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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du dimanche 23 mars 1834
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Motion
d’ordre relative aux mouvements de l’armée hollandaise (Frison,
d’Huart, Rogier)
3) Projet de loi relatif au chemin de fer. (A : utilité du chemin de fer
(notamment pour le commerce de transit avec l’Allemagne) ; B : tracé du chemin
de fer ; B+ (idem (au détriment de la province du Hainaut et/ou de ses mines de
charbon)) ; C : mode d’exécution du projet (initiative privée ou publique) ; D
: coût et rentabilité ; E : liaison avec le chemin de fer prussien) (C, B+
(Zoude), C (de Puydt), A, C, B+ (Jullien), C (de Man d’Attenrode, Desmanet de Biesme, Desmet, (+B+) Angillis), (+péages sur les canaux du Hainaut) (de Robaulx), D et produit des barrières (d’Huart, (+C et B+) Rogier), B+ (Gendebien, Rogier), C (Jullien, Devaux, Davignon, A. Rodenbach, (+B+) Dumortier, Trentesaux, Gendebien, Rogier)
Moniteur belge n°84, 25 mars 1834)
(Présidence de M. Raikem)
M.
de Renesse fait l’appel nominal à midi et demi.
M. Dellafaille lit le procès-verbal de la dernière séance ;
la rédaction en est adoptée.
M.
de Renesse fait l’analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Trois habitants de
Liége, possesseurs de los-renten dénoncés avant le 1er octobre l830, déclarent
adhérer à la pétition adressée à la chambre par vingt-et-un porteurs de ces
obligations qui réclament le paiement des intérêts échus depuis le 1er octobre
1830. »
- Cette pétition est
renvoyée à la section centrale chargée de l’examen de la question des
los-renten.
__________________
« Plusieurs habitants de
la commune de Moll demandent que, dans la nouvelle circonscription des justices
de paix, le chef- lieu cantonal soit conservé à cette communes. »
___________________
« Plusieurs
notaires de Courtray réclament contre le projet de loi sur les nouvelles
circonscriptions des justices de paix, qui apporte en même temps des
changements notables au notariat. »
___________________
« La régence de Theux
demande que ce bourg soit rétabli chef-lieu qui porte aujourd’hui le nom du
canton de Spa. »
___________________
« Les notaires de
Hasselt adhèrent à la requête de la chambre des notaires de Bruxelles contre le
projet de loi relatif à la circonscription des justices de paix. »
___________________
- Ces pétitions sont
renvoyées à la commission chargée de l’examen du projet de loi sur la
circonscription des justices de paix.
M.
Frison. - Je demande la parole pour une motion d’ordre très
courte.
M.
le président. - Est-elle relative à la loi en discussion ?
M. Frison. - Non, M. le
président ; je désirerais adresser quelques interpellations à M. le ministre de
la guerre ; je voudrais, par conséquent, qu’il fût requis de se présenter
dans l’assemblée ; mais si la chambre ne juge pas nécessaire d’interrompre la
discussion, je consens à attendre jusqu’à demain.
M. d’Huart. - Je ne sais pas quel est l’objet de la
motion de M. Frison ; mais j’ai lieu de penser qu’elle concerne les mouvements
des troupes hollandaises ; il me semble qu’il n’est pas possible d’ajourner à
demain les renseignements dont nous avons besoin. Que M. le ministre de la
guerre vienne nous dire que toutes les mesures sont prises en cas d’attaque,
qu’il vienne rassurer le pays, c’est tout ce que nous lui demandons.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Mais puisque M. Frison,
lui-même, consent à remettre à demain son interpellation, il est inutile, ce me
semble, d’insister.
M.
le président. Je ne puis
requérir la présence d’un ministre qu’en vertu d’un décision de la chambre. Je
mets aux voix la proposition de M. Frison.
Puisque personne ne se
lève contre, la proposition est adoptée. En conséquence, M. le ministre de la
guerre sera requis de se rendre demain à la séance.
Discussion des articles
Article 3
M.
le président. - Suivant la proposition faite hier par M.
Dumortier et adoptée par la chambre, nous devons délibérer sur l’article ou sur
la question de savoir si le chemin en fer sera exécuté par concession par le
gouvernement.
M.
Zoude. - Peu d’orateurs ont contesté l’utilité de la route en
fer ; c’est vers son mode d’exécution que les attaques ont été principalement
dirigées.
Les partisans de la
concession ont prétendu que le gouvernement dissimulait la hauteur de la
dépense, tandis qu’il en exagérait le produit.
Ils ont ensuite fait
naître des craintes sur les embarras que
Un honorable député a
dit encore que
Nous avons eu une
esquisse des douleurs d’une concession, lorsqu’on a sollicité, il y a à peu
près un an, l’exploitation de la route d’Anvers à Bruxelles : c’était le
précurseur des conditions que l’association nous imposerait pour celle de
Cologne.
Mais nous n’en sommes
pas aux essais de concession : un événement tout récent nous a rappelé
l’existence d’une canalisation entreprise aux risques et périls des
concessionnaires avec renonciation à toute indemnité ; et cependant cette
entreprise, dont la rétrocession a été offerte au gouvernement de Guillaume en
1830, pour la somme de 4 millions de florins, pourra bien en conter aujourd’hui
8 ou 9 à la nation, si le gouvernement est condamné en appel à subir les
exigences des concessionnaires.
Un autre canal, celui
d’Antoing, après avoir été ouvert pendant dix-huit mois, écrasait à tel point
le commerce par la hauteur de son péage, que le gouvernement fut forcé à
racheter pour trois millions ce qui avait coûté en deux aux entrepreneurs.
Un troisième canal,
celui de Charleroy, est à peine livré à la navigation depuis un an ; il a coûté
4,350,000 florins, et déjà s’élève une réclamation de près 11 cent mille francs
pour travaux extraordinaires, et si par des circonstances quelconques le rachat
en était nécessaire, l’indemnité que réclameraient les concessionnaires ne
serait pas moins de 5 millions de francs, et le cas se présentera lorsque vous
accorderez un embranchement en fer à Charleroy.
Je pourrais vous parler
encore d’une autre concession, celle du canal de Meuse et Moselle, dont
l’invention sera toujours un monument de gloire pour son auteur : les travaux
de ce canal sont totalement abandonnés ; ils eussent cependant été continués
par le gouvernement, si cette entreprise n’avait encore été l’objet d’une
concession.
Cette canalisation,
messieurs, réveille de pénibles souvenirs chez un député du Luxembourg, et vous
lui pardonnerez s’il vient avec le sentiment d’une profonde douleur vous
retracer les sacrifices que sa province a faits à la cause nationale en offrant
en holocauste sur l’autel de la patrie ses intérêts matériels et une partie de
ses intérêts moraux.
En effet, sans les
événements de la révolution à laquelle nous nous sommes franchement et
énergiquement associés, ce canal, qui eût figuré parmi les créations les plus
gigantesques du siècle, serait maintenant livré à la navigation sur une étendue
de 60 lieues ; plusieurs routes auraient été construites, et l’éducation de nos
enfants aurait continué à être soignée. Eh bien, pour prix de notre dévouement,
c’est en vain que nous avons sollicité un léger subside pour une route
seulement, il nous a été refusé ; nous avons exposé la situation périclitante de
nos collèges, et au nom des principes, comme s’il en existait d’antres que ceux
d’une justice éternelle nos enfants ont été sevrés du pain de l’instruction.
Je me hâte d’abandonner
ce champ de douleur, et je reviens à la question ; et sans chercher davantage
des exemples pour prouver les abus des concessions, je me bornerai à vous
rappeler ce que l’expérience de tous les jours nous apprend, c’est que si, dans
l’accomplissement d’un marché, il se présente une difficulté imprévue, il faut
des indemnités à l’entrepreneur ; mais s’il arrive des économies qui ont
échappé à la prévoyance, ce n’est pas la nation qui en profitera : les charges
lui sont réservées, et les bénéfices aux concessionnaires.
On nous cite
l’Angleterre pour l’école modèle du système des concessions ; mais on a dû
convenir que, nulle part en Europe, les droits sur les canaux et les chemins de
fer n’étaient aussi élevés qu’en Angleterre : on a expliqué cette élévation par
les prix comparés de la main-d’œuvre et des matériaux avec ceux d’autres pays,
mais le droit n’en est pas moins pesant sur le commerce.
On a dit aussi que
l’élévation dans la valeur des actions, qui, pour les routes de quelque
importance, est hors de toute proportion avec le taux de leur création, était
la preuve que le but de la route, celui de l’extension du marché, avait été
obtenu. Mais l’honorable membre voudra bien convenir que si l’on atteignait le
même but avec un moindre droit, le commerce en serait plus prospère encore, et
que si l’on pouvait obtenir un péage pour les simples frais d’entretien de la
route, on procurerait alors au marché toute l’extension dont il serait
susceptible. Eh bien, le gouvernement peut seul, après l’amortissement du
capital, borner le péage aux frais d’entretien, tandis que c’est alors que le bénéfice
commence principalement pour le concessionnaire.
Il y a plus, c’est que
le gouvernement peut réduire le péage et même y perdre sans nuire au trésor,
parce qu’une route qui prospère augmente la valeur du terrain qu’elle parcourt,
y favorise l’accroissement de population, y multiplie les impôts et procure
ainsi de nouvelles ressources au revenu public.
Et plus, s’il est vrai
que le commerce du Hainaut ait besoin d’être protégé pour soutenir la
concurrence avec celui de Liége, n’est-ce pas dans l’entreprise par le
gouvernement qu’il doit trouver la protection qu’il réclame ? et le
gouvernement n’a-t-il déjà pas montré de la sympathie pour cette province,
lorsqu’il a réduit sa redevance annuelle de 150,000 francs sur le canal d’Antoing,
et de 30,000 florins sur celui de Charleroy ?
Mais est-il bien vrai
que le Hainaut ait créé tous ces canaux et ces routes qui lui assignent le
premier rang parmi les provinces industrielles du royaume ? Je suis porté à
croire qu’il en est ainsi pour l’arrondissement de Mons, et les renseignements
fournis par l’honorable M. Gendebien ne me laissent plus de doutes à cet égard.
Mais il en est tout
autrement pour le district de Charleroy. C’est la nature qui a doté celui-ci de
C’est aux états de
Hainaut et de Brabant, auxquels son district houiller était étranger alors,
qu’il doit cette route de Bruxelles, la plus fréquentée du royaume avant le
canal, et peut-être encore depuis ; route qui lui a ouvert les marchés de
Bruxelles, Malines, Anvers et d’une partie des Flandres.
Le pavé de Fleurus, qui
lui a livré tout le plat pays entre Namur, Couvain et Bruxelles a été construit
par les soins et aux frais des états de Namur.
Depuis lors,
Et cependant c’est le
même district qui, toujours fidèle à son système de désintéressement, a encore
été gratifié du canal dit de Charleroy, livré aujourd’hui à une navigation des
plus importantes et d’une ressource immense pour ses houilles, fers, chaux,
verres, etc.
Enfin, si le charbonnage
de Charleroy est fondé dans sa prétention de faire arriver ses houilles au
marché d’Anvers aux mêmes conditions que Mons et Liége, la province de
Luxembourg peut demander à son tour que ses fers soient rendus sur les marchés
de Liège et Bruxelles aux mêmes conditions de transport que ceux de la forgerie
de Charleroy.
Mais
le Luxembourg attend l’heure de la justice ; il l’obtiendra du gouvernement et
des chambres, et cette heure ne peut plus tarder à sonner.
Le Hainaut, je veux dire
l’arrondissement de Mons, l’obtiendra de même, et c’est parce que je suis
intimement convaincu que le seul moyen de rendre justice à tous est dans l’action
directe du gouvernement sur la construction de la route, que je voterai pour
l’adoption de l’art. 3 du projet de la section centrale.
M. de Puydt. - Messieurs,
deux raisons me forcent à retirer la proposition que j’ai présentée hier : la
première est la décision prise hier par la chambre de changer l’ordre de la
délibération ; la deuxième, c’est que la chambre paraît aspirer au moment où
elle pourra s’ajourner. Je crois que la discussion des questions est épuisée.
