèces de recettes ; ils
ont 100,000 fr. pour les médicaments, puis le montant des traitements des officiers
de santé. Les hôpitaux reçoivent directement du trésor des mandats pour ces
deux dépenses auxquelles ils en font l’application. A la fin de chaque omis les
hôpitaux dressent des états des militaires malades, reçoivent la solde de ces
hommes qu’ils appliquent aux dépenses de l’établissement, blanchissage, etc.
Ces comptes sont vérifiés et ensuite arrêtés et approuvés au ministère de la
guerre,
Lorsqu’il y a un boni à la fin de l’année, il
est reporté sur l’exercice suivant ; ainsi le boni est déposé dans les caisses
des corps, et reste disponible.
M. d’Huart. - Je suppose qu’il y ait un boni, qu’en
fait-on ? que devient-il ? Qui reçoit des mandats sur
le boni qu’il y a dans les caisses ?
M. le ministre
de la guerre (M. Evain) - Les bonis sont reportés sur l’année suivante parce que cette
comptabilité n’est pas tenue par exercice et n’est pas soumise à la
vérification de la cour des comptes.
M. d’Huart. - Voilà ce que je voulais savoir.
M. le
ministre de la guerre (M. Evain) - On a relevé les prix auxquels avaient été
passés les marchés pour achats de chevaux des cuirassiers. En 1833, ils ont effectivement
coûté moins cher qu’en 1833. Les fournisseurs me déclarèrent qu’à ce prix il
était impossible de fournir des chevaux qui pussent satisfaire la commission de
réception. Cette circonstance m’a décidé à augmenter les prix des chevaux pour
les cuirassiers.
Quant aux chevaux de cavalerie légère, le prix
en a aussi augmenté, et voici comment : Je tirais d’abord les chevaux de
l’Allemagne qui en demandaient 60 jours pour les livrer au prix de 488 fr.,
minimum auquel on soit arrivé.
Ils avaient coûté :
530 fr. en 1832,
500 fr. en 1831.
Dans les nouveaux marchés que j’ai passés, j’ai
exigé pour la cavalerie légère tous chevaux venant du Danemark, on m’a demandé
20 jours de plus pour les livrer. On a fait valoir que chaque cheval coûtait 1
fr. 50 c. par jour, ce qui fait 30 fr ; Il y a en outre 12 fr ; de droits à la
sortie du Danemarck, cela fait 42 fr. en plus. J’ai
mis pour condition expresse que ces chevaux vinssent du Danemarck.
J’ai chargé un officier prussien qui se connaît fort bien en chevaux, d’être
présent à leur réception ; et le prix n’en a été payé qu’après qu’il a été
constaté qu’ils viennent bien du Danemarck.
Tous les chevaux achetés en Danemarck
sont de meilleure qualité.
Quant à nos chevaux d’artillerie, il est très
vrai qu’un entrepreneur avait fait une soumission pour le prix de 375-99 fr. ;
mais ensuite cet entrepreneur m’a déclaré que ce prix était le résultat d’une
erreur, et que son prix véritable était de 393-99 fr. ; le marché a donc été
révoqué, et si je consulte ce qui a eu lieu en 1833, je vois que cette année
nous avons payé les chevaux fr. 432 et 444.
Pour les marchés de chevaux d’artillerie, j’ai
chargé l’inspecteur-général d’établir la concurrence du prix entre les
marchands qui s’étaient présentés et j’ai approuvé le marché conclu avec l’un
d’eux, au prix de 419 fr.
J’ai acheté dans l’espace de 8 ans 82,000
chevaux en France, et j’ai presque toujours préféré de contracter directement
avec les fournisseurs qui avaient les moyens de faire de bonne fournitures,
plutôt que d’exposer le service aux chances acquisitions publiques où souvent
des hommes sans moyens et qui ne cherchent qu’à faire des affaires, ne sont pas
en état de remplir leurs engagements et compromettent ainsi le service.
Cette année, la commission des remontes a reconnu
que jamais les fournisseurs de chevaux n’ont mieux rempli les conditions de
leur marché ; j’ai cru devoir payer un peu plus cher, pour avoir de meilleures
fournitures, et cela dans l’intérêt même de l’Etat.
Quant à ce qui concerne la régie des vivres, je
dirai qu’on a présenté des projets à cet égard, mais que je les ai toujours
repoussés.
A la fin de mars, alors que l’armée devait se
disposer à entrer en campagne, j’avais pris des mesures pour avoir au besoin,
un entrepreneur général du service des vivres de campagne.
Mais au mois d’avril, ne jugeant plus la chose
nécessaire, je n’ai pas cru devoir organiser cette entreprise et je me suis
borné à faire fournir les vivres de campagnes aux trois camps établis au mois
de juin dernier.
Depuis longtemps, on se plaint de la mauvaise
qualité du pain fourni à l’armée ; cette mauvaise qualité est la suite de
tripotages dans les marchés qui ont été passés. Les entrepreneurs, qui ont pris
l’entreprise fournissent la ration de pain pour chaque soldat, c’est-à-dire une
libre et demie, pour 7 et 8 centimes, tandis qu’il est prouvé que cette ration
pour être de bonne qualité doit être de 11 centimes.
J’ai
l’intention l’année prochaine de faire boulanger dans le corps, ainsi que cela
se faisait sous l’ancien gouvernement dans les dernières années. Si nous
entrons en garnison, ce sera le meilleur mode de fabrication à adopter ;
j’étudie à cet égard tous les détails de cette mesure, je ne la prendrai qu’à
bon escient, s’il y a intérêt pour l’Etat, et si les intérêts des corps ne sont
pas compromis.
Quant au personnel, je puis assurer que je n’ai
aucune connaissance de ce fait relatif aux deux jeunes gens dont on a parlé ;
j’ignore s’ils étaient Français. Je sais qu’il y a eu quatre sergents qui ont
été faits lieutenants, mais je n’ai pas appris que parmi eux il y eût un homme
français de 17 ans.
M.
le ministre des affaires étrangères (M. F. de Mérode) -Je viens appuyer ce que vient de
dire M. le ministre de la guerre relativement aux fournitures par adjudication
publique. Par ce mode d’adjudication on fournit à meilleur marché, mais ce qui
en résulte, c’est qu’on fournit toujours ce qu’il y a de plus mauvais. Cela est
arrivé pour le transport des postes. il y avait
autrefois de très bonnes voitures pour le transport des lettres de Bruxelles à
Mons ; depuis qu’on a adopté le mode d’adjudication publique pour cet objet,
les voitures de transport sont détestables. Je suis persuadé aussi que les
chevaux que M. le ministre de la guerre a achetés, ont été fournis à meilleur
marché que ceux qui ont été fournis précédemment.
A l’égard des nominations faites en faveur de
quelques jeunes gens appartenant à la nation française, ces nominations sont
peu de chose, et il me semble que sur ce sujet nous ne devons pas montrer tant
de susceptibilité.
On a élevé au grade d’officier deux ou trois
sous-officiers français dont la conduite était bonne ou mauvaise, je n’en sais
rien ; mais, quoi qu’il en soit, ces jeunes gens ont peut-être été recommandés
par des officiers supérieurs français servant dans notre armée. Eh bien, ce
sont des faveurs que l’on accorde à des hommes qui se trouvent dans une
position élevée et qui ont rendu de grands services.
Je crois
à cet égard qu’il y a plus d’inconvénient à signaler les prétendus abus dont on
s’est plaint que de n’en point parler. Nous avons dans l’armée des officiers
qu’on appelle étrangers. Je ne sais ce que signifie une pareille dénomination.
Ces officiers portent la cocarde belge, et tous ceux qui portent la cocarde belge
sont Belges.
Je crois qu’il ne faut pas s’occuper des abus
relatifs à une nomination qui concerne une nation dont nous avons besoin et qui
nous a fourni un concours utile. -
M. de
Brouckere. - Je demande la permission de faire une interpellation d’une
haute importance à M. le ministre de la guerre.
Il se trouve dans l’armée un assez bon nombre
de volontaires qui se sont engagés pour un temps déterminé. Ce temps expiré, la
plupart de ces jeunes gens, ou leurs parents pour eux, se sont adressés au
ministre de la guerre et ont demande un congé que ces volontaires devaient
obtenir de plein droit parce que le temps de leur engagement était expiré. Il y
a eu réponse uniforme pour toutes ces demandes, c’est que le bien du service
empêchait d’accorder les congés.
Je demanderai en vertu de quelle loi on retient
sous les armes des individus qui se sont engagés volontairement pour un temps
déterminé, alors que ce terme est expire.