L’examen de ma proposition demanderait une étude prolongée à laquelle on
n’aurait pas le temps de se livrer ; je retire donc mon amendement sauf à le
reproduire en adaptant les diverses parties aux articles de la loi.
M.
Jullien. - Messieurs, il est certaines gens qui croient ou
feignent de croire que, pour parler des chemins en fer, il faut être ingénieur,
négociant, ou tout au moins ministre ; aussi, au dire de ces gens-là, tous ceux
d’entre nous qui ont porté la parole contre le projet de loi, même en ne
s’attachant qu’à des questions les plus simples et les plus matérielles, ne
comprennent rien à la question. Ou a même été jusqu’à décliner la compétence
des avocats, au moyen d’anecdotes d’ailleurs assez bien arrangées. Mais si vous
parlez pour le projet, à quelque classe que vous apparteniez, et si, avec le
chemin de fer vous tuez le commerce hollandais ; si vous faites arriver dans
nos ports les navires de toutes les nations pour échanger leurs riches cargaisons
contre nos marbres, nos minéraux, nos tapis et nos toiles de Courtray ; (erratum au Moniteur belge n°85, du 26 mars
1834 :) si vous ouvrez la bouche
de notre estomac commercial assez large pour engloutir tout le commerce de
l’univers ; si vous débitez d’un ton tranchant que le chemin en fer va
affermir à jamais l’indépendance de
Mais qu’avons-nous
besoin de ces distinctions de conditions ? Je vais trancher cette question :
nous sommes tous ici des juges ; le débat, quel qu’il soit, vous devez le juger
; or, y a-t-il un juge qui puisse décider une difficulté s’il n’est pas en état
de s’en rendre compte à lui-même ? Et s’il peut s’en rendre compte à lui-même,
comment ne pourrait-il pas en rendre compte aux autres ? Si vous ne pouviez comprendre
une question dans son ensemble comme dans ses détails, vous ne seriez pas des
juges, mais des machines à voter ; vous voyez donc bien que tous, tant que nous
sommes, nous pouvons nous placer sur le terrain de la discussion. C’est donc
sans scrupule que j’aborderai encore une fois la matière. Je me souviens
d’ailleurs que, dans la dernière séance, M. Meeus a bien voulu me faire une
réputation de financier, et je puis par conséquent m’avancer dans la discussion
avec mes franches coudées.
M. le ministre de
l’intérieur, pour rendre son projet de loi populaire, vous a dit que lorsque le
chemin en fer serait établi, les pauvres paysans éloignés de la ville
pourraient désormais y aller voir leur médecin, consulter leur avocat, le
bureau des hypothèques, et porter au marché leurs denrées. On dirait, en
vérité, qu’aussitôt que le chemin en fer va être construit, il n’y aura pas un
village dans le royaume qui n’ait son omnibus pour transporter ses habitants à
la ville. Mais qui croit-on abuser par ces paroles ? Sont-ce les paysans ? mais
nos paysans ont cent fois trop de bon sens pour se laisser prendre à cette
amorce ; ils savent qu’il n’y a que ceux qui seront riverains du chemin ou à sa
portée qui pourront en profiter, et par conséquent une très minime partie des
paysans du royaume. Ce qu’ils comprendront encore fort bien, c’est que vous
allez grever le pays d’un emprunt considérable dont il vous est impossible de
calculer la portée malgré vos devis, et que par suite vous allez augmenter
leurs taxes.
Ils n’ont pas oublié,
soyez-en sûrs, vos derniers emprunts dans lesquels les spéculateurs, les
agioteurs leur ont fait perdre de 30 à 50 p.. c. Tous ces gens-là qui bâtissent
leur fortune sur la ruine de vos finances, guettent déjà l’emprunt que vous
allez contracter : soyez bien certains qu’ils ne sont pas partisans du système
des concessions et vous aurez bientôt peut-être occasion de le reconnaître.
Mais j’admets que tous
vos rêves deviennent des réalités : vous conviendrez au moins avec moi que si
on peut obtenir tous ces avantages sans qu’il en coûte rien à l’Etat ni aux
paysans, il faut s’empresser d’en saisir le moyen, et ce moyen est celui des
concessions.
- En ce moment M. Dumont, qui est
souffrant, entre dans la salle soutenu par les huissiers. Il ne peut aller
jusqu’à sa place accoutumée, et il reste assis sur une chaise dans le couloir.
Tous les regards se portent sur l’honorable membre ; plusieurs députés
l’entourent, M. Jullien s’interrompt.
M.
Jullien, reprenant. - Messieurs, je ne regrette pas d’être
interrompu par la présence d’un honorable député du Hainaut qui, tout malade
qu’il est, se fait transporter ici pour assister à nos délibérations. Honneur à
lui ! c’est M. Dumont.
Je disais que si l’on
peut obtenir tous les avantages d’un chemin en fer sans qu’il en coûte un
denier à l’Etat par la voie des concessions, c’est ce moyen qu’il faut prendre.
Mais, dit-on, nous n’avons pas les mœurs anglaises ; nous ne pouvons pas
adopter ce système comme en Angleterre ; et d’un autre côté, si vous adoptez le
système des concessions, vous vous livrez à toutes les manœuvres usuraires des
concessionnaires, vous livrez le commerce à l’avidité des exploitants. Ecoutons
comme on a cherché à appuyer cette opinion.
Si on en croit
l’honorable M. Devaux, si on adopte le système des concessions, c’est comme si
on écrivait dans la loi : Le chemin de fer sera exploité par la banque.
Si vous écoutez M.
Lebeau, il vous dit : La concession, fût-elle présentée, ne sera pas acceptée.
Et moi je dis à ces messieurs : Mettez-vous d’accord ; car, s’il est vrai qu’en
adoptant le système des concessions c’est comme s’il était écrit dans la loi
que la banque exploitera la concession, il est faux que si vous présentez cette
concession, elle ne sera pas acceptée, puisque la banque l’exploitera ; et la
banque est une compagnie, une société tout comme une autre.
Il est vrai que M.
Devaux a peur de la banque ; mais M. Lebeau ne la craint pas, et vous avez vu,
quand on a parlé de pygmées, comment cet honorable ministre s’est dressé sur
ses pieds pour vous dire : Je n’ai pas peur de la banque. Ce qu’il y a
d’étonnant dans tout cela, c’est de voir ces deux honorables députés, qui
marchent toujours d’accord, se trouver en contradiction quand ils soutiennent
le même système. Nous entendrons leurs explications.
L’honorable ministre de
la justice a cité le Journal du Commerce
de Paris : je crois que cette citation n’a jamais été plus malencontreuse ; car
elle se trouve en opposition avec l’opinion du rédacteur de ce journal, M. E.
Flachat, et insérée dans le même Journal
du Commerce de Paris quelques jours après la publication du premier
article. Comment cela se fait-il ? L’article cité par le ministre aurait-il,
par hasard, été fait à Bruxelles et inséré par complaisance ? et quand le rédacteur s’en est aperçu ne s’est-il
pas empressé de démentir une doctrine erronée ? Quoiqu’il en soit, voici cet
article qui vous a été lu une fois par M. de Puydt ; mais comme il est frappant
d’application à la discussion qui nous occupe, je me permettrai de le lire
encore une fois. Je désirerais d’ailleurs que les anti-concessionnistes pussent
l’apprendre par cœur et le méditer. Je ne citerai que les conclusions ; ceux
qui voudraient voir l’article tout entier le trouveront dans le Mercure Belge des 19 et 20 de ce mois ;
Sur la question d’exécution, M. Flachat conclut de la manière suivante :
« Une administration qui
voudrait joindre à son rôle d’harmonisation des intérêts généraux l’exécution
des grands travaux publics, qui voudrait avoir ses établissements pour
construire ses machines, ses chantiers pour construire des canaux, sans
l’intervention des compagnies, ne serait plus bientôt qu’un entrepreneur isolé,
gâté par le monopole, ignorant et paresseux comme le monopole. Ce serait nier
la vertu de progrès de la masse intelligente dont l’administration peut être
l’ombre, mais dont elle n’est jamais la tête. Que les chambres belges se
réservent donc la fixation des tracés et profils des chemins de fer, et
qu’elles en fixent ensuite l’exécution aux compagnies : qu’elles garantissent à
ces compagnies un intérêt minimum, et qu’outre la garantie que leur donnera le
pays, elles y ajoutent la location du chemin ouvert aux concurrences, avec
interdiction pour les compagnies de l’exploiter. Telles nous paraissent être,
quant à présent, les seules solutions satisfaisantes que puisse amener la
discussion de cette grande entreprise. »
Qu’a-t-on répondit à
celle doctrine ? On a dit que les concessionnaires vexeraient le commerce, qu’ils
tariferaient et exploiteraient le chemin comme bon leur semblerait, qu’ils
obtiendraient des bénéfices usuraires aux dépens du commerce et du
consommateur. Des bénéfices usuraires ! Je suis fâché qu’une erreur aussi
grossière soit échappée à un homme de talent comme M. Lebeau, et surtout à un
ministre de la justice.
Il y a usure toutes les
fois qu’un créancier, abusant de la position de son débiteur, lui fait stipuler
des intérêts exorbitants, ou seulement qui dépassent le taux fixé par la loi.
Mais, lorsque vous fixez
vous-mêmes les conditions de la concession et que vous dressez les tarifs,
lorsque vous laissez ensuite au hasard les chances de pertes ou de gain pour
les entrepreneurs, comment supposer que des gains licites, puisque la loi les autorise,
puissent devenir usuraires ? Dans tous les contrats aléatoires, il est
impossible que l’intérêt soit usuraire ; dans un contrat de rente viagère, vous
pouvez stipuler l’intérêt au taux que vous voulez ; or, qu’y a-t-il de plus
aléatoire que l’entreprise par concession d’un chemin de fer ? Une action dans
ces compagnies est un véritable billet de loterie ? Demandez-le plutôt aux
concessionnaires de la route de la vallée de
Je félicite au reste ces
concessionnaires du changement qui s’est opéré dans le tracé et au moyen duquel
leur route se trouvant absorbée par le chemin de fer, ils obtiendront le
remboursement de leurs capitaux ; et je suis même persuadé que s’il se trouvait
dans cette chambre des actionnaires dans cette route, ils soutiendraient avec
le plus grand désintéressement que le dernier tracé vaut mieux que le premier.
Mais des concessions
sont impossibles dans notre pays, répète-t-on sans cesse : on ne trouvera pas
de concessionnaires. Ce sont là autant d’erreurs. Si l’affaire est bonne, soyez
bien sûrs que, sans compter la banque, vous aurez des concessionnaires. S’il ne
s’en présente pas, c’est qu’elle est mauvaise. Je tiens à la main trois
prospectus de compagnies nouvelles de chemins de fer, prospectus qui viennent
de se publier en Angleterre ; ils portent la date des mois de novembre et de
décembre derniers.
Eh bien, messieurs, rien
que la lecture rapide de ce prospectus vous fait connaître toute l’économie de
ces opérations ; et quand je vous en aurait donné un aperçu, vous pourrez
réduire à leur juste valeur les assertions des adversaires du système de
concession.
Voilà le projet de route
en fer de Londres à Southampton : on évalue la dépense à un million de livres
sterling ; on propose de créer vingt mille actions, chacune de cinquante livres
sterling. Comment procède-t-on pour former ces compagnies ? Les personnes qui
se sont réunies dans l’intention de former un chemin en fer, créent un comité.
On voit ici les noms des membres du comité ; ce sont des propriétaires habitant
des principales villes qui doivent être liées par la route.
Ce comité nomme ses
ingénieurs, ses banquiers, son solliciteur auprès du parlement. Les ingénieurs font
des études sur les lieux que les chemins doivent parcourir, et ce travail (Erratum au Moniteur belge n°85, du 26 mars
1834 :) dure quelquefois plus d’une année entière pour un chemin
beaucoup moins long que celui que nos ingénieurs ont eu à explorer. C’est
d’après ce travail qu’on évalue la dépense.
La dépense du chemin en
fer de Londres à Windsor est évaluée à 300 mille livres sterling. Cette somme
est divisée en 10 mille actions de
La dépense du chemin en
fer du comté de Midland est évaluée à 600 mille livres sterling, remplie par
6,000 actions de
Il est stipulé, au
reste, qu’on ne doit verser le montant des actions que lorsqu’on a obtenu
l’acte du parlement.