M. le ministre de la guerre (M. Evain) - Il y a effectivement un assez
grand nombre de volontaires dont l’engagement est expiré. J’ai donne des
instructions secrètes aux différents chefs de corps, pour qu’ils me
présentassent la liste des volontaires dont la présence est absolument réclamée
chez eux. J’accorde des congés définitifs aux volontaires, avec assez de
difficultés, pour ne point rendre nos cadres incomplets, et je n’ai point voulu
prendre des mesures générales, par la raison que ce serait priver l’armée de
bons soldats. Les miliciens de 1826, de 1827 et 1828, ont aussi terminé leur
temps, mais comme la loi ne parle de renvoi au bout de 5 ans qu’en cas de paix,
le gouvernement a inféré de là qu’en temps de guerre, il n’y a pas lieu à
renvoyer la milice dont le temps était expire, et cette mesure a été aussi
appliquée aux volontaires.
M. de Brouckere.
- Je suis fâché que l’armée perde de bons soldats, mais je dois le déclarer,
les explications de M. le ministre ne m’ont pas satisfait.
Il y a entre le gouvernement et les volontaires
un contrat à l’observation duquel le gouvernement est tenu aussi bien que le
volontaire qui s’engage. Un volontaire prend l’engagement de servir pendant un
temps déterminé, aucune loi ne permet à l’administration de la guerre de le
retenir après que ce terme est expiré. S’il en est autrement, on viole le
contrat, car c’est bien en effet un contrat qui a été passé entre le
gouvernement et le volontaire.
Je demanderai à M. le ministre, en cas qu’un
volontaire désertât après son engagement expiré, s’il oserait le poursuivre
comme déserteur. je pense qu’il n’est aucun tribunal
qui voudrait condamner dans cette occasion.
Relativement à la milice de 1826 et
de 1827, bien qu’elle ait terminé ses 5 ans de service, le gouvernement est en
droit de la retenir sous les armes, en vertu de la loi ; mais il n’en est pas
de même relativement aux volontaires. Il n’est aucune loi qui permette de
violer un contrat, et des volontaires qui se sont engagés pour deux ans ne
peuvent être exposés à servir 12 ou 15 ans, sous prétexte qu’il ne faut pas
perdre de bons soldats. Une pareille marche n’est suivie dans aucun pays. Je
demande à M. le ministre de la guerre qu’il veuille bien régulariser cette
partie de son administration et qu’il donne aux volontaires le conge auquel ils
ont droit.
S’il est
une loi sur laquelle le ministère s’appuie, je demanderai qu’on la montre, à
moins que dans la chambre mon avis ne trouve des contradicteurs, j’y persisterai.
M. le
ministre de la guerre (M. Evain) - Je prendrai des informations sur les
engagements volontaires, et je ferai connaître les motifs des décisions qui ont
été prises.
M. Dumortier.
- Il me semble que le ministre de la guerre n’a pas suffisamment répondu
relativement aux sommes considérables remises entre les mains des gardes de
l’artillerie. C’est un usage, dit-on, de leur remettre ces sommes ; cet usage
me paraît mauvais. Des capitaux considérables ne peuvent être qu’entre les
mains de personnes qui offrent beaucoup de responsabilité.
Quant à l’ophtalmie, c’est avec raison que M.
A. Rodenbach vous a fait entendre ses observations : une expérience a été faite
par le sieur Lubin sur dix malades, tous ont été guéris ; pourquoi, dans
l’armée entière n’emploierait-on pas un remède d’une infaillibilité aussi
incontestable, surtout lorsqu’il s’agit d’une question d’humanité en même temps
que d’une question pour le trésor public ? Nous ne devons pas nous en rapporter
à la ridicule vanité de quelques médecins qui ne veulent pas qu’on guérisse les
malades parce qu’on n’a pas, comme eux, un morceau de parchemin, parce qu’on
n’a pas été, comme eux, reçus summa cum laude.
Je demande que le ministre donne les ordres
pour qu’on mette de côté la ridicule prétention des médecins et pour qu’on
traite les hommes qui ont une maladie de manière à ce qu’ils soient guéris.