Quand les ingénieurs ont
fait l’étude du terrain, qu’on a calculé la nature et l’étendue des
expropriations à faire, les compagnies s’adressent alors au parlement où l’on
discute avec la plus scrupuleuse attention toutes les conditions de la
concession. La compagnie de Liverpool a été en instance pendant deux ans avant
d’obtenir le bill du parlement. Ainsi, vous le voyez, tous les intérêts sont
conservés : ceux des propriétaires des terrains à exproprier, ceux du
consommateur, ceux du commerce, enfin tous les intérêts du pays que la législature
se montre toujours jalouse de conserver. Or, ce qui se fait en Angleterre ne
peut-il pas se faire ici ? Nos pouvoirs sont-ils moins étendus que ceux du
parlement ? Qu’on ne vienne donc pas nous donner le change sur la question,
avec toutes ces déclamations, sur l’avidité, sur l’usure des concessionnaires :
ce ne seront pas eux qui vexeront le commerce parce qu’ils ont un intérêt tout
opposé, et si nous demandons les concessions, c’est précisément pour éviter au
commerce et aux voyageurs toutes les vexations qu’ils ne manqueront pas
d’éprouver si vous livrez les chemins de fer au monopole du fisc et aux
caprices de ses agents.
On a parlé des bénéfices
considérables que feraient les concessionnaires ; on a cité avec complaisance
la compagnie de Liverpool dont les actions se sont élevées de liv. 100 à 206.
C’était du moins leur taux lorsqu’il y a 15 jours j’ai reçu les renseignements
dont je donne aujourd’hui connaissance à la chambre.
Mais, messieurs, si les
concessionnaires font d’énormes bénéfices, tant mieux : n’est-ce pas une preuve
que le pays est dans un état prospère et que le commerce se trouve bien de
l’administration des compagnies ? car s’il s’en trouvait mal, le résultat
serait tout à fait contraire.
Je vous l’ai déjà dit :
en 1760 la population des villes de Manchester et de Liverpool était d’environ
50,000 habitants, et aujourd’hui, messieurs, elle s’élève à environ 300,000 ;
et à quoi doivent-elles cet immense développement ? C’est d’abord au canal
ouvert par le duc de Bridgewater, et depuis à la création de routes nouvelles,
et enfin à la construction des chemins, chemins par voie de concession. Et
pourquoi ne pas introduire chez nous un pareil système ?
C’est aujourd’hui un
axiome que plus l’industrie gagne, plus l’Etat s’enrichit. Ces idées-là sont
celles de tout le monde ; et, si elles n’entrent pas dans la tête de nos
ministres, c’est que, tout grands hommes qu’ils peuvent être sous tous les
autres rapports, ils sont, sinon des pygmées, au moins de petits hommes en
économie commerciale, comme le disait hier l’honorable M. Meeus.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Ces expressions sont ce
qu’on appelle en droit des impertinences.
M.
Jullien. - Monsieur le ministre a de la mémoire ; mais je n’ai
pas habitude d’échanger des paroles désobligeantes avec MM. les ministres ; je
n’interromprai donc pas la discussion pour répondre. Si je me suis rencontre un
instant dans leur chemin, je reviens au chemin de fer.
Vous voyez, messieurs,
par l’exemple de ce qui se passe en Angleterre, combien il est facile de
trouver les capitaux nécessaires pour construire les routes en fer.
D’un côté, les
propriétaires riverains, pour augmenter la valeur de leurs terres ; de l’autre,
les spéculateurs, dans l’espoir d’obtenir de hauts intérêts, tous prennent des
actions, et le capital de l’entreprise est bientôt fourni.
Qu’est-ce d’ailleurs
qu’une action de 30 ou 50 liv sterl. pour un propriétaire qui a l’espoir de
voir doubler ou même tripler la valeur de sa propriété, ou pour un spéculateur
qui ne voit souvent que les bénéfices ? S’il y a perte, fût-ce de 50 p. c. ou
même de tout le capital, repartie entre tant d’actionnaires, elle est
insensible ; mais un gouvernement ne peut pas donner ainsi au hasard.
Voilà, messieurs, les
idées financières que j’avais soumises à
l’honorable M. Meeus ; c’est dans ces prospectus que je les ai puisées, et vous
voilà tout aussi financiers que moi.
J’ai maintenant quelques
mots à dire à l’honorable M. Teichmann, bien qu’il soit ingénieur.
J’ai fait dans la
discussion générale une observation sur laquelle j’ai provoqué des
explications, et elle est restée sans réponse. Dans le premier mémoire de MM.
Simons et de Ridder, il est dit, page 6, que le conseil des ingénieurs a été
d’avis que des travaux de cette importance devaient être livrés à l’intérêt
particulier.
J’ai demandé comment il
se faisait que l’avis de MM. Simons et de Ridder avait prévalu sur celui du
conseil ou bien si le conseil était revenu de son opinion, et pour quel motif.
Et puisqu’on ne m’a pas
répondu, nous pouvons tenir pour certain que le conseil des ingénieurs,
présidé, je crois, par l’honorable M. Teichmann, est pour le système des
concessions ; et c’est pour nous, messieurs, l’autorité la plus respectable. On
serait, je crois, très embarrassé d’expliquer ce changement subit dans le
système d’exécution des travaux.
Quand j’ai parlé des
vides inhérents au système de régie, j’ai cité les fortifications de Mons,
Ypres et Ostende ; et je vous ai entretenus des dilapidations des ingénieurs et
des entrepreneurs.
On s’est contenté de me
répondre qu’à Ostende l’officier de génie n’était pas belge, qu’il avait été
condamné à la peine de mort, et que, par grâce spéciale, on lui avait passé le
glaive à la tête.
Je n’ai pas voulu faire
de ces brigandages une question de personnes ; aussi j’ignore qui sont les
officiers du génie qui ont dirigé les travaux de Mons et d’Ypres ; je ne
demande pas non plus si de pareils vols peuvent se faire par le chef seul sans
la participation des subalternes.
Mais ce que j’ai oublié
de dire, c’est que les fortifications de Nieuport, les seules qui aient été
bien achevées et qui n’ont donné lieu, que je sache, à aucunes plaintes, ont
été exécutées sous la direction d’un de nos anciens collègues, l’honorable M.
Goblet : c’est une justice que je me plais à lui rendre.
L’honorable M.
Teichmann, pour faire valoir le système adopté par le gouvernement, a prétendu
que l’Angleterre n’avait qu’un commerce d’exportation. Mais, messieurs,
l’Angleterre a, comme tous les pays commerçants, son commerce d’exportation et
son commerce intérieur ou de consommation : le premier est certainement, pour
l’Angleterre, le plus considérable ; mais le second est peut-être d’une plus
grande influence sur la question de chemins de fer.
A l’appui de cette
assertion, permettez-moi de vous lire quelques lignes de l’un des trois
prospectus dont je viens de vous parler, celui de la compagnie du chemin de fer
de Londres à Southampton. Ici, messieurs, je traduis aussi littéralement que
possible.
« L’expérience a
prouvé que les passagers, les marchandises légères, les approvisionnements des
marchés en viandes et légumes, sont les sources les plus productives des
revenus du chemin de fer. »
Je vous demande
maintenant de quelle influence peut être l’argument de l’honorable M. Teichmann
sur la question de concession.
Une observation capitale
a été faite dans la discussion, et elle ne paraît pas avoir été suffisamment
entendue ou appréciée ; c’est que si vous accordez l’exécution au gouvernement,
il faut de toute nécessité qu’il se fasse entrepreneur de messageries et de
roulage accéléré ; il faut qu’il ait ses directeurs, ses conducteurs, ses
bureaux, ses ateliers, ses magasins, enfin tout l’attirail du monopole ou de
l’entreprise.
Mais ce n’est pas tout,
il faut créer une nouvelle division au ministère de l’intérieur, augmenter la
bureaucratie, nommer de nouveaux employés qui, par leurs prétentions et leurs
exigences ordinaires, ne feront qu’entraver la circulation des voyageurs et des
marchandises.
Vous savez à quelles
vexations sont exposés les citoyens quand ils se trouvent en contact avec les
agents du fisc et que la loi a établi leurs obligations.
Que sera-ce quand le
fisc exploitera en maître avec toute l’arrogance du monopole ?
Vous aurez, dit-on, une
commission nommée par le gouvernement. Mais dites-nous si jamais vous avez
obtenu quelque chose de bon d’une commission, quand ses membres n’ont ni titre,
ni qualité permanente, ni rétribution ? Le commerce doit donc s’attendre à des
tracasseries sans nombre.
Ainsi le système de
régie va nous jeter réellement dans tous les embarras et les inconvénients qui,
dans le système de concession, n’étaient que chimériques et dont les partisans
du système de régie ont cherché à vous effrayer.
Je ne dirai qu’un mot
sur les calculs de MM. les ingénieurs. Si la dépense ne dépasse pas leurs
prévisions, c’est que ces messieurs auront le privilège d’être infaillibles. En
France, on s’est trompé de 90 millions sur un devis de 120 ; en Angleterre, on
a évalué toute la dépense du chemin de Liverpool à
La chambre paraît
fatiguée de cette discussion, et moi aussi ; mais je ne puis me dispenser de
revenir sur une question d’honneur pour la chambre : c’est celle du Hainaut ;
je vais la réduire à ses plus simples éléments.
Tout citoyen doit payer
ses impôts à l’Etat ; mais ce n’est pas à titre gratuit ; en retour, l’Etat est
obligé de lui garantir la sûreté de sa personne et de ses propriétés. Voilà le
contrat.
Si l’Etat lui demande le
sacrifice de sa propriété dans l’intérêt général, il faut qu’on lui paie une
juste et préalable indemnité. Voilà la
loi.
Appliquons maintenant
ces principes à la province du Hainaut. On vous prouve que le projet de loi
entraîne la ruine de son industrie, ou du moins on n’a pas répondu jusqu’ici au
défi porté par les députés de cette province de contredire leurs assertions et
leurs calculs.
Et cependant, en
dépouillant cette province, non seulement il n’est pas question au projet de
l’indemniser, mais encore on veut contraindre ses habitants à payer la cause de
leur ruine ; je vous demande s’il fut jamais une plus révoltante iniquité.
Quant à moi, dût votre
chemin de fer verser les trésors des deux mondes sur ma province et sur
moi-même, je les rejetterai s’il faut les obtenir au prix de la ruine du
Hainaut ; car c’est Dieu lui-même qui a commandé à l’homme de ne pas s’enrichir
du bien d’autrui.
Mais vous aspirez à la
gloire, vous voulez pouvoir dire aussi : Monumentum exigi. Et. bien, soit, je
m’associe à vos désirs d’autant plus qu’un ministre de l’intérieur surtout ne
peut acquérir cette gloire sans marquer son passage dans l’administration par
le bien qu’il fait au pays.
Mais croyez-moi, vous ne
prenez pas le bon chemin.
Il n’y a pas de gloire à
faire de grands travaux avec beaucoup d’argent et en grevant le pays de dettes
énormes ; dans les temps modernes, les grands monuments n’ont fait qu’attester
la servitude et la misère des peuples, et la gloire n’est pas là.
Le dernier de vos
commis, avec des millions et des ingénieurs qui, dans tous les temps, dans tous
les lieux, n’aiment rien tant que d’avoir beaucoup de travaux à faire et
dépenser beaucoup d’argent, le dernier de vos commis peut acquérir la gloire
que vous enviez.
Mais si vous parvenez à
faire de grands travaux sans qu’il en coûte rien à l’Etat, si vous introduisez
chez nous le système qui fait la prospérité intérieure de l’Angleterre, alors
vous pourrez obtenir quelque gloire, et vous en avez le moyen : c’est le
système des concessions.
M. le président. - La
parole est à M. Smits.
M.
Smits. - J’y renonce.
M.
le président. - La parole est à M. Davignon.
Plusieurs voix. - Il est absent !...
M.
le président. - Alors la parole est à M. de Man d’Attenrode.