Je me plais à croire que notre armée est animée
du meilleur esprit ; elle est très belle ; elle est prête à rendre des services
à l’Etat : cependant pourquoi faisons-nous des dépenses aussi énormes quand la
majeure partie de cette armée reste dans des garnisons près des frontières de
France ? Une armée près des frontières françaises est une chose de luxe. On
devrait se borner à avoir près de
On reproche au ministère actuel et aux chefs de
notre armée de ne pas entretenir parmi les troupes ce feu sacré qu’y avait
allumé le général Desprez ; nous ne voyons plus de
grandes manœuvres faites par notre armée : tandis que les Hollandais font
chaque jour promener des divisions toutes entières près de nos frontières,
nous, nous promenons quelques compagnies, qui vont fatiguer les citoyens pour
les logements.
Je ne crains pas une guerre avec
J’ai particulièrement des reproches très graves
à faire sur le personnel de l’armée. Ces reproches ne s’adressent pas au
général Evain seul. Je parlerai d’abord de la partialité trop forte que l’on
montre envers les étrangers. Le gouvernement a eu fortement raison d’appeler
des officiers supérieurs à la tête de notre armée ; mais quant aux officiers
inférieurs, aux sous-lieutenants, nous n’en avons pas besoin.
Je parlerai ensuite de la manière révoltante
dont on traite nos volontaires et les officiers qui ont dénoncé la conspiration
du mois de mars. Les officiers qui ont pris part à la conspiration ont reçu de
l’avancement tandis que ceux qui ont fait connaître de coupables manœuvres
contre l’Etat ne peuvent en obtenir. C’est un bruit répandu dans l’armée ;
pourquoi donne-t-on lieu à de semblables reproches ?
Je pourrais citer un officier qui se trouvait
faire partie de l’armée belge à la fin de septembre, qui, alors qu’il
n’existait aucun corps de cavalerie en Belgique, commandait un escadron qu’il
avait formé, qui prit part à toutes les affaires ; il se vit descendre d’un
grade malgré ses connaissances étendues, pour avoir dénoncé au régent une
conspiration. De commandant d’escadron qu’il était, on le fit descendre au grade
de simple capitaine, et il n’a jamais pu obtenir justice. On voit au contraire
ceux qui ont pris part à cette conspiration obtenir un avancement rapide. C’est
un abus scandaleux. J’invite M. le ministre à le faire cesser.
Il est également à ma connaissance que deux
officiers qui, le 23 septembre, firent le coup de fusil, rue de Louvain, contre
les Hollandais, qui prirent ensuite une très grande part à toutes les affaires
des campagnes de 1830 et 1831, qui firent partie du bataillon de
Il semble qu’on leur reproche comme une faute
de discipline la part qu’ils ont prise à notre révolution. J’aime à croire que
M. le ministre est étranger à ces faits, et je les lui signale de bon cœur,
afin qu’il puisse y porter remède.
Il est une autre partialité dont la garde
civique est victime. Tandis qu’on accorde les vivres de campagne aux officiers
supérieurs en disponibilité, pour les chevaux qu’ils doivent avoir dans le cas
où ils seraient rappelés, on les a retranchés aux officiers supérieurs de la
garde civique qui sont obligés de conserver également leurs chevaux, sans
recevoir d’indemnité. La garde civique a rendu d’aussi grands services que la
ligne. Cependant on distribue avec profusion les croix aux officiers de l’armée
et on n’en a donné que deux ou trois à la garde civique. Cependant elle a bien
mérité du pays.
Je pourrais citer tel industriel qui, par amour
pour la patrie, a abandonné un établissement de 3 ou 400 ouvriers, et est resté
pendant trois ans dans les situations les plus périlleuses. On ne lui a pas
donné la moindre récompense. Je prie M. le ministre de ne pas ainsi négliger
les hommes de la révolution. Si un jour on devait encore en venir aux mains
avec nos ennemis c’est sur ces hommes seuls qu’on pourrait compter. Le
gouvernement pourra en avoir besoin, il ne doit donc pas se les aliéner.
On parle de dilapidations. Il est incontestable
qu’elles ne sont que trop réelles. Sur plusieurs points, il est des économies à
faire. On nous a distribué le budget, nous avons pu voir que la dette flottante
est portée à 25 millions. Il ne faut pas diminuer les contributions, ce serait
imprudent ; mais il faut appliquer les économies à la réduction de la dette,
qui, si nous n’y prenons pas garde, finira par être une dette constituée.
Je suis forcé de voter pour les crédits
demandés parce qu’en définitive il faut que nous ayons une armée.
J’espère que M. le ministre fera cesser les
abus que je viens de désigner.
- La séance est levée à 4 heures et demie.