M. de Man d’Attenrode. - Peu familier avec les hautes
questions qui viennent de se traiter avec un talent si remarquable dans cette
enceinte, je me suis fait un devoir d’écouter en silence, afin de me former une
opinion vraie, et me mettre à même de formuler un vote que je n’eusse pas à
regretter un jour.
Au point où en est la
discussion, je crois devoir à mes mandataires de motiver quel sera ce vote.
Une grande communication
de la mer au Rhin est une entreprise utile, nous en avons tous la conviction
comme nos ancêtres ; mais je la veux avec ses avantages et tous ses avantages
pour le pays. C’est ce qui me la fait désirer par l’entremise du gouvernement,
quoique partisan des concessions. Pour nous en assurer tous les avantages, il
faut que le gouvernement, le pays, nous-même en un mot, restions les maîtres
d’un tarif qui sera l’arbitre de la prospérité de notre commerce et de notre
industrie.
De notre commerce, parce
que si le tarif ne stipule pas les faveurs pour le commerce belge, la route ne
sera avantageuse qu’au commerce étranger, écrasera le commerce belge, ou plutôt
l’empêchera de naître : j’entends le commerce des productions lointaines.
De notre industrie,
parce que nous devons être à même de négocier avec
Je me résume : la grande
communication de la mer au Rhin par concession sera très avantageuse aux
étrangers, : avantageuse aux comptoirs d’Anvers et d’Ostende, avantageuse aux
concessionnaires, peu avantageuse, nuisible peut-être au commerce belge, nulle
pour notre industrie et notre agriculture. Par le gouvernement elle est
susceptible de procurer de grands avantages à
C’est notre position
géographique qui, comme celle de
L’existence politique et
financière de notre pays nous permet-elle de lui demander des sacrifices
d’argent, dont, il est vrai, j’ai la conviction qu’il sera amplement indemnisé
si les circonstances favorisent l’entreprise, mais sacrifices qui paraissent
devoir être d’autant plus considérables que la route en fer vers Ostende devra
se faire simultanément avec celle vers Anvers ? Voilà ce que je ne cesse de me
demander.
Je
voterai en conséquence pour une route en fer par le gouvernement, qui nous
engagera dans des dépenses moins considérables, qui nous servira d’essai, qui
ne fera aucun tort aux projets futurs, et qui en réalité remplira le but et les
vœux du commerce ; pour une route en fer de Louvain à la frontière prussienne.
L’exécution de cette route conduirait les produits allemands et belges jusqu’à
une ville où une voie plus économique pour les matières pondéreuses, selon nos
ingénieurs eux-mêmes, les ferait couler jusqu’à la mer. Je voterai pour les
amendements rédigés dans ce sens.
M. Desmanet de Biesme. -
Je n’ai demandé la parole que pour motiver mon voie. Je n’ai pas cru devoir
parler dans la discussion générale ; il ne m’était pas possible d’y jeter de
nouvelles lumières, et de captiver votre attention, après les discours de ceux
de mes honorables collègues qui ont si bien développé leurs opinions.
J’aborderai donc franchement la question qui s’agite, et je dirai que je
partage entièrement l’opinion favorable au système de concession.
Mais avant d’aller plus
loin, je dois le dire, je n’ai pas l’honneur d’être député du Hainaut, mais
j’habite un district voisin de celui de Charleroy. J’ai pu juger, par la
manière dont l’industrie s’est développée dans ce dernier district intéressant,
combien il mérite d’être encouragé. On a parlé, messieurs, du patriotisme de
localité ; on lui a reproché de ne pas se sacrifier à l’intérêt général ; mais
pourquoi voudrait-on qu’il se sacrifiât s’il doit trouver sa ruine dans la
construction du chemin de fer ?
Si Liége manquait de
routes pavées, certes le Hainaut aurais mauvaise grâce de se plaindre ; mais
quand il s’agit d’un système nouveau qui doit changer toute l’économie
commerciale d’un pays, quand il s’agit d’un projet qui ne peut recevoir son
exécution qu’aux dépens du Hainaut, cela seul doit suffire pour lui faire
rejeter la proposition du gouvernement. Mais, dira-t-on, on pourrait aussi
donner au Hainaut des routes. Je le sais, la chose n’est pas impossible ; mais
je crois que le moment n’est pas opportun pour l’exécution d’un tel projet, car
Dans toute cette
discussion, ce qui m’a le plus frappé, c’est cet aveu de M. le ministre de la
justice, que si la concession était offerte, le gouvernement la refuserait. Je
n’ai pas pu, je l’avoue, m’expliquer cette opinion, et rien de ce qui a été dit
dans la discussion n’a pu m’éclairer sur ce point ; elle m’a donné à penser que
le gouvernement voulait gouverner par l’industrie, et en rattachant à lui les
intérêts d’un grand nombre de particuliers, parvenir à un moyen de gouvernement
plus facile. Quant à moi je repousserai ce moyen de tout mon pouvoir.
Nous avons vu les
inconvénients qu’il y avait à ce que le gouvernement eût la haute main sur et
ce qu’il y avait de fatal pour le pays dans ce système. Quand l’empereur, qui
réunissait en lui toute la puissance, fut écrasé, on pensa que si on avait
moins de gloire, on aurait plus de bonheur. Mais bientôt, en France et en
Belgique, le gouvernement chercha à retrouver ce qu’il avait perdu ; et pour
cela l’industrie lui a puissamment servi. Sous la restauration nous en avons eu
un exemple frappant dans les faveurs que le gouvernement accorda au commerce de
Bordeaux et aux départements de l’ouest qui lui étaient favorables par leurs
opinions, et dans les entraves qu’il apportait au commerce de
J’ai dit ce qui se
passait en France sous la restauration ; il en est de même depuis 1830. Au
reste, tout gouvernement peut rendre un peuple heureux, même un gouvernement
despotique ; car l’opinion publique le contiendrait : mais ce qui est le plus à
craindre, ce serait un gouvernement qui, avec des formes libérales, voudrait
faire du despotisme ; car il arriverait à son but par des moyens détournés.
Messieurs, on a dit que
le projet dont il s’agissait était un projet national : je ne le nie pas, car
tout ce qui a une utilité réelle est national en Belgique ; mais je voudrais
savoir s’il ne sera pas aussi national, exécuté par voie de concession,
qu’exécuté par l’Etat ; s’il ne le sera pas davantage ainsi, car, dans ce cas,
toutes les provinces prendrons part à son exécution, tandis que sans
concessions, le projet ne sera national que dans les localités où la route
passera.
Il
me paraît qu’avant de s’occuper de ce projet il était plusieurs objets au moins
aussi utiles et plus urgents qui réclamaient l’attention du gouvernement. Ainsi
chacun a senti que la séparation de
On a dit qu’il y aurait
de la honte à ne pas faire la route en fer ; cela ne me touche pas, je l’avoue
; il n’y a pas de honte à savoir régler ses affaires. La honte c’est la
banqueroute. Je voterai pour le système des routes en fer par voie de concession
; si les concessions ne sont pas admises, je voterai contre le projet.
M.
Desmet. - Messieurs, on vous l’a déjà dit, mais il serait
difficile de ne pas se répéter que la petite Belgique était le premier pays du
monde où des chemins en fer se faisaient aux frais du gouvernement ;
c’est-à-dire, que tout le pays paiera et que l’administration sera
l’entrepreneur. Si on se bornait encore à faire un essai, la chose serait
compréhensible ; mais la hardiesse de nos gouvernants du moment est si grande,
qu’ils font exécuter un ouvrage tellement gigantesque, que jusqu’à ce jour, ni
l’Amérique ni l’Angleterre n’en ont fait de pareil.
Et dans quel moment
surtout veulent-ils le faire ? Justement dans celui où vous êtes journellement
obligés de faire des sacrifices extraordinaires pour conserver votre existence
et votre indépendance, et que vous êtes probablement à la veille d’avoir une
guerre qu’on vous fera ou que vous serez obligés de faire pour vous conserver
comme vous désirez l’être, et comme vous avez droit de l’exiger même par les
traités de la sainte-alliance.
Il me semble qu’on
ferait beaucoup mieux de laisser dormir le chemin de fer pour quelque temps, et
de porter tous nos regards vers la tempête qui plane sur nous, car la concentration
de l’armée hollandaise près de nos frontières ne se fait pas sans motif, ni
sans vues hostiles ; elle se fait, j’en suis convaincu, d’accord avec les
délibérations actuelles du congrès de Vienne : et quoi qu’en ait dit dans le
temps un des directeurs de notre bureau diplomatique, quand on critiquait avec
de justes motifs l’imprudence, qui n’est pas rare dans notre gouvernement,
d’envoyer à Vienne un individu sur lequel on doutait, que dans ce congrès on ne
traiterait pas de nos affaites, je présume qu’au contraire elles y font un des
principaux objets de ses délibérations, et je crains que le résultat ne le
prouve que trop…
M. l’inspecteur-général
Vifquain a, dans ses réflexions sur le chemin en fer projeté, fait des
remarques pour ce qui concerne l’exécution sur les fonds du budget ou par voie
de concession, qui sont tellement bien motivées que je ne crois pas qu’on
pourrait seulement y répondre ; et certainement ce ne sont pas les auteurs du
projet qui y ont répondu dans leurs répliques !... Il observe entre autres
qu’il est très dangereux de protéger l’industrie et le commerce par spécialité,
que c’est un bon moyen de porter des troubles dans le pays et de compromettre
la paix publique.
« L’industrie et le
commerce, dit-il, ne sont qu’une lutte continuelle entre les concurrents ; il
n’y aurait, ni sagesse, ni prudence à donner des armes de préférence pour ce
combat à telle ou telle partie du royaume. »
Et c’est dans un moment
que nous avons un si grand besoin d’union et de tranquillité dans le pays, que
nos gouvernants vont y jeter un brandon de discorde, et porter partout
l’inquiétude et le mécontentement.
Vraiment, messieurs, on
devrait douter des intentions de ceux qui se trouvent à la tête de nos
affaires, et on pourrait soupçonner qu’ils ont des vues perfides, contraires
aux intérêts du pays ; mais à ce sujet nous pouvons nous assurer ; nous savons
que la plupart de ceux qui nous gouvernent dans ce moment, sont les mêmes qui
dirigeaient nos affaires au mois d’août 1831, et alors il n’y avait, de leur
part, qu’insouciance et imprévoyance ; et que c’est là qu’on a dû trouver la
cause de cette déshonorante catastrophe.
M. l’inspecteur-général
de nos ponts et chaussées n’est certainement pas une autorité suspecte pour
juger la cause des concessions ; et, par la place qu’il remplit, il ne peut
avoir aucun intérêt pour se déclarer en faveur de ce mode d’exécution ; nous
pouvons donc le croire, il a l’expérience qui le met à même de se prononcer en
connaissance de cause, et le raisonnement qu’il tient dans ses réflexions sur
le projet ne peut certainement pas être taxé de sophistique ; je voudrais bien
qu’on y répondît par un autre raisonnement aussi solide, et qu’on nous
démontrât qu’il a tort et qu’il ne juge pas la cause comme l’ont jugée et la
jugent encore aujourd’hui tous les savants ingénieurs et économistes du monde
entier…
Dans différents
discours, on nous a aussi cité le savant inspecteur-général des ponts et
chaussées de France, qui, dans toutes les occasions, s’est déclaré fortement en
faveur du mode des concessions, et qui ne craint point de publier que ce sont
les associations seules qui sont en état d’exécuter des travaux utiles et les
porter à une bonne fin.
Il serait déplacé de
revenir encore sur ces citations et de vous répéter ce dont vous êtes déjà
assez rassasiés. Je comptais cependant vous demander la permission de vous lire
un passage d’un article que M. Eugène Flachat, savant ingénieur de France et
auteur de vues politiques et pratiques des travaux publics de ce pays, vient de
publier sur votre chemin de fer d’Anvers à Cologne. Mais l’honorable M. Jullien
vous a déjà communiqué ce fragment.
Et à ce sujet un journal
de la ville fit une remarque très sage et que toute la nation appuiera, j’en
suis sûr. Nous croyons, disait ce journal, que les grands travaux, les
constructions colossales, doivent être exécutés en temps de paix, alors que
l’état des finances est prospère.
Que penserait-on,
demande-t-il, d’un père de famille qui se ferait bâtir de magnifiques hôtels,
alors que sa fortune est encore précaire et que ses dépenses sont beaucoup plus
élevées que ses revenus ? On ne pourrait s’empêcher de le blâmer.
Eh bien,
En effet, notre avenir
est encore incertain, nos voies et moyens ne suffiront pas pour couvrir nos
dépenses ; le statu quo qui se prolonge nous oblige à des sacrifices
extraordinaires ; une lutte avec
Qui oserait se rendre
solidaire d’une telle légèreté ? qui oserait assumer une telle responsabilité ?
Je me flatte que la
représentation belge ne donnera pas cet exemple et ne méconnaîtra pas ainsi le
devoir qu’elle a envers le pays, de ne pas le consulter avant de risquer la
dilapidation d’un si énorme capital !
Je sais qu’on répondra
que tous les capitaux qu’on va dépenser pour le chemin de fer le seront dans
une utilité générale ; je ne reviendrai point à cette discussion ; mais si le
gouvernement avait eu le courage de consulter toutes les localités du pays,
comme c’était son devoir, il aurait appris comment la nation entendait cette
utilité générale, et je crois qu’il y aurait pensé deux fois avant de continuer
à entraîner le pays dans de si fatales dépenses, et de brusquer ainsi l’opinion
de la généralité.
Je me flatte que la
chambre sera plus prudente, et qu’elle ne voudra pas se rendre complice de
l’imprévoyance et de la légèreté du gouvernement, et qu’en se déclarant pour ce
mode de concession, elle prouvera au pays qu’elle ne veut que le bien général
et non pas celui seul de quelques capitalistes et du haut commerce, dont
l’égoïsme reconnu le fait rarement opérer en accord avec les véritables
intérêts de la généralité.
Mais
si contre notre attente on voyait le mode de concession repoussé, alors,
messieurs, il n’y aurait qu’un seul remède au mal, ce serait que les députés de
chaque district, qui ne pourrait pas avoir son morceau de gâteau des millions,
vous présentassent un amendement pour augmenter la somme de l’emprunt, afin
d’exécuter aussi dans les contrées
qu’ils représentent, aux frais de l’Etat, quelques travaux
d’améliorations dans les voies existantes de communication et de transport. Et
pour mon compte, je vais vous le déclarer, je prendrais la liberté de vous
présenter un amendement qui tendrait à augmenter la somme de l’emprunt de
quatre millions pour exécuter le travail qu’exige l’entier achèvement de la
canalisation de la rivière de
Je dois donc déclarer
que si le système du mode d’exécution par concession est admis, je voterai le
projet de construire les chemins en fer.
M.
Angillis. - Tout système quelconque a ses inconvénients et ses
dangers, car les institutions humaines ne sauraient atteindre la perfection,
quand les lois de la nature même ont leurs inconvénients ; mais lorsqu’on doit
choisir entre deux modes d’exécution, on doit adopter celui qui peut se faire à
moins de frais, plus de facilité et en moins de temps. Or, l’expérience la plus
consommée nous prouve que la voie de concession est préférable à tout autre
mode. Dans les pays où ce système a été adopté, on a exécuté beaucoup de grands
travaux en canaux, routes, ponts et établissements de commerce, qui
probablement n’auraient jamais été exécutés si on n’eût pas suivi le système de
concession,
Quand le gouvernement se
réserve l’exécution des travaux publics, la construction est ordinairement
lente, très coûteuse et souvent imparfaite.
Voilà, messieurs, ce que
l’expérience nous a démontré, Sans doute, ce système a également ses
inconvénients, et je l’ai déjà dit ; mais je crois qu’on a exagéré ces
inconvénients : en prenant de bonnes mesures, en exprimant dans le cahier des
conditions de la concession d’une manière claire et nette les obligations
réciproques, en écartant les maximes générales susceptibles de dénégations, de
disputes éternelles, je crois qu’on pourrait facilement contraindre les concessionnaires
à l’accomplissement, à l’exécution de leurs obligations. D’ailleurs, il n’en
est pas d’un chemin comme canal ; tous les cas peuvent, à quelques exceptions
près, être prévus, et le petit nombre de ceux qui tomberont dans les exceptions
ne pourront jamais susciter de grandes difficultés.
Il y a une autre
considération et qui domine toute la question, c’est la considération
pécuniaire. Notre état financier, messieurs, ne nous permet pas de faire des
dépenses extraordinaires qui ne seraient pas commandées par la plus inexorable
nécessité. Et lorsqu’on considère qu’une guerre est dans les choses probables,
on demeure convaincu que, dans les circonstances actuelles, ce serait une haute
imprudence de diminuer les ressources de l’Etat en même temps qu’on augmenterait
les charges de la nation.
Pour ce qui regarde
l’emprunt que l’on projette, je dois le faire observer qu’on ne doit user de ce
moyen extrême qu’avec les plus grands ménagements. A la vérité notre crédit
public est assez bien en ce moment, mais le moindre événement peut tout
déranger ; car, il ne faut pas se le dissimuler, et il serait même dangereux de
le faire, notre crédit n’est pas encore bien consolidé, et il faut encore
quelques années d’existence pour le rapprocher de celui des Etats voisins. Une
seule crise financière affectera encore, pendant quelque temps, le crédit belge
plus sensiblement que ceux de quelques autres Etats. Nous avons un exemple
récent de ce que je viens de dire : à la seule nouvelle de la mort du roi
d’Espagne, nos fonds, en quatre jours, subirent une baisse de 6 p. c., et il
est probable qu’ils seraient descendus plus bas sans les mesures prises à
l’instant.
Nous avons fait un
emprunt et nous avons perdu 31 p. c. Maintenant cela irait un peu mieux ;
cependant nous ne sommes pas encore dans la position pour contracter un emprunt
au plus bas prix possible, et pour une cause naturelle : les esprits,
c’est-à-dire les capitalistes (car il faut savoir que ces messieurs évaluent
leur patriotisme à autant pour cent) ; n’importe, les esprits sont encore trop
frappés des révolutions récentes, pour qu’ils n’admettent pas la possibilité de
nouvelles crises politiques. Pour emprunter avec quelques avantages, il faut
attendre l’époque de notre arrangement définitif. Si on veut la preuve de ce
que j’avance, examinez les cours des fonds publics ; vous y verrez que la rente
belge est à 5 1/4 p. c., celle de France à 4 1/8 p.c., et celle d’Angleterre à
3 2/5 p. c. Cependant, personne ne me contestera que
Je sais bien que
l’esprit d’association n’a pas encore fait de grands progrès en Belgique, mais
il faut encourager cet esprit : en Angleterre et même en France on a senti que,
pour porter l’industrie au plus haut degré, et pour donner au commerce une
grande étendue, il fallait allier les savants et les capitalistes, les
industriels et les commerçants. Ces secours mutuels peuvent opérer de grandes
choses, mettre les jouissances à la portée de toutes les fortunes en augmentant
en même temps la somme du bien-être de la nation. Il faut donc faire un essai
en Belgique et présenter cette grande entreprise par la voie de concession ; de
cette manière, la route ne coûtera rien ou peu de chose à l’Etat, et la nation
profitera de toute son utilité.
Avant
de finir, messieurs, je dois appuyer ce que vient de dire M. Jullien : je veux parler des plaintes qui se sont
élevées dans cette chambre. Tous les honorables députés du Hainaut ont soutenu
que de la route, telle qu’elle est projetée fera subir une grande perte à sa
principale branche commerciale. L’honorable M. Pollénus a fait également
entendre des plaintes pour le Limbourg, et aucun 1es autres députés de cette
province ne s’est levé pour contredire les assertions de M. Pollénus ; je dois
les croire avérées. Mon honorable ami M. Gendebien a été plus loin : il a fait
des calculs qui prouvent, jusqu’à preuve contraire, que les plaintes des
messieurs du Hainaut sont très fondées. Eh bien, je déclare, ne me considérant
pas comme député de
M. de Robaulx. -
Messieurs, mon intention n’est pas de revenir sur les avantages et les inconvénients
du mode proposé. La discussion s’est déjà étendue assez largement à cet égard.
Mais je reviendrai, comme je l’ai dit hier, sur les sacrifices qu’on se propose
de faire ; car c’est une chose sur laquelle on n’a pas donné des explications
satisfaisantes. Il a été reconnu que, selon l’équité, si on construisait un
chemin de fer, il faudrait, dans les provinces où il y a des canaux, abaisser
les péages. M. le ministre n’a pas contredit jusqu’à présent sous ce rapport.
Je demanderai si,
d’après les renseignements qu’on a pris, on est en mesure de déterminer
l’indemnité à accorder aux concessionnaires de canaux, pour que nous puissions
savoir quelle somme nous aurons à voter.
Si, par ce projet, vous
accordez d’immenses avantages au commerce d’Anvers et de Liége, il faut, par la
même disposition, donner une indemnité aux concessionnaires de canaux dans les
provinces qui y ont droit, et fixer cette indemnité. Je demande si on a pris
ces renseignements, comme le prescrivaient la moindre prévoyance et le simple
bon sens. Que répondra-t-on ? Il ne s’agit point de paroles ; il faut des
faits. Nous fera-t-on cette interminable observation que : « 200,000
tonneaux de houilles du Hainaut sont expédies par la voie des canaux, et qu’en
diminuant 1 fr. 50 c. par tonneau, on aura une somme de 300,000 fr. ? » Je
n’ai pas voulu hier prendre la parole une troisième fois, pour répondre à celte
observation de M. le ministre, dans laquelle il se renferme soigneusement. Mais
je ferai remarquer que ce n’est pas seulement sur les houilles qu’il faut
diminuer les péages ; car il y a encore d’autres objets d’industrie et de
commerce qui sont exportés par cette voie. Toutefois, j’admets qu’il n’y ait
que des houilles, et j’espère que la concession est assez large ; soit 300,000
fr,, qu’il est de l’équité de réduire pour les houilles qu’expédie le commerce
du Hainaut, et vous avez donc un capital de 6 millions à rembourser. Il faut
voter cette somme ; il faut augmenter d’autant le budget ; car il ne s’agit pas
ici de paroles, de promesses, il faut que ces promesses soient écrites dans la
loi, pour que la province du Hainaut soit rassurée.
J’en viens à un autre
point, la question de préférence qui a été traitée assez largement, quoique
cependant on ne se soit pas occupé, d’une manière spéciale, de l’exécution de
la route par l’Etat.
Ainsi que vous l’a dit
l’honorable M. Jullien, si vous votez la construction du chemin de fer par
l’Etat, vous faites du gouvernement un entrepreneur de messageries et de
roulage. Si vous vous faites entrepreneurs de diligences, transporterez-vous
toute espèce d’objets, des ballots, des toiles, des draps, des malles, de
l’argent ? Quel système adopterez-vous pour le prix du transport de ces objets
? Les chambres, dira-t-on, fixeront le tarif ; mais, comme un de nos honorables
collègues vous l’a dit déjà pour les barrières, la législature éprouve des
difficultés à fixer le péage. Cependant pour les barrières il y a un droit
fixe. Toute la difficulté est de savoir quelles sont les espèces de denrées qui
y seront soumises. Le droit des barrières, dis-je, est fixe, et se perçoit par
cheval. Il n’en est pas de même des expéditions de marchandises. Quand vous
aura établi un péage de 2 centimes par tonneau pour les houilles, vous ne
transporterez pas au même taux des tulles, des dentelles ou des draps ; vous ne
transporterez pas pour deux centimes un tonneau de draps. Ce que je demande, et
c’est le second point de mon interpellation, c’est qu’on nous dise quels sont
les renseignements pris, et ce qu’on se propose de faire dans le cas où les
houilles du Hainaut, par suite de l’établissement de la route en fer, ne
pourraient pas soutenir la concurrence avec celles de Liége.
Dites si vous voulez
entrer dans un système despotique de
Je suppose qu’au
ministère actuel succède un ministère composé de grands propriétaires : d’après
le système politique qui prédomine en France et qui aura toujours de
l’influence chez nous, je crois qu’un certain genre d’aristocratie menace de
nous déborder ; je suppose que le gouvernement soit composé de grands
propriétaires, de gens ayant, comme M. Eloy de Burdinne, une tendresse toute
particulière pour l’agriculture, tendresse que je ne blâme pas, seulement je
voudrais qu’on ne fût pas exclusif. Au lieu de mettre 40 centimes sur les
contributions foncières, il pourrait avoir l’intention de rançonner le
commerce, et dire que le transport des marchandises, des houilles de Liége et
du Hainaut, se fait à trop bas prix, et que le roulage doit supporter une grande
partie de la contribution.
Je donne le revers de la
médaille. Ne serait-il pas possible à un autre ministère d’être aussi hostile
au commerce qu’on paraît en ce moment lui montrer de bienveillance, si vous laissez
au gouvernement le monopole de la route en fer, le droit de rançonner qui il
voudra sur cette route. Il faut donc, pour tranquilliser le commerce, que vous
disiez quelles sont vos intentions, que vous exposiez les règlements d’après
lesquels vous voulez établir les péages.
Il est un troisième
point sur lequel je veux appeler votre attention.
Je suppose la route
construite aux frais de l’Etat. Vous n’ignorez pas qu’aujourd’hui l’entretien
des routes existantes absorbe tous les soins du corps des ponts et chaussées ;
on fait bien quelques routes nouvelles, mais c’est principalement l’entretien
des routes existantes qui absorbe les soins du corps des ponts et chaussées.
Quel sera le mode
d’entretien de la route en fer ? Il faut n’avoir pas la moindre notion sur les
travaux publics pour ne pas savoir que l’entretien n’est pas la moindre
dépense. Il n’y a personne de vous qui ne sache que, quelque soient les soins
qu’on prenne, on ne peut pas éviter les abus, toutes les fois que c’est une
province ou une administration qui veut faire réparer qu’on trouve moyen de
tromper sur les matières premières, qu’on vole.
Je n’attaque pas ici
spécialement l’administration ; je dis que quand elle fait travailler, on la
vole avec d’autant plus de facilité que ceux qui sont préposés à la
surveillance des travaux, soit qu’on vole ou qu’on ne vole pas, sont toujours
sûrs de recevoir leurs appointements. La surveillance n’est jamais aussi
efficace que celle d’un bon père de famille. Eh bien ! si on vole déjà pour les
travaux des routes ordinaires, quoiqu’il soit assez difficile de voler des
pierres et du sable, qui sont des matières très pondéreuses ; quand vous aurez
votre chemin de fer, veuillez-nous dire comment vous ferez. Sur les routes
ordinaires, s’il arrive un défoncement, on passe à côté ; quel qu’en soit
l’état, on peut toujours passer. Sur une route en fer, c’est différent ; qu’une
rail vienne à baisser seulement de quelques centimètres, les chariots arrivent
à leur destination, c’est-à-dire versent.
Dès lors, il est
impossible que la route puisse désormais fonctionner. Quel sera le personnel de
l’administration de cette route ? combien faudra-t-il de magasins, de
conducteurs ? combien y en aura-t-il le long de la route ? Avez-vous calculé
tout ce que cela coûtera ? Il faudra des dépôts de rails, de bois de
menuiserie, de fer de wagons, pour réparer là où il y aura le moindre défaut à
la route. Eh bien ! il faut établir de ces dépôts partout où le besoin pourra
s’en faire sentir, avoir toujours un homme, le marteau à la main, prêt à
réparer le moindre accident ; sinon tout ce qui passe est arrêté. Je demande
que de dépôts vous serez obligés d’établir ! il en faudra un à tous les
demi-quarts d’heure.
Si on vole des pierres
et du sable, on volera avec bien plus de facilité du fer, du cuivre et tous les
objets nécessaires à la confection et à l’entretien d’une route en fer, les
travaux étant faits par le gouvernement.
Je ne sais jusqu’à quel
point on a prévu les dépenses, elles ne peuvent être qu’extrêmement
considérables. Il est impossible que le gouvernement puisse être aussi bien
servi que les particuliers.
Messieurs, le résultat
du système des concessions a été longuement exposé ; nous avons dit pourquoi
nous en voulons ; nous craignons que dès l’instant que le gouvernement
commencera à devenir propriétaire de routes, il ne vienne jeter dans la balance
commerciale les millions du trésor, il ne vienne tuer l’esprit d’association.
Personne n’oserait
demander la concession d’un chemin quelconque, s’il a la prévision que dans un
an, cinq ans, dix ans, le gouvernement pourra faire un chemin parallèle au
chemin concédé ; personne ne sera assez osé pour aventurer ses capitaux,
sachant que le gouvernement peut venir écraser son entreprise avec les fonds de
l’Etat.
Loin
de nous la pensée de vouloir être hostile à toute innovation de progrès ; nous
voulons le projet, mais nous le voulons par l’industrie elle-même qui est
meilleure appréciatrice de ses besoins que le ministère. Nous voulons tellement
le chemin en fer que, s’il a besoin de quelques encouragements, nous sommes
prêts à les accorder. Vous dites qu’il n’y aura pas de concessionnaires ; en
leur offrant un encouragement ils viendront, et j’aimerais mieux donner
entièrement 10 millions à la route, sans espoir d’en rien retirer, que d’en
aller cautionner 50 ou 60, parce qu’il est de principe général que qui
cautionne paie, et je crains de payer.
Messieurs, en
Angleterre, dont on a tant parlé dans cette discussion, on n’a pas commencé
comme on veut le faire ici, on a commencé par de petits essais, et nous voulons
commencer en grand. C’est à vous à juger jusqu’à quel point c’est conseillé par
la prudence. Je suis disposé à voter le chemin par concession, et même à
accorder un encouragement comme on l’a fait pour d’autres routes.
J’attends les
explications que j’ai demandées et que je crois de nature à éclairer
l’assemblée.
M. d’Huart. - Messieurs, c’est aussi pour une explication
que je prends la parole. Dans une précédente séance, J’ai fait remarquer que
dans les calculs des ingénieurs on avait attribué à la route en fer tous les
transports qui s’effectuent par les canaux et routes actuelles longeant le
tracé du chemin de fer ; j’ai fait remarquer que ces routes devenant, selon ces
prévisions, désertes, ne rapporteraient plus à l’Etat aucun revenu ; j’ai
demandé si dans les calculs on avait eu égard à ces diminutions de revenu.
On ne m’a pas répondu.
Mais, sans attendre davantage la réponse, je puis dire qu’on n’y a pas eu
égard, car je n’ai rien trouvé dans les mémoires qui en fît mention. Cependant
ces revenus sont très considérables de Bruxelles à Anvers et d’Anvers à la
frontière de Prusse au-delà de Verviers.
Je me suis procuré le
chiffre de ce que rapporte la route de Bruxelles à Anvers. Cette seule partie
de la communication a produit, en 1831, 119,407 fr. ; en 1832, 110,370 ; en
1833, 116,769. Cela ne varie pas beaucoup d’une année à l’autre.
Supposez que cela
s’élève seulement à 100 mille fr., somme ronde ; supposez de plus que la route
d’Anvers à la frontière de Prusse rapporte aussi 100,000 francs ; c’est trop
peu, mais soit : voilà donc 200 mille fr. qu’il faut défalquer de l’évaluation
des produits de la route ; c’est un capital de 4 millions à ajouter à la
dépense, car, de quelque côté que figure cette somme, ce n’est pas un moyen de
revenu nouveau ; si vous le recevez sur votre chemin de fer, il sera en moins
dans les produits des routes ordinaires. C’est un double emploi, vous devez
nécessairement le défalquer.
M. de Robaulx vous a
présenté plusieurs observations que je me proposais de vous soumettre, et en
même temps il a établi que la somme que coûterait l’abaissement des péages sur
les canaux du Hainaut, d’après les renseignements fournis par les ingénieurs,
s’élèverait à 300,000 fr. Je crains que la réduction de ces péages ne coûte
davantage.
M. de Robaulx. - C’est
pour les houilles seulement.
M. d’Huart. - Soit, pour les houilles seulement ; c’est
un capital de 6 millions encore à ajouter. Voilà donc 10 millions auxquels on
n’avait pas pensé. Cette seule observation renverse tous les calculs faits pour
établir le revenu du chemin de fer.
Je sais qu’on nous dira,
en allant chercher des exemples en Angleterre, que, par ce qui est arrivé pour
la route de Liverpool à Manchester : on a l’expérience que les produits des
routes ordinaires ne diminueront pas, que ces routes continueront à être
exploitées comme auparavant. Cet exemple est inapplicable à notre pays. Ce
n’est pas ici comme en Angleterre où les communications étaient insuffisantes.
C’est parce que les routes et les canaux existants étaient encombrés, qu’on a
construit la route en fer de Liverpool à Manchester ; ils le sont même encore
tellement, qu’on devra probablement construire une nouvelle voie en fer pour
satisfaire à l’insuffisance des communications.
Je répondrai à cette
objection par un exemple pris chez nous. Depuis que le canal de Charleroy est
ouvert, les rouliers n’ont cessé d’adresser des pétitions aux chambres dans lesquelles
ils prouvent, que par l’établissement de ce canal, le roulage se trouve réduit
à presque rien, et qu’ainsi ils sont dans la détresse. Vous voyez donc que
quand il n’y a pas insuffisance de communications, celle qui ne peut pas
soutenir la concurrence doit tomber, et que celle qui transporte à moindres
frais doit évidemment l’emporter. Ne voulant pas rentrer dans le fond de la
question, je me bornerai à dire deux mots sur le discours que vient de faire un
honorable député de ma province.
M. Zoude a déploré
l’abandon dans lequel on laissait le Luxembourg ; il vous a parlé d’une
multitude de communications qui étaient sur le point de s’exécuter dans cette
province sous l’ancien gouvernement, et auxquelles on ne songeait plus ; il
vous a parlé aussi du canal de Meuse et Moselle dont les travaux sont suspendus
sans opposition de la part du gouvernement, et c’est dans ces circonstances
qu’il vote pour le chemin en fer. Je ne sais comment
concilier son vote avec ses paroles. Comment ! c’est quand le gouvernement
abandonne les travaux projetés et commencés dans le Luxembourg pour construire
une route au profit d’une localité spéciale, c’est par ce motif que vous lui
confiez des millions dont on ne peut pas calculer le chiffre !
En effet, plus nous
avançons dans la discussion, plus nous trouvons d’oublis dans le calcul des
revenus. Je dis dans les évaluations des revenus, car je tiens à ce qu’on ne se
méprenne pas sur ma pensée ; c’est plutôt pour ces évaluations, que pour celles
des travaux que j’ai de la défiance.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Messieurs, je pourrais,
à la rigueur, me dispenser de répondre aux dernières interpellations qui m’ont
été adressées, car la chambre aura remarqué qu’elles ne se rattachent pas directement
à l’objet en discussion. Il s’agit en ce moment de savoir si le gouvernement
exécutera lui-même la route, ou si cette exécution sera confiée à l’intérêt
particulier, si tant est qu’il se présente des concessionnaires : la question
de savoir si, après la construction de la route en fer, il y aura plus ou moins
d’activité sur les routes ordinaires, cette question se présentera toujours de
quelque manière que la route se fasse. Mais il y a cette différence, que si la
nouvelle communication est faite par concession, il y aura perte sur les routes
actuelles, en cas de diminution d’activité sur ces routes, sans compensation
par la route nouvelle ; tandis que si la route nouvelle est faite par l’Etat,
la perte que pourraient présenter les routes anciennes serait compensée par le
bénéfice qu’on ferait sur la nouvelle.
Je ferai remarquer on
outre que si les routes en pierre sont moins fréquentées, elles causeront moins
d’entretien, il y aura, moins de réparations à y faire. Un orateur a observé
tout à l’heure que l’entretien des routes en pierre absorbait presque tout
entiers les revenus des barrières. Ainsi il n’y aurait pas perte pour le
trésor.
Mais nous pensons, nous,
que les routes ordinaires ne seront pas moins fréquentées après l’établissement
de la route en fer qu’elles ne le sont maintenant. L’expérience a démontré que
l’établissement d’une route longeant un canal, ou d’un canal longeant une
route, ne diminue pas l’activité de l’ancienne communication. Je ne pense pas
que sur la route de Bruxelles à Anvers l’activité ait diminué par suite de
l’établissement du canal de Bruxelles à Boom.
Messieurs, on a encore
ramené la question des charbons, comme si la route en fer n’était qu’une route
de charbonnage ; nous avons cependant déjà fait remarquer que le charbon
n’était qu’un des mille intérêts auxquels la route se rattachait. Mais encore
une fois, ce n’est pas ici le moment de nous adresser des interpellations sur
ce qui pourra être fait pour donner au Hainaut les moyens de transporter ses
charbons à moins de frais. Que le chemin de fer se fasse par concession ou par
l’Etat, le charbon du Hainaut n’arrivera pas au même prix que les charbons de
Liége, en admettant les calculs de nos adversaires.
Ceci ne changera pas le
sort des charbons du Hainaut. Au contraire ; j’ai déjà démontré que si les
députés du Hainaut veulent de la route, ils doivent mieux aimer qu’elle soit
exécutée par l’Etat que par concession, attendu que, le tarif une fois accordé
au concessionnaires, ceux-ci ne pourront pas aisément le modifier dans
l’intérêt du Hainaut, tandis que si on fait une route nationale dont le péage
sera réglé chaque année par les chambres, le Hainaut pourra faire entendre ses
réclamations, et si elles sont reconnues fondées, elles seront accueillies par
la chambre, tandis qu’elles viendraient se briser contre l’intérêt privé.
M.
Jullien. - Le Hainaut fera sa route-lui-même !
M.
le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Quant au mode
d’exploitation de la route, le gouvernement, dit-on, n’a pas fait connaître ses
intentions. Messieurs, quoiqu’on en dise, le gouvernement l’a plusieurs fois
déclaré, il ne veut pas faire à lui seul et à toujours l’exploitation de la
route. Il ne veut pas non plus de monopole. Il laissera l’exploitation libre.
Seulement il se réserve de fournir d’abord les machines locomotrices ; et son
but, en fournissant les locomoteurs, est de procurer les meilleurs modèles de
machines possible et de mettre obstacle à l’exploitation coûteuse qui pourrait
s’exercer par l’intérêt privé. Si l’industrie particulière veut rouler avec ses
propres machines, le gouvernement ne s’y opposera pas. Mais il s’opposera à ce
qu’elle conquière le monopole de l’exploitation, et traite sans merci ni
miséricorde le commerce et les voyageurs.
Quand une concurrence se
sera établie et que le gouvernement se sera assuré que l’exploitation ne se
fera pas d’une manière onéreuse pour le commerce, il pourra cesser de prendre
part à l’exploitation. Le gouvernement fera ce que font beaucoup d’autres
gouvernements, ce que font
Le
gouvernement fournira donc les locomoteurs, et, s’il est nécessaire, les
chariots ou wagons ; cependant les entrepreneurs de roulage pourront se servir
de leurs propres voitures et wagons et chaque wagon, qu’il appartienne au
gouvernement ou à l’entrepreneur de roulage paiera suivant sa capacité ou sa
pesanteur et pourra prendre en charge des pierres, du charbon, du grain, voire
même des poulets, des œufs et du lait. Je dois ici rassurer ceux qui
craignaient que les œufs n’arrivassent en omelette et le lait en fromage. Tous
ceux qui ont voyagé sur des routes en fer savent qu’il n’y a pas de transport
plus doux, et que pas la moindre perturbation n’est à craindre sur toute la route.
Je bornerai la pour le moment mes observations.
M.
A. Rodenbach. - M. le président, y a-t-il quelques orateurs
inscrits contre le système de concession ?
M.
Gendebien. - Il semble que l’honorable M. Rodenbach provoque les
membres qui ne veulent pas des concessions à parler ; depuis plusieurs jours,
je les provoque également à nous répondre ; j’ai posé des chiffres, et ils ont
gardé le silence.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Je prie M. Gendebien de
répéter ses interpellations.
M. Gendebien. - C’est
abuser de la complaisance de la chambre que de répéter tant de fois la même
chose. J’ai défie le ministère et les commissaires du Roi de répondre aux
observations qui se résument ainsi : MM. de Ridder et Simons ont établi dans
leur mémoire que les houilles du Hainaut arrivaient à Anvers depuis un temps
immémorial ; j’ai dit que les marchandises partant de Verviers auraient par le
chemin de fer un avantage de plus de 60 p. c. ; j’ai dit que dans ce mémoire
les houilles n’étaient taxées qu’à moitié des autres marchandises ; j’en ai
tiré la conséquence que les houilles de Liége auraient un avantage de plus de
80 p. c. sur les transports des houilles du Hainaut et qu’elles ne pourraient
soutenir la concurrence.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier)
- J’admets tout ce que l’honorable préopinant vient de dire ; j’admets que la
route transportera à 100 p. c. meilleur marché les charbons de Liége que ceux
du Hainaut ; j’admets même que les charbons de Liége seront transportés pour
rien : qu’est-ce que cela prouve ? Est-ce à dire qu’il ne faut pas de route, ou
qu’il faut laisser ces bénéfices à l’intérêt particulier ? Est-ce que c’est
parce que la route transportera à bon compte qu’il n’en faut pas ? Ou bien
est-ce parce qu’il ne faut pas que la route transporte à bon compte qu’on veut
des concessions ? Je demande aussi qu’on réponde à ces interpellations.
M. Jullien. - Je demande
la parole pour une motion d’ordre. Je prie M. le président d’interpeller les
membres qui se proposent de parler contre les concessions : il faut que l’on
entende alternativement un orateur pour et un orateur contre ; et il ne faut
pas qu’après avoir entendu tous les orateurs en faveur des concessions, on
entende une réfutation en masse de leurs discours : ce serait la une tactique.
M. Devaux. - Je ne ferai
pas remarquer ce qu’il va de singulier à vouloir que tel membre parle à telle
heure ou à telle autre heure. Pour ma part, je n’ai pas dit sur ces concessions
tout ce que je pouvais en dire ; mais, dans une discussion quelconque, on ne
peut avoir la prétention de tout dire ; aussi je n’ai pas pris la parole dans
l’espoir que la discussion finirait ; c’est encore mon intention de ne pas
parler. Je ne demanderai pas la clôture ; je sais ce que l’on y gagne, mais je
demanderai la clôture quand on aura entendu M. Dumortier.
M. Davignon. - Je m’étais
fait inscrire pour parler contre les concessions ; mais voyant l’assemblée
disposée à avancer le terme de la discussion-, je renonce à parler ; je me
réserve toutefois de dire un mot sur la route de Verviers quand une autre
occasion s’en présentera.
M.
A. Rodenbach. - Dans une question aussi grave je ne veux pas
employer de tactique je veux de la franchise. Je ne suis pas partisan des
concessions ; toutefois je ne veux pas ruiner le Hainaut. Si quelques
honorables députés de cette contrée pensent qu’il en est parmi nous qui
voudraient la ruiner, ils sont totalement dans l’erreur : nous sommes loin de
vouloir la ruine d’une province habitée par d’excellents patriotes, et nous
adopterons toutes les propositions qui tendront à les tranquilliser.
On a beaucoup préconisé
le système des concessions ; mais cette question de la préférence qu’on doit
lui accorder est loin d’être résolue. En France on la débat dans les journaux,
et les thèses contraires sont soutenues avec une égale force des deux côtes.
L’expérience est là d’ailleurs pour montrer que le système des concessions ne
présente pas les avantages qu’on lui accorde. En Belgique est-ce que le système
des concessions a été tellement favorable qu’on doive le rechercher ? Ne
sait-on pas que les propriétaires du canal de Pommeroeul ont vendu leurs
actions avec un bénéfice de deux millions ? Ne sait-on pas que les
propriétaires du canal de Charleroy demandent un bénéfice de quatre millions ? Et
pour le construire ils ont dû emprunter dix millions au gouvernement syndicat,
d’engloutissante mémoire.
Il y a environ deux ans
que des concessionnaires se sont présentés pour exploiter par un chemin en fer
la route d’Anvers à Bruxelles ; ils demandaient 19 centimes par kilomètre et
par tonneau, et pour les marchandises susceptibles d’avarie, ils demandaient 38
centimes. Que demande le projet de la section centrale ? quatre centimes par
tonneau et par kilomètre : la différence est immense et est une réponse aux
arguments des partisans du système de concession.
Se faire concessionnaire
est un excellent moyen pour se faire millionnaire. Il est vrai que, pour
arriver à ce résultat, il faut se faire concessionnaire dans le grandiose, et s’associer avec l’aristocratie
financière. Il en est plus d’un en France qui est devenu millionnaire. Le
propriétaire du canal de Saint-Quentin a gagné plus de 13 millions. Il
s’agissait là d’une entreprise de 3 millions et d’une concession de 22 années.
Il est vrai que le propriétaire doit ce bénéfice à son talent, et que ce gain
n’entraîne pas avec lui l’odieux des gains qu’on n’obtient que par une odieuse
et brutale cupidité. Voici d’autres exemples dans le département du Nord, qui
seront plus concluants contre les concessions.
Le concessionnaire de
l’écluse d’Illy, avec une mise de fonds de 155 mille francs, a eu en douze
années un produit de 1.800,000 francs. L’écluse de Goeulzin a donné en cinq ans
et demi un bénéfice de plus d’un demi-million ; la mise de fonds était de 130,000
francs.
Les écluses de Fresne et
de Thionville, avec une mise de fonds d’environ 80,000 francs, ont aussi
rapporté aux concessionnaire, environ un demi-million pour chaque écluse, dans
un laps de 5 à 10 années.
Ces faits vous prouvent,
messieurs, que le métier de concessionnaire n’est pas mauvais, et que pour
faire doubler, tripler, quadrupler, et même quintupler ses capitaux, il faut se
faire concessionnaire.
Je sais bien que
l’entreprise par le gouvernement n’est pas sans vices ; mais nous sommes sous
un gouvernement constitutionnel, et les opérations du ministre seront
contrôlées par les chambres.
Il y aura même une
commission nommée par le Roi, et dont les membres seront pris dans les
chambres, qui sera chargée de surveiller les travaux. On adjoindra à cette
commission des hommes éclairés et surtout d’honnêtes gens, et il n’en manque
pas en Belgique : notre pays est encore celui où il y a le plus d’honnêtes gens
; aucun autre en Europe n’en pourrait présenter autant ; nous comptons, en
proportion de notre population, moins d’intrigants chez nous qu’en France ou en
Angleterre où ils pullulent ; nous sommes une nation probe, et je n’ai pas peur
qu’on dépense ici des millions sans contrôle.
Si des malversations
avaient lieu, chacun de nous pourrait les signaler et faire une proposition
pour les arrêter nous avons l’initiative des lois, et nous pouvons en faire
contre les dilapidations.
Je
crois, de plus, que le ministre, avant de s’engager dans de grandes dépenses,
aura la prudence de faire un essai sur une courte étendue, sur une longueur de
8 lieues, par exemple : l’expérience lui apprendra par cet essai ce qu’il doit
penser des évaluations des ingénieurs. Le fer, tous les matériaux qui serviront
à la confection de la route, seront mis en adjudication, ce qui sera en quelque
sorte rentrer dans le système des concessions. Je suis partisan de ce système
des concessions, mais je pense qu’une route immense, comme celle qui est en
discussion, qu’une route nationale doit être faite par la nation elle-même : on
ne peut pas aliéner des ports de mer, on ne peut pas aliéner de fleuves ; il
est des circonstances où il serait également dangereux d’aliéner des chemins de
fer.
M.
Dumortier. - Si je me lève dans cette circonstance, je ne dois
pas en avoir de reconnaissance à ceux de nos honorables adversaires qui
auraient eu quelques observations à faire contre le système de concession. Je
regrette que l’un d’eux n’ait pas cru devoir parler avant moi : si c’est une
faveur qu’il a voulu me faire, je ne saurais l’accepter ; si c’est une injure,
je la méprise.
M.
le président. - J’invite l’orateur à ne pas se servir
d’expressions désobligeantes pour ses collègues.
M.
Dumortier. - Je désirerais, pour le membre dont j’ai voulu
parler, qu’il fût aussi conséquent avec lui-même que je le suis dans mes
opinions. Il faut, en effet, que celles de M. Devaux se soient singulièrement
modifiées ; car, si j’ai bonne mémoire, il y a
deux ans qu’il insistait vivement pour que les postes fussent adjugées
par concession. Je le prierai de m’expliquer comment il peut se faire qu’il
soit aujourd’hui tout à fait en désaccord avec lui-même, et que son avis soit
diamétralement opposé à ce qu’il était alors.
Maintenant j’ai quelques
mots à répondre au ministre.
Il a dit : Mais en
supposant que la route se fît par concession, croyez-vous que le Hainaut serait
pour cela moins lésé.
Ma réponse sera facile.
Si la route est faite
par des concessionnaires, comme le but de tout concessionnaire est d’avoir
l’intérêt de son argent, le Hainaut pourra arriver en concurrence avec tout le
monde, et se trouver dans le cas de recueillir des bénéfices qui couvriront la
mise qu’il aura faite.
On a parlé, il est vrai,
d’une indemnité en faveur du Hainaut. Mais l’honorable M. d’Huart vous a
répondu tout à l’heure que si vous accordez une indemnité, elle doit venir
nécessairement augmenter la dépense du capital. Vous évaluez à 300 mille fr.
cette indemnité, c’est donc un capital de 6 millions, dont il faut augmenter
nos dépenses primitives. D’un autre côté, et je prie mes honorables collègues
d’écouter ceci attentivement ; d’un autre côté, dis-je, dans quel but
accorderez-vous une indemnité au Hainaut ? Dans l’intention, sans doute, de
rétablir l’équilibre en faveur de cette province. Mais, le jour où cet
équilibre sera rétabli, les houilles de Liége cesseront d’alimenter la province
d’Anvers, et dès lors les bénéfices sur lesquels vous comptez seront anéantis.
Ainsi, si vous maintenez votre système de péages, la ruine du Hainaut est
inévitable. Et si vous rétablissez l’équilibre actuel par une indemnité, la
route en fer, aux frais du trésor, est la ruine du trésor public. Je vous défie
de répondre à cet argument.
Je crois vous avoir
prouvé, messieurs, que pour pouvoir couvrir les dépenses de la route,
l’intérêt, l’amortissement et l’entretien, il fallait cumuler tous les
bénéfices, exploitation, péage et fermage. On n’a pas répondu à mes calculs.
Quand j’ai prouvé qu’il
était impossible au gouvernement de s’ingérer dans le transport des
marchandises, que m’a-t-on répondu ? rien ! Cependant il importe de savoir,
messieurs, comment la dépense pourra être couverte.
J’ai établi encore, et
on ne m’a pas démenti, que la route en fer d’Anvers à
Vous évaluez le
transport à 4 centimes par tonneau et par kilomètre. Or, il y en a 150 de la
frontière de Prusse à Anvers ; ainsi un tonneau coûtera 6 fr. de transport pour
parcourir toute cette route. Combien vous faudra-t-il de tonneaux pour couvrir
votre dépense ? C’est un calcul bien simple : il vous faudra 333,333 tonneaux
ou voyageurs, car l’un paie autant que l’autre ; vous évaluez un homme comme un
tonneau de marchandise. (On rit.)
Maintenant qu’il est
démontré qu’il vous faudra 333,333 tonneaux pour que la recette puisse
rapporter seulement l’intérêt de la dépense, voyons à combien se sont élevées
les expéditions même dans l’année où le commerce était dans sa plus grande
activité.
En 1829, il est sorti
d’Anvers 8,300 tonneaux ; voilà donc un déficit de 325,000 tonneaux ou
voyageurs. Ce sont des chiffres, messieurs ; je demande qu’on y réponde.
Croyez-vous qu’il soit possible de trouver à transporter 325,000 voyageurs par
an, ou environ 1,000 voyageurs par jour, d’Anvers à
Si ce que j’ai dit est
vrai pour une partie de la route, vous pouvez juger si les calculs pour les
autres embranchements sont plus exacts, et je vous laisse à penser s’il est
possible que le trésor ne soit pas grevé d’une dépense énorme, dont il ne
pourra couvrir même l’intérêt, tandis que si vous abandonnez la route à des
concessionnaires, ils pourront, eux, faire des bénéfices en les cumulant tous.
Je ne verrais même pas
d’inconvénient à ce qu’il leur fût accordé un subside de 3 ou 4 millions, car
cela vaudrait mieux que d’en dépenser peut-être 60.
Dans la discussion de ce
projet, j’ai toujours eu en vue la question financière, et je dois le dire,
sous ce rapport on vous a complètement induits en erreur. Sur toutes les routes
en fer établies jusqu’à ce jour, la moyenne du prix de transport est de 10, 12
et 15 centimes par kilomètre. Eh bien, messieurs, c’est sur 2 centimes
seulement que le gouvernement a établi ses calculs : je vous demande s’il est
croyable qu’il puisse faire pour 2 centimes, ce qui ailleurs en coûte, comme je
vous l’ai dit, 10, 12 et 15.
Voulez-vous savoir,
messieurs, comment on a établi les calculs pour les voyageurs : eh bien, c’est
absolument la même chose. D’après ces calculs, un voyageur, pour aller à Liége,
paierait 7 fr. 80 c., tandis que par les diligences ordinaires ce transport se
fait pour 5 fr. seulement.
Voilà, messieurs, sur
quelles données sont basés tous les calculs du projet, et comment on est
parvenu à vous présenter un revenu qui n’existe réellement pas.
A l’occasion des
évaluations de MM. les ingénieurs pour la dépense totale du chemin, je vais
vous citer un fait qui sera de nature à frapper vos esprits.
Sous le gouvernement
hollandais, le roi Guillaume voulut faire ouvrir un canal du Texel à Amsterdam
; on vint demander aux états généraux les fonds nécessaires pour entreprendre
ce travail.
Les députés belges, qui
siégeaient aux états-généraux, dans cette même enceinte, agissant très
sagement, répondirent : « Nous vous refusons les fonds que vous nous demandez
; si ce travail doit être fait, c’est à
Mais le roi Guillaume
tenait à voir ce canal s’effectuer : il n’y avait qu’un moyen, c’était de se
gagner des voix ; tous les moyens possibles de séduction furent mis en usage,
et on finit enfin par se créer une majorité qui adopta le projet du canal de
Ecoutez, messieurs, le
résultat de ce premier vote : Ce canal ne devait coûter que 3 millions de
florins : quelque temps plus tard, sous prétexte de ne pas avoir dépensé une
première somme en pure perte, on demanda 5 millions de florins, et est
définitive la dépense s’éleva à 14 millions de florins.
Voilà,
messieurs, quel fut le résultat de la déception et des basses manœuvres du
gouvernement hollandais. Puisse cet exemple vous servir de leçon.
Je termine par cette
déclaration : si l’on parvenait à me démontrer que la dépense du chemin de fer
peut être couverte par les recettes, et que la province de Hainaut ne sera pas
lésée, je serai le premier à donner mon vote ; mais jusque-là je ne veux pas
exposer mon pays à une ruine complète lorsqu’on a d’autres moyens entre les
mains : c’est à quoi je ne consentirai jamais.
M.
Trentesaux. - Messieurs à envisager cette discussion dans
quelques-unes de ses phrases, on pourrait envisager le projet comme tombé au
milieu de nous ainsi qu’une pomme de discorde.
On a mis en opposition
les provinces de Liége et du Hainaut, le bassin houiller du Hainaut et le
bassin houiller de Liège. J’ai l’honneur d’être le député de Tournay, et
j’aurai l’honneur de dire à la chambre que le district ni l’arrondissement de
Tournay ne possèdent de houillères ; c’est assez vous faire connaître que je
suis en position de porter un jugement neutre et conséquemment désintéressé.
Je ne sens en moi aucune
opposition contre une route en fer ; je crois au contraire que, faite en temps
opportun, après un examen sérieux et approfondi., elle pourrait être très
utile. Mais en ce moment de quoi s’agit-il : De deux modes d’exécution qu’on a
opposés l’un à l’autre : celui par concession et celui par l’Etat. Mais ces
deux modes ne peuvent-ils pas se concilier ? Ne pourrait-on pas au moins ne
prendre le dernier moyen qu’après qu’on aura essayé infructueusement le premier
?
Je suppose, messieurs,
qu’une discussion semblable eût lieu dans une assemblée de paysans (on rit), guidés par les seules lumières du
simple bon sens ; je ne doute pas qu’ils ne se disent : Adoptons le premier
moyen ; car par là nous n’exposons rien ; ne recourons qu’en dernière analyse
au moyen qui offre du danger. Or, messieurs, il y a du danger à faire exécuter
les travaux par l’Etat. Mais le ministre est persuadé que ce moyen est le seul
bon ; il en est pénétré ; il est engoué de cette idée (hilarité) ; il en est coiffé. (Hilarité
générale.)
Qui empêche donc de
tenter la voie des concessions ? Si elle ne réussit pas, vous pourrez alors la
faire exécuter par l’Etat. Le pays ne vous blâmera pas de cet excès de
prudence. Faites attention à notre crédit public. Une faute menace de le faire
déchoir. Si vous faisiez une faute, vous pourriez la payer chèrement ; et c’est
peut-être une faute que votre projet.
Je ne crois pas que
cette assemblée soit assez bornée pour repousser les concessions d’une manière
absolue. N’hésitez donc pas ; considérez que si le gouvernement ne réussit pas,
vous manquez votre but ; essayez donc avant tout de la voie des concessions,
c’est à quoi je conclus. Je voterai pour les concessions, sans rejeter
l’exécution par l’Etat si le premier moyen ne réussissait pas.
- La clôture est mise aux voix et adoptée.
M.
le président. - Je vais mettre aux voix cette question :
« Les routes en fer
portées aux projet de loi seront-elles faites par voie de concession ? »
M.
Gendebien. - Je crois qu’il conviendrait mieux de mettre aux
voix le projet du gouvernement ; la question de savoir si les routes seront
exécutées par le gouvernement. On a discuté l’autre alternative ; mais ce n’est
qu’un amendement. (Adhésion.)
M.
le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Je ne m’oppose pas à ce
que la question soit ainsi posée.
M.
le président. - J’ai dû suivre le règlement auquel je suis
obligé de me conformer, et proposer de mettre aux voix la proposition de M.
Dumortier qui vient d’être discutée. Mais puisque la chambre le juge à propos,
je vais mettre aux voix cette question : « Les routes en fer portées au
projet seront-elles faites par le gouvernement ? »
Un grand nombre de voix. - L’appel nominal.
- La chambre procède à
l’appel nominal ; en voici le résultat :
Nombre des votants, 90.
Majorité absolue, 46.
Pour l’exécution par
l’Etat, 55.
Contre, 35.
Ont voté pour
l’exécution des routes en fer par l’Etat :
MM. Bekaert, Berger,
Boucqueau de Villeraie, Brabant, Coghen, Cols, Coppieters, Davignon, de Behr,
de Laminne, A. Dellafaille, H. Dellafaille, de Longrée, de Man d’Attenrode, F.
de Mérode, W. de Mérode, de Nef, de Renesse, L. Vuylsteke, de Stembier, de
Terbecq, de Theux, Devaux, Dewitte, d’Hane, Donny, Dubois, Dugniolle, Duvivier,
Ernst, Fleussu, Hye-Hoys, Jadot, Lardinois, Lebeau, Legrelle, Liedts, Milcamps,
Morel-Danheel, Nothomb, Polfvliet, Poschet, Raikem, A. Rodenbach, C, Rodenbach,
Rogier, Schaetzen, Smits, Teichmann, Thienpont, Ullens, Vandenhove,
Vanderheyden, Verdussen, Zoude.
Ont voté contre :
MM. Angillis, Brixhe,
Dautrebande, de Brouckere, de Meer de Moorsel, de Puydt, de Robaulx, de Sécus,
Desmanet de Biesme, Desmet, d’Huart, Doignon, (Erratum au Moniteur belge n°86, du 27 mars 1834) Domis, Dubus,
Dumont, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fallon, Frison, Gendebien, Helias d’Huddeghem,
Jullien, Meeus, Olislagers, Pirson, Pollénus, Quirini, Rouppe, Seron,
Trentesaux, Vanderbelen, C. Vilain XIIII, H. Vilain XIIII, C. Vuylsteke, Watlet.
- La séance est levée à
4 heures et demie.